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mardi 15 avril 2025

Yordan Raditchkov : Les récits de Tcherkaski


Dans Les récits de Tcherkaski, Yordan Raditchhkov (1929-2004)  met en scène les paysans d’un village bulgare imaginaire qui ressemble beaucoup à celui où il est né, Kalimanitsa, dans le nord-ouest de la Bulgarie.

J’avoue que j’ai d’abord été un peu déstabilisée par les récits de Yordan Raditchkov et qu’il m’a fallu un moment pour m’y faire.

C’est d’abord par la forme qu’ils m’ont surprise, l’écrivain procède par répétitions au cours d’un même récit. L’histoire présente une structure récurrente mais agrémentée de variantes, d’ajouts, de développements différents, retournant au début pour progresser et repartir vers la suite.  Yordan  Raditchkov donne ainsi l’impression d’oralité, l’impression d’un conte raconté de loin en loin, d’une bouche à l’autre, le soir à la veillée, ce qui donne lieu chaque fois à des fioritures selon l’imagination du conteur. L’écrivain explique qu'il a à coeur de  « légaliser le discours populaire parlé. Non seulement le discours populaire parlé mais aussi la manière dont le peuple construit ses histoires. »

Ainsi le conte intitulé Janvier dans lequel des chevaux pleins de terreur font irruption dans le village sans leur maître mais avec un loup mort dans leur traîneau. D’autres villageois décident de partir à leur tour pour chercher le disparu mais les chevaux reviennent  sans eux avec un loup mort dans le traîneau et ainsi de suite. Métaphore de la Mort ? Peut-être ? Mais aussi impression d’être plongé dans un univers absurde qui est une autre caractéristique de ces récits.

 On dit de lui qu’il est un Kafka bulgare. Absurde le voyage dans Paris a un jour de congé, lorsque Gotsa Guerasov part à Paris en train, avec ses jambières et son couteau, ses amis lui disent de faire attention aux françaises car elles ont des culottes de dentelle, sa femme lui conseille de mettre un pull over (Un pull over ! un truc de bonne femme), les cochons regardent les paysans aiguiser leur couteau d’un oeil féroce et dévorent les poules. Enfin, le train part et traverse tous les pays européens mais quand Gotsa arrive à Paris, la ville est vide et il n’aperçoit que la Tour Eiffel :

-Et il n’y a rien d’autre ?
-Bien sûr que si ! dit le conducteur. Mais aujourd’hui Paris a un jour de congé


 Et Gotsa Guerasov retourne au pays sans avoir vu Paris pour tuer les cochons avec son couteau, des cochons qui  n’ont pas l’intention de se laisser faire et qui le regardent encore plus férocement.

On peut parler aussi à propos des  des récits de Tcherkaski de « réalisme magique » mais qui n’a rien à voir avec celui des oeuvres latino-américaines.  La magie vient ici des légendes, des croyances, de l’imagination paysannes, un pays peuplé par des petits personnages étranges comme Le Tenèts« être  humain qui, après sa mort, ne va nulle part mais reste parmi nous », créatures magiques qui font le travail à ta place, traire les vaches, actionner le métier à tisser et même, depuis que Raditchkov l’a rencontré, c’est lui qui écrit ses oeuvres tandis qu’il se la coule douce. Mais il y a aussi Le Verblude, une créature fantastique qui peut prendre toutes les formes, issue de l’imagination de l’auteur.

 Bien sûr, tous ces récits sont souvent teintés d’humour et contiennent aussi une dimension sociale. Dans la postface, Marie Vritna-Nikolov, la traductrice, écrit  « Cette magie intérieure à l’homme, est liée à la vie paysanne ; elle a disparu de notre monde moderne trop riche en objets de toutes sortes pour stimuler notre imagination. Le paradoxe souligné par Raditchkov est que la pauvreté matérielle engendre une richesse imaginaire, tout un monde merveilleux qui disparaît sous le flot de l’abondance matérielle. »
 C’est peut-être ce que signifie la conclusion du récit Paris a un jour de congé : «  Il était sûr que tout s’était passé ainsi, parce qu’il l’avait pensé ou bien qu’il l’avait désiré. Quelles pensées ne nous viennent-elles pas à l’esprit entre deux soupirs de tempête et que ne désire-t-on pas ? »  Le paysan  sait bien que jamais il ne verra Paris, que ce voyage, il est trop pauvre pour le faire autrement qu’en imagination !

Mais nous dit la postface il existe aussi une dimension politique dans ces récits qui étaient présentés comme des fables - apparemment absurdes, grotesques et inoffensives- pour la censure. Les lecteurs de l’époque ne s’y trompaient pas et au-delà de la fable cherchaient le deuxième degré. (Je suis comme les censeurs, je n’ai  souvent lu les oeuvres qu’au premier degré, je l’avoue !).  Raditchkov confie que si au lieu de Paris, il avait, comme il le désirait,  parler de Moscou, la réaction aurait été violente.  Et c’est vrai que si c’était Moscou a un jour de congé, à l’époque du totalitarisme soviétique, cette ville vide, morte, que l’on ne peut voir, et cette conclusion, Que ne désire-t-on pas ?  prendraient un autre sens !  
De même dans Le printemps arrive, si on lit ce dialogue plein d'humour au second degré lorsque le camarade président s’indigne que la rivière ait autant de méandres.

-«  Cette rivière doit être corrigée ! dit le président.  Pourquoi tant de méandres pour une seule rivière ?
- c’est une vieille rivière, camarade président, dit Gotsa Guerasov
-Je sais bien qu’elle est vieille !
-Elle est là depuis l’époque turque, camarade président . »

Le pouvoir veut même "corriger" la nature, lui dicter sa loi et il faut excuser la rivière d'être ce qu'elle est ! J'ai bien aimé d'ailleurs que l'excuse sa fasse sur le dos des Turcs !  

