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vendredi 9 mars 2012

Des mots, une histoire : Printemps, petite araignée attentive...


Vincent Van Gogh : Amandier

 Printemps, petite araignée attentive...

Automne, hiver, printemps, été,
Automne, hiver... Printemps!
Sur cette saison magnétique,
Chauffeur
Arrête-toi, fixe le Temps
Qui glisse
Du sud au nord, d'est en ouest
sur les chantiers de la Nature
Sur l'azur, vif harmonica, 
Petite araignée philosophe,
Attentive et ventripotente
Printemps tu as tissé ta toile
et ruiné la morte saison.
Coquelicot pourpre et pervers
Au creux du nid de tes pétales
dans la maison de ta corolle
Tu caches l'éclat d'un oeil noir.
La rose pour fleurir s'ouvre
Comme on soupire
Apologie de la nature,
Princesse rubiconde, aux joues
De beurre frais,
Prairie d'herbe grasse,
Philosophe en dentelle
Sur la page, fleurs d'amandier
L'enfant brode ses arabesques
le crayon exalte  ta neige.

La comédie de la nature
Au clavier célèbre la joie.
Chauffeur du temps qui glisse
Arrête-nous bien vite.
Printemps!



 Les mots imposés pour l’édition 57 de Des mots, une histoire d'Olivia sont : automne – nord – chauffeur – ceux-ci – amandier – crayon – page – maison – chantier – ventripotent – azur – philosophie – rubicond – apologie – princesse – bananier – clavier – nid – ruiner – harmonica –  rose – coquelicot– magnétique – beurre – comédie
J'ai laissé de côté bananier et ceux-ci.

Kenzaburo Ôé : Gibier d'élevage




Kenzaburo Ôé est né en 1935, dans l'île japonaise de Shikozu. Il a suivi des études de littérature et française et a fait une thèse sur Sartre. Il est vite reconnu dans les années 1950 comme l'un des plus grands écrivains japonais. Il reçoit le prix Akutagawa, l'équivalent du Goncourt français, pour pour ce livre Gibier d'élevage en 1958. Dans un livre déchirant Une affaire personnelle il parle de la naissance de son fils, handicapé, qui bouleverse sa vie. Il écrit Le Jeu du siècle sur le Japon entre 1860 et 1960... Il reçoit le prix Nobel en 1994.

Autres livres de Kenzaburo Öé:
Dites-nous comment survivre à la folie
Le faste des morts
Une existence tranquille.



 Le récit de Gibier d'élevage se déroule pendant la seconde guerre mondiale. Dans un village montagnard coupé du monde pendant la saison des pluies, un avion américain s'abat dans les bois. Les villageois capturent le seul survivant, un grand noir américain qui excite la curiosité de tous mais en particulier des enfants. Le prisonnier, en attendant d'être remis aux autorités, est enfermé dans une cave. Son abattement, sa passivité et son étrangeté le font considérer comme un animal d'élevage! Les enfants qui en ont d'abord un peur bleue finissent par faire de lui un compagnon de jeu. Oui, mais...

Le récit est raconté par un jeune garçon qui vit sa vie d'enfant, insouciante, jeux, bagarres, baignades, découverte sexuelle pour les plus grands, entouré de son petit frère cadet, de Bec-de-Lièvre, le meneur de la bande, et de toute la marmaille qui les suit et les admire. Nous sommes en guerre mais le village est si fermé sur lui-même que la guerre paraît être un fait irréel presque légendaire. Une abstraction. Pourtant la mort qui la symbolise est toujours présente dans le récit soufflant ses miasmes délétères sur le village, compagnon fidèle de tous, même des enfants. Ceux-ci jouent à "touiller" les morts dans la fosse commune béante pour récupérer des ossements afin de se confectionner des bijoux.

La description de ce peuple "de vieux défricheurs quelque peu primitifs" est un choc pour le lecteur. Ces gens vivent dans une pauvreté extrême. Ils n'ont aucun meuble chez eux, et couchent par terre sur des planches. Ils sont considérés comme des sauvages, sales, miséreux et sans manières, par les citadins lorsqu'ils se rendent à la ville soit pour aller à l'école soit pour faire quelques courses. Le fait d'être isolés de tout pendant la saison des pluies ne les dérange donc pas et est une aubaine pour les élèves qui ne peuvent plus aller à l'école.
Le choc des civilisations va être énorme entre cet américain, un espèce de colosse noir qui parle une langue totalement inconnue, et ces gens qui n'ont jamais dépassé les bornes de leur village sauf pour la ville toute proche et n'ont jamais vu la mer que de très loin comme un mince ruban miroitant.
Le jeune narrateur qui est le premier à l'approcher de près  pour apporter sa nourriture au prisonnier le présente comme une bête avec "ses oreilles pointues comme celles d'un loup" "son cou gras et huileux", "l'odeur de son corps qui pénétrait toute chose comme un poison corrosif" et sa "voracité de rapace" quand l'homme se jette sur la nourriture après avoir jeûné longtemps. Mais peu à peu le jeune garçon va cesser d'en avoir peur, pour le voir comme un animal familier que l'on aime bien.
Ce Noir était à nos yeux une sorte de magnifique animal domestique, une bête géniale.
Les adultes aussi finissent par ne plus être effrayés par lui et l'américain peut circuler librement dans le village. Les enfants partagent enfin  avec lui de beaux moments de sérénité lorsqu'ils l'écoutent chanter une chanson
Nous étions emportés par la houle de cette voix grave, solennelle, se propageant de proche en proche.
ou quand ils le font sortir de la cave sous la pluie : .. et là, longtemps, nous remplîmes nos poumons d'un air qui sentait l'écorce mouillée"
Mais que va-t-il advenir de cette amitié quand les adultes sans mêlent?
Le soldat parti, que nous resterait-il au village? L'été, vidé de sa substance, ne serait plus qu'un coquille vide.

Le roman est un roman d'apprentissage pour le jeune narrateur qui prend alors conscience de l'horreur de la guerre, et perd son insouciance enfantine.  Devenu adulte brutalement, pour lui, plus rien ne sera comme avant :
La guerre, cette interminable et sanglante bataille aux dimensions gigantesques, allait se prolonger encore. Cette espèce de raz de marée qui, dans des pays lointains emportait les troupeaux de moutons et ravageait les gazons fraîchement tondus, cette guerre là, qui eût jamais pensé qu'elle dût parvenir jusqu'à notre village? Pourtant elle y était venue... et moi au milieu de ce tumulte, je n'arrivais plus à respirer.

Kenzubaro Ôé dénonce avec ce roman l'absurdité de la guerre. La haine entre les peuples n'est-elle pas d'abord une conséquence de l'ignorance et de la méconnaissance de ce qui est étranger? Les enfants ne sont-ils pas ici ceux qui y voient clair? 

