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samedi 5 mai 2012

Un livre /Un film : Enigme n°32



Wens de En effeuillant le chrysanthème et moi-même, nous vous proposons, le samedi, un jeu sous forme d'énigme qui unit nos deux passions : La littérature et le cinéma! Il s'intitule : Un livre, Un film.

Chez Wens vous devez trouver le film et le réalisateur, chez moi le livre et l'auteur.
Consignes :  Vous pouvez donner vos réponses par mail que vous trouverez dans mon profil : Qui êtes-vous? et  me laisser un mot dans les commentaires sans révéler la réponse pour m'avertir de votre participation. Le résultat de l'énigme et la proclamation des vainqueurs seront donnés le Dimanche.
 
Enigme n°32
Ce roman initiatique est écrit par une romancière américaine contemporaine et raconte l'histoire d'une jeune fille vivant au XVII siècle qui fait l'expérience difficile de la vie. Je n'en dis pas plus, le texte qui suit est explicite :

Toutes ces années passées à aller chercher de l'eau, à essorer des vêtements, à laver par terre, à vider des pots de chambre, sans espoir d'entrevoir la moindre beauté, couleur ou lumière dans ma vie, défilèrent devant moi comme une immense plaine, au bout de laquelle on apercevrait la mer sans jamais pouvoir l'atteindre.  S'il ne m'était plus possible  de travailler avec  les couleurs, sil ne m'était plus possible d'être auprès de lui, je ne savais comment je pourrais continuer à travailler dans cette maison.

jeudi 3 mai 2012

Des mots, une histoire : Un parfum d'Eternité



Goya : Saturne dévorant ses enfants

Un parfum d'Eternité

Elle bégaye, l'Eternité
Elle joue à tu et à toi... avec moi!

Merveilleuse, elle se pare des plumes de l'oiseau
Elle se mire dans le soleil, L'Eternité,
Elle me fait de l'oeil. Il n'est jamais trop tard,
Elle agite les clochettes du muguet
Comme un prélude à un duel amoureux,
Distille la lettre de son parfum
Comme dans un film interdit, aux images sans tain,
Princesse déchue, L'Eternité,
Vieille catin aux rondeurs du temps passé
Avec son pelage râpé,  fugitif,
mité
                   galeux
                                       toxique
 Elle fond sur moi,
Charriant avec elle comme la Tornade,
Un goût de carnage, et de chairs déchirées,
Et son parfum d'Eternité.



 Les mots imposés pour l’édition 63 de Des mots, une histoire d'Olivia sont
 tard – pelage – lettre – muguet – tornade – prélude – oiseau – temps – plateau – duel – éternité – bégayer – toxique – merveilleuse – soleil – film – fugitif – interdit – carnage. J en'ai pas employé le mot plateau.

Louis Bayard : L'héritage de Dickens




Avec L'héritage de Dickens, Louis Bayard nous livre un roman policier sur fond historique qui est aussi un hommage à Charles Dickens

Vous vous souvenez du pauvre enfant infirme et souffreteux, rencontré dans Un conte de Noël de Charles Dickens, Timothy Cratchit? Le père du jeune garçon travaillait chez Mr Scrooge, un vieillard, avare et dur,  qui le payait si mal qu'il n'avait même pas de quoi faire vivre sa famille, et encore moins  faire soigner son fils!  Vous vous souvenez comment ce soir de Noël, Mr Scrooge voit apparaître trois spectres qui vont lui révéler l'affreuse solitude qui sera la sienne s'il continue à être aussi pingre et sans coeur? Et comment Scrooge revenu à de bons sentiments se fait le protecteur de la famille Cratchit et de Tim en particulier qu'il fait opérer.
Si vous n'avez pas oublié ce petit garçon exemplaire et méritant, vous aurez le plaisir de retrouver le jeune garçon devenu adulte, de savoir ce qui lui est arrivé et quelles ont été ses relations avec le "bon" Mr Scrooge  que nous retrouvons comme personnage secondaire du roman.
Vous n'avez pas lu ce conte? Ce n'est pas grave! Cela ne vous empêchera pas d'apprécier ce roman qui se passe à l'époque victorienne à Londres et dans lequel l'auteur se plaît à nous faire une peinture  de la société de cette période et nous introduit ainsi dans les bas fonds de la ville, là où un riche lord dépravé va chercher ses victimes. Car il s'agit d'un thriller sur fond historique, le suspense se mêlant à l'Histoire d'une heureuse façon.

Nous sommes en 1860, vingt ans après le récit raconté dans Un Conte de Noël, Timothy Cratchit à la mort de son père se retrouve sans le sou, refusant de quémander de l'aide à son tuteur, Scrooge. Il trouve à se loger gratuitement dans un bordel contre des leçons de lecture dispensées à la tenancière, Mrs Sharpe, qui souffre d'être analphabète. Entre deux cours, il gagne un peu d'argent en allant repêcher les noyés de la Tamise avec son vieil ami le capitaine Gully. Cependant, Tim, est bouleversé de découvrir des cadavres de petites filles portant une  lettre mystérieuse tatouée sur le corps. Il est bien le seul à s'émouvoir; la police a bien d'autres choses à faire que  de retrouver le meurtrier de misérables orphelines que personne ne vient réclamer! Sa rencontre avec Philomela, une petite italienne, poursuivie par un homme inquiétant, va le lancer dans un enquête qui mettra sa vie en péril... et pas seulement la sienne! Il est aidé dans sa quête par le capitaine Gully et par Colin, un petit Gavroche londonien qui n'a pas froid aux yeux!

L'intrigue à rebondissements, témoigne d'une imagination fertile. Louis Bayard nous malmène, nous secoue, nous tire d'un danger rocambolesque pour nous précipiter dans un autre, nous balade dans un roman noir où sévissent des êtres sordides et sans pitié. Nous sommes dans un roman à la Wilkie Collins ou à la Eugène Sue. Les personnages  sont bien sympathiques même lorsqu'il sont un peu filous comme l'est Colin. Les méchants sont ... méchants à souhait!  Bref! un plaisir de lecture qui n'est pas à bouder!
La description de Londres à l'époque victorienne avec ses bas-fonds, ses ruelles sordides, ses pauvres habitations, ses enfants des rues, est très vivante. On retrouve bien  la misère que décrivait Dickens et le petit Colin est un personnage qui pourrait figurer dans la troupe des enfants voleurs de Olivier Twist. Louis Bayard peut même aller plus loin dans la description en peignant la vie dans un bordel, ses prostituées mais aussi ses bons bourgeois ou nobles hypocrites qui les fréquentent, description que la société victorienne prude et bien pensante, à l'époque de Dickens, n'aurait pu admettre dans un roman.
Et puis il y a le plaisir, bien sûr,  d'une lecture au second degré, en retrouvant Tim mais aussi Scrooge, plaisir de faire des retours en arrière par rapport au Conte de Noël de Dickens. Et force est de constater que Louis Bayard  s'est fait un malin plaisir de revisiter le conte moral de Dickens, et non sans ironie, de traiter les personnages à sa manière, avec irrévérence envers l'aspect édifiant du conte.



