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mardi 15 mai 2012

Le challenge Romantique : premier bilan provisoire




Et voilà un premier bilan tout à fait provisoire de notre challenge romantique. Nous avons encore le temps, il doit durer deux ans!  Il a commencé le 1er Novembre 2011 et finira donc le 1er Novembre 2013. Signalez-moi erreur ou omission!
Pour le plaisir, des images de deux peintres romantiques illustrent  ce bilan : François Gérard et Joseph Stieler.


      François Gérard : Marie-Louise         
                                                                      
Quelques chiffres

Voilà donc sept mois et demi que le challenge romantique est ouvert et vous pouvez voir que certains d'entre vous ont été enthousiastes et ont vraiment bien "travaillé"!
 Sur 24 participants, seize ont déjà participé. Les auteurs qui sont en tête sont George Sand (vous devinez grâce à qui!), suivie de près par Dumas, Nerval, Gautier,  Chateaubriand et puis Musset, Hugo, Cazotte, Féval, Vigny... Chez les anglais nous avons Marie Shelley, Emily Brontë, Lord Byron, Walter Scott, Ann Radcliffe, Burns, chez les allemands, Goethe, Van Arnim, russe, Pouchkine, italien-anglais Polidori, portugais, Castelo Branco.
Certain(e)s s'épanouissent dans le gothique et les vampires! D'autres dans les romans de cape et d'épée, romans sociaux, idéalistes ou... poésie, peinture, musique et films qui complètent le bilan.

Merci pour votre participation active! Peut-être vos lectures vont-elles donner des idées à tous les "romantiques" qui se retrouvent sur cette page et qui s'interrogent sur ce qu'ils vont lire. J'attire votre attention sur quelques pistes de lecture que je vous ai données mais elle ne sont pas les seules. Et puis n'oubliez pas que romans, essais, mémoires, biographies, poésie, théâtre, lettres, tous les genres littéraires mais aussi toutes les formes d'art romantique, musique, opéra, peinture, sculpture, danse... peuvent être à l'honneur de même que vos visites dans des lieux romantiques, musées, expositions, paysages, ou demeures des écrivains et artistes.
Allez lire les participations, encouragez-les et à bientôt à tous!


J.Steeler :  Amalie Von Schintling


Les Généralités

Les Romantiques français : des pistes de lecture (1)

Les Romantiques français : des pistes de lecture (2)

Le challenge Romantique de Claudialucia

Théophile Gautier : Histoire du romantisme (1) La bataille d'Hernani

Théophile Gautier : Histoire du Romantisme (2) : Les Jeunes France ou le petit Cénacle




Les lieux romantiques










La peinture romantique

Requiem Pastoral Sir Edwin Henry Landseer - 1837 Le vieux berger pleuré par son chie


Caspar Friedrich, Falaises de craie sur l'île de Rugen

Les Romantiques et le soleil : Hugo, Turner, Friedrich, Schubert 



La musique romantique







Les films romantiques







  François Gérard

Les Participants

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Asphodèle









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Aymeline







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Céline :


Alexandre Dumas : les Borgia





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Claudialucia

 

 

Caspar Friedrich, Falaises de craie sur l'île de Rugen

Le challenge Romantique de Claudialucia

Le challenge Romantique: Liste des participants

 Mercredi romantique : Les reconnaissez-vous?

Les Romantiques français : des pistes de lecture (1)

Les Romantiques français : des pistes de lecture (2)

Mercredi Romantique : Jane Austen est-elle une romancière romantique?

 Théophile Gautier : Histoire du romantisme (1) La bataille d'Hernani

Théophile Gautier : Histoire du Romantisme (2) : Les Jeunes France ou le petit Cénacle

Les Romantiques et le soleil : Hugo, Turner, Friedrich, Schubert 

 François-René de Chateaubriand : Mémoires d'Outre-tombe extrait 1

Francois-René de Chateaubriand : Mémoires d'Outre-Tombe : extrait 2

 Camillo Castelo Branco : Amour de perdition

Emily Brontë : Les Hauts de Hurlevents

Emily Brontë : Les moors  (poème)

Robert Burns, My heart’s in the Highlands

Bürger Gotfried : Lenore (traduction de Nerval) 

Goethe, Nerval, Berlioz, Schubert : Le roi de Thulé (traduction de Nerval)

 Goethe : Le roi des Aulnes dans ballades et autres poèmes

Victor Hugo : Souvenir de la nuit du 4

Gérard de Nerval : Les filles du feu: Sylvie

Gérard de Nerval :  Chanson gothique

Gérard de Nerval : Fantaisie 

Gérard de Nerval et la Grèce : Delfica

 Marie Shelley, Frankenstein

George Sand : Consuelo 

George Sand : Indiana 

George Sand : Mauprat

George Sand : L'orgue des Titans 

George Sand  : Le meunier d'Angibault 

George Sand : Le péché de M. Antoine

Stendhal : Chroniques italiennes : Les Cenci   

Stendhal : Chroniques italiennes : Vittoria Accorombia et Vanina Vanini(2)

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Invitation au Romantisme : j'ai présenté ici les billets des autres participant(e)s pour vous permettre d'aller les lire et éventuellement vous donner des idées de lecture, de films, de visites. Bonne lecture.

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Invitation au musée de la vie romantique : chez L'Ogresse de Paris et Eiluned

  Invitation au voyage avec Chateaubriand pour guide chez Miriam

  Invitation au Romantisme un  film, un poème, un chanteur chez Eeguab

Invitation à la musique romantique : Chez Gwenaelle, Eeguab, Miriam, Wens, Claudialucia

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Cleanthe

Walter Scott : Rob Roy

George Sand, Les Dames vertes:

George Sand, Consuelo

George Sand,  la comtesse de Rudolstadt

Ann Radcliffe, Les Mystères d'Udolphe

Goethe, Les Affinités électives:

Andersen, Contes:

Achim von Arnim, Isabelle d'Egypte

Chateaubriand, Mémoires d'outre-tombe:

Dumas, Amaury:

Dumas, Pauline:

Dumas, Olympe de Clèves:

Dumas, Joseph Balsamo

Dumas, Le collier de la reine

Dumas, Le chevalier de Maison-Rouge

Musset, Histoire d'un merle blanc

Musset, Lorenzaccio

Pouchkine : La dame de Pique


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Eeguab

 Emoi et Moi :  Marianne de ma jeunesse de Julien Duvivier
Un beau billet vibrant d'émotion sur un film adapté d'un auteur allemand : Peter Von Mendelssohn




  

La Bohême de Henri Murger et les adaptations filmiques


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 Emmyne

Alfred de Vigny/ Ingres : Le bain d'une dame romaine





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Gwenaelle

Place à la musique!




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Jeneen






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 Les Livres de George

Samedi Sandien : Simon

Samedi Sandien : Indiana 

Samedi Sandien : les compagnons du Tour de France 

Samedi sandien Journal intime 1834 : Et moi où suis-je pauvre George!

