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samedi 20 juin 2009

Hammerklavier : Yasmina Reza et le Festival d’Avignon

 


A l'approche du festival d'Avignon 2009, je ne me peux m'empêcher de citer ce très beau texte que j'ai lu dans le recueil de récits de Yasmina Reza : Hammerklavier. Il s'intitule Trente secondes de silence et Yasmina Reza y raconte comment  José-Maria, un de ces amis espagnols, Catalan épris de théâtre, lui fit un jour la narration d'un séjour à Avignon du temps de sa jeunesse.

On donnait, me dit-il, au Palais des Papes, la première des Caprices de Marianne avec Gérard Philippe et Geneviève Page. Tu te souviens, me dit-il en s'arrêtant de marcher, les mots d'Octave: "adieu ma jeunesse.. adieu les sérénades.. Adieu Naples... Adieu l'amour et l'amitié... Pourquoi adieu l'amour? demande Marianne. Je ne vous aimais pas Marianne; c'était Célio qui vous aimait."
Gérard Philippe s'en va. Geneviève Page disparaît à son tour sous la musique de Maurice Jarre, puis le noir, puis rien. Et là, me dit José-Maria, debout, arrêté, encore frissonnant, il se passe, je te jure, trente secondes, au moins trente secondes d'immobilité, moi, me dit-il, je tremblais de tous mes membres, j'avais seize ans, je venais de Barcelone, qu'est-ce que tu veux à cette époque là-bas on ne savait pas ce qu'était le théâtre, et tout d'un coup, la salle entière s'est levée, après au moins trente secondes de silence complet et s'est mise à applaudir.
Quelle chance, me dis-je, quelle chance, non pas d'avoir vu ce spectacle, me dis-je, ni d'avoir vu Gérard Philippe, ni Geneviève Page -moi aussi, pensai-je, j'ai vécu de grands instants de théâtre- quelle chance d'avoir connu ce public. Quel bonheur d'avoir connu ce temps béni de la non-participation. Un temps où il n'était question  que de recevoir, en toute simplicité et en toute honnêteté -peut-être la plus noble attitude- un temps où il ne s'agissait pas de s'exprimer, de prouver, d'être un soi bruyant et apparent. Où que nous allions aujourd'hui, me dis-je, les gens applaudissent sur la dernière note. Aucun silence. Pas une seule seconde de retrait. Vite, applaudir. Vite, se manifester, vite en être, énoncer à tue-tête son imposant verdict. Et chacun, me dis-je, tandis que j'écoute José reprendre le meilleur moment de son histoire, c'est-à- dire les trente secondes de silence, d'être si fier d'appartenir à cette ignoble communauté, l'ignoble et nouvelle communauté du public averti, intelligent, les "haut de gamme" de l'humanité, ceux qui sortent, ceux qui en sont et qui savent, qui ont leurs élus et leurs damnés.

jeudi 11 juin 2009

Lozère : Au pays où fleurissent les joubarbes…


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Je vais passer quelques jours au pays où fleurissent ces joubarbes...

vendredi 22 mai 2009

Retour de voyage : Edimbourg, une brassée d' images


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Château médieval  d'Edimbourg

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Cour intérieure du château médieval

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Vues du château sur la ville neuve



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Cathédrale : vue d'ensemble et détail

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Sculpture  (détail) chapelle de la cathédrale










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Vue du jardin : la vieille ville

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closer : rue couverte de la vieille ville

lundi 11 mai 2009

Départ en voyage à Edimbourg


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Je suis à Edimbourg jusqu'à la fin de la semaine. Au revoir!