Louis Bayard est un écrivain américain, auteur de Un oeil bleu pâle, La tour noire... 


Ce roman se déroule à l'époque victorienne et rend hommage à Dickens. Il mérite donc de figurer dans le challenge d'Aymeline

mercredi 2 mai 2012

Anne Brontë : Agnès Grey,



 Anne Brontë par sa soeur Charlotte

Enfin! J'ai pu lire le roman de Anne Brontë, Agnès Grey, grâce aux livres gratuits chargés sur mon Kindle, complétant ainsi ma connaissance des talentueuses soeurs Brontë.

Agnès Grey est la fille d'un pasteur modeste. Sa mère, une lady, a dû rompre avec sa famille pour pouvoir se marier. Cette femme, digne et courageuse, vit modestement avec son mari et ses filles dont l'amour compense, à ses yeux, la perte de sa fortune et de son rang social. Mais le pasteur qui sent sa santé décliner cherche à accroître ses revenus pour ne pas laisser sa famille dans l'embarras. Peu doué pour les affaires, il fait faillite. Sa fille Agnès, pour aider ses parents, se place alors comme éducatrice dans une famille de riches parvenus puis de nobles ruraux. Elle fait ainsi le dur apprentissage de la servitude et c'est avec persévérance qu'elle affronte les difficultés de la vie faite de travail et d'humiliations. Cela ne l'empêche pas de ressentir un doux sentiment pour le vicaire de M. Weston. Mais celui-ci saura-t-il distinguer la jeune fille au milieu des nobles demoiselles qui la méprisent?

 Anne, écrivain et poète, née en 1820, la dernière des six enfants Brontë, est loin de la sensibilité exacerbée d'Emily, du romantisme morbide et sauvage des Hauts de Hurlevent, de ses personnages farouches et sombres, de son irrespect des convenances et du bon goût. Elle n'est pas non plus, comme la Charlotte de Jane Eyre, qui flirte avec la folie et la mort dans un château lugubre qui cache ses secrets.. Si elle ressemble à Charlotte, c'est plutôt à celle qui a écrit Le Professeur, enseignante dans une pension de jeunes filles et amoureuse du professeur de ces demoiselles.

Le roman est en grande partie autobiographique. Anne Brontë, fille de pasteur, s'inspire de son expérience de gouvernante dans des maisons bourgeoises. Elle ne laisse, en aucun cas, libre cours à son imagination. Comme Agnès Grey, elle entre comme préceptrice chez des gens qui la chassent après quelques mois. Puis elle reste au service d'une autre famille pendant des années. Son récit est donc réaliste et même moralisateur. Elle y parle de l'éducation des enfants, donne son avis de pédagogue, déplore le manque de cohérence des parents dans l'éducation de leur progéniture et dénonce leur incapacité à leur inculquer des principes moraux.
Anne, dont c'est le premier roman,( elle en a écrit deux) a l'art du portrait. Elle parvient à saisir les traits de caractère de ses personnages pour bien les camper, mette en valeur ce qui les distingue, peindre leurs travers, leurs faiblesses ou leurs forces.  Elle peut même avoir la dent dure envers ces riches nobles, ces dames uniquement préoccupées de paraître, ces clergymen plus soucieux de briller et de faire fortune que de servir Dieu.

M. Hatfield avait coutume de traverser rapidement la nef, ou plutôt de la traverser comme un ouragan, avec sa riche robe de soie voltigeant et frôlant la porte des bancs, et de monter en chaire comme un triomphateur monte dans le char triomphal; puis se laissant tomber sur le coussin de velours dans une attitude de grâce étudiée, de demeurer dans un silencieux prosternement pendant un certain temps... ensuite de retirer un joli gant parfumé pour faire briller ses bagues aux yeux de l'assistance, passer se doigts à travers ses cheveux bien bouclés, tirer un mouchoir de batiste.... 

On voit qu'elle utilise la satire avec une certaine férocité!  En cela, elle ressemble un peu à Jane Austen, l'humour en moins! Elle ne manie pas comme cette dernière l'ironie savoureuse qui fait des oeuvres de Jane Austen des petits bijoux d'intelligence et de finesse, bref, elle n'égale pas la grande romancière mais elle a un talent incontestable pour peindre les milieux sociaux. Elle sait le faire sans tomber dans le manichéisme, en sachant rendre les nuances. Les jeunes filles dont elle s'occupe ont chacune leurs défauts mais Agnès ne peut s'empêcher d'éprouver pour elles un certaine affection et même parfois de la compassion. Ainsi Rosalie, coquette, frivole, légère qui fait tout pour s'attirer les compliments de ses cavaliers servants tout en n'ayant que du dédain pour eux, surtout s'ils sont pauvres, sera la victime de son caractère et de l'éducation liée à son milieu. Elle épousera un homme riche et titré mais pervers et cruel qui fera son malheur.
Anne Brontë sait aussi peindre les humiliations subtiles que doit subir au jour le jour une subalterne. Elle montre combien le mépris des grands fait du mal quand on n'a pas d'autre avenir que de les servir, et combien leur indifférence est plus difficile, encore, à supporter que leur méchanceté. Agnès Grey, quand ses jeunes maîtresses sont avec leurs amies et leurs soupirants n'existe pas. Sa présence est niée, personne ne la voit, ni ne lui parle. Elle est effacée, gommée. Ce qui n'empêche pas ces hauts personnages de l'exploiter malgré leur richesse en la sous-payant, ni d'avoir eux-mêmes les défauts qu'ils ne supporteraient pas chez leur employée!

Et si, en parlant, leurs yeux venaient à se poser sur moi, il semblait qu'ils regardassent dans le vide, comme s'ils ne me voyaient pas où étaient très désireux de paraître ne pas me voir...
Pourtant, n'allez pas voir en Anne Brontë, une révolutionnaire ni même une contestataire! Elle déplore qu'Agnès soit traitée comme une simple domestique parce qu'elle juge sa position supérieure! Pauvre, certes, mais fille de pasteur, bien éduquée, vertueuse, ayant les manières pour vivre dans le monde, instruite, elle aime les livres et est une bonne latiniste, Agnès est humiliée que l'on ne reconnaisse pas sa juste valeur.
D'autre part, Anne Brontë fait preuve d'un sentiment féministe discret en dénonçant les brutalités d'un mari qui a le droit de négliger sa femme, de mener une vie dissolue et  d'exercer sur elle son autorité sans qu'elle ait son mot à dire. Pour Anne, une femme doit être intelligente et instruite. Pour le reste, elle a des idées conventionnelles sur l'éducation des filles. Ainsi Mathilde qui aime l'équitation et a une passion pour les chevaux et la chasse, qui imite le langage et les attitudes des hommes, est jugée comme mal éduquée. Il lui faudra obéir aux règles de bienséance, de retenue, et renoncer à ses goûts pour remplir comme elle le doit son rôle de femme.
Quant à l'amour, comme chez Jane Austen et aux antipodes d'Emily Brontë, Anne pense qu'il doit être raisonnable, contrôlé et vertueux. Il est fondé sur l'estime et la valeur de chacun.

