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samedi 10 septembre 2011

Un Livre, Un film : jeu-énigme du samedi (1)



Et voilà notre jeu annoncé depuis une semaine!

Wens du Blog En effeuillant le chrysanthème et  moi-même Claudialucia de Ma Librairie, nous vous proposons pendant toute l'année un jeu sous forme d'énigme qui unit nos deux passions : La littérature et le cinéma! Il s'intitule : Un livre/ Un film.

  Il s'agit de découvrir à partir d'un extrait de texte et d'indices quelle est l'oeuvre littéraire - titre et nom de l'auteur - qui est à l'origine d'une adaptation au cinéma. Pour le film, il vous faudra trouver le nom du réalisateur, des acteurs principaux et éventuellement le titre s'il est différent de celui du roman ou de la nouvelle et pour cela aller sur le blog de Wens : ICI.

Consignes :  Vous pouvez donner vos réponses par mail (que vous trouverez dans mon profil) et me laisser des indices dans les commentaires sans révéler la réponse, indices qui me permettront de savoir si vous avez vu juste et d'aider ceux qui ne savent pas. Le résultat de l'énigme et la proclamation des vainqueurs (qui n'auront gagné que la gloire de participer, avouez que c'est beaucoup!) sera donnée le Dimanche.


 La guerre Otto Dix

Enigme du samedi (1)

Pour la première énigme de Un Livre/ Un film, nous avons choisi deux oeuvres classiques dont l'auteur et le réalisateur vous sont connus même si vous n'avez pas lu l'un ou vu l'autre. Le film est peut-être plus mythique encore que le livre.  Voir Wens : ICI.
L'écrivain qui est aussi poète est né en Picardie. Il écrit sous un pseudonyme. Le roman paru dans la première partie du XXème siècle est très marqué par "la boucherie" de la première guerre mondiale au cours de laquelle l'écrivain a vu disparaître tant de jeunes gens de son âge et où lui-même a été blessé.
Le début de l'action du roman se déroule à Paris avant la guerre de 14, ce qui explique que tous les personnages soient des êtres condamnés d'avance, livrés à un destin auxquels ils ne sauraient échapper.
La fin du roman, se situe après la guerre, en 1919 dans un monde neuf établi sur le massacre de millions de personnes.

Extrait :

C'est Nelly, et c'est la seule femme dans cette salle dont la chevelure ne soit pas coupée à la nuque. Elle règne dans ce dancing, telle une divinité de la rue, mais de la rue enrichie par les prodigalités les plus folles de tous les réchappés du massacre.
L'odeur secrète du dancing, comme celle de 1919, est encore l'odeur doucereuse et fade du sang. Nelly est belle, d'une beauté nettement parisienne. C'est vraiment une fille de la rue élevée au pouvoir. La bouche est une bouche pâle de la rue, et les yeux durs et gris ont pris leur éclat définitif dans un autre décor que celui-là.(...)
Dans sa mémoire au verso de ses yeux gris, des images se déroulent sur l'écran blanc de la neige.
Voici le soldat sans importance, le boucher criminel et le jeune Allemand qui n'avait pas assez de patience, ou qui ne pouvait plus résister à ses dons. Voici R. mal enveloppé dans son mauvais pardessus marron.
Ils sont tous morts pour ma santé physique et morale", songe Nelly, et elle dit à voix haute :"naturellement".

vendredi 9 septembre 2011

Un livre, un film : Jeu-énigme du samedi Jour - 1



Juste un petit rappel. A demain pour notre jeu-énigme. 




Wens du Blog En effeuillant le chrysanthème et  moi-même Claudialucia de Ma Librairie, nous vous proposons pendant toute l'année un jeu sous forme d'énigme qui unit leurs deux passions : La littérature et le cinéma!

Le jeu commence Samedi 10 Septembre. Il s'intitule : Un livre/ Un film. 

  Il s'agit de découvrir à partir d'un extrait de texte et d'indices quelle est l'oeuvre littéraire -titre et nom de l'auteur- qui est à l'origine d'une adaptation au cinéma. Pour le film, il vous faudra trouver le nom du réalisateur, des acteurs principaux et éventuellement le titre s'il est différent de celui du roman ou de la nouvelle.

Chez Claudialucia vous prendrez connaissance de l'énigme littéraire avec un court extrait représentatif de l'oeuvre mais pas obligatoirement l'incipit. Un lien vous permettra de vous rendre dans le blog de Wens ou vous aurez tous les indices pour découvrir le film. (Ou vice versa).  Le lendemain dimanche vous sera donné la solution de l'énigme ainsi que la présentation de l'oeuvre littéraire chez Claudia et filmique chez Wens.


Merci à toutes pour vos réponses.

Des mots une histoire : Comète


Dans son blog Désirs d'Histoire, Olivia reprend le jeu d'écriture : Des mots une histoire. Aujourd'hui voilà la liste des mots qu'il fallait placer dans le texte.

comète – sergent-major – équinoxe – flamme – vagabond – charade – estimation – communiquer – sarbacane – partition – jeu – étoile

Voici les deux poèmes que m'ont inspiré ces mots Vers le Vie et Naissance que je regroupe tous les deux sous le titre Comète.