Samedi sandien : Histoire de ma vie 

samedi sandien : Leone Léonie

Samedi sandien : impressions et souvenirs épisodes 1

Rodolphe Marc Renier : Le dernier visiteur de George Sand

 Sur les pas des romans de George Sand : Nohant et le Berry 1

Sur les pas des romans de George Sand : Nohant et le Berry 2


Théophile Gautier : Mademoiselle de Maupin

Madame de Roland : Enfance

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 L'or des chambres

Jane Austen : Orgueil et préjugés



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Maggie



Victor Hugo  : Les Misérables

Cazotte : Le diable amoureux 

Polidori : Le vampire

Voyage avec Turner
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Margotte : Le bruit des pages








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 Mazel











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 Mélisande

Chateaubriand, le comique de service





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Miriam
La vie de Liszt est un roman  Zsolt Harsanyi Actes sud


Le musée de la vie romantique Paris




Avec Chateaubriand pour guide :

randonnée sur la digue de la duchesse Anne


Combourg et Dol de Bretagne sur les pas de Chateaubriand


 Les remparts de Saint Malo : Chateaubriand


Prendre Chateaubriand pour guide


Paul Féval La fée des grèves 


Walter Scott :Rob Roy


Les neiges du Kilimadjaro : Guediguian


Théophile Gautier : le roman de la Momie


Théophile Gautier : Exposition à Sceaux


Théophile Gautier  : Emaux et camée, Nostalgies d'Obélisque

Gérard de Nerval : El Desdichado

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 Océane






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Ogresse de Paris

Musée de la vie romantique
Exposition Orientalisme à la vieille Charité
Lettres à Fanny de Keats




Le château de Monte Christo et le roman de Dumas (1)
Le château de Monte Christo et le roman de Dumas (2)


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 Roz Dans ma bibliothèque

 Alexandre Dumas : l'invitation à la Valse


       





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     Syl

George Sand : Pauline




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Tilia 

Première contribution dans Echos de mon grenier : Requiem Pastoral
Sir Edwin Henry Landseer - 1837 Le vieux berger pleuré par son chien
Peinture romantique

Lord Byron : Childe Harold en Italie

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Valérie K.






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Wens

Beaucarne. Le lac : pastiche de Lamartine


Edith- Yann. Les hauts de Hurlevent. Emily Bronte.


Hugo Victor. Chanson des pirates.


Hugo Victor. Demain dès l'aube.


Hugo Victor. Le mendiant.


Lamartine. Homme politique


Lord Byron, citation

Mary Shelley/ James William : le film Frankeinsten

Emily Bronté/ William Wyler : Le film Les Hauts de Hurlevent

Stendhal/ Lucio Fulcio : le film   : Les Cenci d'après les chroniques italiennes



Joseph Stieler : Nanette Heine
  
Vous pouvez continuer à vous inscrire  et à déposer les liens vers vos billets en cliquant sur la vignette Challenge romantique Participants que vous trouvez en haut de la page à gauche.

Rappel : Le romantisme est ce mouvement littéraire, artistique, politique et social, qui s'est propagé en Europe de la fin du XVIII au milieu du XIX ème siècle.  Lire la suite ici ...


                                               François Gérard Madame Récamier

Cette page est illustrée par des portraits de femmes célèbres exécutés par deux peintres romantiques.
François Gérard, peintre Français (1770-1837), élève de David, il devint portraitiste à la cour de Napoléon.
et Joseph Karl Stieler (1781-1858) peintre allemand qui est venu travailler à Paris dans l'atelier de François Gérard.

lundi 14 mai 2012

Peter Silverman : La Princesse perdue de Léonard de Vinci, Editions Télémaque



     La bella Principessa de Léonard de Vinci

Peter Silverman, collectionneur d'art, découvre dans une galerie New-Yorkaise un dessin sur vélin attribué à un peintre anonyme allemand du XIX siècle. Mais son instinct de collectionneur, le coup de foudre qu'il éprouve pour ce portrait de jeune fille en habit de la Renaissance, lui soufflent qu'il s'agit d'une oeuvre authentique de cette époque et, peut-être, d'un Vinci! Le regard expérimenté de spécialistes le confirment dans son intuition. Commencent alors les recherches pour trouver les preuves qu'il s'agit bien d'un Vinci! 

 
Amoureux de l'Art, de la Renaissance et de Léonard de Vinci, ce livre est pour vous! Il se lit comme un roman d'aventure, promenade dans l'Art, qui nous entraîne dans une enquête longue et difficile. La Bella Principessa est-elle une oeuvre de Léonard de Vinci? Quelle est l'identité de cette jeune fille au regard d'ambre clair, à la lourde tresse, au port altier, fantôme effacé par les siècles qui nous séparent? D'où vient-elle? C'est à ces questions que les spécialistes vont répondre. L'émotion ressentie au cours de ces recherches nous permet de comprendre le rôle de l'oeuvre d'art, douée de vie, qui jette un pont entre présent et passé.
Historique, l'enquête nous plonge dans des investigations savantes avec les plus grands spécialistes de Vinci et de la Renaissance italienne. Peu à peu, nous acquérons, sinon des certitudes, du moins de sérieuses présomptions sur l'attribution du tableau peint lorsque Vinci était le peintre officiel de la cour de Milan, à l'époque de Ludovic le More. La jeune princesse de la fin du XVème siècle échappe ainsi au néant, laissant deviner une tragique destinée...

La recherche se poursuit, faisant appel à des preuves scientifiques rigoureuses : datation au carbone 14 et technologie numérale multispectrale. Elle a recours aussi à des techniques d'investigation empruntées à la police scientifique. Mais ce qui prouvera l'authenticité véritable de l'oeuvre c'est la découverte de sa provenance.

Au-delà de ce récit, nous explorons les dessous du marché de l'art où l'intérêt financier prime souvent sur l'amour de l'oeuvre... surtout s'il s'agit d'un Vinci! De plus, cette attribution remet en cause la réputation, la crédibilité des experts. Voilà qui explique le scandale provoqué par la redécouverte de ce joyau qui aurait dû faire bondir de joie tous les amoureux de Vinci! Un livre vivant, érudit, passionnant!

Extrait : Je n'ai jamais acquis d'oeuvre d'art pour leur valeur financière. D'après moi, les gens qui achètent de l'art pour spéculer se trompent, l'intérêt du collectionneur c'est l'amour.. On n'a pas besoin de l'art, mais il faut l'aimer afin qu'il remplisse son rôle fondamental : être esthétique, donner un sentiment d'élévation spirituelle, inspirer et même être décoratif.
Moi-même, j'ai toujours l'impression d'être en lutte contre l'idéologie du marché, pour qui prix élevé signifie grande importance ou beauté. Dans le cas de la Bella Principessa, j'ai suivi ce processus cynique en direct. Quand le dessin était encore attribué à un artiste du XIX° siècle, on l'estimait "charmant". Quand il fut plus tard découvert que le dessin était d'un italien du XV° siècle on le trouva "assez beau". Maintenant qu'on lui a apposé l'attribution Léonard de Vinci le dessin est qualifié "d'exquis... d'extraordinaire... remarquable...", et bien d'autres superlatifs encore.

Les portraits féminins de Leonardo da Vinci

La Bella Principessa vient compléter les quatre portraits féminins connus de Léonard de Vinci :


La belle Ferronnière                                          La Joconde



         
 
Ginevra de Benci                                                               La dame à l'hermine

Un portrait réalisé par un gaucher

La Bella Principessa (détail)
Ce détail permet de noter que les hachures autour du visage sont réalisées par un gaucher. Or, nous ne connaissons que deux gauchers parmi les peintres de la Renaisssance, Vinci et Michel-Ange. Autour des cheveux, à droite, on note des lignes blanches appelées pentimenti, signes que des éléments ont été effacés et redessinés, procédé typique de Léonard de Vinci.


Domenico Ghirlandaio

Peter Silverman, une fois prouvé que le portrait était bien de la Renaissance, a d'abord pensé qu'il s'agissait d'une oeuvre de Domenico Ghirlandaio. Celui-ci est l'auteur des magnifiques fresques de l'église de Santa Maria Novella à Florence. Je les aime tellement que je ne résiste pas à vous faire admirer ce détail :

La Naissance de la Vierge (détail) Santa Maria Novella Florence

Ghirlandaio et Vinci, ayant été tous deux les élèves d' Andrea del Verrocchio, ont, en effet, un air de famille. Mais Ghirlandaio, contrairement à Vinci, est droitier. Le portrait ne peut donc être de lui.