Enfin de tous ces récits un peu burlesques, avec une logique décalée, toujours étonnante, mais dans un style magnifique, surgit la poésie liée à la Terre si étroitement mêlée à la vie des paysans juchés sur leur charrette, dans la brume, que l’on ne sait distinguer l’une de l’autre comme dans Humeur farouche :

« Tout cela roulait en eux profondément, tantôt froid, tantôt bleuté, tantôt revêtu de lumière et tremblant de chaleur, tantôt irisé, tantôt d’un vert estival : cela roulait, tournait dans un mouvement circulaire et silencieux, et les hommes sentaient les gouttes suinter de ce tourbillon et tomber sur leur coeur, régulièrement, tranquillement, et à chaque contact, ce coeur se serrait, puis relâchait ses muscles avant de se serrer encore, puis se relâchait à nouveau en diffusant une vibration dans les veines, et les coups étaient comme un écho qui ne pouvait jamais être absorbé et qui ne mourait jamais, tout comme ne mouraient pas le mouvement des roues devant eux, la rotation de la Terre et du soleil.

une nature douée de vie L’arbre vert … 


"L’arbre vert pointait, hérissé comme un porc-épic, à croire qu’il se dressait contre la forêt entière : une vraie petite bête féroce qui piquait dès que quelqu’un tentait de le toucher.. «  Il est sauvage, dit mon père, mais nous allons l’apprivoiser ! ». C’était le printemps ; les tortues sortirent à l’air libre, elles se mirent à promener d’un air important leurs grandes maisons à travers la clairière, le loup changea de nouveau de fourrure et les arbres commencèrent à verdir. "


Yordan Raditchkov (1929-2004)


 

 

"Né en 1929 dans le village de Kalimanitsa, dans le nord-ouest de la Bulgarie. Souffrant de tuberculose, il se voit obligé de suivre une longue convalescence dans une station thermale et dans son village natal.
Journaliste et membre des comités de rédaction de plusieurs journaux, membre de la commission des scénarios de la Cinématographie nationale bulgare, Yordan Raditchkov publie en 1959 un premier recueil de récits, Le cœur bat pour les hommes, suivi de plusieurs autres recueils de récits et de romans. Sa première pièce de théâtre, Remue-ménage, date de 1967. Viennent ensuite les pièces Janvier (1973), Lazaritsa (1978), Tentative d'envol (1979), Les paniers (1982).
En 1980, son roman-récit de voyages Les cours obscures est traduit en français et publié chez Gallimard. Les textes de Raditchkov sont traduits dans plus d'une vingtaine de langues. Ses pièces sont jouées dans plusieurs pays, dont la Suède et la Finlande.
Il est titulaire du prix Georges Dimitrov, l'une des plus hautes distinctions bulgares. En 1994, il reçoit le prix italien Grinzane Cavour pour le meilleur livre étranger.
Yordan Raditchkov est considéré comme un classique vivant de la littérature bulgare.
"




mardi 8 avril 2025

John Grisham : Les Oubliés et La Sentence

 

Les Oubliés

Dans Les oubliés, John Grisham raconte l’histoire d’un avocat, Cullen Post, devenu pasteur après une grave dépression lié à son métier et qui finit par trouver sa vocation en rejoignant Les Anges gardiens, une association à but non lucratif spécialisée dans la défense des innocents injustement condamnés. Ils sont nombreux, des milliers, qui attendent l’injection létale dans les couloirs de la mort ! Ce sont eux les oubliés, hommes ou femmes noirs pris pour cibles par des suprémacistes blancs, ou blancs de milieu social défavorisé qui n’ont pas les moyens de se payer un bon avocat et à qui le système, méprisant et corrompu, fait porter le chapeau. C'est monnaie courante.

Ainsi Duke Russel, accusé de viol à la place du vrai coupable, Carter, a été condamné à mort. Maintenant que la recherche d’ADN existe, il serait facile d’innocenter l’un et de condamner l’autre mais le juge refuse de lancer les analyses.

Parfois, souvent, je n’aime pas les juges, en particulier ceux qui sont aveugles, vieux et blancs, parce que tous ont commencé leur carrière comme procureur et pas un seul n’a d’empathie pour les détenus. Pour eux, quiconque est poursuivi en justice est coupable et mérite son sort. Notre système est infaillible et la justice est toujours rendue.

Le livre raconte l’enquête menée par Post et les difficultés qu’il aura à prouver l’innocence de Duke. Mais il s’occupe aussi d’autres cas et mène plusieurs combats à la fois. Le plus difficile et le plus dangereux sera celui de Quincy Miller, un noir, condamné à perpétuité pour le meurtre d’un avocat. Il a été victime de fausses déclarations extorquées vraisemblablement par le shérif de la ville, derrière lequel se profile une organisation tout puissante.

Je ne vous en dis pas plus, les enquêtes menées sont intéressantes et surtout John Gisham présente une critique sociale au vitriol d’une justice arrogante qui non seulement ne reconnaît pas ses erreurs mais fait tout pour freiner l’accession à la vérité.  

Mr Quincy n’a rien à faire en prison, ni aujourd’hui ni depuis vingt ans. Il a été injustement condamné par l’état de Floride et devrait être libre. Une justice lente est un déni de justice !

Il y affirme ses idées contre la peine de mort, contre le racisme, décrit les conditions de vie dans les prisons pour les détenus comme pour leurs gardiens, un système inique qui permet aux riches et aux puissants de s’en sortir au détriment des classes sociales défavorisées.

Par exemple le gardien de prison :

Il exècre son boulot : se retrouver derrière les grillages et les barbelés, à surveiller de dangereux criminels qui ne pensent qu’à s’évader ou à lui faire la peau. Il déteste cette bureaucratie tatillonne, ces règles à n’en plus finir, ce directeur despotique, et cette violence, ce stress, cette pression qu’on leur met sur les épaules chaque jour, à chaque instant. Tout ça pour douze dollars de l’heure ! Et pour boucler la fin de mois, sa femme doit faire des ménages pendant que sa mère garde leurs trois gosses.

Dans Les oubliés, Grisham se révèle donc, comme dans presque tous ses romans, un fervent antagoniste de la peine de mort. Ainsi il décrit le paradoxe d’une justice qui punit un criminel d’avoir donné la mort par une mise à mort ! Il dénonce l’inhumanité qui parque les détenus dans les couloirs de la mort pendant de nombreuses années et ajoute, à la condamnation, le supplice de l’attente et l’angoisse de mourir en imagination plusieurs fois !

 Duke Russel est dans le couloir de la mort depuis seulement neuf ans. La durée moyenne est de quinze. Vingt ans, ce n’est pas une exception. Notre appel est quelque part dans la onzième cour du circuit à Atlanta, passant de service en service et quand il va arriver chez le bon greffier, l’exécution sera ajournée dans l’heure. Duke retournera en cellule d’isolement en attendant de mourir un autre jour.