VERS LA VIE

Tu es venue du fond des âges
Petite comète volage
Et tu as ranimé la flamme
de ma vie

Lors munie de ta sarbacane
petite comète volage
 tu as pu percer les arcanes
de ma vie


Vagabond, j'avais fait naufrage
A l'équinoxe  de mon âge
Je m'étais trompé d'aiguillage
de ma vie


Sergent-major, tambour battant,
estimation de mes dommages
Tu as pu redorer l'image
De ma vie


Jeu de charade musicale
la partition s'est faite mage
J'ai recommencé le voyage
Vers la vie

Tu m'as communiqué ta rage
Tu es devenue mon étoile
Avec toi mon coeur a fait voile
vers la vie
 


NAISSANCE

Comète, plume sergent-major de l'Air
lancée par la sarbacane d'un l'écolier facétieux
Tu es en partance dans l'Espace-Temps
Où tu griffonnes ta partition de flamme
Tu traces tes charades sur le chemin lacté
dans l'équinoxe de l'automne
Espiègle, tu bouscules les étoiles,
Jeux d'enfants,  jeux brillants
Comme ta traîne liquide
Vagabonde, tu continues ta course
Et nous communiques ta joie


Tu as vécu  le temps suffisant aux yeux
Du nouveau-né
Pour s'ouvrir
Pour s'épanouir
Comme deux fleurs aveugles
Le temps nécessaire
Pour lui
De prendre la mesure de  l'Univers
L'estimation de  la Vie qui commence
Pour lui,
Flamme vacillante
Fragile et tendre
Mais forte et puissante
où je peux réchauffer mon coeur.



jeudi 8 septembre 2011

Montaigne : Quoi n'avez-vous pas vécu?




La vie :

Je veux arrêter la promptitude de sa fuite par la promptitude de ma saisie et par la vigueur de l'usage compenser la hâtivité de l'écoulement. A mesure que la possession de vivre est plus courte, il me faut la rendre plus profonde et plus pleine.

"Je n'ai rien fait aujourd'hui." Quoi? n'avez-vous point vécu? C'est non seulement la fondamentale mais la plus illustre de nos occupations.


Initié par Chiffonnette

mercredi 7 septembre 2011

Christian de Metter : Marylin ou de l'autre côté du miroir (BD Casterman)



 La BD de Christian de Metter  "Marylin , de l'autre côté du miroir", que je viens de découvrir, est un véritable coup de coeur.

L'histoire d'abord : un jeune homme, écrivain en herbe, que l'on devine rêveur et imaginatif, aperçoit Truman Capote en compagnie d'une jeune femme brune dans un bar new yorkais. Truman Capote! Son écrivain préféré, admiré, adulé! Aussi quand la compagne de Capote, ivre morte, est prête à rouler sous la table, le jeune homme propose sa voiture pour les raccompagner! C'est ainsi qu'il découvre que la jeune femme n'est autre que Marylin, la blonde Marylin débarrassée de sa perruque! C'est le début d'une amitié respectueuse qui les entraînera au cours d'un voyage en voiture et d'une panne dans la neige jusqu'à un manoir mystérieux où vivent d'étranges personnages...

Le titre, de l'autre côté du miroir, bien sûr, hommage à Lewis Caroll, donne le ton. L'auteur va nous faire pénétrer dans un univers mystérieux et fantastique. Les images ont les teintes froides, bleutées et grises de l'hiver seulement éclairé par les flocons de neige. Le nom de la demeure  Mirror House où les héros vont se réfugier, cette petite fille en robe d'été qui leur apparaît au milieu de la neige pour les guider, ces domestiques taciturnes et légèrement effrayants qui les accueillent, le maître de maison dont l'absence crée un malaise, tout nous amène à ce glissement d'un monde à l'autre, un passage à travers le miroir.

Avec habileté, humour, il nous introduit dans la vie de ces personnages célèbres, dans la nostalgie d'une époque révolue. Truman regrette que le rôle de Holly soit attribuée à la trop sage Audrey. Il parle, bien sûr de l'adaptation de Breakfast at Tiffany. Il vient d'apprendre qu'il y a eu un crime dans le Kansas. Nous savons que ce fait divers donnera naissance à In cold blood (De sang froid). Mais le livre est surtout un bel hommage à Marylin. Christian de Metter s'intéresse non à l'artiste célèbre et glamour, non à la séductrice mais à la femme blessée, mal aimée, à ce côté enfantin qu'elle porte  en elle et qui contraste avec sa vie  fantasque, folle, noyée dans l'alcool. L'image refuse de montrer Marylin en représentation. Elle reste sobre, souvent dans les teintes sombres. La beauté vient des paysages extérieurs, New York, la campagne sous la neige. Tout en nous intéressant à l'histoire pleine de poésie et de mélancolie, l'auteur nous permet de cerner la personnalité de Marylin, en fait un personnage sensible, profondément humain.

La personnalité du narrateur est aussi très intéressante. Ecrivain en herbe, on devine qu'il est un lecteur assidu et que la littérature est tout pour lui comme le prouve son admiration pour Capote. Il a une personnalité attachante, ne profite pas de la détresse de Marylin pour coucher avec elle. Il est encore comme elle le lui dit un petit garçon, plein d'admiration, en train de vivre une rêve. On devine aussi qu'il est connu par sa famille comme un affabulateur. Il a dû raconter tellement d'histoires que personne ne veut le croire! En fait, un passage à la fois plein d'humour mais triste aussi,  montre que sa mère, malade, dont il a oublié l'anniversaire, ne peut le croire que s'il raconte un mensonge!

La chute du récit est très belle mais je ne vous ne dis pas plus pour vous laisser la surprise!

