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jeudi 8 janvier 2015

Le grand Duduche ne doit pas mourir...


Une sélection des meilleures histoires du grand Duduche de Cabu


Le grand Duduche, c'est toute ma jeunesse, c'est l'esprit soixante-huitard, c'est l'irrévérence, la provocation, c'est l'anti-milititarisme, l'anti CRS, l'anti-conformisme, l'anti-fanatisme religieux, l'anti-sottise; c'est aussi le refus de se taire quand il faut dénoncer l'injustice ou quand il faut révéler la malhonnêteté là où elle se trouve; c'est la soif de liberté, la défense de la paix, la lutte contre le racisme, c'est la difficulté d'être jeune dans un monde trop sérieux, c'est l'appel au bonheur.

Le grand Duduche, c'est .....













Le Grand Duduche ne doit pas mourir!

mercredi 7 janvier 2015

De tout coeur avec Charlie Hebdo...




Le grand Duduche est mort et ses amis avec lui qui représentaient la liberté d'expression, le courage, la volonté de ne pas se laisser baîllonner, l'indépendance d'esprit. Il ne faut pas accepter le règne de l'intolérance, de la violence et de l'obscurantisme.


Herbjorg Wassmo : Le Livre de Dina/ Fils de la providence/ L'héritage de Karna



Actes Sud publie dans sa collection Thesaurus (tome 2) la saga norvégienne de la grande écrivaine Herbjorg Wassmo : Le livre de Dina, Le fils de la Providence, l'héritage de Karna, trois suites romanesques racontant l'histoire de Dina, un personnage hors du commun qui va nous laisser pantelant tout au long de notre immersion dans son univers, de Benjamin, son fils, et de Karna sa petite fille. Un surprenant et envoûtant pavé de 1400 pages, un vrai trésor littéraire (Thesaurus, Actes Sud a raison!) que l'on dévore de jour comme de nuit (avis aux insomniaques!) mais que l'on savoure aussi tant il révèle de surprises, d'émotions en tout genre, de découvertes et de talent de la part de cette romancière! Et oui, il s'agit d'un de mes coups de foudre de la fin de l'année 2014 et comme je n'ai pas eu le temps de vous en parler, il est juste qu'il figure en premier plan en ce début de l'année 2015.

Dina : un personnage fascinant

 

film adaptation du roman de H.Wassmo

 

Le Livre de Dina, c'est avant tout un personnage entier, imprévisible, violent et farouche, condamnée par son passé : sa mère meurt dans d'atroces souffrances à la suite d'un accident dont Dina, petite fille, est la maladroite responsable. L'enfant, abandonnée à elle-même, rejetée par un père qui ne veut pas s'occuper d'elle, va être marquée par un sentiment de culpabilité, thème omniprésent du roman, sorte de malédiction qui poursuivra Dina toute sa vie mais aussi à travers elle, son fils. Cette faute originelle explique peut-être le destin de cette femme qui, quoi qu'elle fasse, ne peut être sauvée : une prédestination qui nous rappelle que nous sommes en pays protestant! Mais s'y ajoutent encore la puissante personnalité de Dina, sa force de caractère, son intelligence et son don des affaires et, aussi, le charme qu'elle exerce sur les hommes et l'ascendant qu'elle a sur tous. Dina est faite de tout cela et cela donne un mélange explosif, qui l'amène, et nous avec, jusqu'aux portes de la folie. En effet, les fantômes des morts qu'elle sème sur son passage ne la laissent pas toujours en repos. Mieux vaut ne pas contrarier la jeune femme, ni surtout l'abandonner ! Mieux vaut aussi ne pas l'aimer si l'on ne veut pas souffrir. La violence de cette héroïne, redoutable, pourrait repousser le lecteur alors qu'elle va va, au contraire, exercer sur lui une étrange fascination.

Son absence de convention, son indépendance à cette époque- la Norvège du XIX siècle- en fait un être hors du commun, un personnage marquant. Elle n'accepte pas les conventions sociales, pas plus qu'elle ne se plie aux règles de la bienséance et de la morale bourgeoise et religieuse. Devenue veuve à 18 ans, elle va reprendre en main les affaires de son mari, Jacob, propriétaire terrien et maître d'un grand comptoir de commerce et traiter d'égale à égal avec le monde des affaires exclusivement masculin. C'est une femme passionnée, et surtout libre, qui agit et ne laisse personne lui dicter son destin.

Film : adaptation du roman

C'est que Dina n'est pas un monstre malgré les apparences, elle souffre et elle est toujours sincère, une sincérité qui n'hésite pas à trancher et à faire mal. Les terribles évènements de son enfance ont provoqué un tel traumatisme qu'elle est d'une sensibilité exacerbée, une écorchée vive, dans une incapacité de parler qui dure des années, un mutisme qui est un enfermement mais peut-être aussi une auto-punition. Elle ne peut s'exprimer qu'à travers la musique et son instrument, le violoncelle. Et c'est pourquoi elle vient toujours au secours de celui qui souffre, qui est méprisé, considéré comme inférieur, en particulier lorsqu'il s'agit des femmes. Là encore elle fait fi des conventions. Ainsi, elle prend à son service dans la grande maison, Stine, la lapone, mère célibataire, mise au ban de la société, qui est elle aussi un beau personnage féminin de même que mère Karen, la belle mère de Dina, une vieille dame, intelligente et cultivée, qui inspire le respect. Le livre révèle ainsi de belles figures de femmes dont Oline, la cuisinière, mais les portrait d'hommes sont aussi très intéressants, en particulier Anders, le second mari de Dina, et le père que se choisit Benjamin.
D'un livre à l'autre, «La» Dina devient un être mythique qui manque à tout le monde lorsqu'elle disparaît et qui finit par représenter, lorsqu'elle revient au pays à la fin du second et du troisième livre, l'incarnation de la justice (même si elle en a une conception très personnelle!) et de la probité (Dina ne ment jamais sur ses sentiments)... et aussi les fondations solides qui servent de base à tous les membres de la famille. Et finalement, contre toute attente, le lecteur est amené à aimer Dina, à se passionner pour elle, à composer avec le Mal et le Bien qui font partie intégrante de sa personnalité.

