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mercredi 18 mars 2015

La poésie du Jeudi : Cézaire le poète de la négritude


Le printemps des poètes célèbre cette année la poésie insurectionnelle. Pour le rendez vous du jeudi avec Asphodèle, j'ai donc choisi quelques courts extraits de Retour au pays natal de Cézaire. Le poète initiateur avec Senghor de la négritude chante sa révolte pour redonner aux noirs la conscience de leur valeur et de leur dignité et la fierté de leurs racines africaines. Mais le poète épouse toutes les injustices.
Aimé Césaire (1913-2008)

Des mots?quand nous manions des quartiers de monde, quand nous épousons des continents en délire, quand nous forçons de fumantes portes, des mots, ah oui, des mots ! mais des mots de sang frais, des mots qui sont des raz-de-marée et des érésipèles et des paludismes et des laves et des feux de brousse, et des flambées de chair, et des flambées de villes.


Masque africain un peuple d'Afrique centrale et australe, les Tchokwés
Masque africain


Partir. 

Comme il y a des hommes-hyènes et des hommes-
panthères, je serais un homme-juif
un homme-cafre
un homme-hindou-de-Calcutta
un homme-de-Harlem-qui-ne-vote-pas

l'homme-famine, l'homme-insulte, l'homme-torture
on pouvait à n'importe quel moment le saisir le rouer
de coups, le tuer - parfaitement le tuer - sans avoir
de compte à rendre à personne sans avoir d'excuses à présenter à personne
un homme-juif
un homme-pogrom
un chiot
un mendigot

mais est-ce qu'on tue le Remords, beau comme la
face de stupeur d'une dame anglaise qui trouverait
dans sa soupière un crâne de Hottentot?
 


Un autre Rendez-vous pour le printemps des poètes Demain Vendredi 20 Mars 
Avec Aifelle, Ariane, Asphodèle, Claudialucia, Colo, Dominique, Enitram, Martine Litter'auteurs, Marylin, Miriam, Moglug, Ptit lapin, Somaja, Une comète...


 

Glaz numéro 6 magazine numérique collectif : Les Iles


Le Numéro 6 du magazine numérique collectif de Gwenaelle vient de sortir. Je vous invite à aller le voir. Sur le thème Les Iles, il fait la part belle aux îles bretonnes à travers la vision d'artistes, peintre, photographe, écrivain... mais aussi à l'île de Ré en images, à Cuba à travers le grand écrivain Léonardo Padura,  au voyage intérieur de Jean Grenier, à la poésie via Les Iles de Calaferte et bien d'autres...

Edito

Concerto de Yves-Marie Péron

 Dans la littérature, l’île est synonyme de mystère, de solitude et de dépaysement. Habitée par d’étranges créatures, recelant en son cœur un trésor, ou bien exposant l’imprudent qui s’y est échoué à d’infinis dangers, elle représente ce bout de terre où tout s’arrête et où tout recommence. Elle est, sur les cartes, cette pastille verte cernée d’eau qui oblige l’humain à se con- fronter à lui-même et à l’oubli des siens. Elle est cet espace entre ciel et mer où les cœurs vont se perdre et les esprits se ressourcer. Elle est la nature loin de toute humanité. Havre de paix ou prison exotique, l’île n’en finit pas de nourrir notre imagination et de recueillir en ses grottes profondes nos rêves les plus fous. En ces temps incertains, nous avons sans doute besoin d’une île bien à nous où nous réfugier, nous abriter, nous cacher. Alors embarquez avec nous pour ce voyage vers des îles réelles et des îles rêvées. Un voyage baigné de couleurs océanes et de grand vent, qui pour un temps, vous fera oublier la grisaille quotidienne, le printemps qui tarde et l’incertain demain.

Gwenaëlle Péron

Table des matières

Entre immuable et éphémère 4
Souvenirs de l’île d’Yeu 8
Les îles, de Jean Grenier 13
Sur les chemins et les grèves de l’île de Sein 14
L’île du Point Némo 20
Dans l’île de Ré... 21
Louis Calaferte 26
Léonardo Padura 30
Cuba au fil des romans de Léonardo Padura 31
 Les Nouvelles 36
Le Bel Air 37
 Troisième caillou après Neptune 41

Quelques images...

