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dimanche 4 août 2013

Théâtre enfants au festival OFF d'Avignon : les coups de coeur de Léonie et de sa grand mère (1) : POGO

Pogo, de Groupes Noces/Danse images

Avec Léonie, ma petite fille âgée de 3 ans et 4 mois (il ne faut pas que je les oublie ces mois si je ne veux pas la vexer) nous avons vu 10 pièces pour enfants, plus un spectacle (qu'elle a adoré) donné par le ballet  de l'Opéra d'Avignon en direction d'un public adulte. Et parmi ces pièces, des petits bijoux. Je vous parle d'abord de nos coups de coeur à toutes les deux pour le théâtre enfants :

Notre numéro 1 à toutes les deux :  POGO, danse bagarre étoiles filantes




Pogo, danse, bagarres, étoiles filantes... est un spectacle jeune public* du Groupe Noces, chorégraphié et mis en scène par Florence Bernad.
Il s'agit d'une petite merveille, un ballet poétique, léger et bondissant comme les deux danseurs, un garçon et une  fille qui nous entraînent au coeur d'une forêt, à la rencontre des biches, des ours et des oiseaux. Ils évoluent dans un décor de rêve constitué par les images du photographe  animalier, Vincent Munier, projetées sur la toile de fond. Les lumières pastels, délicates, les sons, les chants des oiseaux, les musiques très variées, créent une atmosphère féerique. Il s'agit d'une danse énergique, vivante, animée. Les deux interprètes sont tour à tour ours majestueux à la souple démarche,  biches en attente, frémissantes d'inquiétude...  Ils miment les jeux, les bagarres des oursons dans l'eau de la rivière,  les bonds prodigieux des animaux féroces, l'envol des tourterelles dans le ciel. Un appel à l'imagination des enfants!
Les danseurs ont avec eux un vrai lapin vivant qui obtient un succès considérable auprès du jeune public. Le spectacle fait l'unanimité entre les parents et les tout-petits fascinés.


Pogo chorégraphié et mis en scène par Florence Bernad
* A partir de trois ans
**  définition de Pogo :  danse et bousculade lors des concerts de rock où tout le monde saute et se  pousse les uns contre les autres

Challenge chez Eimelle

samedi 3 août 2013

L'importance d'être Wilde de Philippe Honoré au festival Off D'Avignon 2013


Emmanuel Barrouyer, Anne Priol et Pascal Thoreau  dans L'importance d'être Wilde

 L'importance d'être Wilde, une pièce de Philippe Honoré mise en scène par Philippe Parson, était donnée au théâtre du Balcon pendant le festival Off d'Avignon... Le titre joue bien sûr sur celui d'une des plus célèbres pièces d'Oscar Wilde  : "L'importance d'être Constant".
L'importance d'être Wilde  présente la vie et l'oeuvre de cet auteur provocateur et non-conformiste qui a payé durement le fait d'être homosexuel et surtout de ne pas s'en cacher. Le personnage apparaît donc dans toute sa complexité, un homme supérieurement doué, à l'humour lapidaire, intelligent, spirituel,  mais aussi  un dandy  qui attache beaucoup d'importance au paraître, volontiers méprisant et convaincu de sa supériorité à la fois sociale et intellectuelle. Pas toujours sympathique donc mais tellement brillant! Pas assez prudent et trop sûr de lui, pourtant, pour comprendre qu'il ne pouvait se permettre de braver la morale victorienne à une époque où l'homosexualité était interdite et passible de prison.
 Les moments clefs de sa vie s'animent devant le spectateur grâce au jeu des trois bons comédiens,  Emmanuel Barrouyer, Anne Priol et Pascal Thoreau  :  ainsi  son procès qui le met au ban de la société et non seulement lui mais aussi sa femme et ses deux enfants, la prison, l'exil en France, sa rencontre avec Gide, sa mort à Paris, solitaire et démuni,  et son enterrement à la sauvette, sans amis ni famille,  au Père Lachaise. Ces scènes alternent avec des extraits de ses oeuvres, des aphorismes pleins d'humour, réjouissants, ou profonds et désabusés,  qui sont une gourmandise pour le spectateur. La mise en scène est enlevée. La pièce,  sans être être pour moi un coup de coeur, m'a permis de vivre un moment de théâtre très agréable.


Oscar Wilde né à Dublin en 1854
Le public est extrêmement tolérant. Il pardonne tout sauf le génie . ( Le critique en tant qu’artiste )

Perdre un parent c'est un malheur mais les deux, c'est de la négligence (L'importance d'être constant)

L'appellation de livre moral ou immoral ne répond à rien. Un livre est bien écrit ou mal écrit et c'est tout. (préface Dorian Gray

Les femmes se divisent en deux catégories : les laides et les maquillées, les mères étant à part.

Les enfants commencent à aimer leurs parents; devenus grands, ils le jugent; quelquefois, ils leur pardonnent. (Dorian Gray)

Qu'on parle de vous, c' est affreux mais  il y a une chose pire : qu'on n'en parle pas!