Lecture commune avec Ys et Emmyne  dans le cadre du challenge les 12 d'Ys sur les Prix Nobel





jeudi 8 mars 2012

Que disent-ils de la Politique ? Albert Camus : Un ordre qui consacrerait les puissance d'argent...




Un ordre qui consacrerait les puissances d’argent, les combinaisons de couloir et les ambitions personnelles, cet ordre-là ne serait qu’un désordre puisqu’il consoliderait l’injustice. 

 Il n'y a ni justice ni liberté possibles lorsque l'argent est toujours roi.

mercredi 7 mars 2012

Darren Aronofsky : Black Swann


Natalie Portman Black Swann


Black Swann est un film de Darren Aronofsky qui explore le milieu de la danse. Nina (Natalie Portman) est danseuse dans le prestigieux corps de ballet de New York City. Une chance extraordinaire s'ouvre à elle lorsque le chorégraphe, Thomas, (Vincent Cassel) la choisit pour le rôle du Cygne. Mais pour cela elle évince la danseuse étoile titulaire du rôle, vieillissante, et elle entre en rivalité avec une autre ballerine extrêmement douée, Lily (Mila Kuni).

L'histoire pourrait être une variation de plus sur le thème de la rivalité entre danseurs au sein d'un corps de ballet et les difficultés de ce métier difficile où il faut tout sacrifier pour réussir. Et bien sûr, c'est vrai qu'il est question de cela et même que de cela! Mais... L'originalité vient de l'intérêt du réalisateur pour l'exploration de ce qui se passe dans un cerveau malade de la danseuse et la folie qui en découle.

Pour bien comprendre l'enjeu du rôle il faut se débarrasser de l'image romantique du tutu et des jolies danseuses évoluant sur une musique dite "facile" et sentimentale, celle de Tchaïkovsky. Le Lac des cygnes est un conte cruel tiré d'une légende allemande qui parle d'amour, certes, mais aussi d'envoûtement. Un mauvais génie  retient prisonnières des jeunes filles sous la forme de cygnes. Odette, le cygne blanc, rencontre l'amour lorsqu'elle redevient femme, la nuit, avec le prince Siegfried. Mais le cygne noir, Odile, fille du magicien, va prendre sa place au bal et c'est elle qu'il choisira comme épouse. Il s'agit donc d'un combat entre le Bien et le Mal et dans de nombreuses versions de l'oeuvre, c'est le Mal qui l'emporte.

La difficulté du rôle pour Nina est qu'elle doit incarner à la fois le cygne blanc et le noir, donc la pure jeune fille et la femme fatale, le Bien et le Mal. Or Nina est une jeune femme fragile sur le plan psychologique, elle n'est jamais sortie de l'enfance,  surprotégée par sa mère et elle n'a jamais connu la passion. Passons sur l'invraisemblance du scénario un peu lourd qui fait d'une danseuse étoile d'un des plus grands ballets du monde, une petite fille "neuneu"jamais sortie de sa chambre et de ses peluches roses! Comme si elle n'était jamais partie en tournée internationale, comme si elle n'avait jamais interprété d'autres grands rôles avant celui-ci! Passons donc et l'on comprendra qu'il est facile à Nina d'incarner le cygne blanc mais pas le noir! Il faut donc que Nina cherche en elle, au plus profond d'elle-même son côté ténébreux, les pulsions qu'elle a jusqu'alors refoulées.
Et cette recherche va fortement ébranler la raison de la jeune fille faisant surgir devant elle des hallucinations dont elle ne sait plus (et nous non plus spectateur) si elles sont réalités ou fantasmes:   par exemple, la scène où elle broie la main de sa mère en refermant la porte sur elle, ou celles où l'on assiste à ses ébats sexuels avec Lily, dans sa chambre de jeune fille, ou encore le meurtre dans sa loge... Cette perte de conscience de la réalité, ce dédoublement de la personnalité exigé par le rôle sont savamment orchestrés par le véritable cygne noir, Lily, sa rivale, intrigante et perverse, qui joue une jeu trouble avec Nina.
Le cygne est, en effet, dans la mythologie, un symbole androgyne représentant à la fois la lumière solaire et lunaire, c'est à dire à la fois mâle et femelle, symbole de la sexualité refoulée. L'on sait aussi que Tchaïkovski a cherché à exprimer avec ce ballet son homosexualité inavouée, vécue à son époque comme une honte, en faisant du prince Siegfried un homme à qui les amours féminines sont interdites.  On comprend mieux la réaction primitive de Lily qui mord violemment les lèvres du chorégraphe quand celui-ci cherche à l'embrasser et pourquoi aucun homme ne l'a jamais approchée. 
Ainsi ce que découvre Nina sur elle-même, son attirance pour Lily, la violence  et la haine qui habitent en elle, l'épouvante. La pression exercée par ce rôle qu'elle ne se sent pas capable d'assumer -et qui est pourtant la consécration suprême pour toute ballerine-  explique cette descente vers la folie et vers la mort.
Le film est donc d'une étude sur la folie. On ne voit pas pourquoi il a été qualifié de thriller psychologique si ce n'est dans un but publicitaire ou peut-être parce que la mise en scène esthétise un peu trop la violence pour en faire un spectacle!

Piotr Illitch Tchaïkovsky

Le ballet  en quatre acte de Piotr Illitch Tchaïkossky de Tchaïkowsy est composé en 1871 à une époque où l'on ne peut plus parler du mouvement romantique. Mais Vladimir Begichev, le librettiste, inspiré d'une légende  allemande tirée  d'un recueil de conte populaires allemands de Johann Karl August Musäus (1735-1787) mais le thème du lac des cygnes existe aussi dans de nombreux récits romantiques russes et présente tous les thèmes du romantisme : le fantastique, le rêve, l'amour fidèle, la fatalité, la nuit, le bien opposé au mal....


Le Lac des cygnes ballet de tchaïkosky



Ce film est présenté dans le cadre du challenge des fous de L'Ogresse de Paris.




mardi 6 mars 2012

Sonya Harnett : Une enfance australienne




Une enfance australienne de Sonya Hartnett est un  beau roman  plein d'émotions mais l'on referme ce livre, le coeur serré.
Le récit débute, dans une petite ville d'Australie, par la disparition de trois enfants, enlevés, pense-t-on, par un individu suspect que l'on a aperçu rôdant autour d'eux. C'est dans le quartier où vit Adrian. Comme il est triste et chaotique parfois le chemin de l'enfance lorsqu'on est un enfant rejeté. Adrian (9 ans) pourrait être  un petit garçon comme les autres mais voilà, il a une mère irresponsable qui a été déchue de ses droits et un père qui n'entend pas gâcher sa vie en élevant un fils qu'il ne supporte pas. Alors Adrian est confié à sa grand mère qui l'aime, peut-être, à sa manière rude et sévère mais sans savoir le lui dire. Adrian est solitaire mais il va se lier d'amitié avec Nicole, l'aînée de ses petits voisins qui est une fille sensible et torturée. Un jour Adrian entend une conversation sur lui entre son oncle, sa tante et sa grand mère. Il décide de s'enfuir...

