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samedi 29 octobre 2011

Un livre, un Jeu : l'énigme n°8




Wens de En effeuillant le chrysanthème et moi-même nous vous proposons, le samedi, un jeu sous forme d'énigme qui unit nos deux passions : La littérature et le cinéma!Il s'intitule : Un livre, Un film.
Chez Wens ICI vous devez trouver le film, le metteur en scène et les acteurs, chez moi, le livre.
Consignes :  Vous pouvez donner vos réponses par mail (que vous trouverez dans mon profil) et  me laisser un mot dans les commentaires sans révéler la réponse pour m'avertir de votre participation. Le résultat de l'énigme et la proclamation des vainqueurs qui n'auront gagner que la gloire de participer (avouez que c'est beaucoup!) sera donnée le Dimanche.

Aujourd'hui il s'agit d'un livre dont l'intrigue policière se passe dans un huis clos. Un détective enquête sur un étrange meurtre.

             Enigme 8
Certaines des blessures comme je vous l'ai déjà signalé, indiquent une faiblesse de celui qui a frappé, qu'il s'agisse d'un manque de force ou d'un manque de détermination. Ce sont des quasi égratignures dont je vous parlais. Mais regardez cette plaie... Et aussi celle-là... Il a fallu une grande force pour causer de telles blessures. La lame a pénétré dans le muscle. 

Les plumes de l'année : Ballade au Macho

 Asphodèle
Aujourd'hui, chez c'est Asphodèle dans, Les Plumes de l'année, que nous nous exerçons aux difficultés de placer des mots dans un texte de notre invention. Cette fois ces mots commencent tous par un I :
 illusion – irréfragable – ivresse – infatigable – impasse – immersion – image – indicible – interstice – imbécile – itou – inhumer – inconstant – indigestion – imaginaire – irréfléchi.

Ballade au Macho

C'était un imbécile
Un indicible idiot
 Macho
Comme un coq, un bacille
Comme une indigestion,
immersion dans la fange


Macho, que ressens-tu
dans ton foyer-impasse
 Infatigable sot,
qui  gueule comme un veau?
Irréfléchie ivresse.

N'es-tu rien que des muscles,
que l'illusion d'être Homme
Inconstant, infidèle
N'as-tu pas de cerveau
insupportable image
du viril, du costaud ?

Va, macho pitoyable
Imaginaire en berne
bichonne ton auto
Et dans les interstices
Déniche la poussière,
fais briller, brique itou!

tandis que dans ton dos
cocu irréfragable
Ta femme
ton beau steak, ta moitié
Ta bobonne
 inhume son amour
et court le guilledou

Elle ferme son âme
Elle rit de cet âne
 Macho!

Antiblues, Suzame, Cériat, Lilou et encore Lilou, Pierrot Bâton, Manuel, Valentyne, WENSJeanne, Jean-Charles , Mind the Gap, Soène,



vendredi 28 octobre 2011

Jacques Prévert : De la rue de Siam au bombardement de Marseille



 Prévert par Doisneau source

 Dans L'atelier du Skriban, Gwenaelle nous a proposé d'écrire un texte à partir de ce poème de Jacques Prévert que j'aime tant, Barbara du recueil Paroles.  
Choisissez un nom de rue et racontez ce qui s’est passé « ce jour-là… ». En poésie ou en prose, comme vous voulez… 
Elle a ajouté la consigne suivante Le poème de Prévert se réfère aux 165 bombardements de la ville de Brest entre le 19 juin 1940 et le 18 septembre 1944. Votre récit devra se situer quelque part entre ces deux dates. 
Je ne résiste pas au plaisir de publier ce magnifique poème que je fais suivre de mon exercice d'écriture sur le bombardement de Marseille : 84 rue Belle de Mai


Barbara

Rappelle-toi Barbara
Il pleuvait sans cesse sur Brest ce jour-là
Et tu marchais souriante
Épanouie ravie ruisselante
Sous la pluie
Rappelle-toi Barbara
Il pleuvait sans cesse sur Brest
Et je t’ai croisée rue de Siam
Tu souriais
Et moi je souriais de même
Rappelle-toi Barbara
Toi que je ne connaissais pas
Toi qui ne me connaissais pas
Rappelle-toi
Rappelle-toi quand même ce jour-là
N’oublie pas
Un homme sous un porche s’abritait
Et il a crié ton nom
Barbara
Et tu as couru vers lui sous la pluie
Ruisselante ravie épanouie
Et tu t’es jetée dans ses bras
Rappelle-toi cela Barbara
Et ne m’en veux pas si je te tutoie
Je dis tu à tous ceux que j’aime
Même si je ne les ai vus qu’une seule fois
Je dis tu à tous ceux qui s’aiment
Même si je ne les connais pas
Rappelle-toi Barbara
N’oublie pas
Cette pluie sage et heureuse
Sur ton visage heureux
Sur cette ville heureuse
Cette pluie sur la mer
Sur l’arsenal
Sur le bateau d’Ouessant
Oh Barbara
Quelle connerie la guerre
Qu’es-tu devenue maintenant
Sous cette pluie de fer
De feu d’acier de sang
Et celui qui te serrait dans ses bras
Amoureusement
Est-il mort disparu ou bien encore vivant
Oh Barbara
Il pleut sans cesse sur Brest
Comme il pleuvait avant
Mais ce n’est plus pareil et tout est abimé
C’est une pluie de deuil terrible et désolée
Ce n’est même plus l’orage
De fer d’acier de sang
Tout simplement des nuages
Qui crèvent comme des chiens
Des chiens qui disparaissent
Au fil de l’eau sur Brest
Et vont pourrir au loin
Au loin très loin de Brest
Dont il ne reste rien.


