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mercredi 22 juillet 2015

Le paquebot Tenacity de Charles Vildrac




Je sors de la représentation de Le paquebot Tenacity de Charles Vildrac, mise en scène de Pierre Boucard, et je suis encore imprégnée par ce texte qui m’a fait penser à Quai des brumes (Carné), à La belle équipe (Duvivier); En arrivant chez moi, après une recherche, je m’aperçois, que cette pièce écrite en 1920 a a été, en effet, adaptée au cinéma par Jacques Duvivier en 1934.

Le texte porte encore tous les stigmates de 14-18 : deux jeunes gens traumatisés par la guerre veulent fuir la société française qui laisse peu d’espoir à la jeunesse pour s’installer et travailler au Canada. Ils vont s'embarquer dans le paquebot Tenacity. Retenus au port par une avarie du bateau, ils tombent tous les deux amoureux de la même jeune fille et l’un d’eux seulement partira.

La pièce se déroule dans le bar d’un port marin, un décor simple, réaliste, avec un comptoir, quelques tables et chaises. Il est fréquenté par des marins, des ouvriers, des hommes du peuple. Un des personnages  principaux, pilier de bar à la Prévert, poète, philosophe et sage, qui devient l’ami des jeunes soldats rescapés de la grande boucherie, présente les pensées de l’auteur, plutôt anar, sur la liberté, les hommes politiques et le gouvernement, sur l’amour et le bonheur. Le texte est beau, très proche du« réalisme poétique » et l’on peut comprendre pourquoi Duvivier s’en est emparé! Les comédiens l’interprètent avec conviction et sensibilité.
Un bon spectacle.
Le théâtre refuse du monde. Pour les derniers jours du festival, Il vaut mieux réserver.

Le paquebot Tenacity
Mise en scène Pierre Boucard
du 4 au 26 Juillet
Théâtre Essaïon 12H45

Nous n’irons pas ce soir au paradis : Dante Alighieri/ Serge Maggiani


Dante Alighieri de Giotto

Nous n’irons pas ce soir au paradis parce qu’il est beaucoup trop loin et aussi parce que le spectacle est beaucoup trop court pour nous permettre d’y parvenir. En revanche nous irons en Enfer avec Dante et Serge Maggiani et quel voyage!

Le début commence comme une conférence et nous écoutons l’orateur disserter sur le poète italien puis peu à peu la magie du théâtre opère et nous nous laissons embarquer dans ce grand voyage aride et douloureux. Nous aussi nous perdons « la voie droite » et nous nous retrouvons « par une forêt obscure », sachant que peu nombreux sont ceux qui en reviennent.
Serge Maggiani distille le texte mêlant italien et français avec bonheur; on a l’impression d’être convié à goûter les mots, les faits comme une gourmandise. Il nous explique la Commedia, nous parle des personnages que l’on y rencontre, de l’époque du grand poète, nous permet de rencontrer Dante et cela avec passion et humour, sans jamais ennuyer ou être pédant.  Et comme il le dit lui-même pas besoin de décor, il faudrait toute la Toscane mais aussi toutes les flammes de l’Enfer pour cela, pas besoin de personnages sur scène, il faudrait convoquer toute la ville de Florence au début du XIV siècle, mais Dante Alhigieri, le Grand, la beauté de la langue italienne mêlée à la française et un comédien qui transmet son amour pour cette oeuvre exceptionnelle.
Si vous aimez le texte de Dante il faut y courir et si vous ne le connaissez pas, ce spectacle est une belle initiation poétique.

Nous n’irons pas ce soir au paradis
Théâtre des Halles (Chapiteau)
17H
durée 1H05
Interprète Serge Magianni


mardi 21 juillet 2015

Le prince travesti de Marivaux mise en scène Daniel Mesguish au Chêne Noir



Dans Le prince travesti  de Marivaux, le prince de Léon décide sous le nom d’emprunt de Lélio, simple gentilhomme, de visiter le monde. La princesse de Barcelone s’éprend de lui et charge Hortense, sa parente, de  parler pour elle et de lui servir de messagère. Mais Hortense reconnaît en Lélio celui qui l’a sauvée jadis et qu’elle n’a pu oublier. Il en est de même pour le jeune homme. Tous deux s’aiment même si Hortense lutte contre cet amour pour ne pas trahir sa maîtresse, souveraine assez ombrageuse dont elle a peur. Quant à Arlequin, valet de Lelio, il est acheté par un ministre de la princesse et prêt à trahir son maître.

Dans cette pièce, chacun porte un masque et n’est pas ce qu’il paraît être. Le prince de Léon a pour réplique le roi de Castille qui lui aussi a pris un déguisement pour observer la princesse dont il a demandé la main. Chacun avance masqué; chacun épie l’autre voire le trahit. 
Sur scène, des miroirs qui reflètent les personnages et les multiplient, témoignent de ces faux-semblants. Revêtus de somptueux costumes, les acteurs interprètent cette comédie des apparences.
Mais j’ai été déçue par la mise en scène de Daniel Mesguish que j’ai trouvée trop lourde : et d’abord  avec cet accompagnement musical qui ponctue les scènes comme des coups de tonnerre avec une insistance irritante comme si le spectateur n’était pas capable de comprendre l’importance de ce qui est dit ; ensuite, avec le jeu trop précieux, trop appuyé voire mélodramatique de certains acteurs comme celui de la suivante Hortense ou encore avec le comique franchement trop répétitif du domestique Arlequin qui ne cesse de s’aplatir sur la scène pour mieux nous faire comprendre sa servilité. Cela pourrait être un peu plus subtil. Je n’ai pas retrouvé la retenue, la nuance, la finesse (et la profondeur) de la langue et de l’analyse psychologique de Marivaux et j’ai préféré le jeu plus sobre de Lelio et de la princesse ( même si je n’ai pas compris le revirement de cette dernière présentée comme cruelle et redoutable et qui d’un seul coup fait preuve de clémence au dénouement..).
En un mot, le spectacle ne m'a pas convaincue.