Une chose n'est pas nécessairement vraie parce qu'on meurt pour elle.


Chez Aymeline


Chez Eimelle

vendredi 2 août 2013

Lear In town d'après Shakespeare au festival In d'Avignon : une grande déception!


Lear In town d'après Shakespeare metteur en scène Ludovic Lagarde


Même si le festival d'Avignon 2013 est terminé (j'éprouve toujours une petite nostalgie lorsque c'est la fin, chaque année) je vais continuer à écrire sur les spectacles que j'ai pu voir.

Lear in town d'après Shakespeare avait tout pour me plaire et d'abord Shakespeare, bien sûr, et ensuite la pièce elle-même Le roi Lear que j'aime beaucoup et enfin ce lieu magnifique qu'est la Carrière de Boulbon, vaste scène en plein air comme dans un théâtre grec, encadrée par de hautes falaises de pierre. Il est vrai que le mot "d'après" m'inspirait au départ une inquiétude ainsi qu'un autre terme à la mode dans la scène contemporaine : " déstructuré ".  Mais la curiosité a prévalu! Après tout, je ne demande qu'à être convaincue!

Et il s'agit bien en effet d'un roi Lear "déstructuré"c'est à dire non de  la pièce complète mais d'une création du metteur en scène Ludovic Lagarde.

Nous avons dû assister à un spectacle qui réunissait trois acteurs, le roi Lear, Cordélia, le Fou, littéralement perdus dans ce vaste espace de la Carrière Boulbon. Planté au milieu de la scène, un objet noir, sorte de grande sono, d'où sortaient les voix des autres personnages. Economie d'acteurs? Non déstructuration! La pièce nous est présentée par fragments, dans le désordre. De temps en temps les trois acteurs mettent des écouteurs sur les oreilles et les voix des autres personnage nous permettent de comprendre ce qui s'est passé avant .. ou après … Du coup, l'évolution du personnage du roi Lear, son glissement vers la folie, sa lucidité finale ne sont pas apparentes.
Je laisse à d'autres le soin d'admirer cette "déstructuration " de l'intrigue et du temps, ce passage du présent au passé! La mise en scène me paraît étriquée, l'intrigue incohérente, les thèmes sacrifiés, les acteurs ne me touchent pas, je n'aime ni la voix de Cordélia, ni les gesticulations (mettre, enlever sa veste et vice versa) et les vociférations du roi Lear !  Seul le traitement sonore qui évoque la tempête au-dessus de nos têtes laisse une part à l'imagination. Pour ma part, je me sens lentement gagner par l'ennui comme de nombreux spectateurs autour de moi. Une grande déception pour mon avant-dernier spectacle du IN!

PS : je me demande pourquoi les metteurs en scène n'écrivent pas et ne montent pas leurs propres pièces s'ils veulent faire une création plutôt que d'esquinter les pièces des autres et en particulier de l'immense Shakespeare!


Chez Maggie et Claudialucia


Challenge Eimelle

vendredi 26 juillet 2013

Partita 2 avec Anna Teresa De Keersmaeker et Boris Charmatz : Une cour d'Honneur divisée!


Anna Teresa de Keersmaeker et Boris Charmatz (source de l'image L'express)

Partita 2  de Jean Sébatien Bach est une création chorégraphique donnée dans la Cour d'Honneur  du Palais des Papes avec  les danseurs Anne Teresa De Keersmaeker  (qui est aussi la chorégraphe de ce spectacle), Boris Charmatz et la violoniste Amandine Boyer.  Les avis sont partagés à la fin de ce spectacle qui est le dernier du festival In 2013. Les spectateurs sont divisés entre ceux qui huent et ceux qui applaudissent. Je fais partie de ceux qui ont un avis mitigé.

Je ne suis pas grande habituée de la danse contemporaine mais j'avais envie de voir Anna Teresa De Keersmaeker, chorégraphe belge que ma fille adore, et de découvrir Boris Charmatz qui a été antérieurement l'invité du festival. On dit que ATDK pratique une "danse qui danse" et Boris Charmatz  "une danse qui ne danse pas"! A priori, ce genre de terminologie m'inquiète!

J'adore la Cour d'Honneur, c'est un lieu magique, d'une beauté impressionnante. Etre assise  là  entre les hautes murailles du grand Palais, avec le ciel pour témoin, c'est déjà en soi, un bonheur. Aussi lorsque la musique de Bach retentit, c'est avec émotion que je l'écoute. La scène n'est pas éclairée et la violoniste  n'est pas visible  aussi il n'y a rien qui s'interpose entre nous et la musique si ce n'est les étoiles qui s'allument les unes après les autres dans la nuit qui tombe peu à peu. Pourtant,  je suis un peu frustrée car j'aimerais bien que la danse commence et que l'union des deux arts se réalise. Puis la musique cesse et les danseurs commencent à évoluer en silence et dans la semi pénombre, un seul côté de la scène est éclairé! Frustation à nouveau! la danse sans la musique ne me convainc pas, je vois à peine les interprètes, je m'ennuie. Est-ce que cela va continuer ainsi?