J’ai aimé ce roman pour les thèmes qu’il développe mais je le trouve un peu trop démonstratif et l’emploi du présent comme  temps unique du récit, introduit un style très direct mais manquant de nuances.

La Sentence


La sentence, antérieur au roman Les oubliés, reprend des thèmes chers à John Grisham sur la peine de mort et la lutte contre le racisme et l’inégalité sociale.

Le roman est divisé en trois parties :

I) Le meurtre


Pete Banning en Octobre 1946 a pris sa décision.  Il se lève et  se rend à l’église où il  tire sur le pasteur Dexter Bell  qui s’écroule sur son bureau. Il a tout prévu : il laisse en héritage sa propriété à sa fille Stella et son fils Joel qui sont tous deux étudiants ; Florry, sa soeur, ne manquera de rien ; Elle est propriétaire de sa plantation de coton, héritée de ses parents. Liza, sa femme, est enfermée dans un asile psychiatrique après des troubles mentaux.
Qui est Pete Banning ? Un planteur de coton très estimé, pas riche mais aisé, fils d’une vieille famille bien implantée et respectée dans le pays. C’est aussi un héros de guerre. Il s’est illustré aux Philippines,  revient couvert de médailles. Sévèrement blessé, il a dû rester pendant des mois à l’hôpital après son retour de la guerre.
 Il refuse de donner les raisons de son acte non seulement devant la cour mais aussi à sa famille. A ce stade de l’histoire le lecteur le moins fûté comprendra (ou croira comprendre ?) ce qu’il en est en apprenant  que le pasteur est un peu trop porté sur la bagatelle. Sa femme se plaint d’ailleurs de la légèreté de son mari. Pete est condamné : c'est la sentence !

II ) l’ossuaire


La guerre fait rage au Philippines dans la péninsule du Bataan et les japonais sont vainqueurs. Ils amènent les soldats américains et leurs alliés philippins au camp O Donnel. Les souffrances des soldats  lors de la Marche de Bataan appelée aussi la Marche de  la Mort, sous la féroce conduite des soldats japonais, l’emprisonnement dans le camp, la maladie, la malnutrition, l’insalubrité, les coups, les humiliations qui bafouent toute dignité humaine, tout concourt à faire de cette partie un récit passionnant.
De plus un retour dans le passé nous permet de découvrir la rencontre de Pete Banning et de Liza et d’en apprendre plus sur leur mariage.


III) La trahison


La dernière partie s’intéresse aux enfants de Pete Banning, à sa femme et à sa soeur et aux conséquences du meurtre commis par Pete Banning sur leur vie. Et la vérité sera révélée.

J’aime beaucoup ce roman et je le trouve plus riche que Les oubliés dans la mesure où les personnages sont plus complexes, la vision de la société dans les plantations de coton du Mississipi est riche, décrivant les difficultés économiques liées aux récoltes, les rapports entres les blancs, propriétaires des terres et leurs employés noirs. De plus, Grisham possède un art du récit qui rend addictif et la description de la guerre aux Philippines contre l’armée japonaise, la défaite des américains et de leurs alliés philippins, nous tiennent en haleine. On a du mal à s’arracher à cette lecture qui condamne aussi un chef militaire comme le général Mac Arthur, incompétent, qui abandonne ses soldats quand il y a du danger et les laisse seuls face à l’ennemi et le président Roosevelt qui l’a nommé et qui le décore après sa fuite. Grisham règle ses comptes avec l’Histoire et en donne un aperçu que je ne connaissais pas.



 

dimanche 6 avril 2025

Francois Rivière et Riccardo Federici : La Madone de Pellini


La Madone de Pellini est une bande dessinée fantastique présenté en deux tomes  1) Lamb House et 2) L’orphelinat de Rosewood, sur une histoire imaginée par François Rivière et illustrée par Riccardo Federici.

Londres 1891

A la médiathèque, c’est la beauté des illustrations qui m’a attirée et lorsque j’ai vu qu’il était question de Henry James, j’ai cru un instant qu’il en était l’auteur.  En réalité, le scénariste de cette BD,  Francis Rivière, imagine que les nouveaux propriétaires de Lamb House, l'ancienne maison de Henry James, découvrent dans une cachette des documents et des manuscrits de l’écrivain et, en particulier une nouvelle intitulée La Madone de Pellini dans laquelle Henry James est à la fois auteur et personnage.
Nous sommes en 1891. La mode au XIX ème siècle est à l’occultisme et aux séances de spiritisme. Une jeune fille, Nora de Wing, habitant à Bruxelles, arrive à Londres pour rejoindre l’institut d’études psychiques. Elle veut développer ses dons de médium. Les pensionnaires de l’institut ont tous des particularités, un certain Mr Arnoldo, en particulier, a des dons de visionnaire. Plus tard, cet homme étrange la fait fuir avec ces visions effrayantes de l'avenir. 

Nora de Wing est ensuite présentée à l’écrivain Henry James et à son ami, Francisco Guibilati, un peintre épris de peinture italienne du XVI siècle. 

 

Nora est présentée à Henry James et au peintre

Lors d’une visite dans un musée, avec ses nouveaux amis, Nora découvre le tableau d’une femme nommée La Bella Donne di Lucca du peintre Pellini, un  artiste de la Renaissance, que Francisco Guibilati admire.


La Bella dona di Luccas de Pellini

Nora se rend à une séance de spiritisme, et là, la jeune fille est hantée par l’esprit d’une femme, Antonia, qui s'impose à elle. Elle s’évanouit et se réveille en proie à la terreur, poursuivie par des visions d'une vie antérieure qui n'est pas la sienne. Elle est alors invitée par Guibilati chez Henry James d'où elle disparaît brusquement.    

 



Dans le tome 2, Nora réapparaît à Londres sous le nom de miss Antonia dans l’orphelinat de Rosewood  où elle enseigne le théâtre aux enfants. Et là, j’avoue que je n’ai plus trop compris l’histoire tant le récit est complexe. Dans une autre vie, Francesco Guibilati, assistant du peintre Pellini, (celui-ci est doté d'un pouvoir magique)  jalouse le talent de son maître. De plus, tous deux sont amoureux d'Antonia qui doit incarner la Madone dans le tableau que Pellini a commencé. Francesco assassine son maître, l'empêchant de terminer le tableau qui disparaît dans "les limbes de l'art". 