C't'à ton tour, Laura Cadieux de Michel Tremblay

festival avignon 2015  théâtre des Corps Saints C't'à ton tour, Laura Cadieux de Michel Tremblay
C't'à ton tour, Laura Cadieux de Michel Tremblay

"Montréal. Laura Cadieux, mère de famille à la langue bien pendue, se rend chez son "génie-coloye" : elle suit depuis 10 ans un traitement pour maigrir, prétexte pour retrouver ses copines dans la salle d'attente. Tout y passe : le métro, les hommes, le clergé, l’obésité, le sexe, le corps... Laura Cadieux, aux rondeurs décomplexées, nous livre une incroyable galerie de personnages à la fois désopilants et touchants. Tiré d'un récit du dramaturge québécois à succès Michel Tremblay."

J’avais envie d’aller voir ce texte de Michel Tremblay parce que j’avais vu et aimé : A toi pour toujours ta Marie Lou en 2012, pièce qui revient cette année au collège de La Salle.
Dans C't'à ton tour, Laura Cadieux, Cécile Magnet est seule sur scène et interprète fort bien tous les personnages qui se trouvent dans la salle d’attente. Le livre a été écrit par l’écrivain dans les années 1970 au moment où la société québécoise se défaisait de la domination étouffante de l’église catholique d’où un fort sentiment anticlérical. Michel Tremblay lui-même issu d’un milieu populaire présente une galerie de portraits de femmes du peuple, truculentes et qui n’ont pas la langue dans la poche! On passe un bon moment. Cependant, je n’ai pas trouvé la pièce entièrement convaincante peut-être parce que ces personnages me paraissent anecdotiques et trop datés, peut-être aussi parce qu’il s’agit de l’adaptation d’un roman non d’une pièce écrite pour le théâtre? Je vous conseille donc si vous hésitez, d’aller plutôt voir A toi pour toujours ta Marie Lou. L’action se déroule à la même époque mais présente une critique sociale et un drame humain qui en font une pièce forte, servie pas de bons comédiens et où vous retrouverez d’ailleurs Cécile Magnet. Voir mon billet ICI

C't'à ton tour, Laura Cadieux
Michel Tremblay
 Théâtre des Corps Saints
du 4 au 26 juillet
18h15
durée : 1h15


Retour à Berratham : Angelin Preljocaj/ Laurent Mauvignier

Retour à Berratham : Angelin Preljocaj source  L'express

Au moment où je cherche à rassembler mes idées pour parler du beau ballet-théâtre Retour a Berratham d'Angelin  Prejlocaj dans la cour d’Honneur d’après le texte  de Laurent Mauvignier, je lis le titre d’un journal : Le fiasco du Retour à Berratham ... Certes, il y a eu des sifflets et des mécontents comme d’habitude mais les applaudissements et les bravos étaient bien assez suffisants pour dominer et saluer comme il se doit ce spectacle à la fois émouvant et d’une grande recherche esthétique.

J’ai  entendu aussi une spectatrice parler de la « banalité affligeante »  du texte et, certes, c’est banal la guerre! Banale cette histoire qui peut se passer n’importe où, à n’importe quelle époque y compris la nôtre (témoin les évènements de janvier), banal la haine des hommes, leur intolérance, les hécatombes, les femmes violées, assassinées, les maisons détruites, la faim, la violence, les amoureux séparés et d’une banalité affligeante - et en tout cas qui m’afflige-  car c’est un sentiment de tristesse qui domine à la fin du spectacle au-delà de la beauté de la danse et des corps des danseurs et des danseuses, de la beauté des voix des narrateurs.  Et ces voix nous content le retour à Berratham de cet homme, qui revient d’exil après une guerre qui a ravagé son pays, pour retrouver Katja, la jeune fille qu’il a aimée jadis.
Il est vrai que j’ai eu un peu de mal, au début, à entrer dans la pièce car la part laissée à la danse ne me paraissait pas suffisante - j’étais venue voir un ballet- mais peu à peu les mots m’ont prise et je me suis laissée emporter par ce récit et par cette danse d’une grande beauté et qui colle aux mots, à la musique. Il y a des moment sublimes dans la chorégraphie comme celui où les femmes tuées par les soldats dansent ensemble comme si elles ne formaient plus qu’un seul corps, celui où Katja morte assassinée et violée est sortie de l’épave de la voiture par son amoureux et ne semble évoluer que par la volonté de son partenaire… Et c’est là que la cour d’Honneur rend toute sa magie, avec cette ouverture sur le ciel nocturne et cette grande étoile illuminée sur le mur de fond du palais. Le décor, ces grandes structures d’acier qui témoignent de l’après-guerre et de la misère, peut à la fois figurer des cages où les danseurs sont de grands oiseaux retenus prisonniers et les escaliers des maisons à moitié détruites par les bombes. Elles délimitent aussi une sorte de terrain vague jonché de voitures abandonnées où se réunissent les laissés pour compte, les héritiers haineux de la guerre engendrés par la violence et la destruction.
La troupe de danseurs d'Angelin Preljocaj est excellente et la qualité de leur danse n’est égale qu’à celle des voix et des sentiments qu’ils expriment. Un très beau spectacle!