Le récit est raconté au présent de l'indicatif, dans un style simple et sobre qui semble souvent épouser le point de vue de l'enfant et sa naïveté. Pourtant ce qu'il voit est souvent terrible et une société impitoyable est ainsi dévoilée à travers ce regard enfantin. L'histoire des enfants disparus hantent tous les esprits et fait peser une menace sur les autres. J'ai pensé, en le lisant, au conte de Grimm, le Joueur de flûte d'Hamelin, à l'histoire de cet homme qui entraîne vers la mort tous les enfants d'une ville. Un conte cruel.
Et puis il  y a les riches et les pauvres et c'est de ce côté que se situe Adrian avec ses vêtements trop grands pour qu'il puisse les porter longtemps même si c'est disgracieux. Et il y a l'orphelinat et ceux qui y vivent sont bizarres parce qu'ils n'ont pas de parents comme cette grande fille à l'école qui se prend pour une jument et sombre dans la folie. 
La  folie et la mort : ce sont les thèmes omniprésents du récit : l'oncle du petit garçon n'a plus le courage de vivre depuis qu'il a tué son ami dans un accident de voiture, la voisine s'éteint lentement vaincue par le cancer, les petits disparus sont certainement morts eux aussi. L'enfance est abandonnée, laissée à elle-même, l'amour des parents est une chose peu sûre, précaire, l'amitié aussi. Adrian l'apprendra à ses dépens. Il y a une désespérance qui règne dans tout le roman. La cruauté est partout, des adultes envers les enfants, mais aussi des enfants entre eux. Pourtant l'enfant sait encore rêver, dessine le dessin de ce monstre marin décrit par le journal,  rêve d'avoir un chien,  se crée un monde magique où une soupière joue un très grand rôle, un monde étrange que Sonya Harnett décrit avec poésie. Un beau roman.




dimanche 4 mars 2012

Les Romantiques et le fantastique : Lénore, Gottfried A.Bürger/ Gérard de Nerval


 Horace Vernet (1839)La Ballade de Lénore Musée des Beaux Arts de Nantes


La ballade de Lénore ou les Morts vont vite est une oeuvre célèbre du poète romantique allemand Gottfried August Bürger  (1747_1794). Celui-ci est  aussi l'auteur d'autres ballades comme le Féroce chasseur, La fille du pasteur et des Fabuleuses Aventures du Légendaire Baron de Munchhausen.
On raconte  qu'après avoir entendu une jeune fille chanter les vers suivants :
La lune est claire
Les morts vont si vite à cheval
Dis, chère amie, ne frissonnes-tu pas? 
 il n'eut de cesse d'écrire ce poème. Lorsqu'il lut Léonore devant une petite assemblée littéraire, Bürger se demandait si le poème allait plaire. Au moment où le mystérieux cavalier monté sur le cheval noir arrive à la grille de fer et brise le verrou, Gottfried Bürger frappa contre la cloison. L'auditoire suspendu aux lèvres du lecteur sursauta et se leva brusquement, pris de frayeur. Le poète comprit alors qu'il avait gagné. Le succès allait dépasser toutes ses espérances puisque la ballade eut un succès national considérable et dépassa bien vite les frontières. 

Lenore par Louis Boulanger
Lénore a, en effet, hanté, l'imaginaire de nombreux écrivains : Germaine de Stael  la première le fait connaître en France,  Gérard de Nerval traduit la ballade, en Angleterre, Walter Scott et  Dante Gabriel Rossetti font  de même. En Russie, Dimitri Joukovsky, poète romantique (1783-1852) l'imite. Elle a de plus donné lieu à de nombreuses interprétations aussi bien de la part des peintres que des musiciens. Dans cette ballade qui nous plonge dans le romantisme fantastique, Lénore attend le retour de son bien-aimé parti à la guerre heureusement  terminée. Hélas! Wilhelm ne revient pas. La jeune fille malgré les exhortations de ses parents n'accepte pas la disparition  du jeune homme et se désespère, se révoltant contre Dieu et attirant ainsi sur elle la colère divine. A minuit un mystérieux cavalier qu'elle prend pour son amoureux vient la chercher ... 

Extraits traduits par Gérard de Nerval

 Ary Scheffer : Les morts vont vite  (Musée de l'art romantique de Paris)

Mais au dehors quel bruit se fait entendre ? Trap ! trap ! trap !….. C’est comme le pas d’un cheval. Et puis il semble qu’un cavalier en descende avec un cliquetis d’armures ; il monte les degrés…. Écoutez ! écoutez !… La sonnette a tinté doucement… Klinglingling ! et, à travers la porte, une douce voix parle ainsi :

— » Holà ! holà ! ouvre-moi, mon enfant ! Veilles-tu ? ou dors-tu ? Es-tu dans la joie ou dans les pleurs ? — Ah ! Wilhelm ! c’est donc toi ! si tard dans la nuit !… Je veillais et je pleurais….. Hélas ! j’ai cruellement souffert…. D’où viens-tu donc sur ton cheval ?

— » Nous ne montons à cheval qu’à minuit; et j’arrive du fond de la Bohême : c’est pourquoi je suis venu tard, pour te remmener avec moi. — Ah! Wilhelm, entre ici d’abord ; car j’entends le vent siffler dans la forêt…..

— » Laisse le vent siffler dans la forêt, enfant ; qu’importe que le vent siffle. Le cheval gratte la terre, les éperons résonnent ; je ne puis pas rester ici. Viens, Lénore, chausse-toi, saute en croupe sur mon cheval ; car nous avons cent lieues à faire pour atteindre à notre demeure.

— » Hélas ! comment veux-tu que nous fassions aujourd’hui cent lieues, pour atteindre à notre demeure ? Écoute ! la cloche de minuit vibre encore. — Tiens ! tiens ! comme la lune brille !…. Nous et les morts, nous allons vite ; je gage que je t’y conduirai aujourd’hui même.

— Dis-moi donc où est ta demeure ?

Y a-t-il place pour moi ? — Pour nous deux. Viens, Lénore, saute en croupe : le banquet de noces est préparé, et les conviés nous attendent. »

La jeune fille se chausse, s’élance, saute en croupe sur le cheval ; et puis en avant ; hop ! hop ! hop ! Ainsi retentit le galop…. Cheval et cavalier respiraient à peine ; et, sous leurs pas, les cailloux étincelaient.