Un roman entre réel et fantastique

 

source

 

L'un des grands charmes du roman est la découverte de cette région de Norvège qui est le berceau de Herbjorg Wassmo, et qui s'étend au-delà du cercle polaire, dans le comté du Nordland. Il abrite un peuple de marins et de pêcheurs, de fermiers et de commerçants qui vivent des ressources de ce milieu sauvage et souvent déshérité. La pêche est une grande richesse de la région et Anders, excellent marin, part dans des campagnes en mer qui durent des mois. La vie y est dure. La nature est toujours présente et nous vivons l'alternance de saisons rigoureuses, de la neige et de la glace qui isolent pendant de longs mois, des nuits polaires interminables et des jours qui durent et s'éternisent. C'est cette sauvagerie des éléments qui rejaillit sur les personnages. Dina marquée par son enfance est aussi façonnée par ce milieu, c'est pourquoi elle devra tout quitter pour échapper à ses fantômes. Car le fantastique est là, les morts côtoient les vivants qui ne les voient pas toujours mais Dina et son fils, oui! A moins qu'ils ne soient que l'émanation de cerveaux malades portant le poids de leur culpabilité. le roman oscille ainsi entre réalisme et fantastique.

Un style à la fois poétique et populaire

 
Comté de Northland source


Quand on commence à lire le prologue de Les Limons vides, premier du livre de Dina, qui raconte en fait la fin – avant de laisser place à un immense flash-back- il y a une telle force dans le récit dès les premières lignes, que l'on ne peut plus revenir en arrière. On se sent emporté dans un grand courant impétueux où l'on ne peut que s'immerger avec un étonnement qui n'a d'égal que notre impatience de poursuivre.
Le style de Herbjorg Wassmo est un mélange très envoûtant entre la poésie des grands espaces, des contrées sauvages et le style parler de ces gens d'une classe populaire (pêcheurs, marins..) ou d'une petite bourgeoisie (propriétaires, commerçants) dont la richesse se construit grâce à un travail acharné ; maîtres et serviteurs, ne sont donc pas si éloignés les uns des autres au niveau du langage bien que les classes sociales et les hiérarchies soient fortement marquées. Thomas, le valet de ferme, amoureux de Dina, l'apprend à ses dépens.
Même si l'on sent la tendresse que Wassmo porte à ses personnages, même si elle nous transmet leur souffrance et nous la fait éprouver, elle n'utilise jamais le pathos et le trémolo. Le ton est sobre,  jamais sentimental. Le non-dit est encore ce qui a le plus de force pour exprimer les sentiments de ces gens, pudiques et rudes, peut-être parce que le pays et les conditions de vie font d'eux des  "taiseux" et Dina encore plus à cause de son traumatisme.

Lu dans Télérama : « Wassmo est une fougueuse, une mangeuse de lecteurs » ! Je vous promets que c'est bien vrai!

 Fils de la providence 

 

Fils de la providence est l'histoire de Benjamin lui aussi abandonné par sa mère et portant sur ses épaules depuis l'enfance le poids de la culpabilité de Dina. Le personnage est complexe, déchiré et tourmenté. Lui aussi fait du mal autour de lui, digne fils de Dina mais c'est l'amour qu'il éprouve envers sa fille Karna qui le régénère..  La quête de sa mère absente est une constante du roman que j'ai aimé mais moins que Le Livre de Dina car celle-ci me manquait et de plus, une grande partie de l'intrigue ne se passe pas en Norvège. La personnalité de Benjamin est intéressante mais Dina, même absente, reste le personnage le plus passionnant. On la retrouve en fin de livre..

L'Héritage de Karna 

 

 Dina revenue au pays joue à nouveau un rôle important dans l'intrigue et marque de sa présence, de ses idées et de sa force tous les autres personnages sur lesquelles elle exerce toujours un grand pouvoir.  Elle paraît plus calme, assagie, maîtresse d'elle-même et femme d'affaires avisée.Elle peut enfin aider les autres et leur faire sentir son amour. Karna, sa petite-fille, enfant imaginative et sensible, sujette a des crises d'épilepsie, est attachante. La fille de Stine a un rôle important dans ce troisième roman et Benjamin devenu médecin est partagé entre deux femmes qu'il  aime à sa manière. La société est en train d'évoluer et de nombreux changements interviennent dans l'économie du comté. Le roman n'a pas perdu de sa force et reste passionnant.

Le livre de Dina
Les limons vides
Les vivants aussi
Mon bien-aimé et moi 

Fils de la providence 

L'héritage de Karna
 L'héritage de Karna
Le pire des silences
Les femmes si belles
 

dimanche 4 janvier 2015

Caryl Férey : Zulu



Et oui! Bravo à tous ceux qui l'ont reconnu et merci à tous pour votre participation. Il s'agit d'un livre Zulu de Caryl Ferey que j'ai déjà commenté dans mon blog le 20 mars 2011. Voilà ce que j'en avais pensé à l'époque :

Zulu, un roman de Caryl Férey

Dans le roman de Caryl Ferey, Zulu, dont l'action se passe en Afrique du Sud, le personnage principal  Ali Neuman, un zoulou, a vu, lorsqu'il était enfant, son père et son frère torturés et assassinés sous ses yeux par des milices de l'Inkhata en guerre contre l'ANC, le parti de Mendela. Il a lui même subi des violences qu'il n'a jamais voulu avouer à sa mère, seule rescapée avec lui des milices meurtrières. Des années plus tard, devenu chef de la brigade criminelle de Capetown, il s'efforce avec ses coéquipiers, Brian Epkeen et Fletcher, de lutter contre la violence en faisant son métier difficile avec conviction. Nous sommes en 1995, un an après l'élection de Nelson Mendela et un peu avant la coupe du monde de Rugby. Il est impératif de contrôler la situation, de parvenir à donner une meilleure image du pays et d'assurer la sécurité.
C'est le moment où une jeune fille de la bonne société est retrouvée sauvagement massacrée dans un jardin public; d'autres crimes suivent tout aussi horribles et chaque fois on retrouve dans le corps des victimes une drogue d'une composition mystérieuse qui semble être à l'origine de ce déchaînement meurtrier proche de la folie. Qui est caché derrière tout cela? Ali Neuman et ses coéquipiers s'engagent alors dans une histoire dont ils ne soupçonnent pas les implications.
L'intrigue policière est assez complexe mais elle a le mérite de nous présenter la dure réalité de ce pays, ses difficultés économiques et politiques, les différents milieux sociaux, les mentalités, les susperstitions. Je me suis intéressée aussi aux personnages des trois policiers dont la vie est à l'image de ce qu'ils vivent, désolante! Tout n'est pas résolu, en effet, en 1995, depuis la victoire de Nelson Mendela aux élections en 1994. L'Afrique du Sud est réputée pour être le pays qui détient le record mondial du crime. Autant dire que le roman nous immerge dans la violence au quotidien et la souffrance liée à la drogue, au sida, à la misère, celles des enfants de rue, en particulier, qui meurent de faim, de maladie ou de maltraitance dans les Townships, quartiers populaires noirs. Les maffias y règnent en maîtres, les noirs se déchirent entre eux, les haines tribales n'ayant jamais disparu. Les nostalgiques de l'ancien régime de l'apartheid n'ont pas encore dit leur dernier mot.
Ce livre a obtenu plusieurs grands prix du meilleur roman noir en 2008 et 2009