Voir aussi  ici 
Wens



Chez George

mardi 6 septembre 2011

Raymond Carver : Les trois roses jaunes


Le recueil Les Trois roses jaunes  réunit  plusieurs nouvelles de Raymond Carver extraites de dWhereI'm calling from et New and selected stories.  La dernière histoire qui raconte la mort de Tchékov donne son titre au recueil.
Après la lecture du premier récit intitulé : Cartons je me sens perplexe voire déçue. Bien sûr,  il y a quelque chose de poignant dans  l'histoire de cette femme qui ne peut se fixer nulle part et qui voit dans ses déménagements une manière de fuir le néant de son existence; terrible aussi la manière dont elle détruit la vie de son fils partagé envers elle entre amour et haine. Mais l'écriture me déroute, non pas parce qu'elle d'une grande sobriété mais parce qu'elle s'intéresse surtout à une foule de petits détails insignifiants qui paraissent sans relation avec ce qui se passe. Bon, je continue!
Débranchés : un homme et une femme sont réveillés dans la nuit par le téléphone, nuit d'insomnie où les époux, incapables de se rendormir, vont échanger des petits propos d'abord anodins (semble-t-il) mais qui finissent par exprimer toutes les craintes profondes que nous enfouissons au fond de nous, peur de la maladie, de la souffrance et de la mort... Une banale nuit d'insomnie, en somme!
Puis Intimité, d'une âpreté saisissante : un homme revient voir son ex-femme après quatre ans d'absence et elle reprend la liste de ses griefs comme s'il l'avait quittée la veille! L'accumulation, la violence de cette haine nous font frémir mais la femme s'interrompt brusquement à l'arrivée du second mari.
Menudo, le récit du mensonge, de l'infidélité conjugale et de la souffrance qui ne guérit jamais. L'éléphant : un homme, modeste ouvrier, exploité par sa famille, épouse, frère, enfants, ne reçoit jamais aucun amour ou respect en retour; le bout des doigts, une femme quitte son mari qui n'est préoccupé que par un détail, sans importance, il ne reconnaît pas l'écriture de sa femme sur la lettre qu'elle lui a écrite.
Et  enfin Les trois roses jaunes, la mort de Tchékov, tuberculeux, dans un hôtel, vue à travers l'embarras d'un jeune homme qui ne sait pas quoi faire du vase aux trois roses qu'il lui apportait et du bouchon de champagne qui a roulé à ses pieds. 
Un  recueil magnifique!
Et je crois que c'est cela la force de Carver, d'opposer ainsi les petites choses, la banalité quotidienne, à tout ce qu'il y a d'absolu dans l'existence humaine : la fin de l'amour enlisé dans la mesquinerie, la trahison, la séparation, les blessures qui ne se referment jamais, la souffrance, la maladie, la mort.
Si j'ai commencé par être surprise au début du recueil, je peux dire que j'ai refermé ce livre avec un sentiment de lourde tristesse et l'impression d'avoir rencontré un grand auteur capable de suggérer beaucoup, de nous remuer au plus profond de nous, avec l'air de ne pas y toucher.




 Challenge de Sabbio

lundi 5 septembre 2011

Première rentrée : Atelier d'écriture du Skriban





 L'atelier d'écriture du Skriban de Gwenaelle a repris le Dimanche et je vais prendre l'habitude de publier mon texte dans mon blog le Lundi. 
Voici le sujet que Gwen  a concocté pour nous ce Dimanche 4 Septembre.  Comme vous pouvez le voir, il est bien d'actualité!

 On vit tous des premières fois. Premier bobo, premier baiser, premier vélo, premier mensonge, premier enfant… La liste est longue. Puisque demain de nombreux élèves vont reprendre le chemin de l’école, j’aimerais que vous plongiez dans vos souvenirs pour trouver une première fois en rapport avec l’école, l’enseignement, les professeurs… et que vous nous la racontiez. Le texte n’a pas besoin d’être long. L’important, c’est qu’il soit autobiographique… Hum, je sais, ça n’est pas facile… Bon courage! A ce soir!

Première rentrée

Il sonne! Il a la sonnerie stridente, aiguë et méchante… cruelle ! Je l’appelle La Guêpe!  M’énerve! Je lui claque le beignet, je l’aplatis comme une crêpe, je le broie entre mes mains. Rien à faire! Je sais bien qu’il recommencera le lendemain et ainsi de suite toute l’année. Car c'est la rentrée.  Ma première rentrée! La vie vaut-elle vraiment la peine d’être vécue? Fini désormais la brûlure du soleil sur la plage, le sable entre les orteils, dans les narines ou qui craque entre vos dents. Fini le côte à côte des serviettes sur la plage de La Ciotat, les longs bouchons qui s’éternisent, les bonnes goulées de gaz carbonique. Fini le paradis, finies les vacances! J’entre en sixième! Voilà des jours que j’y pense, que je m’angoisse, que je me pisse dessus. Pardon pour la vulgarité, ce n’est pas dans mes habitudes mais là…!  Comment seront les profs? Sympas, portes de prison? Et les élèves? Est-ce que je vais me faire des amies? Et le travail scolaire? Et si  je n’y arrivais pas? Je me sens bien seule et toute petite. J’en rêve la nuit! Les mauvaises notes me hantent. Les enfants me prennent pour tête de turc, je perds mon cartable! J’oublie mes devoirs ou mes livres!  Ma mère essaie de me raisonner. Il faut bien y aller! Tu n’as pas le choix. Me rassure : Tout va bien se passer! Et si encore mon père pouvait aller leur « parler »...  à tous ceux qui me veulent du mal! Mais non! je suis grande maintenant. Et comme cela ne sert à rien de rester la tête sous les couvertures, je me lève. Non, je ne déjeune pas! Oui, je m’habille! Non, personne ne m’accompagne. Qu’est-ce que vous croyez! Oui, j’y vais en bus! Non, je ne pleure pas! Faut pas pousser! Oui, j’entre dans la classe. Tout le monde s’assoit.. et je commence  avec un sourire : « Bonjour les enfants. Je suis votre nouveau professeur de français! »

dimanche 4 septembre 2011

René Guy Cadou, La blanche école où je vivrai...





