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dimanche 28 octobre 2012

Un livre/un film : William Burnett High Sierra




Réponse à l'énigme n° 45

 Bravo à  Aifelle,  Eeeguab, Pierrot Bâton, Somaja

Le livre : High Sierra de William R. Burnett 
Le film  : La grande Evasion de Raoul Walsh

 et merci à tous! Oui, c'était peut-être un peu difficile cette semaine!
Dans High Sierra de William Burnett , Roy Earle vient de sortir de prison. Il se rend en Californie où il va rejoindre son patron BigMac qui a payé pour son élargissement et lui demande en contrepartie de mener à bien un braquage.  Sur la route, Roy fait connaissance de Pa et de Ma, deux vieux fermiers qui ont été dépossédés de leur terre et qui sont accompagnés dans leur exode par leur petite fille Velma. Roy tombe amoureux de la jeune fille infirme et l'idée naît en lui de la faire opérer de son pied bot. Il rejoint ensuite ses complices qui se révèlent novices et plutôt nerveux. L'un d'eux a amené sa petite amie, Marie, qu'il maltraite. Roy va la prendre sous sa protection et va de plus accepter la garde d'un chien qui a jeté son dévolu sur lui. Or ce chien, dit-on, porte malheur à ses maîtres qui sont tous morts après l'avoir adopté… C'est sous ses auspices peu favorables que va se dérouler l'attaque de l'hôtel de luxe….


William  Burnett et John Hudson sont coauteurs du scénario à partir du roman de Burnett. Ils se retrouvent tous les deux sur la même longueur d'onde, en accord avec les thèmes de High Sierra. Hudson devenu réalisateur reprendra, dix ans plus tard, un autre des romans de Burnett Asphalte Jungle. Il dira : "Burnett semble écrire pour moi". C'est dire que le scénario est très fidèle au roman et à son esprit. Le film de Raoul Walsh paraît en France sous le titre de La grande évasion.

Le principal  thème qui réunit les deux scénaristes est celui du destin auquel l'on ne peut échapper. Roy Earle éprouve le désir de s'arrêter, de mener une vie paisible, de vivre avec une femme qu'il aime mais il s'est engagé dans une voie sans issue, celle du mal, et il ne pourra revenir en arrière. Les circonstances extérieures l'en empêchent. Big Mac, le grand patron ne lui laisse pas le choix. Mais plus profondément, c'est  surtout le caractère lui-même de Roy qui le condamne, cette propension à la violence qui est une marque inhérente de sa personnalité. Peut-on y voir une idée de prédestination?
Pourtant, le lecteur va s'intéresser à ce personnage qui est un dur, un tueur, parce qu'il n'est pas une brute, parce qu'il est capable d'humanité. En fait, sa personnalité est complexe. On voit que Roy Earle ne supporte pas que l'on fasse du mal a une femme, c'est pourquoi il protège Marie avant même de découvrir en elle un amour sincère. De même, il tombe amoureux de Velma avec une naïveté et un désintéressement qui fait sourire le médecin à  qu'il  demande de l'aide pour l'opérer :

Le vieux doc eut du mal à rester sérieux. Roy Earle rougissait réellement. Quel drôle de monde! Un braqueur de banque qui rougissait pour le pied bot d'une fille.

On peut dire que Roy Earle  se fait avoir dès qu'on le prend par les sentiments, ce que le chien  lui-même a compris, qui oblige Roy a l'adopter et à l'amener partout avec lui et même à un braquage!

 Le thème de la femme fatale est aussi présent comme dans tout roman noir mais curieusement décalé et détourné. C'est Velma la toute jeune fille, pure et innocente, qui incarne ce rôle car elle n'hésite pas à jouer avec les sentiments du gangster pour obtenir qu'il lui paye l'opération que ses grands-parents ne peuvent lui offrir. Elle se révèle une fois opérée, coquette et frivole. Le rôle de la femme idéale, courageuse, capable d'un amour désintéressé, profond est paradoxalement tenu par Marie, celle que l'on peut prendre pour une fille facile mais qui est en fait une victime de la vie. On sent d'ailleurs dans ce roman, la sympathie éprouvée par l'auteur pour les humbles, ceux à qui la société ne laisse aucune chance de s'en sortir. C'est en ce sens que le thème du gangster prend un sens particulier. Il incarne la résistance à une société impitoyable, qui broie l'individu, mais cette lutte est vaine et ne peut se solder que par l'échec.

samedi 27 octobre 2012

Un livre/un film : Enigme 45







Pour les nouveaux venus : De quoi s'agit-il?

Wens de En effeuillant le chrysanthème et moi-même, nous vous proposons, le samedi, un jeu sous forme d'énigme qui unit nos deux passions : La littérature et le cinéma! Il s'intitule : Un livre, Un film.

Chez Wens vous devez trouver le film et le réalisateur, chez moi le livre et l'auteur.
Consignes :  Vous pouvez donner vos réponses par mail que vous trouverez dans mon profil : Qui êtes-vous? et  me laisser un mot dans les commentaires sans révéler la réponse pour m'avertir de votre participation. Le résultat de l'énigme et la proclamation des vainqueurs seront donnés le Dimanche.
Pendant les vacances, nous arrêtons le jeu Un livre/ Un film.

 Enigme n°45

Voilà un classique du roman et du cinéma.
Cet écrivain de romans noirs est co-auteur du scénario avec un autre grand nom du cinéma américain.  
Pour créer son personnage, il prend pour modèle le célèbre gangster John Dillinger. Il est à l'origine du mythe du gangster en "desperado solitaire".

ll sentit une profonde tristesse l'envahir. Tellement profonde qu'elle lui fut insupportable. Bon Dieu! Une jolie gamine comme ça avec une jambe estropiée! Qu'est-ce qui lui avait tant plu dans son visage? Il avait vu des centaines de filles pendant son voyage vers l'ouest; quelques-unes pas mal, même. Y avait cette rouquine dans le Kansas, qui avait essayé de se faire prendre en stop. Elle ne l'intéressait pas. Tout ce qu'il se disait, c'était qu'une gamine gonflée comme ça pourrait le mettre dans un sacré merdier. Et la reine mexicaine du stand à hamburger qui l'avait pratiquement invité à venir dans l'arrière-boutique? Une belle gosse aussi, des beaux cheveux bruns bouclés et des grands yeux noirs. Elle ne l'avait même pas ému. Et maintenant il avait froid dans le ventre parce qu'une petite plouc de l'Ohio avait un ruban rouge dans les cheveux et un pied bot!