mercredi 29 avril 2009

Festival d’Avignon 2009 : Wajdi Mouawad : Forêts

Wajdi Mouawad est l'auteur invité du Festival d'Avignon 2009. Libanais, Wajdi Mouawad a dû quitter son pays; il vit maintenant au Canada. Il fait des études à l'Ecole nationale de théâtre du Canada où il étudie les arts du spectacle.
Sa première pièce s'intitule Alphonse en 1996 suivi par Les mains d'Edwige au moment de sa naissance en 1999. Inspiré par les thèmes de la guerre, de la mémoire et de la filiation, Wajdi Mouawad publie et met en scène ses propres textes Littoral (1999)Incendies (2003) et  Forêts (2OO6). Il est aussi l'auteur de Rêves (2002) Assoiffés (2007) Le soleil et la mort ne peuvent se regarder en face (2008). En 2005, il refuse le Molière du meilleur auteur francophone qui devait lui être décerné pour dénoncer le travail de certains directeurs de théâtre qui négligent la lecture des manuscrits et qui, en ce sens, ne s'impliquent pas dans la promotion des jeunes dramaturges.
L'auteur fonde deux compagnies avec Emmanuel Schwartz : au Québec, la compagnie Abé Carré Cé Carré ; en France, la compagnie Au Carré de l'hypoténuse. Il écrit aussi son premier roman intitulé Visage retrouvé et tourne l'adaptation cinématographique de Littoral. En 2008, il interprète Seuls au Festival d'Avignon.
Pour le festival d'Avignon,  en 2009,   il présentera  son quatuor  Le Sang des promesses au parc des expositions de Châteaublanc  : Littoral, Incendies, Forêts  et créera Ciels dans la cour d'Honneur du Palais des papes.
Forêts
Forêts est un texte riche, foisonnant et complexe. Il est donc difficile de  résumer la pièce  sans laisser de côté certains aspects ou ramifications. Je m'y essaie pourtant.
Loup, une jeune fille de seize ans vient de perdre sa mère, Aimée, morte d'un cancer. Celle-ci a refusé de se  soigner car il lui aurait fallu avorter et sacrifier son bébé; c'est une lourde responsabilité pour Loup. Commence alors pour elle une quête qui lui permet de remonter dans le passé et de retrouver la filiation qui - de mère en fille - relie les membres de sa famille aux plus sombres périodes de notre siècle, de la guerre de 1914 aux horreurs des camps nazis, à la tragédie du 6 Décembre 1989 qui s'est déroulée à l'université polytechnique de Montréal où un tireur fou a tué quatorze jeunes étudiantes.
Avec un paléontoloque, Douglas Dupontel, lui-même victime du devoir de mémoire, elle découvre la fatalité qui pèse sur les femmes de sa famille coupables d'une génération à l'autre d'abandon de leur enfant, les atrocités qui ont eu lieu dans le monde mais aussi chez les siens. Le but de cette quête est essentielle pour Loup :  il ne s'agit de rien de moins que  de briser la fatalité, de trouver "un talisman contre le malheur" et d'accepter la vie :
 Maman,
 Tu m'offres le monde
et le monde est grand
Mais puisque tu as choisi de me le donner
Je choisis de le prendre!
La narration est complexe car toutes les époques se chevauchent, les personnages du passé  faisant  irruption dans le présent ou dans le présent du passé ou...
Les thèmes sont nombreux, on le voit :   l'horreur de la guerre, la dénonciation du nazisme et de l'holocauste, le devoir de mémoire, la responsabilité de l'homme qui transforme l'univers en enfer, la culpabilité, l'enfance abandonnée, l'autorité abusive du père qui impose son rêve à ses enfants... Les grands mythes fondateurs sont aussi explorés : le regret du paradis perdu et impossible à faire renaître, les Atrides, l'inceste et l'Oedipe.
Et les dominant tous le  thème de la  filiation qui souligne ce paradoxe : pour vivre il faut à la fois lever le secret de son origine (la quête de Loup) car l'on ne  peut  sans cela être un être complet et se libérer de la prison familiale pour découvir le monde de ses propres yeux au risque de tomber en Enfer .. (Edmond le Girafon)
La langue est belle, inspirée, ouvrant une vision sur l'extérieur, sur les grands espaces canadiens, laissant le froid et la neige venir jusqu'à nous :
Douglas Dupont : Tout ça qui est là-bas et qui va jusqu'au trait du ciel, c'est le fleuve Saint-Laurent ?
Achille : Ici, en Gaspésie on appelle fleuve ce qu'ailleurs on appelle océan. Les gens ont le coeur gros par ici. L'espace ça aide à contenir les peines et les colères.
Le comique  côtoie souvent le tragique  :
Douglas Dupontel :  Ecoutez le mieux, c'est de m'envoyer ça à mon adresse internet. Oui? Je vous la donne: animaquaenobiscumdegunt arobase museepaleontologiecomparée trait d'union paris trait d'union direction point general point fr.
(...)
Dougla Dupontel : Non, non, animaquaenobiscumdegunt ça signifie animaux domestiques en latin .. quand on comprend ce n'est pas compliqué.. je vous épelle : a..n..i..
Loup : Donnez-lui mon adresse à moi ça va être plus simple, avec une affaire de même on sera encore ici l'année prochaine jusqu'à Pâques, jusqu'à Noël puis le Nouvel An.
(...)
Douglas Dupontel : on va vous donner un autre mail.
Loup : Toutemecoeuretoutemefaitchier arobase hotmail point com pas d'accent pas d'apostrophe.
J'aime beaucoup le personnage de Loup qui apporte sa fraîcheur et sa sensibilité  à toute cette noirceur. Entre révolte et angoisse, avec son vocabulaire d'adolescente, on va la voir peu à peu se transformer pour atteindre la compréhension et la maturité :
Douglas D :  De quoi avez-vous si peur, Loup?
Loup : J'ai peur de ne pas trouver ma place dans le monde. C'est important, ça, de trouver sa place dans le monde quand on a seize ans, non?
Douglas D : Vous avez le temps, vous êtes jeune!
 Loup : Non, je n'ai pas le temps et je ne suis pas jeune! Ya rien de plus niaiseux de plus épais de plus cave qu'un jeune qui dit de lui qu'il est jeune! Ca veut dire qu'il est déjà mort. Moi, je veux tout, tout de suite et que ce soit beau, grand, magnifique et bouleversant et clair...
Un vrai texte littéraire, donc, qui procure le plaisir de la lecture. Après, bien sûr, il faut le voir au théâtre car il n'existera complètement que par cette interprétation, cette transformation ou maturation que va lui donner la mise en scène.