  Pierre Vallon
Peintre impressionniste video


La blanche école où je vivrai

La blanche école où je vivrai
N'aura pas de roses rouges 
Mais seulement devant le seuil
Un bouquet d'enfants qui bougent
On entendra sous les fenêtres
Le chant du coq et du roulier;
Un oiseau naîtra de la plume
Tremblante au bord de l'encrier
Tout sera joie! Les têtes blondes
S'allumeront dans le soleil,
Et les enfants feront des rondes
Pour tenter les gamins du ciel.
René Guy Cadou



Les compagnons Troubadours du dimanche de Bookworm :
Dimanche poétique  
Alex : Mot-à-mots Alinea66 : Des Livres… Des Histoires…Anne : Des mots et des notes, Azilis : Azi lis, Cagire : Orion fleur de carotte, Chrys : Le journal de Chrys, Ckankonvaou : Ckankonvaou, Claudialucia : Ma librairie, Daniel : Fattorius, Edelwe : Lectures et farfafouilles, Emmyne : A lire au pays des merveilles, Ferocias : Les peuples du soleil, George : Les livres de George, Hambre : Hambreellie, Herisson08 : Délivrer des livres?, Hilde : Le Livroblog d’Hilde , Katell : Chatperlipopette, L’Ogresse de Paris : L’Ogresse de Paris, L’or des chambres : L’Or des Chambres, La plume et la page : La plume et la page, Lystig : L’Oiseau-Lyre (ou l’Oiseau-Lire), Mango : Liratouva, MyrtilleD : Les trucs de Myrtille, Naolou : Les lectures de Naolou,Oh ! Océane !, Pascale : Mot à mot, Sophie : Les livres de Sophie, Wens : En effeuillant le chrysanthème, Yueyin : Chroniques de lectures Océane :

vendredi 2 septembre 2011

James Frey : Le dernier testament de Ben Zion Avrohom

 Intégristes de tous bords et de toutes religions, fanatiques, trop bien-pensants, collets-montés, grenouilles de bénitiers, la lecture du roman de James Frey n'est pas pour vous! Certes Ben Zion Avrohom, héros éponyme du roman, est le Messie et il revient parmi nous, certes il est en communication avec Dieu mais, comme tout vrai Messie, il va vous choquer, bouleverser votre idée de Dieu, renverser toutes vos croyances, piétiner vos idées toutes faites, vous paraître dérangeant, fou, voire dangereux. Vous aurez envie de le voir disparaître, d'en être débarrassé, de retomber dans la quiétude de vos convictions et vous n'interviendrez pas lorsqu'on le battra, lorsqu'on l'enfermera, le détruira. Pire! Vous serez même parmi les bourreaux  et vous réitérerez avec des moyens modernes ce que l'on a fait à  Jésus il y a  2000 ans.

Ben Zion Avrohom est le fils de Dieu, tout le monde le dit dans la communauté juive où il est né, les rabbins ne s'y trompent pas, les signes sont là. Lui? Un type trop gentil, un tendre, un illuminé, et surtout un paumé car il ne sait pas qui il est, lui, ni pourquoi il est là! Un souffre-douleur aussi, il s'attire la haine de son père et de son frère qui le chasse de la maison, il se fait voler son argent par sa voisine prostituée, et plus tard, une fois reconnu comme le Messie, il est tiraillé, malmené, retenu en otage par les différents groupes religieux  chrétiens ou juifs qui veulent le récupérer pour qu'il reconnaisse leur Dieu au détriment de ceux du voisin. Cependant, quand il apporte la parole de Dieu, il dérange.  Que direz-vous d'un Messie qui vous dit que l'amour charnel et spirituel vont de pair et qui joint le geste à la parole en couchant avec des femmes et les hommes à qui il apporte ainsi le bonheur; un Messie qui vous conseille de remplacer le concept ridicule de l'âme par le cerveau, qui déclare que la vie éternelle n'existe pas, c'est pourquoi il faut savoir jouir (à tous les sens du terme) de la vie terrestre et que seul l'amour a de la valeur. Un Messie qui affirme que la Bible est un vieux livre dépassé qui s'adresse à une société archaïque si éloignée de la nôtre que ce livre n'a plus cours!  Vous vous doutez que  le comportement du "Messie" surtout lorsqu'il s'adresse aux religieux donne lieu à des scènes surprenantes et savoureuses qui ne sont pas exemptes d'ironie!