Quelques précisions sur l'Afrique du Sud

Il est un peu difficile d'entrer dans le livre de Caryl Ferey si l'on ne connaît pas l'Histoire de l'Afrique du Sud. Je me suis donc documentée sur  L'ANC, le bantoustan du Kwa zulu, l'inkhata.
L'ANC ou African National Congress est un parti politique d’Afrique du Sud, membre de l'Internationale socialiste. Créé en 1912 pour défendre les intérêts de la majorité noire contre la domination blanche, il fut déclaré hors-la-loi par le Parti national pendant l’apartheid en 1960. Il est à nouveau légalisé le 2 février 1990 alors que l'apartheid est aboli en juin 1991. En 1994, les premières élections multiraciales ont lieu permettant à Nelson Mandela d'être élu président de la République sud-africaine. Depuis, l'ANC domine  la vie politique sud africaine.
Un bantoustan est un région créée  pour les populations noires durant la période de l'apartheid en Afrique du Sud.  En 1970, les  personnes qui y habitent se voient enlever leur nationalité sud-africaine et accorder la nationalité de leur bantoustan. C'est une manière pour le parti national blanc de priver les noirs qui vivent  en dehors de ces régions de leurs droits civiques et  d'en faire des étrangers dans leur propre pays. Le bantoustan KwaZulu était situé dans l'ancienne province du Natal d'Afrique du Sud et regroupait  principalement une population Zoulou. Mais il était extrêmement morcelé et était loin de réunir toute l'ethnie disséminée dans tout le pays. Il avait obtenu son autonomie en 1977 pendant l'apartheid. En 1994, au moment des élections, il réintègre l'Afrique du Sud.
Le parti au pouvoir dans le Bantoustan Kwa zulu était l'Inkatha  ou Freedom Party, parti politique conservateur. Il a été fondé en 1975.  Dans les années 1980, l'Inkhat prend pour cible l'ANC dont il devient le principal adversaire. Ce parti prônait le séparatisme territorial alors que l'ANC voulait lutter contre l'apartheid et la domination des blancs en restant en  Afrique du Sud. Le parti national blanc a utilisé et même financé l'Inkhata pour lutter conte l' ANC de Nelson Mendela.
 Voir Wens pour le commentaire sur le film que j'ai trouvé, quant à moi, convaincant.

Affiche du film de jérôme Salle : Zulu
Affiche du film : Zulu

 Le livre : Zulu de Caryl Ferey
Le film : Zulu de Jérôme Salle


Bravo à :
Aifelle, Asphodèle, Dasola, Eeguab, Kathel, Keisha, Monesille, Shelbylee, Somaja, Valentyne...

samedi 3 janvier 2015

Enigme du samedi N°104 : Un Livre/un film








Un  livre/un film

Pour ceux qui ne connaissent pas Un Livre/un film, l'énigme du samedi, je rappelle la règle du jeu.

Wens de En effeuillant le chrysanthème et moi-même, nous vous proposons, le 1er et le 3ème samedi du mois, et le 5ème pour les mois avec cinq samedis, un jeu sous forme d'énigme qui unit nos deux passions : La littérature et le cinéma! Il s'intitule : Un livre, Un film. Chez Wens vous devez trouver le film et le réalisateur, chez moi le livre et l'auteur. Eeguab ne nous relaiera pas cette année mais nous le remercions de tout le travail accompli l'année dernière.

Consignes  

Vous pouvez donner vos réponses par mail, adresse que vous trouverez dans mon profil : Qui suis-je? et  me laisser un mot dans les commentaires sans révéler la réponse pour m'avertir de votre participation. Le résultat de l'énigme et la proclamation des vainqueurs seront donnés le Dimanche.

Prochain rendez-vous

Donc rendez-vous  le troisième samedi du mois :  Le 17 Janvier 2015


Enigme N° 104

L'auteur est français et il nous transporte dans un pays d'Afrique où règnent misère et pauvreté. Le livre présente une intrigue policière très noire qui rend compte d'un pays en grande difficulté.


Le passé a laissé des traces indélébiles. Les luttes internes entre opposants ont été aussi meurtrières que la répression du pouvoir blanc. Et la violence des blancs a trouvé une réponse dans l'opiniâtreté des noirs. Chaos et conflits ne se sont que déplacés, et ils existent toujours. L'apartheid n'est plus légal, mais il reste social.
Dix-huit mille meurtres par an, vingt-six mille agressions graves, soixante mille viols officiels (probablement dix fois plus), cinq millions d’armes pour quarante-cinq millions d’habitants : Comment la première démocratie d’Afrique pouvait être le pays le plus dangereux du monde ?

mercredi 31 décembre 2014

Meilleurs voeux pour l'année 2015


Carl Larsson , peintre suédois
Carl Larsson


Un regard confiant tourné vers cette année 2015 ... avec tous mes voeux de bonheur!

Merci à toutes pour vos visites. Loin d'internet, je n'ai pu vous répondre mais je reprends mon blog samedi avec l'énigme Un Livre/un film et je viendrai vous rendre visite chez vous. En attendant je vous souhaite de bonnes fêtes et une belle année pleine de joies et de découvertes!
A bientôt


samedi 20 décembre 2014

Bonnes fêtes et joyeux Noël

Bonnes fêtes


Wens et moi nous ne pourrons pas vous proposer une énigme ce samedi 20 Décembre.  Nous vous donnons rendez-vous au mois de Janvier 2015! En attendant nous en profitons pour vous souhaiter chaleureusement de joyeuses fêtes et un bon Noël.


création numérique pour Noël

Joyeux Noël

 

 

dimanche 14 décembre 2014

Bilan partiel du challenge Victor Hugo : Bug-jargal et propositions de lecture

 
 

Propositions de Lecture sur Victor Hugo Année 2015

 

 10 Janvier : Votre poème préféré

Inscrits : Aaliz, Aifelle, Claudialucia, Margotte, Miriam, Moglug, Valentine


10 Mars : Hernani

Claudialucia,  Eimelle? Nathalie, Moglug , Laure ... 

 

10 Mai : un "petit"roman à choisir parmi les trois titres : Claude Gueux? Hans d'Islande? ou Le dernier jour d'un condamné ?