Oh ! comme à droite, à gauche, s’envolaient à leur passage, les prés, les bois et les campagnes ; comme sous eux les ponts retentissaient ! « — A-t-elle peur, ma mie ? La lune brille….. Hurra ! les morts vont vite. A-t-elle peur des morts ? — Non….. Mais laisse les morts en paix !

» Qu’est-ce donc là-bas que ce bruit et ces chants ? Où volent ces nuées de corbeaux ? Écoute….. c’est le bruit d’une cloche ; ce sont les chants des funérailles : « Nous avons un mort à ensevelir. » Et le convoi s’approche accompagné de chants qui semblent les rauques accents des hôtes des marécages.

― » Après minuit vous ensevelirez ce corps avec tout votre concert de plaintes et de chants sinistres : moi, je conduis mon épousée, et je vous invite au banquet de mes noces. Viens, chantre, avance avec le chœur, et nous entonne l’hymne du mariage. Viens, prêtre, tu nous béniras.

Plaintes et chants , tout a cessé….. la bière a disparu….. Sensible à son invitation , voilà le convoi qui les suit….. Hurra ! hurra ! Il serre le cheval de près, et puis en avant ! Hop ! hop ! hop ! ainsi retentit le galop….. Cheval et cavalier respiraient à peine, et sous leurs pas les cailloux étincelaient.

Oh! comme à droite, à gauche s’envolaient à leur passage les prés, les bois et les campagnes. Et comme à gauche, à droite, s’envolaient les villages, les bourgs et les villes. — « A-t-elle peur, ma mie ? La lune brille Hurra! les morts vont vite….. A-t-elle peur des morts ? — Ah ! laisse donc les morts en paix.

― » Tiens ! tiens ! vois-tu s’agiter, auprès de ces potences, des fantômes aériens, que la lune argente et rend visibles ? Ils dansent autour de la roue. Çà ! coquins, approchez ; qu’on me suive et qu’on danse le bal des noces….. Nous allons au banquet joyeux. »

Husch ! husch ! husch ! toute la bande s’élance après eux, avec le bruit du vent, parmi les feuilles desséchées : et puis en avant ! Hop ! hop ! hop ! ainsi retentit le galop. Cheval et cavalier respiraient à peine, et sous leurs pas les cailloux étincelaient.

Oh ! comme s’envolait, comme s’envolait au loin tout ce que la lune éclairait autour d’eux !…. Comme le ciel et les étoiles fuyaient au-dessus de leurs têtes! » — A-t-elle peur, ma mie ? La lune brille…. Hurra ! les morts vont vite….. — Oh mon Dieu ! laisse en paix les morts.

— » Courage, mon cheval noir. Je crois que le coq chante : le sablier bientôt sera tout écoulé….. Je sens l’air du matin Mon cheval , hâte-toi….. Finie , finie est notre course ! J’aperçois notre demeure…. Les morts vont vite….. Nous voici ! »

Il s’élance à bride abattue contre une grille en fer, la frappe légèrement d’un coup de cravache….. Les verroux se brisent, les deux battants se retirent en gémissant. L’élan du cheval l’emporte parmi des tombes qui, à l’éclat de la lune, apparaissent de tous côtés.

Ah ! voyez !… au même instant s’opère un effrayant prodige : hou ! hou ! le manteau du cavalier tombe pièce à pièce comme de l’amadou brûlée ; sa tête n’est plus qu’une tête de mort décharnée, et son corps devient un squelette qui tient une faux et un sablier.

Le cheval noir se cabre furieux, vomit des étincelles, et soudain….. hui ! s’abîme et disparaît dans les profondeurs de la terre : des hurlements, des hurlements descendent des espaces de l’air, des gémissements s’élèvent des tombes souterraines….. Et le cœur de Lénore palpitait de la vie à la mort.

Et les esprits, à la clarté de la lune, se formèrent en rond autour d’elle, et dansèrent chantant ainsi : « Patience ! patience ! quand la peine brise ton cœur, ne blasphème jamais le Dieu du ciel ! Voici ton corps délivré….. que Dieu fasse grâce à ton âme ! »

Source : Pour lire le poème entièrement





Lenore Poème symphonique par Henry Duparc

Henri Duparc, de son nom patronymique Eugène Marie Henri Fouques Duparc, né à Paris le 21 janvier 1848 et mort à Mont-de-Marsan (Landes) le 12 février 1933, est un compositeur français.



Un livre/ Un film : Stieg Larsson Millenium




Réponse à l'énigme N°24  du jeu littérature/ Cinéma : Un livre/un film


69968339_pLe prix  de la Suède Noire est attribué à  : Aifelle, Asphodèle, Dasola, Eeguab,  Keisha,  Lireau jardin, Maggie, Marie-Josée, Syl,  Zoé..

Pour le livre : Stieg Larsson Millenium : Tome 1 les hommes qui n'aimaient pas les femmes
Pour le film  : Millenium Tome 1 les hommes qui n'aimaient pas les femmes Réalisée par David Fincher avec  Daniel Craig, Rooney Mara 



 J'ai déjà publié un billet sur Millenium ICI  en voici quelques extraits :

(...)  Le volume 1, Les hommes qui n'aimaient pas les filles,  concerne la disparition de la nièce d'un riche industriel Henrik Vanger,  qui demande à Mikael Blomkvist, journaliste d'investigations sociales et économiques, de reprendre l'enquête abandonnée quarante ans auparavant. Depuis le vieil homme n'a cessé de recevoir pour chaque anniversaire un tableau composé de fleurs séchées semblable à celui offert par la jeune fille à son oncle avant sa disparition. Ce qui va amener Blomkvist à découvrir les secrets enfouis d'une grande famille d'industriels et à risquer sa vie  sur les traces de ces hommes qui n'aiment pas les femmes.
Parallèlement nous sommes intrigués par le mystère qui entoure Lisbeth Salander,  jeune femme qui aide Blomkvist dans son enquête.(...)

L'histoire de Salander court sur les trois volumes doublant le récit policier qui dans le volume 2, La fille qui rêvait d'un bidon d'essence et d'une allumette, présente une nouvelle enquête de Mikael Blomkvist sur des jeunes filles venues de l'est,  prostituées et assassinées dans l'indifférence générale, de la police à l'état.
Le volume 3, La Reine dans le palais des courants d'air, résoudra le mystère de la vie de Lisbeth Salander liée à des secrets d'état et aux activités souterraines de membres de la Sapö, police de sûreté suédoise... Ainsi le livre de Stieg Larsson au-delà de l'intrigue policière est aussi une présentation de la Suède et une dénonciation du dysfonctionnement de la démocratie et des courants d'extrême droite qui agitent le pays. (...)