mardi 28 avril 2009

Festival d’Avignon : la chambre d’Isabella et le bazar du homard de Jan Lauwers

                                         

Jan Lauwers est né à Anvers en 1957. Plasticien, il a étudié à l'école des Beaux Arts de Gand et pratique toutes les disciplines Il  a créé Needcompany avec Grace Ellen Barkey, à Bruxelles, en 1987.
J'ai consulté le site de Needcompany  dont je cite des extraits :
"Jan Lauwers s’inscrit ainsi dans le mouvement de renouveau radical du début des années quatre-vingts en Flandre..."
"Le langage scénique de Jan Lauwers s’oriente vers la démultiplication des pôles d’intérêt et des moyens mis en scène : théâtre, discours intime, danse, chanson, et vidéos sont intimement mêlés avec la musique et le langage pour éléments structurants."             .
" Les premières productions de Needcompany, Need to Know (1987) et ça va (1989) – pour laquelle Needcompany a obtenu le Mobil Pegasus Preis – sont encore très visuelles, mais dans celles qui suivent, la ligne narrative et la notion de thème central gagnent en importance, même si la construction fragmentée est conservée."
La Chambre d'Isabella et surtout le bazar du homard illustrent totalement ce genre de théâtre. C'est pourquoi il m'a été difficile de les lire et d'éprouver un intérêt soutenu. Le récit, en effet, n'a qu'une trame narrative très faible, le langage s'il est un élément structurant  n'a rien en soi d'exaltant. On peut aimer  certaines pièces en les lisant - que ce soit du  théâtre classique ou contemporain - parce que la langue est belle, poétique, fascinante, parce que l'histoire est forte, provoque l'émotion, exalte des idées mais ce n'est pas le cas ici.
Je suppose que pour juger ce genre de théâtre où le langage et l'histoire deviennent secondaires, il faut le voir et non le lire? L'intérêt doit consister dans la scénographie, la danse, les costumes, les chants? C'est ce qui m'a frappé en lisant des critiques sur Isabella, les gens parlent beaucoup d'une chanson qui les a marqués mais qui ne figure pas dans la pièce!
La Chambre d'Isabella : une vieille dame  aveugle enfermée dans une chambre qui contient toutes sortes d'objets africains évoque ses souvenirs.  Elle convoque ainsi ses fantômes, les personnes qu'elle a connues et aimées, disparues avant elle. Avec sa vie, c'est toute l'histoire du XXème siècle qui défile...