Les soeurs Brontë représentent la frontière entre romantisme et réalisme de l'époque victorienne.  Si Emily me paraît très romantique par sa violence,  les sentiments exacerbés, la peinture des paysages âpres et déserts, l'aspect torturé de ses personnages, nous voyons combien les préoccupations, les idées et le style d'Anne Brontë en sont éloignés tout au moins dans ce livre. Reste à lire son deuxième roman : La locataire de Wildfell Hall... si je le trouve en français!


Publication par le groupe Ebooks libres et gratuits
adresse du site : http://www.ebooksgratuits.com

Challenge victorien de Aymeline

mardi 1 mai 2012

De retour à Avignon



Lozère


Me voilà de retour et mon blog reprend normalement dès demain. La Lozère sous la pluie, le vent, le froid.. des paysages hivernaux...  Pire que sur la photo!

lundi 30 avril 2012

Christian Bobin : le temps passé à lire…La Folle Allure


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Helen Galloway Mc Nicoll : premier peintre impressionniste canadien
Musée des Beaux-Arts Montréal

Le temps passé à lire n'est pas vraiment du temps. Allant d'une page à l'autre, je passe des frontières, j'entre dans des maisons endormies, c'est la fugueuse en moi qui lit et aucun gendarme ne peut la retrouver avant qu'elle ait atteint la dernière phrase, levé la tête vers le ciel qui était bleu au début du premier chapitre et qui maintenant est noir. J'ai vingt-sept ans mais les lecteurs n'ont pas d'âge. Il n'y a qu'une enfance laissée à ses jeux dans la rue, bien après dix heures du soir.
La Folle Allure de Christian Bobin

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     Auguste Renoir : Claude Monet 1873
             musée des Beaux-Arts de Washington

dimanche 29 avril 2012

Un Livre/Un film : Madame Le Prince de Beaumont La belle et la Bête



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Nous publierons à notre retour la liste des vainqueurs
Le conte : La belle et la Bête de Madame Le Prince de Beaumont :
La pièce de théâtre :  la belle et le Bête d'Alexandre Arnoux
Le conte : La chatte blanche de madame d'Aulnoy
Le film : La belle et la Bête de Jean Cocteau ; acteur Jean Marais; chef opérateur : Alekan

Merci à tous et toutes pour votre participation ....



Jean Cocteau s'inspire pour réaliser La Belle et la Bête du conte de Jeanne-Marie Le Prince de Beaumont et d'une pièce de théâtre d'un écrivain belge Alexandre Arnoux (que je ne connais pas). Il emprunte certains détails au conte La chatte blanche de madame d'Aulnoy.
 Jeanne-Marie Le Prince de Beaumont est née à Rouen en 1711 dans une famille d'origine modeste. Elle épouse le marquis Le prince de Beaumont qui meurt dans un duel en 1745. Son veuvage l'oblige à gagner sa vie. En 1748, elle publie un roman Le triomphe de la Vérité et émigre en Angleterre où elle devient gouvernante d'enfants de la haute société angalise. Avec le soutien de son ami Daniel Defoe, qui l'encourage à écrire, elle fait paraître des recueils qui assurent sa célébrité. Elle  écrit des oeuvres pédagogiques et morales. Le Magasin des enfants ou Dialogues entre une sage Gouvernante et plusieurs de ses élèves de la première distinction,(Londres 1757), est un recueil de contes de fées dont La Belle et la Bête est le plus connu. Le Magasin des Adolescentes (Londres, 1760), qui lui fait suite, contient d’autres contes, des récits de la Bible et de l’histoire romaine et des conseils moraux : Elle se remarie avec M. Pichon Tyrelle un normand naturalisé anglais. Elle meurt près d'Annecy en  1780.

La Belle et la Bête conte l'histoire d'un marchand, père de trois garçons et de trois filles, dont l'une, nommée la Belle, est douce et bonne, contrairement à ses soeurs vaniteuses et méchantes. Le vieil marchand ruiné se rend à la ville où il apprend la perte du dernier de ses navires. Lors de son voyage de retour, en plein hiver, il se perd dans la forêt et découvre un château merveilleux où il est accueilli avec générosité mais sans qu'il puisse voir son hôte.. Le lendemain, au moment où il s'apprête à partir, il cueille une rose pour sa fille Belle et aussitôt une bête apparaît qui lui demande sa fille en échange de sa vie. De retour chez lui, le père conte ce récit à ses enfants et Belle accepte de partir chez la Bête pour le sauver.  Elle va vivre avec la Bête et peu à peu apprendre à l'aimer. Cet amour permettra à la Bête de se délivrer du sort jeté par une fée et de redevenir un prince.


Le conte de madame le Prince de Beaumont présente deux mondes très différents : celui de la féerie avec l'intervention du fantastique que Cocteau a exploité merveilleusement, le château enchanté, le jardin plein de roses au milieu de l'hiver et de la neige, la bague magique, le miroir qui permet de voir des scènes lointaines.

Un monde bien réel et qui est une observation de la société de son temps : un marchand ruiné par la perte de ses navires; la déchéance sociale, le bourgeois aisé devient agriculteur, des filles à marier (les soeurs de Belle) auxquelles il faut impérativement une dot, trois fils à  qui il faut donner un métier.

Le thème principal du conte est l'idée qu'il ne faut pas juger les autres sur l'apparence extérieure. Sous la monstruosité de la Bête se cache une beauté intérieure que la Belle sait discerner, apprécier et enfin aimer parce qu'elle en est digne.
La Belle et la Bête est un conte moral : La Belle qui est généreuse, bonne sera récompensée. Elle découvrira le véritable amour alors que ses soeurs envieuses, jalouses, intéressées et incapables d'aimer, seront punies et transformées en statues.

Si Jean Cocteau s'inspire principalement pour réaliser La Belle et la Bête du conte de Jeanne-Marie Le Prince de Beaumont, il emprunte certains détails au conte de La chatte blanche de madame d'Aulnoy.
 Marie-Catherine d'Aulnoy ( 1651- 1705) est l'auteur de contes merveilleux : L'oiseau bleu, La chatte blanche, La belle aux cheveux d'or,   le nain jaune, la biche au bois .... dans lesquels elle allie à la description du Merveilleux, une satire de la société française du XVII siècle.