 

La madone de Pellini

 

Pour  faire vivre ce chef d'oeuvre, les esprits des personnages du tableau sont rappelés à la vie avec l'aide des médiums de l'institut des études psychiques, rassemblés puis aspirés dans la toile. 

 


Nora, en particulier, possédée par l'esprit d'Antonia, incarne la Madone. Désormais son image rayonne sur la toile mais la jeune fille meurt. 

 

"Pauvre enfant" dit Henry James

 

Il m’a fallu deux lectures pour le tome 2 avant de débrouiller les fils de cette intrigue et je suis loin d'avoir tout compris.  C’est bien dommage car les dessins sont envoûtants, l’atmosphère fantastique avec les images hallucinées des victimes et le retour dans le passé de la Renaissance italienne.

 

L'assassinat de Pellini


Henry James découvrant les "esprits" qui vont figurer dans le tableau


 

vendredi 28 mars 2025

Jules Verne : Le pilote du Danube

 

Dans Le Pilote du Danube, Jules Verne concocte pour nous une histoire pleine de dangers et de péripéties, roman posthume qu’il avait à l’origine intitulé Le beau Danube jaune mais son fils, Michel, lui préféra le titre actuel.

Nous sommes en Allemagne, en août 1876, à Sigmaringen où a lieu un concours de pêche auquel participent les plus habiles pêcheurs de La grande Ligue danubienne. Ce concours est gagné par un jeune homme qui se révèle le meilleur à la fois dans le nombre de prises et la taille de la prise. Il s'agit d'un hongrois Ilia Brush …. et celui-ci se dit prêt à réaliser un parcours en barge à partir de la source du Danube jusqu’à son delta en n’utilisant que les produits de sa pêche pour vivre. 3000 kilomètres ! Ce défi provoque l’enthousiasme de tous et de la presse. Chacun est là pour assister au départ triomphal au confluent des deux ruisseaux La Breg et la Brigach qui se rejoignent en amont de Sigmaringen pour former « le danau, d’où les français ont fait Danube. »

Ce Hongrois, personne ne le connaît.  Certains, pleins d’imagination, se demandent s’il n’est pas, en réalité, le chef des brigands qui infestent les bords du Danube et se rendent coupables de vols et de meurtres. D’autres, au contraire, pensent qu’il pourrait bien être, le chef de la police du Danube, Karl Dragoch, qui voyagerait ainsi sous un faux prétexte pour découvrir les coupables. De plus, dès le début de la course, un mystérieux passager, Michel Jaeger, s’invite à bord de la barge.

Pendant ce temps,  nous faisons connaissance d’un jeune homme, Serge Ladko, pilote du Danube, et de sa femme Natcha. Les jeunes époux vivent heureux à Roustchouk, en Bulgarie, au bord du Danube mais ils ont un ennemi, Yvan Striga, rival de Ladko, qui convoite la jeune femme.
En 1875 avait eu lieu le soulèvement de l’Herzégovine et la fièvre gagna les pays sous le joug de l’Empire ottoman. Au mois de Mai 1876 éclate la révolte du peuple bulgare, une rébellion mal préparée, étouffée dans l’oeuf et qui est suivie de représailles terribles ( voir Sous le joug de Ivan Vazov). Ladko, patriote ardent, quitte sa jeune épouse pour participer au soulèvement. Après la défaite, il ne peut rentrer en Bulgarie et bien vite, il n’a plus de nouvelles de Natcha. Serge Ladko décide alors d’aller la rejoindre incognito à Roustchouk.

Voilà ! Au lecteur de débrouiller les fils et de s’y reconnaître pour savoir qui est qui et qui est un autre ! Roman policier, roman d’aventures, roman historique et géographique, les centres d’intérêt sont multiples ! Vous traverserez les dix pays du Danube, visiterez les villes du Danube et leurs richesses... 

 


" En effet, d’un côté, à droite, est Buda, l’ancienne ville turque, et à gauche, Pest, la capitale hongroise. Elles se font face comme le font aussi, une centaine de lieues plus bas, Semlin et Belgrade, ces deux ennemis historiques.
C’est à Pest qu’Ilia Kursch avait l’intention de passer la nuit, peut-être même la journée du lendemain et la nuit suivante, toujours dans l’espoir d’avoir des nouvelles de l’absent. Aussi la barge, au milieu de cette flottille d’embarcations joyeuses, longeait-elle tranquillement la berge de gauche.
S’il eût été moins absorbé par le spectacle enchanteur que présentaient ces deux villes, leurs maisons à arcades, à terrasses, disposées en bordure des quais, les clochers des églises que le soleil à cinq heures du soir dorait de ses derniers feux ; oui, si toutes ces merveilles n’eussent pas sollicité son regard, peut-être aurait-il fait cette observation qu’eût faite assurément M. Jaeger : c’est que depuis un certain temps déjà, une embarcation, montée par trois hommes, deux aux avirons, un à la barre, semblait se tenir en arrière de la barge.

Vous naviguerez au mépris du danger, dans la violence des courants, les tourbillons, la tempête, évitant les rocs énormes qui se dressent sur le passage de l’embarcation, pénétrerez dans le défilé des Portes de Fer… Jusqu’à la Mer Noire.

Les portes de Fer par Fritz Lach

Pendant près d’une lieue, entre des murailles hautes de quatre cents mètres, le fleuve s’écoule, ou plutôt se précipite, à travers un lit qui n’en mesure pas la moitié en largeur. Au pied de ces parois sont entassés d’énormes rocs tombés des crêtes, et contre lesquels les eaux se brisent avec une extraordinaire fureur. C’est à partir de ce point qu’elles prennent cette couleur jaune foncée qui permet d’appeler plus justement le beau Danube jaune, le grand fleuve de l’Europe centrale.

Sans compter que toute une série de coups de théâtre, d'enlèvements, de personnages mystérieux et de méchants très méchants, de quiproquos et de confusion dans les identités de chacun, viennent corser le récit. Une lecture très plaisante, et, comme toujours chez Jules Verne, très documentée!