Et oui! elle est fascinante, cette Elizabeth Salander et même si ce n'est pas toujours crédible, il semble qu'elle ait sept vies comme les chats! Elle semble être née sous la plume de l'auteur pour venger les victimes féminines, les obscures, les faibles, de tous les gros dégueulasses, misogynes, violeurs, barbares, cruels, qui empoisonnent cette terre.
Et, encore une fois, même si ce n'est pas très vraisemblable, lorsque ce petit bout de  femme met à mal les Gros Bras, aplatit les machistes, et ben, oui, je l'avoue, c'est un plaisir que l'on n'a pas le droit de se refuser! Car, même si la "morale" de Salander est douteuse (il vaut mieux être de ses amis!), au moins, elle est guidée par un sentiment de justice! Ce qui n'est pas le cas pour ceux qui détiennent le pouvoir et l'apparence de l'honorabilité.  Et puis, après tout, on est dans un roman! Stieg larsson tient à nous le préciser, d'ailleurs, car Salander c'est Fifi Brin d'Acier, (Pippi Langstrump en suédois), l'héroïne célèbre d'un livre pour enfants écrit par Astrid Lindgren.
Et du coup l'on se rend compte que les titres sonnent comme ceux de contes de fées : la fille qui rêvait.. la reine, le palais...  Un conte de fées noir, dans un pays bien noir, où l'histoire finit... bien?

samedi 3 mars 2012

Un livre, un Jeu : Enigme n°24




Wens de En effeuillant le chrysanthème et moi-même, nous vous proposons, le samedi, un jeu sous forme d'énigme qui unit nos deux passions : La littérature et le cinéma! Il s'intitule : Un livre, Un film.

Chez Wens vous devez trouver le film et le réalisateur, chez moi le livre et l'auteur.

Consignes :  Vous pouvez donner vos réponses par mail (que vous trouverez dans mon profil) : Qui êtes-vous? et  me laisser un mot dans les commentaires sans révéler la réponse pour m'avertir de votre participation. Le résultat de l'énigme et la proclamation des vainqueurs seront donnés le Dimanche.
Enigme 24

Ce roman policier écrit par un écrivain scandinave est devenu un best-seller international. Pas étonnant qu'il ait connu plusieurs adaptations cinématographiques.. Je ne vous en dis pas plus...

Le procès irrévocablement terminé et tout ce qui pouvait être dit avait été dit. Il n'avait pas douté une seconde qu'on allait le déclarer coupable. Le jugement avait été rendu dès 10 heures du matin ce vendredi, et il ne restait maintenant plus qu'à écouter l'analyse des journalistes qui attendaient dans le couloir du tribunal.
M.B. les vit par l'entrebâillement de la porte et il se retint quelques secondes. Il n'avait pas envie de discuter le verdict dont il venait d'obtenir la copie, mais les questions étaient inévitables et il savait - mieux que quiconque - qu'elles devaient être posées et qu'il fallait y répondre. C'est comme ça que ça fait d'être un criminel, pensa-t-il. Du mauvais côté du micro. Il s'étira, mal à l'aise, et essaya d'arborer un sourire. Les reporters le lui rendirent et hochèrent gentiment la tête, presque gênés.

jeudi 1 mars 2012

Sophie Chaveau : Fragonard et l'invention du Bonheur

Fragonard : La lectrice (le fameux jaune de Fragonard)


 Quatrième de couverture :
Paris 1761, dans le rougeoiement crépusculaire de la monarchie, une couleur nouvelle apparaît, un "jaune vie" éclatant, qui va révolutionner d'un sourire l'art pictural.
Frangonard invente le bonheur... et Sophie Chauveau, avec le talent si particulier qui est le sien, brosse avec un formidable luxe de détails, la fresque foisonnante et méconnue de ses soixante-quatorze années d'existence. Du soleil de Grasse aux ruelles lugubres de la capitale, des ateliers de Chardin ou Boucher à l'école de Rome, d'un Louvre totalement inconnu, véritable cité des artistes, aux intrigues assassines des salons du Paris pré-révolutionnaire, des horreurs de la Terreur aux diktats imprévisibles de l'Empire, Jean-Honoré Fragonard traverse miraculeusement un demi-siècle de chaos.
Eternel amoureux d'une famille recomposée très particulière et de la ribambelle d'animaux qui l'entoure, Fragonard est le jouet des caprices des puissants mais ne se soumet qu'à son seul désir : peindre. Précurseur des impressionnistes, premier conservateur du futur musée du Louvre par la grâce de Napoléon avec le soutien actif de David, il pose un regard nouveau sur l'amour.-, ivre de couleur et de lumière."Frago" comme il signe lui-même ses oeuvres, aura toujours choisi la voie faussement futile de la légèreté. Certains historiographes de l'art ne lui ont jamais pardonné. Sophie Chauveau balaie leurs doutes avec jubilation et une profonde tendresse.



 Fragonard : les heureux hasards de l'escarpolette


Si j'ai choisi de lire Fragonard, L'invention du bonheur, de Sophie Chaveau, c'est pour deux raisons. J'avais beaucoup aimé sa Passion Lippi et le titre du livre choisi, dans le cadre du challenge de Calypso, devait contenir le mot bonheur. 

 Par contre, je n'étais pas, à l'origine, particulièrement attirée par ce peintre. Si j'apprécie les portraits de Fragonard comme celui de la Lectrice, je n'aime pas particulièrement ses grands tableaux ou ses oeuvres  légères et surtout le style Rococo qui au XVIII ème siècle regroupe en France, à côté de Fragonard,  Watteau, Boucher, Greuze... Ce qui ne m'a pas empêchée de découvrir avec plaisir la vie de tous ces peintres et leur conception picturale car Sophie Chaveau  connaît avec précision cette période artistique et sait la faire revivre.
Le Rococo touche tous les arts, l'architecture en particulier, l'ameublement, la peinture et vient de la fusion du baroque italien et du style rocaille à la française, reprenant des ornementations des grotesques de la Renaissance : feuillages, masques, coquilles, dragons. Le mouvement s'envole, les lignes serpentent, s'enroulent, sinuent. Ce style foisonnant dont les sujets sont souvent érotiques et légers est le reflet d'une société libertine qui oublie les maux de ce siècle en se divertissant, en s'adonnant aux plaisirs, aux fêtes galantes ; une société aristocratique qui refuse de voir l'orage qui menace préfigurant la révolution. Une société qui invente le mot bonheur et dont Fragonard est le plus illustre des représentants.  Car il faut bien reconnaître que Fragonard, est un grand maître de la peinture,  un peintre exceptionnellement doué et son splendide jaune, inimitable, est un reflet du soleil de sa ville, Grasse, qu'il aimait tant.