Laure,  claudialucia, Nathalie...

 

10  Juin :  Un poème à choisir dans La Légende des siècles

Margotte, claudialucia

10 Octobre : Notre-dame de Paris

  Nathalie, Laure, claudialucia

10 Novembre :   Un poème à choisir dans le recueil Les orientales


 10 décembre :  Une pièce de théâtre : Ruy Blas

Nathalie, Laure, claudialucia




Compte rendu de la LC sur Bug-Jargal


Voici les billets autour de Bug-Jargal  pour la lecture commune des participants du challenge Victor Hugo (et challenge romantique)


Lecture commune avec :


 Claudialucia  Ma librairie

Bug-Jurgal est le premier roman de Victor Hugo écrit en 1818 à la suite d’un pari avec ses camarades de classe. Il avait alors seize ans! Remanié en 1826, ce livre de jeunesse témoigne d’un  génie précoce et contient déjà en germe les thèmes du grand Victor Hugo même si l’on sent qu’il n’est pas encore- et pour cause- parvenu à maturité.

Burg-Jargal raconte la révolte des esclaves de Saint-Domingue en 1791. Le narrateur est le capitaine Léopold d’Auverney. Pendant les guerres révolutionnaires, il fait le récit à ses amis officiers de ces évènements auquel il a été étroitement lié. Cette narration devait appartenir à un recueil intitulé Contes sous la tente, chaque officier devant à son tour raconter une histoire pour meubler les longues nuits de bivouac. Projet abandonné par l’auteur. (suite)


   Laure blog Mic Mélo

Bug-Jargal alias Pierrot, un esclave noir, est le premier roman de Victor Hugo, son roman de jeunesse, écrit à 16 ans en 1818, en seulement quinze jours.
Le récit se passe en 1791, pendant la révolte des noirs de Saint Domingue. Le Capitaine Léopold d’Auverney raconte à un petit groupe d’hommes une histoire qui lui est arrivée dans sa jeunesse, à l’époque où il devait épouser la jeune et belle Marie.

A différents moments, il va croiser la route d’un esclave noir, Pierrot, qui va tour à tour s’opposer à lui, lui sauver la vie, enlever et aimer Marie, être prêt à mourir pour elle, pour lui, à combattre pour les esclaves noirs et leur liberté, à défendre des valeurs d’honneur et des valeurs morales, à vivre de manière passionnée.
Quand même, ce roman est un bel exemple de grandiloquence et d’excès en tout genre.. (suite)


Margotte, Blog Le bruit des pages
   
Sans la lecture commune proposée par Claudialucia, je ne me serais sans doute pas dirigée vers ce roman de Victor Hugo. Deux raisons m'ont poussée vers cette lecture : l'aspect "rareté" (c'est un ouvrage vraiment peu connu d'un auteur porté au Panthéon...) et le fait que cela soit un récit de jeunesse. En effet, Victor Hugo a remanié plusieurs fois ce texte sans doute écrit à l'origine à 16 ans (et en quinze jours) sous la forme d'une nouvelle. Paru initialement dans le Conservateur littéraire, Bug-Jargal sera ensuite publié chez Urbain Canel en 1826, année durant laquelle paraissent aussi les Odes et ballades.
Dans ce roman, comme dans Hans d'Islande, Hugo laisse libre court à son admiration pour Walter Scott. Il plonge son lecteur dans une histoire exotique qui se déroule à Saint-Domingue et s'appuie sur les révoltes des esclaves qui verront naître les combats d'un Toussaint-Louverture.  (suite)


 Miriam Blog carnet  de voyages
  
On a toujours l'image de Victor Hugo dans sa vieillesse, on imagine moins l'adolescent qui déclara "je veux être Chateaubriand ou rien" à 14 ans ou qui, en 1818, paria avec ses camarades qu'il écrirait un roman en 15 jours. C'est Bug-Jargal, ce premier roman de Victor Hugo paru d'abord en 1819 puis remanié en 1826.


"Est-ce que les esclaves sont quelque chose?  - Oui monsieur, dit le vieux maréchal de camp de Rouvray, oui les esclaves sont quelque chose ; ils sont quarante contre trois ; et nous serions à plaindre si nous n'avions à opposer aux nègres et aux mulâtres que des blancs comme vous." (suite)


 Moglug /Magali, Blog Synchronicité et Serendicipité
  
L’histoire débute dans un campement militaire. Un sergent entre dans la tente où ses collègues sont rassemblés. Il s’est blessé en partant à la rescousse de Rask le chien de son capitaine. Idée stupide, semble-t-il, jusqu’à ce que le capitaine D’Auverney entreprenne de raconter l’histoire de ce chien et de son précédent maître, Bug-Jargal autrement nommé Pierrot. Cette anecdote militaire est le prétexte pour entrer dans la narration d’un fait historique majeur : la révolte des esclaves de Saint-Domingue en 1791. Avec Bug-Jargal, Victor Hugo signe son premier roman, il a alors 16 ans, et l’œuvre est impressionnante de détails sur la vie dans les colonies françaises et d’idéaux revendiqués; (suite)

Propositions de Lecture sur Victor Hugo

 

 10 Janvier : Votre poème préféré

Inscrits : Aaliz, Aifelle, Claudialucia, Margotte, Miriam, Moglug, Valentine


10 Mars : Hernani

Claudialucia,  Eimelle? Nathalie, Moglug , Laure ... 

 

10 Mai : un "petit"roman à choisir parmi les trois titres : Claude Gueux? Hans d'Islande? ou Le dernier jour d'un condamné ?

Laure,  claudialucia, Nathalie...

 

10  Juin :  Un poème à choisir dans La Légende des siècles

Margotte, claudialucia

10 Octobre : Notre-dame de Paris

  Nathalie, Laure, claudialucia

10 Novembre :   Un poème à choisir dans le recueil Les orientales


 10 décembre :  Une pièce de théâtre : Ruy Blas

Nathalie, Laure, claudialucia








mercredi 10 décembre 2014

Victor Hugo : Bug-Jargal



Un premier roman


Bug-Jurgal est le premier roman de Victor Hugo écrit en 1818 à la suite d’un pari avec ses camarades de classe. Il avait alors seize ans! Remanié en 1826, ce livre de jeunesse témoigne d’un  génie précoce et contient déjà en germe les thèmes du grand Victor Hugo même si l’on sent qu’il n’est pas encore- et pour cause- parvenu à maturité.