Vous allez me dire que James Frey est un provocateur, qu'il cherche délibérément à choquer pour s'assurer le succès de son livre. Vous allez arguer que ce Messie de pacotille est un gourou, le maître d'une secte, comme l'on en voit tant de nos jours. Et il faut reconnaître que la vie communautaire qu'il mène dans la ferme prêtée par une adepte y ressemble bien, du moins en apparence car Ben Zion laisse sa liberté de penser à tous, il n'impose pas, il ne juge pas. C'est un homme qui n'accepte pas d'argent, qui vit, ainsi que les siens, en fouillant dans les poubelles de la surconsommation de masse. Profondément humain, il accueille les marginaux, les sans-grade, les rejetés, femmes victimes de violence, prostituées, homosexuels, immigrés, tous ceux que la bonne société met à l'écart et il parvient à  leur rendre leur dignité. C'est un homme qui prêche l'amour dans une société qui se vautre dans le profit et dont le seul Dieu est l'argent.
Alors vous l'aurez compris, la provocation de James Frey, - si provocation il y a - n'est pas gratuite! La venue de son "Messie" est une occasion pour lui de démonter les rouages d'une société où l'amour des autres, la solidarité, l'empathie n'existent plus. Le roman dénonce avec virulence les fanatismes, l'intolérance, l'obscurantisme, les hypocrisies religieuses qui sévissent dans le pays, avec son cortège de maux, guerres, violences, exclusions, misère. 
Le dernier testament de Ben Zion Avrohom nous dit que si les minorités privilégiés continuent à vivre égoïstement, sans se préoccuper des autres et de l'avenir, amassant les richesses au détriment de la planète et de l'espèce humaine, alors nous allons droit au mur et nous signerons la fin de notre civilisation. C'est un cri d'alerte, une condamnation sans appel mais aussi  un plaidoyer pour l'amour , et le partage. Un grand livre, dérangeant mais beau!

Livre voyageur : Inscrivez-vous!


Merci à Dialogues croisés et aux Editions Flammarion

Rentrée littéraire 2011

Des Mots, une histoire : Rentrée scolaire

 Robert Doisneau

Dans son blog Désirs d'Histoire, Olivia reprend le jeu d'écriture : Des mots un histoire. Aujourd'hui voilà la liste des mots qu'il fallait placer dans le texte.

 création – orchidée – révélation – combat – cartable – bouffer – tropical – contemplation – passion – hiberner – boîte – ancien – apprivoiser – ritournelle – asphyxie – folie – ostentatoire – azulejo – chromosome – imaginer – ardoise – bouchon


Rentrée scolaire

Regarde-le s'éloigner l'enfant écolier
 Aux yeux d'azulejo
Son cartable sur le dos
Comme un petit escargot
Regarde-le, son ardoise à la main,
chromosome de ton coeur
Ta création
 

Tu aurais voulu le garder, petite fleur tropicale
Orchidée précieuse,
Tu aurais voulu qu'il hiberne
Dans la boîte de ton coeur

Ta passion
                Ta folie
                         Ta révélation
Ta création

Tu l'as paré de vêtements ostentatoires
qui bouffent sous la caresse de ta main
Tu as voulu un petit singe apprivoisé
Marionnette aux fils de tes doigts
Tu l'as enfermé dans l'asphyxie de ton amour

Ta contemplation
                Ton combat
                           Ta révélation
Ta création


Mais il s'éloigne, regarde-le. Imagine-le
loin de toi, 

Petit esquif flottant comme un bouchon de liège
Sur les flots de la vie, au gré des vents qui le secouent
Chantant la ritournelle ancienne du petit écolier
il s'en va dans le vaste monde
loin de toi.


Ta création





Désirs d'histoires  Olivia

jeudi 1 septembre 2011

Laurent Gaudé : le soleil des Scorta, citation

 Les Oliviers de Henri Manguin

Dans Le soleil des Scorta, Elia, âgé, s'interroge sur le sens de la vie. Il a une conversation avec le vieux curé don Salvatore qui lui aussi ne sent pas près à quitter la vie.

... puis le visage de don Savaltore s'éclaira et il ajouta : "Les olives sont éternelles. Une olive ne dure pas. Elle mûrit et se gâte. Mais les olives se succèdent les unes aux autres, de façon infinie et répétitive. Elle sont toutes différentes, mais leur longue chaîne n'a pas de fin. Elles ont la même forme, la même couleur, elles ont été mûries par le même soleil et ont le même goût. Alors, oui, les olives sont éternelles. Comme les hommes. Même succession de vie et de mort. La longue chaîne des hommes ne se brise pas. ce sera bientôt mon tour de disparaître. La vie s'achève. Mais tout continue pour d'autres que nous."


Avec Chiffonnette

Laurent Gaudé : le soleil des Scorta, Actes Sud



Il y avait longtemps que je voulais lire un roman de Laurent Gaudé et le challenge de Calypso :  un mot, des titres... m'a donné l'occasion, puis que ce mot était soleil, de découvrir l'oeuvre la plus célèbre de cet écrivain : Le soleil des Scorta.
Agréable découverte que ce roman tant par le style de l'auteur qui sait rendre l'atmosphère d'un pays à la terre aride et ingrate que par sa parfaite connaissance des mentalités d'un petit village des Pouilles, Montepuccio. C'est à travers les tribulations des membres de la famille Scorta, de la fin du XIXème siècle à nos jours, que nous que nous découvrons la vie de cette population bien souvent réduite à l'exil pour échapper à la misère.