Chez Miriam Jules Verne : Le pilote du Danube 


Challenge Jules Verne Taloidu ciné chez Dasola


voir lien ici


lundi 24 mars 2025

Ramon Diaz-Eterovic : L' obscure mémoire des armes

 

 

Ce polar L’obscure mémoire des armes de Ramon Diaz-Eterovic est le XII ème d’une série qui met en scène le détective privé Heredia. Et comme c’est le premier que je lis, et même si l’ensemble peut être lu dans le désordre puisque chaque enquête se termine à la fin du volume,  il m’a manqué, me semble-t-il, beaucoup d’éléments pour  être vraiment "dans le bain".
Heredia vit à Santiago, dans un quartier pauvre de la ville et lui-même ne roule pas sur l’or. Une enquête de temps en temps et quelques gains modiques quand il joue aux courses avec son copain, vendeur de journaux. Il a un chat qui parle, son alter ego, et qui ne mâche pas ses mots quand il s’agit de le critiquer. Et si ce chat se nomme Simenon, ce n’est pas par hasard. Heredia est un admirateur de l’écrivain et de la littérature en général. C’est fou ce qu’il a le temps de lire pendant son enquête, poésie, romans ! De lire et de boire car il nous fait faire connaissance de tous les troquets du quartier !  J’aime bien aussi l’humour lié à ce personnage nommé Le Scribe et qui n’est autre que l’écrivain lui-même. Ecrivain ? Un métier qui n’est pas de tout repos quand son personnage l’accuse d’erreurs et de négligences.
Heredia a une amoureuse Griseta qu’il ne voit que de temps en temps. J’ai appris en lisant des critiques sur lui qu’il avait rompu avec Griseta pendant des années et l’avait retrouvée ensuite. Pourquoi ? Comment ? Je n’en sais pas  plus et du coup ce personnage féminin reste anecdotique, si ce n’est que c’est elle qui le pousse à accepter une affaire : enquêter sur la mort violente du frère de son amie Virginia. German Reyes a été tué à la sortie de son travail et, même s’il n’y pas eu vol, la police a conclu à un crime crapuleux. Sa soeur veut savoir ce qui s’est réellement passé.

J’ai choisi de lire un polar chilien, pensant échapper à mes lectures précédentes portant toutes sur le coup d’état de 1973. Et voilà que je me retrouve en plein dedans, et, bien sûr, cela n’a rien d’étonnant !

« Même si les cérémonies publiques et les déclarations convenues essayaient d’enterrer le passé, celui-ci continuait à se glisser par les fissures d’une société habituée aux apparences, aux décors trompeurs et aux compromis en coulisses. Le passé était une blessure qui n’avait jamais été totalement désinfectée et laissait échapper sa pestilence à la moindre inadvertance. »

German Reyes fait partie d’un organisation qui traque les anciens tortionnaires.

« les dinosaures et les momies n’appartiennent pas au passé. Ils gardent le silence et continuent à regretter le général qui leur a permis de maltraiter les gens  du peuple. »

Evidemment, ce n’est pas une enquête sans danger et un autre meurtre suit celui de German Reyes, classé suicide par la police, et un autre a eu lieu avant celui de German. Heredia est vite ramené dans le passé avec les témoignages des victimes et ramené aussi sur les lieux, la Villa Grimaldi, où la DINA, Direccion nationale del inteligencia,  a enfermé et torturé près de quatre mille cinq cents personnes..

« Je me suis dirigé vers l’endroit où était exposée la maquette de ce qui avait été l’un des principaux centres de torture pendant la dictature militaire. La tour des pendaisons, le parking où les prisonniers étaient violentés, les étroites cellules où on les enfermait entre deux interrogatoires, le gigantesque ombu, témoin de douleurs et des crimes et la piscine où étaient plongés ceux qui s’obstinaient à garder le silence. L’horreur, l’horreur incombustible, me suis-je dit, en approchant du mur de pierre où les noms des prisonniers assassinés étaient gravés ».

Je vous laisse suivre l’enquête qui se double d’un trafic d’armes mais sachez que lorsque Heredia parle à l'un des bourreaux et lui demande pourquoi il va tous les jours à l’église, pour demander pardon aux victimes ? suggère-t-il. Celui-ci lui répond :

-« Je n’ai pas de raison de demander pardon. Si c’était nécessaire, je n’hésiterais pas à recommencer. »

J’ai trouvé ce roman policier intéressant par son sujet mais le rythme lent, les digressions, ne sont pas parvenus à me convaincre. Il faut que je lise un autre roman avec Heredia pour ne pas m’avouer vaincue par une seule lecture.
 

 

Challenge sur le Chili chez Je lis Je blogue
 

jeudi 20 mars 2025

Yordan Raditchkov : le poirier et les Noms

Van Gogh : poirier en fleurs

 

Je présenterai bientôt un recueil de nouvelles de Yordan Raditchkov : Les récits de Tcherkaski. Yordan Raditchkov est considéré comme l'un des plus grands écrivains bulgares. Mais pour vous donner une idée de son écriture, voici le texte d'un autre recueil intitulé : Barbe de Bouc. J'adore !

" Mon père, cependant, cracha dans ses mains et empoigna la hache. Alors ma tante se mit à pousser des cris perçants, me traîna dans la neige jusqu'à l'arbre et s'interposa entre le poirier et mon père. " Je vais le couper ! " criait mon père et il faisait de grands gestes avec la hache. " Tu ne le toucheras pas ! " menaçait ma tante. " Je vais le couper !" disait mon père qui s'escrimait avec sa hache, " Je n'ai pas besoin d'un poirier stérile devant ma maison ". Ma tante ne cédait pas et elle jurait sur ce qu'elle avait de plus sacré que le poirier allait produire des fruits cette année, que cela ne faisait rien s'il était resté stérile de nombreuses années. - Bon, mais s'il n'a pas de fruits ? demandait mon père. Ma tante promettait en son nom et au nom du poirier qu'il donnerait des fruits, mais que s'il n'en donnait pas, alors mon père pouvait bien le couper avec sa hache en automne. Au printemps, le poirier se couvrit de fleurs et eut beaucoup de fruits. Plus tard, j'appris que toute l'histoire autour de la hache avait été inventée par ma tante pour que le poirier ait peur et donne des fruits. " 

 

 

Camille Pissarro : le noyer

Et ce  texte Les Noms extrait du recueil Le pot acoustique

"La soeur aînée de ma mère s'était mariée dans le village de Jivovtsi, dans l'ancien district de Berkovitsa. C'était une femme grande et svelte qui paraissait très douce. Son mari s'appelait Tseko. Ils avaient trois filles : Galouna, Veneta et Tsvetana. Galouna s'était mariée la première. Son époux s'appelait Yosko. Ils avaient une fille, elle-même baptisée Yochka. Pour moi ces noms ont toujours respiré la douceur et la bonté. Lorsque toutes ces femmes souriaient, des fossettes apparaissaient sur leurs joues.