 Non! La violoniste revient sur scène, danse et musique sont enfin réunies!  Je n'aime pas toutes les évolutions des danseurs mais certaines me touchent en particulier celles d'Anne Teresa De Keersmaker qui parlent à l'imaginaire : elle est si attentive, il y a une si parfaite adéquation entre le geste et la musique qu'elle nous la donne à voir tandis que la belle interprétation d'Amandine Beyer nous la donne à écouter.. 

Dans l'entretien que les deux danseurs ont donné, Boris Charmatz  affirme :  "Ce qui m'intéresse, c'est que d'une part, la danse permette de visualiser la structure de la partition, ses fondations en quelque sorte." et il dit aussi  "nos corps suivent la partition, ils matérialisent davantage des énergies ou des rythmes que des corps psychologisés.".
  C'est ce que j'ai pu ressentir par moments mais hélas! parfois trop rarement et trop éphémèrement. Et c'est bien dommage! Mon dernier spectacle du In!



Demain :  Billet sur Lear in Town d'après Shakespeare metteur en scène Ludovic Lagarde à la carrière de Boulbon. Festival IN

jeudi 25 juillet 2013

La dame d'Ithaque de Isabelle Pirot et David Pharao

Marie Frémont, une Pénéloppe pleine de sensibilité

Ce spectacle du festival OFF  d'Avignon 2013 : La dame d'Ithaque par les Théâtres de Saint-Malo et Productions du Dauphin est donné au théâtre du Balcon à 19H jusqu'au 28 Juillet.

La dame d'Ithaque, vous l'avez reconnue, c'est Pénéloppe et pour une fois celle-ci devient le personnage important de la pièce car Homère est bien gentil avec son Ulysse mais en dehors de sa tapisserie, vous savez ce que fait Pénéloppe? Vous savez qui elle est? Non, bien sûr!

Il est vrai que rester à sa maison, cela n'a rien d'exaltant! Je vous l'accorde! Il vaut mieux être charmée par les sirènes, coucher avec Calypso, faire son jolie coeur avec Nausicaa! Et pourtant si c'était Pénéloppe, la véritable héroïne, celle qui a le courage d'éduquer son fils, d'attendre, de résister patiemment à l'usure du temps et de subir en les repoussant les violences des prétendants.  Et si les femmes étaient les détentrices de la sagesse, celles qui refusent la violence et la guerre? La pièce raconte donc l'histoire de Pénéloppe, l'enfant, la jeune fille éduquée par Homère qui est son précepteur (Laurent Montel), sa rencontre avec Ulysse, son mariage, la naissance de son fils, le départ de son mari et puis la suite... que nous croyons connaître mais cette fois-ci sous un autre éclairage, le sien!

Ce texte intéressant, à la fois plein d'humour mais aussi d'émotion, sur ce thème surprenant, est écrit par Isabelle Pirot et David Pharao qui est aussi le metteur en scène. Une scénographie agréable avec de beaux éclairages et un décor stylisé font de cette représentation un moment de théâtre réussi. Mais il faut donner une mention spéciale à l'actrice,  Marie Frémont, qui interprète avec humour, malice et sensibilité le personnage de cette femme forte et courageuse. Marie Frémont fait vivre pour nous, tour à tour, le bébé, l'élève capricieuse, l'amoureuse, la mère. Elle peut passer  de la joie à la tristesse, du comique au tragique et rendre ainsi tous les registres du texte. On peut dire que la pièce repose sur son interprétation et que c'est elle qui donne tout son charme à ce spectacle original.

La dame d'Ithaque : Le retour d'Ulysse



Demain :  un billet sur Partita 2  spectacle de danse sur la musique de Bach dans la cour d"honneur du Palais des Papes. C'est le denrier spectacle du festival IN.




Challenge Eimelle

mercredi 24 juillet 2013

Binari, mémoire d'une mère par la compagnie Mac Théâtre : une petite merveille coréenne


Binari un beau spectacle donné au Festival d' Avignon par la compagnie coréenne Mac Theatre
En coup de coeur du festival Off 2013, vu à La condition des soies, Binari-souvenirs d'une mère est un spectacle coréen dont Jungnam Lee est l'auteur et le metteur en scène. J'ai eu envie de découvrir la culture coréenne à travers cette pièce qui emprunte aux danses chamaniques (portant le nom de Binari) de la côte est de la Corée et à la traditionnelle danse masquée du sud de la Corée.
Si les explications données avant le début de la représentation sur le sens du rituel, le KUT, qui apaise l'âme des humains, sur la signification des objets, ne sont pas inutiles, l'on peut aussi, tout simplement, se laisser emporter par la beauté de la musique, des chants et des danses, des costumes et des lumières.