jeudi 25 octobre 2012

Des mots, une histoire : Petite-fille



Petite-fille

Petit sphinx rose en blouse rêve
Ma petite aux cheveux de lin
Tu es le don fragile, immense
la poésie, le champion tendre
de l'amour
L'antienne qui va et qui vient
dans ma vie
Tu es l'alchimie féérie
Alternance de pleurs, de rires
Petit poussin de mauvais poil
corbeau bougon, pinson heureux
De tes colères et de tes joies,
Tu berces le ciel, le soleil
Dans le carrosse de la fée
Tu vêts la robe arc-en ciel
chaste histrion, petit lutin
Et tu joues à ta convenance
la  musique gaie de la vie
sur la corde à vif de mon coeur                                                 
où tu es en sécurité                                                                                  
Et tu es bien évidemment
A travers les voiles du temps
Le trait d'union qui nous relie
Le visage aimé qui s'estompe
Mais que dessine ton oeil bleu

 Le pont romain qui jette l'arche
entre les rives des adieux.





Si vous aimez les peintures de Sabbio, peintre et amoureuse des livres, allez voir ses deux blogs : Du haut le mon cannelier où elle expose ses tableaux et A l'ombre de mon cannelier où elle parle de ses lectures.




Les mots imposés dans l'atelier d'Olivia :  alchimie – blouse – histrion – carrosse – amélioration – sécurité – évidemment – poésie – don – chaste – convenance(s) – antienne – alternance – champion – romain – robe – poil – sphinx

mardi 23 octobre 2012

George Sand : Cora, une satire du romantisme


 Théodore Chasseriau

Cora est un très court roman de George Sand. Il paraît en 1833, la même année que Lélia. Certes, ce n'est pas une oeuvre majeure dans l'immense production littéraire de l'écrivaine mais on y découvre une plume alerte, assez méchante envers les moeurs provinciales et pleine d'ironie envers les passions amoureuses. L'utilisation de la première personne entretient une ambiguïté. C'est sans nul doute le jeune homme qui dit "je" mais parfois on a l'impression que l'auteure se substitue à lui surtout quand il s'agit de s'amuser aux dépens du jeune homme tout en pratiquant l'auto-dérision. Il me semble à cet égard significatif que l'écrivain et son personnage portent le même prénom.

Georges est une jeune homme candide qui revient de l'île Bourbon et n'est pas trop au fait des coutumes des petites villes de Province française. Il a trouvé du travail dans l'administration des postes. Cependant, bien vite, il se fait admettre dans la société et il rencontre au bal une belle jeune fille nommée Cora dont il tombe follement amoureux. Mais Cora ne répond pas à son amour.


 George Sand

Une critique de la ville provinciale

George Sand pratique à l'égard de la petite ville de province qu'elle ne nomme pas un ironie certaine qui s'étend, avec plus de tendresse, à son héros dont la naïveté l'amuse.
L'apparition d'une nouvelle figure est un événement dans une petite ville, et, quoique mon emploi fût des moins importants, pendant quelques jours je fus, après un phoque vivant et deux boas constrictors, qui venaient de s'installer sur la place du marché, l'objet le plus excitant de la curiosité publique et le sujet le plus exploité des conversations particulières
Les exigences de la mode et ses ridicules sont ainsi dénoncés. Les habitants la petite ville le méprisent tant qu'il n'est pas habillé à la française;  tout le monde  se moque de sa tenue vestimentaire mais l'apprécie quand il se vêt d'une manière qu'il juge pourtant ridicule! L'habit fait le moine, il devient alors fréquentable.
 La satire du bal provincial est aussi très nette, ce qui fait ressortir l'ingénuité du jeune homme prêt à tout admirer dans son enthousiasme juvénile :
La salle était un peu froide et un peu sombre, un peu malpropre; les banquettes étaient bien tachées d'huile ça et là, les quinquets jouaient bien un peu, sur les têtes fleuries et emplumées du bal, le vieux rôle de l'épée de Damoclès, le parquet n'était pas fort brillant, les robes des femmes n'étaient pas toutes fraîches(…) et pourtant c'était une charmante fête, une aimable réunion…

Une satire du romantisme

Jeune romantique Désiré François Laugée

George Sand s'amuse aussi en faisant de son personnage un jeune romantique rêveur, tellement nourri de lectures qu'il perd de vue la réalité, idées romantiques qu'il transforme parfois en clichés. Ainsi quand il parle du suicide et du poison dans une coupe, il s'interrompt :
 Je dis coupe parce qu'il n'est pas séant et presque impossible de s'empoisonner dans un vase qui porte un autre nom quelconque.

Il me rappelle Théophile Gautier, Gérard de Nerval et leurs amis, jeunes romantiques exaltés, en train de boire dans un crâne que Gérard a volé à son père, chirurgien aux armées!.
 Le jeune homme s'exalte en comparant son amoureuse qui est fille d'un épicier à une "reine espagnole", à "l'ange de Rembrand" et en faisant l'héroïne d'un roman du "grand" Walter Scott, la Juliette de Shakespeare ou un être magique issu des contes d'Hofmann :
Pour mon malheur aucune créature sous le ciel ne semblait être un type plus complet de la beauté fantastique et de la poésie allemande que Cora aux yeux verts et au corsage diaphane.

L'écrivaine ménage même une digression pour disserter des goûts littéraires de la jeunesse actuelle en opposition à ceux des vieux bourgeois. Là encore elle me rappelle le Gautier du petit Cénacle!

La cristallisation amoureuse

aquarelle de MAG  : la cristallisation (source)

Sand décrit avec une précision admirable le coup de foudre ressenti par le jeune homme, autrement dit le processus de cristallisation de l'amour comme si elle s'était imprégnée du texte de Shendhal :
Aux mines de sel de Salzbourg, on jette dans les profondeurs abandonnées de la mine un rameau d'arbre effeuillé par l'hiver ; deux ou trois mois après, on le retire couvert de cristallisations brillantes (…) Ce que j'appelle cristallisation, c'est l'opération de l'esprit, qui tire de tout ce qui se présente la découverte que l'objet aimé a de nouvelles perfections  écrit Stendhal.

