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samedi 31 mai 2014

Un livre/ Un film : Enigme 96





Wens En effeuillant le chrysanthème et moi-même, nous vous proposons, le 1er et le 3ème samedi du mois, et le 5ème pour les mois avec cinq samedis un jeu sous forme d'énigme qui unit nos deux passions : La littérature et le cinéma! Il s'intitule : Un livre, Un film. Chez Wens vous devez trouver le film et le réalisateur, chez moi le livre et l'auteur.

Chez Eeguab, le 2ème et 4ème samedi du mois vous trouverez l'énigme sur le film et le livre
Consignes :  Vous pouvez donner vos réponses par mail que vous trouverez dans mon profil : Qui êtes-vous? et  me laisser un mot dans les commentaires sans révéler la réponse pour m'avertir de votre participation. Le résultat de l'énigme et la proclamation des vainqueurs seront donnés le Dimanche.
Samedi 7 Juin la prochaine énigme aura lieu à nouveau chez Wens et Claudialucia et le samedi 14 Juin chez Eeeguab.

Enigme n°96

Publié à la fin des années 80 par un auteur américain ce roman a obtenu plusieurs prix aux Etats-Unis. Il a été traduit une fois en français dans une édition maintenant épuisée. Il est paru récemment dans une nouvelle traduction qui conserve le titre anglais et dans une célèbre édition connue pour ses romans sur la nature et les grands espaces. Voir Wens pour le film.

Il l'aperçut à plus de deux kilomètres, une tache noire sur fond blanc près de la maison. Il réfléchit en chevauchant. Il avait entendu dire par les voisins qu'elle se tenait souvent de la sorte par temps clément, scrutant les grands espaces dans l'espoir de voir-quoi? Un bison? Un cavalier? Une file de chariots? Ou bien un miracle, un arbre qui pousserait, rien qu'un arbre pour lui rappeler sa terre d'origine? Il se demanda s'il existait une façon de mesurer la solitude.

mercredi 28 mai 2014

Ian Manook : Yeruldelgger / Harlan Coben: Dans les bois


 
Comme je suis toujours à la recherche de temps, je vous présente deux polars en même temps. Je ne vous cache pas que ma préférence va au premier.
 

Ian Manook a sûrement été le seul beatnick à traverser d'Est en Ouest tous les États-Unis en trois jours pour assister au festival de Woodstock et s'apercevoir en arrivant en Californie qu'il s'ouvrait le même jour sur la côte Est, à quelques kilomètres à peine de son point de départ. C'est dire s'il a la tête ailleurs. Et l'esprit voyageur!
 Journaliste, éditeur, publicitaire et désormais romancier, Yeruldelgger est son premier roman, et le premier opus d'une série autour du personnage éponyme qui nous conduit des steppes oubliées de Mongolie aux bas-fonds inquiétants d'Oulan-Bator.
Il vit à Paris.


Quatrième de couverture
 
 
Le corps enfoui d’une enfant, découvert dans la steppe par des nomades mongols, réveille chez le commissaire Yeruldelgger le cauchemar de l’assassinat jamais élucidé de sa propre fille, Kushi. Peu à peu, ce qui pourrait lier ces deux crimes avec d’autres plus atroces encore, va le forcer à affronter la terrible vérité. Il n’y a pas que les tombes qui soient sauvages en Mongolie. Pour certains hommes, le trafic des précieuses « terres rares » vaut largement le prix de plusieurs vies. Innocentes ou pas.


Dans ce thriller d’une maîtrise époustouflante, Ian Manook nous entraine sur un rythme effréné des déserts balayés par les vents de l’Asie Centrale jusqu’à l’enfer des bas-fonds d’Oulan-Bator. Il y avait la Suède de Mankell, l’Islande d’Indridason, l’Ecosse de Rankin, il y a désormais la Mongolie de Ian Manook !


 

Avant de vous dire pourquoi j'ai aimé Yerudlegger, je vous donne un aperçu d'un article intitulé : Dix bonnes raisons de ne pas lire Ian Manook. Allez le lire car il est à savourer  :

D’abord Ian Manook est tellement vieux que sa boîte à synapses ne doit plus être très étanche. Pense un peu : ce type est né dans la première moitié du dernier siècle du millénaire précédent !