Un obus dans le coeur de Wajdi Mouawad/ Catherine Cohen




"Wahab est réveillé en pleine nuit par un coup de téléphone lui apprenant que sa mère, malade d’un cancer, agonise. En s’acheminant vers l’hôpital, Wahab se prépare à dompter la mort, à nouveau, la dernière fois il avait 7 ans. Tout le mène à ce face à face avec la mort, avec sa peur d’enfant, qu’il doit terrasser pour enfin se libérer. Le chemin de Wahab est un chemin douloureux, où se côtoient l’innocence, la colère, l’incompréhension, la tendresse et aussi l’humour."

Wajdi Mouawad, dramaturge libano-canadien, est né au Liban qu’il a fui avec ses parents quand il était jeune pour trouver refuge au Québec. Dans cette pièce, Un obus dans le coeur, mise en scène par Catherine Cohen, son personnage, Wahab, porte en lui les peurs d’un enfant qui a connu la guerre, qui a vu des évènements si terribles qu’il n’a jamais pu les oublier. C’est à l’occasion d’un autre évènement, la mort annoncée de sa mère à l’hôpital que Wahab va se trouver face à face avec « cette femme aux bras de bois », personnification de la Mort, qu’il vu apparaître pour la premier fois lors d’un attentat au Liban et qu’il va affronter à nouveau au chevet de sa mère.
Wajdi Mouawad est un écrivain grandiose, qui possède un langage à la fois puissant, poétique, évocateur. Quand il décrit une horde de loups surgissant dans une salle d’hôpital, quand il montre un enfant mourant dans un bus incendié, vous le voyez! J’adore lire ses pièces mais c’est la première fois que j’en vois une sur scène bien qu’il soit venu dans le In il y a quelques années. 
Le comédien, Grégori Baquet, porte ce texte si beau et si douloureux avec intensité. Il a une force d’intériorisation remarquable. Il n’a pas besoin de grande démonstration pour nous communiquer les sentiments qu’il éprouve face à la mort de sa mère, aux débordements de sa famille, ses colères, ses frustrations, son chagrin et surtout la peur de l’enfance, celle qui ne peut être vaincue que par un autre peur d’enfance encore plus grande. La mise en scène et la scénographie jouent aussi sur la sobriété, un rideau de fond qui sert d’écran, des chaises soudées entre elles qui deviennent personnages.
Un théâtre où l’on se sent concerné, où l’on éprouve une grande émotion et d’où l’on sort le coeur serré. Un théâtre comme je l’aime.

MOLIÈRE 2014 – Révélation masculine Grégori Baquet

Un obus dans le coeur de Wajdi Mouawad
Mise en scène : Catherine Cohen
Interprète : Grégori Baquet
Théâtre Le Balcon 12H15
durée 1H10





dimanche 19 juillet 2015

Molière dans tous ses éclats et La Sorcière La Trouille au collège de la Salle


Molière dans tous ses éclats

Molière dans tous ses éclats est le Top 1 de Nini et de sa petite amie Jeannette, cinq ans toutes les deux! C’est le spectacle idéal pour les enfants mais aussi pour les adultes car il est vraiment réussi, intelligent, amusant et pour tous les âges et puis il donne envie de voir et revoir notre bon vieux Molière!
Deux personnages Miette et Ouane (Stéphanie Marino et Nicolas Devort ) assurent avec beaucoup de bonne humeur et une vivacité communicative, la liaison entre les trois scènes de Molière qu’ils ont choisies  : 
Le bourgeois gentilhomme , la leçon avec le philosophe (et je vous prie de croire qu’après cette scène, Nini et Jeannette se sont bien amusées à prononcer des O et des A retentissants et à faire la moue pour dire le U)
Le malade imaginaire : la scène du poumon, comique à souhait, que les comédiens tirent vers la farce, ce qui a ravi les deux petites spectatrices
et Les Fourberies de Scapin : la scène de la galère, très réussie aussi.

Les deux comédiens donnent en même temps une leçon de théâtre : à quelle époque Molière vivait-il? Pourquoi dit-on « merde » à un acteur avant la représentation? Qu’est-ce que les didascalies, le côté cour et le côté jardin? mais toujours sans pesanteur ou pédanterie, avec beaucoup d’humour et de nombreuses trouvailles de mises en scène.

Un spectacle à recommander à tous! TTT Télérama

Molière dans tous ses éclats
Collège de La Salle
du 4 au 26 juillet
15H45
durée 1H
à partir de 5 ans
Compagnie Qui Va Piano

 La sorcière La Trouille




La sorcière La Trouille, toujours au collège la Salle, est elle aussi bien placée dans le Top de nos deux jeunes spectatrices. Léonie a même vu la pièce deux fois.
Il s’agit d’une sorcière sympathique (et oui, cela existe), qui a peur de tout et que sa mère, odieuse, oblige à aller au bal pour montrer son savoir et sa méchanceté. Or la sorcière la Trouille ne sait rien faire et elle voudrait tant être gentille!
Alors il y a eu, là, de la part de Léonie, une identification complète avec le personnage : quelqu’un qui a peur de tout comme elle! Pas question de monter sur scène pour préparer la potion magique comme le font d’autres petits enfants courageux. Nini est terrifiée quand apparaît la mère-sorcière (une vidéo impressionnante à ses yeux!) et cela tombe bien car elle adore avoir peur… au théâtre! Jeanne, elle, voudrait bien monter sur scène mais elle n’a pas été choisie.
La jeune comédienne, Frédérique Bassez, mène cette histoire avec tendresse et beaucoup de grâce et, que les âmes sensibles se rassurent, la sorcière La Trouille va rencontrer l’amour en la personne de Toto la Frousse! Ouf!
…………………
Léonie et Jeanne ont rencontré la sorcière deux fois, une première fois en costume de scène et elle n’avait pas l’air rassuré, cette La Trouille, de se promener toute seule dans les rues d’Avignon! Une seconde fois, sans déguisement, et avec un jeune homme que les fillettes ont jugé être son amoureux : « C’est Toto La Frousse! Mais alors, il existe vraiment?! »

