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samedi 21 mars 2015

Un livre/Un film : Enigme 109



Un  livre/un film

Pour ceux qui ne connaissent pas Un Livre/un film, l'énigme du samedi, je rappelle la règle du jeu.

Wens de En effeuillant le chrysanthème et moi-même, nous vous proposons, le 1er et le 3ème samedi du mois, et le 5ème pour les mois avec cinq samedis, un jeu sous forme d'énigme qui unit nos deux passions : La littérature et le cinéma! Il s'intitule : Un livre, Un film. Chez Wens vous devez trouver le film et le réalisateur, chez moi le livre et l'auteur. Eeguab ne nous relaiera pas cette année mais nous le remercions de tout le travail accompli l'année dernière.

Consignes  

Vous pouvez donner vos réponses par mail, adresse que vous trouverez dans mon profil : Qui suis-je? et  me laisser un mot dans les commentaires sans révéler la réponse pour m'avertir de votre participation. Le résultat de l'énigme et la proclamation des vainqueurs seront donnés le Dimanche.

Prochain rendez-vous

Donc rendez-vous le premier samedi du mois :  Le samedi 3 Avril

Enigme 109

Ecrit par un des plus grands écrivains américains de romans noirs, ce livre paru en 1954 est adapté au cinéma par un réalisateur français. Le titre français est très éloigné du titre américain comme du titre du film. Avec cette oeuvre, l’auteur nous fait descendre dans ce que l’on peut  appeler les bas-fonds  » de l’âme humaine. Un roman noir archi noir.

Je saute dans ma bagnole, je me mets à galoper en direction de la véranda, et, à ce moment, je la vois. Elle coule un oeil en douce par l’entrebaîllement des rideaux de la porte; l’espace d’un quart de seconde, un éclair illumine la vitre sombre, et ça la fait ressembler à un portrait dans un cadre. Ce n’est d’ailleurs pas joli-joli; question beauté, la fille n’en a pas plus que moi. Et pourtant elle m’attire. le temps de trébucher sur un défaut du ciment et de me rattraper de justesse pour ne pas ramasser un gain, je relève la tête : plus personne; les rideaux ont repris leur position normale.

vendredi 20 mars 2015

Le printemps des poètes : Poèmes pacifistes, La Chanson de Craonne et Le Déserteur


Aujourd'hui pour ce rendez-vous du printemps des poètes auquel nous vous avons invités Aifelle et moi-même, voici deux chansons insurrectionnelles très belles, très émouvantes, qui me touchent toujours énormément et toujours autant, chaque fois que je les entends.

La chanson de Craonne (Anonyme)

Poilus dans les tranchées (1914_1918)

La Chanson de Craonne (du nom de la commune de Craonne) est une chanson anonyme, chantée par des soldats en 1917. Ce texte traduit le quotidien des tranchées et les états d'âme des Poilus. Il est symptomatique de la lassitude de la guerre et a circulé après l'offensive du général Nivelle qui a envoyé les fantassins se faire tuer au "Chemin des Dames" (147 000 ont été tués et 100 000 blessés). La hiérarchie militaire avait offert un million de francs-or et la démobilisation à toute personne qui dénoncerait l'auteur de la chanson. Le général Pétain nommé en catastrophe un mois après l'offensive, en remplacement du général Nivelle disgracié, a sévèrement réprimé  les mutins car sa mission était d'endiguer l'effondrement du moral des soldats. Entre le 16 avril 1917 et le 31 janvier 1919, les Conseils de guerre ont prononcé 629 condamnations à mort dont 75 ont été exécutées, 1381 soldats ont été condamnés à de lourdes peines de prison et 1492 à des peines légères pour un total de 30 000 à 40 000 mutins. Les mutineries avaient éclaté dans 60 des 100 divisions de l'Armée française.(source)
Elle est dérivée d’une valse de 1911, Bonsoir m’amour, écrite par René Le Peltier et Charles Sablon. Une de ses versions est publiée en 1919 par Paul Vaillant-Couturier sous le titre de Chanson de Lorette (1914_15), texte maintenant connu sous le nom de La chanson de Craonne (1917), reprise par Marc Ogeret dans l'album "Chansons de Révolte et d'Espoir" en 1974.