Jacques Prévert


Marseille, le 27 Mai 1944, Les Réformés

84 rue Belle de Mai  : Ce jour-là…

Ce jour-là, la barque, toutes voiles dehors, entraînée par un vif courant, chahutée par les turbulences, allait de l’avant. Prise parfois dans le rets de branchages entremêlés, déjouant les pièges, elle se frayait alors un passage difficile parmi ces barrages impromptus puis, tel un bouchon propulsé du goulot d’une bouteille, jaillissait dans l’eau redevenue claire, et gagnait en vitesse, filait, filait, droit devant, sans entraves. Ses poursuivants étaient loin derrière elle, peinant à se dégager des embûches qui se dressaient sur le chemin liquide, véritable bourbier nauséabond à certains endroits. L’un d’eux avait déjà chaviré puis coulé. L’autre, pris dans un immense  tourbillon, frêle esquif sans gouvernail, exécutait une sorte de danse macabre, virevoltant dans un mouvement léger et rapide qui avait une certaine beauté mais qui le conduirait à une mort certaine. Je m’égosillais, sautait d’enthousiasme.  
Ce jour-là, j’allais gagner pour la première fois de ma vie! Petit garçon en culottes courtes, les genoux couronnés de bleus et de rouge, je me penchais au-dessus du caniveau où l’eau ruisselait. Le cantonnier venait juste d’ouvrir la vanne, et l’eau fusait, charriant tout un monceau d’immondices qu’elle entraînait vers la bouche d’égout..  Nous faisions l’école buissonnière et avions oublié toute prudence dans l’ardeur du jeu. Mon bateau, un bout de bois sur lequel j’avais attaché un mouchoir (volé à ma soeur) allait gagner! Devant le 84 rue Belle de Mai, il s’arrêta, vacilla, et, avant que j’eusse le temps de le repêcher, s’engouffra dans la gueule béante du collecteur. Je poussai un hurlement de dépit tandis que les copains s’esclaffaient. Il était 11h10, ce jour-là, le 27 Mai 1944, lorsque l’enfer se déchaîna sur Marseille.*

*Le bombardement américain du 27 mai 1944 sur Marseille, qui s'abat sur la ville précisément à 11h10, est particulièrement dévastateur. Si la gare centrale est bien rendue inutilisable, c’est tout autour la désolation. Le plateau Saint-Charles et la Belle-de-Mai sont saccagés, mais aucun quartier du centre n’est vraiment épargné. On le voit dans un reportage qui, sur un fond musical lugubre, fait le tour de la « France martyre ». Venant à Marseille, après Lyon et avant Mantes, il montre les destructions dans le quartier de l’Opéra, derrière le célèbre restaurant Basso, ou bien encore en haut de la Canebière, vers les Réformés. Le bombardement marseillais du 27 mai est l’un des plus meurtriers que la France ait subi : 1 752 morts, 2 760 blessés, 1 022 maisons détruites et 8 865 endommagées. Des dizaines de milliers de Marseillais vont fuir la ville dans les jours qui suivent pour se réfugier dans les villages de banlieue ou dans l’arrière-pays.


L'atelier du Skriban Gwenaelle

jeudi 27 octobre 2011

Jean-Marie Gustave Le Clezio : L'Homme n'écrit pas seulement avec des mots..

prix Nobel de littérature 2008


Jean-Marie Gustave Le Clezio : La Ritournelle de la faim  édit. Gallimard
L'homme n'écrit pas seulement avec des mots. Tous les langages ne seront pas de trop pour entendre ce qui se dit chaque jour.
je mets trop de moi-même dans chacune de mes pages pour ne pas vivre dans l'espoir qu'elles toucheront quelqu'un. 
il faut continuer à lire des romans; le roman est un très bon moyen d'interroger le monde actuel.

mercredi 26 octobre 2011

Jonathan Franzen : Freedom



Je viens de terminer Freedom de Jonathan Franzen, un énorme livre de 700 pages, que j'ai dévoré avec plaisir.  Franzen y raconte l'histoire d'une famille, les Berglund, Walter et sa femme Patty, leurs enfants Joey et Jessica.  Autour d'eux gravitent de nombreux personnages, Richard, l'ami intime de Walter,  Lalitha la jeune maîtresse de Walter, Connie, l'amoureuse de Joey, mais aussi leurs parents, leurs voisins, les gens qui travaillent avec eux... C'est le prétexte pour Jonathan Franzen de dresser un tableau complet de la société américaine sur plusieurs décennies en abordant tous les thèmes : l'écologie avec le réchauffement de la planète, la destruction des milieux naturels, les dangers de la surpopulation, la protection des espèces (la fameuse paruline azurée), mais aussi la guerre en Irak et les malhonnêtetés du gouvernement Bush, les affrontements entre républicains et démocrates, le triomphe d'une société matérialiste, capitaliste, qui ne pense qu'à l'argent, le pouvoir sans limites des entreprises multinationales et des banques... et, et, et... j'en passe! Différents milieux sociaux, appartenances politiques, confessions religieuses. Je pense un peu à nos écrivains français du XIX siècle entreprenant l'un La Comédie Humaine, l'autre L'histoire d'une famille sous le second empire.

Mais là, c'est en un seul volume que Franzen veut tout dire ! Oui, je sais, c'est énorme! On a l'impression que son roman charrie toutes les immondices de la politique américaine, éclaire sous une lumière crue les iniquités de la domination des Etats-Unis sur le Monde, de son ingérence dans la politique des autres pays alors qu'il est incapable d'assurer chez lui la justice et le progrès social. Je sais que le livre a été traité de gâteau indigeste (Je renvoie à ce billet de Gwenaelle dans Le Skriban  ICI)! Je comprends tout à fait cette critique. Et pourtant je l'ai parfaitement digéré, ce gros gâteau, sans m'ennuyer une seconde et cela est dû à deux faits.

Tout d'abord, j'adore cette littérature qui n'est pas tournée vers son nombril, comme trop souvent notre littérature française contemporaine, mais vers les autres, vers le monde extérieur et l'on sait combien il va mal! L'accumulation peut paraître une maladresse mais au moins c'est généreux, c'est courageux! Et d'ailleurs malgré cette impression de fleuve en crue, le roman présente une construction savante et l'écrivain domine parfaitement son sujet, tout en ayant l'habileté de varier les points de vue. Enfin! j'ai devant moi un écrivain qui parle de notre monde et j'aime ce regard sans complaisance. Et cela me fait du bien de constater que pour une fois la littérature joue son rôle, celui d'analyser, de dénoncer, de chercher à secouer les consciences.

Ensuite, et ceci grâce au talent de l'écrivain, je me suis intéressée aux personnages car ils sont devenus vivants pour moi, je les ai accompagnés un bon bout de temps sur le chemin de leur vie, j'ai partagé leurs joies et leurs chagrins, leurs réussites et leurs échecs. Ils m'ont parfois passablement agacée voire exaspérée avec leurs obsessions et leurs contradictions (Walter), leurs agissements (Patty), leur dureté les uns envers les autres (Joey, Richard). J'ai pu constater leurs faiblesses et leurs erreurs et déplorer ce qu'ils étaient en train de devenir, Joey faisant de l'argent sale avec la guerre en Irak, Walter se compromettant avec la pire des entreprises capitalistes et s'enrichissant sous prétexte de sauver la paruline azurée. Mais j'ai été heureuse de suivre les sursauts de leur conscience tourmentée. Ainsi l'on peut dire que le discours de Walter qui a le courage se rétracter est un grand moment. C'est un morceau de bravoure que j'ai aimé savourer. Et même si c'est trop démonstratif comme le reste du roman, - mais Zola aussi est démonstratif et je l'adore- je n'ai pas boudé le plaisir d'être en accord avec cette dénonciation. Quoique j'apprécie moins chez Walter son mépris des classes laborieuses sous prétexte qu'il en lui-même sorti et je pense comme Jessica qu'il se trompe partiellement de cible dans son discours. Car la complexité des personnages, qui ne sont pas décrits d'une manière manichéenne et qui évoluent tout au cours de leur vie, est une des plus grandes réussites de l'écrivain.
Pour toutes ces raisons j'ai aimé ce gros roman touffu, complexe, imparfait peut-être, mais qui m'a touchée.