Voilà l'application de cette analyse à notre héros Georges dans les sentiments qu'il éprouve pour Cora:
Elle était extraordinairement brune pour le climat tempéré où elle était née; mais sa peau était fine et unie comme la cire la mieux moulée.

Quand on sait que, au XIXe siècle, la blancheur du teint est un critère de beauté absolu, on comprend combien le processus d'idéalisation est puissant!

La cristallisation donne lieu à des situations cocasses : Quand Georges s'aperçoit que Cora lit des romans sans valeur et qu'elle est inculte: "je rentrai chez moi enthousiasmé de Cora dont l'ignorance était si candide et si belle. 
Quand Cora lui tend un billet, il croit à une déclaration d'amour alors que c'est une note d'épicerie, il en tombe presque malade et puis : "Ingrat! pensais-je, tu te révoltes parce qu'un mémoire de savon et de chandelle a été rédigé et présenté par Cora, tandis que tu devrais baiser la belle main

Un roman d'initiation

Le roman est donc un roman d'initiation amoureuse où Georges,"de nature inflammable et contemplative" va faire connaissance de l'amour et de ses revers. Cette expérience va le transformer et peut-être lui ôter sa naïveté et sa sincérité en tout cas ses illusions. Sand fait preuve d'une connaissance assez désabusée de la nature humaine et la fin du roman est bien pessimiste. Si le jeune homme a beaucoup souffert, la femme mariée et mère ne s'en sort pas mieux. La peinture de la condition féminine en province au XIXe siècle n'est pas enviable!





lundi 22 octobre 2012

Rachilde : La tour d'amour, un roman sulfureux?





Née le 11 février 1860 dans la demeure familiale du Cros, dans le Périgord, Marguerite Eymery (Rachilde, en littérature) connaît une enfance et une adolescence perturbées. Son père officier de carrière qui aurait voulu un garçon ne s'occupe pas d'elle et sa mère  est dépressive et mythomane. Elle-même est victime d'hallucinations morbides qui font craindre pour sa santé mentale. Elle dit que ce sont les livres de la bibliothèque de son grand père qui l'ont sauvée. Encouragée par Victor Hugo, elle part à dix-huit ans à la conquête de Paris. Coiffée à la garçonne, vêtue en homme, audacieuse, intelligente et brillante, elle commence sa carrière littéraire en prenant le nom d'un gentilhomme suédois du XVIe siècle, Rachilde, rencontré lors d'un séance de spiritisme. Elle s'intéresse, l'une des premières, aux question d'identité sexuelles et d'inversion et fait scandale avec son roman, Monsieur Vénus (1884) où l'homme traité comme un objet tient le rôle traditionnellement dévolu aux femmes,  ce qui lui vaut d'être traduite en justice et condamnée. Cependant, ce roman qui correspond au goût décadent de la fin de siècle, assure sa célébrité et lui donne une réputation sulfureuse. Elle écrit plus de soixante romans dont La Tour d'amour qui est peut-être le meilleur.
Elle épouse Alfred Valette, ce qui lui permet de participer aux débuts de la revue symboliste le Mercure de France, lancée par son mari, dont elle deviendra la patronne. Elle exerce alors un grande influence sur la vie littéraire. Le Tout-Paris se presse à ses "mardis". Elle meurt à Paris en 1953.


 Je vous incite à aller voir chez La fée des logis, l'analyse de l'oeuvre de Rachilde dont je cite un extrait : 
Bien qu'elle soit l'auteur du pamphlet Pourquoi je ne suis pas féministe, et qu'elle tienne parfois des propos misogynes, Rachilde est l'auteure d'une oeuvre qui dérange et qui met mal à l'aise car s'inscrivant violemment contre l'ordre social et le rapport traditionnel des sexes, contre la phallocratie. De fait, ses détracteurs l'ont accusée de perversité, d'obscénité, voire de pornographie. En effet, selon eux, une femme se doit de taire ses fantasmes et ses plaisirs sous peine de manquer aux lois de la bienséance et de la convenance. Rachilde devient alors ce monstre tant redouté à l'époque de la vierge initiée qui " en sait plus long qu'une vieille femme " (in : La Marquise de Sade, Rachilde, p. 13). Aussi les mauvaises langues, confondant la vie de l'auteur et celle de ses personnages, la réalité et la fiction, la soupçonnent-elles de débauche. Se moquant de la réputation qu'on lui taille, Rachilde mène sa vie comme elle l'entend : affranchie et indépendante. 
  suite ICI

 

 La Tour d'amour

 

La tour d'amour de la "sulfureuse" Rachilde est un roman qui sidère, qui laisse pantelant. Jamais en ouvrant le livre de quelqu'un qui était pour moi une inconnue, jamais je n'aurais pensé découvrir un texte d'une telle force, servi pas un style puissant aux images hallucinatoires. Je comprends, bien sûr, que le récit ait fait scandale et je ne suis pas sûre qu'il ne choque pas, même de nos jours, les lecteurs sensibles tant il est morbide et nous entraîne dans la spirale d'une folie qui tient de la perversion. Si vous êtes de ceux-là, tant pis, mais ne me dites pas que Rachilde est un médiocre écrivain!

Bien qu'elle soit née en Périgord, ce roman fait partie de la période bretonne de Rachilde. Jean Maleux, jeune marin breton, veut se fixer après avoir bourlingué comme chauffeur sur un vapeur des ponts et chaussées. Il demande un poste de gardien de phare et  obtient le plus  terrible, le plus redoutable et le plus redouté de tous, nommé par tous les gardiens "l'enfer des enfers", le phare d'Ar-Men, au large de Brest,  appelé ici par dérision la Tour d'amour.  Ce phare battu de manière incessante par les flots,  où l'on ne peut aborder que par télésiège, est terrifiant.  Maleux y rejoint le gardien en chef,  le vieux Mathurin Barnabas, qui n'a plus quitté le lieu depuis vingt ans. Commence alors entre les deux personnages une confrontation hallucinante, une véritable descente aux Enfers.