Quand au bout d'huit jours le r'pos terminé
On va reprendre les tranchées,
Notre place est si utile
Que sans nous on prend la pile
Mais c'est bien fini, on en a assez
Personne ne veut plus marcher
Et le cœur bien gros, comm' dans un sanglot
On dit adieu aux civ'lots
Même sans tambours, même sans trompettes
On s'en va là-haut en baissant la tête

Refrain :
Adieu la vie, adieu l’amour,
Adieu toutes les femmes.
C’est bien fini, c’est pour toujours,
De cette guerre infâme.
C’est à Craonne, sur le plateau,
Qu’on doit laisser sa peau
Car nous sommes tous condamnés,
C'est nous les sacrifiés ! 

Huit jours de tranchées, huit jours de souffrance,
Pourtant on a l’espérance
Que ce soir viendra la r'lève
Que nous attendons sans trêve.
Soudain, dans la nuit et dans le silence,
On voit quelqu’un qui s’avance,
C’est un officier de chasseurs à pied,
Qui vient pour nous remplacer.
Doucement dans l’ombre, sous la pluie qui tombe,
Les petits chasseurs vont chercher leurs tombes… 

(au refrain) 

C’est malheureux d’voir sur les grands boul’vards
Tous ces gros qui font leur foire ;
Si pour eux la vie est rose,
Pour nous c’est pas la mêm’ chose.

Au lieu de s’cacher, tous ces embusqués,
F’raient mieux d’monter aux tranchées
Pour défendr’ leurs biens, car nous n’avons rien,
Nous autr’s, les pauvr’s purotins.
Tous les camarades sont enterrés là,
Pour défendr’ les biens de ces messieurs-là. 

(au refrain)

Ceux qu’ont l’pognon, ceux-là r’viendront,
Car c’est pour eux qu’on crève.
Mais c’est fini, car les troufions
Vont tous se mettre en grève.
Ce s’ra votre tour, messieurs les gros,
De monter sur l’plateau,
Car si vous voulez faire la guerre,
Payez-la de votre peau ! 

La chanson de Craonne par Marc Ogeret

Vous pouvez aussi écouter un enregistrement de la chanson par une classe de CM2 d'une école de Dieppe.

 Le Déserteur Boris Vian



Monsieur le Président je vous fais une lettre
Que vous lirez peut-être
Si vous avez le temps
Je viens de recevoir
Mes papiers militaires
Pour partir à la guerre
Avant mercredi soir
Monsieur le Président
je ne veux pas la faire
je ne suis pas sur terre
Pour tuer des pauvres gens
C’est pas pour vous fâcher
Il faut que je vous dise
Ma décision est prise
je m’en vais déserter
Depuis que je suis né
J’ai vu mourir mon père
J’ai vu partir mes frères
Et pleurer mes enfants
Ma mère a tant souffert
Qu’elle est dedans sa tombe
Et se moque des bombes
Et se moque des vers
Quand j’étais prisonnier
On m’a volé ma femme
On m’a volé mon âme
Et tout mon cher passé
Demain de bon matin
Je fermerai ma porte
Au nez des années mortes
J’irai sur les chemins
Je mendierai ma vie
Sur les routes de France
De Bretagne en Provence
Et je dirai aux gens
Refusez d’obéir
Refusez de la faire
N’allez pas à la guerre
Refusez de partir
S’il faut donner son sang
Allez donner le vôtre
Vous êtes bon apôtre
Monsieur le Président
Si vous me poursuivez
Prévenez vos gendarmes
Que je n’aurai pas d’armes
Et qu’ils pourront tirer.
Boris Vian (1920 - 1959)