Voici d'autres avis :
Sophie qui n'a pas aimé ICI 
 Keisha qui a aimé  et qui analyse les variations du point de vue dans le roman, l'art d'un bon écrivain :  ICI
 Constance qui parle avec ferveur du roman  ICI

Merci à Price Minister et aux Editions de l'Olivier







mardi 25 octobre 2011

Françoise Lefèvre : L'or des chambres



 L'or des chambres de Françoise Lefèvre est un recueil de textes courts, poétiques qu'une femme  délaissée écrit pour conjurer la perte de son amour, dire au jour le jour la souffrance et la solitude.

Un jour, l'homme qu'on aime prend le train. Il n'est pas seul. Un femme, imperméable monte devant lui. Il l'aide en glissant sa main droite sous son bras gauche...

Dans la solitude de sa chambre, elle écrit. L'écriture vécue comme une urgence, comme un bonheur mais comme une torture aussi, une exigence terrible mais vitale sans laquelle elle mourrait.

Je rentre dans la chambre obscure. Les rideaux sont fermés. J'y resterai le temps qu'il faudra. Il faut du temps pour écrire. Pour renaître.

Mais l'écriture ainsi coupée de la vie, mène forcément à un repli sur soi :

Je suis rentrée dans la saison. J'oublie que le vie est bonne parfois, et le langage aussi simple qu'un chant d'oiseau, l'hiver derrière la fenêtre. La vie est bonne et bouillante comme les joues des enfants qui ont joué dehors.

Elle dit son mal, elle le crie, elle le chante. Le désir de mort la submerge, elle berce son mal.

Je hais le jour qui revient. Les fleurs sont mortes dans les vases; les fruits pourrissent dans leur corbeille.

Mais peut-être au bout de ce long cheminement douloureux, l'espoir d'une autre vie apparaîtra-t-elle, peut-être sera-t-elle capable de dire à nouveau oui à l'amour

Mais les mots sont une rédemption; On entre en écriture comme on entre à religion.
 Un jour retrouverai-je le rire qui ne se casse pas? Dirai-je à un homme que je voudrai venir dans sa maison?


Qu'ai-je ressenti en lisant ce livre... ?
J'ai été sensible à la beauté du texte. J'aime la poésie et lisant Françoise Lefèvre, je me suis laissée entraîner par  la perfection de certains passages, l'incantation de la langue, la force des images :

Pages enfantées, au lieu de vrais enfants, au lieu de vraies tristesses, le jardin est désert.
la vie s'enfuit dans un miroir à peine désembuée.
la vie ne désemplit pas.


J'aime, incontestablement, j'aime. Et pourtant, par moments, l'impatience me prend devant cette littérature forcément narcissique, cette "tour d'ivoire" où l'écrivain s'enferme ou je décèle parfois une certaine complaisance dans la douleur et mon intérêt diminue. Une adhésion, donc, mais qui n'est pas totale.

Pourtant, j'ai énormément aimé un livre qui beaucoup de ressemblances avec celui-ci; il s'agit de Autoportrait au radiateur de Christian  Bobin. Les similitudes avec L'or des chambres sont évidentes, une écriture poétique qui analyse, qui est attentive aux  nuances, qui creuse, cisèle le détail, une écriture-orfèvre.  Très proche l'un de l'autre à certains moments :

Le bruit d'un moulin à café, bien calé entre mes cuisses, me dit le mouvement du temps. C'est moi qui tourne la manivelle. L'odeur renversée m'enivre. La Beauté, un instant vient sur mes genoux. Elle éclaire un coin de mon tablier bleu : la lumière, écrit Françoise Lefèvre

 La vraie beauté ne va pas avec le solennel, la vraie beauté a toujours un je-ne-sais-quoi de nonchalant, d'abandonné, d'offert, dit Christian Bobin.

 La même souffrance, le même abandon à l'écriture comme condition de survie. Christian Bobin écrit après la mort de la sa compagne alors que Françoise Lefèvre a perdu d'une autre manière l'homme qu'elle aime. D'où vient pourtant que je suis vraiment très accrochée par l'un, du moins dans ce livre Autoportrait au radiateur, et un peu moins par l'autre. Difficile question étant donné les qualités d'écriture des deux écrivains mais je crois avoir trouvé une réponse.
Christian Bobin est plus tourné vers l'extérieur, vers les autres, il laisse le Monde entrer chez lui  avec les rires des enfants, la fulgurance des fleurs, des oiseaux. Françoise Lefèvre me semble tournée uniquement vers elle-même et cultive le souvenir de son amour comme une possession à laquelle elle ne veut pas s'arracher. Il y a une fermeture dans le chagrin, une auto-analyse qui  devient obsession d'elle-même.  Je ne sens pas, sauf de temps en temps, la même luminosité malgré la douleur, le même amour des humains et des choses que j'aime tant dans Bobin, la même ouverture généreuse.
  
Qu'y a-t-il de noir entre nous? D'immense et de coupé? Quel est ce doux enfermement? ce doux ressassement? Cette douce descente aux enfers? Ce bandeau sur les yeux? Ma bouche pleine de terre? C'est le bonheur.
Ne serais-je donc heureuse qu'agenouillée, prosternée, les paumes et le ventre collée à la terre, faisant corps avec elle. Inséparable. Ma joue contre elle. Les yeux clos. (...) Je pense à ta mort et c'est la mienne que je crains. Je hurle à la seule rédemption : glisser entre tes jambes.    Françoise Lefèvre

 Je fais du tout petit, je témoigne pour un brin d'herbe. le monde tel qu'il va, mal, je le connais et je le subis comme vous, un peu moins que vous peut-être : dessous un brin d'herbe, on est protégé de beaucoup de choses.(...) Le désastre, je le vois. Comment ne pas le voir? Le désastre a déjà eu lieu lorsque je commence à écrire. Je prends des notes sur ce qui a résisté et c'est forcément du tout petit, et c'est incomparablement grand, puisque cela a résisté, puisque l'éclat du jour, un mot d'enfant ou un brin d'herbe a triomphé du pire. Je parle au nom de ces choses toutes petites. j'essaie de les entendre. je ne rêve pas d'un monde pacifié. Un tel monde serait mort. J'aime la lutte et l'affrontement comme j'aime la vie du même amour."   Christian Bobin