Marie Boiseaubert peindre" lesdétails, l'invisible, ce qui est craquelé, fissuré, abimé... les empreintes, les traces
Marie Boiseaubert

A la recherche de paysages rudes et arides en Finistère, je suis arrivée sur l’Ile de Sein en octobre 2013.
Depuis la fin de mes études de peinture, je recherche comme source d’inspiration non pas de grands paysages harmonieux et colorés, mais plutôt ce qui est moins évident, comme la multitudes d’éléments se trouvant au sol, les détails, l’invisible, ce qui est craquelé, fissuré, abimé, fatigué, le désordre, l’abandonné, les empreintes, les traces, les empilements de choses oubliées.


Impossible Silence Yves-Marie Péron, peintre contemporain
Impossible Silence Yves-Marie Péron
L’île comme source inépuisable d’inspiration... C’est ainsi que Ouessant, l’île du début du monde, a pris une place prépondérante dans la vie d’Yves-Marie Péron, peintre contemporain dont toute l’œuvre est marquée par la mer et son environnement changeant. 


L'ïle de Ré  de Marc Dompnier
 
Je m’appelle Marc Dompnier, je suis un Haut-Pyrénéen de 36 ans qui s’est mis à la photographie peu après la naissance de son 1er fils, en 2010. Parce que c’est devenu une passion, j’ai créé un photoblog, La Coquille du Bigorneau, sur lequel j’ai posté une photo par jour pendant 3 ans et demi. Ce “travail” m’a permis de m’investir et de progresser dans cette discipline. Ces photos ont été prises lors d’une semaine de vacances en famille, à la Toussaint 2012, à l'île de Ré.

VOIR GLAZ :

lundi 16 mars 2015

Jean-Bernard Pouy : S63 au musée des Confluences à Lyon




Jean-Bernard Pouy
Jean-Bernard Pouy est né à Paris en 1946. Après un DEA en histoire de l’art sur le cinéma, il devient animateur socioculturel dans un lycée de la banlieue parisienne. Son premier roman, Spinoza encule Hegel (1977), donne le ton. Libertaire, incisif, il est l’auteur de nombreux polars : il est connu notamment pour avoir imaginé le personnage du Poulpe (Gabriel Lecouvreur) aux éditions Baleine dont il est l’un des fondateurs. Adepte de l’Oulipo, et notamment de Queneau, il applique à la plupart de ses textes une contrainte formelle : il utilise des incipits de roman pour les attaques de chapitre, le cadavre exquis pour La Vie duraille avec Daniel Pennac et Patrick Raynal. Il a obtenu en 2008 le Grand Prix de l’humour noir pour l’ensemble de son œuvre. Depuis 2006, il est également directeur de collection de Suite noire aux éditions La Branche. Il s’est gagné un cercle d’admirateurs qui le surnomment affectueusement « Jibé » et se régalent de son style caustique. (source)

Le musée des Confluences Lyon
Raconter l’homme, c’est l’objectif de la collection Récits d’objets édité par Le musée des Confluences de Lyon.
Le principe : inviter un écrivain à faire d’un objet du musée le cœur d’une fiction. Un téléphone, un rare châle de soie de mer, un fossile et un fragment de météorite sont les premiers objets choisis par Jean-Bernard Pouy, Emmanuelle Pagano, Philippe Forest et Valérie Rouzeau.
Cette collection est enrichie d’une offre numérique. Le lecteur peut visualiser l’objet en réalité augmenté, visionner un entretien avec l’écrivain et partager ses impressions sur le réseau social Libfly. (source)

Le téléphone S63

Le Socotel S63 tient son nom de SO.CO.TEL, Société des Constructeurs de Téléphone, et de sa date de conception, 1963.
Le Socotel S63

L'objet choisi par Jean-Bernard Pouy dans S63 raconte donc l'histoire d'un objet peu banal dans ce siècle de vénération des smartphones! Il s'agit d'un téléphone des années 1963 ! Autrement dit une antiquité !
Jean-Bernard Pouy imagine qu'il découvre, dans une brocante, une vieille toile sans valeur qui se révèle être un tableau du XVIII siècle. A qui attribuer l'oeuvre? Qui a-t-il sous la tache de peinture qui semble être un rajout? Ce sont des questions que le narrateur va être obligé de se poser tout en refusant les spéculations sur la valeur du tableau. Après avoir gratté la couche, quelle ne va pas être sa stupéfaction en découvrant sur cette toile authentique le dessin d'un téléphone, le S63 : tout en plastique, plus quelques éléments en métal et des composants numériques. Un kilo 480. Haut de 13cm. 27Cm de long sur 26cm de large.