 Le récit est un huis-clos entre  Maleux et Barnabas sur ce roc abandonné de Dieu. A l'exception de quelques rares sorties de Jean Maleux qui vont d'ailleurs précipiter sa fin, les deux hommes, enfermés dans le phare comme dans une prison, affrontent la mer qui est le troisième personnage et certainement le plus puissant. Elle est parfois décrite comme une prostituée qui s'offre à tous, certaine de son pouvoir sur les hommes.
La mer délirante bavait, crachait, se roulait devant le phare, en se montrant toute nue jusqu'aux entrailles. La gueuse s'enflait d'abord comme un ventre, puis se creusait, s'aplatissait, s'ouvrait, écartant ses cuisses vertes; et à la lueur de la lanterne, on apercevait des choses qui donnaient l'envie de détourner les yeux. Mais elle recommençait, s'échevelant, toute une convulsion d'amour ou de folie. Elle savait bien que ceux qui la regardaient lui appartenaient.
Elle joue un rôle maléfique et détient le droit de vie ou de mort non seulement sur les équipages des bateaux qui viennent se briser sur les formidables écueils de la chaussée de Sein mais aussi sur les gardiens. C'est ainsi qu'après un naufrage,  ceux-ci voient passer les morts remontés à la surface, entraînés par le courant :
Tous ces cadavres tourbillonnaient autour de moi, maintenant à m'en donner le vertige. Ils n'en passaient plus, et je les voyais encore, les uns la bouche ouverte pour leur dernier appel, les autres les yeux fixés à jamais sur leur dernière étoile. Ils allaient, allaient par troupe, par file, deux à deux, six ensemble, un tout seul, tout petit comme un enfant, et ils ressemblaient à une grande noce qui s'éparpille le long du dernier branle du bal.
Dans ce décor de fin du monde, dans ce lieu battu par les tempêtes, et les vents,  les personnages vont peu à peu se dépouiller de leur humanité. Quand Jean Maleux arrive dans le phare, Mathurin Barnabas  est déjà plus proche de la bête que de l'humain. Il a oublié son alphabet , ne sait plus lire ni écrire, parle à peine. Il est repoussant, ne se lave plus, ne change plus de linge, urine contre la porte et marche parfois à quatre pattes. De plus, il est devenu un être hybride, asexué, mi homme-mi-femme.  Jean Maleux pourra-t-il résister à cette hideuse attraction?  On assiste peu à peu  à sa transformation. Rachilde nous entraîne ainsi dans les méandres de la folie qui nous est révélée progressivement et nous plonge dans l'horreur. Quand on pense avoir touché le gouffre, l'on se rend compte que l'on descend encore plus bas!
Une histoire dont on ne sort pas indemne servie par un style très visuel, vigoureux, parfois lyrique où perce à certains moments des accents à la Zola, mais le Zola visionnaire,  celui qui personnifie les éléments de la nature comme la terre dans Germinal.



 

Le phare d'Ar-Men  


Le phare d'Ar-Men (le Roc en breton) qui se dresse au bout de la chaussée de Sein constituée d'écueils redoutables, à huit milles au large de l'île de Sein, possède une mauvaise réputation dès sa construction, une des plus longues et des plus dangereuses de l'histoire des phares. Il a fallu six années de prospection et 15 années de travaux dans les pires des conditions, avec les vagues qui balayaient le roc toutes les cinq minutes, les lames qui risquaient d'emporter les ouvriers à tout moment. Son allumage a lieu en 1881. C'est un endroit où les tempêtes sont les plus dangereuses, les courants les plus violents. Les habitants de l'île de Sein ont nommé le lieu où le phare est implanté Ar Vered Nê, le Nouveau Cimetière à cause des nombreux naufrages qui y ont lieu et un proverbe breton dit : Qui voit Sein voit la fin
La vie dans ce phare d'Ar-Men est tellement âpre et sauvage  que la folie guette les gardiens en proie à la solitude, cerné par le vent, assailli par des vagues qui montent jusqu'à la lanterne.

Rachilde s'appuie sur des documents très précis pour écrire son roman. Le journal L'Illustration de Juin et Juillet 1896 a fait plusieurs reportages sur ce phare, ( sa construction, les conditions de vie des gardiens...) à la suite du naufrage du grand paquebot anglais le Drummond-Castle dans la nuit du 17 au 18 Juin. Il avait à son bord 250 personnes dont 3 seulement ont pu être recueillies vivantes. Rachilde change le nom du bateau qui devient le Dermond-Nesle et utilise les détails techniques pour la description. Tout le reste bien sûr est de l'ordre de son imagination et participe de son univers littéraire qualifié de "décadent" mais où tout est avant tout symbolique et reflète nos peurs les plus profondes.
 
 
 


Deuxième édition du challenge des fous par L'ogresse de Paris

dimanche 21 octobre 2012

Haïku, mon nounours : Gilles Brulet et Chiaki Miyamoto




Haïku, mon nounours  voilà un charmant petit livre bilingue, français- japonais, paru aux éditions L'iroli, pour initier vos enfants à la poésie.

Les poèmes écrits par Gilles Brulet, et les tendres illustrations de la japonaise Chiaki Miyamoto décrivent le doux tête à tête d'un bébé avec son doudou, les moments précieux de connivence et de tendresse. Ils révèlent avec grâce et simplicité l'univers des tout-petits et la relation qu'ils entretiennent avec leur nounours, lapin, chat, et autre petite peluche magique qui apaise les peurs, qui les aident à grandir....

pour me protéger
 mon nounours
dort les yeux ouverts
La poésie voyage, funambule légère sur le fil aérien, intangible qui maintient l'enfant à mi-chemin entre le monde magique et le monde réel. Celui où l'on sait très bien que le nounours n'est pas vivant mais où pourtant, il l'est !

Quand je serre mon nounours
dans mes bras
je sens son coeur qui bat


Vous voulez savoir quels sont les haïkus préférés de Nini, ma petite-fille (2 ans 1/2)?