Lecture commune avec L'or des chambres qui, son pseudo vous l'indique, adore Françoise Lefèvre, son écrivaine préférée ; j'attends avec impatience de lire son billet.






lundi 24 octobre 2011

Parlons un peu challenges? (2)

Après Parlons un peu challenge? (1) ICI voici mes autres challenges en cours

La  Lecture

Mon Challenge préféré :   George Sand chez George et moi



J'aimais déjà George Sand avant de commencer ce challenge : ses romans, bien sûr, mais aussi la femme, avec ses idées socialistes, généreuses, malgré son rang social qui aurait pu faire d'elle une privilégiée, préoccupée seulement du bien être et du confort de sa classe sociale. Il me plaisait aussi qu'elle lutte par ses écrits et son attitude pour le statut des femmes. Avec ce challenge,  j'ai été carrément bluffée en découvrant les multiples facettes du talent de l'écrivaine qui aborde tous les thèmes, tous les genres aussi. Bravo à George, donc, qui a initié ce challenge et qui nous fait profiter aussi de ses grandes connaissances sur Sand avec ses billets du samedi sandien intéressants et détaillés.
 Pour ce challenge J'ai lu 12 romans ICI et.. ce n'est pas fini!


 Le Challenge Nature Writing chez Folfaerie 


Hélas! je suis venue un peu trop tard à ce challenge qui va bientôt finir.  Mais il aura eu l'immense mérite de me faire découvrir de très beaux livres et des auteurs que je ne connaissais pas. Bien sûr, je ne vais pas m'arrêter en si bon chemin!
J'ai lu cinq livres pour l'instant de Pete Fromm, Edward Abbey; Gerard Donavan, David Vann : ICI. je vais bientôt lire des nouvelles de Jack London, l'auteur vénéré de mon enfance.
 Merci à Folfaerie, blog Au coin du feu, pour cette belle découverte .


La littérature fait son cinéma chez Will dans Kabaret culturel


 Je viens à peine de découvrir le challenge de Will qui unit la passion de la lecture à celle du cinéma. C'est donc pour moi! Et j'ai choisi tout de suite la catégorie supérieure, grande actrice! Une belle idée!
Mes participations sont ICI


Le challenge Carol Oates chez George



Je l'ai choisi car j'aime cette écrivaine depuis le jour où je l'ai découverte avec  deux romans qui restent pour moi ces chefs d'oeuvre : Nous étions les Mulvaney et Chutes. Oates a été pressentie plusieurs fois pour le prix Nobel de littérature et le mériterait bien. Elle  a une puissance d'analyse des personnages et de la société extraordinaires et ses romans sont cruels parce que sans concession. Sa lecture me donne souvent l'impression de recevoir une volée de coups et c'est pourquoi j'ai besoin d'arrêter parfois de la lire. Mais c'est pour mieux repartir car c'est une vraie vision de la société que nous donne Oates  et elle nous parle de la nature humaine.. Encore une bonne idée de George. j'ai lu 10 romans ICI

Le challenge Nouvelles de Sabbio



L'art de la nouvelle est extrêmement difficile. Normalement, je ne suis pas très nouvelles, moi qui aime les romans et les gros pavés! Souvent les nouvelles me déçoivent car elles me laissent en attente, sur ma faim. J'aimerais en savoir plus sauf.. quand elles sont écrites par de grands écrivains comme Raymond Carver, par exemple. Alors c'est sublime. Le challenge est initié par Sabbio qui, je l'espère, va revenir bien vite sur son joli blog, A l'ombre de mon cannelier! Mes participations voir ICI

Un mots, des titres, chez Calypso



Calypso propose un mot : bleu, soleil... Et c'est à nous de choisir un titre qui contient ce mot pour une lecture commune très variée. J'aime  l'idée de Calypso, j'aime aussi que l'on aille de blog en blog ensuite lire ce que les autres lectrices ont découvert.
Les mots auxquels j'ai participé : Bleu; Soleil, Nuit.. le prochain est "secret" pour le 1er décembre ICI  



Il s'agit de lectures communes concoctées selon un menu qui vaut au moins****! Venez nous rejoindre chez Ogresse : plus on est de fous...

 Mercredi 12 octobre
Apéritif
  BRETON A. Nadja.

Jeudi 10 novembre
Entrée
  DOSTOÏEVSKI F. Le Double.  ET/ OU Crime et châtiment

Samedi 10 décembre
Premier plat
  ZWEIG S., Le Joueur d’échecs.
                                                                       Voir la suite ICI

Et j'adore ce logo!
Pour le 10 Novembre, j'ai choisi de lire Le double de Dostoievsky

 Challenge Marylin chez George



 C'est mon mini challenge, juste pour le plaisir de revoir des films que j'aime, de découvrir des écrits sur Marylin : ICI  ...


                                                                   1% chez Hérisson


Puisque je lis des livres pour la Rentrée littéraire,  je me suis inscrite ici mais c'est tout nouveau et pas encore au point pour moi. Pour les livres de la Rentrée 2011 voir ICI




J'aime beaucoup aussi le Blogoclub de Sylire et Lisa où nous pouvons choisir tous ensemble le livre commun à partir d'un thème proposé par les initiatrices. Des lectures enrichissantes et un beau travail d'organisation.  Pour le 1er Décembre, le thème était le voyage et le livre retenu, parmi de nombreux autres, est : L'extravagant voyage du jeune et prodigieux T.S Spivet de Reif Larsen,

Les Ateliers d'écriture


Je participe à l'atelier d'écriture du Skriban chez  Gwenaelle.
Le vendredi, tous les quinze jours, Gwenaelle nous propose un thème. Nous écrivons un texte en respectant les consignes (hum! sauf les étourdis!) qui sont publiés le dimanche dans l'Atelier du Skriban :  Ecriture et échange! On s'amuse chez Gwen!




Et à l'atelier d'écriture  désirs d'histoire  de Olivia. Chaque mardi les participants proposent un mot  Olivia les récolte, en dresse une liste et il faut écrire un texte en y glissant les mots imposés. Il faut parfois se creuser la cervelle pour les utiliser mais ça marche!

