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jeudi 31 janvier 2013

Shakespeare : Coriolan Lecture commune

Adaptation de Coriolan par Ralph Fiennes


Dans ses Vies des hommes illustres Plutarque s'intéresse à un personnage de la République romaine archaïque, Caius Marcius Corolianus.

C'est de cette source que s'inspire Shakespeare pour mettre en scène ce général romain qui gagna le surnom de Corolianus pour avoir combattu  les Volsques, un des plus anciens peuples d'Italie, ennemi de Rome, et pour avoir vaincu la cité volsque de Corioles en 493 av.JC.
Ennemi des plébéiens, Corolian, soutenu par les patriciens, s'oppose aux tribuns du peuple Sicinius Velutus et Junius Brutus. Les tribuns obtiennent sa condamnation à l'exil. Coriolan se réfugie alors chez les Volsques et se met au service de leur général Audifius, jusqu'alors son ennemi personnel, pour combattre Rome. Après de nombreuses victoires, il parvient aux portes de Rome à la tête des Volsques. Le Sénat et le peuple romain lui envoient des délégations pour tenter de le fléchir mais en vain. Même Menenius Agrippa, son ami qu'il considère comme un père, n'y parvient pas. Enfin se présentent devant lui, Volumnie, sa mère, Virgilie, son épouse et son fils Marcius. Leurs supplications et leurs larmes touchent Coriolan qui accepte de lever le siège et se retire chez les Volsques. Ces derniers se retournent alors contre lui en le traitant de traître.


Lire un pièce de théâtre est certes toujours plus ardu que de la voir sur scène et c'est bien normal puisque, par essence, le théâtre est fait pour être vu! Mais pour cette pièce, en particulier, j'avoue que j'ai eu des difficultés à lire cette tragédie jusqu'au bout et  à comprendre ce que Shakespeare voulait démontrer lorsqu'il traite de l'affrontement qui oppose le peuple en rébellion (car le blé manque et la famine règne dans la cité) et les patriciens menés par le général Coriolan. De plus, jamais je n'ai ressenti, dans aucune pièce, une telle détestation pour le personnage principal.

Un combat contre la démocratie
C'est la haine qui guide Coriolan dans ses rapports avec le peuple et il ne peut se résigner à briguer ses suffrages  pour être élu consul. Nous somme donc confrontés à une crise majeure vécue par la République romaine puisque le général ne demande rien d'autre que de retirer le pouvoir au peuple pour le donner aux nobles ou pour se l'octroyer.  Dans l'acte III scène 1, Coriolan s'efforce de persuader le Sénat qu'il a tout à craindre de la populace et rien à gagner à laisser la parole à l'ignorance populaire.

Ainsi nous rabaissons
La dignité de nos sièges, en permettant à la canaille
d'appeler crainte notre sollicitude;
Renversons le pouvoir des tribuns dans la poussière

Quand Coriolan  s'adresse au peuple ou lorsqu'il parle de lui, il est d'une telle violence et il emploie des images  si méprisantes que le spectateur ne peut se ranger que du côté des plébéiens  " ces mangeurs d'ail" " à l'haleine fétide "comme l'exhalaison des marais empestés" (III3)

Que vous faut-il rebelles crapuleux? (Acte I  1)
Que vous faut-il roquets,`
Qui n'aimez ni la paix ni la guerre
comptez sur vous,
C'est au lieu de lions, vous découvrir des lièvres;
Au lieu de renards, des oies…

Et Menenius son ami renchérit (acte IV 6)

Vous êtes de ceux qui infectiez le ciel en lançant en l'air
Vos graisseux et fétides bonnets

Pourtant Shakespeare n'est pas tendre non plus avec les tribuns  et il semble donner raison à Coriolan qui les accuse de manipulation envers le peuple, de même il montre les citoyens en proie à des revirements incessants, obéissant à celui qui a parlé en dernier, élisant d'abord Coriolan, puis lui retirant sa voix et l'exilant, pour se dédire ensuite quand il revient vainqueur :

Premier citoyen
Pour moi quand je disais "bannissez", j'ajoutais " c'est dommage"
Deuxième citoyen
Moi aussi
Troisième citoyen
 Moi aussi; pour dire vrai, beaucoup d'entre nous en ont dit autant. Nous avons agi pour le mieux, et bien que nous ayons consenti à l'exil, c'était pourtant contre notre gré.
La pièce de Shakespeare présente donc un enjeu politique d'importance mais ne nous donne pas de réponse comme si l'auteur nous laissait libres de juger. Pourtant, le personnage de Coriolan est tellement détestable que l'on ne peut pas, me semble-t-il adhérer à ce qu'il dit!

Le personnage de Coriolan
 Coriolan est unanimement admiré par les siens pour sa vaillance guerrière et ses ennemis le craignent tout en reconnaissant sa valeur. Il a donc les qualités propres à un héros militaire, la vaillance, la force, l'honneur. Lecteurs du XXI ème siècle, il nous faut faire un effort pour adopter un point de vue historique afin de comprendre l'importance de ces vertus  dans des civilisations qui se construisaient et se défaisaient par la guerre et dans la violence. Pourtant, la description du guerrier chez le lecteur-spectateur ne suscite pas d'admiration mais une répulsion.

Son épée, sceau de la mort,
Partout laissait sa marque; de la tête aux pieds
C'était un être de sang dont chaque geste
Etait scandé par des cris d'agonie…
Au combat, il se retourne; il court,
Fumant de sang, il foule des vies humaines
En un perpétuel ravage…

Coriolan devient ici un messager de la Mort, non plus un être humain mais un Dieu guerrier (il est souvent comparé à Mars) qui n'est plus accessible à la pitié, à la compassion. Il inspire l'horreur comme l'animal sauvage auquel il se compare lui-même :.

Bien que je parte seul,
Tel un dragon solitaire qui de son marécage
Sème la terreur….

D'autre part, l'orgueil démesuré qu'il manifeste éloigne la sympathie et, (c'est ainsi que je l'ai ressenti) le font paraître borné, peu intelligent. Ainsi dans l'acte III scène 3, après avoir accepté de se soumettre au  suffrage du peuple à la demande de sa mère (faut-il voir là un manque de maturité du fier guerrier qui obéit toujours à ce que maman lui demande? ), il  s'entête dès qu'on le contrarie :

Je ne veux rien savoir!

puis se lance dans des imprécations qui le rendent passablement ridicules :
Vile meute d'aboyeurs!
Que la moindre rumeur fasse trembler vos coeurs!
Que l'ennemi en balançant les plumes de son casque
D'un souffle vous jette au désespoir!


Le seul moment où il devient humain, c'est lorqu'il se laisse fléchir par sa mère et lui accorde la grâce de Rome. Moment de faiblesse ou d'humanité? Mais c'est un geste dont il mourra! Il est étonnant  de constater que Coriolan est considéré comme un traître non  par les Romains (et c'est pourtant contre sa partie qu'il s'est retourné), mais par les Volsques qui ne le lui pardonneront pas.