Dans La Chatte blanche, malgré de grandes différences dans le récit, le lecteur découvre une situation analogue  à celle du  marchand magnifiquement reçu dans une demeure enchantée mais puni parce qu'il dérobe une rose. Ici, c'est un jeune prince qui est accueilli avec faste dans un riche palais mais lorsqu'il veut s'emparer d'une chaîne de diamants, il est retenu par des mains sans corps. Cocteau a pris, ici, les images des mains tenant des flambeaux et montrant le chemin à la Belle quand elle arrive dans le château de la Belle. Dans La Belle et la Bête, c'est le prince qui a été transformé en bête par une fée, dans La chatte blanche, c'est un princesse qui a été métamorphosée en chatte.


Extrait de la chatte blanche
Il revint à la porte d'or, il vit un pied de chevreuil attaché à une chaîne toute de diamants, il admira cette magnificence, et la sécurité avec laquelle on vivait dans le château: «Car enfin, disait-il, qui empêche les voleurs de venir couper cette chaîne, et d'arracher les escarboucles? Ils se feraient riches pour toujours.»
Il tira le pied de chevreuil, et aussitôt il entendit sonner une cloche qui lui parut d'or ou d'argent, par le son qu'elle rendait; au bout d'un moment la porte fut ouverte, sans qu'il aperçût autre chose qu'une douzaine de mains en l'air, qui tenaient chacune un flambeau. Il demeura si surpris qu'il hésitait à s'avancer, quand il sentit d'autres mains qui le poussaient par derrière avec assez de violence. Il marcha donc fort inquiet et à tout hasard, il porta la main sur la garde de son épée; mais en entrant dans un vestibule tout incrusté de porphyre et de lapis, il entendit deux voix ravissantes qui chantèrent ces paroles
Des mains que vous voyez, ne prenez point d'ombrage,
Et ne craignez en ce séjour,
Que les charmes d'un beau visage,
Si votre cœur veut fuir l'amour.

samedi 28 avril 2012

Un livre/un film : Enigme n° 31





 
Nous sommes absents jusqu'à mardi mais l'énigme du samedi et sa réponse le dimanche ont été planifiés! Alors il va falloir vous débrouiller tout seuls, comme des grands! Nous ne vous répondrons pas mais laissez nous des messages avec des indices pour vous aider ceux qui ont des difficultés. Quand nous reviendrons, nous mettrons à jour la liste de ceux qui ont trouvé le résultat! Enigme beaucoup plus facile, je crois, que celui de la semaine dernière!
 

mardi 24 avril 2012

Départ en Lozère


Ici !


 Nous partons en vacances en Lozère pendant quelques jours; Pas d'internet là-bas! Mais nous avons planifié les billets pour l'énigme du samedi avec la réponse le dimanche : Un Livre/Un film.
A bientôt!

lundi 23 avril 2012

Les chroniques italiennes (2): Stendhal Vittoria Accoromboni et Vanina Vanini



              Théodore Chasseriau

 Les chroniques italiennes qui révèlent la passion de Henri Beyle pour l'Italie où il a vécu de longues années en tant que consul, sont pour la plupart des récits sur la Renaissance italienne dans lesquels l'écrivain fait revivre un monde violent où les nobles richissimes ont tous les droits. Il y décrit des personnages tout puissants, nobles, princes, patriarches de grandes familles, hauts ecclésiastiques, qui n'obéissent qu'à leur propre loi, lèvent leur armée et se font tour à tour voleurs, bandits et assassins. 
La publication posthume des Chroniques italiennes de 1855 comporte cinq récits : Vittoria Accoramboni, Les Cenci, La Duchesse de Palliano, L'Abbesse de Castro, tous publiés dans la Revue des Deux Mondes de 1837 à 1839 sous un pseudonyme ou même anonymement, auxquels vient s'ajouter une oeuvre antérieure Vanina Vanini publiée dans La Revue de Paris en 1829. Le terme "Chroniques" est le choix de l'exécuteur testamentaire de Stendhal, son cousin Romain Colomb. On sait que Stendhal pensait les regrouper sous le titre de "historiettes" mais qu'il se demandait si le mot conviendrait à des histoires aussi tragiques.

Trois autres récits viendront compléter en 1947 le recueil de Chroniques italiennes qui en compte alors huit au total :

San Francesco a ripa : oeuvre posthume, écrite en 1831, publiée en 1853

Suora Scolastica  : récit inachevé commencé le 15 mars 1842; Beyle y travaillait au moment de sa mort  le 23 mars 1842.

Trop de faveur tue :  récit commencé en 1839 et inachevé, publié pour la première fois en 1912.

Il faut noter que  certains récits n'ont pas pour cadre  la Renaissance. L'histoire de Vanina Vanini se passe  au début du XIX siècle (dans les années 1820) au temps des Carbonari. San Francesco a Ripa  commence en 1726 sous le pontificat de Benoit XIII (Orsini) et Suora Scolastica  a lieu à Naples sous le règne de Don Carlos en 1745.

Si Vanina Vanini et San Francesco a Ripa sont des oeuvres imaginaires, les autres histoires ont été récoltées par Stendhal dans de vieux manuscrits du XVI siècle rapportant des faits véridiques. Voilà comment il présente ses recherches dans "l'historiette"  intitulée : Vittoria Accoramboni :

Je me trouvais à Mantoue, il y a quelques années, je cherchais des ébauches et de petits tableaux en rapport avec ma petite fortune... au lieu de tableaux, un vieux patricien fort riche et fort avare me fit offrir à vendre, et très cher, de vieux manuscrits jaunis par le temps. Je demandai  à les parcourir..

Jai parcouru au grand détriment de mes yeux, trois ou quatre cents volumes où furent entassés, il y a deux ou trois siècles, des récits d'aventures tragiques, des lettres de défis relatives à des duels, des traités de pacification..

Après bien des pourparlers, j'achetai fort cher le droit de me faire copier certaines historiettes qui me plaisaient et qui montraient les moeurs de l'Italie vers l'an 1500. J'en ai vingt-deux volumes In-folio, et c'est une de ces lectures fidèlement traduites que le lecteur va lire, si toutefois il est doué de patience..