Ensuite c’est un pur et dur ex-soixante-huitard, du genre baba-cool voyageur qui nous a pourri notre belle jeunesse d’aujourd’hui pour pouvoir fumer la sienne en kaléidoscope aux quatre coins du monde.

Juste pour te dégoûter définitivement de ce gus, note bien ça. Dans toute l’histoire des millions de siècles de l’humanité, du Big Bang jusqu’au marécage hollandais, il n’y a eu qu’une infinitésimale période d’une vingtaine d’années pendant lesquelles il y avait  déjà la pilule et pas encore le SIDA. Et ce salopard a eu juste vingt ans pendant cette période-là, si tu vois ce que je veux dire !
 
ou encore...
Et voilà qu’après avoir taras-boulbé notre belle jeunesse il nous gengiskhanise nos illusions en mongolisant ces fiers nomades que nous aurions tant aimé garder dans leur spectaculaire misère vagabonde devant l’objectif irisé de nos Canon 5D Mark 2 dont chaque exemplaire suffirait à leur offrir un troupeau.

Par ailleurs, quel auteur peut être à ce point arrogant pour laisser passer un dos de couverture qui le compare rien de moins qu’à Indridason, Mankel ou Rankin. Avoir lutté contre le mur de lave du volcan Eldfell sur l’île islandaise de Westmaneyar, avoir perdu sa virginité sur les rochers du fjord suédois de Vestervick ou avoir un beau-frère écossais qui s’est marié en kilt suffit-il à justifier de la part d’un auteur inconnu une telle prétention ?

Hilarant, non ? d'autant plus que l'article est signé par... Ian Manook lui-même ! 
 

Mon avis :

Yourte mongole

 
Ce que j'ai préféré dans le roman, bien sûr, c'est le voyage en Mongolie à l'époque actuelle, période de transition où la population est en pleine mutation, où les traditions sont  effacées par une civilisation occidentale dont les progrès techniques ne remplacent pas la perte des valeurs et de la spiritualité. Certes les nomades fuient la vie de labeur sous la yourte, la pauvreté, le manque de confort, les privations, mais lorsqu'ils arrivent dans l'enfer de la ville, c'est pour perdre toute dignité et toute morale. Ian Manook écrit sur la prostitution, les enfants des rues livrés à eux-mêmes, les malheureux qui s'entassent sous terre, près des canalisations d'eau chaude, pour survivre aux hivers rigoureux.
L'écrivain nous montre un pays qui, après avoir subi la colonisation russe, n'a pas encore conquis sa liberté, méprisé et opprimé pour des raisons économiques par la Chine ou la Corée qui viennent exploiter les ressources minières, détruisent les paysages et exploitent les ouvriers. Mais tandis que le peuple mongol est opprimé, les profiteurs sont là pour se partager les terres, établir de grandes fortunes, tout en ménageant le chinois ou Coréen qui se comportent en occupant. Au milieu de ce désordre et de cette corruption fleurissent des bandes de décérébrés néo-nazis.
J'ai aimé face à cette perte d'identité, découvrir les croyances et les traditions des anciens, le sens de l'hospitalité et toutes les valeurs humaines qui sont attachés à la vieille civilisation. Certes Ian Manook ne critique pas vraiment l'abandon de l'ancien mode de vie si difficile mais il nous fait ressentir de la nostalgie face à la fin d'un monde; cela ne va pas parfois sans humour comme dans ce passage où les nomades qui ont découvert le corps de la victime en pleine steppe se révèle des fans de New York Miami et ne veulent pas "polluer la scène de crime" !
Quant au commissaire Yeruldelgger, il est habité par la colère, ce que les moines lui apprennent à gérer. Il est fascinant par bien des côtés mais il ne me convainc pas tout à fait. C'est une sorte de surhomme qui échappe deux fois à une mort certaine, un héros à l'américaine d'une violence extrême, qui n'hésite pas à tuer si nécessaire. Ce n'est plus la justice qu'il essaie de faire triompher mais la vengeance! Je n'aimerais pas être de ses ennemis! Je trouve son amoureuse Salongo plus humaine, plus riche. Et je pense que les personnages sont parfois traités avec une distanciation qui ne permet pas toujours l'émotion et l'empathie.
 