La pièce présente donc des thèmes importants  mais je ne  peux dire que je l'ai aimée. Est-ce que le film de Ralph Fiennes : Corolianus me ferait changer d'avis?



 Il s'agit d'un lecture commune  consacrée à deux oeuvres de Shakespeare : Coriolan et/ou les joyeuses commères de Windsor avec Eeguab,  l'Ogresse, Miriam, Océane, Shelbylee
Le premier billet est celui de Miriam sur Les joyeuses commères de Windsor : ICI

Le second celui d'Eeguab  sur Coriolan : ICI

Océane : ICI




UN NOUVEAU CHALLENGE



Et j'en profite pour vous présenter le challenge d'Eimelle :

théâtre Challenge en scène 2013

Je reprends avec plaisir le flambeau de BLADELOR qui avait organisé le Challenge en scène 2012 et vous propose donc un nouveau challenge qui mêle avec bonheur deux arts qui me sont chers: lecture et théâtre


Challenge En scène!  2013

J'y avais participé avec plaisir en 2012 et Bladelor ne souhaitant pas poursuivre le challenge en 2013, elle m'a proposé de prendre la suite et m'a gentiment donné ses logos , merci à elle!


Le principe :
Sont acceptés dans ce challenge tous les billets concernant :
-  une pièce de théâtre lue
- une pièce de théâtre vue
- et la nouveauté 2013, des textes en rapport avec le théâtre : biographies de comédiens, documentaires sur le théâtre, bref, tout ce qui a un rapport avec la scène!

Voir la suite ici

George Sand : L' art est une recherche de la vérité idéale..

La mare au diable de Bernard Patrigeon (artiste berrichon)


 Voilà ce qu'écrit George Sand à propos de l'art et de la littérature dans la préface de La mare au diable

Nous croyons que la mission de l’art est une mission de sentiment et d’amour, que le roman d’aujourd’hui devrait remplacer la parabole et l’apologue des temps naïfs, et que l’artiste a une tâche plus large et plus poétique que celle de proposer quelques mesures de prudence et de conciliation pour atténuer l’effroi qu’inspirent ses peintures. Son but devrait être de faire aimer les objets de sa sollicitude, et, au besoin, je ne lui ferais pas un reproche de les embellir un peu. L’art n’est pas une étude de la réalité positive ; c’est une recherche de la vérité idéale...

mardi 29 janvier 2013

Rappel : Semaine Shakespeare en Lecture commune



    


Cette semaine, du 27 au 31 Janvier,  est consacrée à deux oeuvres de Shakespeare : Coriolan et/ou les joyeuses commères de Windsor

 Il s'agit d'un lecture commune avec Eeguab, Keisha, l'Ogresse, Miriam, Océane, Shelbylee

Le premier billet est celui de Miriam sur Les joyeuses commères de Windsor : ICI

Je publierai mon billet sur Coriolan vendredi...


lundi 28 janvier 2013

Jean-Marie Déguignet : Mémoires d'un paysan Bas-Breton Billet de Mireille chez Claudialucia



Voici un billet de Mireille que vous connaissez tous. Elle n'a pas de blog mais elle vient nous rendre très sympathiquement visite dans les nôtres. Bretonne, elle vit à Ergué-Gabéric et c'est pourquoi elle avait promis d'écrire un billet sur son illustre compatriote Jean-Marie Déguignet dans le cadre du challenge breton. Voilà ce qu'elle m'écrivait alors C'est une association de la ville d'Ergué-Gabéric qui a eu en sa possession les manuscrits  du paysan bas-breton Jean-Marie Déguignet et les a fait éditer ainsi que d'autres oeuvres du même auteur. Bref, conclut Mireille, Déguignet est la gloire d'Ergué et son livre_la version courte_ a été traduit en américain.

                      
                             Jean-Marie  Déguignet                                       



C’est grâce à l’association ARKAE,  association gabéricoise de recherches historiques du patrimoine que ces Mémoires ont pu être éditées. Les recherches ont débuté en 1979 et, après des « appels à témoins », un trésor , les manuscrits sont trouvés dans le grenier d’une H.L.M. de Quimper : Quarante trois cahiers, soit quatre mille pages.
Dans un premier temps, Arkaë n’a pas publié l’intégrale de « Histoire de ma vie » à cause des trop nombreuses digressions et diatribes contre les nobles et les curés, les politiciens et Anatole Le Braz.

  Jean-François Déguignet est né le 29 juillet 1834 alors que son père, petit fermier pauvre, venait d’être complètement ruiné par plusieurs mauvaises récoltes successives suivies de la mortalité des bestiaux . C’est la misère, les taudis, la mendicité.
Il fait état d’un accident, grave, le troisième déjà, dont il fut guéri au bout de trois semaines. « quatre jours et nuits dans un état qui n’était ni la mort, ni la vie, du moins en ce qui concerne mon corps ».    De cet accident, il conserva « une large cicatrice en forme d’entonnoir » dans la tempe gauche.  Il est persuadé que cette blessure contribua à faire développer ses facultés mentales d’une façon extraordinaire.
Doté également d’une excellente mémoire, il apprend le catéchisme à neuf ans. 
 Cela ne fut pas difficile, puisque maintenant, tout ce que j’entendais ou que je voyais me restait gravé aussitôt dans ma mémoire.
Sa mère savait lire le breton et n’eut pas de mal à lui apprendre ce qu’elle savait.
Le jeune Jean-François mendiait dans les environs de son habitation et un jour, à neuf ans, une mendiante professionnelle se chargea de lui apprendre le métier. La vieille me faisait entendre que j’allais commencer le plus digne et le plus noble état du monde puisque Dieu l’avait pratiqué lui-même et qu’il fut pratiqué également par nos plus grands saints. 
Ils étaient bien reçus. Ces aumônes avaient toujours un but intéressé et égoïste, elles n’étaient jamais données au nom de l’humanité, chose inconnue des bretons, mais seulement au nom de Dieu .