Burg-Jargal raconte la révolte des esclaves de Saint-Domingue en 1791. Le narrateur est le capitaine Léopold d’Auverney. Pendant les guerres révolutionnaires, il fait le récit à ses amis officiers de ces évènements auquel il a été étroitement lié. Cette narration devait appartenir à un recueil intitulé Contes sous la tente, chaque officier devant à son tour raconter une histoire pour meubler les longues nuits de bivouac. Projet abandonné par l’auteur.

Burg-Jargal sauve Marie illustration de Jean-Alphone  de Beaucé

Le récit


Léopold est le neveu d’un riche colon de Saint Domingue, maître dur et implacable qui possède de nombreux esclaves. Léopold n’approuve pas l’esclavage mais il ne se préoccupe pas trop du sort des malheureux, préférant ne pas voir ce qui se passe, car il nage dans le bonheur . Il va bientôt épouser sa cousine, Marie, la fille de son oncle. Un jour ,Pierrot, un esclave de la plantation, amoureux de Marie, sauve la vie de la jeune fille attaquée par un crocodile. Mais peu de temps après, il est emprisonné et condamné à mort pour avoir tenu tête à son maître. Léopold rend visite à Pierrot dans sa prison et devant la noblesse des sentiments du jeune noir et son courage, il devient son ami, son « frère ». Il s’aperçoit bien vite que Pierrot, fils du roi du Congo, jouit d’un grand prestige auprès de ses semblables. Le jour du mariage de Marie et Léopold, la révolte des esclaves éclate. Pierrot en sera l’un des chefs incontestés sous le nom de Bug-Jargal. Mais d’autres hommes ambitieux se disputent le pouvoir, en particulier le cruel et sanguinaire Jean Biassou. L’amitié entre Burg-Jurgal et Léopold d’Auverney pourra-t-elle survivre alors que le noir a enlevé Marie dont on ne retrouve plus les traces? Léopold tombé aux mains de Biassou échappera-t-il à la vengeance du nain, Habibrah, complice de Biassou et chapelain des révoltés?

Le récit est bien mené et se lit avec plaisir même s’il n’est pas terminé. Si nous savons dès le début que Bug-Jargal et Marie sont morts, nous n’apprenons ce qu’il advient du capitaine d’Auverney, de sa fidèle ordonnance, le sergent Thadée, et de Rask, le chien fidèle de Bug-Jargal, que par des  notes ajoutées en 1826 à la fin de l’ouvrage.

Jean Biassou

 Préjugés racistes et anti-révolutionnaires


Victor Hugo n’est pas encore le républicain que nous connaissons, il est anti-révolutionnaire. Il se déclare contre l’esclavage mais, à l’exclusion de Bug-jargal qui fait preuve d’humanité envers ses victimes, il dépeint les révoltés comme des sauvages fanatiques et superstitieux, des rebelles sanguinaires. Et il se laisse aller à des préjugés raciaux anti-noir à maintes reprises. Son héros n’aime pas voir les esclaves souffrir mais n’intervient à aucun moment pour améliorer leur sort.  Pourtant, dans un souci de justice, Hugo a à coeur de présenter les deux points de vue, celui de l’esclave et celui du maître, dénonçant ainsi l’iniquité de l’esclavage. A d’Auverney, naïf, qui pense que le nain Habibrah doit avoir de la reconnaissance envers son maître qui le traitait bien, celui-ci répond qu’il n’éprouve que la haine envers quelqu’un qui l’humiliait chaque jour en se moquant de sa disgrâce physique.

Le nain Habibrah

On reconnaît dans ce premier roman des personnages qui peuvent servir d’ébauche et seront développés dans d’autres grands romans. Le nain Habibrah, difforme, hideux, peut évoquer le Quasimodo de Notre-Dame de Paris, Le Gwinplaine de L’Homme qui rit, ou le Triboulet de Le Roi s’amuse, la figure du révolté Bug-Jargal fait partie de la longue liste des héros hugoliens en lutte contre l’injustice, Hernani, Ruy Blas, ou le révolutionnaire Gauvain de Quatre-vingt-treize… Léopold, prisonnier de Biassou attend son exécution dans sa prison comme dans Le dernier jour d’un condamné.
Certaines scènes préfigurent aussi celles des grands romans : Le combat de d’Auverney contre le nain  qui cherche à l’entraîner dans le gouffre est celui de Gilliatt contre la pieuvre dans Les travailleurs de la mer.

D'Auverney retient le nain Habibrah suspendu dans l'abîme


Dans ce premier roman VH fait preuve dès 1818 d’un talent certain qui va aller en se confirmant d’année en année  jusqu'à son apogée en 1830 lors de la bataille d’Hernani, faisant de lui le chef de file du mouvement romantique.

Lecture commune avec :Laure,  Magali, Margotte, Miriam



lundi 8 décembre 2014

La Boétie : De la servitude volontaire ou le Contr'un



Il y avait longtemps que je voulais lire De la servitude volontaire ou le Contr'un, l'essai de La Boétie, pour que ce dernier ne soit plus seulement un nom rencontré dans Les Essais de Montaigne. Maggie me l'a proposé en Lecture commune mais ce n'est que maintenant et avec retard que je m'acquitte  de cette tâche!
Et je dois dire d'entrée que ce texte m'a procuré un vif  plaisir lié à mon admiration pour la liberté de pensée, la profondeur de vue, la hardiesse et les idées de ces hommes du XVIème siècle, ces humanistes si tolérants, si lucides, si ouverts aux idées nouvelles. Après eux, il faudra attendre les philosophes du XVIII siècle pour aller aussi loin.

Critique du gouvernement d'un seul

Les idées politiques de la Boétie sont si perturbantes que son ami Montaigne, lui-même, devenu son exécuteur testamentaire, a reculé et a renoncé à publier  De la servitude  Volontaire ou le Contre'un. Il ne voulait pas nourrir les revendications des protestants qui s'étaient emparés du texte de la Boétie pour critiquer le pouvoir royal dans un but religieux. Mais il est bien souvent lui-même en accord avec  son ami (Voir Les cannibales)
C'est que cet essai présente la critique du gouvernement d'un seul (le Contr'un) et déplore l'obéissance passive de tout un peuple à ce pouvoir unique, obéissance que La Boétie appelle "la servitude volontaire".

"pour ce coup, je ne voudrois rien sinon entendre comme il se peut faire que tant d'hommes, tant de villes, de nations endurent quelque fois un tyran seul, qui n'a de puissance que celles qu'ils lui donnent; qui n'a pouvoir de leur nuire sinon qu'ils ont de vouloir de l'endurer; qui ne sçaurait leur faire mal aucun, sinon lors qu'ils aiment mieulx le souffrir que de le contredire."