Voir Aifelle ICI
Keisha




photoMiriam Berkley
 Né en 1962, Harlan Coben vit dans le New Jersey avec sa femme et leurs quatre enfants.
 Diplômé en sciences politiques du Amherst College, il a travaillé dans l’industrie du voyage avant de se consacrer à l’écriture.
Depuis ses débuts en 1995, la critique n’a cessé de l’acclamer. Il est notamment le premier auteur à avoir reçu le Edgar Award, le Shamus Award et le Anthony Award, les trois prix majeurs de la littérature à suspense aux États-Unis. Traduits dans une quarantaine de langues, ses romans occupent les têtes de listes de best-sellers dans le monde entier.
Le premier de ses romans traduit en France, Ne le dis à personne (Belfond, 2002) – prix du polar des lectrices de Elle en 2003 – a obtenu d’emblée un énorme succès auprès du public et de la critique. Succès confirmé avec : Disparu à jamais (2003), Une chance de trop (2004), Juste un regard (2005), Innocent (2006), Promets-moi (2007), Dans les bois (2008), Sans un mot (2009), Sans laisser d’adresse (2010) et Sans un adieu (2010), son premier roman écrit à vingt-cinq ans à peine.
Adapté au cinéma avec François Cluzet et Kristin Scott-Thomas par Guillaume Canet en 2006, Ne le dis à personne a remporté quatre Césars et s’est hissé en tête du box-office des films étrangers aux États-Unis.


Quatrième de couverture
 

Que s'est-il passé cette nuit-là ? Secrets, chantages, règlements de compte, faux-semblants... Un véritable cauchemar, mené sur un rythme effréné. Harlan Coben au sommet de son art.1985.
Paul Copeland est un jeune animateur de camp d'ados. Une nuit, alors qu'il s'est éloigné du camp pour retrouver Lucy, sa petite amie, quatre jeunes disparaissent, dont sa sœur, Camille. Seuls deux corps seront retrouvés. On attribuera la mort des ados à un serial killer qui sévissait dans la région.

Vingt ans plus tard. Paul est devenu procureur. Alors qu'il plaide dans une affaire de viol, il est appelé pour l'identification d'un corps : pour lui, pas de doute possible, il s'agit de Gil Perez, un des garçons qui avaient disparu dans les bois. Pourquoi les parents du jeune homme s'obstinent-ils à nier son identité ? Si Gil était bien vivant pendant ces vingt ans, y a-t-il un espoir pour que Camille le soit aussi ? Que s'est-il réellement passé dans les bois, cette nuit-là ?Bien décidé à résoudre enfin cette affaire qui le ronge depuis tant d'années, Paul va replonger dans les souvenirs de la nuit qui a fait basculer sa vie...


Mon avis
 
Les premières pages de ce roman, une sorte de prologue, montre un vieil homme en train de creuser des trous dans un bois. Chaque dimanche il recommence cette activité sous les yeux de son fils qui se cache pour l'épier puis il meurt. Il n'aura jamais retrouvé le corps de sa fille Camille et il a l'air de considérer son fils Paul comme responsable de la mort de la jeune fille.

Et ces quelques pages sont d'une force, d'une violence intérieure extraordinaires. Pas d'analyse, pas de délayage, des actes qui se passent d'explication, des non-dits qui traduisent le désespoir à l'état brut; un moment littéraire digne d'un grand écrivain.

Ensuite, il y a le récit proprement dit et Harlan Coben est un bon conteur. Il mène l'intrigue rondement, sait distiller le suspense, nous intéresse à ses personnages .. mais rien n'est aussi concentré, aussi puissant que ces deux ou trois pages qui ouvrent le livre !

lundi 26 mai 2014

Louis Meunier : Les cavaliers afghans




Si j'ai choisi de lire Les cavaliers afghans de Louis Meunier aux éditions Kero, c'est parce que je savais que l'auteur était parti sur les traces du roman de Joseph Kessel, Les Cavaliers dont les pages superbes m'avaient procuré une impression de liberté exaltante. Elles m'avaient aussi permis de connaître un peuple par l'intérieur, c'est à dire dans sa mentalité profonde que l'on découvre à travers le jeu du buzkashi, sport national qui allie l'amour des chevaux au goût du risque, de la violence et à un orgueilleux sens de l'honneur.

Disons-le tout de suite vous ne retrouverez pas ici le style inspiré et le souffle épique de Kessel qui reste inégalé mais le récit de Louis Meunier se lit avec plaisir. Il faut dire que le jeune homme qui connaît parfaitement cette région d'Afghanistan, la province de Maïmana, est presque aussi fou  (c'est un compliment!) que Ouroz, le héros du roman de Kessel!