La sorcière La Trouille
Collège de La Salle
du 4 au 26 juillet
15H30
durée 55'
A partir de 4 ans
Compagnie apremon Musithéa

samedi 18 juillet 2015

Antoine et Cléopâtre de Tagio Rodrigues


Antonio et Cleopatra ; photo Christophe Raynaud de Lage source

Antonio et Cléopatra est un grand poème écrit par Tiago Rodrigues, auteur et metteur en scène portugais, d’après la pièce de Shakespeare et La vie des hommes célèbres de Plutarque.
En lisant l’interview de Tiago Rodrigues sur sa pièce, j’avoue que le discours philosophique du metteur en scène sur la dimension cosmogonique de sa création, sur son refus de jouer sur les grands sentiments… m’a fait peur! Peur, oui, de me retrouver  face à un spectacle où ne passerait aucune émotion et où la réflexion intellectuelle assècherait le ressenti. Disons le tout de suite, il n’en est rien!

Dans les première instants de la représentation, Antoine parle de Cléopâtre et Cléopâtre d’Antoine mais ils ne sont pas présents, pas ensemble! Côte à côte sur la scène, oui, mais non dans leur histoire. Ils existent pourtant grâce aux gestes des comédiens, Sofia Dias et Vitor Roriz, qui sont aussi des danseurs et dont les bras levés, les mains appuyées sur le vide, semblent dessiner les formes de l’autre. Séparés, ils racontent et les mots du poème, commencent : « Antoine respire, Cléopâtre respire. ». J’ai alors pensé que ces répétitions risquaient de devenir bien vite ennuyeuses mais les phrases se déroulent, incantatoires, et happent, et fascinent. On se sent emporté par cette litanie, peut-être d’autant plus forte qu’elle se déroule en portugais (le spectacle est surtitré) et que les sonorités étrangères résonnent, un peu ésotériques, une musique qui s’insinue en nous.
Et l’histoire d’Antoine et de Cléopâtre nous est racontée, une belle histoire d’amour entre deux êtres que leur grandeur et leur pouvoir vont séparer. Antoine représente Rome, il sera accusé de trahison, de lâcheté, il se pliera un instant au jeu politique en acceptant d’épouser Octavie, la soeur de César- Octave mais il reviendra vers Cléopâtre. La Reine d’Egypte défend son pays mais elle ne peut se défaire de son amour pour le général romain. Dès lors, ils se retrouvent face à face, ensemble sous le regard des autres, dans un espace qui se réduit jusqu’à ne plus pouvoir respirer, ils sont condamnés; d’où l’importance des mots : « Antoine respire, Cléopâtre respire. » jusqu’à l’agonie finale, difficile, longue, la mort qui est la seule issue, le moment suprême où la respiration cesse.
Beaucoup d’émotion passe dans ces jeux de scènes, dans ces mots qui reviennent et qui chantent et qui pleurent. Ce qui est étonnant, c’est cette manière subtile de nous faire sentir le sable du désert, l’eau tiède du Nil ; de nous faire voir la bataille navale, ces vaisseaux romains et égyptiens qui s’affrontent; de faire vivre des personnages qui n’apparaîtront jamais sur scène mais qui par l’intermédiaire des comédiens existent à nos yeux : Enobarbus, le fidèle d’Antoine et qui pourtant le trahira, l’eunuque de Cléopâtre fasciné par la beauté de sa maîtresse, le messager, personnage d’une force extraordinaire, qui vient annoncer le mariage d’Antoine et sait qu’il en mourra mais ne peut mentir à sa reine.
La scénographie sobre, aux lignes pures, contribue à la beauté du spectacle et donne un sens profond à cette tragédie individuelle :  une grande toile, le ciel, où se reflètent les lumières du lever de soleil, du jour et de la nuit, un mobile avec de grands disques colorés et changeants qui tournent dans l’espace représentant le mouvement des planètes, l’inexorable passage du temps, la petitesse de l’homme face à l’univers.
Un spectacle d’une grande beauté, un spectacle envoûtant!

PS
Et si je n’ai pas aimé la mise en scène du Roi Lear par Olivier Py, je peux dire que j’aime sa programmation en tant que directeur du festival d’Avignon.


Comment Va le Monde? SOL/ Michel Bruzat au théâtre des Carmes

Marie Thomas dans le rôle de Sol

Marc Favreau humoriste québécois est plus connu sous le nom de Sol, un personnage de clown clochard. Le metteur en scène Michel Bruzat (compagnie Le théâtre de la Passerelle) reprend certains textes de Sol dans Comment va le monde?, au théâtre des Carmes, et les confie à sa comédienne fétiche, Marie Thomas, que nous voyons depuis longtemps au festival d’Avignon. Je me souviens du très beau et très cruel Un riche trois pauvres de Calaferte. Et comme d’habitude c’est un feu d’artifice, une union entre le texte brillant, fou, délirant et la comédienne inspirée.
Ce spectacle, à la fois émouvant et comique, est un véritable hommage à la langue française, un jeu sur les mots incessant. Sol  a des difficultés avec le langage et c’est de cette façon qu’il devient d’une efficacité redoutable quand il fait le bilan de l’état de notre planète, de l’injustice sociale, du rejet de l’autre, de l’exclusion et quand il nous raconte son enfance de mal-aimé. Il déforme les mots, les tord, en forme des nouveaux, c’est d’une irrésistible drôlerie, c'est douloureux aussi. La comédienne joue sur cette ambiguïté avec brio. Une heure et plus à jongler avec les mots comme avec des balles, à les lancer à la tête du public pour mieux les rattraper, à les rendre redoutables, corrosifs. Un excellent travail de mise en scène et d’interprétation, un texte qui est à la fois celui d’un clown et d’un poète.