Problèmes d'interprétation


On notera que La Boétie emploie le terme tyrannie dans un sens très général et il se garde bien de parler de la royauté française. La question se pose donc depuis des siècles : La Boétie a-t-il écrit un essai purement rhétorique ou au contraire un pamphlet virulent dicté par évènements contemporains qui traversent la France dans ces périodes de misère qui voient le peuple se soulever contre la gabelle et le pays se déchirer dans des querelles religieuses sanglantes? La Boétie est-il un théoricien ou un témoin de son temps et qui prend parti? Les partisans des deux interprétations sont partagés.
L'un d'eux affirme que le tyran de la SV n'est autre que Henri III.* D'autres proposent d'autres noms, Henri II, Charles IX. Certains pensent que le texte a été remanié par Montaigne ou par les huguenots  après la mort de la Boétie pour servir leurs idées. Un critique affirme, étant donné les nombreuses citations d'auteurs grecs ou romains, que c'est seulement une oeuvre d'inspiration antique. A l'inverse, un tel voit en lui un précurseur de la révolution française! Tout et son contraire! Quand les plus grands spécialistes  du XVIs se déchirent sur un tel sujet, il ne reste plus qu'à se taire!

Les raisons de la servitude volontaire


Pourtant, quand la Boétie écrit ce qui suit*, il paraît très clair sur la définition de la tyrannie et il y englobe la notion de royauté. Mais tenu à une extrême prudence il reste toujours très discret et rien ne permet d’affirmer dans quel but il a écrit cet ouvrage : éclairer?  Faire réfléchir? ou aller plus loin critiquer le pouvoir royal? Appeler à la révolte? Il n’en reste pas moins que j’ai lu ce texte comme une dénonciation, que j’y ai senti une indignation et une conscience lucide.

*Il y a trois sortes de tyrans, les uns ont le roiaume par election du peuple; les autres par la force des armes; les autres par succession de leur race. ceus qui les ont acquis par le droit de la guerre, ils s’y portent ainsi qu’on conçoit bien qu’ils sont en terre de conqueste. ceus la qui naissent rois, ne sont pas communement gueres meilleurs, ains estans nés et nourris dans le sein de la tiranie avec le lait la nature du tiran, et font estat des peuples qui sont soubs eus comme de leurs serfs hereditaires (…) . celui a qui le peuple a donne l’estat devrait estre, ce me semble, plus supportable, et le seroit,comme je croy, n’estoit que delors qu’il se voit eslevé par dessus les autres, flatté par je sçay quoy qu’on appelle grandeur, il délibère de n’en bouger point…

Mais ce qui intéresse surtout La Boétie c’est de comprendre pourquoi les peuples acceptent sans réagir le pouvoir d'un seul. Voilà qui est étonnant car, affirme la Boétie, l’homme tend naturellement vers la liberté. L’amour qu’il a pour elle est inné chez lui.
La lâcheté des peuples ne peut être la seule explication possible. La force de la coutume et l'habitude de servir ne mèneraient-elles pas à l'acceptation de la tyrannie et à l'obéissance passive? Il oppose ainsi la nature à la coutume, l’inné et l'acquis.
Enfin, l’ignorance de ce qu'est la liberté expliquerait aussi cette servitude volontaire.

L'on en se plaint jamais de ce que l'on n’a jamais eu, et le regret en vient point sinon qu'après le plaisir; et toujours est avec la coignaissance du mal la souvenance de la joie passée.

Seule la culture et le savoir peuvent permettre de rester fidèle à l’idée de liberté et d’être conscient du joug que l’on subit. L’ignorance est donc une des bases les plus solides sur lesquelles s’établissent les tyrans. Et ceux-ci l’ont bien compris qui refusent l’instruction à leurs sujets et cherchent à les endormir avec des largesses et des fêtes qui les détournent de la pensée, les rendent crédules, et les amènent à une sorte de dévotion superstitieuse envers eux.

Le Grand Turc s’est bien avisé de cela que les livres et la doctrine donnent plus que tout autre chose aus hommes, le sens de se reconnoistre, et d’hair la tirannie; j’entens qu’il n’a en ses terres gueres de gens scavants, ni n’en demande.

On voit l’actualité du sujet car les régimes totalitaires et les idéologies d’extrême droite ne fonctionnent pas autrement.
Goering disait : « Quand j’entends parler de culture, je sors mon revolver » et une des premières mesures que prennent les islamistes extrémistes c’est d’interdire l’école aux filles. Louis XIV comme le régime hitlérien ou stalinien se basaient sur le culte de la personnalité.

Mais le véritable secret de la domination du tyran pour La Boétie, c’est que le tyran s’entoure toujours de quelques personnes cupides, avides de pouvoir et de richesses pour asseoir son pouvoir. Ceux-ci perdent leur liberté dans la crainte de déplaire au tyran et se font ainsi les gardiens les plus sûrs du régime. Rien n’a changé en politique depuis la Boétie et l’antiquité!



 Etienne de la Boétie, philosophe et poète, connu pour avoir été l'ami mythique de Montaigne, est surtout l'auteur d'un court texte resté dans la postérité: le Discours de la servitude volontaire . Ecrit à l'âge de 18 ans, par celui que Pierre Clastres n'hésitait pas à appeler "le Rimbaud de la pensée", ce texte qui constitue une oeuvre de référence sur la question de la légitimité du pouvoir politique a été depuis le XVIe siècle constamment réimprimé. Traduit en quinze langues, il a donné lieu à une masse impressionnante de commentaires et d'interprétations. Toutes les périodes de troubles politiques ont vu réapparaître ce manifeste contre la tyrannie et il est aujourd'hui encore convoqué par divers courants de pensée. Ces annexions militantes témoignent de la résonance profonde et durable de ce texte et en font un cas "curieux", énigmatique. C'est sur cette énigme que se propose de se pencher cette émission, en interrogeant le texte du Discours, dont la question centrale demeure toujours d'une modernité surprenante : pourquoi obéit-on ?