Quand je rentre de l'école
mon nounours
à la fenêtre

L'ombre
de mon nounours
 est aussi un nounours






Quelques gouttes
du parfum de maman
dans le cou de mon nounours


Et l'image qui la fait le plus rire? Celle qui correspond à ce texte :

chapeau de paille
lunettes de soleil
mon nounours à la plage


Un livre / Un film : Marc Dugain La chambre des officiers


Réponse à l'énigme 44





Réponse à l'énigme n° 44
 Bravo à  Aifelle, Dasola, Eeeguab, Gwen, Keisha, Margolette, Pierrot Bâton

Le livre : la chambres des officiers de Marc Dugain

Le film  : la chambre des officiers de Dupeyron
Ceux qui ont trouvé :
Bravo à tous et merci!



Dans "La chambre des Officiers" Marc Dugain aborde la guerre de 1914  par une approche bien particulière, celle des "gueules cassées", de tous ces soldats qui n'ont pas perdu la vie, certes, mais qui ont souffert dans leur chair et ont été irrémédiablement mutilés et privés d'une vie normale.

Adrien Fournier, qui est ingénieur, est mobilisé dans le Génie et il est un des premiers blessé de la guerre alors que celle-ci débute à peine. Son visage est déchiqueté d'une atroce manière. Commence alors pour lui et pendant cinq années, comme pour tous ceux qui sont dans son cas, une horrible descente au enfers. Il se retrouve désormais sans nez et sans bouche :  souffrance physique intolérable, opérations successives, greffes osseuses qui se soldent  souvent par un échec, désespoir… Avant son départ il avait eu une brève liaison avec Clémence à laquelle il continue à rêver mais qui est désormais perdue pour lui.

Marc Dugain nous fait pénétrer dans le quotidien de ces grands blessés et nous touche en nous faisant partager les épreuves de ces hommes, Adrien et ses amis,  pour lesquels nous ressentons beaucoup d'empathie. Dans la chambre des officiers où  vit Adrien, une grande solidarité se met en place malgré laquelle des gestes de désespoir conduisent parfois au suicide.  Pourtant des amitiés indéfectibles vont se nouer, qui aident à vivre.  Si nous sommes d'abord frappés d'horreur par ce qu'il y a de monstrueux dans la mutilation de ces hommes, si nous éprouvons aussi compassion et pitié, nous découvrons peu à peu un autre sentiment qui doit être de l'admiration. Car la souffrance révèle les caractères et certains d'entre eux, malgré les périodes d'abattement et de découragement, réagissent avec courage, dignité et même parfois humour.  La chambre des officiers est donc en même temps qu'un réquisitoire contre la guerre, une formidable leçon d'espoir. 

Le roman qui débute en 14 ne s'achève qu'après la fin de la guerre de 40, avec la mort de Penanster, un des compagnons d'infortune d'Adrien.
- Qu'est-ce qu'on va faire maintenant? demande Adrien à son ami Weil après l'enterrement de Pennanster,  en regardant les jeunes gens tristes et éteints qui assistent  avec eux à la cérémonie.
Il eut un long silence avant de répondre :
- On va leur apprendre la gaieté.

Un bon roman, bien écrit, efficace sur un sujet qui ne peut que nous toucher.

Le film relate fidèlement le roman même s'il est plus court et s'achève après la guerre de 14-18 lorsqu'Adrien rencontre dans la rue une jeune fille qui lui redonne espoir en lui disant qu'il n'est pas un monstre. Nous savons d'après le roman qu'elle deviendra sa femme. Très belle scène finale qui n'existe pas dans le livre. Il y a aussi des modifications par rapport à la rencontre finale avec Clémence. J'ai cependant préféré le roman dont les descriptions permettent mieux d'imaginer les souffrances et la gravité des blessures que lefilm où l'horreur est forcément édulcorée. De plus, le film cède à un certain pathos   - surtout exprimé par une bande sonore annonçant d'une manière trop appuyée les évènements tragiques-  alors que le livre reste sobre.




samedi 20 octobre 2012

Un livre/un film : Enigme 44






Pour les nouveaux venus : De quoi s'agit-il?

Wens de En effeuillant le chrysanthème et moi-même, nous vous proposons, le samedi, un jeu sous forme d'énigme qui unit nos deux passions : La littérature et le cinéma! Il s'intitule : Un livre, Un film.

Chez Wens vous devez trouver le film et le réalisateur, chez moi le livre et l'auteur.
Consignes :  Vous pouvez donner vos réponses par mail que vous trouverez dans mon profil : Qui êtes-vous? et  me laisser un mot dans les commentaires sans révéler la réponse pour m'avertir de votre participation. Le résultat de l'énigme et la proclamation des vainqueurs seront donnés le Dimanche.
Pendant les vacances, nous arrêtons le jeu Un livre/ Un film.


Enigme 44

L'action du roman écrit par un auteur français se situe pendant la guerre de 1914-18 et  en dénonce l'horreur  à travers les souffrances des soldats touchés dans leur chair.

Le blessé à la peau mate s'est éteint ce matin. L'éclat de l'obus a fait son oeuvre au cerveau sans lui laisser la moindre chance. On est venu l'enlever quelques minutes après la première ronde de l'infirmière, à la hâte, comme pour faire disparaître toute trace de son passage.
Un nouveau blessé est venu le remplacer quelques heures plus tard. l'infirmière, parce que je suis le plus ancien de la chambrée, se fait un devoir de m'informer des mouvements.
J'apprends ainsi que le nouveau venu est un pilote dont l'aéroplane s'est écrasé en flammes dans les plaines de la Marne.

jeudi 18 octobre 2012

Des mots, une histoire : La cour de Recréation

Source ici  La petite écolière de Novake Moro

 La cour de récréation

Elle est là toute petite
dans la cour de récréation
Elle a un sourire timide ouvert
A la vie
La belle occasion de chanter
Et puis de rire, de danser
dans la cour de récréation
Elle  va l'apprendre, la vie
palanquin de tous nos soucis
en raccourci et en un cri
Fourbe,
Et le jouet qu'on lui arrache,
Et la main qui frappe et meurtrit.

Marasme. 

Devrais-je apprendre à cette enfant
Que l'amour n'est plus de rigueur?

Elle a la vitalité de l'amour
elle fait partie de ceux
 
Qui font confiance
Qui ne connaissent pas  
La pauvreté du sentiment
Et les prétentions du plus fort
La glauque obstination de la violence
                    infligée au sein maternel.

Elle fait partie de ceux qui baissent la tête,
quand ils reçoivent des coups
Parce qu'on n'a pas mis dans leur tête ...
La haine.
 