Jeux et Enigmes littérature/ Cinéma




Wens et moi, nous proposons chaque samedi un jeu-énigme :  Un livre/ un film. Il s'agit de découvrir à partir de l'extrait d'une oeuvre littéraire quel est le titre et l'auteur et quelle est son adaptation au cinéma. Dans son blog En effeuillant le Chrysanthème Wens propose l'énigme sur le film, dans le mien, le livre. Le dimanche, nous présentons dans nos blogs respectifs un billet sur ces oeuvres.


 Eeeguab, blog Blogart (La comtesse), propose aussi, le dimanche, un jeu cinématographique que vous trouverez ICI


L'énigme du samedi de Chantal Serrières a repris dans son blog : Ecritures du monde



                                                             Et mes deux anciens challenges



Elizabeth Braddon de  Lou 4 livres lus  ICI


English classics de Karin  19 participations   ICI

dimanche 23 octobre 2011

Christian Bobin : petites filles…


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"Petites filles, petites filles, celles qui vous ont donné le jour ressemblent à des reines. Si vous saviez à quel point leur royaume est fragile, vous trembleriez de froid. Petites filles, petites filles, la vie c'est souplesse et transformation continue. Il vous faudra grandir, quitter la maison douce et apprendre comme tout le monde à danser sur le pont d'Avignon. Vous verrez : ce n'est rien de compliqué et de grave. Tombez, petites filles. Tombez, dormez, riez : plus rien n'est à craindre puisque vous avez déjà tout reçu -l'amour donné un jour, c'est pour toujours qu'il est donné."
Autoportrait au radiateur



Les troubadours de Bookworm 

Alex : Mot-à-mots; Alinea66 : Des Livres... Des Histoires...; Anne : Des mots et des notes; Azilis : Azi lis; Bénédicte : pragmatisme; Cagire : Orion fleur de carotte; Chrys : Le journal de Chrys; Ckankonvaou : Ckankonvaou; Claudialucia : Ma librairie; Daniel : Fattorius; Edelwe : Lectures et farfafouilles;  Ferocias : Les peuples du soleil;George : Les livres de George;
Hambre : Hambreellie; Herisson08 : Délivrer des livres?; Hilde : Le Livroblog d'Hilde; Katell : Chatperlipopette; L'Ogresse de Paris : L'Ogresse de Paris;L'or des chambres : L'Or des Chambres; La plume et la page : La plume et la page; Lystig : L'Oiseau-Lyre (ou l'Oiseau-Lire) Mango : Liratouva; MyrtilleD : Les trucs de Myrtille; Naolou : Les lectures de Naolou; Océane : Oh ! Océane !;  Pascale : Mot à mot;  Sophie : Les livres de Sophie; Wens : En effeuillant le chrysanthème;  Yueyin : Chroniques de lectures

Un livre, un Jeu : Réponse à l'énigme n°7 Shakespeare : La Mégère apprivoisée

La Mègère de Zefirelli :  de somptueux costumes...


 Les gagnants aujourd'hui sont : Aifelle,  Eeguab, Keisha, Maggie, Thérère, Jeneen, Lire au jardin...
La pièce est  La mégère apprivoisée de Shakespeare
Le film,  La mégère apprivoisée de Zefirelli que vous irez voir chez WENS ICI


La Mégère apprivoisée est une des trois premières comédies  de Shakespeare. Elle a été écrite en 1594.

L'intrigue de La Mégère apprivoisée


Un riche gentilhomme de Padoue, Baptista, a deux filles à marier. L'aînée Catarina est une insupportable mégère qui mène la vie dure à la maisonnée et que personne ne veut épouser.  Bianca, la cadette, parée de toutes les grâces, a plusieurs prétendants, Gremio, Hortensio et surtout le beau Luciento qu'elle aime de retour, fils d'un vieux gentilhomme de Pise.
 Baptista déclare qu'il ne donnera sa fille Bianca que lorsque l'aînée sera mariée. Désespoir parmi les amoureux  de Bianca qui imaginent plusieurs stratagèmes pour approcher l'élue de leur coeur. Luciento et Hortensio vont se faire engager comme maîtres auprès de Bianca. Mais surtout, il leur faut trouver un mari pour Catarina. Quel bonheur lorsque Petruchio, jeune gentilhomme récemment arrivé de de Vérone, complètement désargenté, accepte d'épouser la jeune fille confortablement dotée et se charge de la mater!  Bien entendu, il y parviendra et même au-delà de ses espérances puisque un amour réciproque naîtra entre eux.

Une pièce controversée
Bon, disons-le tout de suite, pour un spectateur, devrais-je dire une spectratrice, du XXI ème siècle, la pièce peut faire grincer des dents! La conception de la femme qui doit obéissance à son mari et que l'on peut maltraiter a de quoi choquer.  Il faut savoir pourtant que ce thème de la femme acariâtre battue est courant depuis l'antiquité et au Moyen-âge.

Epagneul, femme, Noyer
Plus vous les fouettez mieux ils se comportent*

Il fait partie de la misogynie traditionnelle que le théâtre, la farce en particulier, n'a  cessé d'exploiter au cours de siècles, héritière de ses penseurs de l'Eglise, comme Saint Augustin, qui se demandait si la femme avait une âme. Molière s'y exerce lui aussi dans Le Médecin malgré lui mais l'on verra que Martine, la femme battue, aura sa petite revanche. Le mariage conçu donc selon l'expression d'Hortensio comme un champ de bataille.


Une pièce inégale
Shakespeare tire le sujet de I Suppositi d'Arioste. La pièce commence par un prologue : un ivrogne endormi, Sly, est recueilli par un lord qui lui fait croire pour le mystifier qu'il n'est pas un pauvre hère mais un riche gentilhomme, tombé dans la démence, qui a oublié son passé. Le seigneur accueille une troupe de comédiens qui va jouer devant Sly et la noble assistance la pièce de La Mégère apprivoisée. Le théâtre dans le théâtre, la théâtre qui reflète la vie, c'est un thème récurrent chez Shakespeare. Mais ici, que se passe-t-il? On s'attend à ce que Sly intervienne, commente le spectacle. Mais en fait, il disparaît pendant toute la pièce pour ne plus réapparaître même  au dénouement. Il semble que le dramaturge ait oublié son propos?  Une partie de l'intrigue a-t-elle disparu? Est-ce un signe de négligence? En fait, il y a tellement de disparités dans le style et le ton, de bons passages mais aussi des faiblesses et des erreurs, que certains critiques pensent que la pièce n'a pas été entièrement écrite de la même main. Mais comme l'on ne peut avoir aucune certitude, autant dire que La Mégère apprivoisée n'est pas la meilleure pièce de Shakespeare et qu'un écrivain ne peut réussir des chefs d'oeuvre à tous les coups!