 Le déserteur Renaud



 Et une autre version du déserteur façon Renaud


mercredi 18 mars 2015

La poésie du Jeudi : Cézaire le poète de la négritude


Le printemps des poètes célèbre cette année la poésie insurectionnelle. Pour le rendez vous du jeudi avec Asphodèle, j'ai donc choisi quelques courts extraits de Retour au pays natal de Cézaire. Le poète initiateur avec Senghor de la négritude chante sa révolte pour redonner aux noirs la conscience de leur valeur et de leur dignité et la fierté de leurs racines africaines. Mais le poète épouse toutes les injustices.
Aimé Césaire (1913-2008)

Des mots?quand nous manions des quartiers de monde, quand nous épousons des continents en délire, quand nous forçons de fumantes portes, des mots, ah oui, des mots ! mais des mots de sang frais, des mots qui sont des raz-de-marée et des érésipèles et des paludismes et des laves et des feux de brousse, et des flambées de chair, et des flambées de villes.


Masque africain un peuple d'Afrique centrale et australe, les Tchokwés
Masque africain


Partir. 

Comme il y a des hommes-hyènes et des hommes-
panthères, je serais un homme-juif
un homme-cafre
un homme-hindou-de-Calcutta
un homme-de-Harlem-qui-ne-vote-pas

l'homme-famine, l'homme-insulte, l'homme-torture
on pouvait à n'importe quel moment le saisir le rouer
de coups, le tuer - parfaitement le tuer - sans avoir
de compte à rendre à personne sans avoir d'excuses à présenter à personne
un homme-juif
un homme-pogrom
un chiot
un mendigot

mais est-ce qu'on tue le Remords, beau comme la
face de stupeur d'une dame anglaise qui trouverait
dans sa soupière un crâne de Hottentot?
 


Un autre Rendez-vous pour le printemps des poètes Demain Vendredi 20 Mars 
Avec Aifelle, Ariane, Asphodèle, Claudialucia, Colo, Dominique, Enitram, Martine Litter'auteurs, Marylin, Miriam, Moglug, Ptit lapin, Somaja, Une comète...


 

Glaz numéro 6 magazine numérique collectif : Les Iles


Le Numéro 6 du magazine numérique collectif de Gwenaelle vient de sortir. Je vous invite à aller le voir. Sur le thème Les Iles, il fait la part belle aux îles bretonnes à travers la vision d'artistes, peintre, photographe, écrivain... mais aussi à l'île de Ré en images, à Cuba à travers le grand écrivain Léonardo Padura,  au voyage intérieur de Jean Grenier, à la poésie via Les Iles de Calaferte et bien d'autres...

Edito

Concerto de Yves-Marie Péron

 Dans la littérature, l’île est synonyme de mystère, de solitude et de dépaysement. Habitée par d’étranges créatures, recelant en son cœur un trésor, ou bien exposant l’imprudent qui s’y est échoué à d’infinis dangers, elle représente ce bout de terre où tout s’arrête et où tout recommence. Elle est, sur les cartes, cette pastille verte cernée d’eau qui oblige l’humain à se con- fronter à lui-même et à l’oubli des siens. Elle est cet espace entre ciel et mer où les cœurs vont se perdre et les esprits se ressourcer. Elle est la nature loin de toute humanité. Havre de paix ou prison exotique, l’île n’en finit pas de nourrir notre imagination et de recueillir en ses grottes profondes nos rêves les plus fous. En ces temps incertains, nous avons sans doute besoin d’une île bien à nous où nous réfugier, nous abriter, nous cacher. Alors embarquez avec nous pour ce voyage vers des îles réelles et des îles rêvées. Un voyage baigné de couleurs océanes et de grand vent, qui pour un temps, vous fera oublier la grisaille quotidienne, le printemps qui tarde et l’incertain demain.

Gwenaëlle Péron

Table des matières

Entre immuable et éphémère 4
Souvenirs de l’île d’Yeu 8
Les îles, de Jean Grenier 13
Sur les chemins et les grèves de l’île de Sein 14
L’île du Point Némo 20
Dans l’île de Ré... 21
Louis Calaferte 26
Léonardo Padura 30
Cuba au fil des romans de Léonardo Padura 31
 Les Nouvelles 36
Le Bel Air 37
 Troisième caillou après Neptune 41

Quelques images...