 Louis Meunier, en effet, vient de terminer son école de commerce; il a 23 ans mais il refuse une vie sage et ordonnée. Nous sommes en 2001; les Etats-Unis renversent le régime des Talibans qu'ils avaient auparavant favorisé et les aides internationales affluent  en Afghanistan.  Aussi lorsqu'on lui propose un poste dans une ONG, dans la province de Maïmana, il n'hésite pas. C'est le début de plusieurs longs séjours dans ce pays immense, sauvage, mosaïque de nombreux peuples qui n'obéissent encore de nos jours qu'à leurs lois et leurs coutumes. Louis Meunier qui a une passion pour les chevaux et qui vient de lire le roman de Kessel ne va avoir de cesse de disputer lui aussi un Buzkashi et  de devenir à son tour un Tchopendoz; pas facile pour un étranger à cette culture! Mais il est têtu, impatient, passionné et il s'accroche!

Buzkashi signifie littéralement "attrape-chèvre" : joute équestre des cavaliers des steppes du Nord, le jeu consiste à s'emparer d'une dépouille de chèvre ou de veau, à faire le tour d'un drapeau et à la déposer dans le Hallal, le "cercle de justice", un rond dessiné à la craie sur le sol. Ce sont les seules règles. Au Buzkashi tous les coups sont permis. Les cavaliers, les Tchopendoz, sont des gladiateurs qui placent leur honneur dans la victoire. Ils ne craignent ni les blessures ni la mort.


Le Buzkashi (source)

Louis Meunier nous présente l'Afghanistan sur dix années de Mars 2002 à Avril 2012, il faut au moins cela pour comprendre toute la complexité de ces peuples qui ont toujours connu la guerre et n'ont jamais pu être soumis. Le jeune aventurier connaît bien son sujet, il a appris la langue et, avec son ONG, il est confronté à toutes les particularités et les difficultés de la région où elle est implantée. Il nous fait découvrir les traditions, les mentalités, le vocabulaire, les habitants et avec eux les chefs de tribus qui règnent en seigneurs sur leur domaine se moquant du président de la république afghane qu'ils appellent par dérision : "le maire de Kaboul"; et puis il y a les groupes maffieux qui organisent le trafic de  l'opium et la culture des champs de pavots.  Il nous montre aussi la résistance à l'envahisseur étranger depuis les russes en passant par les américains et tous les occidentaux mais comment aussi ces ingérences transforment malheureusement le pays :

La magie s'est estompée, dissimulée par le brouillard de la guerre. Je côtoie des politiciens en campagne, des ambassadeurs en transition, des militaires occidentaux en mission, des seigneurs de guerre sur le retour, des mercenaires en quête d'action… et toujours de moins en moins d'afghans satisfaits. L'opinion internationale s'émeut de chaque vie étrangère perdue tandis que les frappes aériennes occidentales font chaque mois des centaines de victimes parmi les civils. Les attentats se multiplient contre les étrangers-occupants et, parmi les afghans, les querelles fraîches ou anciennes, refont surface entre les Panjshiris et les Pashtouns, les Kuchis et les hasards, les Ouzbeks et les Turkmènes….

Un écrit qui explore donc le présent même si le passé à travers le buzkashi et les traditions subsistent encore.  Nous nous intéressons aux aventures du jeune homme qui pour n'être pas celles d'Ouroz ne sont pourtant pas de tout repos! Ainsi quand il entreprend un long voyage à travers les montagnes gagnées par l'hiver pour refaire à l'envers le trajet accompli par Ouroz, il risque bien, avec l'insouciance de la jeunesse, lui aussi, comme son personnage favori, d'y laisser la vie! Les péripéties pour essayer de devenir Tchopendoz,  ses espoirs, ses échecs et par dessus tout l'amour du cheval qui le relie à la terre afghane , Ashvagan, "la terre des chevaux" en persan, sont autant de centres d'intérêt de ce récit de voyage qui se lit comme un roman. Enfin si vous voulez savoir si Louis Meunier a pu réaliser son rêve, être tchopendoz, il vous  reste à lire son livre, une agréable lecture dont je ne vous dirai pas plus!






