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vendredi 29 juin 2012

A la maison de Victor Hugo : Les arcs-en-ciel du Noir, une belle exposition



Victor Hugo Burg dans l'orage (1837)

Lors de notre séjour à Paris, nous étions logés dans le Marais, pas très loin de la Place des Vosges. Aussi une heure après notre arrivée nous étions déjà chez Victor Hugo!

Victor Hugo s'installa au deuxième étage de  l'hôtel de Rohan-Guéménée, place des Vosges, quand il avait trente ans avec sa femme Adèle Foucher et ses quatre enfants. Il est célèbre, la bataille d'Hernani a déjà eu lieu; Chef de file du Romantisme, il est adulé et admiré par tous ses disciples! C'est dans cette  maison qu'il reçoit tous les grands noms du Romantisme. Il y resta pendant seize ans. Le musée a été ouvert dans ces lieux en 1902 à la suite d'un legs important de Paul Meurice à La ville de Paris. 

A côté de la visite de l'appartement nous avons pu voir une passionnante exposition intitulée : Les arcs-en -ciel du Noir.

 Victor Hugo : les trois arbres (1856)

Annie lebrun, commissaire de l'exposition écrit : A plusieurs reprises on s'est intéressé aux jeux d'ombres et de lumière chez Victor Hugo comme à son activité graphique indissociable du noir de l'encre. Mais sans doute n'a-t-on pas mesuré quelle puissance génératrice a chez lui l'obscur qui semble l'équivalent d'une matière noire, tout aussi déterminante dans son oeuvre littéraire que dans son oeuvre graphique.

 L'encre, cette noirceur d'où sort un lumière (Dernière gerbe Tas de Pierres) écrivait Victor Hugo en 1856 .

L'exposition s'appuie sur des document variés, des premiers romans de  Hugo aux dernières oeuvres, sur des manuscrits, des lettres,  des tableaux, lavis, gravures, lithographies, plus 80 dessins de Hugo dont certains jamais exposés,  sur des objets, les illustrations de ses livres...  Elle montre l'engagement progressif de Victor Hugo dans cette "matière", le noir, qui est bien plus qu'une approche esthétique et dont il explore toutes les possibilités; puis cette avancée dans les ténèbres jusqu'au moment où le noir devient intériorisation, volonté affirmée, impossibilité d'autre chose :
L'homme qui ne médite pas vit dans l'aveuglement, l'homme qui médite vit dans l'obscurité. Nous n'avons que le choix du noir"   écrit-il dans William Shakespeare (1864).

Et cela jusqu'à l'éblouissement : Ce don de l'homme de mettre le feu à l'inconnu

Un petit livret accompagne l'exposition, collecte toutes les citations de Victor Hugo, recensant toutes les oeuvres qui sont exposées et complète agréablement cette remarquable exposition.

MAISON DE VICTOR HUGO
 6, place des Vosges-75004 Paris
Les Arcs-en-ciel du Noir  : du 15 Mars au 19 août
Métro : Saint-Paul (1), Bastille (1, 5, 8), Chemin-Vert (8) Bus : 20, 29, 65, 69, 96 Vélib : 27 boulevard Beaumarchais, 26 rue Saint-Gilles, 36 rue de Sévigné
Tél. : 01 42 72 10 16
Horaires
Ouvert tous les jours sauf lundis et jours fériés de 10 à 18h jusqu'au 19 août
Tarifs
PT : 5 € TR : 3,5 € T jeunes (-27 ans) : 2,5€





jeudi 28 juin 2012

Leonardo Padura : Les brumes du Passé (Citation)



Miro Argenter Jose : Cronicas de la guerra de Cuba (1911)

Un des livres qui compose la bibliothèque idéale des Montes de Oca dans le roman



Dans Les brumes du passé, Cristobal, le vieux bibliothécaire qui a fait découvrir à Mario Condé l'amour de la lecture  part à la retraite dans un pays, Cuba, qui est en crise. Inquiet pour le sort de la bibliothèque après son départ, il se confie à Mario : 

Chacun des livres qui sont là derrière (il indique le magasin du fond) a son âme, sa vie, il a une part de l'âme et de la vie des gamins, qui, comme toi, sont passés par cette bibliothèque et les ont lus au cours de ces trente années. J'ai classé chacun de ces livres, je les ai rangés à leur place, je les ai  nettoyés, recousus, collés, quand c'était nécessaire. Mon petit Conde, j'ai vu beaucoup de folies durant ma vie. Que va-t-il leur arriver?
 Chaque livre, n'importe lequel est irremplaçable, chacun a un mot, une phrase, une idée qui attend son lecteur.

mercredi 27 juin 2012

Un bonheur insoutenable d'Ira Levin/ La nuit des enfants rois de Bernard Lenteric



Un bonheur insoutenable  d'Ira Levin

Vous l'avez remarqué ou non? Je ne suis pas très courageuse en ce moment ni pour écrire, ni pour venir vous voir! J'ai pourtant de nombreux livres, des spectacles et des expositions à commenter.  Alors, je vais essayer de faire un effort en commençant par un court billet sur deux livres voyageurs que  Jeneen m'a envoyés.

Un bonheur insoutenable est un roman de fiction qui montre le Futur d'un monde qui paraît bien être le nôtre où une forme autocratique de gouvernement maintient les habitants sous domination, les empêchant de vivre comme des êtres humains, les privant sans qu'ils le sachent de leur liberté. Une dystopie, en quelque sorte

Définition de Wikipédia
Une dystopie — ou contre-utopie — est un récit de fiction peignant une société imaginaire organisée de telle façon qu'elle empêche ses membres d'atteindre le bonheur et contre l'avènement de laquelle l'auteur entend mettre en garde le lecteur. La dystopie s'oppose à l'utopie : au lieu de présenter un monde parfait, la dystopie en propose un des pires qui soient. La différence entre dystopie et utopie tient moins au contenu (car, après examen, nombre d'utopies positives peuvent se révéler effrayantes) qu'à la forme littéraire et à l'intention de son auteur.)