Marie Boiseaubert peindre" lesdétails, l'invisible, ce qui est craquelé, fissuré, abimé... les empreintes, les traces
Marie Boiseaubert

A la recherche de paysages rudes et arides en Finistère, je suis arrivée sur l’Ile de Sein en octobre 2013.
Depuis la fin de mes études de peinture, je recherche comme source d’inspiration non pas de grands paysages harmonieux et colorés, mais plutôt ce qui est moins évident, comme la multitudes d’éléments se trouvant au sol, les détails, l’invisible, ce qui est craquelé, fissuré, abimé, fatigué, le désordre, l’abandonné, les empreintes, les traces, les empilements de choses oubliées.


Impossible Silence Yves-Marie Péron, peintre contemporain
Impossible Silence Yves-Marie Péron
L’île comme source inépuisable d’inspiration... C’est ainsi que Ouessant, l’île du début du monde, a pris une place prépondérante dans la vie d’Yves-Marie Péron, peintre contemporain dont toute l’œuvre est marquée par la mer et son environnement changeant. 


L'ïle de Ré  de Marc Dompnier
 
Je m’appelle Marc Dompnier, je suis un Haut-Pyrénéen de 36 ans qui s’est mis à la photographie peu après la naissance de son 1er fils, en 2010. Parce que c’est devenu une passion, j’ai créé un photoblog, La Coquille du Bigorneau, sur lequel j’ai posté une photo par jour pendant 3 ans et demi. Ce “travail” m’a permis de m’investir et de progresser dans cette discipline. Ces photos ont été prises lors d’une semaine de vacances en famille, à la Toussaint 2012, à l'île de Ré.

VOIR GLAZ :

lundi 16 mars 2015

Jean-Bernard Pouy : S63 au musée des Confluences à Lyon




Jean-Bernard Pouy
Jean-Bernard Pouy est né à Paris en 1946. Après un DEA en histoire de l’art sur le cinéma, il devient animateur socioculturel dans un lycée de la banlieue parisienne. Son premier roman, Spinoza encule Hegel (1977), donne le ton. Libertaire, incisif, il est l’auteur de nombreux polars : il est connu notamment pour avoir imaginé le personnage du Poulpe (Gabriel Lecouvreur) aux éditions Baleine dont il est l’un des fondateurs. Adepte de l’Oulipo, et notamment de Queneau, il applique à la plupart de ses textes une contrainte formelle : il utilise des incipits de roman pour les attaques de chapitre, le cadavre exquis pour La Vie duraille avec Daniel Pennac et Patrick Raynal. Il a obtenu en 2008 le Grand Prix de l’humour noir pour l’ensemble de son œuvre. Depuis 2006, il est également directeur de collection de Suite noire aux éditions La Branche. Il s’est gagné un cercle d’admirateurs qui le surnomment affectueusement « Jibé » et se régalent de son style caustique. (source)

Le musée des Confluences Lyon
Raconter l’homme, c’est l’objectif de la collection Récits d’objets édité par Le musée des Confluences de Lyon.
Le principe : inviter un écrivain à faire d’un objet du musée le cœur d’une fiction. Un téléphone, un rare châle de soie de mer, un fossile et un fragment de météorite sont les premiers objets choisis par Jean-Bernard Pouy, Emmanuelle Pagano, Philippe Forest et Valérie Rouzeau.
Cette collection est enrichie d’une offre numérique. Le lecteur peut visualiser l’objet en réalité augmenté, visionner un entretien avec l’écrivain et partager ses impressions sur le réseau social Libfly. (source)

Le téléphone S63

Le Socotel S63 tient son nom de SO.CO.TEL, Société des Constructeurs de Téléphone, et de sa date de conception, 1963.
Le Socotel S63