Merci à Dialogues croisés et aux Editions Kero

jeudi 22 mai 2014

Alexandre Pouchkine : La fille du capitaine




Alexandre Sergueïevitch Pouchkine est un poète, dramaturge et romancier russe né à Moscou en 1799 et mort à Saint-Pétersbourg en  1837 Il était l'arrière-petit-fils d'Abraham Hanibal, un prince éthiopien au destin étonnant, capturé par des marchands d'esclaves au service des Ottomans et devenu le filleul de Pierre le Grand. En 1820, pour avoir écrit quelques poèmes séditieux, il est condamné à l'exil au Caucase par le tsar Alexandre Ier. L’influence de Byron se retrouve dans Le Prisonnier du Caucase (1821) qui décrit les coutumes guerrières des Circassiens, La Fontaine de Bakhtchirsaraï (1822) qui traduit l’atmosphère du harem et des évocations de la Crimée, et enfin Les Tziganes (1824).  Un nouvel exil à Mikaïlovskoïe lui permet de finir Eugène Onéguine (1823-1830), d’écrire sa tragédie Boris Goudounov (1824-1825), de composer les « contes en vers » ironiques et réalistes.

À la mort du tsar Alexandre Ier, Nicolas Ier le prend sous sa protection et lui permet de revenir à Moscou. De cette époque date Poltava (1828), poème à la gloire de Pierre le Grand. Il reprend sa vie oisive et épouse Natalia Gontcharova. (18 février 1831). Il entame réellement sa maturité et écrit en prose : Les Récits de Buekjube (1830) qui décrivent la vie russe et son roman historique La Fille du capitaine (1836) où il retrace la révolte de Pougatchev. De cette dernière période datent encore les « petites tragédies » : Le Chevalier avare (1836) sous influence Shakespearienne, Le Convive de pierre (1836) reprend le thème de Don Juan, et enfin le célèbre poème du Cavalier de bronze (1833).
Il mourut à l’âge de trente-huit ans, des suites d'une blessure reçue lors d'un duel avec un officier français, le baron d’Anthès, qui était son beau-frère, et qui aurait courtisé sa femme. Lermontov écrivit alors : "La Mort du poète". source


Le récit

Le jeune Piotr Andréievitch Griniov, fils d'une famille noble, est le héros de ce court roman d'Alexandre Pouchkine. Il est âgé de dix sept ans quand son père décide de l'envoyer au service non pas à Peterbourg comme le jeune homme l'espérait mais à Orenbourg, une forteresse militaire au sud de l'Oural, région de cosaques. Il part avec son fidèle serf Savelitch. Au cours de  long voyage il rencontre un moujik mystérieux qui lui sert de guide pour échapper à une tempête de neige. En guise de remerciement Piotr donne son touloupe de lièvre à cet homm  trop légèrement vêtu, un don qui lui sauvera la vie comme on le verra par la suite. Arrivé à la forteresse de Biélogorsjkaïa, il fait connaissance du capitaine Ivan Kouzmitch Mironova commandant de la forteresse, de son épouse  Vassilisa Iegorova et de leur fille, Maria Ivanovna. Il se lie d'amitié avec l'officier Chvabrine qui devient son ami avant de devenir son rival auprès de Maria. Car on s'en doute, Piotr tombe amoureux de la fille du capitaine et veut l'épouser à la grande colère du père du jeune homme. C'est alors qu'éclate la révolte d'Emilian Pougatchev.


Le contexte historique

Emilian Pougatchov

Le roman publié en 1836  se situe à la fin du XVIII siècle, au moment ou le cosaque Emilian Pougatchev, après s'être auto proclamé Tsar sous le nom de  Pierre III, organise l'insurrection des cosaques du Yaïk (ancien nom de l'Oural)  auxquels se joignent des Tatares, des Bachkirs, des Kazakhs et des serfs désireux de secouer le joug de l'esclavage. D'abord considéré comme un ennemi négligeable, Pougatchev emporte des victoires militaires (il a servi dans l'armée russe), s'empare de forteresses de l'Oural puis assiège Orenbourg. La tsarine Catherine II le prend alors au sérieux et concentre ses forces sur l'usurpateur. Celui-ci abandonné par la noblesse cosaque qui voit d'un mauvais oeil les serfs s'allier à eux, est défait en septembre 1774 et exécuté en Janvier1775.
C'est dans ce contexte que se déroule l'histoire des amours contrariés de Piotr Andriévitch Griniov et de Maria Ivanovna Mironova. Pouchkine qui s'est documenté sur  Pougatchov dont il voulait écrire l'histoire mêle dans ce roman des connaissances historiques précises et des éléments purement romanesques.  Le "bandit" Pougatchov dont Pouchkine décrit par ailleurs la cruauté, devient sous la plume de l'écrivain un personnage complexe, capable d'amitié et de reconnaissance, pratiquant une forme d'honneur, de fidélité à la parole donnée, qui pour ne pas être russe et noble, n'en est pas moins sympathique. L'on peut sentir de la part de Pouchkine, libéral exilé pour ses écrits par le tsar Alexandre Ier, une certaine admiration envers cet homme qui a lutté contre l'autoritarisme tsariste.