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Le bazar du homard : Axel, mari de Thérésa, est généticien et a déjà créé un clone humain et le clone d'un ours; mais il n'a pu le faire avec son fils Jef, mort accidentellement.  Le thème est celui de la perte d'un enfant. Toutes sortes d'aventures et de personnages rocambolesques  gravitent autour du couple.


voir video : La chambre d'isabella
Une critique de :  la chambre d'Isabella
Une critique de :   Le bazar du homard

lundi 27 avril 2009

Avant-programme du festival d’Avignon 2009




63e festival de théâtre d'Avignon


L'avant-programme du festival d'Avignon permet de connaître les principaux spectacles qui seront donnés dans le IN du 7 au 29 Juillet 2009. Environ 24 spectacles dans différents lieux du IN dont neuf spectacles en langues étrangères surtitrés en français.
Dans la Cour d'Honneur, en particulier, seront joués le quatuor de Wajdi Mouawad, artiste invité du festival, libanais immigré au Québec : Le sang des promesses; le  spectacle de Appolonia de Warliskovi d'après Eschyle, Euripide... en polonais; Casimir et Caroline de Odon Von Horvath, mise en scène par J. Simons et P. Koek.
Remarquons encore une fois dans le IN l'inévitable Jan Fabre dans la Cour du Lycée Saint Joseph.
Un réalisateur de cinéma est invité au théâtre : Amos Gitai avec La Guerre des fils de lumière contre les fils des ténèbres d'après La Guerre des juifs de Flavius Josephe à la carrière de Boulbon
Un seul "classique" français à l'opéra-théâtre : Angelo, Tyran de Padoue de Victor Hugo mise en scène par Christophe Honoré, metteur en scène de théâtre et de cinéma, écrivain, dramaturge, acteur...
Pour mon plaisir personnel,  je note la venue de Maguy Marin au Gymnase Aubanel du 8 au 16 Juillet ou Ode maritime de Fernando Pessoa à la salle Montfavet.


Certains  titres me sont inconnus.
J'ai lu La chambre d'Isabella de Jan Lauwers dont la trilogie Sad Fac/Happy Face dont la trilogie sera montée au parc des expositions  de Châteaublanc. La pièce a déjà été présentée à Avignon en 2004  par la Needcompany dans une mise en scène de l'auteur. Je ne l'ai pas vue alors.
Je parlerai de cette lecture dans un prochain billet.

dimanche 26 avril 2009

Rafael Alberti… Sur les Anges





Aurélia Frey : Des nuages et des contes


Trois souvenirs du ciel dans le recueil : Sur les anges (1929)


Premier souvenir


Elle se promenait avec un air de lis qui pense,

presque un air d'oiseau qui sait qu'il doit naître.

En se regardant sans se voir dans une lune qui changeait

son rêve en miroir

et dans un silence de neige, qui soulevait ses pieds du sol.

Penchée sur un silence.

Antérieure à la harpe, à la pluie et aux mots.

Elle ne savait pas.

Blanche élève de l'air,

elle tremblait avec les étoiles et la fleur, avec les arbres.

Sa tige, sa verte taille.

Avec mes étoiles

qui, de tout ignorantes,

pour creuser deux lagunes dans ses yeux

la noyèrent dans deux mers.


Et je me souviens...

Rien d'autre : morte, s'éloigner.