L'objet choisi par Jean-Bernard Pouy dans S63 raconte donc l'histoire d'un objet peu banal dans ce siècle de vénération des smartphones! Il s'agit d'un téléphone des années 1963 ! Autrement dit une antiquité !
Jean-Bernard Pouy imagine qu'il découvre, dans une brocante, une vieille toile sans valeur qui se révèle être un tableau du XVIII siècle. A qui attribuer l'oeuvre? Qui a-t-il sous la tache de peinture qui semble être un rajout? Ce sont des questions que le narrateur va être obligé de se poser tout en refusant les spéculations sur la valeur du tableau. Après avoir gratté la couche, quelle ne va pas être sa stupéfaction en découvrant sur cette toile authentique le dessin d'un téléphone, le S63 : tout en plastique, plus quelques éléments en métal et des composants numériques. Un kilo 480. Haut de 13cm. 27Cm de long sur 26cm de large.

Un ton Oulipo

L'enquête prend alors un ton farfelu qui convient très bien à un membre d'Oulipo !
Ou bien j'étais tombé par hasard sur une faille temporelle, ce qui était quand même probable, ou bien j'étais encore plus zinzin qu'avant. 
Il faut dire que le mystère est obsédant et qu'il va encore se compliquer voire se densifier avec des apparitions aussi saugrenues que celle d'un hélicoptère ou d'un autobus. Et quand le S63 se met à sonner, avouez qu'il y de quoi en perdre la boule !

J'aime l'humour de Jean-Bernard Pouy. Sa détestation des brocantes et des vide-grenier, par exemple : l'un des musts dominicaux … un peu partout dans l'HexagoneSe promener entre des tas de saletés invendables, des machines à coudre du XVème siècle et des cafetières en émail toutes pourries peut devenir une torture et rendre méchant, très méchant. Pour ne pas sombrer il faut avoir deux techniques : espérer ou Il faut décider à l'avance de dénicher le bien, l'objet, le bibelot le plus nul et le plus bête, voire le plus laid.
Que ceux qui ne sentent pas viser lèvent le doigt!

Une réflexion sur l'Art

 J'ai aimé aussi la part faite à une réflexion sur l'art.

 
Edouard Manet :  L'Asperge (1880) au musée d'Orsay
L'Asperge de Manet
Chardin : La raie musée du Louvre 1728
La raie de Chardin

Intéressant ses délires interprétatifs : j'avais toujours trouvé que l'Asperge de Manet était un pénis coupé au repos, en train de pourrir, et que la raie de Chardin était une mise en scène de symboles et de métaphores figurant le sexe féminin...

et passionnantes ses divagations sur l'art à la suite de ces visions d 'objets pour le moins inattendus là où ils ne devraient pas être!

Retable d'Issenheim de Grünewald musée de Unterlinden de Colmar
Grünewald Rétable d'Issenheim - source
 
Et si l'art n'était qu'une pulsion de Mort? s'interroge-t-il, à propos du rétable d'Issenheim de Grunenwald, de La mort de Sardanapale de Delacroix en passant par le Saturne de Goya ou les tableaux de Jérôme Bosch? Une conclusion qui nous entraîne dans une visite de Beaubourg sur les traces de la Mort, le seul sujet non coupable de par son inattaquable réalité. De belles pages sur l'Art!

Requiem pour une feuille morte de Tinguely musée d'art moderne de Beaubourg
Requiem pour une feuille morte de Tinguely

Dès l'entrée du musée d'art moderne de Beaubourg, il y a une oeuvre de Tinguely, gigantesque, noirâtre et vaguement menaçante, mécanique mentale qui n'inquiète pas vraiment en soi, le jeu et la complexité ludique des rouages pouvant éloigner un moment de l'idée de l'inexorable, quoique, mais qui est là volontairement ou non pour donner le ton. Et même si l'on ne voit pas immédiatement quelque chose de mortuaire, c'est en lisant le titre, Requiem pour une feuille morte, que l'on se trouve déjà préparé au message dominant : on va entrer dans le côté obscur de la force de création. Les forces infernales vous tendent les bras. Comme Dante guidé par Virgile, on pénètre dans une sorte d'Enfer. "Lasciate ogni speranza voi ch'entrate...  Abandonnez, vous qui entrez, toute espérance."