Richard Burton : Petruchio

Entre farce et subtilité
Malgré cela, la pièce plaît et elle est toujours interprétée, même de nos jours. Comment peut-on l'expliquer? Il faut bien pour cela que la pièce soit assez riche pour recevoir des éclairages plus subtils que la lecture au premier degré ne le permet.
Certes la pièce exploite le comique de gags parfois gros, les querelles, les cris, les démonstrations de force, les séances de "dressage" mais le metteur en scène peut selon la finesse de son analyse et la subtilité de  l'interprétation  souligner des aspects particulier de la pièce :
Il peut très bien, en effet, mettre en valeur la férocité du traitement infligé à Catarina et insister non sur le rire mais sur la cruauté du sort de la femme qui doit non seulement abdiquer, sous la contrainte, les humiliations, les privations, sa volonté et ses désirs mais aussi aliéner son bon sens et sa raison, une occasion de dénoncer le statut de la femme dans la société, celle du  XVI ° mais pas seulement!

Acte IV scène 5 Petruchio a promis à Catarina de l'amener chez son père. Ils font route sous le soleil vers Padoue.
Petruchio
Je dis que c'est la lune qui brille d'un si bel éclat
Catarina
Je sais que c'est le soleil qui brille de ce si vif éclat
Petruchio
Ah! par le fils de ma mère, qui n'est autre que moi, ce sera la lune, une étoile, tout ce que je voudrai que cela soit, avant que je continue ma route pour aller chez ton père...  Il la menace de rebrousser chemin (....)
Petruchio
je sais que c'est la lune
Catarina
Je sais que c'est la lune

Il peut aussi montrer combien Pétruchio et Catarina sont faits l'un pour l'autre, tout comme Beatrice et Benedict de Beaucoup de bruit pour rien qui se font aussi "une guerre amoureuse" (mais beaucoup plus subtile et raffinée) et pourquoi l'amour est possible entre eux.
Catarina n'est pas une mégère pour le seul plaisir de l'être mais une femme de caractère qui refuse d'être un objet. Si elle ne s'entend pas avec sa soeur, c'est pour des raisons qui font honneur à son intelligence. Elle refuse la coquetterie et l'hypocrisie de Bianca qui consiste à donner l'image de la jeune fille docile que l'on attend d'elle et qui ne correspond pas à la réalité. Elle lui en veut aussi parce qu'elle souffre de ne pas être appréciée par son père dont la préférence pour la cadette s'affiche nettement, ce qui entraîne sa jalousie. On peut donc penser que la méchanceté de Catarina s'explique parce qu'elle trop fière pour accepter d'être traitée comme une marchandise mais aussi parce qu'elle est mal aimée .
 acte II scène 1
Catarina
Quoi prendrez vous toujours son parti contre moi? Oui, oui, je le vois bien, elle est votre trésor; à elle, il lui faut un mari, ; et moi, pour le prix de l'amour que vous lui prodiguez, je danserai pieds nus le jour de ses noces et j'irai garder les singe en enfer... Ne me parlez pas. Je me retire pour pleurer jusqu'à ce que sonne l'heure de ma vengeance.


Et la manière dont tous la considèrent, le manque de respect envers une femme quand elle ne se plie pas aux conventions de la société,  peut expliquer sa révolte, sa rancoeur et sa colère, bref! son mauvais caractère.
Acte I scène 1
Baptista
Si l'un de vous aime Catarina, comme je vous connais bien et vous tiens en amitié, il a ma permission de lui conter fleurette.
Gremio
Fleurette! C'est la charette aux putes qu'il lui faut : cette fille est pour moi trop rude.
Catarina
Je vous en prie mon père, avez-vous résolu de me laisser railler et traiter de catin par ces épouseurs?

 Sous l'apparence rude qu'elle affecte se cache un coeur sensible, une femme qui ne demande qu'à aimer et être aimée.
Petruchio, lui,  peut apparaître comme  un coureur de dot, ce qu'il est assurément mais à une époque où cela n'avait rien de choquant. C'était la base du mariage. Mais il est réellement séduit par Catarina. C'est par dérision qu'il affirme dans la scène I de l'acte II

Si elle est revêche, c'est par politique : car loin d'être opiniâtre, elle est douce comme la colombe; loin de jeter  feu et flamme, elle est fraîche comme le matin.."

Mais il n'est pas loin de la vérité et sous l'ironie l'on sent qu'il a compris la véritable Catarina. Ils sont d'ailleurs de la même trempe des êtres de passion  que l'on n'asservit pas et Petruchio reconnaît en elle un adversaire de taille.

Pétruchio à Baptista Acte II 1
... car je vous avertis, mon père, je suis impérieux autant qu'elle est arrogante.. Or là où se rencontrent deux incendies farouches, ils ne manquent pas de consumer l'objet qui nourrit leur fureur. Tandis que sous le moindre vent grandit la moindre flamme, l'ouragan déchaîné éteint de son souffle le plus énorme brasier. Je serai l'ouragan pour elle et elle me cèdera : car grande est la violence et je ne fais pas cour comme un enfantelet.

 Certes, conformément  à la conception de l'époque, il va amener son épouse à lui obéir!
Acte III scène 2
Je veux être le maître ce ce qui m'appartient. Cateau est à la fois mes biens et mes effets, ma maison, mes meubles, mon champ et ma grange, mon cheval, mon boeuf, mon âne et mon toit!. La voici près de moi, la touche qui l'ose!

Ce n'est pas par la violence et les coups qu'il y parviendra mais par  "la sollicitude" fausse, bien sûr et exagérée. Si l'on donne de la nourriture à Catarina, il la lui retire parce qu'elle si de mauvaise qualité, si elle est couchée, il crie que le lit est mal fait : 
Acte IV scène 1
En conclusion elle veillera toute la nuit.(...) Voilà comment on tue une femme par la sollicitude et c'est ainsi que je viendrai à bout de son humeur violente et opiniâtre.