Dans ce monde, les hommes sont gouvernés par un ordinateur géant UniOrd qui surveille non seulement leurs déplacements mais aussi leurs pensées, qui leur administre des calmants à la moindre angoisse  pour les rendre dociles et qui programme leur avenir sans qu'ils aient seulement l'idée de pouvoir choisir. Ils tous les mêmes prénoms,  au nombre de trois suivis d'un numéro. Rien ne les différencie les uns des autres sauf quelques "anormaux" comme LI RM35M4419 qui a les yeux vairons. Et pourtant, malgré cela, il existe des "incurables" qui  résistent et cherchent à s'enfuir sur des îles qui ne sont pas sous la domination d'UniOrd. LI que son grand père a nommé Copeau est de ceux-là! le vieil homme est peu bizarre, pas encore bien programmé comme tous les ancêtres. C'est lui qui a aidé  a construire l'ordinateur et il révèle certains secrets à Copeau...
Vous allez me dire que le récit, écrit en 1970, n'est pas nouveau après Le Meilleur des Mondes d'Aldous Huxley, le 1984 de George Orwell, le Fahrenheit 451 de Ray Bradbury, la Planète des singes de Pierre Boulle.... Et pourtant, il est traité de manière originale. Il parle de la liberté humaine, bien sûr, mais pas seulement dans un monde comme celui d'UniOrd. Quand Copeau choisit "la liberté" il trouve une société où les ouvriers, au bas de l'échelle, font les travaux les plus durs pour des salaires de misère qui assurent à peine leur survie.  Il pose aussi un autre problème bien d'actualité. Qu'advient-il d'un peuple soumis à la dictature pendant de longues années? La démocratie va-t-elle de soi? Un autre dictature ne risque-t-elle pas de remplacer la précédente?
Un bon livre que j'ai lu avec plaisir.


La nuit des enfants rois de Bernard Lenteric

La nuit des enfants rois est un thriller fantastique qui se passe aux Etats-Unis et en particulier à New York. Jimbo Farrar est scientifique surdoué qui a inventé un ordinateur d'une puissance et d'une complexité énormes qui lui permet de découvrir, à travers le pays, des enfants d'une intelligence prodigieuse. Lorsque ceux-ci deviennent adolescents, fasciné par leur génie, il les fait venir à New York avec  d'autres surdoués pour suivre des cours dans une école réservée à des individus hors du commun. Les sept qui se reconnaissent entre eux décident de se donner rendez-vous dans Central Park la nuit. Là, ils sont sauvagement agressés et violés. Désormais, animés par la haine, ils vont mettre leurs dons exceptionnels au service du Mal. Jimbo Farrar parviendra-t-il à les contrôler ou est-il au contraire un de leurs complices?

Le récit est  très bien mené et les agissements des enfants sont d'une surprenante intelligence; le suspense très habile nous maintient dans l'incertitude presque jusqu'au bout. Un roman à lire si vous aimez avoir peur! .

Merci Jeeneen!

mardi 26 juin 2012

Au fil des blogs, au fil des rencontres


La maison IV de chiffre, édifiée en 1493


Cette année serait-elle celle des rencontres avec nos amies blogueuses? Wens (En effeuillant le chrysanthème) et moi avons fait deux agréables rencontres.


Pendant notre séjour à Paris, début Juin, nous avons fait la connaissance de Miriam (carnets de voyages). Nous avons vu ensemble la belle exposition sur Cima da Conigliano, un peintre vénitien de la fin du XV siècle. Nous nous  sommes promenés dans les allées du jardin du Luxembourg  puis avons parlé voyages et littérature dans un café. Nul doute qu'elle viendra nous rendre visite à Avignon! N'est-ce pas Miriam?)

Lundi 25, c'est Aifelle ( Le goût des livres) qui était sur Avignon avec son amie Michèle. Elle est installée au pied du Luberon et visite la région assidûment! Je suis sûre que vous verrez des photographies du Palais des Papes que nous avons visité ensemble au moment où la cour d'Honneur se pare pour le Festival. Après la visite de la ville nous avons terminé la soirée chez nous où les discussions n'ont pas chômé. J'ai trouvé en Aifelle une alliée pour défendre le grand Gérard Philippe bassement attaqué par Wens. N'est-ce pas Aifelle?

Des rencontres très sympathiques....

dimanche 24 juin 2012

Un livre/ Un jeu : Goethe et Sokourov : Faust


Faust et Méphistophélès par  Eugène Delacroix



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 Réponse à l'énigme  N° 38

Ceux qui ont signé un pacte avec Méphisto sont  :  Dasola, Eeguab, Miriam

  La pièce de théâtre : Faust de  Goethe

Le film : Faust de Sokourov actuellement sur les écrans.







Faust, la pièce de Goethe est parue en 1808. Elle a été suivie d'un Faust II en 1832 qui est la suite de la première pièce et que Goethe a écrit dans sa vieillesse. C'est le Faust I que je présente ici.

Le personnage historique, le docteur Georgius Sabellicus Faustus Junior, alchimiste allemand du XVI siècle accusé de sorcellerie, qui a inspiré la pièce a réellement existé même si sa vie nous est mal connue, déformée par les différentes versions qu'il nous en a été donné.  Voir ICI  
C'est que très tôt, ce personnage a frappé l'imagination des créateurs et a été à l'origine d'oeuvres qui ont répandu sa légende, en particulier la pièce de Christofer Marlowe écrite en 1590. Mais c'est surtout depuis Goethe que le mythe a pris une telle ampleur.


Le sujet de la pièce
 Faust, devenu, vieux, se plaint que la connaissance s'est toujours dérobée à lui alors qu'il a pourtant voué sa vie à l'étude. Il décide de mourir en avalant du poison. Le Diable, Mephistophélès, qui s'est introduit chez lui sous la forme d'un chien noir, lui propose un pacte : il lui fera goûter les plaisirs de la vie mais Faust lui donnera son âme. Faust rencontre Marguerite, fille modeste et vertueuse, qu'il n'a de cesse de séduire. Celle-ci, pour que Faust puisse la rejoindre dans sa chambre, donne un somnifère à sa mère mais celle-ci en meurt.Valentin, le frère de Marguerite, veut venger l'honneur de sa soeur et est tué par Faust avec l'aide de Méphistophélès. Faust s'enfuit avec son diabolique compagnon et parcourt le monde. Apprenant que Marguerite est condamnée à mort pour infanticide, il s'introduit dans la prison pour la sauver mais celle-ci refuse de partir avec lui. Elle meurt.