Je parlerai aujourd'hui de Vittoria Accorombia et Vanina Vanini

                                   Vittoria Accorambia duchesse de Bracciano




 Le manuscrit daté de décembre 1585 à Padoue. Le récit se déroule à Rome puis à Padoue et Venise.
Vittoria Accorambia, duchesse de Bracciano, est une jeune femme d'une grande beauté, née dans une famille fortunée, et qui par sa grâce et son charme gagne le coeur et la volonté de chacun. On la marie à Félix Peretti, neveu du cardinal Montalto. Son mari et sa belle-famille l'adorent et la couvrent de cadeaux. Mais un soir, Félix est attiré hors de chez lui par un message apporté par le frère de Vittoria et il est assassiné. On soupçonne la jeune femme et sa famille et celle-ci se réfugie chez le prince Paolo Giordano Orsini qui avait juré de la prendre pour femme dès que le mari serait mort. Il lui offre sa protection et l'épouse. Le cardinal Montalto profondément offensé par le meurtre de son neveu est persuadé que le prince Orsini est coupable mais le pape Grégoire XIII ne réagit pas et laisse la violence et le meurtre régner en maîtres dans ses états. Le cardinal Montalto pour ne pas perdre ses chances de devenir pape, refoule sa colère et tait son ressentiment. Il est élu et prend le nom de Sixte Quint. C'est alors que son ton va changer! Paolo Orsini se sentant menacé par lui s'enfuit à Venise où il va mourir de maladie non sans avoir assuré l'avenir de sa femme par testament. Mais le prince Louis Orsini, fils de Paolo, avec l'accord de son frère Virginio Orsini, fait assassiner la duchesse et les frères de celle-ci pour conserver l'héritage. La suite du récit est consacrée à la guerre menée contre Orsini et à la mort de tous ceux qui ont participé à la l'assassinat.

Ce récit romantique, à la violence exacerbée, est raconté avec sobriété. Il peint les meurs primitives et cruelles des nobles et aussi les terribles rivalités de la cour papale. Le portrait du pape Sixte-Quint est grandiose. Nous l'avions déjà rencontré dans les Cenci. C'est un personnage entier, terrible, calculateur et ambitieux mais qui ne pardonne pas et n'oublie jamais une offense. Il attend son heure! Un personnage comme les aime Stendhal mais à qui les Orsini ne le cèdent en rien. Là encore une femme va être la victime mais elle est moins intéressante que Beatrice Cenci. Dans quelle mesure est-elle coupable? a-t-elle voulu la mort de son mari? Pourtant son assassinat, barbare, fait frémir. Les ressorts littéraires de la crainte et de la compassion sont utilisés mais toujours maîtrisés par un Stendhal qui a le ton de l'historien, de l'observateur extérieur, refusant le pathos.

                                                            Vanina Vanini



Il s'agit peut-être de la chronique la plus connue du recueil.  Le récit se déroule dans les années 1820. La princesse Vanina Vanini est d'une beauté si exceptionnelle qu'elle est courtisée par tous les plus beaux partis de Rome. Mais elle les dédaigne tous. C'est d'un Carbonaro, Pietro Missirilli, échappé de la forteresse Saint-Ange et que son père cache dans son palais, qu'elle va tomber amoureuse, un amour impétueux et fougueux qui va entraîner la trahison et la mort. Ce sentiment est réciproque et les deux jeunes gens deviennent amants. Cependant Piero Missirilli, s'il est follement épris, est partagé entre sa passion pour la jeune femme et son amour de la patrie. Son honneur lui commande  de faire son devoir. Vanina, jalouse, orgueilleuse, ne supportant pas que son amant la délaisse, dénonce les Carbonari, amis de Pietro, à un moment où celui-ci est absent et peut échapper à la police. Sa trahison va avoir des conséquences terribles.

Vanina Vanini est publiée 1829, juste un an avant le Rouge et le Noir. Ils ont tous les deux des points communs, ils content l'histoire d'un amour passion et de personnages exaltés, éminemment romantiques. La princesse Vanina Vanini n'est pas sans rappeler Mathilde de la Mole. Comme elle, elle a la fierté de son rang et de sa beauté, comme elle, elle ne supporte pas la médiocrité, l'ennui et la platitude en amour. Elles aiment le danger et vont jusqu'au bout de leur passion. Toutes deux se donnent à leur amant en dépit des convenances de leur temps, toutes deux  aiment en dessous de leur condition, pourvu que leur amant soit supérieur à leurs yeux sur le plan moral. Vanina Vanini à qui son soupirant éconduit demande qui pourrait lui plaire, répond:

 Ce jeune carbonaro qui vient de s'échapper; au moins celui-là a fait quelque chose de plus que de se donner la peine de naître.

Mathilde que Julien Sorel a failli tuer parce qu'elle insultait son honneur, admire la fierté de son amant et s'exalte à l'idée d'avoir failli mourir de sa main.

Quant à Pietro Missirilli, il est comme Julien Sorel, un  jeune homme du peuple qui s'élève au-dessus de sa condition par son sens de l'honneur, son audace, sa grandeur d'âme

Si Le Rouge et le Noir est un roman politique et social où Stendhal peint la société de 1830 en France, Vanina Vanini ne l'est pas moins mais dans un récit condensé. Il nous montre la société noble de 1820 en Italie, immensément riche, à travers le bal donné par M. le duc de B dans son  magnifique palais romain. En fait, par rapport au récit du XVI siècle, le pouvoir n'est plus l'apanage d'une noblesse issue de la chevalerie et exerçant le métier des armes. Le duc est banquier mais il est aussi puissant, sinon plus qu'un roi, parce que plus libre. Ce sont les métiers d'argent qui font la loi, ce qui montre bien l'ascension bourgeoisie en ce début du XIX siècle. D'autre part, aux arts italiens qui ornent le somptueux palais du duc vient s'ajouter le luxe français et londonien. Quant à la politique, Stendhal n'a jamais caché sa sympathie pour les carbonari (ce qui lui a valu  de devoir quitter son poste de consul à Milan). Cette société politique secrète qui avait pour but de réaliser l'unité de l'Italie et de doter le pays d'une constitution pouvait rallier certains nobles modérés et patriotes, ce qui est le cas  du prince Vanini qui cache Pietro Missirilli dans son palais.

 

J'ai chargé gatuitement les chroniques italiennes sur mon Kindle : ici. j'ai ainsi appris que esl personnes qui traduisent et mettent en place ces livres sont bénévoles




Et un nouveau challenge, invitation à un voyage en Italie que je ne pouvais refuser chez  Nathalie

samedi 21 avril 2012

Un livre/Un jeu : énigme n°30 Stendhal, Les Chroniques italiennes (1): Les Cenci


Beatrice Cenci de Guido Reni*


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Les gagnants sont :  Aifelle, Asphodèle, Dasola,  Eeguab,  Gwen, Keisha, Jeneen,  Pierrot Bâton,  Shelbylee, Somaja

Le roman : Chroniques italiennes : Les Cenci
Le film : Beatrice Cenci ou Les liens du sang et de l'amour

Merci à tous et toutes pour votre participation ....




Treize ans après la mort de Stendhal, son cousin et exécuteur testamentaire Romain Colomb, réunit plusieurs nouvelles de l'écrivain sous le titre de Chroniques italiennes qui paraissent en 1855 dans le volume des éditions complètes chez Michel Lévy. Je parlerai dans ce billet du récit intitulé Les Cenci, histoire vraie du XVI siècle qui est aussi à l'origine du film de Lucio Fulci, et  je réserve à un second billet la présentation des autres récits.                    