Un ton Oulipo

L'enquête prend alors un ton farfelu qui convient très bien à un membre d'Oulipo !
Ou bien j'étais tombé par hasard sur une faille temporelle, ce qui était quand même probable, ou bien j'étais encore plus zinzin qu'avant. 
Il faut dire que le mystère est obsédant et qu'il va encore se compliquer voire se densifier avec des apparitions aussi saugrenues que celle d'un hélicoptère ou d'un autobus. Et quand le S63 se met à sonner, avouez qu'il y de quoi en perdre la boule !

J'aime l'humour de Jean-Bernard Pouy. Sa détestation des brocantes et des vide-grenier, par exemple : l'un des musts dominicaux … un peu partout dans l'HexagoneSe promener entre des tas de saletés invendables, des machines à coudre du XVème siècle et des cafetières en émail toutes pourries peut devenir une torture et rendre méchant, très méchant. Pour ne pas sombrer il faut avoir deux techniques : espérer ou Il faut décider à l'avance de dénicher le bien, l'objet, le bibelot le plus nul et le plus bête, voire le plus laid.
Que ceux qui ne sentent pas viser lèvent le doigt!

Une réflexion sur l'Art

 J'ai aimé aussi la part faite à une réflexion sur l'art.

 
Edouard Manet :  L'Asperge (1880) au musée d'Orsay
L'Asperge de Manet
Chardin : La raie musée du Louvre 1728
La raie de Chardin

Intéressant ses délires interprétatifs : j'avais toujours trouvé que l'Asperge de Manet était un pénis coupé au repos, en train de pourrir, et que la raie de Chardin était une mise en scène de symboles et de métaphores figurant le sexe féminin...

et passionnantes ses divagations sur l'art à la suite de ces visions d 'objets pour le moins inattendus là où ils ne devraient pas être!

Retable d'Issenheim de Grünewald musée de Unterlinden de Colmar
Grünewald Rétable d'Issenheim - source
 
Et si l'art n'était qu'une pulsion de Mort? s'interroge-t-il, à propos du rétable d'Issenheim de Grunenwald, de La mort de Sardanapale de Delacroix en passant par le Saturne de Goya ou les tableaux de Jérôme Bosch? Une conclusion qui nous entraîne dans une visite de Beaubourg sur les traces de la Mort, le seul sujet non coupable de par son inattaquable réalité. De belles pages sur l'Art!

Requiem pour une feuille morte de Tinguely musée d'art moderne de Beaubourg
Requiem pour une feuille morte de Tinguely

Dès l'entrée du musée d'art moderne de Beaubourg, il y a une oeuvre de Tinguely, gigantesque, noirâtre et vaguement menaçante, mécanique mentale qui n'inquiète pas vraiment en soi, le jeu et la complexité ludique des rouages pouvant éloigner un moment de l'idée de l'inexorable, quoique, mais qui est là volontairement ou non pour donner le ton. Et même si l'on ne voit pas immédiatement quelque chose de mortuaire, c'est en lisant le titre, Requiem pour une feuille morte, que l'on se trouve déjà préparé au message dominant : on va entrer dans le côté obscur de la force de création. Les forces infernales vous tendent les bras. Comme Dante guidé par Virgile, on pénètre dans une sorte d'Enfer. "Lasciate ogni speranza voi ch'entrate...  Abandonnez, vous qui entrez, toute espérance."



Et Ben, avec sa toile Mourir c'est facile, qui abruptement nous avertit qu'il est plus aisé de rendre compte, artistiquement, de cette évidence qu'est la mort que de toute autre chose, nous préparant à Container Zéro, la chambre froide de morgue médicolégale de Raynaud, carrelage glacial, lavé incessamment au formol, où reste encore une once de respiration, comme des artères cardiaques emplies du sang bien rouge de la vie.

Raynaud : Container Zéro au musée d'art moderne de Beaubourg
Raynaud : Container Zéro


 Baignant littéralement dans le cadavre et le cadavérique, on peut alors admirer d'un tout autre oeil la Mariée de Niki de Saint Phalle, immense fantôme grisâtre, corps ayant dépassé l'état même de pourrissement pour rejoindre celui de momie, comme chez les moines des capucins à Palerme.

Mariée de Niki de Saint Phalle au musée d'art moderne de beaubourg
Mariée de Niki de Saint Phalle

Mariée de Niki de Saint Phalle (détail)

Et voilà où nous mène un vieux téléphone S63 exposé au musée des Confluences à Lyon!


Merci à Margotte pour ce livre voyageur. Vous pouvez lire son billet ICI

dimanche 15 mars 2015

Eowyn Ivey : La fille de l'hiver

La fille de l'hiver de Eowyn Ivey dans  la collection 10/18



J’ai écrit il y a quelques jours un billet sur le conte russe : La fille des neiges et voici maintenant un roman de Eowin Ivey intitulé la fille de l’hiver qui reprend ce conte et le transplante dans un autre pays de neige et de froid, l’Alaska!