Sol Marc Favreau

Quelques extraits des textes de Sol glanés sur le Net. Ces livres sont épuisés.

Si tous les poètes voulaient se donner la main, ils toucheraient enfin des doigts d'auteur!

Je persifle et je singe.

 Les photographes font tout un plat de leurs lentilles, et ensuite ils courent travailler au noir. Ça n'impressionne personne! »


Être un patron ça me déplairait pas…
Il est bien le patron.
D’abord il n’a pas besoin d’aller à l’école
il a sa classe à lui tout seul
c’est la classe digérante…
Oui passque le patron il mange
il mange très énormément tous les jours
dans une grande assiette fiscale…


Quand j’étais petit mon perplexe me disait toujours :
« La santé ça passe avant tout! »
Et c’est vrai qu’elle passe la santé.
Même que des fois elle nous dépasse, et on court
on court pour la rattraper, et pluss on court,
pluss on est fatigué…
et moins on la rattrape…
et quand on l’a perdue de vue la santé,
quand on l’a perdue pour de bon…
quand on se retrouve dans un fauteuil croulant,
c’est là qu’on comprend que dans la vie
c’est la santé qu’a le pluss d’impotence…



Comment Va le monde?
SOL/Bruzat
Théâtre des Carmes à 13H30 
durée 1H10
relâche 23 Juillet.



vendredi 17 juillet 2015

Vagabundo, de Lukasz Areski, à l’Espace Alya Spectacle pour enfants marionnette-objet


Vagabundo Lukasz Areski

Vagabundo,  de Lukasz Areski, à l’Espace Alya, est une petite pièce pour marionnettes à partir de six ans. Il fait partie de mes  trois coups de coeur parmi les pièces pour enfants que j’ai vues avec ma petite fille : Ninika dont j’ai déjà parlé ICI et Index  (danse hip hop).

Vagabundo est un hommage à Charlot et au film muet. On y voit un adorable petit bonhomme vêtu de haillons errer dans les rues à la recherche de nourriture. C’est l’hiver. Il est bientôt en rivalité avec un autre vagabond. Les deux miséreux parviendront-ils  à s’entendre et à partager?  Le second tableau se passe au printemps. Vagabundo rencontre la femme de sa vie. C’est l’amour fou. La pièce s’achève donc sur une note optimiste.
Le récit muet (ce sont des panneaux qui donnent les quelques indications nécessaires: J’ai faim, Moi aussi..) est raconté avec finesse, délicatesse et tendresse. L’humour tempère la tristesse du premier tableau. La précision des gestes prête vie aux marionnettes qui s’animent devant nous. Détail amusant, il s’agit de bilboquets qui ont un peu tendance à perdre la tête! Et de leur union va naître…  un bébé bilboquet! La bande-son crée une ambiance suggestive, le vent, la tempête hivernale, l'arrivée joyeuse du printemps et le chant des oiseaux, qui ajoute au plaisir de l’histoire. La neige tombe. Une grande poésie se dégage de l’ensemble.


Prix "coup de coeur" au Festival de Vevey, Suisse

Vagabundo 
Espace Alya 10H30 
durée 45'
marionnette-objet

Des cailloux plein les poches de Marie Jones/ Stephan Meldegg au Chêne Noir



Excellent spectacle que cette pièce de l'auteure irlandaise Marie Jones Des cailloux plein les poches donnée au théâtre du Chêne Noir. 
Il s’agit du tournage d’un film La vallée tranquille dans un petit village irlandais du Kerry. On voit bien sûr l’allusion à The Quiet man de John Ford dont nous apercevons sur scène, détail comique et réjouissant, le dernier survivant des figurants de ce film légendaire.
Charlie et Jake se font embaucher eux aussi comme figurants mais l’on sent bien vite qu’ils n’ont aucun avenir dans ce pays sans ressources où l’agriculture et l’élevage sont en crise. Le seul (et vain) espoir réside dans le départ vers les Etats-Unis d’où ils reviennent pour l’immense majorité, le plus souvent meurtris, déçus et aussi fauchés qu’auparavant!

Eric Métayer et Elric Thomas qui sont Charlie et Jake, interprètent tour à tour, avec talent et maîtrise, tous les personnages de l’histoire, le réalisateur, l’actrice italienne, le régisseur, les gens du pays. Ils peuvent tout jouer et il suffit parfois d’un bref moment, d’un passage derrière une porte, pour qu’ils se transforment en un clin d’oeil devant le spectateur médusé. La voix, le corps, tout est métamorphose. La mise en scène enlevée de Stephan Meldegg n’a aucun temps mort, certaines scènes sont hilarantes et le public s’amuse beaucoup. Mais sous le rire perce la critique, celle de l’industrie cinématographique et de ses représentants qui ont perdu toute humanité et ne parlent que chiffres et rentabilité. Celle d’un monde qui produit du rêve en forme de happy end ridicule mais qui n’a rien à voir avec la réalité. Et lors du suicide de l’un d’entre eux, un jeune homme qui a perdu l’espoir d’un avenir meilleur, l’on réalise combien la vie humaine compte peu pour eux. L’humiliation, l’amertume, le sentiment de l’échec s’emparent de Jake et Charlie. Pourtant.. c’est le cinéma qui va leur rouvrir la porte du rêve. Et s’ils faisaient un autre scénario, un film qui parleraient de gens comme eux…
Un très bon spectacle qui fait salle comble (cinq nominations au Molière). Mieux vaut réserver!