Lutte entre le corps et l'esprit

Dans le Faust I Goethe a voulu montrer comment l'homme toujours assoiffé de connaissance a peu de prise sur le savoir. Il se voudrait l'égal de Dieu pour expliquer le monde mais ne parvient à accéder qu'à une infime et insignifiante partie de cette explication.

Je le sens, en vain, j'aurais accumulé sur moi tous les trésors de l'esprit humain... lorsque je veux enfin prendre quelque repos, aucune force nouvelle ne jaillit de mon coeur; je ne puis grandir de l'épaisseur d'un cheveu, ni me rapprocher tant soit peu de l'infini.

Vaut-il la peine dans ces conditions de consacrer  sa vie à l'étude, comme l'a fait le docteur Faust, de donner la prééminence à la pensée. Ne vaudrait-il pas mieux se tourner vers l'action? C'est l'éternel dilemme de l'homme, ce duel entre le corps et l'esprit.

Deux âmes, hélas! se partagent mon sein et chacune d'elle veut se séparer de l'autre : l'une, ardente d'amour, s'attache au monde par le moyen des organes du corps; un mouvement entraîne l'autre loin des ténèbres, vers les hautes demeures de nos aïeux!

Athéisme?

La pièce de Goethe  et le film de Soukorov posent des problèmes philosophiques et métaphysiques qui me dépassent et j'avoue que je n'ai pas tout saisi avec une seule lecture du livre et un seul visionnement du film. Il faudrait lire et relire, voir et revoir, analyser, étudier, tant les deux oeuvres sont riches et complexes, semblables et différentes. Je vous livre ce que je crois avoir compris :
Quand Faust commente l'Evangile de Jean : Au commencement était le Verbe, Faust, traducteur du texte grec, commet un blasphème en remplaçant le mot Verbe par : Au commencement était l'action. Première question : Faust est-il athée? On peut se le demander. En récusant le mot Verbe, il refuse Dieu car le Verbe c'est Dieu comme  l'affirme Saint Jean. En prônant l'action, il se prend parti pour l'Humain car l'action c'est l'homme! Pourtant si le personnage de Faust de Goethe est athée, son auteur ne l'est pas! A la mort de Marguerite, le Diable s'exclame  "elle est jugée" et  une voix céleste répond : "elle est sauvée". Dans le Faust II, Faust échappera à la damnation par l'intercession de Marguerite auprès de Dieu.


Il est écrit : « Au commencement était le Verbe ! »
Ici déjà j'hésite ! Qui m'aidera à aller plus loin ?
Il m'est impossible de priser si haut le Verbe,
Il faut que je traduise autrement,
Si je suis bien illuminé par l'Esprit.
Il est écrit : Au commencement était la Pensée.
Médite bien sur cette première ligne,
Afin que ta plume n'aille pas trop vite !
Est-ce la Pensée qui crée et produit tout ?
Il faudrait mettre : Au commencement était la Force !
Mais à l'instant même où je transcris ces mots,
Quelque chose m'avertit que je n'en resterai pas là.
L'Esprit me vient en aide ! Je vois soudain la solution
Et j'écris avec assurance : Au commencement était l'Action !
 

Dans le film de Sokourov, Faust est très nettement athée et il l'affirme devant son assistant Vagner. En disséquant des cadavres, il n'a jamais trouvé l'âme; l'homme n'est fait que d'organes et de chair qui se corrompent vite. On pourrait penser que signer un pacte avec le diable prouve l'existence de Dieu aux yeux de Faust. Mais il n'en est rien car le fait que le Mal existe ne signifie pas l'existence du Bien. Contrairement à Goethe, Sokourov refuse l'intervention divine. En ne  donnant aucune limite à la liberté humaine, il se pose lui aussi en athée. Faust nie le Diable, se débarrasse de lui, déchire le contrat et part à la conquête du savoir, marchant vers les plus hautes cimes des montagnes enneigées dans une orgueilleuse solitude.

Le thème de l'amour

Dans sa recherche de jouissance immédiate et superficielle, Faust est pressé de posséder le corps de Marguerite et, dans la pièce comme dans le film, il exige de Méphisto qu'il accède au plus vite à ses désirs. En vain, le Diable essaie-t-il de lui faire comprendre que les petites attentions, l'attente, les préliminaires qui permettent de vaincre la pudeur de la jeune fille, sont le meilleur de la jouissance.  Une fois qu'il a obtenu ce qu'il voulait Faust se désintéresse de sa maîtresse. Mais dans la pièce nous voyons qu'il est sensible à la tragédie que vit Marguerite puis qu'il va jusqu'à la secourir. Dans le film, il est à peine question de la jeune fille pour apprendre aux spectateurs ce qui lui est arrivé. Cela ne détourne pas Faust de sa quête du savoir qui est non seulement solitaire mais brutale et égoïste.



 Faust et Marguerite par le peintre romantique Ary Shafer

Le romantisme de Goethe

Cette pièce se rattache au courant Sturm und Drang (Tempête et passion), inspiré de Jean-Jacques Rousseau et de William Shakespeare. Le Sturm und Drang est un mouvement politique, social, littéraire et artistique qui s'est développé à la fin du XVIII siècle en Allemagne autour de Goethe, Herder, Kingler... Il est caractérisé par son aspiration à la liberté dans un monde dominé par l'absolutisme et par un intérêt nouveau pour la Nature. Il refuse les conventions sociales mais aussi littéraires et se soustrait aux règles classiques aboutissant à des formes littéraires nouvelles. Il est à l'origine du romantisme allemand qui, par la suite, fut une source d'inspiration pour le romantisme français.

Le romantisme de Goethe s'exprime par un style lyrique, ample, qui exalte la Nature. Seule, elle permet à l'homme de se libérer de la pesanteur de son corps :
Oh! que n'ai-je des ailes pour m'élever de la terre et m'élancer ... dans une clarté éternelle.! Je verrais à travers le crépuscule tout un monde silencieux se dérouler à mes pieds, je verrais toutes les hauteurs s'enflammer, toutes les vallées s'obscurcir, et les vagues argentées des fleuves se dorer en s'écroulant.
C'est un beau rêve tant qu'il dure! Mais hélas! le corps n'a point d'ailes pour accompagner le vol rapide de l'esprit

Romantique aussi le fantastique dans lequel baigne l'oeuvre. Faust dans sa fuite autour du monde et sa recherche des jouissances terrestres assiste au sabbat des sorcières. Dans le cours de l'action viennent s'intercaler des passages oniriques : Songe d'une nuit de Sabbat ou Noces d'or d'Obéron et de Titania.  Les personnages de Shakespeare  hantent cette nuit de Walpurgis.