Un couple, Mabel et Jack s’installent en Alaska pour oublier la mort de leur bébé et le fait qu’ils n’ont jamais pu avoir d’autres enfants! Ils sont déjà âgés et l’adaptation à ce pays est difficile. Pour échapper à la pesanteur de leur vie hivernale, ils façonnent une petite fille des neiges. Quelques jours après paraît une fillette étrange, suivie d’un renard roux. Peu à peu, elle prend l’habitude de leur rendre visite mais, toujours insaisissable, repart dans les montagnes enneigées et disparaît complètement au printemps. Mabel qui connaît bien le conte se demande s’ils sont tous deux devenus fous? Sont-ils victimes d’une illusion?



J’avais quelques doutes sur ce sujet que je jugeais difficile. Si l’enfant existe, en effet, nous sommes en plein conte, ce qui ne va avec la narration réaliste du roman. Si, au contraire, l’explication est terre à terre, on peut dire adieu à la poésie du conte!

j’avais tort de m’inquiéter car Eowyn Ivey, évite très bien le piège. Tout en maintenant l’intérêt du roman, elle sait nous tenir à mi-chemin entre poésie, conte féérique, et réalité, un dosage plein de finesse qui nous dispense de nous préoccuper de la vraisemblance de l’histoire, tout en nous permettant d’y adhérer fortement.

 La fille des neiges tableau de Виктор Михайлович Васнецов
Sniegourotchka : de Viktor Vanestov

 Jack avait sculpté ses lèvres et ses yeux. Mabel lui avait donné des moufles et coloré la bouche en rouge. Cette nuit-là une enfant leur était née, d'une poignée de glace et de neige, et de beaucoup amour.
Que s'était-il passé dans ces ténèbres glaciales, lorsque le givre avait auréolé les cheveux de paille et que la neige s'était changée en chair et en os?

On est pris par cette écriture à la fois délicate et forte, qui sait allier la beauté de la description des paysages, le mot juste pour décrire le spectacle magique de la nature, à la rudesse de la vie dans ce pays. Cultiver une terre y devient un combat,  la chasse est ici une question de survie... La nuit paraît une éternité, on se replie dans la solitude et le froid atteint des paroxysmes. Et quand la nourriture manque, quand le découragement gagne, la vie ne tient alors qu’à un fil, loin de la civilisation, du confort ou du secours d’un médecin. Heureusement il y a la solidarité et l’amitié d’une autre famille de fermiers et puis, bien sûr, la présence de Faïna, cette petite fille des neiges, enfant magique, qui va donner et recevoir infiniment d'amour.



Un très joli livre, plein de poésie et de finesse mais aussi de cruauté car les contes pour enfants ne sont jamais très gais!

Je remercie L'or rouge de me l'avoir fait découvrir...



Extraits : un moment très fort, quand Mabel en proie à des idées suicidaires, s'aventure sur la glace de la rivière insuffisamment formée :


Au milieu du chenal, alors que la falaise n'était plus qu'à un jet de pierre, l'eau se mit à gronder sous la croûte de glace qui s'enfonçait légèrement. Elle baissa les yeux et ce qu'elle vit la terrifia. Ni bulles, ni craquelure. Seulement un abîme ténébreux, comme si elle se tenait en surplomb d'un ciel nocturne. Elle fit un pas vers la falaise. Il se produisit un craquement sonore, le bruit d'un bouchon de champagne qui saute. Mabel écarta les jambes. Ses genoux tremblaient. La glace allait céder.

vendredi 13 mars 2015

Les plumes d'Asphodèle : J'avais rêvé pour toi...


Jane Perkins d'après la photographie de Steve McCurry source



J’avais rêvé pour toi, petite fille,

D’un printemps vaporeux, à la plume légère

De chaleur, d’édredon, de douceur, de paresse

J’avais rêvé pour toi, petite fille,

L’urgence de la liberté, l’insouciance

du sommeil, la Renaissance de l’air,

L’ubac ensoleillé ou toute fleur éclôt.

J’avais rêvé

la virevolte, la sarabande des idées,

de la beauté et des images,

La cigogne argentée qui revient et qui passe

et repasse, frôlant de ses ailes élancées

l’univers de tes joies, de l'amour, la tendresse

 Mais je n’avais pas vu, Pythonisse aveugle,
 
Que tu déserterais l'eau claire de ta vie,

Fille-Femme au regard de verre
 
Bernard-l’hermite de tes peines,
 
au plus profond de ta caverne-coquillage 
 
Tu te caches, 
 
Là ou aucun printemps ne viendra t'éveiller.