Thématique de la pièce : Binari ou souvenirs d'une mère  raconte l'histoire d'une vieille femme qui attend entre le monde des vivants et le monde des morts, refusant le passage dans l'au-delà. Elle raconte l'histoire  de sa vie à une femme chaman, la mudang, qui lui permettra en effectuant le rituel chamanique de partir l'âme apaisée. 
Binari : danses chamaniques

Nous sommes entraînés dans un monde magique où tous les gestes, les objets, les chants et la musique ont un sens précis. Le masque à quatre yeux qui permet de chasser les mauvais esprits,  le palanquin où est installé le défunt, le bateau qui symbolise la traversée de l'âme, la toile blanche qui est le pont permettant d'atteindre le ciel sont l'expression d'une grande spiritualité. Accompagné par les chants de de regret ou de résignation, rythmé par les percussions, mis en valeur par les éclairages, le spectacle transmet une pure émotion. Le déroulement des rites funèbres est entrecoupé par des scènes de comédie très réussies qui racontent avec beaucoup d'humour la vie de la mère, son mariage, la naissance des enfants, l'infidélité du mari..
Je suis sortie ravie du voyage dans le temps et l'espace, de cette errance entre la vie et la mort vers les portes de l'au-delà...

La Compagnie coréenne MAC théâtre a été fondée en 1986 et sa création s’enracine dans le riche patrimoine artistique de la Corée, engendré par une civilisation cinq fois millénaire. Son travail se concentre sur l’histoire du pays, sur le folklore coréen, le chamanisme... les créations présentées mêlant en général, artistement, le théâtre, la musique et la danse. Depuis ces dix dernières années, la compagnie a beaucoup tourné à l’étranger et y a remporté nombre de succès et de distinctions, notamment à Montréal, en Bosnie et en Turquie.
Spectacle récompensé meilleures création, direction et comédienne au Festival de théâtre de Gomanaru en 2008.



Demain : billet sur La dame d'Ithaque au Théâtre du Balcon
Etant donné que je n'aurais peut-être pas le temps de parler de tous les spectacles que j'ai vus, je commence, comme vous le voyez, par mes coups de coeur...








Chez Eimelle

mardi 23 juillet 2013

Festival In : Angelica Liddell, Todo el cielo sobre la tierra, un théâtre qui secoue!

Todo  el cielo sobre la tierra d'Angelica Lidell

Todo el cielo sobre la tierra  ( Tout le ciel au-dessus de la terre) est  pour moi ma première découverte d'Angelica Liddell sur scène. Mais je connaissais bien le personnage et son théâtre qui ont secoué les spectateurs  Avignon antérieurement. Je  savais que j'allais assister à un cri de souffrance,  à l'agonie toujours renouvelée d'une femme qui dit son mal être, sa peur de l'abandon et de l'amour … Une blessée grave de la vie pour qui le théâtre est une catharsis salvatrice.

Cette  pièce Todo cielo el Sobro la Tierra  porte comme sous titre Le syndrome de Wendy. Wendy, bien sûr c'est Angelica Liddell et  toutes les filles qui refusent  de grandir, effrayées par la perspective de l'âge adulte, par la décrépitude du corps et de l'esprit qui les attend. Les vers de  William Wordworth  qui reviennent  dans la pièce comme un leit motiv  disent cette peur d'une autre manière :

 Et si rien ne peut ramener l'heure
De la splendeur dans l'herbe, de l'éclat dans la fleur
Au lieu de pleurer, nous puiserons
Nos forces dans ce qui n'est plus.

A la  voix sentencieuse d'un professeur qui interroge, on entend une jeune élève répondre : "Je crois que cela signifie que lorsque nous sommes jeunes nous vivons d'idéaux, mais quand nous perdons notre jeunesse nous devons trouver en nous les forces pour vivre".

Jouée dans la grande cour du lycée Saint Joseph,  la pièce est pour moi très nettement divisée en trois parties dont je ne suis pas arrivée  forcément à voir la logique au moment où le spectacle se déroulait, ce qui fait que j'ai eu des difficultés à entrer dans l'univers d'Angelica Lidell. Ce n'est que peu à peu que j'ai vu le puzzle se mettre en place, la cohérence apparaître.

Angelica a écrit cette pièce en hommage aux soixante-neuf jeunes gens tués sur l'île d'Utoya en Norvège en 2011 par Anders Breivik. La première partie de la pièce est une réflexion sur ce massacre, sur l'horreur insoutenable qui lui est inhérent, sur la difficulté de continuer à vivre face à une telle monstruosité. A l'image de l'île d'Utoya se superpose alors celle de Peter Pan, le pays où se réfugient les enfants qui ne veulent pas grandir car la métaphore de la mort est très apparente dans le mythe de Peter Pan. Est-ce à dire que pour ne pas grandir, il faut mourir jeune comme les enfants d'Utoya?
C'est là que Peter Pan amène Wendy-Angelica, pour la soustraire à la terreur et à la solitude. Pourtant malgré le tragique du propos, ce début m'a laissé  froide, occupée que j'étais à comprendre le sens et le pourquoi et le comment! Le théâtre de Lidell n'est pas d'un abord aisé pour une non-initiée!