Irréparable?

Devrais-je apprendre à cette enfant
Que l'amour n'est plus de rigueur?

Quel thuriféraire moqueur
quelle infirmière de l'espoir
Et quel décret ministériel
Faux thaumaturge du devoir
Pourront nous chanter les louanges
de la cour de récréation?

Devrais-je apprendre à cette enfant
Que l'amour n'est plus de rigueur?



Je reprends après quelques mois d'absence l'atelier d'Olivia.  Voici les mots imposés : j'en ai laissé deux de côté!
thuriféraire – pauvreté – prétention – vitalité – infirmière – devoir – marasme – raccourci – palanquin – occasion – irréparable – cambrousse – fourbe – glauque – pigouiller – ministériel.

mercredi 17 octobre 2012

Henri Pollès : Sophie de Tréguier



Henri Pollès est né en 1909 à Tréguier (Côtes d'Armor). Son père, ingénieur de la navigation, est  nommé  à Nantes . C'est dans cette ville qu'il fait ses études secondaires. Il se découvre une passion précoce de collectionneur, amassant entre autres choses, timbres, cartes postales, programmes, boîtes d'allumettes et mêmes billets de tramway Tous les étés, il retrouve sa ville natale où il imagine son héroïne, Sophie de Tréguier. Parallèlement à sa vie littéraire, Pollès s'engage un temps dans le débat politique et dans le journalisme?. Il collabora au journal Giustizia e liberta, publication italienne contre le fascisme et fit un reportage sur L'Espagne pour le magazine Vendredi.  Connaissant des jours de misère, déçu du peu de succès littéraire et d'avoir plusieurs fois raté le Goncourt, Henri Pollès mit sa carrière littéraire de côté et devint courtier en livres, à la fois pour avoir un revenu stable et assouvir sa grande passion de collectionneur. Ce n'est qu'après presque vingt ans de silence, en 1982, qu'il publia de nouveau un roman lequel lui valut le prix Paul Morand de l'Académie française. Il est décédé  en 1994 dans l'incendie de sa maison et son corps est inhumé dans le cimetière de Tréguier.
Bibliophile éclairé, Henri Pollès avait une impressionnante collection d'ouvrages. 30 000 de ses livres firent l'objet d'un don en1988 la ville de Rennes, sauvant ainsi une partie de sa collection inestimable des flammes qui plus tard ravagèrent son pavillon de Brunoy (Essonne)

Des titres : Toute guerre se fait la nuit, Amour, ma douce mort, Le Fils de l'auteur, Sur le fleuve de sang vient parfois un beau navire..

Sophie de Tréguier

Les livres des auteurs bretons du XIX siècle ne cessent de me surprendre. Ils nous révèlent une Bretagne dure, âpre, où la vie est une lutte, ou les gens sont austères, durs et méfiants, repliés sur eux-mêmes, cruels et parfois primitifs. Je vais bientôt écrire à ce propos sur des romans comme Le crucifié de Keraliès de Le Goffic, le gardien du feu d'Anatole le Braz, ou La tour d'amour de Rachilde..
Sophie de Tréguier (1933) de Henri Pollès qui se passe dans la première partie du XX siècle est aussi un livre cruel, non pas comme les précédents où la dureté côtoient la folie, mais plus subtilement, plus insidieusement. Cela n'en est pas moins efficace!

Sophie est une charmante jeune fille de santé fragile et d'une grande gentillesse. Sa mère, commerçante, tient une épicerie et économise sur tout pour faire une dot à sa fille qu'elle couve d'un amour possessif, insensible aux sentiments de Sophie qu'elle est bien incapable de comprendre. Son père, artisan, est avant tout un bon à rien et un ivrogne mais pas méchant. Il vénère aussi sa fille mais dilapide l'argent que gagne la mère. Voilà pour la famille! Quant aux Trégorrois, ils adorent les ragots, ils connaissent la vie de chacun et les commérages médisants sont "si amusants, si pittoresques, et la chronique du mal est tellement plus variée et attrayante que celle du bien". Bons paroissiens au demeurant! Bref! ils ne se privent pas de dire du mal des uns et des autres et Sophie n'échappera pas à leur méchanceté qui finira par la tuer. Surtout quand elle tombe amoureuse de Yves, le bel officier de marine, et que celui-ci l'abandonne pour une fille en meilleure santé et plus riche qu'elle!

Sophie de Tréguier est un drame même s'il n'y pas de meurtres ni de violence physique, de sentiments emportés et excessifs, un drame sans bruit ni fureur, discret et étouffé. Celui-d'une jeune fille trop sensible, trop douce,  qui a peur de faire du mal à sa mère en la quittant, qui fait toujours passer ceux qu'elle aime avant elle-même. Henri Pollès décrit avec précision, comme une étude clinique, comment la méchanceté et la calomnie peuvent tuer. Les gens, le fiancé, lâche et influençable, la mère, égoïste et avare, les commères mal intentionnées, ne sont pas des barbares ou des brutes, ce sont des êtres médiocres, intéressés, égoïstes... bref! des gens "normaux" mais des meurtriers tout de même.

 J'avoue que j'ai été assez déstabilisée par le style de l'auteur surtout quand il imite le parler français des bretons trégorrois! Je n'ai pas aimé non plus l'intervention de l'auteur-narrateur, à plusieurs reprises, comme si le lecteur ne pouvait comprendre seul. C'est souvent en moraliste qu'il analyse les sentiments. La voix qui se fait entendre est désabusée, sans illusions, voire misanthrope. Ces accents d'indignation m'ont gênée! Pourtant je me suis laissée prendre par l'histoire car les sentiments de la jeune fille sont très bien analysés. Peu à peu, l'on prend conscience qu'elle n'est pas de taille à lutter et qu'une prison morale se referme sur elle. Sophie est une jeune fille qui vit de rêves et la réalité ne peut être à leur hauteur, elle se révèlera toujours décevante. Une Emma Bovary vertueuse et confite en dévotion en pays breton mais une Emma tout de même!
 La description de la société bretonne est intéressante et il y a même des scènes de genre comme cette messe du dimanche où l'on vient faire admirer sa toilette, ou la foire de la Saint-Yves, ou le mariage campagnard... Les légendes, les superstitions, les rencontres avec l'Ankou, cet auxiliaire de la mort, et  les revenants  hantent les esprits.. Paganisme et religion catholique se confondent souvent.