Le récit commence par le viol de Immacolata Biscotti par le bandit Luciano Scorta Malcazone qui le paie de sa vie. De cette union naît Rocco Scorta qui parviendra à s'enrichir par le vol, le pillage et le crime. Sa richesse lui permettra d'obtenir le respect des villageois mais à sa mort, il déshérite ses enfants pour donner sa fortune à l'Eglise et les précipite dans la misère. Les frères, Domenico, Giuseppe et Raffaele,le frère d'adoption, et leur soeur Carmela,  après s'être fait refouler des Etats-Unis, décident d'unir leur force pour pouvoir s'en sortir dans le village qui les a vus naître. Ils forment désormais avec leurs époux et épouses respectifs, leurs enfants, un clan soudé et solidaire, qui place le nom des Scorta comme une priorité. Le commerce du tabac, la contrebande aussi, vont leur permettre de vivre.

Une des plus grandes qualités du roman réside dans l'empathie que l'on sent de la part de l'écrivain pour ces hommes et ces femmes qui ont la mentalité parfois primaire de ceux qui doivent arracher leur subsistance aux cailloux mais qui rachètent leur âpreté par une instinctive dignité. La famille Scorta avec ses faiblesses, et ses secrets forcent la sympathie par l'amour qu'ils se portent les uns aux autres, leur solidarité sans faille, leur désir de transmettre à leur descendance ce qu'ils considèrent comme essentiel. Ce sont des êtres pauvres mais fiers, facilement blessés mais durs à la souffrance comme le dit Carmela, souvent intransigeants avec eux-mêmes. Il y a de très belles scènes qui placent certains de ses personnages au niveau de héros de tragédie dont ils ont la grandeur malgré leur humble origine. L'histoire d'amour entre Elia et Maria est splendide : fierté de la jeune fille qui refuse d'être considérée comme une marchandise, force morale d'Elia qui détruit sa seule richesse pour repartir à zéro et offrir à son épousée une vie qu'il aura construite lui-même. La mort-suicide de Donato dans sa barque, l'attitude de Carmela qui s'enferme dans le mutisme pendant de nombreuses années, le crime de Raffaelle et son amour perdu, tout donne l'impression d'assister à travers cette famille à une grande tragédie antique brûlée par le soleil. Car le soleil est un des personnages principaux du récit, l'emblème même des Scorta dont il rythme la vie de la même manière qu'il pèse sur tout le village et impose sa loi implacable.
Voilà ce que dit Domenico à son neveu Elia  qui renonce à quitter le pays : Il fait trop beau. Depuis un mois, le soleil tape. Il était impossible que tu partes. Lorsque le soleil règne dans le ciel à faire claquer les pierres, il n'y a rien à faire. Nous l'aimons trop, cette terre. Elle n'offre rien, elle est plus pauvre que nous, mais lorsque le soleil la chauffe, aucun d'entre nous ne peut la quitter. Nous sommes nés du soleil, Elia. Sa chaleur, nous l'avons en nous. D'aussi loin que nos corps se souviennent, il était là, réchauffant nos peaux de nourrissons. Et nous ne cessons de le manger, de le croquer à pleine dents. Il est là, dans les fruits que nous mangeons. Les pêches. Les Olives; Les oranges. C'est son parfum. Avec l'huile que nous buvons, il coule dans nos gorges. Il est en nous. Nous sommes les mangeurs de soleil.

Angelebb, Lasardine, Juliah, Calypso, Felina



lundi 29 août 2011

Retour de vacances: Avignon, Marseille, Lozère, Creuse, Lille, Creuse, Lozère, Avignon

Retour à Avignon
Et me voilà de retour après des vacances bien remplies et mouvementées.

  Le mois de Juillet a été consacré au festival d'Avignon.

 J'ai vu beaucoup de pièces de théâtre que j'ai commentées dans mon blog et si  je dois faire mon palmarès, je placerais parmi mes coups de coeur, une pièce dans le IN : Kristin d'après Mademoiselle Julie de Strinberg
Une pièce pour enfants vue avec ma petite fille de 15mois : Onda prima

Départ en Lozère via Marseille

 Ruisseau lozérien

Fin du mois de Juillet ; déménagement de Marseille vers la Lozère  ma fille Aurore, la Petite Dernière qui part aux Etats-Unis pour un an.
Début août :  Avignon de nouveau pour les ultimes préparatifs du voyage puis pour la mettre à l'avion  à l'aéroport de Marseille.
Août : Retour en Lozère avec ma fille Aurélia - la Plus Grande -, Yannick  et ma petite fille Léonie

 Mi-août départ en Creuse rejoindre ma fille Amandine (la moyenne, vous vous y retrouvez? Heureusement il y en n'a que trois!))  et  Pierre pour donner un coup de main pour la restauration de leur maison.

 Une vieille maison entourée de granges dans un petit hameau creusois

Une vieille maison peuplée de fantômes, pleine de souvenirs





Robes de fillettes


Détails broderies



 Un Saint veille dans le jardin



Un habitant bien vivant de la maison (mais pas des plus actifs, il faut le reconnaître!)
photos d'Amandine