Steve Mc Curry



 

Les Plumes d'Asphodèle : les mots à placer étaient aujourd'hui  : Douceur, printemps, déserter, sommeil, chaleur, renaissance, air, bernard-l’hermite, édredon, paresse, plume, aile, volupté, insouciance, liberté, vaporeux, virevolter, cigogne, nuisette, ubac, univers, urgence. 






Le printemps des poètes : Rendez-vous pour une poésie insurrectionnelle




A l'occasion du Printemps des poètes qui a lieu du 7 au 22 Mars 2015, Aifelle et moi-même, claudialucia, nous vous proposons un rendez-vous poétique pour le vendredi 20 Mars. Il s'agit de publier un poème au choix sur le thème de l'insurrection poétique.

L'insurrection poétique.

Les dessins et écrits du mur de Berlin dans l'exposition Mémoire d'un art perdu
Berlin  : mémoire d'un mur perdu source

Voilà la définition de la poésie insurectionnelle :

"La poésie peut encore sauver le monde en transformant la conscience" Lawrence Ferlinghetti
 
Fait de langue, la poésie est aussi, et peut-être d'abord, « une manière d'être, d'habiter, de s'habiter » comme le disait Georges Perros.
Parole levée, vent debout ou chant intérieur, elle manifeste dans la cité une objection radicale et obstinée à tout ce qui diminue l'homme, elle oppose aux vains prestiges du paraître, de l'avoir et du pouvoir, le voeu d'une vie intense et insoumise. Elle est une insurrection de la conscience contre tout ce qui enjoint, simplifie, limite et décourage. Même rebelle, son principe, disait Julien Gracq, est le  «sentiment du oui ». Elle invite à prendre feu.

Jean-Pierre Siméon, directeur artistique du Printemps des Poètes



L’œuvre des poètes suivants illustre, chacune à sa manière notre propos : celle des poètes dadaïstes et surréalistes, celle des poètes du Grand Jeu, de la Résistance, de la négritude ou de la Beat Génération... On peut citer encore pour exemple des poètes comme Vladimir Maïakovski, Marina Tsvetaïeva, Antonin Artaud, Nazim Hikmet, Ingrid Jonker, Charlotte Delbo, Yannis Ritsos, et plus récemment André Benedetto, Armand Gatti, Jean-Pierre Verheggen ou Taslima Nasreen...

En outre, le 17e Printemps des Poètes mettra en avant l'œuvre de Luc Bérimont, qui fait l’objet d’un hommage dans le cadre des célébrations nationales de 2015 à l'occasion du centenaire de sa naissance, ainsi que celle des poètes de l'Ecole de Rochefort.


Mais vous avez la liberté, bien sûr, de choisir des titres en dehors de cette liste établie. Poésies, chansons de poètes de l'antiquité à nos jours, tout est permis!

Les participantes  (mais la liste n'est pas close) :
Aifelle, Ariane, Asphodèle, Claudialucia, Colo, Dominique, Enitram, Martine Litter'auteurs, Marylin, Miriam, Moglug, Ptit lapin, Somaja, Une comète...



mercredi 11 mars 2015

Aurélia Frey et Emmelene Landon : Apnée

Photographie Aurélia Frey dans Apnée publiée aux Editions nonpareilles

Apnée est le titre du livre de photographies de Aurélia Frey paru aux éditions Nonpareilles  accompagnées d'un texte de Emmelene Landon.

Apnée  photographies de de Aurélia Frey et texte de  Emmelene Landon


Emmelene Landon portrait de Gaizka Iroz

Emmelene Landon

Née en Australie en 1963, Emmelene Landon a fait l’Ecole des beaux-arts de Paris. Auteur de trois films, elle a réalisé un tour du monde sur des cargos. Ecrivain, elle est aussi peintre et productrice de radio. Elle a publié trois livres : Le Tour du monde en porte-conteneurs (Gallimard, 2003), Susanne (Léo Scheer, 2006) et Le Voyage à Vladivostok (Léo Scheer, 2007).
Chez Actes Sud, elle a publié : La tache aveugle, Portrait(s) de George

Le titre du livre, Apnée, Emmelene Landon l'explique ainsi  : Aurélia et moi nous baladons sur l’île de Ratonneau, en pleine lumière, à chaque pas des papillons jaunes surgissent des buissons. La blondeur d’Aurélia reflète le soleil. Nous ne nous sommes pas vues depuis un an, peut-être deux. Nous nous retrouvons sur cette île, dans l’empreinte laissée par ses photos, comme quand on ferme les yeux après avoir regardé le soleil. Une tache. Comment mémoriser une tache? Comment décrire un éblouissement? Comment garder l’empreinte d’un éblouissement ?
(On arrête de respirer.)
 