Lecture commune avec Maggie, Margotte

dimanche 7 décembre 2014

Agota Kristof : Le Grand Cahier




Agota Kristof (en hongrois Kristóf Ágota), née le 30 Octobre 1935 à  Csikvand en Hongrie et est morte le 27 juillet 2011  (à 75 ans) à Neuchatel est une écrivaine, poète, romancière et dramaturge suisse. Elle écrit la plus grande partie de son œuvre en français (sa langue d'adoption, cette langue qu'elle appelle « ennemie ») Wikipédia




Le Grand Cahier est l'histoire de deux jumeaux Klaus et Lucas que leur mère laisse à la campagne, chez leur grand mère, pour leur éviter les bombardements de la grande ville. La grand mère que l'on appelle la Sorcière parce qu'elle est soupçonnnée d'avoir empoisonné son mari est une femme, dure, cruelle, avare. Les enfants vont subir de mauvais traitements d'elle mais aussi de leur entourage. Peu à peu, ils vont apprendre à survivre en faisant des exercices d'endurance pour apprendre à résister aux coups, aux injures, aux abus sexuels dont ils sont les victimes, à la pauvreté et à la faim, à l'omniprésence de la Mort. Ils consignent tout dans le grand cahier qu'ils ont acheté dans la papeterie du village.

La dénonciation de la guerre et les Mozarts qu'on assassine 

 

Le Grand Cahier est une sorte de recueil de toutes les dépravations et les noirceurs des hommes : pédophilie, sado-masochisme, zoophilie, nécrophilie... je crois volontiers Agota Kirstof quand elle dit d'elle-même qu'elle est très pessimiste et voit toujours le côté noir de l'existence. Je n'ai lu qu'un livre qui la concurrence dans la cruauté et les souffrances que l'on fait subir à des enfants, c'est L'oiseau bariolé de Jerzy Kosinski et tous les deux s'inscrivent dans le contexte de la guerre pour la dénoncer et en montrer l'horreur. Il est vrai que lorsqu'on lit Les Bienveillantes de Jonathan Littell on comprend qu'il n'y pas de limites aux actes de barbarie que peut accomplir l'être humain. Il n'y a pas de limites! Alors même si Le Grand Cahier fait frémir et provoque de la répulsion, il m'a fallu le lire. J'ai pensé à ce que nous faisons subir aux enfants à notre époque dans les mines africaines ou dans les usines chinoises pour  avoir des téléphones portables avec la bénédiction des multinationales américaines ou françaises et à notre responsabilité à tous. Nous n'avons pas progressé!

Un style enfantin?

 

Le roman, écrit en français, est étonnant aussi d'un point de vue littéraire. Ecrit dans un style simple, presque naïf, et aussi avec une froideur objective, il fait froid dans le dos car ce n'est pas la naïveté de l'enfance qui apparaît mais le fait que les enfants veulent rester des témoins, comme s'ils n'étaient pas concernés. Une déshumanisation inquiétante commence jusqu'à ce que les jumeaux ne paraissent plus éprouver de sentiments. En même temps, ils développent un sentiment de justice bien à eux, qui n'a plus rien à voir avec la morale des hommes et les lois. La servante qui les abuse et qui considère les juifs comme des bêtes nuisibles l'apprendra à ses dépens.

L'universalité des faits 

 

Un autre aspect du roman est très intéressant. Le récit paraît n'être ancré ni dans l'espace ni dans le temps. Il n'y a, en effet, aucun nom de lieu : Les enfants viennent de la Grande Ville, dans une ferme située à cinq minutes de la Petite Ville. Les majuscules de ces mots pris comme des noms propres montrent bien la volonté de l'écrivaine de situer les faits dans une sorte de no man'sland intemporel. Ainsi est souligné l'universalité des faits, l'horreur de toutes les guerres et pas seulement d'une en particulier, les souffrances que l'on inflige aux enfants à toute époque et partout. Pourtant peu à peu nous ne pouvons douter qu'il s'agit de la seconde guerre mondiale, que les soldats sont des nazis, les prisonniers, des déportés juifs. De plus nous sommes en Hongrie qui accueille les Russes d'abord comme des Libérateurs avant d'être occupée et mise sous coupe. Mais ces précisions ne sont jamais données, c'est nous qui les reconstituons.
Cet aspect du roman est très difficilement adaptable : le réalisateur du en film qui est forcément obligé de choisir puisqu'il doit nous montrer : Voir Wens pour le film.

Le narrateur : Que désigne le "nous"?

 

Se pose aussi le problème du narrateur : la première personne du pluriel est toujours employée. Le pronom "nous" désigne bien sûr les jumeaux mais Qui écrit? Le style ne varie jamais, aucune personnalité  différente ne se révèle à travers le récit, si bien que le "nous" semble désigner une entité. Les deux sont si rigoureusement semblables qu'ils n'en forment qu'un.  Et s'il n'y avait qu'un enfant qui se projette dans un double imaginaire pour se réconforter, se consolider?  Une autre interprétation est possible : à la fin, lorsque les jumeaux se séparent, l'un part en exil, l'autre reste au pays. j'ai pensé qu'ils représentaient symboliquement les deux facettes de l'auteure qui a eu, elle aussi, la possibilité de rester en Hongrie mais à choisi l'exil, ce qu'elle a toujours regretté. Le thème du départ, de l'exil, du déchirement, de la perte d''identité est récurrente dans toute son oeuvre et elle a avoué avoir toujours regretté d'être partie.

Un roman riche, complexe mais aussi éprouvant. Le film n'arrive pas à rendre cette richesse.


 Enigme 104

Félicitations à : Aifelle,  Eeguab, Dasola, Keisha, Miriam,  Thérèse, Valentyne
La réponse est : 
Le roman : Agota Kristof
Le film Le grand cahier de Jonas Szazs

samedi 6 décembre 2014

Enigme du samedi n° 104 : Un livre/Un film



Un  livre/un film

Pour ceux qui ne connaissent pas Un Livre/un film, l'énigme du samedi, je rappelle la règle du jeu.

Wens de En effeuillant le chrysanthème et moi-même, nous vous proposons, le 1er et le 3ème samedi du mois, et le 5ème pour les mois avec cinq samedis, un jeu sous forme d'énigme qui unit nos deux passions : La littérature et le cinéma! Il s'intitule : Un livre, Un film. Chez Wens vous devez trouver le film et le réalisateur, chez moi le livre et l'auteur. Eeguab ne nous relaiera pas cette année mais nous le remercions de tout le travail accompli l'année dernière.

Consignes  

Vous pouvez donner vos réponses par mail, adresse que vous trouverez dans mon profil : Qui suis-je? et  me laisser un mot dans les commentaires sans révéler la réponse pour m'avertir de votre participation. Le résultat de l'énigme et la proclamation des vainqueurs seront donnés le Dimanche.