Le romantisme de Goethe, c'est aussi le recours aux chansons populaires, le romantisme allemand recherchant son inspiration dans les contes et les légendes du pays, dans la musique et les chansons du peuple. La légende du roi de Thulé que chante Marguerite en est le plus bel exemple.

Il était un roi de Thulé
A qui son amante fidèle
Légua, comme souvenir d'elle,
Une coupe d'or ciselé.
C'était un trésor plein de charmes
Où son amour se conservait :
A chaque fois qu'il y buvait
Voir  ICI

Les étudiants et les soldats dans les tavernes, Méphisto lui-même, chantent des airs populaires, comme le fameux air de la puce.

 
Une puce : La damnation de Faust Hector Berlioz

Une puce gentille
Chez un prince logeait.
Comme sa propre fille,
Le brave homme l'aimait,
Et, l'histoire assure,
A son tailleur un jour
Lui fit prendre mesure
Pour un habit de cour.
L'insecte, plein de joie
Dès qu'il se vit paré
D'or, de velours, de soie,
Et de crois décoré.
Fit venir de province
Ses frères et ses sœurs
Qui, par ordre du prince,
Devinrent grands seigneurs.
Mais ce qui fut bien pire,
C'est que les gens de cour,
Sans en oser rien dire,
Se grattaient tout le jour.
Cruelle politique !
Ah ! plaignons leur destin,
Et, dès qu'une nous pique,
Écrasons-la soudain!


Cet air sous son apparence légère est aussi une  critique de l'absolutisme. Car le sentiment de liberté qui est l'expression même du romantisme allemand s'exprime souvent dans Faust par une critique virulente de ceux qui détiennent un pouvoir sur les autres mais ne sont que mensonge et corruption. L'église, avide, cupide, n'échappe pas à la satire comme ce prêtre qui prend les bijoux que Faust a donnés à Marguerite, assurant à la jeune fille et sa mère que cela sauvera leur âme. Les jeunes filles subissent la violence des hommes et la société prend de le relais lorsqu'elles sont enceintes, exerçant une telle pression sur elles  qu'elle les pousse à l'infanticide..


Cette pièce, la plus importante du patrimoine littéraire allemand, est universellement connue. Elle a eu plusieurs grands traducteurs dont  Gérard de Nerval alors âgé de 18 ans, dont la traduction a assuré à elle seule le renom; elle a été à l'origine de nombreux opéras dont, en France, La Damnation de Faust de Hector Berlioz  (1846) Le Faust de Gounod (1859). En littérature, elle a inspiré des écrivains du monde entier : pour ne citer que quelques exemples Le portrait de Dorian Gray d'Oscar Wilde, Marguerite de la nuit de Pierre Mac Orlan, Mon Faust de Paul Valéry, Faust au village de Jean Giono, Docteur Faustus de Thomas Mann, Faust de Fernando Pessoa,  Le Maître et la Marguerite de Mickaïl Boulgakov. Au cinéma, outre la version de Sokourov, celle de Murnau est très belle. Notons aussi La beauté du diable de René Clair avec Gérard Philippe et Michel Simon.



Maria Callas L'air des Bijoux Faust de Gounod




Renée Fleming chante Marguerite au rouet de Frantz Schubert





samedi 23 juin 2012

Un livre/Un jeu : Enigme n° 38








Wens de En effeuillant le chrysanthème et moi-même, nous vous proposons, le samedi, un jeu sous forme d'énigme qui unit nos deux passions : La littérature et le cinéma! Il s'intitule : Un livre, Un film.

Chez Wens vous devez trouver le film et le réalisateur, chez moi le livre et l'auteur.
Consignes :  Vous pouvez donner vos réponses par mail que vous trouverez dans mon profil : Qui êtes-vous? et  me laisser un mot dans les commentaires sans révéler la réponse pour m'avertir de votre participation. Le résultat de l'énigme et la proclamation des vainqueurs seront donnés le Dimanche.
 

Enigme 38
 
Cette pièce créée au début du XIXème siècle est une des plus célèbres de l'histoire du théâtre et a nourri un véritable mythe inspiré par un personnage ayant existé au début du XVIème siècle. De nombreux créateurs se sont emparés de ce mythe dans le domaine de la musique, de l'art pictural, du  roman,  du cinéma.  La pièce pose des questions  philosophiques fondamentales sur la liberté de l'homme et sa soif de connaissance.

Il est écrit : « Au commencement était le Verbe ! »
Ici déjà j'hésite ! Qui m'aidera à aller plus loin ?
Il m'est impossible de priser si haut le Verbe,
Il faut que je traduise autrement,
Si je suis bien illuminé par l'Esprit.
Il est écrit : Au commencement était la Pensée.
Médite bien sur cette première ligne,
Afin que ta plume n'aille pas trop vite !
Est-ce la Pensée qui crée et produit tout ?
Il faudrait mettre : Au commencement était la Force !
Mais à l'instant même où je transcris ces mots,
Quelque chose m'avertit que je n'en resterai pas là.
L'Esprit me vient en aide ! Je vois soudain la solution
Et j'écris avec assurance : Au commencement était l'Action !
 

jeudi 21 juin 2012

Leonardo Padura : Les brumes du passé






Les brumes du passé de Léonardo Padura, écrivain cubain, est un très beau livre dont on subit le charme, peu à peu, en entrant dans l'histoire du personnage récurent Mario Conde et d'un pays Cuba.