Théâtre Le chêne Noir 11H
Des cailloux pleins les poches de Marie Jones
du 4 au 26 Juillet
Relâche le 21 Juillet
Mise en scène Stephan Meldegg
Réservation : 04 90 86 74 87


jeudi 16 juillet 2015

Richard III de Shakespeare/Ostermeier

Lars Eidinger dans Richard III (source)

Je n’avais jamais vu Richard III sur scène et j’ai toujours eu des difficultés à lire la pièce. Aussi la mise en scène de Thomas Ostermeier est une belle surprise, une véritable réussite théâtrale. C’est avec aisance que l’on entre dans cette intrigue touffue, pleine de personnages, d’intrigues complexes, tant le metteur en scène a l’art d’éclairer notre lecture, de dévoiler l’essentiel, de nous mettre au coeur du drame, au coeur de l’humain. Ici pas provocations inutiles, tout sert l’action, tout révèle le sens.
Et d’abord le sens politique et philosophique, une magistrale réflexion sur le pouvoir, sur la domination d’un seul sur les autres (rappel de l’essai de La Boétie Discours de la servitude volontaire ou le Contr'un). Nous sommes aux racines mêmes du mal. Par la force du langage, le tyran manipule ceux qui l’entourent et parvient à ses fins soit par la fascination qu’il exerce ou en flattant la cupidité et l’orgueil de ses ministres qu’il tient en laisse, soit par la peur. Du fait que la langue soit allemande et les costumes du XX siècle, nous pensons à Hitler, bien sûr, mais aussi à Staline, Mussolini pendu à un crochet de boucher à la fin de la guerre comme Richard III dans la mise en scène de Ostermeier et bien d’autres au cours des millénaires de l’Histoire. Mais au-delà des exemples que nous connaissons c’est bien sûr l’universel que révèle Shakespeare magnifiquement servi par Ostermeier. Le comédien, Lars Eidinger, qui incarne le rôle fait voir toutes les facettes de ce personnage monstrueux et pourtant humain par sa souffrance et ses faiblesses. Il incarne avec brio Richard III jusque dans son corps déjeté, contrefait; il est tout à tour le misérable en proie au doute et  et le roi sanguinaire, affamé de pouvoir.

Thomas Ostermeier met aussi en relief le drame de la différence, de l’exclusion. Richard III devient un monstre au niveau psychologique parce qu’il l’est au niveau physique. Infirme, bossu, il est exclu des fêtes, de la joie, de l’amour. Le comédien transmet cette souffrance, ce sentiment d’abandon et de solitude. Et lorsque le metteur en scène le dénude, ce n’est pas gratuit, c’est pour mieux nous faire ressentir cette déréliction, la petitesse de celui qui va devenir si grand  en se hissant au-dessus des autres par l’usurpation et le meurtre. Lars Eidinger met en relief par son jeu subtil et plein de sensibilité cette souffrance mais aussi la révélation que Richard III va avoir de lui-même, ce  moment clef où il séduit lady Anne et où il comprend alors son pouvoir sur les autres et la puissance de la parole. Ainsi par l’intermédiaire du comédien et de la mise en scène nous est révélée la complexité  de ce Richard III de Shakespeare et l’on comprend alors pourquoi, depuis le XVI siècle, il a pu fasciner les spectateurs et devenir un personnage dont on n’a jamais fait le tour.

Tous les acteurs sont au diapason, aucune faiblesse dans la distribution. La scénographie fort belle avec ses lumières, ses projections vidéos, l'utilisation de marionnettes, présente un décor étagé ou l’espace est chargé de sens. Pendant la fête qui clôt « l’hiver de notre déplaisir », la fin de la guerre des Deux Roses, des York et des Lancaster, Richard est en bas sur la scène, tandis que les autres s’amusent, s’agitent,  montent et descendent joyeusement d’un niveau à l’autre, soulignant ainsi son isolement. Plus tard, les victimes de Richard III disparaissent par une porte, toujours la même, en hauteur (la Tour de Londres?) et  c’est du haut de la scène aussi que Marguerite la prophétesse lance sa malédiction sur Richard III et ses complices qui se trouvent au-dessous d’elle, en position de faiblesse.

Je n’ai pu juger de la traduction en allemand de Marius Von Mayenburg que Thomas Ostermeier a voulu en prose plutôt qu’en vers et dans une version légèrement écourtée mais j’ai aimé que Lars Eidinger reprenne certains passages en anglais.

Un grand bonheur théâtral!



mardi 7 juillet 2015

Le roi Lear Shakespeare/ Olivier Py Un coup de rage!

Dans la Cour d'Honneur du Palais des papes décor du Roi Lear de Shakespeare mise en scène d'Olivier Py
Le roi Lear mise en scène Olivier Cour d'Honneur Avignon 2015
Je ne voulais manquer pour rien au monde Le roi Lear dans la cour d’Honneur! Quelle déception! Trois heures d’ennui et de ras-le-bol au cours de laquelle Olivier Py assène son égo, ses fantasmes, ses délires, sans égard aucun pour le grand dramaturge qui a écrit la pièce! Voilà déjà deux fois que je vois le Roi Lear dans le In à Avignon 2013 ICI avec toujours le même résultat : des metteurs en scène qui ne parlent que d'eux-mêmes et qui oublient que c’est Shakespeare le Dieu, pas eux!