Aurélia Frey
Aurélia Frey portrait Guillemette Minisclou

 Aurélia Frey Née en 1977, Aurélia Frey se distingue rapidement dans le domaine photographique. Diplômée de l'Ecole Nationale Supérieure de la Photographie d'Arles et membre de la section artistique de la Casa Velázquez, Académie de France à Madrid, elle parcourt le monde afin de saisir l'humain dans son quotidien et toute son individualité. En 2007, Aurélia Frey effectue un voyage itinérant de six mois au Pérou, en Equateur et en Bolivie sur les traces du Qhapac Nan, le chemin des messagers incas. Grande lectrice, ses images dialoguent fort souvent avec “La Chose littéraire”.  Elle expose régulièrement en France et à l’étranger. 
C'est lors d'un séjour à Issoudun sur les traces de George Sand qu'elle réalise entre Indre et Creuse les images qui ont donné lieu à une exposition à Issoudun et à Bordeaux puis à ce livre Apnée.





Photographie Aurélia Frey : l'escalier paru aux éditions Nonpareilles texte Emmellene Landon
Photographie Aurélia Frey

Vous pouvez trouver Apnée sur Amazon ICI
ou aux Editions Nonpareilles ICI
contact@nonpareilles.com — www.nonpareilles.com

mardi 10 mars 2015

Victor Hugo : Hernani


Personnages de Victyor Hugo  par L Boulanger : Don Ruy Gomez de Silva,Don césar de Bazan, Don Salluste,  Hernani, Esméralda,de Saverny
Six personnages de Victor Hugo : Hernani en bas, à gauche


Hernani : L’action

Hernani : le dénouement

Hernani, noble espagnol a été banni de ses terres et son père est mort sur l’échafaud condamné par le père du roi d’Espagne Don Carlos qu’il poursuit de sa haine; proscrit il vit dans la montagne à la tête d’une bande de brigands et affûte sa vengeance. Il est amoureux de Dona Sol de Silva, une jeune comtesse qui est promise à son oncle et tuteur, le vieux Don  Ruy Gomez de Silva.
Don Gomez sauve la vie de Hernani venu lui demander l’hospitalité. Furieux, Don Carlos enlève Dona Sol. Les deux hommes vont alors s’allier contre le roi mais Don Gomez  fait promettre à Hernani que sa vie lui appartiendra. Il suffira qu’il sonne du cor pour que Hernani se rende à lui.

Donc Carlos devenu empereur sous le nom de Charles Quint renonce à sa vie dissolue, fait un retour sur lui-même, condamne ses erreurs et ses faiblesses. Il accorde sa grâce à Hernani et lui restitue ses terres. Hernani et Dona Sol se croient enfin libres de s’aimer lorsqu’ils entendent le vieux Don Ruy Gomez sonner du cor ...

Les thèmes de cette pièce sont  romantiques  par excellence :

L’amour impossible,  le héros voué au malheur, l'angélisation de la femme : 
Hernani :  le héros est un proscrit, il porte en lui une malédiction et attire le malheur sur son entourage.
Dona Sol représente la vision idéale de la femme telle que les romantiques l’imaginent. Pureté,  douceur, fidélité… elle sait faire preuve de courage, de force et de grandeur quand il faut défendre son amour,  si fort qu’il ne peut être détruit.. Elle préfère la mort à la trahison. Elle incarne l’aspect angélique de la femme.

Une réflexion sur le pouvoir : Don Carlos incarne les deux faces du pouvoir politique : il est cruel, sans morale, frivole en tant que roi d’Espagne. Il il accède à la grandeur devant le tombeau de Charlemagne lorsqu’il devient empereur. Il va désormais représenter la grandeur du pouvoir impérial (allusion à Napoléon) qui renonce au vice et se tourne vers le Bien.