La seconde partie nous amène en Chine. Il faut dire que chaque fois que Angelica Liddell est  malade de dégoût et de peur, elle apprend une langue étrangère. C'est ce qu'elle a fait cette fois encore avec le chinois. Puis elle est allée se perdre, toute petite, insignifiante, dans la grande ville de Shanghaï. Sur scène, retentit la musique du compositeur chinois, Hong Dae Sung, qui a créé des valses pour le spectacle. Un couple venu de Shanghaï valse. Ils sont âgés, ce ne sont pas des danseurs professionnels mais ils aiment danser, on le sent. La musique est belle, douce, joyeuse, les valses s'enchaînent, spectacle hors du temps. Etonnement des spectateurs et même protestations à côté de moi, visiblement ce n'est pas cela que l'on attend d'Angelica! Pourtant je comprends son propos, c'est comme si elle s'enfermait dans un monde idéalisé où la vieillesse n'est pas une déchéance, une parenthèse qui la soustrait à l'horreur de la réalité. Shanghaï comme une île lointaine accueille Wendy.



Et puis la troisième partie! Là, Angelica est seule sur la scène, plus rien ne la protège de la souffrance et sa voix éclate, s'élève et semble envahir l'espace au-dessus de nous. Elle crie sa haine des mères, elle qui a toujours refusé d'en être une, elle crie son mépris de celles qui exploitent leurs enfants en exigeant amour et reconnaissance, celles qui se drapent dans ce rôle de mère pour acquérir un "supplément de dignité". Elle dit surtout comment sa propre mère a détruit en elle le bonheur en la punissant d'éprouver ce sentiment, comment elle a fait en sorte que le rire soit synonyme de honte et de péché. Elle dit sa solitude, sa peur de l'abandon, sa soif d'être aimée. Et tout son corps se tord et participe à cette souffrance tandis que se découpe l'ombre géante de sa silhouette torturée sur les hautes façades de l'ancienne bâtisse du lycée Saint Joseph. Sa voix se métamorphose, rugit, murmure, prend des inflexions profondes qui semble sortir de ses entrailles. Car il s'agit bien de cela, un rugissement qui surgit de l'intérieur : la douleur est physique et transmissible, le spectateur l'éprouve, le spectateur chavire tandis que les enfants d'Utoya s'écroulent sur la scène dans leur vêtement ensanglanté… L'obscurité se fait! Les spectateurs restent silencieux, sonnés!  Il faut un moment pour revenir à soi-même et donner à Angelica Liddell les remerciements qu'elle mérite.


Chez Eimelle

lundi 22 juillet 2013

Ubu Kiraly : Alfred Jarry, Alain Timar et la Compagnie hongroise du Cluj Un coup de coeur!

Les acteurs hongrois du Cluj dans Ubu Kiraly mis en scène par Alain Timar

Dans la série coup de coeur du festival OFF 2013 : la pièce d'Alfred Jarry, Ubu roi mise en scène par Alain Timar au théâtre des Halles jusqu'au 28 Juillet


Ce n'est pas sans humour qu'Alain Timar nous convie à venir goûter Ubu roi ou Ubu Kiraly  en hongrois puisque la pièce est jouée dans cette langue, farce grotesque, satirique et  réjouissante :
"À l’heure où aucun despote ne règne plus, pourquoi se replonger dans l’odyssée du Père Ubu ? En effet, peut-on encore, dans notre monde ouvert et civilisé, trembler en imaginant les ravages d’une "machine à décervelage" sur nos esprits sagaces ? Ou frémir à l’idée d’être ponctionnés par une fantastique "pompe à phynances" ? Non, bien sûr. Rassurons-nous : personne de nos jours ne cherche plus, par les moyens les plus brutaux, à "se procurer un parapluie", ou à semer la misère et la désolation dans le seul but de "manger plus souvent de l’andouille"… On pourra donc rire sans mélange aux facéties toujours vertes d’Alfred Jarry, absurdités fomentées en 1896 dans le seul but de semer la merdre… Un projet qu’il allait jusqu’à énoncer : "Il fallait que la pièce ne pût aller au bout et que le théâtre éclatât."
Et comme, non, bien sûr, une telle aberration ne peut plus exister dans notre monde "ouvert et civilisé", je m'abstiendrai donc de vous parler de l'actualité de cette pièce, de sa modernité et de la pérennité des thèmes explorés par la pièce, l'ambition démesurée, la soif du pouvoir qui mène au meurtre, les abus des puissants qui exploitent le peuple et s'enrichissent à leur dépens, l'absurdité de la guerre. On pense à Macbeth pour sa version tragique, paternité revendiquée par Jarry, et pour sa version comique à Rabelais, son roi Picrochole et son capitaine Merdaille.