                                                                  Les Cenci


L'histoire de Béatrix Cenci est très connue en Italie où elle a nourri pendant longtemps l'imaginaire collectif. Elle a inspiré depuis dans le monde et jusqu'au XXI siècle, de nombreux écrivains, poètes, musiciens; elle est à l'origine de pièces de théâtre et d'opéras.

 Béatrix Cenci a seize ans lorsqu'elle assassine son père Francesco Cenci, avec ses frères, sa belle mère Lucrèce et l'aide de ses amis. Celui-ci est un homme sadique, d'une cruauté inimaginable, qui hait ses enfants et se réjouit de leur mort. Il abuse sexuellement de sa fille Béatrix. Celle-ci et sa seconde épouse Lucrèce doivent subir quotidiennement brutalités et humiliations. Après sa mort suspecte, les soupçons se portent sur les Cenci qui sont soumis à la question par la justice papale. Béatrix refuse d'avouer mais sa famille a moins de force devant la torture et reconnaît le meurtre. Ils sont tous condamnés à mort sauf le plus jeune frère Bernard qui est gracié. Béatrix et Lucrèce seront décapitées sur l'échafaud dressé devant le castello San Angelo. Le peuple romain prend fait et cause pour Béatrix et lui manifeste sa sympathie en escortant le cercueil de celle qu'il considère comme le symbole de l'innocence sacrifiée à la cruauté des Grands.


 Beatrice Cenci de Harriett Hosmer (1857)

Comment Stendhal en est-il venu à s'intéresser à l'histoire des Cenci? C'est en visitant la galerie du palais Barberini à Rome en 1823 - comme Shelley avant lui et beaucoup d'autres voyageurs attirés par cette tragique histoire -  qu'il voit pour la première fois le portrait de Béatrix Cenci de Guido Reni, le jour de son exécution :

La tête est douce et belle, le regard très doux et les yeux fort grands; ils ont l'air étonné d'une personne qui vient d'être surprise au moment où elle pleurait à chaude larmes...

Un autre tableau représente Lucrèce Petroni-Cenci :

C'est le type de la matrone romaine dans sa beauté et sa fierté naturelles. Les traits sont grands et d'une éclatante blancheur, les sourcils noirs et fort marqués, le regard est impétueux et en même temps chargé de volupté...

Or, Stendhal a acheté des manuscrits qui racontent, entre autres, l'histoire de Beatrice.  En tant que consul de France dans les Etats pontificaux, il ne peut se permettre de faire paraître sous son nom  un récit qui  met directement en cause le pape. Il le publie pourtant dans la Revue des deux Mondes en 1837 mais anonymement.  Henri Beyle se présente comme le  simple traducteur du manuscrit, ce qui paraît plus prudent, mais, bien sûr, il est aussi l'auteur car il accompagne en la commentant la voix du narrateur, un contemporain des Cenci qui écrit le 14 Septembre 1599, trois jours après la décapitation de Béatrice.

Histoire véritable de la mort de Jacques et Béatrix Cenci, et de Lucrèce Petroni Cenci, leur belle mère, exécutés pour crime de parricide, samedi dernier 11 septembre 1599, sous le règne de notre saint père le pape, Clément VIII , Aldobrandino.

Pourtant, c'est Stendhal, l'écrivain du XIX siècle, qui donne le point de vue de l'histoire en faisant allusion au personnage de Dom Juan, c'est à dire en plaçant non pas Béatrix mais son père François au centre de l'histoire. On remarquera la différence par rapport au film de Lucio Fulci qui s'intitule Béatrice Cenci (Les liens d'amour et de sang en français) donnant à la jeune fille le rôle principal alors que Stendhal nomme son récit : Les Cenci, révélant ainsi sa fascination pour la vie de ces grands seigneurs à une époque aux moeurs primitives, dominée par la passion. La puissance presque illimitée de ces hauts personnages n'est possible que par leur richesse qui leur permet de corrompre les conseillers du pape, d'acheter les consciences, de commanditer les crimes :

Mis trois fois en prison pour ces amours infâmes, il (Francesco) s'en tira en donnant deux cent mille piastres aux personnes en faveur auprès de douze papes sous lesquels il a effectivement vécu. (Deux cent mille piastres font à peu près cinq millions de 1837)

Francesco pour Stendhal est un Dom Juan parce qu'il refuse Dieu, parce qu'il adopte vis à vis de la société et des lois une attitude provocatrice, parce qu'il va jusqu'au bout de son attitude même en sachant que celle-ci le mène à la damnation. Il a donc une certaine grandeur et en ce sens il intéresse Stendhal :

Eh bien! ce sera-t-il dit, je suis l'homme le plus riche de Rome, cette capitale du monde; je vais en être aussi le plus brave; je vais me moquer publiquement de tout ce que ces gens-là respectent, et qui ressemble si peu à ce qu'on doit respecter.
Car un Dom Juan pour être tel, doit être homme de coeur et posséder un esprit vif et net qui fait voir clair dans les motifs des actions des hommes.


 Cependant, pour lui, Francesco n'est pas un Dom Juan comme celui de Tirso de Molina et encore moins comme celui de Molière qui sait être un homme du monde; il n'a pas non plus le charme du Dom Juan de Mozart. C'est une brute perverse. Je suppose que l'on ne peut que le comparer qu'au Marquis de Sade, talent littéraire en moins. Parallèlement, le narrateur, auteur du manuscrit traduit par Stendhal, nous dresse le portrait de ce seigneur tel qu'il est à l'âge de sa mort (70 ans). Mais il ajoute qu'il a connu cet homme à l'âge de 40 ou 50 ans alors qu'il n'était lui-même qu'un enfant.
Quant au portrait de Béatrix peint par Guido Reni que Stendhal nous a présenté  au Palais Barberini, le voilà qu'il réapparaît sous la plume cet homme contemporain du drame et témoin visuel :

La nouvelle se répand que le signor Guido Reni, un des élèves de cette admirable école de Bologne, a voulu faire le portrait de la pauvre Béatrix, vendredi dernier, c'est à dire le jour même qui a précédé à son exécution. Si ce grand peintre s'est acquité de sa tâche comme il l'a fait pour les autres peintures qu'il a exécutées dans cette capitale, la postérité pourra se faire quelque idée de ce que fut la beauté de cette fille admirable.

Nous avons donc plusieurs strates de portraits et une complémentarité des voix qui semblent se faire écho et donnent une résonnance au récit à travers les siècles. Le lecteur a ainsi l'impression de proximité comme si l'espace temporel se rétrécissait, comme s'il devenait  lui-même contemporain de la jeune parricide.