Des personnages attachants et vivants


Deux jeunes héros romantiques

Les personnages de deux jeunes amoureux sont attachants et charmants bien qu'un peu conventionnels. Tous deux sont dotés des qualités qui font les héros romantiques de l'époque :  Piotr est  courageux, ardent, sincère, généreux, fidèle à la parole donnée, il a le sens de l'honneur, se bat en duel pour les beaux yeux de sa belle. Quant à ses faiblesses, ce sont celles d'un tout jeune homme et donc pardonnables car il a un bon fond et s'en repent! C'est peut-être grâce à ces défauts liés à son inexpérience et son impétuosité qu'il échappe à la convention pour devenir tout à fait humain.
Maria, la petite Macha, est une poltronne qui a peur de tout comme le dit sa mère mais elle aussi à le sens de l'honneur; ainsi elle refuse d'épouser le jeune homme si le père n'y consent pas mais elle a un rôle assez fade dans la première partie; elle disparaît ensuite dans le récit au profit du jeune homme  qui est en fait le véritable héros du récit même si le titre semble dire le contraire. C'est dans la dernière partie qu'elle devient plus intéressante et que la "poltronne" affirme sa personnalité et son courage. Lorsque, prisonnière, elle préfère mourir plutôt que d'épouser Chvabrine contre son gré, lorsqu'elle se fait aimer des parents du jeune homme par sa simplicité et sa dignité, lorsqu'elle se rend, enfin, près de l'impératrice Catherine II pour sauver la vie de celui qu'elle aime.

Des personnages secondaires bien campés

J'aime beaucoup aussi les parents de Maria. Issus d'une classe moins élevée que celle des Griniov,  plus populaires et sans fortune, ils  sont criants de vérité dans leur manière de s'exprimer, la simplicité de leur vie, leurs querelles de vieux couple indissolublement lié pourtant par un amour qui ne recule devant aucun danger quand la forteresse est attaquée par Pougatchov. La manière dont Vassilisa Iegorova, une maîtresse femme, mène son mari par le bout du nez et de même les soldats qui obéissent à "la commandante", permet quelques délicieuses scènes de comédie; ce qui n'empêche pas la grandeur du personnage quand elle rejoint son mari dans la mort. 

Bien, dit la commandante. D'accord, envoyons Macha. Quant à moi, ne rêve même pas de me le demander. Je ne partirai pas. Pour rien au monde, en mes vieux jours, je ne me séparerai de toi et n'irai chercher une tombe solitaire dans une terre étrangère. Ensemble on a vécu, ensemble on mourra.

Des personnages du peuple savoureux

Mais là où Pouchkine excelle, c'est quand il brosse le portrait  des classes populaires, des paysans, et en particulier, ici, du serf Savelitch qui a éduqué Piotr Andriévitch et l'aime comme un fils. Pouchkine a le don de faire parler les hommes du peuple. Il peint à merveille le mélange de soumission absolu de l'esclave au maître, les gémissements et les plaintes du serviteur qui s'estime mal traité, les grommellements mécontents quand le petit se conduit mal introduisant ainsi des petits moments de comique répétitif comme lorsque Savelitch reproche à Piotr Andréiévitch d'avoir donné sa pelisse de lièvre "presque entièrement neuve" à un brigand; ce qui n'empêche pas les éclats de courage pleins de grandeur quand il s'agit de défendre l'enfant qui est sous sa garde.