En 1844, c’est la maladie de la bonne pomme –de –terre rouge et de nouveau la misère. Il a quatorze ans, il est petit et chétif et sa plaie due à son accident continue de couler. Il est soigné à l’hospice de Quimper où il entend raconter des légendes. La fracture du crâne ne s’est jamais bien soudée.
A dix-sept ans, il rencontre un professeur d’agriculture qui possède une ferme modèle où il reçoit ses élèves. Il est engagé comme vacher, travail très contraignant de chaque instant, de nuit comme de jour. Mais, grâce à des papiers que les élèves laissent tomber, il apprend seul à déchiffrer quelques mots de français. A écrire aussi, mais la main sera moins habile que le cerveau.
Il a ensuite la chance d’entrer comme domestique chez le maire de Kerfunteun où il peut perfectionner sa lecture du français à l’aide des journaux qui traînent et d’un dictionnaire. C’est une bonne période, oui, mais il s’engage dans l’armée, non pas pour faire la guerre, mais pour voir du pays. Il gagne Lorient à pied en trois jours.
Il sera soldat de 1853 à 1868 et participera à la guerre de Crimée, aux campagnes d’ Italie, de Kabylie et du Mexique.
Il connaîtra les maladies : scorbut, dysenterie, typhus, mais aussi le bonheur de côtoyer un voisin de chambre érudit qui lui apprendra beaucoup de choses. Il ira au pèlerinage de Jérusalem et y détestera les ordres religieux qui profitent honteusement de la foi et de la naïveté des pèlerins.
Avant de rejoindre l’Italie, il apprend rapidement l’italien et constate que c’est plus facile que le français pour lui qui savait lire le latin de messe.
 … la prononciation est également très facile tous les mots se prononçant du bout de la langue et des lèvres , contrairement aux  langues saxonnes qui se prononcent du gosier, ce qui prouve que ces langues ont été communiquées aux hommes par des fauves, tandis que les latines leur ont
été par des oiseaux .
En Kabylie, il aime l’arabe : L’accent arabe est le même que l’accent breton et tous les mots de cette langue ont les mêmes terminaisons que les mots bretons .
Il rentre en Bretagne en 1868 où il  redevient cultivateur jusqu’en 1882

Je passe sur les difficultés, le travail intense, le mariage, la relative aisance puis l’incendie (criminel ?)de sa ferme, la fin de son bail alors qu’il a travaillé quinze ans pour le seigneur propriétaire.
  Un très grave accident « sa charrette lui roule sur le corps, »le laisse pour mort une nouvelle fois. Il reste immobilisé plusieurs mois, guérit de ses blessures et, estropié, ne peut plus effectuer de travaux de force. Il réussit à se faire engager en tant que placeur de contrats d’assurances et donne satisfaction. En revanche, sa femme s’adonne à la boisson, sombre dans l’alcoolisme et meurt à l’hospice, laissant quatre enfants. Le dernier n’a que six ans.
Après avoir tenu avec succès un bureau de tabac à Pluguffan, il s’en trouve chassé par les manigances du curé et des bigots. Qui n’est pas pratiquant et affiche son mépris pour les gens d’église est vite mis à l’écart! L’emprise des curés est telle que Jean-Marie ne s’est peut-être pas considéré à tort comme persécuté.
Dès lors, sans travail, il retourne à Quimper, vit dans un grenier avec ses enfants puis, lorsque ceux-ci le quittent, il écrit l’histoire de sa vie « à la bonne franquette, sans prétention littéraire, en y intercalant ça et là mes réflexions et mes opinions politiques et religieuses, mes pensées morales, sociales, économiques et philosophiques.
Il finit en ville dans un autre grenier,  un trou de 6m cubes de capacité dont il est expulsé au bout de dix ans après avoir souffert de l’extrême chaleur et du froid intense. Il sera hospitalisé pendant quatre mois et décèdera en 1905, face à l’hospice .
Une vie commencée et achevée dans la misère mais qui fut remplie d’évènements et de péripéties.

Cet ouvrage est un témoignage unique sur la fin du XIX è siècle



Merci à Mireille pour ce billet  qui nous fait connaître un auteur sorti du peuple, contrairement à la plupart des écrivains du XIX siècle, un homme qui a été mendiant, paysan, domestique, commerçant, soldat et nous donne donc un point de vue tout à fait inédit sur  son époque.

dimanche 27 janvier 2013

Un livre/Un film Le coup de l'escalier de William P. MacGivern



Résultat de l'énigme n°55
Bravo à : Aifelle,  Dasola, Eeguab, Pierrot Bâton, Syl. 
Merci aussi aux courageuses qui ont participé mais qui n'ont pas trouvé la réponse (difficile!) ! Ce sera pour la prochaine fois!

Le roman :  Le coup de l'escalier de William P. MacGivern
Le film  :  Le coup de l'escalier de Robert Wise
Odds against to morrow est un roman de William Peter MacGivern paru en traduction française sous le titre Le coup de l' escalier. Outre qu'il n'y a pas d'escalier dans le roman (et même s'il y en a un dans le film de Robert Wise, il ne joue pas un grand rôle) le titre est fort mal choisi car il ne rend pas compte du sens du roman comme le fait le titre anglais. Je ne me risque pas à le traduire* car cela est plutôt difficile mais il signifie que les personnages n'ont rien à espérer de l'avenir, que les chances de réussite ne sont pas bonnes. Bref! Earl, Ingram et Burke sont des perdants et nous en sommes avertis d'avance. Si bien que ce qui est intéressant dans ce roman, ce n'est pas le fait policier lui-même, ce sont les personnages et la société dans laquelle ils évoluent.

Earl, un pauvre blanc né au Texas n'a pas eu de chance dans la vie. Il a fait de la prison alors qu'il était innocent et se retrouve sans travail, entretenu par sa femme Lorry, ce qu'il ne peut supporter.  Il va accepter la proposition de Novak de braquer une banque; il en est de même de Ingram, un noir, qui a perdu une forte somme au jeu et est menacé de mort par un caïd. Enfin, Burke, un ancien flic véreux,  se joint à eux. C'est un pari perdu d'avance. Le casse échoue, Burke est tué et Ingram et Earl, blessé, s'enfuient. Ils vont se réfugier dans une ferme où ils se terrent, recherchés par la police.  Mais Earl hait Ingram parce qu'il est noir.  Pourtant, les circonstances vont peu à peu faire évoluer leurs rapports. L'amitié serait-elle possible entre un blanc et un noir? Peut-être, dans un monde qui ne serait pas ce qu'il est!

Le thème du racisme est donc largement développé dans le roman qui est écrit en 1957, en pleine lutte contre la ségrégation qui avait commencé dès 1955 par le refus de Rosa Parks de céder sa place à un blanc dans un bus, et ensuite, par les combats menés par Marin Luther King. Si en 1957, certains lois ségrégationnistes ont déjà été révisées, la ségrégation ne sera abolie qu'en 1960 et ce n'est qu'en 1964 que paraît la loi interdisant  toute discrimination raciale. Dans le roman, Ingram a peur de rentrer dans un bar qui n'est pas réservé aux noirs alors qu'il en a le droit et nous voyons que s'il est pris dans l'équipe de braqueurs, c'est parce qu'il est noir et peut remplacer le serveur, les noirs occupant toutes les places subalternes dans la société. Le racisme de Earl est d'autant plus virulent qu'il a été, comme Ingram, au bas de l'échelle sociale. Né au Texas, Earl, le pauvre blanc a connu la même misère que ses voisins noirs et il se raccroche d'autant plus à la seule supériorité que lui reconnaît alors  la loi : la blancheur de leur peau!  Il méprise donc Ingram et ne manque pas une occasion de l'humilier en l'appelant Bamboula, en le frappant.
Contrairement au film de Robert Wise où le rôle d'Ingram est tenu par Harry Bellafonte, crooner plein de charme et d'élégance et dont la stature et la  force rivalisent à celles de Earl incarné par Robert Ryan, Ingram dans le roman est un petit homme maigre et effacé, timide et gentil, qui baisse la tête devant le blanc. C'est pourtant lui qui révèlera une véritable grandeur d'âme en venant à aide à Earl alors qu'il pourrait s'enfuir et en étant prêt à donner sa vie pour empêcher un meurtre. Cette attitude entraînera chez Earl un sursaut de conscience qui transformera le gangster raciste et réveillera ce qu'il y a de meilleur en lui.
Le film de Robert Wise s'éloigne beaucoup  du roman.  Comme dans le livre, le scénario s'intéresse aux raisons qui font que ces hommes acceptent l'attaque de la banque, ce qui éclaire la psychologie et le passé de chaque personnage. Cela existe dans le roman mais c'est plus rapidement exposé. Le braquage de la banque reste un fait secondaire pour les deux mais la fin est très différente. Dans le film, un dénouement rapide montre que les deux hommes périssent en s'enfuyant. La mort rétablit symboliquement l'égalité entre blanc et noir. Dans le livre un long développement est consacré à la fuite des deux bandits et l'auteur va s'intéresser à l'évolution de ses personnages.