A noter que Pollès avec ce roman a été en concurrence avec le Céline de Voyage au bout de la nuit pour le prix du roman populaire en 1932. C'est lui qui l'a emporté!










mardi 16 octobre 2012

La légende de la ville d'Ys : lecture commune pour le challenge breton





Quand des flots Ys  émergera
Paris submergera sera

Voilà ce que dit la légende et c'est une excellente raison de  nous intéresser à Ys, cette mythique  et enchanteresse cité engloutie par la mer et dont on situe,  traditionnellement, l'emplacement dans la baie de Douarnenez.

Avec Aymeline-Arieste, nous avons décidé d'une lecture commune  de deux titres qui relatent cette histoire et qui s'intègrera dans nos deux challenges : celui d'Aymeline Les Mondes imaginaires et le mien,  Challenge breton.
Il s'agit de deux versions de La légende de la ville d'Ys  contée par Charles Guyot et du roman de Gabriel Jan : Ys, le monde englouti.

Ces lectures peuvent éventuellement  être poursuivies pour ceux que cela intéresse par une incursion vers les autres versions de la légende d'Ys que cela soit dans le domaine des textes ou des arts, peintures, chants, opéra, musique, BD...


J'ai mis ces titres en livres voyageurs et vous pouvez dès maintenant vous inscrire s'ils vous intéressent.


La lecture est prévue pour Le 25 Novembre mais nous pouvons, s'il en est besoin,  adapter les dates si vous nous rejoignez. Serez-vous des nôtres?




LC :  
Aymeline
 Miriam
  Gwen
Claudialucia
???

lundi 15 octobre 2012

Wladimir et Olga Kaminer
 : La cuisine totalitaire



Quand j'ai reçu La cuisine totalitaire, un livre de Wladimir et Olga Kaminer, tous deux d'origine russe, naturalisés allemands avant la réunification, j'ai eu deux réactions :   


Un livre de cuisine! Il ne pouvait tomber plus mal, dans l'antre d'une réfractaire aux petits plats mijotés (réfractaire à la confection des petits plats, pas à leur saveur!)


Et quel titre! La cuisine totalitaire m'a paru d'emblée racoleur, de style anticommuniste primaire, comme si le communisme était responsable de la manière de cuisiner des peuples qui formaient l'ex-URSS. A moins que le régime ne soit la cause de la pénurie des matières premières et dans ce cas-là comment attirer des lecteurs avec un livre de cuisine du manque! Pas très alléchant, dans ce cas? C'est ce qui m'a semblé parfois en lisant certaines recettes qui ne paraissent pas très recherchées! 

Cependant en dehors des recettes culinaires, nous sont présentées dix des quinze républiques de l'ex-Union soviétique dans une introduction de quelques pages pour chacune : La Russie du Sud, l'Arménie, la Géorgie, l'Ukraine, la Sibérie, l'Azerbaïdjan, l'Oubékistan, le Tatarstan, la Lettonie, la Biélorussie .... A cette présentation des pays succède des anecdotes humoristiques racontée par Wladimir Kaminer sur son vécu culinaire.  C'est parfois assez amusant, jugez plutôt : 


quand il parle de ses souvenirs d'enfance :

 De toutes les attractions culinaires de mon enfance, le plat qui aura marqué ma mémoire est le kholodets, un mélange de soupe et de plat de viande qui ressemble à un aspic mais infiniment meilleur...Bien que ma mère insistât sur l'unicité de sa recette héritée de sa grand-mère, il m'était arrivé de voir le même plat chez d'autres. Ma grand-mère avait dû révéler le secret de sa recette au reste de la population.

 
Ou encore quand il fait table rase de tous les clichés rencontrés au sujet de la cuisine : 
Aujourd'hui tous les enfants savent (...) que les français ne laissent aucune grenouille passer sans lui sauter dessus... Dans cette gastronomie des préjugés, mes compatriotes ne sont pas en reste. Grâce au caviar et au pelménis, ils prouvent qu'ils ont un goût raffiné.(... ) Mais Comme n'importe quel être sensé, le Russe préfère cent fois accompagner sa vodka d'un cornichon ...

 
Il peut-être aussi critique et pratiquer un humour noir :  

Sans oublier les centrales nucléaires biélorusses qui fournissaient de l'électricité à la moitié de l'Union soviétique.. D'année en année les pommes de terre ne cessaient de grossir, la population rayonnait.

 
Ou encore plutôt lourd et caricatural : 

Le Sibérien moyen, homme ou femme, est grand et fort. (...) Je crois que dans le cas de  la Sibérie, la taille est un réaction naturelle aux conditions de vie très dures. Les gens sont aimables et discrets. Mais il faut dire qu'ils ne se font  quasiment jamais agresser. A quoi bon chercher des noises à un homme qui a des mains aussi grosses que des lunettes de toilettes?

 Mais d'une manière générale les textes de présentation, pas plus que les recettes, ne m'ont convaincue. La Cuisine Totalitaire ne m'a pas vraiment séduite.




dimanche 14 octobre 2012

Un livre/ Un film : Choderlos de Laclos, Les liaisons dangereuses





Réponse à l'énigme n° 43
 Le livre : Les liaisons dangereuses de Choderlos de Laclos
 Le film : Les liaisons dangereusesde Stephen Frears

Bravo à :Aifelle, Dasola, Eeguab; Jeneen; Keisha, Miriam, Pierrot Bâton, Somaja.

Merci à tous !