Mario Conde est entré dans la police par idéal, parce qu'il n'admet pas que les coupables ne soient pas punis pour leurs actes. Mais ce qu'il a vu dans la police, corruption, malhonnêteté, l'a dissuadé d'y rester. Il s'est donc reconverti dans le commerce des livres anciens que les collectionneurs  revendent pour ne pas mourir de faim dans l'île qui subit la crise de plein fouet. Un jour d'été 2003, il découvre une bibliothèque inestimable dans la maison d'un riche propriétaire qui a dû fuir l'île après la révolution cubaine de 1959. Et dans un de ces livres prestigieux, il  trouve la photo d'une ancienne chanteuse de bolero, Violeta del Rio. Sans trop savoir pourquoi l'image et bientôt la voix de cette femme envoûtante vont le hanter. Il part donc à la recherche des brumes du passé, essayant de retrouver les traces de cette artiste qui a brutalement disparu de la scène. Parallèlement,  Dioniso Ferrero, le propriétaire de la bibliothèque découverte par Mario, est assassiné et six livres disparaissent. Ceci suffit à expliquer que Mario Condé et son associé soient considérés comme les premiers suspects. L'ancien policier, pour se disculper, va donc se lancer dans une enquête pour retrouver le meurtrier. Quelque chose lui dit que cette recherche est indissociable de celle qu'il a entreprise à propos de Violeta del Rio.
Le récit est raconté à la troisième personne et suit le personnage de Mario Conde évoluant dans le Cuba contemporain des années 2000. Il est entrecoupé des lettres d'une femme inconnue mais dont on devine vite la personnalité qui sont écrites dans les années post-révolution.

Non, Les brumes du passé, n'est pas un livre policier, même s'il l'est, oui..  C'est aussi un roman noir avec avec Violeta del Rio, La Dame de la nuit, ce personnage de femme fatale qui évolue, dans les années 1950,  dans un univers sinistre où les plus grands bandits sont les hommes qui ont le pouvoir. Mais il est tellement autre chose aussi, tellement riche avec ces thématiques passionnantes et ses personnages qui finissent par être attachants même s'ils ne sont pas exempts de défauts. Représentants de l'humanité moyenne, ils doivent composer avec leur conscience pour s'en sortir dans un pays où les restrictions alimentaires sont terribles depuis la crise, où les tickets d'alimentation ne permettent que de survivre, où l'on n'est pas sûr de pouvoir manger le lendemain.
Ce livre c'est d'abord l'Histoire de Cuba dont le passé s'accumule par strates, expliquant le présent des personnages et du pays. L'écrivain nous présente plusieurs époques , instaurant un va-et-vient  désordonné de l'une à  l'autre au gré du récit, de la présidence de l'immonde dictateur Batista, à la révolution de Fidel Castro, jusqu'à notre époque qui se marque par un constat d'échec.. Ces allers-retours permettent de comprendre ce qu'était Cuba sous Batista avec un gouvernement et des riches qui ne se préoccupaient que de s'enrichir encore plus, organisant eux-mêmes la prostitution de luxe avec des mineures, la vente de la drogue, faisant en sorte que le pays serve de bordel aux Etats-Unis... Face à eux, un peuple affamé et inculte livré à la prostitution, à la drogue, au banditisme.. On comprend pourquoi la révolution a été si bien accueillie par les gens modestes. On comprend pourquoi Mario Condé et ses copains y ont cru et ont sacrifié les meilleures années de leur vie pour parvenir à créer un monde meilleur. On comprend aussi ce qu'ils éprouvent à présent en voyant leur pays à l'agonie, en comprenant qu'ils ont été floués, que leurs idéaux ont été bafoués, qu'une autre caste sociale détenant le pouvoir a remplacé l'autre. La révolution a échoué,  ils doivent renoncer à un rêve qui aurait pu être beau mais qui a été corrompu. Cuba est redevenue aujourd'hui un  lieu de tourisme sexuel pour les étrangers, un immense terrain où la drogue, la corruption, la violence et le vol règnent en maître...  à faire regretter sinon la vie avant la révolution, du moins les lieux d'amusement - comme l'explique un vieux musicien-  les cabarets qui permettaient sous Batista d'oublier la misère, la musique populaire et surtout le bolero, chanson sentimentale cubaine, souveraines dans l'île à cette époque et qui a disparu de nos jours!  Le lecteur ressent avec beaucoup d'acuité le désenchantement, la nostalgie de ces vieux bonhommes, ces personnages qui sont à l'heure du bilan, Mario et ses amis, Flaco et sa mère, Candito, le Paloma..

Car Les Brumes du passé est une belle histoire d'amitié. Quand on est à l'heure des illusions perdues, il n'y a vraiment que les amis qui comptent. C'est ce que pense Mario Conde qui veille sur ses copains comme une mère sur ses enfants, se faisant du souci pour leur santé, partageant avec eux, en beuverie et en ripaille, l'argent qu'il gagne avec la vente de livres.

Et c'est aussi un hymne aux livres. Mario Conde a appris à aimer les livres grâce au vieux bibliothécaire de son lycée qui lui a fait découvrir tous les classiques. Cet amour, il le porte en lui comme la part la plus propre qui compose sa personnalité. Il vend de vieux livres, poussé par la nécessité, certes, avec un brin de culpabilité, mais il les aime, il les protège, il refuse que les grands livres patrimoniaux quittent le territoire de son pays. Et c'est ce que j'ai aimé dans le personnage, cette pureté qu'il parvient à conserver quand il s'agit de tout ce qui lui tient à coeur, les amis, les livres, l'honnêteté.  J'ai aimé qu'il soit "un Martien" comme lui dit son ami Yoyi Palomo,  incorruptible, refusant la cupidité, la prostitution, la drogue, n'ayant même jamais fumé un joint de sa vie.
Un très beau livre. J'ai vraiment découvert un écrivain de talent et j'ai hâte de lire d'autres livres de lui!

Dans le cadre des écrivains latino- américains

dimanche 17 juin 2012

Un livre/Un film : Réponse à l'énigme 37 Shakespeare, Le marchand de Venise


Al Pacino dans le rôle de Shylock





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  Un voyage à Venise pour  :   Dasola, Eeguab, Gwen,  Keisha, Maggie, Miriam, Pierrot Bâton, Somaja...