La bataille d’Hernani : classiques contre romantiques

Calssiques et romantiques s'affrontent dans La bataille de Hernani (Victor Hugo 1830)
La bataille de Hernani

La première représentation de la pièce de Victor Hugo, Hernani (1830),  est marquée par la fameuse bataille qui voit le triomphe du romantisme avec, à sa tête, comme chef de file en France, Victor Hugo, entouré des membres du grand cénacle.
1830! est donc une date historique dans l'Histoire de la littérature et plus précisément du théâtre français. Les romantiques, en effet, tous admirateurs de Shakespeare, prennent le grand dramaturge anglais pour modèle, ce qui revient à s'opposer à toutes les règles du théâtre classique du XVII siècle. Les classiques vont donc s’attaquer aux romantiques qui révolutionnent le théâtre et bouleversent les mentalités. La bataille d’Hernani fait rage, les détracteurs perturbent les représentations, la « claque » engagée par Victor Hugo, composée de jeunes romantiques (Théophile Gautier et Gérard de Nerval et leurs amis), enthousiastes, se déchaînent. Les spectateurs s’insultent, en viennent aux mains.
Les générations actuelles doivent se figurer difficilement l'effervescence des esprits à cette époque; il s'opérait un mouvement pareil à celui de la Renaissance. une sève de vie nouvelle circulait impétueusement. Tout germait, tout bourgeonnait, tout éclatait à la fois." écrit Théophile Gautier dans son Histoire du romantisme.

L’affranchissement des règles


Victor Hugo a exprimé ses idées sur le drame romantique dans La préface de Cromwell considérée comme le manifeste du romantisme. Stendhal fait de même avec Racine et Shakespeare. Les romantiques revendiquent en politique comme en littérature la liberté. Le drame romantique va donc s’affranchir des règles.

« Jetons bas ce vieux plâtrage qui masque la façade de l’art ! Il n’y a ni règles, ni modèles ; ou plutôt il n’y a d’autres règles que les lois générales de la nature qui planent sur l’art tout entier, et les lois spéciales qui pour chaque composition résultent des conditions d’existence propres à chaque sujet. Les unes sont éternelles, intérieures et restent ; les autres variables, extérieures, et ne servent qu’une fois. » Préface de Cromwell

Désormais on ne choisira plus obligatoirement le sujet chez les auteurs de l'antiquité romains ou grecs et les personnages ne seront plus obligatoirement les grands de ce monde, empereurs, rois et reines. Le drame romantique va puiser dans l’Histoire et se révéler être, au deuxième degré, une réflexion sur l'époque contemporaine. Le peuple est désormais représenté sur scène. Ainsi Ruy Blas, domestique de la reine d’Espagne, deviendra son ministre et sera aimé d’elle.

Hernani est un noble espagnol, déchu de ses droits, en rébellion contre le trône d'Espagne, il est devenu hors-la-loi et vit en proscrit dans la montagne. Victor Hugo choisit ce moment de l’histoire d’Espagne où Don Carlos va être élu empereur du Saint Empire romain germanique.

Le mélange des genres

Hernani : Don Carlos sortant de son armoire devant hernani et Dona Sol
Don Carlos sortant de son armoire
De plus, on ne distingue plus la comédie de la tragédie comme dans le théâtre classique. On pratiquera comme chez Shakespeare le mélange des genres. Dans la vie le comique et le tragique se côtoient, affirme Victor Hugo dans La Préface de Cromwell.

« …la muse moderne verra les choses d’un coup d’œil plus haut et plus large. Elle sentira que tout dans la création n’est pas humainement beau, que le laid y existe à côté du beau, le difforme près du gracieux, le grotesque au revers du sublime, le mal avec le bien, l’ombre avec la lumière.

Dans Hernani, Victor Hugo applique cette idée à la lettre : Dans l'acte I, scène 1 et scène 2, il met en scène une situation de vaudeville pratiquant ainsi ce mélange des genres qu'il prône, entre  comique et tragique. Le roi d’Espagne refuse d’entrer dans l’armoire. Il  forme un duo grotesque avec la duègne :
Serait-ce l’écurie où tu mets d’aventure
Le manche du balai qui te sert de monture?

Il assiste sans rien dire au duo amoureux de Hernani et Dona Sol puis sort de l’armoire à grands fracas  comme un mari cocu :

Quand aurez-vous fini  de conter votre histoire?
Croyez-vous qu’on soit à l’aise en cette armoire?

La règle des trois unités

Enfin le drame romantique s’attaque aux fameuses règles classiques des trois unités du théâtre classique : il ne respecte plus l’unité de temps ( l’action devait se dérouler en un jour),  ni l'unité de lieu ( toutes les scènes se passaient un seul lieu) mais il conserve celle d’action (une seule action). La multiplicité des lieux entraînent des changements de décors et fait appel à l’exotisme, à la couleur locale .