C'est ainsi que la lecture des poèmes de Rafael Alberti nous plonge dans un univers fascinant où naissent des images que l'on ne peut toujours expliquer mais qui font vivre en nous des mondes inconnus, inexplorés.

 

Les Anges collégiens


Aucun de nous ne comprenait le secret nocturne des ardoises

ni pourquoi la sphère armillaire s'excitait aussi esseulée quand nous la regardions.

Nous savions seulement qu'une circonférence ne peut pas être ronde

et qu'une éclipse de lune abuse les fleurs

et donne de l'avance à l'horloge des oiseaux.

 

Aucun de nous ne comprenait quoi que ce fût :

ni pourquoi nos doigts étaient d'encre de Chine,

ni pourquoi le soir ouvrait des compas pour ouvrir à l'aube des livres.

Nous savions seulement qu'une droite peut, à son gré, être courbe ou brisée

et que les étoiles errantes sont des enfants qui ignorent l'arithmétique.
 





Rafael Alberti : D'Espagne et d'ailleurs (poèmes d'une vie)
traduits de l'espagnol par Claude Couffon

édit. Le Temps des Cerises

Les anges, de Rafael Alberti à Homero Aridjis

 
L'ange de l'Annonciation de Fra Angelico

Quand le grand poète espagnol, Rafael Alberti, publie, en 1929, à l'âge de vingt-sept ans, son recueil Sur les Anges (Sobre los angeles) il traverse une période qui n'est que colère, fureur, rage, détresse, selon ses propres mots. A peine remis de la tuberculose,  en proie à une crise spirituelle avivée par un chagrin d'amour, il entretient pourtant l'espoir en lui. Par la poésie, il va entreprendre de renaître à lui-même. Sur les Anges correspond donc à la quête du poète à la recherche de son âme. C'est la rencontre de l'amour,  de celle qui deviendra sa femme et le ramènera à la vie.

Ainsi il écrit à propos de son recueil : "C'est alors que j'eus la révélation des anges, non pas des anges chrétiens, corporels, des beaux tableaux ou des gravures, mais de ces anges qui ressemblaient à d'irrésistibles forces de l'esprit, aptes à être façonnées selon les états les plus troubles et les plus secrets de ma nature. Et je les lâchai par bandes à travers le monde, aveugles réincarnations de tout ce qu'il y avait en moi de sanglant, de désolé, d'agonisant, de terrible et parfois de bon- de tout cela qui me traquait" .

 Peu de temps après avoir refermé Sur les anges d'Alberti, j'entrai dans l'univers du recueil Le Temps des Anges (Tiempo de angeles) de Homero Aridjis, poète mexicain que je m'étais promis de découvrir après avoir lu l'hommage que lui consacrait Le Clezio dans son discours pour le prix Nobel.

Le recueil de Homero Aridjis fait bien sûr référence à celui de Rafael Alberti en particulier dans le long poème de dix strophes intitulé Sur des anges qui est une variation sur le titre du recueil du poète espagnol.

Pour Homero Aridjis, l'ange est celui qui unit l'être aux dieux, c'est celui que l'homme deviendra quand il se trouvera lui-même, lorsqu'il saura voir l'ange qu'il y a en lui. L'ange et l'homme se rejoignent dans la langue originelle que parlent tous les anges de tous les temps, celle qui est faite des mots du poème, de paroles intérieures.

L'ange n'est-il pas tout simplement le poète chargé d'assister à la souffrance et la solitude des hommes, à la destruction de notre planète et de s'en faire le témoin? Son témoignage parviendra-t-il à ramener les hommes à la raison, et à l'amour, à introduire une lumière dans le dernier soir du monde?

L'ange, en ces temps de noirceur

qui se préparent,                           
  sera messager de lumière.

Que l'ange soit l'égal de l'homme

Voici que vient le temps des anges .


Fra Angelico

L'Ange du soleil couchant (extraits)

Il marchait dans la forêt perturbée,

entendait le parfum des plantes effacées,

touchait le chant des oiseaux disparus,

voyait les branches de végétations mortes,

car dans sa mémoire chaque temps était présent,

des visions se détachaient par ses yeux.