  La pièce de théâtre : Le marchand de Venise  de Shakespeare
Trois interprètes célèbres du rôle de Shylock : Edmund Kean (Début 1800) David Warfield (Début 1900) ; Al Pacino (début 2000)
Le film :
Le marchand de Venise de Michael Radford





 Et oui, certaines d'entre vous ont déjà lu mon billet écrit en 2011 sur Le marchand de Venise au retour  de mon voyage dans la cité des Doges! Voilà ce que j'écrivais alors :

Bien sûr, lire Le Marchand de Venise à Venise s'imposait pour moi! Pourtant, en le lisant, ce n'est pas dans cette ville que je me suis retrouvée mais en Angleterre sous le règne d'Elizabeth avec comme principale question : quels sont les rapports de la société anglaise avec les juifs au siècle de Shakespeare? Car, ce qui frappe d'abord dans cette pièce, c'est la figure du Juif, Shylock, usurier, avare, fourbe et cruel. Reflet de la haine du juif liée à son époque? Fanatisme religieux hérité du Moyen-âge d'où l'impression de malaise que j'ai ressentie en lisant la pièce?
Comme toujours dans l'oeuvre de Shakespeare la réponse n'est pas aussi simple et la complexité des personnages fait que, face à Shylock, le juif, les chrétiens ne s'en tirent pas à si bon compte!

L'intrigue :

Bassanio, gentilhomme vénitien, léger et insouciant, a dilapidé sa fortune. Ruiné par une vie de plaisirs, accablé de dettes, il  demande à Antonio,  son ami,  riche marchand vénitien, de lui prêter une somme d’argent importante afin de séduire une riche héritière, Portia. Celle-ci a reçu l’ordre de son père défunt de n'accepter pour époux que celui qui saura choisir, entre trois coffres -  d’or, d’argent et de plomb- celui qui contient le portrait de la jeune fille. Antonio, atteint d'une grave mélancolie, veut obliger son ami dont l'amitié est le seul sentiment qui le maintient en vie. Mais  toute sa fortune est engagée sur plusieurs navires en mer, aussi il se rend chez le Juif Shylock pour emprunter trois mille ducats contre intérêt. Shylock qui  hait  Antonio, ce dernier ne cessant d'insulter les Juifs parce qu'ils prêtent avec usure, voit l’occasion de se venger d'Antonio. Il lui propose de signer un billet qui stipule que si Antonio ne peut rendre l’argent prêté dans un laps de temps de trois mois, Shylock pourra se dédommager en nature en prélevant une livre de chair sur le corps d'Antonio. A la date du remboursement, les navires du marchand ne sont pas revenus, perdus vraisemblablement dans des  naufrages, et Shylock réclame son dû. Il faudra toute l'habileté de Portia et de sa suivante Nerissa pour sauver Antonio des griffes de Shylock au cours d'un procès où les deux jeunes femmes mènent le jeu. Notons que parallèlement au couple Portia-Bassanio, se forment deux autres couples déclinant les jeux de l'amour, celui de Nerissa-Gratiano (ami de Bassanio) et celui Jessica, la fille de Shylock, qui se convertit au christianisme pour épouser Lorenzo. LIRE LA SUITE ICI

samedi 16 juin 2012

Un livre/Un film : Enigme 37






Wens de En effeuillant le chrysanthème et moi-même, nous vous proposons, le samedi, un jeu sous forme d'énigme qui unit nos deux passions : La littérature et le cinéma! Il s'intitule : Un livre, Un film.

Chez Wens vous devez trouver le film et le réalisateur, chez moi le livre et l'auteur.
Consignes :  Vous pouvez donner vos réponses par mail que vous trouverez dans mon profil : Qui êtes-vous? et  me laisser un mot dans les commentaires sans révéler la réponse pour m'avertir de votre participation. Le résultat de l'énigme et la proclamation des vainqueurs seront donnés le Dimanche.
 

Enigme 37
 
Je ne vous présenterai pas cette pièce de théâtre, très célèbre, autrement qu'en vous disant : reconnaissez le texte! Certains de ces vers sont si célèbres qu'ils sont passés comme proverbes!  ils sont connus de tous mais l'on oublie parfois d'où ils proviennent.   est le nom de l'auteur et le titre de la pièce?
Pour la ricaneuse qui trouvera la question trop  facile (il y en a bien une qui se reconnaîtra!), je pose une question supplémentaire : citez trois grands interprètes du personnage principal : l'un au début du XIX ième siècle, l'autre au début du XX et un autre encore au début du XXI siècle.

 Tout ce qui brille n'est pas or
 

Beau sépulcre a vers pour trésor


On souffre autant d'indigestion avec trop, que de famine avec rien.

C'est un bon  prêtre que celui qui observe ses sermons.

La vertu de la la clémence est de n'être forcée
Et le pouvoir terrestre est plus semblable à Dieu
Quand la clémence adoucit la justice.

Oh! si les fonctions, les rangs, les charges
n'étaient obtenus par corruption  et que l'honneur clair
Fut acquis au mérite du porteur,
Combien alors seraient couverts qui sont nu-tête!
Combien seraient commandés qui commandent!

mardi 12 juin 2012

Jonathan Safran Foer : Extrêmement fort et incroyablement près





Extrêmement fort et incroyablement près  est le deuxième livre que je lis de Jonathan Safran Foer .  Avant ce roman, j'avais découvert son essai passionnant :   Doit-on manger des animaux?  qui est  une étude accablante et consternante des méfaits de l'élevage industriel en Amérique, de son inhumanité et des risques qu'il fait peser sur la santé mondiale. (voir Ici)