Et Ben, avec sa toile Mourir c'est facile, qui abruptement nous avertit qu'il est plus aisé de rendre compte, artistiquement, de cette évidence qu'est la mort que de toute autre chose, nous préparant à Container Zéro, la chambre froide de morgue médicolégale de Raynaud, carrelage glacial, lavé incessamment au formol, où reste encore une once de respiration, comme des artères cardiaques emplies du sang bien rouge de la vie.

Raynaud : Container Zéro au musée d'art moderne de Beaubourg
Raynaud : Container Zéro


 Baignant littéralement dans le cadavre et le cadavérique, on peut alors admirer d'un tout autre oeil la Mariée de Niki de Saint Phalle, immense fantôme grisâtre, corps ayant dépassé l'état même de pourrissement pour rejoindre celui de momie, comme chez les moines des capucins à Palerme.

Mariée de Niki de Saint Phalle au musée d'art moderne de beaubourg
Mariée de Niki de Saint Phalle

Mariée de Niki de Saint Phalle (détail)

Et voilà où nous mène un vieux téléphone S63 exposé au musée des Confluences à Lyon!


Merci à Margotte pour ce livre voyageur. Vous pouvez lire son billet ICI

dimanche 15 mars 2015

Eowyn Ivey : La fille de l'hiver

La fille de l'hiver de Eowyn Ivey dans  la collection 10/18



J’ai écrit il y a quelques jours un billet sur le conte russe : La fille des neiges et voici maintenant un roman de Eowin Ivey intitulé la fille de l’hiver qui reprend ce conte et le transplante dans un autre pays de neige et de froid, l’Alaska!



Un couple, Mabel et Jack s’installent en Alaska pour oublier la mort de leur bébé et le fait qu’ils n’ont jamais pu avoir d’autres enfants! Ils sont déjà âgés et l’adaptation à ce pays est difficile. Pour échapper à la pesanteur de leur vie hivernale, ils façonnent une petite fille des neiges. Quelques jours après paraît une fillette étrange, suivie d’un renard roux. Peu à peu, elle prend l’habitude de leur rendre visite mais, toujours insaisissable, repart dans les montagnes enneigées et disparaît complètement au printemps. Mabel qui connaît bien le conte se demande s’ils sont tous deux devenus fous? Sont-ils victimes d’une illusion?



J’avais quelques doutes sur ce sujet que je jugeais difficile. Si l’enfant existe, en effet, nous sommes en plein conte, ce qui ne va avec la narration réaliste du roman. Si, au contraire, l’explication est terre à terre, on peut dire adieu à la poésie du conte!

j’avais tort de m’inquiéter car Eowyn Ivey, évite très bien le piège. Tout en maintenant l’intérêt du roman, elle sait nous tenir à mi-chemin entre poésie, conte féérique, et réalité, un dosage plein de finesse qui nous dispense de nous préoccuper de la vraisemblance de l’histoire, tout en nous permettant d’y adhérer fortement.

 La fille des neiges tableau de Виктор Михайлович Васнецов
Sniegourotchka : de Viktor Vanestov

 Jack avait sculpté ses lèvres et ses yeux. Mabel lui avait donné des moufles et coloré la bouche en rouge. Cette nuit-là une enfant leur était née, d'une poignée de glace et de neige, et de beaucoup amour.
Que s'était-il passé dans ces ténèbres glaciales, lorsque le givre avait auréolé les cheveux de paille et que la neige s'était changée en chair et en os?

On est pris par cette écriture à la fois délicate et forte, qui sait allier la beauté de la description des paysages, le mot juste pour décrire le spectacle magique de la nature, à la rudesse de la vie dans ce pays. Cultiver une terre y devient un combat,  la chasse est ici une question de survie... La nuit paraît une éternité, on se replie dans la solitude et le froid atteint des paroxysmes. Et quand la nourriture manque, quand le découragement gagne, la vie ne tient alors qu’à un fil, loin de la civilisation, du confort ou du secours d’un médecin. Heureusement il y a la solidarité et l’amitié d’une autre famille de fermiers et puis, bien sûr, la présence de Faïna, cette petite fille des neiges, enfant magique, qui va donner et recevoir infiniment d'amour.