Avec la pièce d'Alfred Jarry, Ubu roi, Alain Timar signe  au théâtre des Halles, la meilleure de ses mises en scène,  animée d'un souffle délirant, d'une inventivité sans cesse renouvelée. C'est avec un rouleau de papier blanc que les acteurs sont invités à créer eux-mêmes leurs costumes, leurs accessoires. Le papier se transforme sous leurs doigts en vêtements, capes, couronnes, fichus, noeuds papillon, épées ou croix et il suffit à lui seul à créer des personnages, à évoquer un décor, à caractériser une classe sociale. Le résultat est surprenant, astucieux, amusant, bouffon mais aussi esthétiquement réussi. La langue hongroise (sur-titrée) ajoute au charme et la manière qu'ont les comédiens de prononcer "Ubu papa" ou "Ubu mama" met en joie.  Rythmés par des instruments de cuivre cabossés, à leur image, les évolutions des excellents acteurs du théâtre hongrois de Cluj servent avec dynamisme, drôlerie et un grain de folie cette mise en scène échevelée qui les met dans tous leurs états! Ils incarnent tour à tour chacun des personnages si bien qu'il y a plusieurs Mère Ubu ou Père Ubu, reconnaissables chacun à ses attributs en papier. C'est d'une drôlerie irrésistible et le public ne boude pas son plaisir! Mais sous le grotesque et le rire, la mise en scène souligne la férocité du propos, la dénonciation de la monstrueuse sottise de l'homme confronté au pouvoir. Une grande réussite!


Alfred Jarry
 Alfred Jarry (1873-1907) a créé le personnage d'Ubu alors qu'il était au lycée, inspiré par l'un de ses professeurs. Ubu Roi est la première pièce d'un cycle autour du personnage d'Ubu qui incarne à la fois la tyrannie et la sottise. La pièce est un prétexte à explorer la soif du pouvoir, ses dérives, ses cruautés et la cupidité jamais assouvie des puissants.
Dans Ubu roi, Le père Ubu poussé par sa femme, la mère Ubu (véritable lady Macbeth grotesque) veut prendre le pouvoir. Il tue le roi de Pologne  Venscelas et s'empare de son trône, aidé par ses partisans dont le capitaine Bordure.  Jarry prend soin de préciser que la Pologne peut-être n'importe quel pays. Devenu roi, Ubu se débarrasse de tous ceux qui s'opposent à lui et accablent le peuple d'impôts. Mais le fils du roi, Bougrelas, a juré de se venger. Il va demander de l'aide au Tsar...
 


Challenge d'Eimelle




Festival IN  : Demain  un billet sur Angelica Lidell : Todo el Cielo sobre la Tierra (le syndrome de Wendy)

dimanche 21 juillet 2013

Festival OFF d'Avignon : La compagnie des spectres de Lydie Salvayre et Zabou Breitman : Un coup de coeur!



Zabou Breitman et le maréchal Pétain dans la compagnie des spectres
 Dans la série coup de coeur, La Compagnie des spectres avec Zabou Breitman au théâtre du Chêne Noir jusqu'au 28 Juillet à 18H.

Quand Zabou Breitman s'empare de La compagnie des spectres, un roman de Lydie Salvayre, l'adapte, le met en scène et enfin l'interprète d'une manière magistrale, c'est pour nous enlever, nous ravir au sens premier du terme, pour nous faire vivre une aventure théâtrale qui est un pur bonheur, un grand moment d'émotion partagé entre le rire et les pleurs, la révolte et la compassion.
La compagnie des spectres est en effet la rencontre entre un texte fort, intense, subtil, un belle langue qui emprunte à tous les registres et une actrice lumineuse, tendre et tragique, et amusante aussi, qui sait faire partager toute une gamme de sentiments et nous met en empathie avec les personnages qu'elle incarne.

 Epoque actuelle-1943  : Soit un appartement  misérable et un huissier qui vient faire l'inventaire de biens (sans valeur) pour procéder à une saisie puis une expulsion. Ici, vit Louisiane timide, recluse, incapable de vivre en société, un rien obséquieuse envers l'homme de justice… Et puis il y a sa mère Rose, très âgée, folle, dont la mémoire est resté figée à cette journée de Janvier 1943 où son frère a été sauvagement assassiné par deux miliciens et où sa propre mère, sous le choc, s'est elle aussi retirée dans le silence de son esprit. Trois générations de femmes qui ont été détruites par l'horreur de la collaboration du régime de Vichy et la complicité active (des milliers de lettres de dénonciation) ou passive de nombreux français. Le texte puissant dénonce l'antisémitisme, la dictature, elle dénonce les responsables, le maréchal Pétain, Joseph Darnand, le fondateur de la milice, René Bousquet et son adjoint Jean Leguay, et tous les collaborateurs qui, soit par intérêt, cruauté, désir de puissance et de reconnaissance, soit par lâcheté, ont collaboré avec le meurtre et l'horreur.