Le dressage a donc lieu, comme c'est une comédie nous en rions mais pour cela il faut que le metteur en scène sache mettre en relief certains aspects positifs de Petruchio qui sous la cruauté, possède une certaine classe, utilise l'ironie, tout en restant courtois dans son langage et ses manières, assez, du moins, pour que Catarina le juge digne d'être aimé.
Petruchio ( Bernard Noël) et son valet Grumio (1964)

Dans la fameuse mise en scène de  la télévision en 1964  avec Rosy Varte et Bernard Noël, le metteur en scène, Pierre Badel, va même plus loin. Il suggère par le jeu des acteurs, que si les époux se plient aux conventions sociales, il y a une telle complicité entre eux que Catarina ne se soumet pas.  Son apparente obéissance est en fait une déclaration d'amour.
 Acte V scène 2
 Ton mari est ton seigneur, ta vie, ton gardien, ton chef, ton souverain, celui qui prend soin de toi et qui, pour assurer ta subsistance, soumet son corps à de durs travaux sur terre et sur mer, qui veille la nuit dans la tempête, le jour dans le froid, tandis que tu reposes, bien au chaud dans la sécurité du logis, et qui n'attend de toi d'autre tribut que ton amour, un visage avenant et une sincère obéissance, maigres paiements pour un si grande dette.

C'est le parti pris, plus poussé encore, semble-t-il, (je n'ai pas vu la pièce), de la mise en scène d'Oskaras Korsunovas à la Comédie Française en 2008.  Voir l'article   ICI

 La mise en scène de Zefirelli
 Elizabeth Taylor et Richard Burton Zefirelli

C'est pourquoi je n'aime pas du tout la mise en scène "gros sabot" de Zefirelli! En dehors de ricaner  grassement, d'éructer,  de crier, Petruchio-Burton est une sorte de rustre, vulgaire, sans  délicatesse et sans nuances. Mais Zefirelli ne fait pas preuve de plus de finesse avec le personnage de Catarina. Catarina-Taylor, braillarde, dépenaillée, est une poissarde à la poitrine à l'air.. L'on peut dire que la rencontre entre les deux est tout à fait inintéressante! Et ceci d'autant plus que le rôle des autres personnages est réduit à néant ou presque! Insupportable! Heureusement, il y a des costumes splendides qui semblent sortir tout droit de tableaux de la Renaissance italienne et quelques scènes à l'intérieur de la ville très belles.

* cité dans la préface de A. Quiller-Couch




La littérature fait son cinéma
Chez Will Kabaret culturel

samedi 22 octobre 2011

Un livre, un Jeu : l'énigme n°7




Wens de En effeuillant le chrysanthème et moi-même nous vous proposons, le samedi, un jeu sous forme d'énigme qui unit nos deux passions : La littérature et le cinéma!Il s'intitule : Un livre, Un film.
Chez Wens ICI vous devez trouver le film, le metteur en scène et les acteurs, chez moi, le livre.
Consignes :  Vous pouvez donner vos réponses par mail (que vous trouverez dans mon profil) et  me laisser un mot dans les commentaires sans révéler la réponse pour m'avertir de votre participation. Le résultat de l'énigme et la proclamation des vainqueurs qui n'auront gagner que la gloire de participer (avouez que c'est beaucoup!) sera donnée le Dimanche.
 Après une énigme difficile samedi dernier,  nous retournons au classique. Il s'agit d'un dramaturge anglais (oui, je sais vous avez deviné!) mais dans quelle pièce?

             Enigme 7


 B.
 Hola, donzelle, hola! D'où vient cette insolence? Pauvre enfant! Elle pleure... Retourne à ton aiguille, ne te frotte pas à elle. Fi! drôlesse possédée par le diable, n'as-tu pas honte de faire du mal à celle qui ne t'en a jamais fait? Quand t'a-t-elle blessée par la moindre parole méchante?
 C.
C'est son silence qui me nargue et je veux me venger  (Elle se précipite sur ...)
 B.
Quoi! sous mes yeux! Rentre chez toi ...
 C.
Quoi prendrez-vous toujours son parti contre moi? Oui, oui, je le vois bien, elle est votre trésor; à elle, il lui faut un mari; et moi, pour le prix de l'amour que vous lui prodiguez, je danserai pieds nus le jour de ses noces et j'irai garder les singe en enfer... Ne me parlez pas. Je me retire pour pleurer jusqu'à ce que sonne l'heure de ma vengeance.

vendredi 21 octobre 2011

Désirer de Richard Flanagan

 

Désirer de l'écrivain australien Richard Flanagan est un beau roman plein d'émotion et de finesse, une de ces œuvres que l'on referme avec un pincement au cœur. Dans ce roman où le théâtre a un rôle primordial, c'est à une tragédie que l'on assiste et celle-ci se joue aussi bien sur le plan collectif, déportation et élimination des aborigènes en Tasmanie, qu'individuel, les personnages sacrifiant la vérité de leurs sentiments aux fausses valeurs de la société. De là, ce titre — Désirer, cet infinitif, traduction de l'anglais « wanting », d'abord énigmatique et qui prend peu à peu tout son sens : chaque personnage s'agite sur une scène pleine de bruit et de fureur pour reprendre l'image de Shakespeare, agitation vaine où les aspirations, les désirs se voient sacrifiés à une morale rigide, à des conventions sociales qui nient les sentiments, l'amour, la liberté et par là, la vie. Chacun passe à côté de l'essentiel et se retrouve face au néant de son existence.

Désirer présente deux récits parallèles dans l'espace, en Tasmanie et à Londres, mais décalés au point de vue de la chronologie :
En Tasmanie, Sir John et lady Jane Franklin, vice-roi et vice - Reine de la Terre de Van Diemen, adoptent une petite fille aborigène nommée Mathinna pour prouver « scientifiquement » que les « sauvages » peuvent être civilisés et éduqués comme des Anglais.
À Londres, des années après, Lady Jane Franklin rencontre Charles Dickens. Ce qui de prime abord lie ces deux êtres pourtant si opposés est un fait historique dont Richard Flanagan s'est inspiré. Sir John partit en expédition polaire avec des officiers et son équipage n'est jamais revenu et est accusé de cannibalisme d'après le témoignage d'une peuplade esquimau. Lady Jane demande à Dickens, alors le plus célèbre écrivain de l'Angleterre victorienne, de prendre la défense de son mari et de réhabiliter sa mémoire. Ce que fait Dickens et ce qui lui inspire une pièce de théâtre qu'il écrit avec Wilkie Collins : Glacial abîme.