Le mérite de Sophie Chaveau est d'avoir raconté une histoire à laquelle on s'intéresse, celle d'un petit garçon né en 1732 à Grasse dans un milieu modeste qui part à Paris avec sa mère pour rejoindre un père joueur et volage qui les avait abandonnés. L'écrivain dresse un beau portrait de cette femme qui pressentant le génie de son fils s'épuise pour qu'il puisse suivre des études de peinture d'abord dans l'atelier de Chardin puis de Boucher. Nous suivons toute sa carrière, sa brillante réussite, quand prix de Rome, il part en Italie, à la villa Médicis, pendant quelques années. Nous partageons son amour des enfants et des animaux qui peuplent  et animent son atelier du Louvre et se retrouvent dans ses tableaux. Fragonard peint toujours dans un joyeux désordre, un tumulte heureux, entouré de sa famille et des amis, artistes qui sont tous réunis dans les résidences délabrées et insalubres du Louvre que le roi consent à mettre à leur disposition.  Nous découvrons sa femme Marie-Anne Gérard-Fragonard, peintre de miniatures, et la soeur de celle-ci, Marguerite Gérard, qui devint un peintre célèbre et mondain sous le Directoire.


Rosalie, la file de Jean-Honoré et Marie-Anne Fragonard

Cette biographie est vivante même si l'on ne distingue pas trop bien les faits avérés de ceux qui sont purement imaginaires. Par exemple, Fragonard a t-il réellement eu un enfant de sa belle soeur Marguerite, bébé que Marie-Anne accepta de faire passer pour son fils, le petit Alexandre-Evariste dit Fanfan? Quelle est la part romancée? Ce qui est sûr c'est que Fragonard fut anéanti par la mort de sa fille chérie, la petite Rosalie, et qu'il cessa de peindre, traversant la Révolution et l'Empire en perdant peu à peu au milieu de la Terreur son goût du bonheur.
Ce qui est certain aussi c'est que Sophie Chaveau aime son personnage, le petit Frago, ce grand peintre qui préfère les thèmes galants et légers plutôt que graves qu'il interprète cependant sans vulgarité. Il est vrai que Fragonard se libérait ainsi des contraintes de l'Académie qui imposait le sujet historique comme Genre noble, ce que le peintre détestait particulièrement. D'autre part l'auteur, comme toujours, parle très bien de la peinture, elle nous fait découvrir les tableaux, la matière, les couleurs, en critique d'art mais aussi avec une chaleur et enthousiasme communicatifs.
J'ai trouvé par contre que la période historique et philosophique était un peu superficiellement traitée et j'aurais aimé, pour une fois, éviter le poncif, de la "petite reine" Marie-Antoinette si innocente marchant vaillamment vers l'échafaud! Mais, bon, c'est un détail qui n'empêche pas de se plonger dans cette lecture agréable  qui nous apprend bien des choses sur l'art du XVIII siècle.

Chardin

 Chardin a été pour Fragonard un bon maître qui tout en laissant libre le jeune artiste lui enseigne son art par imprégnation,  par l'observation. Mais cet apprentissage ne plaisait pas au jeune homme, lui qui rêvait du luxe, de la richesse, de la beauté des modèles féminins, de l'ambiance de l'atelier de Boucher.
Or, il se trouve que parmi ces artistes, c'est justement Chardin que j'apprécie le plus! Sophie Chaveau analyse bien la différence entre ces deux styles de peinture. Elle en parle si bien qu'elle me fait comprendre pourquoi j'aime les tableaux de Chardin alors que je suis pas spécialement attirée par les natures mortes. Chardin choisit des objets modestes, sans gloire, pour sujets de sa peinture, des pots d'étain, des oignons, des fannes de carottes peu importe... et il les peint lentement :

Chardin ôte le brillant des choses pour en extraire la sève, en tirer une autre réalité.... Rendre le relief, les infinies nuances de lumière, la gravité, les mystères des ombres, toutes ces subtilités qu'il ne parvient pas à trouver dans cette fichue assiette ébréchée de Chardin. Tout le jour, il gratte aux côtés du bonhomme à lunettes et à bonnet.... Les mois passent. Pourtant il sent son regard changer. Chardin lui ouvre un autre monde, une autre vision du Monde.


 Jean Siméon Chardin


 François Boucher


Madame de Pompadour

Avec François Boucher, le maître bien aimé de Fragonard, on est loin de l'austérité de Chardin! Fragonard est heureux de l'avoir pour maître et apprécie son caractère affable, l'effervescence  et la joyeuse camaraderie qui règnent dans l'atelier.

Boucher l'a beaucoup fait travailler mais selon sa dernière manière. Celle de sa gloire aux couleurs du badinage, aux humeurs de boudoir... Manière pleine de grâce et de légèreté à la semblance de toutes ces Madame Boucher, sensuelles et roses, de ses angelots dodus et nacrés, et des ciels estompés de crème qui parsèment ses tableaux.



 Jean-Baptise Greuze 

 Greuze :  La malédiction paternelle

 Jean-Baptiste Greuze est un ami qu'il connut à Rome.  Lui aussi un atelier dans la galerie du  Louvre où il aménage avec sa femme qui le trompe à qui mieux mieux et lui fait des scènes violentes. Il n'ose pas répliquer et attend  patiemment  qu'elle en ait fini avec ses amants, cachée derrière un paravent. Tous le méprisent et le blâment :


 Dans toute la galerie on le fuit, et la peinture de Greuze toujours en vogue, commence à sombrer dans un moralisme qui cherche à opposer un démenti à sa vie. Et aux moeurs de sa femme. Ainsi prêche-t-il une petite morale sucrée. Qu'il aimerait tant insuffler à sa mégère.

Greuze :  la cruche cassée qui symbolise la perte de la virginité





 Marguerite Gérard

                                                     
Avec Marguerite Gérard, la belle soeur de Fragonard, retour à une peinture plus froide, plus conventionnelle, bien léchée, très différente de la manière de Fragonard qui n'est plus à la mode.


 Quelques tableaux de Fragonard

Fragonard : La fête de Rambouillet



 Fragonard : très jeune fille jouant avec son chien (La Gimblette)

 Une gimblette est une pâtisserie provençale avec laquelle la fillette attire son chien. Tous les tableaux de jeunes filles plus ou moins dénudée jouant avec leur chien s'appellent désormais des Gimblette.


Merci à Dialogues croisés pour l'envoi de ce livre



mercredi 29 février 2012

Jane Austen : Lady Suzan






Lady Suzan est le premier roman de Jane Austen qui l'a écrit alors qu'elle n'avait que 18 ou 19 ans. Elle n'a jamais songé à le publier. Il ne parut qu'en 1871, soit 54 ans après sa mort.
Ce court roman épistolaire ne manque pourtant pas de piquant. L'ironie lucide et caustique de Jane Austen s'y exerce avec finesse. Certes, il ne s'agit pas d'un de ses grands romans, mais cette oeuvre de jeunesse est un petit régal!  Il est regrettable que l'écrivaine le termine, malheureusement, de façon si abrupte comme si elle s'en désintéressait. 