Si j'ai beaucoup aimé le film de Wise magnifiquement filmé et qui présente des images avec de superbes clairs-obscurs, je crois que j'ai préféré le roman pour cette dernière partie absente du film mais qui  éclaire les personnages d'un jour différent et fait que l'on s'attache plus à eux.


*comment le traduiriez-vous?





samedi 26 janvier 2013

Un livre, un film : Enigme n° 55




Pour les nouveaux venus : De quoi s'agit-il?

Wens de En effeuillant le chrysanthème et moi-même, nous vous proposons, le samedi, un jeu sous forme d'énigme qui unit nos deux passions : La littérature et le cinéma! Il s'intitule : Un livre, Un film.
Chez Wens vous devez trouver le film et le réalisateur, chez moi le livre et l'auteur.
Consignes :  Vous pouvez donner vos réponses par mail que vous trouverez dans mon profil : Qui êtes-vous? et  me laisser un mot dans les commentaires sans révéler la réponse pour m'avertir de votre participation. Le résultat de l'énigme et la proclamation des vainqueurs seront donnés le Dimanche.
Pendant les vacances, nous arrêtons le jeu Un livre/ Un film.

Enigme n° 55

Le roman publié dans les années 50 est écrit par un auteur américain qui est aussi scénariste de cinéma et de télévision. L'intrigue se  situe peu de temps après la guerre, dans un petite ville de Pennsylvanie mais les deux personnages principaux, l'un blanc, l'autre noir, sont nés au Texas, tous deux marqués par la haine raciale et la ségrégation qui règnent dans cet état. Il s'agit d'un roman policier mais ce qui intéresse avant tout l'écrivain, c'est  l'analyse des rapports conflictuels entre les deux hommes et leur évolution au cours de l'intrigue.

Earl pensait toujours à ce que lui avait dit Novak. Les gens de couleur pouvaient aller et venir n'importe où; c'était comme de la fumée. On ne s'en apercevait pas. C'était ce que Novak avait dit. Un noir portant un plateau ou vêtu d'une combinaison de mécano pouvait se rendre partout. Les blancs passaient des journées entières sans voir qui leur apportait leur café, leur cirait leurs chaussures ou balayait leurs mégots de cigarettes dans le caniveau. C'était ça le point capital de Novak : Ingram devait errer dans la banque tel un filet de fumée...

vendredi 25 janvier 2013

Alissa Walser : Au commencement la nuit était musique




C'est d'une histoire vraie qui a eu lieu à Vienne en 1777 que s'empare Alissa Walser pour raconter l'histoire du docteur Mesmer et de sa patiente Maria Théresa Paradis, fille d'un fonctionnaire important à la cour de l'impératrice. Cette jeune virtuose qui se produit en concert est atteinte de cécité à la suite d'un choc nerveux.  Tout ceci pourrait paraître bien banal si le docteur Mesmer n'était pas un magnétiseur qui soigne d'après des méthodes apparaissant comme bien étranges en ce temps-là! Magnétiseur, oui, mais pas charlatan ou vendeur d'illusion. C'est un médecin et un homme de sciences intègre qui cherche à faire reconnaître les découvertes qu'il a faites intuitivement puis par expérimentation et qui s'insurge quand on parle de miracle ou de sorcellerie.

La recherche scientifique et médicale

Parmi les centres d'intérêt du roman, il y a, bien sur, ce domaine médical étrange qui concerne le magnétisme, ce fluide mystérieux parce qu'inexpliqué que nous possédons tous, paraît-il, capable de rétablir la santé si l'on parvient à le maîtriser. Le docteur Mesmer a beau partir à Paris pour échapper à l'obscurantisme et la médiocrité de sa ville, Vienne, il rencontrera partout l'incrédulité. A l'époque des grandes découvertes de Freud qui lui aussi fait scandale, Mesmer n'a pas trouvé le siècle né pour le comprendre. D'ailleurs, même de nos jours le magnétisme rencontre encore bien des détracteurs et demeure une science suspecte.

Une critique sociale : La liberté, le non-conformisme

En  fait la pianiste comme le médecin, tous deux unis par le même amour de la musique sont des êtres trop en avance sur leur temps. Maria Paradis est une jeune fille qui cherche à obtenir sa liberté, elle ne respecte pas les conventions. Tout se passe alors comme si le monde autour d'elle niait sa guérison, refusant de croire qu'elle a recouvré la vue, car on la préfère aveugle que non-conformiste et amorale. Il en est de même du médecin. Le roman offre une analyse sans concession d'une société corsetée, étroite et rigide et cet aspect du roman m'a intéressée.

Une réflexion philosophique :

C'est dans la nuit de la cécité que Maria Theresa Paradis rencontre la musique qui est son élément, sa raison de vivre. Elle a appris à jouer sans voir les touches de son piano et en apprenant par coeur les oeuvres faute de pouvoir lire les partitions. Paradoxalement, c'est en retrouvant la vue qu'elle perd la musique et sa virtuosité. On pense aux recherches de Diderot  dans Lettres sur un aveugle à l'usage de ceux qui y voient  qui  lie la connaissance au sens niant ainsi l'intervention divine dans l'acquisition des idées. Ce roman  nous donne donc à réfléchir aux problèmes philosophiques liés à notre perception du monde par les sens. Ne sommes-nous pas abusés par eux.? C'est ce que dit le père de Maria dans une conversation avec sa fille. La vue ne permet peut-être pas de voir la réalité et nous donne une idée fausse du monde qui nous entoure :

C'est qu'il fallait parfois saisir les choses pour y croire. La vue à elle seule n'y suffisait pas. Il fallait saisir d'abord. Au moins un petit bout d'un grand tout.
Crois-tu demanda Maria que ce que l'on ne peut pas saisir est faux?
Non, il voulait simplement dire que l'oeil était parfois obtus et stupide et en saisissait rien.

et Mesmer affirme
Les yeux ne sont en rien plus proches de la vérité que les autres sens; Tout n'est que mirage et illusion

Ce livre est original et offre une écriture recherchée. Les thèmes développés m'ont interpellée. Mais il est vrai que je n'ai pu entrer totalement dans le roman. Les personnages sont vus de l'extérieur et le narrateur se contente de décrire ce qu'il voit comme un témoin impartial. Du coup les personnages ne sont jamais vus de l'intérieur, nous ne pénétrons pas dans leur conscience. Ceci est à la fois une force car ce parti-pris conserve un certain mystère aux personnages mais c'est aussi une faiblesse car nous ne pouvons pas totalement adhérer à leur histoire. Le récit reste froid et l'écriture jouant sur les dialogues, passant du  style direct,  indirect à l'indirect libre renforce cette distanciation voulue entre le lecteur et le personnage, ce qui donne l'impression d'assister de loin à la scène, en spectateur..