Mais au-delà de l'anecdote, les liens qui unissent cette femme de la haute société et cet homme qui a souffert de son humble origine, mais est devenu, par son génie, l'égal d'un roi, sont plus complexes. Et d'abord, très profondément ancrés en eux, la certitude de la supériorité de la civilisation anglaise et chrétienne. Ainsi, l'écrivain fonde la présomption d'innocence de l'explorateur sur la grandeur morale de l'anglais qui ne peut être confondu par « une poignée répugnante d'individus non civilisés dont la vie quotidienne se déroule dans le sang et le blanc des baleines ». Le livre est donc prétexte à dénoncer le colonialisme et ses maux, racisme, paternalisme, incompréhension et mépris des autres civilisations. Ainsi, dans la colonie pénitentiaire de Wibalenna sur l'île Flinders où Lady Jane en visite avec son mari découvre Mathinna et, séduite par la grâce et la vivacité de la fillette, décide de l'amener loin de son peuple, cent trente-cinq aborigènes de l'île Tasmanie furent transportés pour y « être civilisés et christianisés » sous la direction d'un prédicateur George Augustus Robinson qui se pare du titre de Protecteur. Tout cela au nom d'une civilisation qui affirme sa supériorité et qui, tout en prenant aux autochtones leur terre et leur moyen de subsistance, pense faire leur bien en leur imposant ses critères. Le récit se teinte alors d'une ironie terrible qui fait naître un sentiment d'horreur et de tristesse : « À part le fait que ses frères noirs continuaient à trépasser au rythme d’un par jour, quasiment, note le Protecteur, il fallait admettre que la colonie donnait satisfaction à tous les égards. »
Mais ce sentiment de supériorité, s'il est fatal à ceux qui en sont les victimes, se retourne assez curieusement contre ceux qui l'éprouvent. Et c'est ici que le titre du roman Désirer prend toute sa valeur, car le désir sous toutes ses formes engendre la douleur.
Désir d'amour. Lady Jane qui n'a jamais pu avoir d'enfant ne peut s'abandonner aux sentiments maternels qu'elle éprouve pour Mathinna, la petite fille noire devenue objet d'étude et ravalée au rang d'animal de laboratoire lorsque le projet échoue. Et elle se retrouve ainsi face à sa solitude, étreinte par une douleur « comme un châtiment terrible ».
Désir pervers. C'est sir John qui cède au désir contre nature qu'il éprouve pour la fillette et qui devra en payer le prix, « le sentiment de sa propre horreur », car dit Charles Dickens :
« On peut avoir ce que l'on veut, mais on découvre qu'il y a toujours un prix à payer. La question est celle-ci : peux-tu payer ? »
Désir de liberté : Mathinna retrouvant les siens sur l'île Flinders jette ses sabots dans un bosquet d'arbres. Geste symbolique, mais désir vain. L'éducation qu'elle a reçue chez Lady Jane fait qu'elle n'appartient plus à aucune civilisation.
Ainsi, Charles Dickens cherche à dompter son « cœur indiscipliné » et son amour naissant pour l'actrice Ellen Ternan :
« Nous avons tous des sentiments et des désirs, écrit-il, mais seuls les sauvages acceptent de les assouvir ». Pourtant, la pièce de théâtre, Glacial abîme, va consacrer le cheminement final et inverse de Dickens et de Lady Jane. Contrairement à cette dernière, Charles Dickens au cours de cette pièce où il est auteur et acteur à la fois, en interprétant ce texte qui révèle « toute son âme », va apprendre à céder au désir et se libérer :
« Il ne pouvait plus imposer de discipline à son cœur indocile. Et lui, cet homme qui avait passé toute une vie à croire que céder au désir était la caractéristique du sauvage se rendit compte qu'il ne pouvait plus rejeter ce qu'il voulait. »
Car l'autre thème de ce roman, et non des moindres, est celui de la création littéraire, une réflexion qui se révèle passionnante ; on y voit comment Dickens emprunte à sa vie des éléments pour construire ses œuvres, mais aussi comment, dans un effet boomerang, la fiction romanesque finit par devenir à ses yeux plus vraie que la vie réelle. Ainsi, l'on assiste à l'élaboration de Glacial abîme dont l'auteur est à l'origine Wilkie Collins. Mais son ami, Charles Dickens s'empare bientôt d'un personnage, Robert Wardour, pour le faire sien, lui donner ses pensées, ses sentiments, ses peurs, et finalement jouer sur scène sa propre vie, parvenant ainsi à agir sur elle, à l'infléchir comme si l'écrivain ne pouvait découvrir sa vérité qu'à travers le filtre de ses personnages.

Enfin, pour couronner le plaisir de cette lecture, l'heureuse surprise qui me met en face de deux auteurs, Charles Dickens et Wilkie Collins, que je fréquente beaucoup en ce moment et qui répond  aux questions que je me pose sur eux. Ceci d'une manière telle qu'il me semble rencontrer deux amis, personnages réels engagés dans la fiction romanesque à qui Richard Flannagan redonne vie, cheminant dans leurs pensées intérieures et les révélant au lecteur tandis qu'ils se révèlent à eux — mêmes. Car Richard Flannagan à partir d'une histoire vraie laisse libre cours à son imagination qui mieux que tout peut atteindre la vérité profonde de ses personnages pour nous révéler des êtres vivants et non des momies aseptisées par l'Histoire.
Désirer Richard Flanagan éditions Belfond

Billet tranféré de mon ancien blog.

Merci à Dialogues croisés et aux éditions Belfond pour la lecture de ce très beau livre

LIVRE VOYAGEUR

Un mot, des textes : Résonnances

Forêt de bouleaux Gustav Klimt


Dans son blog Désirs d'Histoire, Olivia nous propose le  jeu d'écriture : Des mots une histoire.  Pour cette édition 44 du jeu, les mots imposés sont :

réveil – calquer – mazarin – technique – tertre – châtaigne – douceur – cloaque – indifférence – cruellement – mère – tartine  – pagode – virgule – hérisson – retour – laitue –exubérant – forêt – livre – vaporeux – immortels.  C'était plus facile que la dernière fois, pour vous aussi?

Résonnances

Il y a entre  les mots comme une résonnance
La mère, au matin, dans la douceur du ciel
Nourrit son enfançon de tartine et de miel
au berceau, son réveil est un moment intense
Tout petit  hérisson enroulé dans ses langes
il calque sur sa mère la technique de l'ange
Indifférence extrême au cloaque du Monde.
 
Il y a entre les mots une correspondance
Dans forêts, dans châtaignes, bouleaux gris, trembles verts
Parmi les immortels, aux cimes vaporeuses
Assise sur un tertre ou sous une pagode
C'est la nature entière qui sans indifférence
Me berce dans ses bras, extrême exubérance
 
Je vois à mon retour, cruellement heureuse,
Dessus le mazarin posé le  livre blanc
Il m'invite à l'étude, je dois à la virgule
Un respect sans appel et pure obéissance
Mais quand sur la laitue un petit escargot
S'aventure pirate échappé des deux eaux
Avec lui je repars braver les mers du globe
Et l'archipel entier de mes rêves sans fin
Se détache voguant loin de la terre, enfin.



Un bureau mazarin


Sur le blog d'Olivia: Désirs d'histoire