 Ghirlandaio : Giovanna Tornabuoni

Merci aux Editions Télémaque

Pourquoi avoir créé ce blog ?
Parce que nous croyons en l’importance de maintenir, en France, une vraie diversité de l’offre éditoriale. En effet, nous avons la chance de bénéficier d’un tissu dense d’éditeurs indépendants (plusieurs centaines), attachés à jouer le rôle de découvreurs de talents, à tenter des aventures intellectuelles, à contribuer aux débats d’idées. C’est grâce à eux que voient le jour des livres de qualité/ originaux/ hors normes et, souvent, que sont édités pour la première fois les auteurs de demain. (...)
D’où l’objectif de ce blog : repérer, chaque mois, les meilleurs livres en panne de médiatisation et se faire leurs « agents littéraires », c’est-à-dire assurer leur promotion grâce à internet... Lire la suite ici

La princesse perdue de Léonard de Vinci Peter Silverman Catherine Whitney 288 p. Editions Télémaqueprix du livre : 22€





dimanche 13 mai 2012

Verlaine Soleils couchants



William Turner


Une aube affaiblie
Verse par les champs
La mélancolie
Des soleils couchants.
La mélancolie
Berce de doux chants
Mon coeur qui s'oublie
Aux soleils couchants.
Et d'étranges rêves
Comme des soleils
Couchants sur les grèves,
Fantômes vermeils,
Défilent sans trêves,
Défilent, pareils
À des grands soleils
Couchants sur les grèves.

Paul Verlaine (Poèmes saturniens)

Un livre:un film, réponse à l'énigme 33 : Ben Jonson, Volpone




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Félicitations à   :  Aifelle, Asphodèle, Dasola,  Eeguab, Keisha, Lystig, Miriam, Miss Léo, Pierrot Bâton, 

La pièce : Ben Jonson : Volpone ou le Renard de Venise

Le film :  Joseph Mankiewicz : Honey Pot ou Guêpier pour trois abeilles

Merci à tous et toutes pour votre participation ....




Volpone est une pièce de théâtre écrite en 1606 par Ben Jonson, dramaturge anglais de la Renaissance. Rival de Shakespeare (1564-1616) et de  Marlowe (1564_1593), il est né en 1572 et mort en 1637.

Volpone se situe à Venise d'où les noms italiens de ses personnages qui correspondent tous à des traits particuliers du caractère de chacun : Volpone, riche vieillard dominé par la cupidité, met au point avec son serviteur fidèle, Mosca, une ruse qui consiste à se faire passer pour mourant afin d'attirer chez lui des personnes prêtes à tout pour être couchées sur son testament. Il espère tirer de ces disputes des avantages substantiels. Il ne se trompe pas! Tous ces prétendus amis se pressent autour de sa "future dépouille" pour lui offrir les plus beaux cadeaux, l'un déshérite son fils, l'autre offre sa femme, jusqu'au moment où son subterfuge sera découvert et où justice sera faite. Mais n'allez pas attendre surtout que la justice soit... juste!


 Rex Harrison dans  Volpone de Mankiewicz

Les noms des personnages

Volpone : renard  en italien
Mosca  : mouche, le valet
Voltore  :  vautour, un avocat
Corbaccio :  corneille, un vieux gentilhomme
Corvino  : corbeau, un marchand
Bonario :  fils de Corbaccio
Sir Politick Haspir : chevalier
Lady Haspir : femme de sir Politick
Celia : femme de Corvino

On le voit sous couvert du rire, la pièce est assez sombre puisqu'elle révèle les pires aspects de l'âme humaine. Devant l'appât de l'or, tous ces personnages se comportent comme des rapaces, des animaux nécrophages, qui oublient tout sentiment humain, amitié,  amour paternel ou conjugal, respect des autres et de soi-même! En plaçant l'intrigue de la pièce à Venise, on peut penser que Ben Jonson décrit la société décadente de la ville italienne. Nul doute pourtant qu'il observe sa propre société et, au-delà, la nôtre car l'être humain change peu d'un siècle à l'autre! D'où l'universalité de cette pièce que l'on peut jouer en costumes d'époques ou contemporains.
La pièce a été traduite par Stefan Zweig et Jules Romanis et mise ens cène par Jacques Dullin en 1928, ce qui la fait connaître. Elle a été adaptée une première fois au cinéma par Maurice Tourneur en 1941 qu e je n'ai jamais vu! Et pourtant quelle distribution brillante!

 Louis Jouvet : Mosca, confident et homme à tout faire de Volpone, Harry Baur Volpone, le commerçant levantin, Charles Dullin, Corbaccio, l'usurier, Ferand ledoux, Corvino, le mari jaloux...




J'ai vu qu'il y avait aussi eu un téléfilm avec Gérard Depardieu : 



Quand Mankievitcz s'empare du sujet c'est pour en faire une transposition. Nous restons à Venise (belles petites promenades extérieures sur la place San Marco et les canaux) dans un riche palais vénitien et Rex Harrison prête sa classe au personnage de Volpone, Cliff Robertson à Mosca. Tous deux forment un duo de taille égale. Comme toujours dans Mankievicz, la pièce est mise en abyme, théâtre dans le théâtre, ce qui nous introduit dans l'histoire avec la représentation d'une scène de Ben Jonson à la Fenice. ( Et oui, rien que ça!)
 Mais les trois rôles masculins de la pièce de Ben Jonson, Corbaccio, Corvino et Voltore, sont tenus par des femmes, les anciennes maîtresses de Volpone dont il espère bien tirer quelques profits.

J'aimerais bien un jour voir une représentation de la pièce en costumes d'époque, ne serait-ce que pour le plaisir de la reconstitution des costumes et des décors! Ce que j'ai vu l'année dernière au festival, n'est pas classique. Les personnages ne sont pas cachés sous de beaux habits, n'ont pas l'élégance et la prestance d'un Harrison ou de Robertson. Ils nous apparaissent dans toute leur horreur, affreux, sales et méchants, pour reprendre un titre célèbre, et le spectateur les voit tels qu'ils sont et non tels qu'ils voudraient paraître!
Voici le billet que j'avais rédigé cet été.


Volpone par la Fox Compagnie


Ben Jonson( 1572-1637)
 On sait que Volpone, Le Renard en italien, grand seigneur vénitien, veut soutirer de l'argent à ses prétendus amis  qui guettent son héritage! Grâce à la complicité de son valet, Mosca, il se fait passer pour mourant. Les charognards viennent le voir sur son lit de mort, lui apportant de coûteux cadeaux,  espérant ainsi devenir son héritier. Volpone se croit rusé mais rira bien qui rira le dernier!
Avec cette pièce, Ben Jonson, le rival de Shakespeare, nous fait rire, en effet, mais il s'attaque avec férocité aux  travers des hommes, aux riches cupides et avides, à la justice qui donne raison à ceux qui ont le pouvoir et l'argent. Il peint aussi  la condition de la femme enfermée chez elle, surveillée par un mari jaloux et finalement  prostituée à son avidité.

Le seul Volpone que je connaissais avant d'assister à la représentation de la pièce par la Fox Compagnie, est celui incarné -et avec quelle classe- non au théâtre mais à l'écran par l'inimitable, l'élégant,  Rex Harrisson dans un film de Mankiewicz. Encore s'agissait-il d'une transposition intitulée Guêpier pour trois abeilles. Rex Harrisson y campait le rôle d'un certain Mr Fox, filou et retors à souhait, mais grand seigneur méchant à homme, à la façon du Dom Juan de Molière.