Voir  le billet d'Ys ICI




mercredi 23 janvier 2013

George Sand : Teverino Lecture commune




Dans le prologue de Teverino George Sand réfute les arguments de ses détracteurs : oui, les caractères qu'elle a peints dans son roman ne sont pas forcément vraisemblables, oui elle a poétisé l'excessive délicatesse de sentiments et la candeur de l'âme aux prises avec la misère, oui Teverino est écrit sans autre but que celui de peindre un caractère original, une destinée bizarre qui peuvent paraître invraisemblables …  Et elle ajoute : Est-il donc nécessaire, avant de parler à l'imagination du lecteur par un ouvrage d'imagination, de lui dire que certain type exceptionnel n'est pas un modèle qu'on lui propose? Ce serait le supposer trop naïf, et il faudrait plutôt conseiller à ce lecteur de ne jamais lire de romans…"
Donc, tenez-le vous pour dit ! Les caractères de ces personnages sont idéalisés, en effet, l'intrigue assez invraisemblable, le roman est une une pure fantaisie, et tant mieux, puisque c'est l'aspect du roman que je préfère!

L'intrigue :
Léonce, un jeune marquis, est amoureux de Sabina qui a fait un mariage de convenance avec un  anglais, lord G., qui l'indiffère et ne sait que boire et s'enivrer en compagnie de ses amis. Sabina, Lady G.,  refuse l'amour de Léonce et ne voit en lui qu'un ami d'enfance, un frère. En attendant, elle s'ennuie dans le luxe de sa prison dorée et soupire après des aventures qui lui permettraient de vivre des sentiments passionnés. Léonce la prend au mot et l'amène en promenade pour une journée en tête à tête dans cette région de montagnes où ils sont en villégiature. Il lui promet qu'il va lui faire oublier son ennui. Et c'est ce qu'il fait, en effet! C'est l'occasion pour Sabina de rencontrer des personnages hors du commun, Madeleine, la fille aux oiseaux et Teverino, un italien, voyageur artiste et bohème, qui donne son nom au roman.

Teverino



Le thème principal est lié au personnage éponyme, ce voyageur insaisissable, inclassable, Teverino, artiste plein de finesse doué pour les arts et en particulier pour la musique, bohémien, séducteur et brillant, issu du peuple et pourtant grand seigneur à ses heures, bref protéiforme. La vision que nous offre ainsi Sand de l'artiste est celle d'un être libre, qui se place hors des conventions sociales, et laisse parler ses sentiments avec spontanéité. Il n'est pas étonnant que Sand ait choisi un italien pour incarner ce personnage, un enfant du peuple né au bord du Tibre. On a vu dans Consuelo qui se déroule à Venise, la place de l'art, en particulier de la musique, en Italie, et comment George associe le caractère italien à la joie, l'expression des sentiments, la sensualité, le tempérament artistique. Teverino s'oppose au caractère français et à la vie mondaine représentés par Sabina et Léonce qui sont froids et maîtres d'eux-mêmes, refoulent leurs sentiments et se préoccupent de la bienséance au point de demander au curé de les accompagner pour leur servir de chaperon. En effet, si Lady G. était vue seule en compagnie de son ami, elle pourrait être déshonorée et perdrait sa place dans la société.

 Madeleine

Madeleine, la fille aux oiseaux, vit hors du monde, en sauvageonne. Son frère est contrebandier, un brigand donc, mais qui veille sur sa soeur affectueusement. Elle exerce son pouvoir sur les oiseaux tout en respectant leur liberté et se révèle le pendant féminin de Teverino. Et il faut bien le dire, ce sont les personnages sympathiques du roman! L'amour pur, simple et naïf que Madeleine témoigne à Teverino est mis en parallèle à l'amour sophistiqué et complexe de Léonce qui n'ose s'exprimer, muré dans son amour-propre; il est en opposition aussi à la coquetterie, la superficialité, l'orgueil et le sentiment de supériorité de la grande dame, Sabina, qui refuse d'aimer et d'être aimée.

Le joug affreux du mariage



Savez-vous Léonce, que c'est un joug affreux que celui-là?
- Oui, il y a des maris qui battent leur femme.
- Ce n'est rien, il y en a d'autres qui les font périr d'ennui.


Le roman est écrit en 1845 et explore un thème cher au coeur de Sand, celui du mariage et de la liberté de la femme. Aurore  Dupin a épousé le baron Dudevant en 1822 et a eu de lui deux enfants, Maurice et Solange. En 1832, elle quitte son mari avec qui elle ne s'entend pas et part se réfugier à Paris avec son amant Jules Sandeau. C'est le début de sa vie littéraire. Elle n'aura de cesse alors de lutter contre le mariage de convenance arrangé par les parents. Elle s'insurgera - et ses prises de position feront scandale- contre le statut de la femme dans le mariage qui prive celle-ci de ses droits, de sa fortune et la place sous la tutelle de son mari tout puissant. Elle revendique le divorce et le droit à l'égalité pour les femmes. Dans Teverino, Sabina subit l'affreux joug du mariage sans avoir le courage de le secouer. Léonce l'exhorte d'ailleurs à avoir moins de crainte de l'opinion publique. Il est certain que Sabina n'a rien d'une George Sand! Elle serait pourtant justifiée d'aimer hors mariage puisqu'on l'a mariée sans amour. Sabina est une femme sous dépendance et pleine des préjugés de sa classe. Ce voyage sera pour elle initiatique et elle en reviendra transformée.