Un très joli livre, plein de poésie et de finesse mais aussi de cruauté car les contes pour enfants ne sont jamais très gais!

Je remercie L'or rouge de me l'avoir fait découvrir...



Extraits : un moment très fort, quand Mabel en proie à des idées suicidaires, s'aventure sur la glace de la rivière insuffisamment formée :


Au milieu du chenal, alors que la falaise n'était plus qu'à un jet de pierre, l'eau se mit à gronder sous la croûte de glace qui s'enfonçait légèrement. Elle baissa les yeux et ce qu'elle vit la terrifia. Ni bulles, ni craquelure. Seulement un abîme ténébreux, comme si elle se tenait en surplomb d'un ciel nocturne. Elle fit un pas vers la falaise. Il se produisit un craquement sonore, le bruit d'un bouchon de champagne qui saute. Mabel écarta les jambes. Ses genoux tremblaient. La glace allait céder.

vendredi 13 mars 2015

Les plumes d'Asphodèle : J'avais rêvé pour toi...


Jane Perkins d'après la photographie de Steve McCurry source



J’avais rêvé pour toi, petite fille,

D’un printemps vaporeux, à la plume légère

De chaleur, d’édredon, de douceur, de paresse

J’avais rêvé pour toi, petite fille,

L’urgence de la liberté, l’insouciance

du sommeil, la Renaissance de l’air,

L’ubac ensoleillé ou toute fleur éclôt.

J’avais rêvé

la virevolte, la sarabande des idées,

de la beauté et des images,

La cigogne argentée qui revient et qui passe

et repasse, frôlant de ses ailes élancées

l’univers de tes joies, de l'amour, la tendresse

 Mais je n’avais pas vu, Pythonisse aveugle,
 
Que tu déserterais l'eau claire de ta vie,

Fille-Femme au regard de verre
 
Bernard-l’hermite de tes peines,
 
au plus profond de ta caverne-coquillage 
 
Tu te caches, 
 
Là ou aucun printemps ne viendra t'éveiller.




Steve Mc Curry



 

Les Plumes d'Asphodèle : les mots à placer étaient aujourd'hui  : Douceur, printemps, déserter, sommeil, chaleur, renaissance, air, bernard-l’hermite, édredon, paresse, plume, aile, volupté, insouciance, liberté, vaporeux, virevolter, cigogne, nuisette, ubac, univers, urgence. 






Le printemps des poètes : Rendez-vous pour une poésie insurrectionnelle




A l'occasion du Printemps des poètes qui a lieu du 7 au 22 Mars 2015, Aifelle et moi-même, claudialucia, nous vous proposons un rendez-vous poétique pour le vendredi 20 Mars. Il s'agit de publier un poème au choix sur le thème de l'insurrection poétique.

L'insurrection poétique.

Les dessins et écrits du mur de Berlin dans l'exposition Mémoire d'un art perdu
Berlin  : mémoire d'un mur perdu source

Voilà la définition de la poésie insurectionnelle :

"La poésie peut encore sauver le monde en transformant la conscience" Lawrence Ferlinghetti
 
Fait de langue, la poésie est aussi, et peut-être d'abord, « une manière d'être, d'habiter, de s'habiter » comme le disait Georges Perros.
Parole levée, vent debout ou chant intérieur, elle manifeste dans la cité une objection radicale et obstinée à tout ce qui diminue l'homme, elle oppose aux vains prestiges du paraître, de l'avoir et du pouvoir, le voeu d'une vie intense et insoumise. Elle est une insurrection de la conscience contre tout ce qui enjoint, simplifie, limite et décourage. Même rebelle, son principe, disait Julien Gracq, est le  «sentiment du oui ». Elle invite à prendre feu.