Leur verger était dominé par un vieux noyer dont les fruits avaient une écorce molle. Dans la cour, se trouvait un puits qui abritait un très vieux poisson, devenu presque chauve avec les années. Le tout -parents, noms, noyer, puits et poisson - était situé sur la rive gauche de la rivière Ogosta. Les vieilles personnes l'appelaient l'Ogost sans prendre conscience qu'elle portait le nom d'Octave Auguste. Ainsi avait-on transmis le nom de la rivière depuis l'époque romaine à nos jours.

A ce jour, ma mère la désigne encore par son nom ancien".


 


 
( dans Les Belles Etrangères : 14 écrivains bulgares Edition : L'esprit des péninsules)

 

 

 

 

 

 

Yordan Raditchkov : 1929-2004




mardi 18 mars 2025

Théodora Dimova : Les Dévastés


 

Dans Les Dévastés, Théodora Dimova  raconte  le coup d’état du Front de la Patrie le 9 septembre 1944 soutenu par l’Armée Rouge qui pénètre en Bulgarie alliée à l’Allemagne nazie et la terrible répression qui a suivi, arrestations, exécutions sommaires, prise du pouvoir par le parti communiste appuyé par l’Union soviétique.

Théodora Dimova a choisi de parler de cette tragédie en suivant le parcours de jeunes femmes dont les maris sont arrêtés, torturés, exécutés, Raina, Ekaterina, Viktoria (et sa fille Magdalena). La petite-fille de Raina, Alexandra, vingt ans plus tard, nous dit ce qui est arrivé à Raina. Si les trois  personnages féminins principaux ne se connaissent pas, leur destin les ramène toutes les trois devant la fosse commune où le corps de leur mari a été jeté.

« Nous nous dispersons. Commençons à faire le tour des tombes, ombres noires parmi les tombes blanchies. Nous cherchons, nous fouillons du regard. Nous ne pouvons résister longtemps au froid et au vent. Tout à coup une femme s’écrie par ici, par ici. Nous y allons. Un immense rond noir. Recouvert de scories. La neige ne tient pas sur la fosse. Elle fond en tombant dessus. »

 
Les trois femmes appartiennent à la classe bourgeoise aisée, intellectuelles et préservées des duretés de la vie. La mort de leur mari, suivi d’une confiscation de leurs biens et d’une déportation constituent des épreuves terribles et Theodora Dimov nous fait partager avec beaucoup de talent, la détresse, l’angoisse, la misère de ces personnages.

Raina

 

Elena Karamihaylova : Portrait de ma soeur Magda

Raina est mariée à un intellectuel, journaliste, écrivain, Nicola, assez imbus tous deux de leur supériorité sociale. Raina est une femme belle, brillante, raffinée, qui anime des soirées littéraires mais elle est assez superficielle. Apparemment, elle ne s’est jamais posée de question sur ce qu’était le nazisme, sur la  responsabilité individuelle et collective face aux crimes commis par l’Allemagne nazie et son pays. Ce qui m’a frappée, ( et choquée) c’est qu’elle ne regrette pas que la Bulgarie se soit alliée à l’Allemagne nazie, non, ce qu’elle déplore c’est que le gouvernement n’ait pas rompu les relations diplomatiques avec la Russie. Elle et son mari Nicola paraissent être restés étrangers aux crimes dont se rend coupable leur pays. Ce dont se soucie Raina, peut-être pour tromper sa peur, c’est de la couleur du satin utilisé pour la restauration de ses fauteuils.

"Nous étions les Alliés d’Hitler, or, au parlement, les députés de l’opposition plaidaient en faveur de « l’amitié éternelle avec le grand peuple russe »" , amitié liée au souvenir du rôle de la Russie pendant la guerre Russo-Turque en 1878  qui a libéré la Bulgarie du joug ottoman. C'est évidemment comme le remarque Raina  une décision "shizophrénique" pour un pays qui est allié aux nazis !

Ekaterina

Elena Karamihaylova


Ekaterina est l’épouse d’un pope, Mina. Le couple est plus sympathique que Raina et Nicola, plus proche du peuple, conscients de ce qui se passe autour d’eux.  C’est dire que la religion tient une grande place pour elle. Quand son mari est tué, elle se met à écrire un journal pour que ses trois enfants n’oublient pas leur père et sachent qui il était. Il y a une scène très émouvante où Ekaretina achète un lustre à bas prix à une famille juive dans le malheur, ce qui provoque le désespoir de son mari.

« Comment as-tu pu offenser ces gens, Ekaterina, profiter de leur malheur et prendre à un prix dérisoire leur lustre. Tu n’as même pas payé le dixième de sa valeur. Comment as-tu eu le coeur de procéder de cette façon ! Et d’en être heureuse, qui plus est, d’en être fière. Il y  avait des larmes de profonde déception à mon égard dans les yeux de votre père, comme si je l’avais offensé, lui personnellement. … En un instant j’ai pris conscience de la monstruosité de mon acte.»


Viktoria et Magdelena

Elena Karamihaylova : autoportrait au chat

La troisième femme est Viktoria. Elle a adopté un bébé déposé devant sa porte, Magdelena.  Les souvenirs alternent entre elle et sa fille. Viktoria est musicienne et vit pour la musique. Elle aime la France où elle rêve d’habiter et donner des concerts mais elle est sacrifiée à un mari Boris, plein de suffisance, qui la pense incapable de gagner sa vie et refuse de partir. Il sera arrêté par Yordann, son fils illégitime, qui ne lui pardonne pas d’avoir laissé sa mère, femme de ménage, dans le besoin. Déportée, Viktoria travaillera dans une briqueterie. Sa fille préfère se souvenir d'elle baignée par la musique de Chopin :  

"Quoi qu'il me soit arrivé - lentes, tête rasée, poux, froid, chaussures trempées, pénurie, faim, lâcheté - je m'imaginais maman et son piano reluisant, et devant elle, sur le tabouret de cuir, avec sa longue robe en soie, les volants répandus en cercle autour d'elle sur le parquet jaune, on voit dépasser son pied qui presse très souvent la pédale droite, et son visage changeant à chaque mesure, et la musique qui était son état le plus naturel; tant que tout cela existait, il ne pouvait rien y avoir d'effrayant dans ce monde"..."