L'amour triomphera-t-il de l'orgueil? Un écho de Musset 

 Les caprices de Marianne

L'amour triomphera-t-il de l'orgueil? est l'un des grands thèmes du roman et on retrouve dans cette interrogation un écho des deux comédies de Musset *:  Les caprices de Marianne et On ne badine pas avec l'amour.
En effet, les personnages de Marianne et de Camille dans les pièces de Musset rappellent celui de Sabina. Toutes les deux comme l'héroïne de Sand refusent l'amour par orgueil : Marianne, semblable en cela à Sabina, est mal mariée à un vieillard qui ne lui inspire que du mépris. Elle ne veut pas écouter Octave qui lui parle de l'amour que Célio a pour elle. Elle finit par tomber amoureuse d'Octave et fait le malheur de Célio. Quand, dans le roman, Teverino parle de l'amour de Léonce à Sabina, la jeune femme est fascinée par le bel italien et croit être amoureuse de lui.
 Dans On ne badine pas avec l'amour,  Camille, jeune fille sortie du couventne veut pas s'exposer à être trompée et à souffrir; elle refuse l'amour de Perdican. Ce dernier cherche, en courtisant la servante Rosette, à attiser la jalousie de Camille. Les deux pièces se terminent tragiquement car Célio et Rosette en mourront. Dans le roman de George Sand, Teverino embrasse Sabina, ce qui fait souffrir Madeleine-Rosette et Léonce-Célio mais la ressemblance s'arrête là. Madeleine ne mourra pas et Sabina humiliée mais rendue plus  humaine, plus simple, par cette mésaventure, y verra clair dans ses sentiments pour Léonce. L'orgueil est terrassé.

*voir l'étude de Françoise Genevray à propos des Lettres d'un voyageur de George Sand


La noblesse et le peuple



De par ses origines, George Sand appartient, par son père,  à une noblesse qui remonte au maréchal de France, Maurice de Saxe, par sa mère, ouvrière de mode, elle est fille du peuple. L'écrivain partagée par sa double origine, aristocratique et populaire, thème qui se retrouve souvent dans ses oeuvres, se déclare du côté du peuple. Dans Teverino, Lady G. croit à la supériorité de l'homme du monde et méprise le peuple.
Et puis si vous voulez que je me confesse, je vous dirai que je crois un peu à l'excellence de notre sang patricien. Si tout n'était pas dégénéré et corrompu dans le genre humain, c'est encore là qu'il faudrait espérer de trouver des types élevés et des natures d'élite.
Léonce pense, au contraire que : l'homme du peuple peut valoir et surpasser l'homme du monde  a beaucoup d'égards.
Lady G. a tort. Elle l'apprendra à ses dépens en se laissant presque séduire par un homme du peuple, Teverino, qui se fait passer pour gentilhomme. La leçon est cuisante. Une humiliation qui la rendra plus humble et plus attentive aux sentiments des autres et l'amènera à réfléchir à la véritable valeur des êtres. Quant à l'aristocrate Lord G. que nous voyons à la fin du roman, l'image qu'il nous donne de la noblesse paraît peu reluisante :
 Mylord s'était réveillé la veille au soir et avait pris de l'inquiétude mais il avait bu pour s'étourdir, et lorsque sa femme rentra, il dormait encore.

 Le style , une variété de tons


Dans ce roman, le ton employé par Sand est celui d'une moraliste qui, à travers les dialogues de Léonce et Sabina, développe des idées qui lui importent et que le récit va illustrer. Pourtant ce ton un peu trop didactique cède vite à une langue fraîche, volontiers poétique dans la description des paysages, dans l'évocation de la fillette aux oiseaux. Alors que le dialogue de Léonce et Sabina est empesé et démonstratif, celui du bohémien musicien est plein de vie et de brio. Il devient aussi haletant, véritable roman d'aventures, dans les passages où les voyageurs bravent les dangers de la montagne. Enfin, il emprunte un registre comique et caricatural avec le personnage du curé qui ne pense qu'à manger et apprécie outre mesure la dive bouteille, au demeurant un  très brave homme!




Lecture commune avec Cléanthe, George, Miriam et Nathalie

mardi 22 janvier 2013

Festival de documentaires, Point Doc : VOUKOUM de François Perlier





Festival de documentaires, Point Doc.
Point Doc est un festival de documentaires qui se déroule exclusivement sur internet. 20 films ont été sélectionnés et sont en visionnement libre du 13 janvier au 13 février.Vous pouvez laisser des commentaires, voter pour élire votre film préféré .
J'ai eu personnellement un coup de coeur pour un film réalisé par François Perlier en Guadeloupe: Voukoum. Ce documentaire  de 56 minutes a déjà été primé à de nombreuses reprises ( Prix SACEM - États Généraux du Doc. de Lussas 2012 , Prix ACSE - Traces de vie 2012 , Prix du meilleur documentaire - Territoires en Images 2012).

A propos du film . Présentation du réalisateur:
Évoquant à la fois le tumulte ou la révolte, Voukoum est le nom créole adopté par les membres d'un mouvement culturel implanté dans le quartier populaire du "Bas du bourg" à Basse Terre, en Guadeloupe. Voukoum est un mouvement massif et bruyant, un désordre provoqué sciemment, symbole d'éveil de la conscience politique et artistique des gens de la rue.
Le film est une plongée au sein de ce collectif qui prône la résistance civique par la culture, l'expression du corps et de l'âme à travers la musique, et la valorisation du patrimoine historique et local. Cet essai documentaire porte un regard singulier sur le rapport d'une population à la notion d'identité.
Pour voir le film (et découvrir le festival), cliquez sur le lien:
                  Voukoum_PointDoc_2013
PS: Un conseil vous pouvez brancher vos enceintes sur votre ordinateur pour  profiter pleinement de la qualité de la prise de son.

lundi 21 janvier 2013

Invitation au romantisme dans le blog d'Eimelle : Marie Dorval, Sand, Vigny, Hugo, Lemaître...


Marie Dorval


Il y a longtemps que je ne vous ai pas conviés à aller découvrir les textes écrits dans le cadre du challenge romantique. Je vous invite donc à visiter Les carnets d'Eimelle, un joli blog dédié aux spectacles, opéra, théâtre, concert, à la lecture et au voyage.
Eimelle a effectué un véritable travail de recherche sur Marie Dorval, célèbre actrice du début du XIXème siècle, qui a interprété les plus grands rôles des drames romantiques, en particulier ceux de Victor Hugo.

 Voici un extrait du  premier texte d'Eimelle sur cette grande actrice qui a si magnifiquement incarné le romantisme au théâtre. Aller lire la suite. C'est passionnant!



Marie Dorval 1 les débuts

En ce jour d'hommage et de commémoration, c'est vers une figure du théâtre romantique que je me tourne: 

Marie Dorval... souvenir de lycée... on étudie Chatterton, le lycée s'appelle Alfred de Vigny, on évoque sa vie, et la comédienne qui créa le rôle de Kitty Bell. Des années après, c'est en lisant un ouvrage sur les actrices du XIX que je retrouve cette comédienne, et que naît l'envie d'en savoir plus sur ce personnage qui me semble passionnant.

Et avec ce blog, l'opportunité de communiquer à d'autres peut-être l'envie de mieux la connaître.
Résultat de mes lectures de ces derniers mois, une série d'articles à venir, trois autour de sa vie et de son entourage d'abord, puis d'autres sur ces grands rôles au théâtre.
A travers Marie Dorval, c'est toute l'histoire littéraire et théâtrale de l'époque qui se révèle, et la naissance et la propagation du théâtre romantique. Et puis c'est aussi l'histoire d'une femme, tantôt au sommet de la gloire, tantôt tragique, dont la légende s'est vite emparée, avant d'être un peu oubliée, et c'est dommage.
En espérant que cela vous donne envie de vous plonger à votre tout dans l'une ou l'autre de ses biographies ou de celles de ceux avec qui elle était liée : Alfred de Vigny, George Sand, Dumas....