 Travaux intensifs, apéros le soir dans le jardin après le boulot devant de magnifiques couchers de soleil. Récurage des joints du plancher de la salle de bain. A genoux! Si vous n'avez pas de rhumatismes avant, vous en aurez après :  Garanti!  Pêche à l'écrevisse dans la rivière de la Creuse. Bataille rangée avec une de ces bébêtes récalcitrantes qui ne voulait pas mourir et s'est carapatée dans la salle à manger. Gâchées de ciment ou de chaux pour les forts en bras! Réfection du plancher de la grange ...  ça avance, avance! En fait, j'adore la restauration de cette vieille maison. J'aimerais pouvoir en faire plus mais je ne peux me charger que des petits travaux. Remise solennelle de La patate d'Or à mon petit neveu, vaillant combattant du Monstre Patator. Orage de grêle violent qui a détruit le si joli jardin d'Amandine; une citrouille sauvée, pourtant, pour le carosse de Cendrillon.
Un nouveau déménagement, cette fois-ci de la Creuse vers Lille et vice versa pour déménager le reste des affaires restées en garde-meuble à Lille après les études de la Petite Dernière. 1800 km en deux jours! Bravo au conducteur du camion  qui a conduit vaillamment  et sans faiblir pendant ce long voyage ( pas moi j'en aurais été bien incapable), père dévoué voire père pélican .. un peu flagada au retour à Avignon  après environ 4000 km de trajet total et deux déménagements!  En espérant qu'il va pouvoir se reposer après les "vacances" d'été!

Avec toutes ces péripéties, je n'ai pas pu m'occuper beaucoup de ma Librairie; heureusement, j'avais programmé des articles de mon ancien blog.
  Je n'ai pas  eu non plus le temps de lire énormément, vous vous en doutez! Voici les livres du mois d'août :

Rentrée littéraire avec :

Amalia Albanesi de Sylvie Tanette 











Famille modèle de David Puchner



 




Le testament de Ben Zion Avrohom de James Frey










Une LC avec Canel 

Tokyo de Mo Hayder









et un roman que je termine pour la lecture de Calypso et dont le titre doit comporter le mot soleil  :


Laurent Gaudé : Le soleil des Scorta









Et voilà pour mon été! A mon tour de venir lire vos aventures.

JMG Le Clezio : Poisson d’or



Poisson d'or de JMG Le Clézio se présente comme un conte et s'ouvre avec le proverbe nahuatl (Aztèque) : "Oh poisson, petit poisson d'or, prends bien garde à toi! Car il y a tant de lassos et de filets tendus pour toi dans ce monde."
Le poisson d'or englué dans les filets de ce monde aussi dangereux qu'un océan, c'est Laïla. Petite fille, elle a été volée à sa tribu des Ouled Halil, le peuple au croissant de lune,  qui vit dans le sud marocain dans la région de Foum Zguid. Vendue à une vieille dame, Lalla Asma, pour qui elle travaille et  qui devient à la fois sa maîtresse et sa grand-mère, elle va faire son apprentissage dans la grande ville ayant tout oublié de son enfance. Seul souvenir, celui du rapt brutal, violent, inattendu, un  grand sac qui se referme sur elle et le cri déchirant d'un oiseau noir qui marque le moment décisif de son existence où elle a été dépossédée de son identité. Car c'est cela l'histoire de Laila. A travers toutes ses aventures, ses tribulations, ses exils en France ou aux Etats-Unis, c'est une quête à la recherche de son identité car personne ne peut vivre sans racines. Comme dans un conte initiatique,  l'héroïne va devoir partir, subir de nombreuses épreuves pour réparer le manque qui lui a enlevé jusqu'à son véritable nom.
Le roman s'apparente donc à un roman d'apprentissage, à un roman picaresque aussi, car Laila dans ses voyages incessants à la recherche d'elle-même, va connaître bien des aventures difficiles, douloureuses parfois, va subir la faim, les privations, la peur, l'exploitation. Elle sera obligée pour survivre d'utiliser toutes ses ressources, de ne compter que sur elle-même, parfois sauvée, pourtant, mais jamais bien longtemps, par une main secourable. Le roman nous présente un monde qui n'est pas tendre pour les pauvres, qui écrase les faibles.
Le style de ce roman est d'une  grande simplicité. Les lecteurs qui ont aimé le Le Clézio, première manière, avec son lyrisme, ses emportements, en seront pour leur frais. La phrase coule comme de l'eau limpide; aucun effet inutile. On dirait que l'auteur essaie de s'effacer devant son personnage. Mais sous cette simplicité, quel travail contenu et maîtrisé, quelle science du récit!
Témoin cet extrait qui se situe au moment où Laila dont la grand-mère, Lalla Asma, vient de mourir, s'enfuit de la maison. Elle est accusée par Zorha, la belle-fille de Lalla Asma, d'avoir laissé mourir la vieille dame et menacée d'être livrée à la police. Elle se réfugie dans la cour d'un immeuble, chez madame Jamila qu'elle a rencontrée auparavant et qu'elle prend pour une sage-femme. Là, un marchand l'accuse d'avoir volé des raisins.
Au même moment, madame Jamila est arrivée, et les dames de l'étage se sont penchées au balcon et ont commencé à invectiver le marchand ambulant, en lui criant des injures que je n'avais jamais entendues. Et même, une des princesses, ne trouvant rien de mieux comme projectiles, lui lançait des piécettes de dix ou de vingt centimes, en lui criant :"Tiens, voilà, ton  argent, voleur, fils de chien !"Et lui restait, hébété, reculant sous les lazzis des femmes et sous la pluie de piécettes, jusqu'à ce que madame Jamila me prenne dans ses bras et m'emmène avec elle vers l'étage. Je crois que j'avais dans les mains les poignées de raisins secs que je n'avais pas lâchées, même quand le marchand m'avait tirée les cheveux et m'avait battue avec sa courroie.
Mais j'avais si peur tout à coup, ou bien c'était l'accumulation de tout ce qui était arrivé ces derniers temps, avec Lalla Asma qui était tombée sur le carreau et Zohra qui m'avait chassée en me volant les boucles d'oreilles qui m'appartenaient. Je me suis mise à pleurer dans l'escalier si fort que je n'arrivais plus à monter les marches. Et madame Jamila qui n'était pas plus grande que moi m'a vraiment portée jusqu'en haut comme si j'étais un petit enfant. Elle répétait contre mon oreille: "ma fille, ma fille" et moi je pleurais encore plus, d'avoir , le même jour, perdu ma grand-mère, et trouvé une maman.
En haut de l'escalier, les princesses (car c'est ainsi que je les appelais au fond de moi, même quand j'ai compris qu'elles n'étaient pas précisément des princesses) m'attendaient avec mille caresses et démonstrations d'amitié. Elles m'ont demandé mon nom, et  elles le répétaient entre elles : Laila, Laila. Elles m'ont apporté du thé fort et des pâtisseries au miel, et j'ai mangé tant que j'ai pu.Ensuite elles m'ont fait un lit dans une grande pièce sombre et fraîche, avec des coussins disposés par terre, et je me suis endormie tout de suite dans le brouhaha de l'hôtel, bercée par le grincement de la musique d'un poste de radio dans la cour. C'est ainsi que je suis entrée dans la vie de madame Jamila la faiseuse d'anges et de ses six princesses.
Le Point de vue de l'enfant