Au jeu des squelettes, dans la mise en scène de Olivier Py, Lear enfonce Hamlet! Qui dit mieux?  (Source Le  Monde)
Je veux bien, moi, que le silence de Cordélia représente « une faillite de la parole » qui engendre la « dévastation » « la catastrophe politique » « prophétisant ce qui s’est passé au XX siècle »(Olivier Py). De là à en faire une danseuse en tutu qui ne prononce pas un mot pendant tout le spectacle, elle qui porte le sens de la pièce!
Je veux bien que Régane (ou Goneril) défèque sur scène et jette le contenu du seau sur Gloucester, que l’une ou l’autre renifle leur petite culotte, que Edmond et Cornouailles, s’envoient en l’air derrière les palissades mais ce sont des petites provocations qui n’apportent rien à la mise en scène, ne donnent aucune profondeur, ne témoignent d’aucune lecture du texte. C’est juste une mise en scène gros sabots qui aurait fait scandale il y a trente ans mais qui ne fait même plus frémir le public avignonnais qui en a vu d’autres!
Je veux bien aussi que Lear et Edgar se vautrent dans la boue, nus comme des vers, et courent dans les gradins du théâtre, le sexe à l’air, mais ce qui me gêne c’est qu’ils sont ridicules! Certes, les pièces de Shakespeare pratiquent le mélange des genres si cher à Victor Hugo et certains personnages grotesques du dramaturge ne font pas dans la dentelle, les fous en particulier, mais cela signifie que le comique et le tragique coexistent, non que le comique tue le tragique! Et ridicules ils le sont, ces acteurs, au point de faire ricaner le public au moment où celui-ci devrait être saisi par l’émotion dans cette grandiose scène de la folie, au milieu des éléments déchaînés (la tempête est figurée par un tuyau d'arrosage qui déverse de l'eau sur les acteurs) qui portent à son comble le sentiment de déréliction du monarque déchu, du père outragé.  Mais d’émotion il n’y en a pas! Tout au long de la représentation, les acteurs vocifèrent, en particulier le roi Lear (Philippe Girard), monocorde et peu convaincant, exception faite, peut-être, du comte de Gloucester (Jean-Marie Winling) dont l’acteur souligne les faiblesses et l’humanité.

Quant aux symboles, ils sont d’une telle lourdeur qu’ils provoquent aussi l’hilarité du public comme cette « méditation scénographie sur le cercle, le trou, la béance, ce vide qui aspire les personnages et l’histoire »(Pierre-André Weitz, scénographe) qui désigne un trou pratiqué au milieu de la scène où chaque personnage va s’engloutir! On a rêvé plus subtil comme symbolisme!
Les réactions du public?  Certains sont partis en cours de spectacle mais c’est habituel, il y bien eu deux ou trois huées à la fin, un bravo tonitruant et un ensemble d'applaudissements modérés et polis. Les comédiens ont salué deux fois, c’est peu! Mais ni colère, ni vindicte, ni enthousiasme délirant. Certes, j’ai entendu certains se moquer des lourdeurs de la mise en scène, deux jeunes filles discuter des mérites respectifs de l’anatomie d’Edmond et d’Edgar (au moins, elles ne se seront pas ennuyées, elles!). Finalement, ce qui m’a surprise, c’est la tiédeur! 





dimanche 5 juillet 2015

Alexis Michalik : Le porteur d'histoire et Le cercle des illusionnistes au théâtre des Béliers deux coups de coeur!




Hier soir et ce matin je suis allée assister aux deux spectacles de Alexis Michalik dont on peut dire qu'il est un auteur à succès si l'on en juge par la foule qui se presse au Théâtre des Béliers où l'on s''installe même sur des chaises ajoutées au premier rang, sur les escaliers et où l'on refuse du monde! Il faut dire que Le porteur d'Histoire a obtenu deux Molières en 2014 : Meilleur auteur/Meilleure mise en scène)  et Le cercle des illusionnistes trois :  Meilleur auteur/Meilleure mise en scène/ Révélation féminine pour Jeanne Arènes, la petite brunette capable de se transformer, telle Protée, en petite vieille comme en ado rebelle!
Aussi, croyez-moi, si vous tenez à voir ces deux pièces, réservez à l'avance même si vous n'êtes pas encore arrivés à Avignon! Quand des spectacles commencent ainsi dès les deux premiers jours on peut raisonnablement penser que vous serez nombreux à ne pas pouvoir les voir d'ici une semaine!
Vous pouvez réserver en ligne sur le programme d'Avignon OFF ou au théâtre des Bêliers 04 90 82 21 07. Notez que je n'ai aucune action dans ce théâtre et qu'il s'agit simplement du conseil d'une spectatrice enthousiaste!

Alexis Machalik 


Du coup j'ai voulu en savoir plus sur cet auteur à l'écriture si brillante qui est aussi acteur et metteur en scène et voilà ce que j'ai lu sur lui ICI

S’il fait ses débuts de comédien sur les planches d’un théâtre, sous la direction d’Irina Brook, dans le rôle-titre de Juliette et Roméo, c’est à la télévision qu’Alexis Michalik prend ses quartiers.
On le retrouve ainsi dans divers téléfilms ou séries: Petits meurtres en famille, Terre de lumière, Kaboul Kitchen
Au cinéma, il tourne avec Billy Zane, Diane Kurys, Safy Nebou, Yann Samuel, Fernando Colomo, Danièle Thompson, Alexandre Arcady…
Il continue de se distinguer au théâtre, dans des comédies, comme Le Dindon, mise en scène de Thomas Le Douarec, ou des pièces plus sérieuses, comme Les Fleurs Gelées, d'après Ibsen et Strindberg.
Avec la compagnie Los Figaros, Alexis Michalik met en scène et signe des adaptations pour le moins déjantées, parmi lesquelles La mégère à peu près apprivoisée, ou R&J, librement inspirés des oeuvres de William Shakespeare.