Extrêmement fort et incroyablement près est d'une tout autre veine. Jonathan Safran Foer s'inspire des événements du 11 Septembre  et raconte l'histoire d'un petit garçon Oskar, extrêmement savant pour son âge, passionnément curieux, d'une grande sensibilité,  qui se trouve confronté à la mort violente de son père lors de l'attentat. Comment l'enfant va-t-il réagir face à l'inacceptable? Comment peut-il faire son deuil avec le poids de cette disparition mais aussi les secrets qu'il accumule, incapable de communiquer, d'exprimer ses sentiments. Un jour, pourtant, Oskar trouve une clef en fouillant dans les affaires de son père. Il va alors mener une enquête pour savoir quelle serrure elle ouvre. Peut-être apportera-t-elle une réponse à ses interrogations? C'est surtout un moyen de partir à la recherche de la mémoire de son père à travers New York et d'accepter une mort qu'un cercueil vide n'a pu matérialiser.
Le récit de cette quête que l'enfant consigne dans ses cahiers secrets, est entrecoupée par les écrits de son grand père et de sa grand mère qui tous deux ont dû fuir la barbarie nazie et émigrer aux Etats-Unis, portant eux aussi le deuil de ceux qu'ils aiment.
Le roman de Jonathan Foer est bouleversant car il raconte à travers des générations éloignées dans le  temps les terribles conséquences de la haine et de la violence. Le grand père, muré dans le silence, est tellement marqué par l'horreur de la guerre, qu'il a refusé de voir naître son fils parce que "vivre est terrifiant". Dans une longue lettre, il s'adresse au fils qu'il n'a pas connu. En revenant aider à son petit-fils, il lui permettra de ne pas refuser la vie comme il l'a fait lui-même! La personnalité de l'enfant, petit bonhomme submergé par le chagrin, le mélange de maturité et de naïveté touchante dont il fait preuve, le rendent particulièrement attachant. Sa vive imagination qui fait de lui un inventeur loufoque et plein de génie donne au récit un aspect poétique et émouvant qui se manifeste dans les rencontres qu'il va faire au cours de son enquête. Tous les adultes semblent, au contact du petit garçon, perdre leur défense et retrouver l'innocence de l'enfance. On a toujours envie de sourire avec Oskar tant il est vif, curieux, inventif, naturel, mais on reste toujours sur le fil du rasoir de l'émotion. J'ai adoré cette tonalité entre le le rire et les larmes, cet humour léger qui n'empêche pas la gravité.
La typographie du roman, sa forme, est, de plus, déroutante :  la prose a parfois l'aspect de vers, libres, bizarrement agencés, de lignes entrecoupées, de répétitions, comme si le contrôle échappait au narrateur écrivant, que ce soit l'enfant ou les grands parents. Les ratures, les pages blanches, les fautes de frappe, témoignent de l'émotion du personnage. La présentation est accompagnée de de photographies qui prennent un poids considérable au niveau du sens quand on les regarde différemment selon l'imagination du petit garçon. Des  pages de grafittis en couleur serrent le coeur car elles témoignent de la mémoire disparue avant de prendre encore une autre  signification.... bref! le livre  est étonnant de bien des manières!
Un très beau roman et un talent d'écrivain peu ordinaire! Excellent!

Jeunes auteurs américains

Arni Thorarinsson : Le temps de la sorcière





Einar, reporter du journal du soir, a été muté dans la petite ville d'Akureyri dans le nord de l'Islande pour implanter le journal dans cette région et faire augmenter les ventes... ce qu'il n'apprécie pas particulièrement! Deux collègues l'accompagnent :  Asbjörn qu'il déteste cordialement  et son amie  et confidente, Joa, la sympathique photographe du journal, qui ne s'intéresse pas aux hommes! Pas de sexe donc, pas d'alcool car Einar a renoncé à boire! Loin de Reyjavick et de sa fille Gunna, on comprend que notre journaliste broie du noir. Le travail routinier qui lui est demandé l'ennuie, compte-rendus de réunions électorales, questions stupides pour la rubrique hebdomadaire et il ne cesse d'avoir des prises de bec téléphoniques avec le nouveau rédacteur en chef qui est resté bien tranquillement à Reyjavik, lui! Sa seule distraction réside dans son tête-à-tête quotidien avec Snaelda mais lorsque vous aurez découvert la personnalité de cette compagne, vous comprendrez qu'il y a mieux comme distraction!
Cependant deux enquêtes vont bientôt l'occuper après le décès d'une femme dans la rivière et le meurtre d'un brillant mais étrange étudiant, Skarphedinn, qui disparaît le soir où doit avoir lieu la première de la pièce de théâtre où il tient le rôle principal. Quel lien entre ces deux meurtres? A priori, aucun puisque la mort de la femme est accidentelle mais la mère de celle-ci, Gunnhildur, est persuadée du contraire. Elle accuse même son gendre d'assassinat!
L'intrigue nous entraîne donc à la suite d'Einar dans les différents milieux de la ville, à la recherche d'indices qui permettraient de comprendre ce qui s'est passé et quelle est la personnalité de chacune des victimes. L'intérêt du roman dépasse alors la seule intrigue policière puisqu'il nous introduit dans la société islandaise et nous en dévoile les maux. Le capitalisme sans morale sacrifie la beauté de la nature islandaise pour en tirer le maximum de profit. L'industrialisation sauvage saccage et pollue les sites en entraînant une immigration intense. Les immigrés exploités d'un côté, sont rejetés de l'autre par une population qui se sent envahie et défend sa culture. Le racisme et ses violences sévissent. Les jeunes, quant à eux, trompent leur ennui et leur  mal être en  buvant et en se droguant.
Un constat bien noir qui est contrebalancé par l'humour de Thorarinsson. Vous l'aurez compris, Einar n'a pas bon caractère et sa patience a des limites. Les tribulations de notre anti-héros qui pratique l'auto-dérision nous font rire. Ses rapports avec l'étonnante Snaelda ; avec  Absjorn dont il résoud les problèmes conjugaux; avec Joa qui lui souffle sous le nez la seule femme séduisante de la ville, sont réjouissants. Sa rencontre, en particulier avec Gunnhildur, la vieille dame qui lui téléphone de sa maison de retraite  pour lui faire part de ses soupçons est touchante  :
Je voudrais simplement que personne ne soit méprisé ou mis hors jeu à cause de son âge. Ca s'applique aussi aux enfants. Et aux adolescents. Tout le monde a le droit d'être écouté.
Mais elle est aussi hilarante, la veille dame ne manquant pas de caractère! Voilà comment elle présente Einar à son amie Ragna :

J'ai à mes côtés un jeune homme. Non,non, je ne le fais pas sauter sur mes genoux. Mais non, mais non... Tout ça est tellement jeune et fragile. Ma petite Ragna, je vais te l'envoyer (...) Ne te laisse pas impressionner... Il fait un peu benêt mais il n'est pas méchant. Il m'a apporté une boîte de friandises; je vais lui demander de t'en apporter une à toi aussi en le prévenant que sinon tu ne lui diras rien.

Thorarinsson signe avec "Le temps de la sorcière"  un  livre policier réussi!

Auteurs scandinaves

lundi 4 juin 2012

Départ pour Paris



Bientôt je verrai cette exposition!


Et voilà, je pars à Paris!  Mon blog sera à l'arrêt pendant quelques jours. Pas d'énigme samedi 9 Juin.