Plusieurs personnages s'y croisent mais les deux principales sont Lady Suzan Vernon et Catherine Vernon, sa belle-soeur. Elle s'adressent toutes deux à des destinataires différents, Lady Suzan principalement à sa meilleure amie Alicia Johnson, et Madame Vernon à sa mère Lady de Courcy dont elles reçoivent des réponses qui complètent le récit. D'autres correspondants interviennent aussi, ce qui permet à travers ces échanges de suivre l'histoire mais aussi de découvrir tous les protagonistes du roman. Ainsi Lady Suzan si l'on en croit sa première lettre où elle réclame l'hospitalité à son frère est une femme honorable, veuve  éplorée, injustement décriée par des amis et surtout par madame Manwaring qui l'accuse de coquetterie envers son mari. Elle adore sa fille Frédérica, désagréable et sauvage, dont l'éducation la préoccupe beaucoup. Elle est donc obligée de la mettre en pension, ce qu'elle ne fait qu'avec tristesse.
Mais les écrits qu'elle envoie à sa meilleure amie Madame Johnson présentent un autre éclairage : Lady Suzan est la maîtresse de M. Manwaring, elle déteste sa fille dont elle n'a pas envie de s'occuper. Elle veut la marier de force à Sir James et l'envoie en pension pour l'obliger à y consentir.
Les lettres de madame Vernon contrainte de recevoir lady Suzan chez elle, nous permettent de compléter le tableau. Lady Suzan a jeté son dévolu sur le frère de madame Vernon, Reginald de Courcy et entreprend de le séduire tout en continuant à voir son amant Manwaring. Frédérica se révèle une jeune fille charmante et timide, terrorisée par sa mère mais décidée à refuser le mariage que cette dernière veut lui imposer. De plus, elle tombe amoureuse de Reginald alors que celui-ci qui n'a d'yeux que pour sa mère.  Lady Suzan arrivera-t-elle à ses fins?  Fréderica et Reginald seront-ils ses victimes?

Ces lettres permettent une variation du point de vue et nous éclairent sur la vérité des caractères au-delà des apparences. Jane Austen nous livre là une comédie amère et mordante de la société de son temps.
Le cynisme dont font preuve les deux amies, Suzan et Alicia, dans leur correspondance nous montrent des femmes coquettes et égoïstes, uniquement préoccupées d'elles-mêmes, intéressées et même avides, habituées à s'épauler pour tromper leur mari. Plus encore que l'immoralité de Lady Suzan, c'est son hypocrisie que l'auteure fustige. Lady Suzan se sert de sa beauté mais aussi du beau langage, de l'art de convaincre, comme d'une arme. Elle sait que la beauté n'est pas tout, là où il n'y pas l'intelligence.
L'ironie déployé par Austen à propos de ces dames est assez jubilatoire. Je vous laisse en juger!
Extrait d'une lettre d'Alicia Johnson à lady Zuzan. Madame Johnson pensait profiter de l'absence de son mari qui partait à Bath pour s'amuser avec son amie et ses soupirants.

M. Johnson a trouvé le moyen le plus efficace de tous nous tourmenter. J'imagine qu'il a entendu dire que vous seriez bientôt à Londres et sur le champ il s'est arrangé pour avoir une attaque de goutte suffisante pour retarder, à tout le moins, son voyage à Bath, sinon pour l'empêcher tout  à fait.

Réponse de Lady Suzan

Ma chère Alicia, quelle erreur n'avez-vous pas commise en épousant un homme de son âge - juste assez vieux pour être formaliste, pour qu'on ne puisse avoir prise sur lui et pour avoir la goutte-, trop sénile pour être aimable et trop jeune pour mourir.

Mais si les femmes sont malmenés par sa plume acerbe, les hommes ne sont pas épargnés!  Le frère de Lady Suzan est un homme bon mais sans caractère, incapable de juger ce que fait sa soeur, ni d'avoir un peu d'autorité

Monsieur Vernon qui, comme on a déjà dû s'en apercevoir ne vivait que pour faire ce que l'on attendait de lui...

Quant à Reginald qui, au départ, se croit supérieur à Lady Suzan et la méprise, il n'a que ce qu'il mérite en tombant dans les filets de la dame et en ayant le coeur brisé! Brisé? Encore que...

Reginald de Courcy à force de paroles adroites, de flatteries, de ruses, fût amené à prendre du goût pour elle*, ce qui, compte tenu du temps nécessairement imparti à vaincre son attachement pour la mère, à renoncer à tout autre lien et à prendre les femmes en abomination, pouvait être raisonnablement attendu dans un délai d'un an. Trois mois peuvent suffire en général, mais Reginald avait des sentiments qui n'étaient pas moins vivaces qu'ardents.   * Frederica
Féroce, Jane Austen, je vous l'avais dit! Et dire que certain(e)s la jugent romantique!  J'ai parfois l'impression de lire du Voltaire dans le domaine du sentiment!


Voici un livre de Jane Austen que je n'avais pas encore lu. C'est chose faite aujourd'hui grâce à la lecture commune du blogclub! 

Que disent-ils de la Politique ? Beaumarchais : Feindre d'ignorer ce qu'on sait...

 

 Je publierai ici, en cette période de préélectorale où l'on ne nous a jamais autant sollicités,  nous les représentants du peuple, les pensées de grands philosophes, écrivains, hommes politiques, français ou étrangers!


 Feindre d’ignorer ce qu’on sait, de savoir tout ce qu’on ignore, d’entendre ce qu’on ne comprend pas, de ne point ouïr ce qu’on entend ; surtout de pouvoir au-delà de ses forces ; avoir souvent pour grand secret de cacher qu’il n’y en a point ; s’enfermer pour tailler des plumes et paraître profond, quand on n’est, comme on dit, que vide et creux ; jouer bien ou mal un personnage ; répandre des espions et pensionner des traîtres ; amollir des cachets ; intercepter des lettres* ; et tâcher d’ennoblir la pauvreté des moyens par l’importance des objets : voilà toute la politique ou je meure !

       Le Mariage de Figaro

*Mettre sous écoute : On a fait des progrès depuis le XVIII °! Modernisons un peu le texte!

dimanche 26 février 2012

Les Romantiques et le soleil : Victor Hugo, William Turner, Caspar David Friedrich, Frantz Schubert


Joseph  Mallord William Turner :  Soleil couchant sur un lac (1840)

 William Turner (1775-1851), peintre romantique anglais, devient par sa recherche sur la lumière, le précurseur des impressionnistes.  Dans ce tableau, soleil couchant sur un lac, le peintre est passionné par la  puissance tumultueuse de la lumière qui dissout le paysage, efface les personnages, gomme les formes presque jusqu'à l'abstraction. Les reflets dans l'eau ont plus de consistance que le paysage réel.  Les ors éclatants du soleil pénètrent la brume cotonneuse, aux blancs lumineux, translucides. Tout est vibrant de lumière. C'est un hymne au soleil qui va disparaître dans le lac.