Prochain rendez-vous

Donc rendez-vous  le troisième samedi du mois :  Le 20 Décembre

 Enigme n° 104

Ce roman écrit en français par une écrivaine hongroise paraît en 1986. Il constitue une trilogie avec les deux qui suivront. Il raconte l'histoire de deux enfants que leur mère confie à leur grand-mère par temps de guerre pour éviter les dangers des bombardements.
Nous sommes obligés de faire certains travaux pour Grand-Mère, sans quoi elle ne nous donne rien à manger et nous laisse passer le nuit dehors.
Au début, nous refusons de lui obéir. Nous dormons dans le jardin, nous mangeons des fruits et des légumes crus.
Le matin, avant le lever du soleil, nous voyons Grand -Mère sortir de la maison. Elle ne nous parle pas. Elle va nourrir les animaux, elle trait les chèvres, puis elle les conduit au bord de la rivière où elle les attache à un arbre; Ensuite elle arrose le jardin et cueille des légumes et des fruits qu'elle charge sur sa brouette. Elle y met aussi un panier plein d'oeufs, une petite cage avec un lapin et un poulet ou un canard aux pattes attachées.
(…….)
Au repas Grand-Mère dit :
- Vous avez compris. Le toit et la nourriture, il faut les mériter.
Nous disons :
- Ce n'est pas cela. Le travail est pénible, mais regarder, sans rien faire, quelqu'un qui travaille, c'est encore plus pénibe, surtout si c'est quelqu'un de vieux.
Grand-Mère ricane :
-Fils de chienne! Vous voulez dire que vous avez pitié de moi?
-Non, Grand-Mère. Nous avons seulement eu honte de nous-mêmes.
L'après-midi, nous allons chercher du bois dans la forêt.
Désormais nous faisons tous les travaux que nous sommes capables de faire.


lundi 1 décembre 2014

Maria Ernestam : Les oreilles de Buster






Le moins que l'on puisse dire c'est que l'incipit du roman de l'écrivaine suédoise Maria Ernestam, Les oreilles de Buster  est en forme de coup de poing :

"j'avais sept ans quand j'ai décidé de tuer ma mère. Et dix-sept ans quand j'ai finalement mis mon projet en exécution."

  Au moins on est tout de suite dans l'ambiance! Voilà qui illustre bien le thème du blogoclub de Silyre et Lisa pour lequel j'ai lu ce livre sur "l'amour maternel"!

Le thème principal 

A l'occasion de son 56ème anniversaire Eva reçoit de la part de sa petite-fille un journal intime et elle commence à écrire ses souvenirs. Sa mère, une femme très belle, ne l'aime pas et ne cesse de l'humilier. C'est donc l'absence d'amour maternel qui est décrit ici et la souffrance puis la haine que Eva va finir par éprouver pour cette mère froide, indifférente, sarcastique. S'ajoute un  grand amour brisé mais que Eva n'a jamais pu oublier, voilà quelle est la matière de ce roman.  

Ce livre a eu la malchance de tomber après ma lecture de l'auteure norvégienne Herbjorg Wassmo Le livre de Dina qui met aussi en scène une meurtrière mais... quelle force dans ce portrait et dans la vie de cette femme! Cela m'a presque fait paraître fade l'histoire d'Eva. 

Des personnages peu convaincants 

C'est que, en dehors de l'incipit, j'ai trouvé le roman peu convaincant.  Même s'il raconte des faits assez horribles, il manque de force. Peut-être parce que je n'ai pas pu complètement croire à cette petite fille de sept ans qui nourrit sa vengeance et s'exerce au crime sur son entourage dès qu'il se montre désagréable, humains ou animaux (de là le titre les oreilles de Buster : il faut savoir que Buster est un chien). Peut-être aussi parce que la mère d'Eva, en dehors de son manque d'amour, est un personnage assez convenu et manque de force. Une femme qui préfère ses amants à sa fille, qui n'aime pas son enfant, est une mauvaise mère, mais est somme toute assez banale ! Et si en plus elle préfère travailler parce qu'elle ne s'épanouit pas dans son foyer, là, je suis de tout coeur avec elle!  En fait, elle ne prend une autre dimension qu'au moment de sa mort, quand on en apprend un peu plus sur elle mais c'est un peu tard! Bref! Je n'ai pu complètement adhérer à cette histoire parce que les personnages manquent d'épaisseur et de vérité psychologiques.  A la limite, c'est Eva qui me paraît plus inquiétante que sa mère et pathologiquement atteinte. Son imagination n'a d'égale que sa perversité quand elle cherche à faire le mal! C'est un personnage glauque et qui aurait pu être très fort mais... Il y a trop d'invraisemblances! Très avertie sur la sexualité, machiavélique et sadique envers Bjorn, on la voit jouer ensuite les pucelles effarouchées et sortir les violons pour romancer sa rencontre avec l'homme qu'elle aime. Comment a-t-elle pu avoir une vie normale après son crime? Comment l'auteur peut-elle la peindre en mère et en grand-mère aimante? Je me demande aussi comment l'on peut éprouver de l'empathie pour un pareil personnage lu! Le problème c'est que Eva - pas plus que sa mère-  ne se hisse jamais au niveau d'un héros tragique, elle n'éveille pas en nous ce sentiment mêlé d'effroi et d'admiration. Eva n'est ni une Electre ni un Oreste! On a plutôt l'impression que c'est une boutiquière qui tient mesquinement le compte des méchancetés de sa mère pour mieux pouvoir se venger et justifier son meurtre! 

Des rebondissements gratuits


Je n'ai pas aimé, non plus, certains artifices utilisés par Maria Ernestam pour créer des coups de théâtre qui me paraissent sans grand intérêt : ainsi lorsque l'auteur joue sur l'identité d'Eric et sa fiancée Lisa (ridicule) ou plus gênant sur l'identité de Sven (irritant). Non seulement ces "rebondissements" n'apportent rien au roman mais ils sont gratuits et peu crédibles. Ils n'ont surtout aucune raison d'être quand ils ne sont pas trop amenés, trop prévisibles, comme l'insistance tout au long des pages sur l'amour d'Eva pour ses rosiers. Si on ne comprend pas pourquoi, c'est que l'on y met de la mauvaise volonté!


Reste que récit est bien menée, que certains passages accrochent, que Maria Ernestam écrit bien...  Je comprends que l'on puisse se laisser prendre par la lecture. Moi, chaque fois que je me laissais emporter, un détail venait tout casser, m'agacer et je ne pouvais plus adhérer à l'intrigue!


Blogoclub de Sylire et Lisa
 Le roman proposé par le blogoclub sur le thème de l'amour maternel était La promesse de l'aube de Romain Gary, une oeuvre que j'aime beaucoup mais que j'ai déjà lue deux fois. J'ai préféré choisir le livre qui avait obtenu un peu moins de voix mais que je ne connaissais pas.