« L’unité de temps n’est pas plus solide que l’unité de lieu. L’action, encadrée de force dans les vingt-quatre heures, est aussi ridicule qu’encadrée dans le vestibule. Toute action a sa durée propre comme son lieu particulier. »
Hernani se déroule sur plusieurs mois et dans plusieurs lieux : Saragosse dans divers lieux du palais de Don Ruy Gomez de Silva, dans les montagnes d’Aragon, à Aix-la Chaplle, devant le tombeau de Charlemagne. Quant à l'unité d'action, elle n'est pas synonyme , indique VHugo simplicité.

La règle de la bienséance

Il fait fi aussi de la règle de la bienséance qui interdisait de représenter sur scène des actes violents, des meurtres, des duels, remplacés obligatoirement sur scène par le récit de ces actes. Désormais le drame romantique montre le spectacle de la violence. On peut mourir sur scène! Dans Hernani il y a même trois çadavres au dénouement!

La liberté du style

De plus le vers se libère et n'obéit plus aux règles strictes de la versification. Victor Hugo bouleverse le rythme de l’alexandrin classique qui est binaire (6/6) en créant le trimètre (4/4/4), il ose des enjambements, des rejets, des contre-rejets, audacieux, pittoresques, évocateurs.

Ainsi ce rejet au début de la scène 1 a horrifié le public classique
 Serait-ce déjà lui?
                            C’est bien l’escalier
dérobé.


Il refuse aussi  la métaphore, la périphrase, l’emploi du mot noble et lui préfère le mot propre.

Cette muse, on le conçoit, est d’une bégueulerie rare. Accoutumée qu’elle est aux caresses de la périphrase, le mot propre, qui la rudoierait quelquefois, lui fait horreur.

A ce propos, Théophile Gautier raconte dans son Histoire du romantisme l’anecdote suivante

Comment s'imaginer qu'un vers comme celui-ci :
Est-il minuit? -Minuit bientôt
ait soulevé des tempêtes et qu'on se soit battu trois jours autour de cet hémistiche? On le trouvait trivial, familier, inconvenant; un roi demande l'heure comme un bourgeois et on lui répond comme à un rustre : minuit. C'est bien fait. S'il s'était servi d'une belle périphrase, on aurait été poli, par exemple  :
                                                     L'heure
Atteint-elle bientôt sa douxième demeure?

Voilà qui va scandaliser les partisans du classique, le Bourgeois au crâne rasé et au menton glabre auxquels vont s'opposer les jeunes Romantiques chevelus  : N'était-il pas tout simple d'opposer la jeunesse à la décrépitude, les crinières aux crânes chauves, l'enthousiasme à la routine, l'avenir au passé?   Gautier voir  ICI

Si déjà, dans sa vieillesse de Théophile Gautier, il était difficile d'imaginer  que l'on ait pu se battre pour ces détails, on peut imaginer ce que nous ressentons de nos jours!

 La pièce peut-elle être jouée devant un public contemporain?


La réponse est oui. Je l'ai vue au festival d'Avignon dans une mise en scène sobre, où les acteurs faisaient oublier très vite ce que l'alexandrin peut avoir - à l'oreille du spectateur actuel- de grandiloquent et de peu naturel.  Une diction maîtrisée mais qui laisse place à l'émotion. La beauté et l'ardeur de la langue hugolienne est mise en valeur. On assiste, en fait, à une belle et triste histoire d'amour qui rappelle celle de Roméo et Juliette mais on peut rire aussi comme l'avait souhaité Victor Hugo..

En bref, le jugement de Théophile Gautier sur la pièce paraît judicieux* : « Le mérite principal d’Hernani, c’est la jeunesse. On y respire d’un bout à l’autre une odeur de sève printanière et de nouveau feuillage d’un charme inexprimable ; toutes les qualités et tous les défauts en sont jeunes : passion idéale, amour chaste et profond, dévouement héroïque, fidélité au point d’honneur, effervescence lyrique, agrandissement des proportions naturelles, exagération de la force ; c’est un des plus beaux rêves dramatiques que puisse accomplir un poète de vingt-cinq ans ».  


*Quand Théophile Gautier assiste à la pièce en 1830, vêtu de son somptueux gilet rouge pour choquer le bourgeois, il a 19 ans et Victor Hugo en a 28; quand il porte ce jugement en 1838, il en a 27.


Ceci est une lecture commune dans le cadre du Challenge Victor Hugo, du challenge Romantique et du challenge En scène! :

Eimelle, Laure, Miriam, Moglug, Nathalie...

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 et je propose aussi un petit supplément pour les amateurs :

 le 10 Avril, un poème de Victor Hugo à choisir dans le recueil  L'art d'être grand- père que vous pouvez lire gratuitement sur votre ordinateur ICI

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