Le parti pris des metteurs en scène de la Fox Cie est tout le contraire! Volpone nous apparaît, au physique et au moral, comme repoussant, torse nu, pantalon à carreaux à bretelles, prompt à jouer de la braguette avec les femmes de chambre ou tout jupon qui passe. Le maquillage accentue ce côté repoussoir, les yeux rouges comme ceux.. d'un loup ou d'un chien enragé ... ou d'un renard!  Il est affreux et digne des monstres de la comédie à l'italienne de Monicelli, Comencini, Scola.  Il en est ainsi des autres personnages dont les visages soulignés par traits noirs et les costumes insistent sur leur appartenance à la gent animale plutôt qu'humaine, corneille (Corvino), vautour, (Voltore) corbeau (Corbaccio), mouche (Mosca).. Excellente idée, aussi, d'avoir utilisé des marionnettes pour interpréter le rôle des juges. Les soubrettes portent d'impressionnants masques humains mais figés qui leur enlèvent tout humanité, esclaves des désirs de leur maître.  Tout ce beau monde évolue autour d'un décor pivotant, sorte de cube dont les faces permettent le changement de lieu.  Les jeux de scène des acteurs, d'ailleurs fort bons, s'organisent autour de ce dispositif scénique et jouent sur le côté farce, accentuant la bouffonnerie. Ce choix de mise en scène réussi met en valeur la concupiscence, l'avarice, la bassesse de ces hommes qui sont prêts pour obtenir l'héritage de Volpone,  à vendre leur femme, à déshériter leur fils.

samedi 12 mai 2012

Antonio Altabirra/ Kim : L'art de voler



L'art de voler de Antonio Altabirra est un roman graphique. J'avoue qu'au départ ces toutes petites vignettes sagement alignées, en noir et blanc, ne m'enthousiasmaient pas! Je trouvais à priori la conception un peu vieillotte à côté des bandes dessinées actuelles. Mais... sur les conseils de Wens,  du blog En effeuillant le chrysanthème, - "lis-le et tu verras!" - , je me suis lancée dans cette lecture! Que dis-je lancer? Plutôt plonger, enfoncer, perdue, et je n'ai pu quitter de roman avant la fin. Roman estampillé donc : lu d'une seule traite, roman prenant, passionnant d'où naît tristesse, nostalgie mais aussi attachement et admiration pour le personnage central.

Antonio Altabirra part d'un fait réel : Un homme de 90 ans se jette du quatrième étage d'une maison de retraite. Oui mais ce vieillard, c'est son père, un autre lui-même.  Altabirra nous raconte alors la vie de son père, Antonio, et son enfance pauvre dans un petit village rural d'Aragon, comment il s'arrache à cette vie âpre de petit paysan attaché à son lopin pour la misère de la grande ville, pris ensuite dans l'engrenage de la guerre civile qui l'oblige à choisir son camp. Lui qui refuse de tuer et feint d'être un mauvais tireur s'engage alors dans l'armée anarchiste où il devient chauffeur. De quoi lui rappeler ses jeunes années quand il pilotait une automobile en bois et s'envolait en rêve avec elle dans le ciel....

Oui, mais le rêve n'est pas pour des gens comme Antonio. Ce roman raconte, à travers l'histoire individuelle, la vie brisée de toute une génération d'espagnols jetés dans la guerre civile, du côté des perdants... Ces "soldats de Salamine" dont parle Javier Cercas dont les déchirements ne s'arrêtent pas avec la fin de la guerre civile mais continuent en France où ils sont parqués dans des camps. Enrôlés dans une autre guerre et, malgré la part qu'ils ont pris dans la résistance, poussés par la xénophobie française à revenir en Espagne après 1945, malgré le franquisme. Ils n'ont jamais connu la liberté.

Le personnage d' Antonio est un homme sympathique avec ses défauts et ses faiblesses. Il devra faire des compromis et mettre ses idées sous éteignoir pour faire vivre sa famille. Mais il n'abandonne jamais complètement ses rêves de liberté. Qu'il les réalise en se jetant d'une fenêtre de sa maison de retraite où il est encore traité comme un prisonnier en dit long sur ce qu'a été sa vie! Nous sommes aussi touchés par la tendresse et l'admiration que l'écrivain porte à son père.  D'où la totale empathie que nous éprouvons envers ce personnage hors du commun.

Quant au graphisme de Kim qui m'avait d'abord peu attirée, voilà qu'en me penchant sur ces petites images, je suis entrée entièrement dans ce monde, prêtant attention aux détails révélateurs des sentiments des personnages, à la reconstitution  historique  précise. Mes préjugés sont tombés. L'aspect miniature du dessin nous oblige à être près des gens, de leur misère, de la violence autour  d'eux.  D'où la totale empathie que nous éprouvons envers eux. Nous faisons partie du décor et comme il est bien sombre nous en ressortons avec le coeur serré!


 Challenge d'Ys dans le cadre des romans graphiques

Un livre/Un film : Enigme 33




Wens de En effeuillant le chrysanthème et moi-même, nous vous proposons, le samedi, un jeu sous forme d'énigme qui unit nos deux passions : La littérature et le cinéma! Il s'intitule : Un livre, Un film.

Chez Wens vous devez trouver le film et le réalisateur, chez moi le livre et l'auteur.
Consignes :  Vous pouvez donner vos réponses par mail que vous trouverez dans mon profil : Qui êtes-vous? et  me laisser un mot dans les commentaires sans révéler la réponse pour m'avertir de votre participation. Le résultat de l'énigme et la proclamation des vainqueurs seront donnés le Dimanche.
 

Enigme 33

Cette pièce de théâtre du XVII siècle met en scène un vieillard riche et avare qui, aidé, par son domestique, va inventer un stratagème pour soutirer de l'argent à son entourage.


Le serviteur :
 - Holà, monsieur! Mais qu’est-ce que vous faites? Il est bientôt dix heures et  (...) l’avocat, piaffe dans votre anti-chambre.

Le maître:
- Déjà! (s’adressant à ses deux magnifiques servantes) : Vite, vite, décampez, vous autres ! Allez me chercher ma robe, ma fourrure, mon bonnet de nuit… (elles sortent) (au serviteur) dis-lui qu’on change mes draps. Fais-le attendre. (le serviteur sort) Ah! voilà que mes clients commencent leurs visites. Vautour, milan, corbeau, tous mes oiseaux de proie arrivent qui me prennent déjà pour une carcasse. Mais je ne suis pas encore à eux.

jeudi 10 mai 2012

Des mots/ une histoire : Nina, Jeneen & Syl, Olivia, Somaja


Richard Armitage



Colin Firth

Depuis quelques temps l'avalanche de messages  reçus  dans ma messagerie de la part de  "certaines" blogueuses dont je tairai (presque) le nom m'a inspiré cette poésie.

Nina, Jeneen & Syl, Olivia, Somaja

Et moi, ensoleillée, surprise et pas jalouse
Je prends de l'altitude et dans ma solitude
Je contemple, inquiète, de ma tour abolie
Grandir la Pyramide sur ma messagerie.
Et sans parcimonie et sans diplomatie
Nina, Jeneen & Syl, Olivia, Somaja
Eiluned et j'en passe...
me bombardent en choeur de papiers assassins
Et laissant résonner les cloches de l'église
Et glanant sur leur faux tous ces noms Inspirants
Et révélant ainsi leur identité vraie
M'envoient en avalanche du haut de leurs vacances
Croquis d'éphèbes nus enroulés dans le lierre,
Photos d'Armitounet*, d'éventails en autruche
Et Colin Firth, Liam, Tony, Ruppert and cie
Et d'escarpins futiles, impures vocations!
Doux délires et victoire de leur jeunesse folle
Nina, Jeneen & Syl, Olivia, Somaja
Eiluned et j'en passe...
Pardonnez-moi en choeur mes rires et cancanages! **


Vous remarquerez que l'esperluette et l'anaphore sont présentes! j'ai laissé de côté destination.
* pour les ignorant(e)s  Armitounet = Armitage
** si c'est possible.. et Nina, Jeneen & Syl, Olivia, Somaja, Eiluned et j'en passe... continuez à m'envoyer vos délires, cela me fait rire!



Les mots imposés pour la 64ème de Des mots, une histoire chez Olivia sont : diplomatie – église – inspirante – croquis – vocation – escarpin – impureté – altitude – destination – esperluette – solitude – anaphore – parcimonie – inquiétude – identité – faux (outil) – surprise – tour – papier – porte – assassin – vacances – jalousie – ensoleillé – victoire – pyramide


Pauline Klein : Alice Kahn




Elle est à la terrasse d'un café et elle n'attend personne. Un jeune homme s'arrête près d'elle qu'elle ne connaît pas et il l'interroge : "Anna?".  Il ne connaît pas Anna, il l'a rencontrée sur internet, c'est leur premier rendez-vous. Elle ne connaît pas Anna mais elle répond affirmativement. Alors, elle improvise, elle recueille des informations sur l'inconnue en le faisant parler, elle imagine, elle entre dans la peau du personnage. Désormais pour Williams, elle sera Anna …

Après, il faudra prendre un autre rendez-vous… Il faut tenir le rôle par petites parcelles qu'il mettra bout à bout, William, puisque c'est son nom et, de ces segments collés ensemble, il  fera quelque chose de moi, comme on fabrique un personnage avec des allumettes, en attendant de mettre le feu à l'échafaudage.