Marie Dorval en quelques citations d'abord pour mieux cerner la femme et l'actrice;  


 

Grand génie et grand cœur
, c'était dit George Sand, une des plus grandes artistes et une des meilleures femmes de ce siècle. Tout était passion chez elle, la maternité, l'art, l'amitié, le dévouement, l'indignation, l'aspiration religieuse.   La suite...




 

Biographie de Marie Dorval


 Marie Dorval dans Marion Delorme de Victor Hugo
Les deux forçats Marie Dorval 1822 

Lectures  consacrées à Marie Dorval

 

Alfred de Vigny : correspondance amoureuse

- Mademoiselle Mars et Marie Dorval au théâtre et dans la vie de Francis Ambrière

- Marie Dorval, 1789-1849, documents inédits. Biographie critique et bibliographie. Par E. Coupy. de Émile Coupy (1868)

-  La dernière année de Marie Dorval, Alexandre Dumas 

 - Lettres pour lire au lit : Correspondance amoureuse d'Alfred de Vigny et de Marie Dorval, 1831-1838

 - Comédiennes : Les actrices en France au XIXe siècle de Anne Martin-Fugier

- Théophile Gautier Histoire du romantisme

- Marie Dorval : grandeur et misère d'une actrice romantique par A Gaylor . 

- Histoire de ma vie / George Sand : vol. 9

 et  les archives Gallica et BNF

Ruy Blas et Victor Hugo

 

 Ruy Blas de Victor Hugo

 La Reine de Ruy Blas et les costumes de scène

 

 

dimanche 20 janvier 2013

Un livre/ Un film : Jane Eyre de Charlotte Brontë




Résultat de l'énigme n°54
Bravo à : Aifelle, Asphodèle, Dasola, Eeguab, Keisha, Pierrot Bâton, Shelbylee, Syl.

Le roman :  Jane Eyre de Charlotte Brontë
Le film  :  Jane Eyre de Cary Fukunaga





Le roman de Charlotte Brontë, Jane Eyre est peut-être l'un de plus grands titres de la littérature anglaise du XIX siècle. Paru en 1847, sous le pseudonyme masculin de Currer Bell pour éviter de choquer la bonne société, il peut être classé par la date dans les oeuvres de l'époque victorienne qui s'appuient sur le réel et décrivent la société de leur temps. Mais il est appartient encore largement par la sensibilité, l'esprit, l'imagination et le style  au mouvement romantique.

Le récit :
Orpheline, Jane Eyre est élevée par sa tante Madame Reed qui ne l'aime pas. Enfant sensible, imaginative et fière, elle se révolte contre son cousin qui la maltraite et est envoyée en pension.
Au pensionnat de Lowood, Jane Eyre connaît brimades, humiliations, mauvais traitements. Elle voit mourir sa jeune amie Helen Bruns. Mais grâce à la sympathie d'un de ses professeurs et à  son amour de l'étude, elle acquiert une solide instruction et devient institutrice. Elle est engagée à sa majorité comme gouvernante de la petite Adèle chez le riche Edward Rochester à Thornfield Hall. Edward, tourmenté, secret, mystérieux, semble cacher un secret et une lourde peine. Il ne tarde pas à être s'intéresser à Jane qui, elle, se sent attirée par ce ténébreux personnage.


Un roman réaliste : Ce roman est largement autobiographique et s'appuie donc sur la réalité  en présentant une étude de la société. 
La pension: Charlotte Brontë a mis, en effet, beaucoup de sa vie, dans le récit de Jane Eyre. Comme Jane, Charlotte a été envoyée en pension, à l'école de Cowan Bridge, avec ses soeurs, comme elle, elle  a eu  à subir les mauvais traitements, le froid, le manque de nourriture, les punitions corporelles, la maltraitance inhérents à  ce genre d'établissement qui se proposait de sauver l'âme en matant le corps. On sait comment les soeurs aînées de Charlotte, Maria et Elizabeth, ont contracté la tuberculose et en sont mortes. Charlotte et Emily sont alors retirées du pensionnat. L'amie de Jane, Helen Burns, qui meurt de consomption sous les yeux de la petite fille, a eu pour modèle Maria. L'odieux directeur de la pension dans le roman, Monsieur Brocklehurst,  n'est autre que le Révérend Carus Wilson.  Mais c'est aussi dans un de ces pensionnats pour jeunes filles que Charlotte (comme Jane) a pu acquérir une instruction solide, basée sur l'étude de l'anglais, des langues étrangères, du latin, de l'art, du dessin et de la musique. Jane Eyre est donc bien Charlotte Brontë, institutrice, comme le fut aussi sa soeur cadette Anne.
La misère : La société du XIX siècle apparaît avec sa terrible misère. Lorsque Jane erre dans les landes et les villages après son départ de chez Rochester, elle est obligée de mendier son pain et de coucher dans la lande. Elle se voit refuser tout aide de la part de gens qui sont plus pauvres qu'elle et qui se méfient des mendiants comme des voleurs, la misère conduisant souvent de l'un à l'autre. 
La hiérarchie sociale :Nous voyons aussi la stricte hiérarchie sociale à travers la famille de Madame Reed, la tante de Jane, qui l'a recueillie par charité mais lui fait sentir sans cesse le poids de sa supériorité. 
La religion : Réalisme aussi dans l'analyse des mentalités. Jane décrit une Angleterre pliant sous le joug de la religion puritaine, qui brime le corps, va même jusqu'à lui refuser les soins nécessaires, pour fortifier l'âme. Un puritanisme qui tient en bride les sentiments, considère l'amour charnel comme secondaire  et impur par rapport à l'amour divin. C'est le discours du pasteur Saint-John qui demande à Jane de l'épouser pour le suivre dans son sacerdoce aux Indes et estime qu'elle n'est pas née pour l'amour mais pour servir.