Soleils couchants

Le soleil s'est couché ce soir dans les nuées;
Demain viendra l'orage, et le soir, et la nuit ;
Puis l'aube, et ses clartés de vapeurs obstruées ;
Puis les nuits, puis les jours, pas du temps qui s'enfuit !
Tous ces jours passeront ; ils passeront en foule
Sur la face des mers, sur la face des monts,
Sur les fleuves d'argent, sur les forêts où roule
Comme un hymne confus des morts que nous aimons.
Et la face des eaux, et le front des montagnes,
Ridés et non vieillis, et les bois toujours verts
S'iront rajeunissant ; le fleuve des campagnes
Prendra sans cesse aux monts le flot qu'il donne aux mers.
Mais moi, sous chaque jour courbant plus bas ma tête,
Je passe, et, refroidi sous ce soleil joyeux,
Je m'en irai bientôt, au milieu de la fête,
Sans que rien manque au monde immense et radieux !
(Les Feuilles d'Automne)

Pour Victor Hugo (1802-1885), le coucher du soleil est prétexte à une méditation romantique sur le temps qui passe. Cette vision ne donne pas lieu à  une description pittoresque et colorée mais constitue un point de départ qui entraîne le promeneur très loin dans l'espace et le temps. L'impression générale est celle d'un mouvement vertigineux qui ne cesse de s'accélérer et qui permet au poète de faire sentir la rapidité de ce passage. Hugo oppose l'homme, éphémère et mortel, à la Nature personnifiée, qui renaît toujours, et est en cela immortelle. Le poète présente une méditation  sur la Mort et sur sa propre disparition.

Dans les deux tableaux suivants, Caspar David Friedrich(1774 -1840), chef de file de la peinture romantique allemande, oppose le le lever du soleil au soleil couchant. Dans les deux images, les personnages sont vus de dos, ce qui permet au peintre de les présenter dans un face à face exclusif et  spirituel avec la Nature, en communion avec elle et prêts à recevoir ce qu'elle leur enseigne.

Caspar David Friedrich : Femme au soleil levant

Cette jeune femme, l'épouse de Caspar David  Friedrich, est placée au centre du tableau dans un paysage champêtre délicatement teinté par les rayons naissants du soleil. Elle contemple des montagnes lointaines  baignées d'une lumière aux teintes douces. Au centre, au-dessus de sa tête et autour d'elle,  part, du mont le plus élevé,  un faisceau de rayons qui encercle le personnage et forme comme un halo autour d'elle. Elle est magnifiée par la lumière. Sa silhouette élancée, dans cette robe sombre, aux plis hiératiques, se dresse, les bras baissés, tournant la paume de ses mains vers le soleil comme dans une action de grâce. Elle accueille la naissance du jour avec reconnaissance. Elle symbolise la jeunesse, le renouveau et le recueillement et paraît animée d'un sentiment mystique.


Caspar David Friedrich : paysage au soleil couchant


Dans ce tableau, paysage au soleil couchant, les deux hommes, de dos, immobiles sur un  tertre élevé, regardent le soleil se coucher au-dessus de la mer et des îles dans le lointain. La nuit est déjà là et l'obscurité enveloppe les silhouettes noires qui se découpent sur le ciel encore lumineux comme des ombres. Les montagnes qui les entourent baignent dans l'obscurité. Les personnages ne sont pas au centre de l'image mais décalés sur la gauche pour laisser plus de place à la vision du paysage qui dans sa beauté éclatante semble inquiétant, prêt à plonger dans le néant. La mort est donc bien présente dans la méditation de ces deux hommes. Ceux-ci ne sont pas magnifiés comme dans l'image précédente de la jeune femme. Ils paraissent ainsi plus fragiles, mais leur rapprochement, coude à coude, face à la grandeur de la Nature et et au néant, suggère une idée de solidarité et d'amitié.




Frantz Schubert : Im Abendrot : Crépuscule (Ciel rose du soir)








Un livre/ Un film : Réponse à l'énigme N°23 chez Keisha




Vous ne vous en êtes peut-être pas aperçu (SI?) mais il s'agissait d'une première pour le jeu un Livre/un film car c'est Keisha qui a proposé cette énigme n° 23. C'est donc chez Keisha que vous irez lire le billet sur le livre proposé : Texasville de Larry Mc Murty et chez Wens le film du même titre de Peter Bogdanovitch.

 Vous avez tiré la langue et nombreux sont ceux qui ont abandonné en chemin. Trois vainqueurs seulement au prix Texas décerné par Keisha : Aifelle, Eeguab, Somaja, Kathel
Le prix de la combativité et de la persévérance est accordé à Syl
Merci aux courageuses qui se sont perdues dans les  plaines du Texas : Dominique et sa machine à laver en crue, Dasola et Gwenaelle. 

A samedi prochain!



samedi 25 février 2012

Un livre/ Un film : énigme N°23




Wens de En effeuillant le chrysanthème et moi-même, nous vous proposons, le samedi, un jeu sous forme d'énigme qui unit nos deux passions : La littérature et le cinéma! Il s'intitule : Un livre, Un film.

Chez Wens vous devez trouver le film et le réalisateur, chez moi le livre et l'auteur.

Consignes :  Vous pouvez donner vos réponses par mail (que vous trouverez dans mon profil) : Qui êtes-vous? et  me laisser un mot dans les commentaires sans révéler la réponse pour m'avertir de votre participation. Le résultat de l'énigme et la proclamation des vainqueurs seront donnés le Dimanche.
 
Enigme 23
 
Ce roman d'un écrivain américain parut pour la première fois en 1987. Il reprend les personnages d'un roman précédent, et il sera suivi par un autre roman avec le même héros mais il peut se lire indépendamment. L'action se passe dans l'état de naissance de l'auteur. Les dialogues nous font rire mais n'empêchent cependant pas de ressentir le mal être du héros, cinquantenaire, coincé entre femme, ex-maîtresses, et enfants. Le livre et le film portent le même titre.

S. un berger noir du Queensland, sursautait à chaque détonation. Contrairement à D., il ne portait pas de casque sur les oreilles, mais il aimait tant son maître qu'il ne le quittait pas d'une semelle, même au risque de devenir sourd.
(...) Julie et Jack, les jumeaux, s'amusaient à lui lancer des pierres dès que leur père avait le dos tourné.  Pour des gamins de onze ans, ils se défendaient plutôt bien et ils manquaient rarement leur cible. S. ne leur en tenait pas rigueur. Il prenait ça pour une marque d'affection.