(...)

 Les ancêtres venaient à sa rencontre :

"Qu'as-tu fait des animaux? Pourquoi salir les flots?

L'air a changé. Où sont partis les oiseaux?"

"L'année fut sans printemps, et sera sans hiver.

Le soleil, comme un oeil sans paupières,

fixe furieusement la terre."

Lui, figé sur la colline du Couchant,

vêtu de jaune, les ailes resplendissantes,

ne trouvait pas de mots pour répondre;

il leur montrait simplement de la main

les bribes bleues, les lambeaux verts

du paysage de son enfance lacérée







 

samedi 25 avril 2009

Le vent parle en silence…


Je découvre souvent en lisant des blogs ou des chroniques des textes qui me parlent,  dont j’aime l’idée et l’écriture. J’ai envie de les conserver pour les relire. J’ai décidé de les “collectionner”.

Allez voir la beauté de l'image et du texte de Bruno dans Carnet de bord  et sur son site professionnel.

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Quand la beauté attire la beauté dans un souffle à l’idée d’une durée éternelle. De ma rêverie, ou l’intranquillité berce mes nuits, je m’envole dans un délire délicieux ou l’imagination me porte en douceur. Je ne suis plus heureux qu’au banc de mes pensées.
Bruno De cuyper
 J’entends passer le vent, - et je trouve que rien que pour entendre passer le vent, il vaut la peine d’être né.
Le Gardeur de troupeaux
Fernando Pessõa

Lucia Etxebarria : Amour, Prozac et autres curiosités




Cette fois, c'est par un roman : Amour, Prozac et autres curiosités  et non par un recueil de nouvelles comme  dans Aime-moi per favor que Lucia Etxebarria traite du thème de la femme et de son aliénation dans la société actuelle. Mais, d'un livre à l'autre, c'est toujours avec la même force, pour ne pas dire violence, avec le même franchise de ton, ne s'embarrassant d'aucun tabou lorsqu'il s'agit de parler de sexe, avec la même conviction qu'elle met en scène ses personnages : ici,  trois femmes, trois soeurs.

Le roman présente tour à tour le point de vue de chacune des soeurs dont le portrait se complète par la vision que les autres ont d'elle.

Cristina, la plus jeune, la plus belle, préfère travailler dans un bar plutôt que d'être exploitée comme éternelle stagaire dans une grande entreprise. Elle multiplie les expériences sexuelles mais s'agit-il vraiment de libération? Le retour vers son enfance nous l'apprendra. Elle se drogue à l'ectasy. Rosa, l'aînée, occupe une position importante, directrice financière dans une grande société mais elle doit se montrer supérieure aux hommes pour ne pas se faire évincer. Supérieurement intelligente, cérébrale, bien habillée,  riche, mais... seule. Anna a épousé un mari qui a réussi, a un petit garçon et s'applique à être une parfaite maîtresse de maison et une bonne mère puisqu'elle a tout pour être heureuse : une maison cossue, de beaux meubles qu'il faut éviter de rayer, des rideaux qu'il faut entretenir  méticuleusement et pourtant ... elle prend des drogues légales pour dormir du style prozac ou autres curiosités... Peu à peu sous les différences, se révèlent les failles de ces trois soeurs, les blessures du passé jamais refermées, leur condition de femme dans une société de mâles qui ne leur fait pas de cadeau.