Bulgarie entre 1930 et 1945

Le tsar de Bulgarie : Boris III

Comme je connais mal l’Histoire du pays, je me renseigne chaque fois sur les époques que traitent les romans en lisant des articles dans le net.

Avant d’aller plus loin, j’ai voulu savoir ce qu’est le Front de la Patrie, coalition politique bulgare de la Résistance (voir  ICI wikipédia ), constitué par le parti communiste, le parti agraire et le parti des ouvriers, pendant la seconde guerre mondiale pour lutter contre la dictature militariste pro-nazie du Royaume de Bulgarie et contre l’Allemagne nazie.

En effet, le Tsar Boris III  a succédé à son père en 1918 à la tête de la Bulgarie. Il meurt en 1943. Dans les années 1930, il a mis en place une dictature militaire dans laquelle les partis sont interdits. La Bulgarie se rapproche de l’Allemagne nazie qui doit lui permettre de récupérer les territoires perdus prenant la première guerre mondiale.
Je cite le début de l’article de l’encyclopédie Multimédia de la Shoah et vous renvoie à sa lecture  si vous voulez en savoir plus ICI 

« Au début du mois de mars 1941, la Bulgarie rejoignit les forces de l'Axe et, en avril 1941, prit part à l'offensive conduite par l'Allemagne contre la Yougoslavie et la Grèce. En retour, la Bulgarie reçut de Grèce, l'essentiel de la Thrace et de Yougoslavie, la Macédoine et une partie de la Serbie orientale. Bien qu'ayant participé à la campagne des Balkans, la Bulgarie refusa d'entrer en guerre contre l'Union Soviétique en juin 1941.
En juillet 1940, la Bulgarie instaura une législation antisémite. Les Juifs furent exclus des emplois publics et subirent des discriminations liées à leur lieu de résidence et des restrictions économiques. Les mariages entre Juifs et non-Juifs furent interdits.
Pendant la guerre, la Bulgarie alliée de l'Allemagne ne déporta pas ses ressortissants juifs. Cependant, elle déporta les Juifs non bulgares des territoires yougoslaves et grecs qu'elle avait annexés. En mars 1943, les autorités bulgares arrêtèrent tous les Juifs de Macédoine et de Thrace. 7 000 Juifs de Macédoine (qui faisait auparavant partie de la Yougoslavie) furent internés dans un camp de transit à Skopje. Environ 4 000 Juifs de Thrace furent déportés vers des points de rassemblement à Gorna Dzhumaya et à Dupnitsa et livrés aux Allemands. Au total, la Bulgarie déporta plus de 11 000 Juifs vers des territoires contrôlés par l'Allemagne. A la fin du mois de mars 1943, la plupart d'entre eux avaient été déportés au camp de mise à mort de Treblinka, en Pologne. » (…)


Voir le billet de Miriam


Théodora Dimova est la fille de l'écrivain bulgare Dimitrar Dimov dont j'aimerais tant lire "Tabac". Hélas ! je ne l'ai trouvé qu'à des prix inabordables. Je vais voir si je le trouve en médiathèque mais ce serait étonnant !

 

 Peintre bulgare

Peintre bulgare : Elena Karamihaylova Ici

 

 


dimanche 16 mars 2025

Elena Alexieva : Le prix Nobel

 


 

Le prix Nobel est un roman policier écrit par l'écrivaine bulgare Elena Alexieva.

Eduardo Ghertelsman, écrivain d’origine chilienne qui vient d’obtenir le prix Nobel, accompagné de son agent littéraire Nastassia Voks, arrive à Sofia où il est accueilli par son éditrice bulgare pour une conférence. Le premier contact avec la ville est révélateur. Il tombe dans un embouteillage « cauchemardesque », sur une chaussée défoncée, et à la remarque polie de Nastassia :« maintenant que vous êtes dans l’Union européenne*, vous aurez certainement les moyens d’améliorer votre infrastructure », l’éditrice se contente de lever « dramatiquement »  les yeux au ciel, et le chauffeur s’étouffe dans ce que l’on ne sait définir comme un rire ou comme une toux. Le roman est paru en 2011 et le ton est donné. On sent que l’écrivaine ne va pas se priver de nous montrer les coulisses secrètes de son pays, la corruption, et la dérive mafieuse!

 L’éminent écrivain, désabusé, ne se fait aucune illusion sur les ressorts de la célébrité et de l’engouement du public  : « Après une vie entière consacrée à la littérature, Ghertelsman, se rendit compte qu’un écrivain en vie n’était jamais aussi bien accueilli qu’un écrivain mort ». Après la conférence, il sort se promener le soir dans la ville et disparaît ! Une demande de rançon suit. Le gouvernement est dans tous ses états ! La disparition d’un prix Nobel est un coup dur et ne va pas améliorer la réputation de la Bulgarie auprès de l’Union européenne et surtout des Etats-Unis ( ce qui est le plus important !).

C’est alors que nous faisons la connaissance de l’inspectrice Vanda Belovska. Elle a été rétrogradée pour avoir mis les pieds dans le plat, si j’ose dire, autrement dit, le coupable qu’elle a débusqué dans une précédente affaire, était un peu trop haut placé pour elle. Bref ! elle a été rejetée par le « Système », ou quel que soit le nom qu’on lui donne.

« Vanda ne craignait pas tant l’acide, l’agression physique ou les balles. Elle avait bien plus peur de ce qui allait arriver ensuite. Si quelqu’un avait décidé de se venger, mieux valait qu’il ne fasse pas les choses à moitié ! Elle s’était habituée à combattre activement sa peur de la violence en se confrontant à la violence même. Mais pour pouvoir se le permettre, elle avait besoin d’un dos : Le Sytème. »

Et voilà qu’on la « réhabilite » et qu’elle est chargée de l’affaire ! Elle comprend vite, en étant reçue par le ministre, un ancien camarade de classe, que, si elle échoue, ce ne sera que plus aisé de lui faire porter le chapeau !  Un meurtre, celui d’un autre écrivain, bulgare, cette fois-ci, relance l’enquête et entraîne Vanda dans un village abandonné, proche de Sofia, où les Roms se sont installés au milieu des ruines.