Un roman romantique
Un roman gothique : Jane Eyre s'apparente au roman gothique anglais qui  dès la fin du XVIII siècle répond à un goût pour le sentimental et le mystère et à un engouement pour l'architecture médiévale que l'on redécouvre à l'époque. Ces écrivains, Walpole, Radcliffe, Lewis …  sont les précurseurs du romantisme. Thornfield Hall est un immense château, mystérieux, sombre et austère, situé dans un paysage désolé, au milieu de la solitude, du froid et du brouillard. Dans le roman gothique  il est peuplé d'âmes errantes, en proie au remords et au désespoir. Ici, il ne s'agit pas d'un fantôme mais d'une folle, enfermée dans une pièce secrète, gardée par une femme effrayante elle-même, dont l'antre rappelle l'antichambre de l'Enfer. Le feu, la destruction du château par l'incendie, toutes ces péripéties, participent à l'imagination débridée du romantisme. Charlotte et ses soeurs ont été marquées par les écrivains romantiques, Lord Byron ou Walter Scott…

Conception de l'amour romantique :  Dans le roman de Jane Eyre, Charlotte Brontë développe sa conception de l'amour. Il présente les critères propres au romantisme :  éternel,  l'amour  est l'union de deux êtres qui sont faits l'un pour l'autre; il résiste à l'usure du temps mais ne peut se réaliser que dans la vertu, un amour sanctifié et voulu par Dieu. Un sentiment désintéressé et si fort qu'il peut conduire à la rédemption de l'être le plus méprisable et le plus avili. C'est la cas d'Edward Rochester qui a une vie dissolue, allant de maîtresse en maîtresse, méprisant les femmes et se méprisant lui-même. Le Mal s'est emparé de lui puisqu'il s'expose à la damnation en décidant de contracter un double mariage. Lorsqu'il cherche à entraîner Jane dans sa déchéance en en faisant sa maîtresse, il perd tout sens moral car il risque de détruire ce qu'il aime dans la jeune femme,  la luminosité qui permet à Jane de préserver cette dignité qui est sa force. Il doit, par une descente aux Enfers, obtenir le pardon divin, purifier son âme  et se libérer du Mal.. Ses souffrances morales, la perte de Jane qui s'enfuit pour lui échapper s'allient à la douleur physique. Il risque sa vie pour sauver son épouse de l'incendie, frôle la mort et se retrouve infirme, diminué, mais digne de Jane.

Recours au surnaturel, au Merveilleux chrétien:  Jane  entend la voix de son Bien-aimé qui l'appelle au-delà des montagnes et il a lui aussi la même sensation. Nonobstant la distance, la voix et l'âme de ceux qui s'aiment peuvent se rejoindre.

Un roman féministe

Jane Eyre est un personnage apparemment faible. Orpheline, elle est méprisée et mal aimée par sa famille; pauvre, elle ne peut prétendre  à la considération des autres. Chez sa tante, même les servantes la traitent comme une inférieure car elles gagnent leur vie, disent-elles, mais pas Jane; sans dot, elle n'a pas droit à l'amour et au mariage. De plus, la condition de gouvernante s'accompagne souvent d'humiliations et de rebuffades.  Tout ceci va la placer tour à tour sous la coupe d'hommes qui cherchent à la dominer voire à la briser. C'est le cas du directeur de la pension qui lui inflige brimades et vexations. Ce sera ensuite Monsieur Rochester qui est son maître et à qui elle doit obéir. Il  cherche à la manipuler, ne reculant pas devant le mensonge, au risque de la compromettre, de perdre son âme et de la pousser au désespoir : il la conduit à l'autel alors qu'il est déjà marié! Plus tard, il veut faire d'elle sa maîtresse, jouant sur ses sentiments, employant tour à tour, la séduction, la colère, les pleurs. Elle tombe enfin sous la coupe du pasteur Saint-John qui exercera sur elle, grâce à son ministère, une autorité  incontestable sur son âme mais n'en cherchera pas moins à  la dominer et la forcer au mariage avec lui sous prétexte de devoir religieux. Cependant Jane parviendra à tenir tête à tous ces hommes et à gagner sa liberté. Elle possède une valeur morale, une conception de l'honneur et un sens de sa dignité qui en font une héroïne à part entière. Elle force l'admiration et représente une conception de la femme libérée du pouvoir masculin, ne rendant des comptes qu'à elle-même et en paix avec sa conscience.

Le film de Cary Fukunaga

Il s'agit d'une adaptation très proche et très respectueuse du roman et j'ai apprécié les belles images montrant ces paysages désolés, la lande interminable, déserte et inhospitalière, le château imposant et noir.  C'est très beau. En discutant avec Wens, pourtant, j'ai été d'accord avec lui pour dire que l'image est peut-être, en effet, trop sage, trop bien léchée, cherchant l'esthétisme plutôt que la vérité des passions, le bouleversement, la violence des évènements et des personnages. C'est vrai que l'errance de Jane dans la lande où elle subit la faim, la peur, la souffrance morale et physique, où elle échappe de bien peu à la mort dans un pays où la solidarité n'a pas cours est très édulcoré par rapport au roman. Le personnage de Rochester est également affadi soit par la volonté du réalisateur ou le jeu trop retenu de l'acteur, Michael Fassbender. Certes celui-ci peut faire rêver les jeunes filles romantiques mais.. il ne rend pas la violence de cet homme, son dégoût de lui-même, ses luttes intérieures, le déchirement de sa conscience face au choix qu'il a devant lui : renoncer à Jane donc au bonheur ou devenir parjure et hors la loi en l'épousant, enfin sa révolte contre Dieu qui le voue à la damnation. Par contre j'ai beaucoup aimé l'interprétation de Jane et cette force intérieure que l'actrice Mia Wasikowka parvient à faire apparaître en opposition avec sa fragilité physique.  

Jane Eyre de Robert Stevenson



De même le récit dans la pension dans le film de Cary Fukunaga manque de relief et est filmé d'une façon assez plate. Je m'en suis rendue compte en revoyant l'adaptation de Robert Stevenson avec Orson Wells et Joan Fontain  dans les rôles principaux. La scène de la pension est magiquement filmée, le style impressionniste accentuant les contrastes entre l'ombre et la lumière, entre le Bien et le Mal  lorsqu'apparaît  la petite Helen Burns (Elizabeth Taylor), symbole de la pureté et de la bonté, apportant du pain à Jane. Le film présente de très beaux passages dans ce film que je préfèrerais à celui de Cary  Fukunaga… mais à qui je reproche un manque de sobriété  encore accentué par une musique assez pompier dans les scènes tragiques.





samedi 19 janvier 2013

Un livre/Un film : Enigme n° 54





Pour les nouveaux venus : De quoi s'agit-il?

Wens de En effeuillant le chrysanthème et moi-même, nous vous proposons, le samedi, un jeu sous forme d'énigme qui unit nos deux passions : La littérature et le cinéma! Il s'intitule : Un livre, Un film.
Chez Wens vous devez trouver le film et le réalisateur, chez moi le livre et l'auteur.
Consignes :  Vous pouvez donner vos réponses par mail que vous trouverez dans mon profil : Qui êtes-vous? et  me laisser un mot dans les commentaires sans révéler la réponse pour m'avertir de votre participation. Le résultat de l'énigme et la proclamation des vainqueurs seront donnés le Dimanche.
Pendant les vacances, nous arrêtons le jeu Un livre/ Un film.


Enigme n° 54

Le roman est un classique paru au milieu du XIX siècle, incontournable monument de la littérature anglaise.  Il est en grande partie autobiographique et ancré dans le réel. Mais un autre aspect de l'oeuvre le fait classer dans les romans gothiques.


Il étendit la main pour me demander de le conduire; Je pris cette main chérie et je la tins un moment pressée contre mes lèvres; puis je la passai autour de son épaule : étant beaucoup plus petite que lui, je pouvais lui servir d'appui et de guide. Nous entrâmes dans le bois et nous retournâmes à la maison.