Il suffit d'un rien pour que Zabou Breitman devienne tour à tour une des trois femmes, l'huissier et même le maréchal, le pharmacien délateur, un milicien… un geste, une cigarette au bec, une inflexion de voix, un corps qui se courbe d'humilité… Elle  tient ainsi les spectateurs sous le charme, captifs. Mais si le texte est tragique, l'actrice sait nous amener au rire. Là encore une nuance dans son jeu, un mot mis en relief, un déhanchement et le rire surgit. Oh! cette scène inénarrable où elle danse avec le maréchal Pétain himself! Et oui!
Le décor est laid : misérables et étriqués ce salon et cette chambre encombrés d'objets hideux, abimés, cassés, comme si le temps s'était arrêté, comme s'il reflétait le néant de ces femmes détruites, enfermées dans un passé qui sans cesse recommence, dans une violence qui  rejoint le présent. Car au fur et à mesure que la mère parle on comprend que c'est elle, la "folle", qui détient la vérité. L'horreur  n'a jamais cessé pour elles, pour ces deux femmes malades, dans l'incapacité de travailler, dotées d'une petite pension qui leur permet à peine de survivre à deux. La violence actuelle est représentée par cet huissier qui vient insulter leur misère. Soixante et dix ans après, Louisiane et Rose vivent les conséquences de ce passé tragique mais la violence s'exerce sur elles d'une manière plus subtile comme elle touche tous ceux qui vivent de nos jours "avec 400 € par mois" et ne peuvent payer leur loyer. Et c'est ainsi que le présent et le passé sont solidaires! Et de là naît la révolte qui constitue aussi, peut-être, un espoir.

Un très beau texte! Un grand moment de théâtre!



 Je cite ici un extrait de l'interview de l'auteur Lydie Salvayre Pour comprendre le sens profond de ce roman  voir la suite  ICI

- On a l'impression que c'est le face à face de deux discours qui tournent à vide, celui du présent traumatique éternel de la mère et celui de l'huissier, enchaînement mécanique de formules juridiques, qui va rendre impossible la tentative de reconstruction de la fille. -Un discours qui tourne à vide, mais qui produit des effets. La société, qui devrait l'aider à s'étayer, la rejette, la renvoie vers sa mère, dont elle reçoit cette révolte. Quant à l'huissier, j'ai reçu une lettre d'un lecteur me reprochant d'avoir fait de l'huissier un vichyste, alors que la monstruosité ordinaire des huissiers se suffit à elle-même.

-En ce sens, c'est un livre politique?
-Oui, et pas seulement dans ses aspects historiques. D'ailleurs, on ne s'y est pas trompé, notamment dans les jurys littéraires, même si on ne le dit pas comme ça.
-Dans vos derniers livres, on voit un personnage investi, habité par un discours qui n'est pas le sien, et le confrontent, parfois tragiquement, au réel. Ici, on perçoit une radicalisation de ce dispositif.
-Tant mieux si c'est comme ça. Mais ce qui distingue mes deux derniers romans, c'est la place qu'y tient le discours littéraire. Dans 'la Puissance des mouches', le personnage était possédé par Pascal. Ici, la littérature, Cicéron, Sénèque, respire dans les paroles de la mère, y est incorporée. Quand elle cite Epictète à la face de l'huissier, ces mots sont les siens. Et parfaitement inutiles. La littérature ne peut rien face à la brutalité d'un huissier. On sent à quel point elle est luxe pur, surcroît absolu, renvoyée à l'inefficacité sur le plan de la résistance au social. Pourtant Rose ne serait pas ce qu'elle est, aussi coléreuse, aussi rebelle sans ses lectures.
-Vous n'êtes donc pas la pessimiste radicale qu'on dépeint parfois.
-On me dit même désespérée. Il est vrai que le malheur est au centre de mes romans. Mais c'est un malheur qui ne s'abîme pas en lui-même, qui se tempère, qui est soutenable. Ce n'est pas le malheur insoutenable de Primo Levi. Il peut se dire, et souvent par le rire. La liberté n'est jamais hors de portée.

je n'ai pas encore lu La compagnie des spectres mais après cette belle aventure théâtrale,  je viens de commander le livre pour découvrir le roman.

Editions le Seuil : la compagnie des spectres de Lydie Salvayre

Editions Points : la compagnie des spectres de Lydie Salvayre


samedi 20 juillet 2013

Le festival d'Avignon 2013 : une brassée d'images


Une parade pour Cendrillon

Décidément il faut que je vous parle du festival d'Avignon. Voici que commence la troisième et dernière semaine, il serait temps! Quelques photos d'abord pour vous montrer les affiches qui montent à l'assaut des gouttières, des poteaux, qui tapissent les murs... des couleurs bariolées et puis la foule  partout, les théâtres pleins à craquer, bref! tout ce qui fait du festival une grande fête du théâtre. Avec ces 1258 pièces du Off, avec une soixantaine de spectacles du In, les concerts, les lectures, les conférences, les expositions... la difficulté reste de faire un choix et qu'il soit judicieux!

Pièce de Gilles Deshots à la Maison de la Parole

La Place des Carmes

Place des Carmes

Rue des Teinturiers

Spectacle Baudelaire





Je vous parlerai demain et après demain de mes deux coups de coeur du OFF (mais j'en ai encore beaucoup à voir!)