Je ne sais pas si l’intrigue policière vous paraîtra convaincante mais personnellement j’ai été déçue par l’enquête qui avance lentement et qui est, une fois résolue, assez peu vraisemblable à mon goût. Mais pour moi, l’intérêt du roman est ailleurs et d’abord dans le personnage, Vanda, qui se révèle complexe et qui, dans sa solitude et son angoisse, me touchent. Vanda est une femme seule face à une société hostile. Sa seule relation est son collègue de bureau l’inspecteur Kreustanov. Et son seul compagnon est (non pas un chat comme tout bon inspecteur qui se respecte) mais un iguane, par dessus le marché pas très aimant, ni toujours commode ! C’est la richesse du personnage qui donne vie au récit, son questionnement aussi sur la vie, sur ce qui l’entoure. Par exemple, sa relation avec sa mère, source de culpabilité et de remords, dont elle n’est pas proche mais qui, malade, ne peut se suffire à elle-même et qu’elle doit aider; ses rapports avec la corruption, avec l’autorité, son refus de se laisser transformer par le Système alors qu’elle est obligée de se « blinder » face à la violence, la pauvreté, les minorités rejetées, au risque de perdre son humanité.

" Là où elle était, elle savait au moins de quel côté elle se se trouvait. En revanche, plus haut dans la Hiérarchie, les frontières se brouillaient, et c’était là une particularité à laquelle nul ne pouvait échapper. Tous n’étaient pas corrompus ou criminels, au contraire. Mais la seule chose qui les empêchait de l’être, c’étaient leurs propres conceptions ou volonté. Quant au reste, c’était le principe sur lequel reposait l’Etat dans sa totalité. Le Monde entier, se dit Vanda… "

La vision que Vanda nous donne de la société bulgare et du pouvoir donc est au centre du livre ainsi que son refus d’y participer. Elle dénonce un Système qui broie l’individu. L’alternance du pouvoir qui porte au sommet un chef pour le faire tomber l’instant d’après, la pousse à refuser toute distinction et tout poste important.
"Toute ascension se termine par une chute, se dit philosophiquement Vanda.
Même leur chute ne transformait pas ces fonctionnaires en héros tragiques. Au contraire. Une fois qu’ils s’étaient écroulés, il ne fallait que quelques jours pour qu’ils tombent dans l’oubli."

C’est pourquoi on comprend bien le dénouement, un peu déroutant de prime abord, mais il s’agit pour elle de choisir de rester humaine.

J’ai beaucoup aimé aussi les réflexions sur le monde de l’édition où tout est bon pour faire de l’argent, où la littérature est traitée comme un marché, où la création littéraire devient "un métier" comme un autre avec ses obligations de rendement.
Hasard de la lecture, moi qui lis en ce moment pour le challenge sur le Chili, il se trouve que le chef d’oeuvre d’Eduardo Ghertelsman lu par Vanda, Sang et aube, raconte comment l’écrivain se cache dans une cave après le coup d’état de Pinochet. Au questionnement sur la société apparaît aussi un questionnement sur la littérature, sur son pouvoir.

« De ses pages jaillissait une souffrance qui ne pouvait être feinte. L’impression hautaine qui en émanait ne pouvait pas non plus être feinte. Vanda n’arrivait pas à s’expliquer comment il était possible qu’un homme qui courait après la mort comme après une carotte attachée à un bâton tenu à l’autre bout par la mort elle-même - sauf que ce n’était pas la sienne à lui, mais celle de tout ce qui était en train de périr autour de lui- se permit d’être aussi intransigeant. Et ce, non pas qu’il n’ait rien à perdre, au contraire, il espérait gagner. »

Donc, au final, j’ai  trouvé qu'il y avait  de nombreuses raisons d'aimer ce roman qui présente plusieurs entrées très diverses et intéressantes.


* Entrée de la Bulgarie et de la Roumanie dans l’espace Schengen le 1er Janvier 2005. Entrée dans l'UE le 1er janvier 2007.
 

 


 

vendredi 14 mars 2025

Challenge Bulgarie


 


 


Claudialucia

 Challenge Bulgarie : Littérature Histoire Art qui se joint à moi ?

 Les peintres bulgares : Vladimir Dimitrov Le Maître et Radi Nedelchev 

Les Héros nationaux bulgares : Hristov Botev, Vassil Levski, Hadji Dimitar

Elena Alexieva : Le prix Nobel  

Anton Dontchev : Les cent frères de Manol

 Elitza Guieorgieva : Les cosmonautes ne font que passer

Kapka Kassabova : Elixir 

Victor Paskov : Ballade pour Georg Hanig

Yordan Raditchkov  : Le poirier/ Les noms

Yordan Raditchkov : les récits de Tcherkaski

Ivan Vazov : sous le joug

Jules Verne : Le pilote du Danube

Yordan Yolkov Un compagnon mon billet 

Yordan Yolkov Soirée étoilée mon billet


Fanja

Le pays du passé de Gueorgui Gospodinov 

 

Je lis je blogue
 

Elitza Guieorgieva : Les cosmonautes ne font que passer 

Viktor Paskov Ballade pour Georg Henig 


Miriam :

Theodora Dimova : Les dévastés

Kapka Kassabova Elixir ou la vallée de la fin des temps

Kapka Kassabova : L'esprit du lac 

Kapka Kassabova : Lisière 

Kapka Kassabova : Anima 

Marie Kassimova-Moisset :  Rhapsodie balkanique 

Angel Wagenstein :  Adieu Shangaï

Angel Wagenstein : Le pentateuque ou les cinq livres d'Israel

Jules Verne : Kereban le têtu 

Jules Verne : Le pilote du Danube 



Rappel du challenge :

Je pars en voyage en Bulgarie au mois de mai et je commence à lire des livres d'auteurs bulgares fort intéressants.  Qui veut me rejoindre pour découvrir la littérature bulgare ? 

Il s'agit d'une littérature peu connue. Personnellement, je n'avais rien lu jusqu'à maintenant. J'ai commencé avec quelques titres, c'est pourquoi je publierai dès le mois de Mars. Mais la date du début du challenge sera au Mois d'Avril pour vous permettre de trouver des titres. j'ai pioché, en particulier dans les nombreuses lectures de Miriam.

Donc, à partir du mois de Mars ou Avril jusqu'à la fin septembre, je propose que l'on découvre la littérature bulgare mais aussi l'histoire du pays et les arts, peintures, icônes, fresques, architecture...

 Laissez vos liens ici.