A bientôt

dimanche 3 juin 2012

Cormac McCarthy : Non, ce pays n'est pas pour le vieil homme réponse à l'énigme N° 36




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  Un  grand matador (hum?)  pour :   Aifelle, Eeguab,  Keisha, Nanou, Pierrot Bâton..

  le roman : Cormac  McCarthy Non, ce pays n'est pas pour le vieil homme

Le film :  Les frères Coen : No country for old man (sous-titre : Non, ce pays n'est pas pour le vieil homme)

  Pas d'énigme la semaine prochaine car nous sommes à Paris. Rendez-vous donc le samedi 9 Juin.


Non, ce pays n'est pas pour le vieil homme est le titre français du roman de  Cormac  McCarthy paru sous le titre No country for old Man, titre conservé dans la version française du film des Frères Coen.

Le récit : Llewelyn Moss est un simple ouvrier. Aussi quand il découvre sur les lieux d'un massacre à la frontière du Texas et du Mexique, une mallette contenant deux millions de dollars, il a le vertige. Et il cède à la tentation, sachant qu'il libère ainsi toutes les forces du mal et ne devra attendre aucune pitié de ses poursuivants. Commence alors une cavale tragique à travers les paysages du Texas et Moss et sa jeune femme vont bientôt se rendre compte qu'ils ont déclenché un mécanisme irréversible et fatal.

Le récit proprement dit alterne les points de vue selon les personnages, que ce soit celui de Bell , le shériff, de Moss, l'ouvier qui a fait le Vietnam, de Chigurh, le tueur fou qui opère avec un matador, pompe a air comprimé pour tuer les animaux à l'abattoir...
 Il est entrecoupé par de petits chapitres séparés du récit par la présentation graphique,  en italique, et qui résonnent comme un commentaire de l'action et une réflexion sur l'Humain. Ces passages présentent les pensées intérieurs du shérif, le vieil homme du titre, celui qui ne se sent plus adapté dans ce pays qui est pourtant le sien mais dont l'évolution l'effraie. C'est pourtant un dur à cuire, le shérif Bell, il a fait la guerre en France avant de devenir shérif du comté mais cette violence gratuite qui se déchaîne autour de lui, y compris chez les plus jeunes, le fait que la frontière entre le Bien et le Mal soit devenue si floue, le font se sentir étranger :

Aujourd'hui les gens quand on leur parle du bien et du mal il y a des chances pour qu'ils vous regardent avec un petit sourire. Moi je n'ai jamais eu de doutes là-dessus. Quand je réfléchis à des choses comme celles-là. J'espère que je n'en aurai jamais.

Ce personnage est attachant, même s'il apparaît parfois comme un vieux réac, car il n'a pas perdu le sens de l'humain. Face à lui, Chigurgh, le tueur incarne le contraire, l'inhumain. Il est l'incarnation du mal car il ne se conforme plus  à aux lois des Hommes,et n'éprouve plus de sentiments. Ce qui le rend si fascinant, c'est qu'il obéit pourtant à un sens de l'honneur tout personnel. Ce qu'il a promis, il le tient, même si c'est absurde, même si cela implique la mort de personnes innocentes. Il incarne une sorte de démiurge du Mal, jouant la vie de ses semblables à pile ou face. Il est passé dans un autre monde, un no man'sland de la conscience et de la morale. Il est l'emblème de ce pays qui n'est pas pour le vieil homme. Entre les deux, Moss incarne l'humanité moyenne avec ses faiblesses (il vole l'argent et tue pour se défendre) mais qui conserve pourtant des valeurs morales : Il refuse de tromper sa femme, qu'il aime, avec la jeune fille qu'il prend en stop; et surtout il met sa vie en danger et il en a conscience en retournant sur le lieu du massacre pour donner à boire au blessé.

Le style  de Carmac McCarhty est assez déroutant bien que je l'aie déjà rencontré chez d'autres écrivains américains. On dirait que c'est un livre qui été rédigé pour être adapté au cinéma! Le style est réduit à de nombreux dialogues entrecoupés par un récit qui peint les actions sans s'arrêter sur les descriptions. Autrement dit, le roman est presque écrit comme un scénario. Je suppose que l'adaptation au cinéma ne doit pas être difficile! Personnellement cela m'a gênée et j'ai eu du mal à entrer dans l'action. Mais l'histoire est si forte, la dénonciation de cette société si violente, que j'ai fini par adhérer totalement au récit. Il ne s'agit pas d'un thriller où le mal est décrit  seulement comme un ingrédient pour exciter le plaisir des lecteurs mais pour l'amener à réfléchir  sur la société, la perte des valeurs et plus universellement sur nous-mêmes et la fragilité des frontières qui distinguent l'humain du monstre.  Un bon roman!

samedi 2 juin 2012

Un livre/ Un film Enigme N° 36





Wens de En effeuillant le chrysanthème et moi-même, nous vous proposons, le samedi, un jeu sous forme d'énigme qui unit nos deux passions : La littérature et le cinéma! Il s'intitule : Un livre, Un film.

Chez Wens vous devez trouver le film et le réalisateur, chez moi le livre et l'auteur.
Consignes :  Vous pouvez donner vos réponses par mail que vous trouverez dans mon profil : Qui êtes-vous? et  me laisser un mot dans les commentaires sans révéler la réponse pour m'avertir de votre participation. Le résultat de l'énigme et la proclamation des vainqueurs seront donnés le Dimanche.
 

Enigme 36
 
Ce roman est l'oeuvre d'un écrivain américain né en 1933 qui a été couronné par des prix prestigieux comme le National Book Critics Award et le National Book Award. L'action se situe au Texas.  Le titre a été traduit en français pour le livre alors que le film affiche le titre anglais et le sous-titre français..

Il n'y a rien dans la constitution du Texas sur les conditions à remplir pour devenir shérif. Pas la moindre disposition. Il n'y a même rien qui ressemble à un règlement au niveau des comtés. Pense à un poste où tu as pratiquement la même autorité que le Bon Dieu. Et il n'y a aucune règle qui t'est imposée et tu es chargé de faire respecter les lois qui n'existent pas alors allez me dire si c'est bizarre ou pas. Parce que ça l'est pour moi. Est-ce que ça marche? Oui? Dans quatre-vingt-dix pour cent des cas. Il faut très peu de choses pour administrer de braves gens. Très peu. Et les gens malhonnêtes de toute façon on ne peut pas les administrer. Ou si l'on peut c'est la première nouvelle.