Zabou Breitman fait danser le maréchal Pétain


La compagnie des spectres d'après l'oeuvre de Lydie Salvayre,  magnifiquement adaptée,  mise en scène et interprétée par la merveilleuse Zabou Breitman  au théâtre du Chêne noir.





 
Alain Timar présente Ubu Kiraly en hongrois


Ubu Kiraly d'Alfred Jarry mis en scène par Alain  Timar au théâtre des halles en hongrois sur-titré : une excellente mise en scène et une troupe de très bons acteurs.





Toutes les deux dans un genre très différent sont un vrai  régal! A bientôt!



jeudi 18 juillet 2013

Laure Murat : La maison du Docteur Blanche



Dans La maison du docteur Blanche, Laure Murat retrace pour nous l'histoire  de l'institution psychiatrique fondée par Esprit Blanche et reprise par son fils Emile, une célèbre clinique privée qui accueillit pendant une grande partie du XIX siècle tous les grands de ce monde atteint de troubles mentaux, assez fortunés pour pouvoir y séjourner.

Esprit Blanche
 L'essai est donc passionnant car en s'appuyant sur  les dossiers de la Maison du docteur Blanche, sur des archives, des lettres, des articles de journaux, Laure Murat reconstitue l'histoire de la folie au XIX siècle, ses avancées mais aussi ses faiblesses et ses ignorances.
Le mot "psychiatre" n'apparaît qu'en 1802 et "psychiatrie" en 1842, mais, nous dit Laure Murat, la libération des aliénés est l'acte fondateur à partir duquel la nouvelle discipline s'élabore et se pratique. Philippe Pinel serait, en effet, à la fin du XVIIIème, celui qui libéra les fous de leur chaîne : jusqu'alors à peine mieux considéré qu'un animal, créature du diable ou sorcier malfaisant, le fou commence à être regardé comme un malade. Avec la révolution il gagne un statut de "patient.
Mais si le XIX siècle est un creuset bouillonnant quant aux recherches et aux théories qui s'élaborent sur les maladies mentales que l'on commence à nommer et à classer, les médecins sont bien souvent démunis devant les cas graves. Les docteurs Blanche, père et fils, sont entièrement dévoués à leurs patients qui prennent les repas avec eux et avec lesquels ils vivent en famille mais la connaissance du cerveau et des troubles psychiatriques en est encore à ses balbutiements. Ainsi le rapprochement n'est pas fait entre la syphilis et la paralysie, les crises de démence et la dégénérescence qu'elle entraîne. D'autre part, bien souvent, Emile Blanche comme la plupart des médecins de son époque réagit lorsqu'il faut juger de la santé mentale d'une personne selon les préjugés et les principes religieux et sociaux de sa classe, bourgeoise et bien pensante. Certaines femmes (le cas n'est pas isolé) qui essaient de se libérer de la tutelle de leur père ou veulent divorcer de leur mari sont considérées comme anormales et enfermées dans un asile!  Il vaut mieux aussi quant on est un fils de famille entrer dans le rang et obéir à son père, ce qui n'est pas le cas du fils de Jules Verne considéré pour cette raison comme fou.
De plus, cet essai nous fait rencontrer des écrivains et des artistes célèbres et ce n'est pas le moindre de ses intérêts car Laure Murat va à travers eux étudier les rapports entre la folie et la création artistique ou littéraire. 

Gérard de Nerval
 Un des premiers malades suivi par Esprit Blanche puis par Emile est Gérard de Nerval. Les registres de la Maison du docteur Blanche sont assez elliptiques sur son cas et c'est son oeuvre Aurélia, transposition poétique de ses troubles mentaux, de ses visions, qui est à la fois le meilleur document scientifique autant qu'un monument littéraire, un témoignage autant qu'une oeuvre d'art. Ce texte, les psychiatres du XXème siècle s'en serviront pour étudier sous la prose poétique, l'intérêt clinique du récit.
Nous rencontrons aussi à la maison du docteur Blanche  le musicien Gounod, au faîte de sa gloire, les Halévy, Marie D'Agoult, la comtesse de Castiglione, maîtresse de Napoléon III, Theo Van Gogh peu de temps après la mort de son frère Vincent. Nous assistons à l'horrible et lente agonie de Guy de Maupassant qui fut durant toute sa vie fascinée par la folie qu'il explora avec une triste prescience dans son oeuvre.  Toutes ces souffrances indicibles qu'aucun médicament ne peut soulager à l'époque font dire à Emile Blanche - et ce sont ces derniers mots  : Moi, j'ai trop vu de misères, je n'en puis plus.

J'ai beaucoup apprécié cette étude fouillée et complète sur la Maison du docteur Blanche et ses patients de 1821 à 1893, date de la disparition d'Emile qui n'a pas connu les débuts de la  psychanalyse. Une étude qui est aussi un témoignage historique, traversé par les révolutions, la guerre franco-prussienne, la Commune, de la vie parisienne et de la société du XIXème siècle dans les milieux littéraires et artistiques.




Chez l'Ogresse de Paris