Le porteur d’histoire est sa première pièce en tant qu’auteur, Le cercle des illusionnistes est sa seconde. En 2014, il est récompensé pour ces deux pièces de 2 Molières (auteur francophone et metteur en scène de théâtre privé), du prix Beaumarchais du Figaro et du prix Jeune Théâtre de l'Académie Française.

Les deux pièces sont éditées au éditions Les cygnes. J'ai devant moi le livre Le cercle des illusionnistes que je vais relire.

Le porteur d'histoires

Chasse au trésor littéraire impossible à résumer, succés-surprise des trois saisons passées, Le Porteur d’Histoire revient aux origines, là ou le spectacle est né : en Avignon.
Par une nuit pluvieuse, au fin fond des Ardennes, Martin Martin doit enterrer son père. Il est alors loin d’imaginer que la découverte d’un carnet manuscrit va l’entraîner dans une quête à travers l’Histoire et les continents...

Impossible à résumer, oui, car nous allons de rebondissements en rebondissements, de surprises en surprises dans une histoire complètement folle, complexe (vous ne comprenez pas tout? Peu importe! Vous aimeriez vous arrêter pour réfléchir un peu? Pas le temps!), une histoire à toute vitesse qui vous jette dans les aventures les plus improblables, vous transporte de la forêt des Ardennes en Algérie ou au Canada, du Moyen-âge au XX ème siècle, au XVIII ou à toutes les époques à la fois et ceci dans un tourbillon qui n'accorde aucune importance à la chronologie! 
L'histoire draîne une foule de personnages dont les moindres ne sont pas Alexandre Dumas, Eugène Delacroix, le pape Clément VI, le comte de Polignac, ministre de Charles X et tant d'autres.. et puis, bien sûr, Martin qui, après la lecture de ce manuscrit, va partir à la recherche de... Mais n'en disons pas plus! 
La pièce est un hommage aux livres, à l'amour de la littérature! Vous avez l'impression d'être emporté dans un roman d'Alexandre Dumas! Etes-vous dans la réalité ou dans la fiction? Les personnages eux-mêmes,  bousculés par leurs  folles aventures, s'interrogent!
La mise en scène est étourdissante, éblouissante, vous donne l'impression de courir, de faire des sauts de géants à travers les différentes périodes historiques. Il  vous arrive même d'assister en même temps à des scènes qui se déroulent à des milliers de kilomètres ou à des siècles de distance! Et les acteurs s'en donnent à coeur joie, endossant devant nous, avec les vêtements, la personnalité de tous les personnages qu'ils interprètent magistralement.
Un régal!

Le cercle des Illusionnistes



En 1984, alors que se déroule le championnat d’Europe des Nations, Décembre vole un sac dans le métro.
Dans le sac, il trouve la photo d’Avril jolie. Il la rappelle, ils se rencontrent dans un café.
Il va lui raconter l’histoire de Jean-Eugène Robert-Houdin, horloger, inventeur, magicien du XIXe siècle.

Cette histoire les mènera tous deux sous le coffre de la BNP du boulevard des Italiens, dans le théâtre disparu de Robert-Houdin, devant la roulotte d’un escamoteur, derrière les circuits du Turc mécanique, aux prémices du kinétographe, et à travers le cercle des illusionnistes.

Le cercle des Illusionnistes est un hommage à la magie, à l'imagination, au génie de la création; la pièce célèbre la naissance du cinéma et nous assistons à des projections de films des frères Lumière ou de Méliès. Le fil directeur qui mène de Houdin à Méliès est cette cave où Houdin avait installé son théâtre pour présenter ses tours d'illusionnistes. Il y a une filiation spirituelle entre les deux hommes et le récit de leur vie est le prétexte à des rencontres magiques soulignées par d'ingénieux effets visuels, des vidéos, des jeux de lumière et de véritables tours de magie exécutés par des comédiens. Tous excellents, ils interprètent avec bonheur et fantaisie de nombreux personnages souvent hors du commun comme l'Escamoteur dont on peut deviner qu'il est bien plus qu'il ne paraît puisqu'il est le créateur, l'inspirateur, le maître des arts et des mots.

Dans ces deux pièces, que j'ai vues à la suite, j'ai noté les constantes chez Alexis Michalik auteur : Le porteur d'histoire et les illusionnistes sont des passeurs de la création artistique et littéraire qui est peut-être plus vraie que la vie, qui lui donne son sens, sa richesse. L'imaginaire, la magie, le fantastique d'où naît la poésie, se retrouvent donc dans les deux pièces. 
Le rôle du hasard est de toute importance, faut-il l'appeler destin? La présence du temps qui s'écoule  est récurrente comme l'idée de la transmission entre créateurs, la nécessité de l'évolution de l'art apparaît à travers les conflits générationnels (voir l'ado rebelle!).. 
Il y a aussi des constantes chez Alexis Michalik metteur en scène : Les acteurs changent de peaux devant nous, endossent leurs vêtements à vue et deviennent autres, les personnages ne sont pas toujours interprétés par le même comédien; aucune linéarité dans le récit, les scènes se déroulant à des époques ou dans des lieux différents peuvent être jouées en même temps; une scène peut-être interrompue par une autre pour reprendre un peu plus tard! Le récit est donc complètement déstructuré! On a vraiment  l'impression d'assister à un art théâtral nouveau, un autre langage. Et c'est passionnant!