Jean-Pierre Siméon, directeur artistique du Printemps des Poètes



L’œuvre des poètes suivants illustre, chacune à sa manière notre propos : celle des poètes dadaïstes et surréalistes, celle des poètes du Grand Jeu, de la Résistance, de la négritude ou de la Beat Génération... On peut citer encore pour exemple des poètes comme Vladimir Maïakovski, Marina Tsvetaïeva, Antonin Artaud, Nazim Hikmet, Ingrid Jonker, Charlotte Delbo, Yannis Ritsos, et plus récemment André Benedetto, Armand Gatti, Jean-Pierre Verheggen ou Taslima Nasreen...

En outre, le 17e Printemps des Poètes mettra en avant l'œuvre de Luc Bérimont, qui fait l’objet d’un hommage dans le cadre des célébrations nationales de 2015 à l'occasion du centenaire de sa naissance, ainsi que celle des poètes de l'Ecole de Rochefort.


Mais vous avez la liberté, bien sûr, de choisir des titres en dehors de cette liste établie. Poésies, chansons de poètes de l'antiquité à nos jours, tout est permis!

Les participantes  (mais la liste n'est pas close) :
Aifelle, Ariane, Asphodèle, Claudialucia, Colo, Dominique, Enitram, Martine Litter'auteurs, Marylin, Miriam, Moglug, Ptit lapin, Somaja, Une comète...



mercredi 11 mars 2015

Aurélia Frey et Emmelene Landon : Apnée

Photographie Aurélia Frey dans Apnée publiée aux Editions nonpareilles

Apnée est le titre du livre de photographies de Aurélia Frey paru aux éditions Nonpareilles  accompagnées d'un texte de Emmelene Landon.

Apnée  photographies de de Aurélia Frey et texte de  Emmelene Landon


Emmelene Landon portrait de Gaizka Iroz

Emmelene Landon

Née en Australie en 1963, Emmelene Landon a fait l’Ecole des beaux-arts de Paris. Auteur de trois films, elle a réalisé un tour du monde sur des cargos. Ecrivain, elle est aussi peintre et productrice de radio. Elle a publié trois livres : Le Tour du monde en porte-conteneurs (Gallimard, 2003), Susanne (Léo Scheer, 2006) et Le Voyage à Vladivostok (Léo Scheer, 2007).
Chez Actes Sud, elle a publié : La tache aveugle, Portrait(s) de George

Le titre du livre, Apnée, Emmelene Landon l'explique ainsi  : Aurélia et moi nous baladons sur l’île de Ratonneau, en pleine lumière, à chaque pas des papillons jaunes surgissent des buissons. La blondeur d’Aurélia reflète le soleil. Nous ne nous sommes pas vues depuis un an, peut-être deux. Nous nous retrouvons sur cette île, dans l’empreinte laissée par ses photos, comme quand on ferme les yeux après avoir regardé le soleil. Une tache. Comment mémoriser une tache? Comment décrire un éblouissement? Comment garder l’empreinte d’un éblouissement ?
(On arrête de respirer.)
 


Aurélia Frey
Aurélia Frey portrait Guillemette Minisclou

 Aurélia Frey Née en 1977, Aurélia Frey se distingue rapidement dans le domaine photographique. Diplômée de l'Ecole Nationale Supérieure de la Photographie d'Arles et membre de la section artistique de la Casa Velázquez, Académie de France à Madrid, elle parcourt le monde afin de saisir l'humain dans son quotidien et toute son individualité. En 2007, Aurélia Frey effectue un voyage itinérant de six mois au Pérou, en Equateur et en Bolivie sur les traces du Qhapac Nan, le chemin des messagers incas. Grande lectrice, ses images dialoguent fort souvent avec “La Chose littéraire”.  Elle expose régulièrement en France et à l’étranger. 
C'est lors d'un séjour à Issoudun sur les traces de George Sand qu'elle réalise entre Indre et Creuse les images qui ont donné lieu à une exposition à Issoudun et à Bordeaux puis à ce livre Apnée.





Photographie Aurélia Frey : l'escalier paru aux éditions Nonpareilles texte Emmellene Landon
Photographie Aurélia Frey

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