William est photographe : Son travail consiste à faire disparaître l'oeuvre photographique au profit du modèle. L'Anna qu'il voit devant lui se superpose à l'image qu'il se faisait d'elle. Chacun, à sa manière, va donc être créateur d'une femme qui ne vit que dans leur imaginaire.

Quant à la narratrice, elle existe désormais en double et peut-être en triple! En tant qu'elle-même, elle est cette enfant dont le père est parti après l'avoir rejetée violemment et qui s'est suicidé. Elle s'est créé un père imaginaire, parfait, bien sûr, tant qu'à faire! En tant qu'Anna, elle s'invente un travail, des goûts, une personnalité. Enfin, puisque qu'on lui demande quel photographe elle aime, elle "fabrique"Alice Kahn, une artiste qui va prendre vie grâce à elle.

 Alice Kahn, est le premier roman de Pauline Klein qui a travaillé dans le milieu de l'art, en particulier dans une galerie à New York. Ne vous attendez pas à une narration classique avec histoire d'amour à l'appui. Il s'agit plutôt d'une réflexion sur  l'identité, sur l'art, sur la création en général.
 Alice Kahn  crée de l'art à partir de rien. Un jour, elle entre au Musée de l'Art romantique avec un petit portrait encadré qu'elle dépose au milieu d'autres objets authentiques du musée. Je le regarde s'habituer et s'adapter à son nouveau milieu… Puis elle reprend le petit cadre en prenant bien soin d'être vue par le gardien : Le vigile s'avance rapidement vers moi avec son mauvais regard, demande que je repose l'objet immédiatement, c'est écrit juste là : "ne pas toucher". Mon petit portrait fait maintenant partie de l'exposition.

Le milieu artistique y est décrit de même que le snobisme des prétendus "connaisseurs" :  ainsi tout le monde feint d'apprécier l'oeuvre d'Alice Kahn lorsque Anna en parle sans savoir qu'elle n'existe pas! William, quant à lui, dénonce le marché de l'art qui n'a plus rien d'authentique :
Je vais te dire, les mecs qui s'y connaissent soi-disant, il sont juste bons à dépenser leur fric dans des trucs conceptuels auxquels ils ne comprennent rien pour avoir l'impression de faire partie d'un club…
On lit ce qu'on nous donne à lire, et on bouffe ce qu'on nous donne à bouffer. C'est pareil pour l'art, on n'a pas le choix que ce qu'on nous donne à voir.


Curieux petit livre que je ne comprends pas entièrement et qui est assez étrange et déstabilisant de prime abord.  L'effet de surprise dissipé, je cherche le sens et je crois le trouver dans cette phrase :  

Une image dans un cadre dont je suis spectatrice, et que je pourrais raconter, comme on raconte un rêve, à d'autres gens qui souriront, ou pas d'ailleurs, et me donneront leur interprétation, bonne ou mauvaise.

 Et si en fait, nous dit l'auteur, le monde n'était qu'une image? Et si en fait, être artiste mais aussi écrivain, c'est se trouver là pour le regarder et semer des petits cailloux en rassemblant des hasards pour en faire du sens!*

Je passe inaperçue, mais je dépose des traces de ma présence. Je vis pour me souvenir de mes moments d'absence.

Voir le billet de George

* interview de l'écrivain

mercredi 9 mai 2012

Audur Ava Olafsdottir : Rosa candida




Le jeune Arnljotur va quitter sa maison et l'Islande, pour être jardinier dans un pays éloigné où il aura à remettre en état un jardin et une roseraie magnifiques, célèbres par leur beauté, mais partiellement abandonnés depuis des années. Il laisse son père, très âgé et un peu dépassé, son frère jumeau autiste. Sa mère vient de mourir d'un accident de voiture, cette mère qu'il aimait tant et avec qui il partageait un même amour pour le jardinage et leur serre. Il laisse aussi une petite fille, bébé née d'une nuit d'amour rapide et sans suite, avec Anna qu'il connaissait à peine. Arnjoltur emporte avec lui - des boutures de Rosa Candida, une rose à huit pétales, pour les transplanter dans son jardin du bout du monde. Le récit raconte son voyage, ses rencontres, puis son installation dans ce village pittoresque au pied du monastère où Arnjoltur va  travailler. Il ne sait pas encore que Anna et son bébé vont venir le rejoindre. …

Quel livre agréable ce Rosa Candida, à lire comme une friandise qui fait du bien, comme une bulle de douceur et de tendresse dans un monde qui ne l'est pas tellement!
Ce qui fait l'intérêt du roman, ce sont les personnages attachants comme le jeune Arnljotur qui est à peine sorti de l'adolescence et déjà père, bien qu'il ne réalise pas très bien ce que cela signifie.
On pense à la mort. Quand on a un enfant, on sait qu'on mourra un jour.
Ses rapports avec les autres, sa manière d'envisager la vie, et d'assumer sa paternité, avec sérieux et gravité mais aussi avec naïveté et juvénilité, en fait un personnage charismatique et sympathique. D'autres personnages sont parfois un peu décalés voire déroutants, mais toujours très humains. Ainsi le père de Anrljodur, très âgé, au vocabulaire désuet, aux idées surannées, qui apprend à cuisiner à partir des recettes de sa femme pour continuer à vivre avec elle et parler d'elle à son fils. Ainsi ce vieux moine, le frère Thomas, un peu porté sur la bouteille, mais très attentif aux autres, qui puise les conseils et le réconfort qu'il apporte à Arnljotur non pas seulement dans la Bible mais aussi, en cinéphile averti, dans les films! Ceux-ci n'ont-ils pas réponse à tout?

On regardera Le Septième sceau demain soir, dit-il, comme ça on pourra continuer avec la mort.

Et Arnljotur a bien besoin de ce père spirituel, lui qui se pose tant de questions sur la mort, sur le sexe.
"Que veux-tu dire quand tu prétends penser continuellement à la mort?
- Comme ça, de sept à onze fois par jour - ça dépend des jours. Le plus, c'est tôt, le matin, quand je viens d'arriver au jardin, et puis tard le soir, dans mon lit." (…)
Je m'attends plus ou moins à ce qu'il me demande combien de fois je pense au corps et au sexe.(…)
S'il m'avait interrogé sur les plantes, la réponse aurait été la même. Je pense autant aux plantes qu'au sexe et qu'à la mort.

J'ai beaucoup aimé aussi les passages où le jeune homme parle de l'Islande à une étrangère. Comment décrire son pays, en effet, quand on a très peu de vocabulaire. Il faut trouver des équivalences et la beauté de ce pays renaît sous les mots du jeune islandais qui devient poète :

Je trouve qu'il est important que cette jeune fille étrangère - je dis jeune fille comme mon vieux père- se représente une plage de sable vaste et déserte, sans aucune trace de pas, et puis rien d'autre que la mer sans fin avec, peut-être, la crête des vagues qui écume au loin et puis le ciel infini par dessus. Je dis infini deux fois de suite parce que j'ai envie de lui faire comprendre ce que c'est de poser le pied dans aucune trace, d'aucun homme sur le sable noir de la grève…

Et c'est peut-être ce regard de poète qui donne au roman son charme, sa drôlerie, son étrangeté. Mais si l'écrivaine adopte un parti pris résolument optimiste (trop, diront certains!) elle ne tombe jamais dans la mièvrerie. Un roman  charmant.