Une critique de la société et de l'Eglise : L'on ne sait pas toujours qui parle de l'auteur XVI ème siècle à celui du XIX mais la peinture de la société italienne dans Les Cenci révèle non seulement la violence des moeurs mais aussi la corruption des hommes de pouvoir. Une critique acerbe qui concerne les grands seigneurs mais aussi les hommes d'église occupant les plus hautes positions jusqu'au pape lui-même.
L'auteur du manuscrit précise qu'il peut écrire librement car son récit ne sera pas divulgué de son vivant mais longtemps après sa mort. Il dénonce à plusieurs reprises la vénalité des hauts dignitaires de l'Eglise placés autour du pape. Mais lorsqu'il s'agit du pape lui-même, le voilà plus circonspect. Peut-être en bon catholique ne peut-il pas envisager que le pape puisse avoir des torts ou peut-être n'ose-t-il pas l'attaquer directement? Ainsi, lorsque le pape Clément VIII décide de mettre à mort Béatrix bien qu'il sache qu'elle était en état de légitime défense, le narrateur explique que le souverain y fut obligé à cause d'un autre crime aussi affreux :

Le pape Clément VIII était doux et miséricordieux. Nous commencions à espérer qu'un peu honteux de sa boutade qui lui avait fait interrompre le plaidoyer des avocats, il pardonnerait à qui avait repoussé la force par la force...
Désolé de la fréquence de ces assassinats commis sur des proches parents, Sa Sainteté ne crut pas qu'il lui fut possible de pardonner.


Pourtant, à d'autres moments, la critique des papes  apparaît nettement  :

L'on ne sait peut-être pas, dans les autres villes d'Italie, que notre sort et notre façon d'être changent selon le caractère du pape régnant. Ainsi pendant treize années sous le bon pape Grégoire XIII (Buoncompagni) tout était permis à Rome; qui voulait faire poignarder son ennemi, et n'était point poursuivi, pour peu qu'il se conduisît d'une façon modeste. A cet excès d'indulgence succéda l'excès de la sévérité pendant les cinq années que régna le grand Sixte-Quint* (*anciennement cardinal Montalto)....
Alors on vit exécuter des malheureux pour des assassinats ou empoisonnement oubliés depuis dix ans, mais dont ils avaient eu le malheur de se confesser au cardinal Montalto, depuis Sixte Quint.


On voit que le pape n'est pas épargné qu'il soit trop "indulgent" comme Grégoire XIII ou qu'il trahisse le secret du confessionnal comme Sixte Quint!  Et l'on peut légitimement se demander quelle est la part de l'écrivain du XVI et de celui du XIX siècle. De même, lorsque je lis à propos de Pie V les remarques suivantes :

Ce saint pape, tout occupé, comme on sait, de sa juste haine contre l'hérésie et du rétablissement de son admirable inquisition, n'eut que du mépris pour l'administration temporelle de son Etat...

Je me demande  venant  de la part d'un homme de la Renaissance si l'on doit prendre ces propos au pied de la lettre (admirable inquisition) ou s'ils sont ironiques. J'opterai pour la seconde hypothèse lorsque plus tard l'auteur nous montre les pratiques barbares de l'Inquisition et le raffinement des tortures que la justice papale fait subir aux accusés. D'autre part, le narrateur prend nettement le parti de Béatrix qui pour lui est une victime innocente sacrifiée.
Par contre, Lucio Fulci, lui, ne s'embarrasse pas de subtilité! Quand il critique l'Eglise, le pape, et les nobles, il n'y va pas par le dos de la cuillère! La caricature est tellement outrancière qu'elle perd de sa force mais elle a valu bien des ennuis au réalisateur dont le film a été mis à l'index. Preuve qu'au XX siècle aussi, la critique peut avoir lieu à visage découvert contrairement aux époques précédentes mais.. qu'elle est  interdite et  donc toujours dangereuse!

Le romantisme de Stendhal : Stendhal écrit en pleine période romantique et cette histoire de passion, de sang et de meurtre, est bien à même de fasciner les hommes et les femmes de cette époque. Pour Stendhal, en effet, le romantisme doit avoir pour but de correspondre aux goûts et à la sensibilité des lecteurs de son temps. Par exemple, il choisit de ne présenter dans  la traduction des vieux manuscrits que ce qui peut intéresser les lecteurs, omettant les détails triviaux qui lui paraissent ne pas correspondre à la sensibilité de son siècle. Pourtant si Henri Beyle s'inscrit dans le romantisme, il s'en démarque aussi, occupant une place à part dans ce mouvement littéraire. Il refuse l'effet stylistique et l'émotion. Dans la "traduction" de ce vieux manuscrit, l'écrivain se pose en philologue, détaillant les difficultés de cette langue ancienne et régionale, en historien voulant rester au plus proche de la vérité. Il ne développe pas, non plus, l'histoire d'amour, se contentant des indications données par le chroniqueur contemporain : Monsignor Guerra, amoureux de la jeune fille, accepte de l'aider à tuer son père mais c'est un amour qui reste chaste. Il fait appel à Marzio, homme de coeur, fort attaché aux malheureux enfants de Francesco et à Olimpio, châtelain de la forteresse de Petralla qui en avait été chassé par Francesco Cenci et voulait s'en venger. Lucio Fulci, au contraire, ne refuse pas les fioritures, invente une histoire d'amour entre Beatrice et son serviteur et amant Olimpio, crée un personnage, brigand, nommé le Catalan, qui doit perpétrer le meurtre... 
 Le roman est pour donc pour Stendhal "un miroir que l'on promène le long d'un chemin", reflétant les moeurs de la société contemporaine, mais le réalisme est discret. Peu de descriptions mais des faits. On a pu parler à son propos de réalisme subjectif. Ses personnages échappent au réalisme  par leur caractère hors du commun. Romantiques sont, en effet, les Francesco et Beatrice Cenci de Stendhal, au caractère bien trempé, héroïques et tragiques dans le mal comme dans le bien, qui prennent leur destin en main et refusent de se soumettre l'un aux lois de la société et de Dieu, l'autre à son père et à l'Inquisition.
 Béatrix Cenci  a nourri l'imagination de nombreux écrivains et artistes. Parmi les contemporains de Stendhal, Shelley a écrit une pièce de théâtre (1919) et Alexandre Dumas a publié une nouvelle sur ce sujet. Notons aussi, plus proche de nous, la pièce d'Antonin Artaud (1935) ou  Alberto Moravia.