Ce récit se fait sous le point de vue d'une petite fille et le style qui épouse le vocabulaire et les sentiments de la fillette est le reflet de sa naïveté,  de sa vision incomplète et approximative du monde.
Un style et un vocabulaire enfantin  :
les "dames" de l'étage;  et moi je pleurais encore plus... trouvé une maman; des injures que je n'avais jamais entendues; j'ai mangé tant que j'ai pu... Lalla Asma qui était tombée sur le carreau
une vision manichéenne :
il y les bons: madame Jamila, les dames de l'étage, les princesses
et les méchants : Zorha qui m'avait chassée en me volant mes boucles d'oreilles; le marchand..
Une vision du monde qui s'apparente au conte de fées :
avec des personnages hors du commun : les six princesses, madame Jamila,  protectrices dotées d'une force extraordinaire qui font fuir l'ennemi : et lui reculait, hébété sous les lazzis des femmes,  des héroïnes capables d'accomplir des exploits : et madame Jamila qui n'était pas plus grande que moi m'a vraiment portée jusqu'en haut.. des dames parées de toutes les qualités, semblables à des marraines-fées :
la pluie de piécettes qui suggére abondance, richesse, générosité
elles m'attendaient avec mille caresses et démonstrations d'amitiés..
Un décor de conte, une caverne d'Ali Baba :
du thé fort et des pâtisseries au miel ; une grande pièce sombre et fraîche, avec des coussins disposés par terre; bercée;  la musique.....

Mais derrière l'enfant,  un autre point de vue, celui de la narratrice, plus âgée, qui corrige le point de vue de l'enfant :
car c'est ainsi que je les appelais au fond de moi, même quand j'ai compris qu'elles n'étaient pas précisément des princesses;
la faiseuse d'anges et ses six princesses...

et  l'art de l'écrivain qui suggère, qui laisse entrevoir une toute autre réalité :

La réalité des personnages :
On devine aisément qui sont ces"dames" qui se donnent en spectacle au balcon de l'étage, qui  invectivent, crient des injures grossières, envoient des projectiles, sont capables de faire reculer cet homme sous les lazzis vulgaires
Madame Djamila , accoucheuse, avorteuse, mais aussi maîtresse de la maison, patronne des filles comme le souligne le possessif : "ses" six princesses.
La réalité du décor :
un hôtel  de passe  dans un quartier populaire : un  lit improvisé à même le sol, le brouhaha, le grincement de la musique, la radio dans la cour
La réalité d'une enfance triste , misérable  et sacrifiée :
Une petite fille sans parent, qui vient de perdre son seul soutien, sa grand mère,  effrayée, chassée de chez elle, affamée,  battue... Une enfant malheureuse qui ne sait plus ce qu'elle fait, qui souffre...
Je crois que j'avais dans les mains les poignées de raisins secs que je n'avais pas lâchées, même quand le marchand m'avait tirée les cheveux et m'avait battue avec sa courroie ; c'était l'accumulation de tout ce qui était arrivé ces derniers temps; Mais j'avais si peur tout à coup; Je me suis mise à pleurer ; je pleurais encore plus..
La tendresse de l'écrivain pour ces personnages du peuple :
Car l'amour que va rencontrer Laila, ce n'est pas chez les bourgeois aisés qu'elle va le trouver, mais chez madame Jamila et ses filles. Ces femmes considérées au plus bas de l'échelle sociale vont, en effet, donner à Laila leur amour, un foyer, la sécurité. Ce sont elles qui possèdent la vraie générosité car c'est celle du coeur. C'est pourquoi les piécettes qu'elles lancent sur le marchand ambulant peuvent bien figurer aux yeux de la fillette comme une pluie d'or, l'endroit où elles installent l'enfant, un palais des Mille et une nuits, le miel et les pâtisseries, un repas merveilleux. En ce sens, elles sont vraiment les marraines d'un conte de fées pour l'enfant.
Un très beau roman, donc!


Texte publié de mon ancien blog vers celui-ci.