Editions Zulma : Rosa candida

mardi 8 mai 2012

David Lodge : La Vie en sourdine

La vie en sourdine est le dernier roman de David Lodge dans lequel il a mis beaucoup de lui-même à commencer par sa surdité et la mort de son père.
Le titre anglais Deaf Sentence de même que les  phrases mal comprises et déformées par la surdité (ce qui donne lieu à des quiproquos incessants) sont difficiles à traduire sinon intraduisibles, comme l'écrivain le reconnaît lui-même, d'où l'hommage à ses traducteurs Maurice et Yvonne Couturier.
Le titre joue en effet, sur le jeu de mot entre death : mort et deaf : sourd.* La surdité est bien une condamnation à mort : mort sociale d'abord puisque l'impossiblité de suivre une conversation oblige Desmond, le héros du livre, professeur de linguistique retraité, à renoncer à une vie mondaine mais aussi à des conférences internationales qui auraient donné sens à sa vie et maintenu intacts ses centres d'intérêt intellectuels. Mort aussi car en s'enfonçant dans la surdité, Desmond s'engage  dans la vieillesse, sur un chemin où il n'y plus de retour possible.

lodge-1.1243778203.jpgDe plus le tragique de cette infirmité réside paradoxalement dans le fait  qu'elle est ... comique! Dans la comparaison qu'il dresse entre cécité et surdité, lors d'une brillante, érudite  et humoristique démonstration, Lodge démontre, en effet, combien le sourd fait rire ou irrite alors que l'aveugle s'attire attention, aide et commisération.
Le tragique par opposition au comique. Le poétique par opposition au prosaïque. Le sublime par rapport au ridicule.
Les prophètes et les voyants sont aveugles -Tirésias par exemple- mais jamais sourds. Imaginez-vous en train de poser une question à la Sybille et recevant pour toute réponse un : "quoi? Quoi?" irascible.
C'est ainsi que David Lodge explore, avec un humour parfois grinçant et  par l'auto-dérision, cette tranche de vie  des plus de 60 ans, qui se manifeste à travers son personnage par le besoin de trouver un sens à sa vie, malgré la cessation d'activité - selon la périphrase pudique qui désigne la retraite-  cessation de vie pourrait-on dire- encore aggravée par la surdité, qui lui donne l'impression d'être mis au rencart; par la baisse de la libido surtout lorsqu'on a une femme plus jeune, résolument active, par les dernières tentations sexuelles sous les traits d'une jeune étudiante un peu spéciale; par une visite à Auschwitz  qui est un écho à la mort du père et de sa première femme, Maisie, par la naissance d'un petit-fils qui rétablit un instant l'équilibre précaire...
Et enfin, il décrit, autre thème majeur, les rapports avec son père dans toute leur complexité,  révélant le fossé  social et intellectuel qui s'est créé entre le vieil homme qui a quitté l'école à quatorze ans et dont il dresse un portrait haut en couleur et lui, le fils,  universitaire distingué, relations douloureuses entre amour et refus, entre amour et culpabilité jusqu'à la maladie qui occulte les facultés mentales du vieillard et enfin sa mort.
On le voit le roman traite de thèmes tragiques  et pourtant  l'écrivain avec pudeur, dignité, refus de l'attendrissement, nous amène à en rire.
Un très beau roman, donc, où David Lodge aborde les problèmes d'un homme de son âge dans un récit qui alterne la première et la troisième personne comme pour mieux affirmer qu'il s'agit bien de lui mais aussi d'un autre, d'un journal intime mais aussi d'un roman, et, somme toute, d'une histoire qui nous concerne tous, jeunes et vieux, et que nous serons tous amenés, un jour ou l'autre, à expérimenter.
Les évènements de ces deux derniers mois ne cessent de déclencher en moi des échos et des résonnances de ce genre : la bougie votive vacillant dans l'obscurité parmi les gravats du crématoire d'Auschwitz et la bougie que j'ai mise sur la table de chevet de Maisie lorsqu'elle s'est endormie définitivement; les pyjamas d'hôpital et les uniformes rayés des prisonniers; le spectacle du corps nu et ravagé de papa sur le matelas de l'hôpital lorsque j'ai aidé à le laver et les photos granuleuses de cadavres nus entassés dans les camps de la mort. L'expérience de ces dernières semaines m'a servi en queque sorte de leçon. "La surdité est comique, la cécité tragique", ai-je écrit  plus tôt dans ce journal intime, mais maintenant il me paraît plus significatif de dire que la surdité est comique et la mort tragique, parce que définitive, inévitable, impénétrable.

*Le titre français, s'il ne peut rendre compte entièrement de ce jeu de mot, est très habile : La vie en sourdine joue, en effet, sur le jeu entre les mots sourd et sourdine, ce dernier impliquant que la vie a perdu son éclat,  son retentissement, qu'elle va être jouée en demi-teintes, avec un bémol à la clef. C'est aussi une annonciation de la mort qui passe par de nombreux renoncements.

Republié de mon ancien blog

lundi 7 mai 2012

La Liseuse de Paul Fournel




 Robert Dubois est éditeur, un éditeur en difficulté et dont la maison vient d'être rachetée. Car le problème avec Dubois c'est qu'il aime trop la littérature et que ses choix ne se portent pas toujours sur des auteurs qui se vendent mais sur des auteurs qu'il aime. Pour lui - être éditeur- ce n'est pas comme vendre des petits pains ou n'importe quel objet de consommation! En attendant, il croule sous des piles de manuscrits à la recherche d'un nouveau Proust même si, comme chacun sait, le phénomène reste rare, même si l'on court le risque, en plus, de ne pas le reconnaître! 
Un jour, Valentine, jeune stagiaire, entre chez lui et lui apporte une liseuse, un des ces instruments modernes, un e-Book, un I-pad, ou l'on ne sait quoi, dans lequel on peut enregistrer tous les manuscrits. L'éditeur, sceptique, interroge la jeune fille :

-Et j'avance comment?
- On tourne les pages dans le coin d'en bas avec le doigt.
-Comme un bouquin?
-Oui, c'est le côté ringard du truc. Une concession pour les vieux. Quand on ne se souviendra plus des livres, on se demandera bien pourquoi on avance comme ç
a.

Le ton est donné, vous l'avez compris, ce roman est plein d'humour et chaque page est un petit délice à croquer avec gourmandise! Si Robert Dubois représente la vieille génération, celle du papier, des amoureux des livres, et s'il se méfie de cet objet dangereux, la liseuse, surtout quand il s'endort dans sa lecture et qu'elle le blesse au nez, il n'est pas passéiste pour un sou! Désormais, c'est muni d'une liseuse, et donc léger, que Dubois part en week end dans sa maison de campagne avec Adèle, son épouse, pour lire des manuscrits. Et comme Robert Dubois a un esprit ouvert et qu'il aime la jeunesse, il aide Valentine et ses copains, tous stagiaires chez lui, à créer une maison d'édition en utilisant ces nouvelles technologies. Et des idées, ces jeunes de la nouvelle génération n'en manque pas! Cela donne lieu à des situations hilarantes comme lorsque Valentine apprend à Robert Dubois que Le Clezio a accepté de les aider en écrivant pour eux. Stupeur de Dubois qui interroge, sidéré :

-Le Clézio?
-Oui, le Clézio, le beau monsieur écrivain qui a gagné le prix Nobel. Le Mauricien blond.
- Comment tu as eu Le Clézio?
- Je lui ai demandé un rendez-vous, je l'ai rencontré, je lui ai demandé ce que je voulais. Il a réfléchi un moment. Il m'a dit oui….


Un culot d'autant plus amusant que la même Valentine, par contre, meurt de peur quand il s'agit de parler pour la première fois à une jeune écrivaine dont elle a aimé le livre, un premier. Pleine de trac, elle interroge son patron :

-Bon, je vais téléphoner. Comment on s'adresse aux auteurs?
-Par leur nom. Globalement, ce sont des êtres humains.