J'ai chargé gratuitement les chroniques italiennes sur mon Kindle. J'ai ainsi appris que les personnes qui traduisent et (ou) mettent en place ces livres sont bénévoles :  Editions Norph-Nop




Les 12 d'Ys dans le cadre des classiques français


 Challenge de Nathalie qui propose un Voyage en Italie ICI


 Ce tableau est attribué à Guido Reni, celui qu'il aurait peint sur place juste avant l'exécution de Beatrice Cenci en 1599.
Mais son auteur pourrait être, en fait,  d'après ce que j'ai lu, mais sans certitude, Elisabetta Sereni (1635-1662) une femme peintre extrêmement douée dont le père fut un assistant de Guido Reni. Une copie?  ou un portrait d'après le Maître?
Le second portrait de la galerie Barberini est du Guide; c'est le portrait de Béatrix  Cenci dont on voit tant de mauvaises gravures. Ce grand peintre a placé sur le cou de Béatrix un bout de draperie insignifiant; il l'a coiffée d'un turban; il eût craint de pousser la vérité jusqu'à l'horrible, s'il eût reproduit exactement l'habit qu'elle s'était fait faire pour paraître à l'exécution, et les cheveux d'une pauvre fille de seize ans qui vient de s'abandonner au désespoir. La tête est douce et belle, le regard très doux et les yeux fort grands:  ils ont l'air étonné d'une personne qui vient d'être surprise au moment où elle pleurait à chaudes larmes. Les cheveux sont blonds et très beaux. Cette tête n'a rien de la fierté romaine et de cette conscience de ses propres forces que l'on surprend surtout dans le regard assuré d'une fille du Tibre, di una filglia del Tevere, disent-elles d'elles-mêmes avec fierté. Stendhal


Un Livre/un film : Enigme N° 30



Wens de En effeuillant le chrysanthème et moi-même, nous vous proposons, le samedi, un jeu sous forme d'énigme qui unit nos deux passions : La littérature et le cinéma! Il s'intitule : Un livre, Un film.

Chez Wens vous devez trouver le film et le réalisateur, chez moi le livre et l'auteur.
Consignes :  Vous pouvez donner vos réponses par mail que vous trouverez dans mon profil : Qui êtes-vous? et  me laisser un mot dans les commentaires sans révéler la réponse pour m'avertir de votre participation. Le résultat de l'énigme et la proclamation des vainqueurs seront donnés le Dimanche.
 
Enigme n°30
Le récit  appartient à un recueil écrit par un écrivain français du XIX siècle.  Il s'agit d'une histoire vraie qui eut lieu en Italie au XVI siècle et qui  a inspiré de nombreux écrivains, poètes, musiciens, réalisateurs :

 La tête est douce et belle, le regard très doux et les yeux fort grands:  ils ont l'air étonné d'une personne qui vient d'être surprise au moment où elle pleurait à chaudes larmes. Les cheveux sont blonds et très beaux. Cette tête n'a rien de la fierté romaine et de cette conscience de ses propres forces que l'on surprend surtout dans le regard assuré d'une fille du Tibre, di una filglia del Tevere, disent-elles d'elles-mêmes avec fierté.

jeudi 19 avril 2012

Que disent-ils de la politique? Le smic va augmenter de..





- Le smic va augmenter de dix euros au mois de Juillet
- C'est normal, l'argent appelle l'argent.

                                                                   d'après  Jean Yanne


Le Smic va augmenter de cent francs le premier juillet... - - C'est normal, l'argent appelle l'argent.
- Le Smic va augmenter de cent francs le premier juillet... - - C'est normal, l'argent appelle l'argent.
Je suis un être exquis (2001)
Citations de Jean Gouyé, dit Jean Yanne
Références de Jean Gouyé, dit Jean Yanne

mercredi 18 avril 2012

Hammerklavier de Yasmina Reza

     
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Sonata für Hammerklavier de Beethoven
 Je ne vais quand même pas lui dire que le bonheur n'est su que perdu...
Hammerklavier de Yasmina Reza est une suite d'histoires courtes où l'écrivain nous fait part de ses réflexions au fil de la vie, de sa vie, une série de petits récits pleins de finesse, attentifs aux détails, aux sentiments, d'où naissent nostalgie, émotion, tristesse. Ce qui n'exclut pas l'humour. Ainsi dans Le Masque de la Mort,  le père, atteint d'un cancer, contemple dans la glace la déchéance de son corps et fait remarquer à sa fille le masque que la Mort a placé sur son visage :

Je lui dis, c'est vrai papa que tu n'es pas terrible en ce moment.
-N'est-ce pas!...
Il rit et nous rions tous deux, moi assise sur le rebord de la baignoire, lui renfilant sa chemise de nuit, lui de bon coeur, moi aussi finalement, non de rire, mais que nous soyons capables lui et moi de rire devant pareille contemplation.

A travers les thèmes qu'elle égrène, la maladie, la vieillesse, la mort, le bonheur que l'on ne reconnaît que lorsqu'il est passé, à travers les portraits, le père disparu, la grand mère qui perd la mémoire, les enfants qui grandissent et que l'on voit s'éloigner, les amis, c'est bien sûr de nous que parle Yasmina Reza et nous nous reconnaissons, nous avons vécu ou nous vivrons ces expériences. Et j'aime que Yasmina Reza puisse en parler avec autant de pudeur, aborder des sujets aussi graves en parvenant à tempérer la douleur par le rire même si le rire, bien sûr, est très proche du désespoir tout sachant nous en garder.

2253146641-1.1246308664.jpgLe titre du livre fait allusion à l'oeuvre de Beethoven, Hammerklavier, qui revient plusieurs fois dans le recueil et au père de l'écrivain. Dans la première histoire intitulée Le Rêve Yasmina Reza imagine que son père, mort, revient la voir et lui dit qu'il a rencontré Beethoven là-haut mais que celui-ci lui a reproché d'avoir osé s'attaquer à l'adagio de Hammerklavier.

-Pardonnez-moi, maître, lui répondit mon père, je vous imaginais au-dessus de ça à présent!
-Mais enfin! s'écrie Beethoven, être mort n'est pas être sage!

Une des nouvelles qui me touchent le plus est celui qui porte le titre de La Râleuse où Yasmina Reza se désole parce qu'elle a perdu le "livre" écrit et dessiné par sa fille, Alta, lorsque celle-ci était toute petite. Pourquoi y est-elle si intensément attachée? Comment expliquer cette réaction exacerbée? C'est ce que ne comprend pas Alta, la bienheureuse qui ne sait rien encore de tout cela. Et pourquoi ma réceptivité particulière à ce récit? Peut-être parce que j'ai éprouvé maintes fois ce sentiment en relisant les écrits d'enfance de mes filles, devenues adultes, et qui ont donc cessé d'exister dans ce qu'elles ont été, dans leur forme première de fillettes, englouties par le Temps. 

Je lui dis que ce n'est pas le livre que j'aime, que c'est elle, que c'est nous, que c'est cet instant même qui déjà n'est plus, que c'est déjà toutes les choses que nous ne ferons plus ensemble, les colères auxquelles elle a renoncé en grandissant, les disputes que nous n'aurons plus, je murmure encore pour moi d'autres choses, je ne vais quand même pas lui dire que le bonheur n'est su que perdu...


 republié de mon ancien blog