On pourrait penser en voyant ces trois personnages qu'ils forment un échantillon soigneusement choisi par l'auteur pour explorer toutes les facettes de la condition féminine... et c'est vrai!  De là à dire que le roman est trop démonstratif, il n'y a qu'un pas. Mais c'est sans compter le  talent de Etxebarria qui balaie toute critique. Cristina, Rosa, Anna ne sont pas que des idées, elles sont vivantes, complexes, inattendues. L'humour noir et grinçant du roman souligne le tragique de chacune de ces vies et finalement emporte l'adhésion du lecteur.

mercredi 22 avril 2009

Rafael Alberti, Jardin d'amour, marin à terre…



Les Asturies (photo de voyage)


Rafael Alberti est un poète espagnol malgré son nom d'origine italienne. Il est né en 1903 près de Cadix. Parti très jeune vivre à Madrid avec sa famille, "marin à terre", il restera toute sa vie fidèle à la région de son enfance et regrettera la mer. Sa poésie est d'abord très personnelle et lyrique. Mais devenu membre du parti communiste espagnol en 1933, il déclare dès 1934 vouloir mettre son art au service de la politique. Républicain engagé, il est obligé de s'exiler en France en 1939. Puis il fuit en Argentine devant l'invasion allemande. Il ne rentrera en Espagne qu'en 1977, deux ans après la mort de Franco. Devant une foule immense venue l'accueillir à l'aéroport de Madrid, Rafael Alberti s'exclame: "J'ai quitté l'Espagne, le poing levé, et je reviens la main tendue en signe de paix et de réconciliation avec tous les Espagnols". Il meurt en 1999.

Jardin d'Amour

Va-t'en au jardin de la mer
et plantes-y un arbousier
sous les glaces polaires.

Jardinier :

Pour mon amie, une île
aux cerisiers stellaires,
murée de cocotiers.

Jardinier.

Et dans mon coeur guerrier,
plante quatre palmiers
comme on plante un mât de hune.
Jardinier.

Le recueil d'où est extrait Jardin d'Amour, Marin à terre (1924 ) lui valut le prix national de littérature.

dimanche 19 avril 2009

Francis Coloane : le dernier mousse




Francis Coloane, écrivain chilien, a souvent été comparé à Jack London pour ses romans d'aventure inspirés par sa vie aventureuse et ses voyages en mer même si les régions explorées, les expériences du Chilien -les terres australes, le métier de marin- sont différentes de celles du romancier américain.




Le dernier mousse raconte l'histoire d'un garçon d'une quinzaine d'années, Alejandro Sylva, qui s'embarque comme passager clandestin à bord de la corvette Baquedano, bateau-école de la Marine de guerre chilienne. De famille modeste, il veut suivre les traces de son père, disparu en mer, mais n'a pas été admis à l'école de marine. Découvert , le jeune homme est engagé comme mousse et fait son apprentissage sur le Baquanedo, partageant le quotidien de l'équipage, essuyant des tempêtes effrayantes, découvrant des terres inhospitalières mais envoûtantes.

Ce roman constitue une lecture plaisante qui mêle le frisson de l'aventure au plaisir de la découverte de lieux inconnus. C'est un best-seller nous dit-on au Chili où il est étudié dans les écoles.

samedi 18 avril 2009

Jean-Michel Maulpoix : Comment bouge le visage de l'homme dans l'Instinct du ciel



Mes derniers voyages m'ont conduite au bord de la mer : Ile d'Oléron, Pays basque, Galicie, Asturie.. De longs tête-à-tête avec ce spectacle toujours "recommencé" selon l'expression de Paul Valéry.

Jean-Michel Maulpoix, à son tour, évoque la mer dans ce poème extrait du recueil "L'instinct du ciel", éveillant en nous une profusion d'images, de couleurs, de sensations.

Partout tu poursuivis la mer. En plaques, en flaques, couleur de neige ou de soleil couchant, la mer d'un beau gris de ferrailles, d'orage, ou de bidons de lait, d'écailles ou de tôle en hiver. La mer blanche : cheveux de vieille fée, lessives, brouillards trempés, mousse de ciel et de vent.


La mer tout en bouche, en embouchure, haussant, baissant la voix.

 Tu es resté ainsi des heures entières à observer la façon de mourir des vagues : en gerbes, en jupons, en linges mouillés, en nappes, en caresses, en frissons, en bouillon de onze heures, en mouvements de paupières, en guerre de cent ans, en averse blanche, en dernier coup de reins par où l'amour s'achève.


En regardant longtemps la mer, tu as compris comment bouge le visage de l'homme.