De l'humour, oui, mais pas seulement, Paul Fournel nous montre aussi les coulisses de l'Edition où l'aspect financier prime désormais, bien souvent, sur d'autres considérations et surtout sur celles de qualité et d'authenticité. Le nouveau directeur de la maison d'édition, Meunier, est un gestionnaire, pragmatique. Son but, faire entrer de l'argent! L'édition devient un marché comme les autres. La guerre entre les maisons d'édition, les intrigues pour passer à la télévision, dans les émissions littéraires, les jalousies, l'égo malmené des écrivains, tout n'est pas rose dans ce milieu et les coups bas ne sont pas rares. La médiocrité y règne parfois en maître. Et un certain pessimisme pointe sous la désinvolture apparente. Un jour Dubois se trouve dans une librairie, quelqu'un s'approche de lui et lui pose cette question qui sonne comme un glas :

Vous n'êtes pas Robert Dubois, le vieil éditeur?
Et puis il y a des moments graves, la vie… et la mort. Car c'est de cela qu'il est question! Elle survient, ici, sournoise, alors que l'on ne l'attend pas et pourtant l'on s'aperçoit qu'elle était là, bien (trop) présente. Mais heureusement, il y a les livres, ceux que l'on a toujours voulu lire, les grands, les universels, ceux qui aident à vivre, un rempart contre le malheur et la solitude, car être vivant, c'est lire!  :

Et lorsque j'aurais terminé la lecture du dernier livre, je tournerai la dernière page et je déciderai seul si la vie devant moi vaut la peine d'être lue.

 Avec La liseuse, Paul Fournel a écrit un bel hymne à la littérature que tous les amoureux des livres  devraient apprécier. Un bon roman!

dimanche 6 mai 2012

Un livre/Un film : Réponse à l'énigme N° 32 : La jeune fille et la perle : Vermeer, Tracy Chevalier, Proust






Le film de Webber  et le tableau de Vermeer

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Gagnent un Vermeer authentique :  Aifelle,  Dasola,  Eeguab,  Gwen, Jeneen,  Lire au jardin, Maggie, Marie-Josée, Miss Léo, Pierrot Bâton,  Shelbylee, Somaja, Tilia.

Le roman : Tracy Chevalier : La jeune fille à la perle

Le film :  Peter Webber : La jeune fille à la perle

Merci à tous et toutes pour votre participation ....



Le roman est  né de la fascination de Tracy Chevalier pour Vermeer et en particulier pour le tableau intitulé La jeune fille à la perle. On ne sait pas qui a servi de modèle réellement. Certains spécialistes pensent qu'elle peut être une des filles de Vermeer, d'autres une servante. Tracy Chevalier tranche et imagine qu'il s'agit effectivement d'une servante qu'elle nomme Griet. Elle lui prête vie en la dotant d'une identité et d'une histoire.
La  structure du récit respecte l'ordre chronologique des évènements et présente plusieurs grandes dates :

1664 :  Le père de Griet est ouvrier dans une fabrique de faïence mais il perd la vue dans un accident de travail et ne peut subvenir aux besoins de sa famille et de ses trois enfants. Griet s'engage comme servante chez les Vermeer. Commence alors une dure vie de labeur dans cette famille de six enfants. Mais la découverte de l'atelier de Vermeer, où elle doit faire le ménage sans déplacer un objet la remplit d'aise. En faisant le marché, elle fait connaissance d'un jeune boucher Pieter qui voudrait bien l'épouser. Bientôt, elle apprend que la peste sévit dans le quartier où habitent ses parents mais sa maîtresse ne lui donne pas l'autorisation de les rejoindre. Sa petite soeur Agnès meurt.

1665 : Chez les Vermeer, le peintre demande de plus en plus son aide à Griet car elle manifeste un goût esthétique sûr et a le sens des couleurs. Il lui apprend à préparer les piments.. L'admiration, la complicité et bientôt l'amour platonique  mais non dépourvu de sensualité qu'elle porte à son maître lui permet de supporter les difficultés de la vie et ces instants passés avec lui deviennent une trouée de beauté dans la grisaille de son existence. Cela lui permet de repousser sans se plaindre les avances brutales de Van Ruijven, le commanditaire de Vermeer,  les méchancetés de  Cornélia, la deuxième fille du maître.

1666 : Vermeer peint le portrait de la jeune fille en cachette de sa femme, Catherina, et lui fait porter ses perles avec la complicité de Maria-Thins, la mère de Catherina. Cette dernière, jalouse, chasse Griet qui perd sa place sans que le maître fasse un geste en sa faveur.

1667:  Griet à épousé  Pieter.  Après la  mort de Vermeer,  elle retourne retourne chez lui. Il lui a légué les perles par testament. Griet vend les perles et avec l'argent paie les dettes de son maître.


Johannes Vermeer : Vue de Delft

Un roman historique : Tracy Chevalier s'est largement documentée sur la vie et l'oeuvre de Vermeer mais aussi sur la société du XVII ème siècle à Delft.
La ville est alors un ville riche qui vit du commerce  de la faïence. Ceci est représenté dans le roman par le carreau de faïence que son père donne à Griet quand elle quitte la maison. Les ouvriers sont pauvres malgré un dur travail. La journée commence à l'aurore et se termine si tard que le père, épuisé, n'a plus le courage de manger quand il rentre chez lui.Ses bras sont marqués par les brûlures occasionnées par les fours.  Lorsque le père a un accident de travail et qu'il ne peut plus travailler, la famille sombre dans la misère malgré une aide - trop insuffisante- de la Guilde. Griet explique qu'ils n'ont pas mangé de viande depuis des mois.

Tracy Chevalier  sait aussi faire vivre la ville Delft, animer les rues, les marchés,

Chacune de ces étroites maisons de brique, chacun de ces toits rouges en pente raide, chacun de ces canaux verdâtres, chacune de ses portes demeuraient à jamais dans mon esprit, minuscule mais distinct.

Johannes Vermeer : La ruelle

La ville est partagée entre deux communautés religieuses. L'une dominante, les protestants, l'autre minoritaire, les catholiques, peu nombreux et seulement tolérés dans la ville. Cela va poser bien des problèmes à Griet qui est protestante et vivre dans une maison catholique l'inquiète. Le tableau représentant le Christ en Croix entouré de la Vierge et des saints, qui orne la salle, la sidère.

Cette pièce resterait toujours pour moi la pièce de la crucifixion. Jamais je ne m'y sentis à l'aise.

L'écrivain nous fait pénétrer dans les maisons bourgeoises que nous connaissons par les tableaux de l'âge d'or (XVII siècle hollandais), salles aux fenêtres formées de petits carreaux lumineux, avec leurs cuivres brillants, leurs lourdes tentures en velours ou en soie, les meubles noirs marquetés, le sol au carrelage coloré et vernissé, luisant de propreté, mais aussi dans l'envers du décor, celui des servantes. Nous voyons quel est le travail que Griet doit accomplir, sa position sociale, qui est au bas de l'échelle, les humiliations, les offenses qu'elle est obligée d'accepter pour ne pas perdre sa place et ne pas réduire sa famille à la misère.


Le film
Si la vision historique et sociale est réussie dans le roman, le film l'est tout autant de ce point de vue. Les images nous font pénétrer dans des tableaux vivants et surtout dans les intérieurs des peintures de Vermeer. Les lumières, les couleurs sont splendides et font de ce film un enchantement, imitation parfaite de l'atmosphère du Maître.
Il est dommage que le réalisateur sacrifie les personnages secondaires des enfants à quelques exceptions prêts. A part Cornélia  qui a un rôle important, on n'aperçoit et on entend que très peu les autres. Ils auraient pu constituer un second plan qui aurait donné vie et authenticité à la maison de Vermeer doté de six enfants. Ce n'est pas rien! Tracy Chevalier, elle, a eu le talent de les faire vivre par petites touches de manière à ce qu'ils fassent un contrepoint discret mais permanent au récit.