Le roman de Choderlos de Laclos (1741-1803) s'inscrit dans le genre littéraire très à la mode au XVIII ème siècle, le roman épistolaire :  Crébillon,  Marivaux, Rousseau, Voltaire..
Dans le roman épistolaire, il n'y a pas de narrateur, ce qui laisse au lecteur une grande liberté de choix et d'interprétation. C'est à lui de se faire une idée sur la véritable personnalité des personnages en recoupant toutes ces messages pour percevoir leur duplicité ou au contraire leur sincérité. C'est au lecteur aussi de reconstituer le récit selon la chronologie des lettres. Mais si le lecteur "travaille" beaucoup, il ne peut le faire que parce que l'écrivain maîtrise le genre. Il faut à celui-ci beaucoup d'habileté dans la rédaction de ces missives qui doivent refléter par le style, le caractère, l'âge, la position sociale de son personnage. Ainsi les lettres de la jeune Cécile de Volanges montre sa naïveté, son ignorance du monde et donc sa fragilité, tout comme celles de Mme de Merteuil laissent apparaître le calcul, le cynisme, la cruauté. Dès lors le lecteur s'aperçoit que le portrait flatteur de Mme de Merteuil par Cécile est en décalage avec celui de cette grande dame quand elle est sincère. Il s'agit donc d'un jeu social. Chacun dans la société jour un rôle et porte un masque, à part, peut-être les victimes, Cécile de Volanges et Madame de Tourvel.
De la même façon, l'auteur doit aussi dominer la construction de l'intrigue qui se met en place à travers les écrits des personnages comme un puzzle dont l'auteur seul à le dessin complet en tête. Cette variation des points de vue donne sa richesse au roman. Dans cette société mondaine du XVIII ème siècle qui privilégie la parole brillante, où l'expression du sentiment est toujours un peu ridicule et est sacrifiée à l'esprit, on comprend pourquoi le roman par lettres a eu un tel succès.

Quelques thèmes importants
Le libertinage : Le roman de Choderlos de Laclos met en scène des personnages libertins. Il faut l'entendre ici non comme une philosophie empreinte d'épicurisme et refusant les contraintes religieuses mais au sens du XVIII siècle qui est avant tout celui d'une société du paraître. Les dames du monde doivent obéir à des codes moraux. Il suffit qu'elles se montrent vertueuses pour qu'elles soient en règle avec la société même si ce n'est qu'une vertu de façade. C'est le cas de Madame de Merteuil qui peut fonctionner comme elle le fait à condition que personne ne le sache. Lorsque ses agissements seront révélés, elle perdra sa position dans le monde. Les libertins sont donc avant tout des "acteurs" qui doivent se composer un rôle et bien le tenir, ce sont aussi des manipulateurs qui tirent les ficelles en coulisse et plient les êtres fragiles à leur volonté. Ce pouvoir qu'ils exercent sur les autres leur donne un ego surdimensionné, un orgueil, un sentiment de supériorité qui les amènent à mépriser leurs victimes.
Critique de la société
Le libertinage décrit par Laclos est donc avant tout hypocrisie et mensonge. C'est de de la part de l'auteur, une critique virulente d'une société sans morale, qui n'a de souci que pour l'apparence de la respectabilité et qui a des héros à son image. On comprend donc que le roman, malgré l'immense succès qu'il eut à l'époque auprès du public, ait été jugé scandaleux. Le capitaine de Laclos a eu, en effet, quelques problèmes avec sa hiérarchie militaire! Pourtant Laclos ne ressemble absolument pas à Valmont. Non seulement, il n'est pas un séducteur mais il n'a jamais été amoureux que d'une femme, la sienne!

Critique de la condition de la femme

Les deux complices Valmont et Mme de Merteuil sont égaux dans le cynisme, l'hypocrisie et la cruauté. Mais ils ne le sont pas socialement. Valmont, lui, peut se permettre d'avoir une mauvaise réputation même si pour séduire les femmes, il dit être calomnié, il feint la vertu, la sincérité des sentiments. Mme de Merteuil, elle, doit feindre l'amabilité, la bonté, la sagesse. La révélation de ses turpitudes causent sa perte. Les deux personnages ne sont pas sur le même pied car la femme est considéré comme inférieure. Madame de Merteuil l'apprend à ses dépens. Quant aux jeunes filles, on voit comment leur éducation de jeune oie blanche dans les couvents les laisse sans défense contre les prédateurs. Maintenir une fille dans l'ignorance n'est donc pas la bonne manière de lui enseigner la vertu, semble-dire de Laclos; C'était déjà la leçon de Molière et son Agnès de L'école des femmes.
Voir Wens pour le film

samedi 13 octobre 2012

Un livre/ Un film : énigme n° 43





Pour les nouveaux venus : De quoi s'agit-il?

Wens de En effeuillant le chrysanthème et moi-même, nous vous proposons, le samedi, un jeu sous forme d'énigme qui unit nos deux passions : La littérature et le cinéma! Il s'intitule : Un livre, Un film.

Chez Wens vous devez trouver le film et le réalisateur, chez moi le livre et l'auteur.
Consignes :  Vous pouvez donner vos réponses par mail que vous trouverez dans mon profil : Qui êtes-vous? et  me laisser un mot dans les commentaires sans révéler la réponse pour m'avertir de votre participation. Le résultat de l'énigme et la proclamation des vainqueurs seront donnés le Dimanche.
Pendant les vacances, nous arrêtons le jeu Un livre/ Un film.

Enigme 43

L'énigme était difficile la semaine dernière? Nous compensons aujourd'hui avec ce texte devenu un classique du roman épistolaire du XVIII siècle. Je laisse la parole dans cet extrait à une des héroïnes tout juste sortie du couvent :

Je ne sais encore rien, ma bonne amie. Maman avait hier beaucoup de monde à souper. Malgré l'intérêt que j'avais à examiner, les hommes surtout, je me suis fort ennuyée. Hommes et femmes, tout le monde m'a beaucoup regardée, et puis on se parlait à l'oreille ; et je voyais bien qu'on parlait de moi :
Cela me faisait rougir ; je ne pouvais m'en empêcher. Je l'aurais bien voulu, car j'ai remarqué que quand on regardait les autres femmes, elles ne rougissaient pas ; ou bien c'est le rouge qu'elles mettent, qui empêche de voir celui que l'embarras leur cause ; car il doit être bien difficile de ne pas rougir quand un homme vous regarde fixement.
Ce qui m'inquiétait le plus était de ne pas savoir ce qu'on pensait sur mon compte. Je crois avoir entendu pourtant deux ou trois fois le mot de jolie :
Mais j'ai entendu bien distinctement celui de gauche ; et il faut que cela soit bien vrai, car la femme qui le disait est parente et amie de ma mère ; elle paraît même avoir pris tout de suite de l'amitié pour moi. C'est la seule personne qui m'ait un peu parlé dans la soirée. Nous souperons demain chez elle.