Une histoire d'amour douloureuse et un roman d'initiation

Griet la narratrice est aussi le personnage principal. Si elle a beaucoup de bon sens, est sérieuse et minutieuse et est habituée au travail domestique chez sa mère, elle n'en est pas moins une très jeune fille, inexpérimentée. Elle n'a jamais quitté sa famille et la séparation est difficile. Elle a  seulement 16 ans. Naïve, spontanée, elle ne sait pas cacher ses sentiments. Dotée d'un solide sens moral et de principes, elle va vite perdre ses illusions sur la société. L'apprentissage qu'elle va recevoir chez Vermeer, n'est pas seulement celui du travail. Elle y apprend aussi l'humiliation, les violences quand elle doit se défendre des agressions de Van Ruiyven. Elle apprend aussi quelle est sa place : au bas de l'échelle sociale. Elle comprend que, servante, elle n'a droit à aucune considération. Son maître, même s'il est troublé par sa beauté, même si elle le surprend par son intelligence et sa sensibilité, l'utilise, la manipule. Il n'hésite pas à la sacrifier à sa femme lorsque le tableau est terminé. Griet s'enfuit de cette maison,  C'est une expérience qui la marque pour la vie. Lorsqu'elle a vendu les perles et payé les dettes du Maître, Griet conclut par cette phrase désenchantée  :

La dette désormais réglée, je ne lui aurais rien coûté. Une servante, ça ne coûtait rien.

 Scarlett Johansson

Le film
L'interprétation de Scarlett Johanson  dans le film est sublime. Elle intériorise tous ses sentiments,  les laissant  deviner à travers une attitude corporelle, un regard. L'indentification avec la jeune servante est parfaite, la métamorphose qui fait de la figure vivante une icône peinte est fabuleuse!

J'ai beaucoup moins aimé Colin Firth (que les fans de l'acteur me le pardonne... si c'est possible) dans le rôle de Vermeer. Il n'y aucune évolution dans son jeu. Du début à la fin, il joue ce rôle d'homme accablé, renfrogné, au regard vaguement neurasthénique. Son visage est peu expressif.

Un hommage à la peinture de Vermeer

Tracy Chevalier fait allusion à plusieurs tableaux de Vermeer.


La laitière :
Taneke se redressa, un bonnet à la main et me dit : Le maître a fait une fois mon portrait, tu sais. Il m'a représentée en train de verser du lait. Tout le monde a dit que c'était son plus beau tableau.
Il y eut bien chez les Vermeer, une servante illettrée qui s'appelait Tanneke Everpoel. Un rapport de police mentionne que celle-ci sauva Catarina "enceinte au dernier degré" des coups que lui portaient son frère Willem Bolnes. Ce récit est rapporté dans le roman de Tracy Chevalier. Mais on ne peut être certain que la laitière soit bien Tanneke.





La femme à l'aiguière que Griet appelle la fille du boulanger ; celle-ci à froid pendant les poses et Griet doit aller lui chercher une chaufferette. C'est le tableau que Vermeer est en train d'exécuter lorsqu'il demande à Griet quelle est la  couleur des nuages.

Il passa un bleu pâle sur la jupe de la jeune femme et celui-ci se transforma en un bleu moucheté de noir, que l'ombre de la table rendait plus foncé, et qui s'éclaircissait près de la fenêtre. Au mur, il ajouta de l'ocre jaune laissant entrevoir du gris, le rendant lumineux mais non pas blanc.

 La dame à l'aiguière semble une réplique de La laitière mais transposée dans un milieu différent. L'une des scènes se passe dans une cuisine, l'autre dans un salon, à la cruche en poterie répond l'aiguière, à la chaufferette posée par terre, la boîte à bijoux sur la table, à la simple nappe, un lourd tapis rouge, à la robe en gros drap usagé, la robe en satin de soie que l'on appelle caffa en Hollande.  La coiffe blanche à longs pans de la dame est en lin fin immaculée, celle de la laitière est plus grossière. L'aiguière, précieuse, en vermeil doré, posée sur un bassin est un riche legs de Maria Thins à sa fille Catarina. Bien que la femme soit d'une condition supérieure à  celle de la laitière, on ne peut répondre avec certitude à cette question :  La dame à l'aiguière est-elle Catarina?*

* d'après un article de Michel Daubert




Le concert où Van Ruiyven a réellement posé.

Une jeune femme joue du virginal. Elle porte un corselet jaune et noir.... une jupe de satin blanc et des rubans blancs dans les cheveux. Debout dans la partie incurvée de l'instrument, une autre femme chante, une partition à la main. Elle porte un peignoir vert garni de fourrure au-dessus d'une robe bleue . Entre les deux femmes, un homme est assis, il nous tourne le dos..
"Van Ruiyven, interrompit mon père
-Oui. On ne voit que son dos, ses cheveux et sa main posée sur le manche du luth.
-Il en joue bien mal, s'empressa d'ajouter mon père.
-Oui, très mal. Voilà pourquoi il nous tourne le dos; pour nous cacher qu'il n'est même pas capable de tenir son luth correctement.



La jeune fille au verre de vin

Rappelle-toi la dernière fois avait insisté Maria Thins, soucieuse de lui rafraichir la mémoire. Oui, la servante! Souviens -toi de Van Ruijven et de la servante à la robe rouge!
Il semblerait que Van Ruijven ait voulu qu'une de ses filles de cuisine pose pour lui pour un tableau. Ils l'ont vêtue  d'une des robes de son épouse et Van Ruyjven a veillé à ce qu'il y ait du vin dans le tableau pour la faire boire chaque fois qu'ils posaient. Bien sûr elle s'est retrouvée enceinte de Van Ruijven avant que le tableau soit terminé.


Mrs Van Ruijven : La dame au collier de perles

Lorsque Griet, à la demande de son maître, regarde dans la boîte noire :

Je voyais la table, les chaises, le rideau jaune dans l'angle, le mur noir sur lequel etait accrochée la carte, le pot céramique miroitant sur la teble, la coupe en étain, la houpette, la lettre.
Le lendemain :
Si jusque-là je n'avais remarqué que d'infimes changements, cette fois j'en  remarquais un bien évident, la carte, accrochée au mur, derrière la femme, avait été retirée du tableau et aussi du décor. Le mur était nu. Le tableau n'en paraissait que plus beau, plus sobre, les contours de la femme ressortaient mieux sur cet arrière-plan qu'était le mur.

Un vrai bijou une fois de plus, disait Van Rujven, vous plaît-il ma chère? demanda-t-il à son épouse.
-Bien sûr, répondit-elle. La lumière du jour qui entrait par les fenêtres éclairait son visage, la rendant presque belle.



La jeune fille en jaune écrivant une lettre

Je respirai à peine puis d'un geste rapide, je tirai sur le devant de la nappe bleue, donnant ainsi l'impression qu'elle sortait de l'ombre, puis j'en rabattis un pan, dégageant un angle de table devant le coffret à bijoux. j'arrangeai les plis, puis je reculai pour voir l'effet produit. L'étoffe ainsi pliée suivait la forme du bras tenant la plume.


Marcel Proust et Johannes Vermeer

 




 Marcel Proust admirait Vermeer. Dans à La recherche du temps perdu, voilà ce qu'il écrit sur Vue de Delft :
Enfin, il fut devant le Ver Meer, il se le rappelait plus éclatant, plus différent de tout ce qu'il connaissait, mais où, grâce à l'article du critique*, il remarqua pour la première fois des petits personnages en bleu, que le sable était rose, et, enfin la pernicieuse matière du tout petit pan de mur jaune. Ses étourdissements augmentaient; il attachait son regard, comme un enfant à un papillon jaune qu'il veut saisir, au précieux petit pan de mur. "C'est ainsi que j'aurais dû écrire, disait-il. Mes derniers livres sont trop secs, il aurait fallu passer plusieurs couches de couleur, rendre ma phrase en elle-même précieuse, comme ce petit pan de mur jaune."

*Critique : Jean-Louis Vaudoyer



Challenge de Shelbylee