L'exotisme du récit

La justice de Pougatchov

Et puis comme d'habitude il y a le charme des récits d'aventure russes, le long voyage en traîneau dans la steppe et l'inévitable tempête de neige comme dans la nouvelle du même titre de Pouchkine ou de Tolstoï;  ce qui correspond à une réalité russe et fait passer sur nous, lecteurs, le frisson glacé de l'aventure

Le vent entre temps devenait d'heure en heure plus violent. Le petit nuage s'était transformé en un gros nuage blanc, qui montait lourdement, grandissait et par degrés envahissait le ciel. Une neige fine commença à tomber, puis soudain elle se déversa en gros flocons. Le vent se mit à hurler, la tourmente se déchaîna. Instantanément le ciel sombre se confondit avec la mer de neige. Tout disparut. (…) Je regardai par la portière de la Kibitka : tout n'était que ténèbres et tourbillons.

Le siège d'Orenbourg, les "forçats défigurés par les tenailles du bourreau" (on leur arrachait les narines jusqu'à l'os en signe d'infamie) travaillant aux renforcements des murailles de la forteresse, la famine, la maladie qui déciment les assiégés, les bandes de Pougatchov avec ses moujiks armés de gourdins, ses criminels évadés des mines sibériennes, ses cosaques chargeant sur leurs chevaux kirghizes, et par dessus tout la figure du faux tsar Pougatchov lui-même rendant la justice, tout concourt à faire de cette histoire un récit d'aventure passionnant et qui excite non seulement l'imagination du lecteur mais aussi celle du jeune héros!

 Pougatchov était assis dans un fauteuil sur le perron de la maison du commandant. Il portait un cafetan rouge à la cosaque bordé de galons. Un haut bonnet de zibeline à glands d'or était enfoncé jusqu'à ses yeux étincelants. Son visage me semble connu. Les chefs cosaques l'entouraient.

Un petit livre passionnant et vraiment très agréable à lire!



Lecture commune avec Miriam ICI


 

mardi 20 mai 2014

Dona Tartt : Le chardonneret





À 50 ans, l'Américaine Dona Tartt née à Greewood, Mississippi, étudiante à Bennington College en compagnie d'un certain Bret Easton Ellis, est entrée en littérature en 1992 avec Le Maître des illusions, premier roman et succès international suivi, dix ans plus tard, par Le Petit Copain. Il faudra encore attendre dix ans avant que cette jeune femme secrète publie Le Chardonneret. Cet impressionnant roman de plus de 800 pages rencontra l'an dernier un succès colossal partout dans le monde. Il a obtenu le prix Pullitzer. (Source Le figaro)


 Le récit
Au cours d'une visite au Metropolitan museum de NY  pour visiter une exposition sur les peintres nordiques de l'âge d'Or, en compagnie de sa mère, un jeune garçon de 13 ans,Théo,  découvre un tableau de Carel Fabritius, élève de Rembrandt et maître de Vermeer. Cette image représente en trompe l'oeil, un chardonneret dont la patte est cerclée d'un petite chaîne qui le retient prisonnier. Cette image le fascine comme l'attire aussi la petite fille rousse qui passe à côté de lui avec son grand père; c'est alors qu'une bombe explose plongeant les visiteurs dans la terreur et le chaos. L'enfant  parvient à sortir du musée en emportant le tableau du chardonneret qu'il veut sauver. Sa mère et le grand père de la petite fille y perdent la vie. Les deux enfants finiront par se retrouver, tous deux marqués, chacun à leur manière, par ces évènements traumatiques. Theo doit réapprendre à vivre, à accepter le deuil et à composer avec la peur qui ne le quitte plus. Il se raccroche alors à ce tableau qu'aimait tant sa mère et décide de le conserver ; celui-ci va le suivre partout jusqu'au jour où...


Je n'en dirai pas plus, consciente que l'on ne peut résumer ce livre non seulement parce qu'il est complexe, touffu et présente beaucoup de personnages, mais aussi parce qu'il prend des directions diverses et participent à des genres différents, roman d'initiation, roman social, et thriller.

 On a comparé Joe, le personnage principal du roman de Dona Tartt à Oliver Twist :  orphelin de mère, rejeté par ses grands parents, il est ensuite récupéré par un père alcoolique, joueur, brutal et intéressé. Depuis le XIX siècle la société a bien changé mais notre XXI siècle est à peine plus tendre qu'avant envers l'enfant qui n'a pas de parents aimants. Il peut être maltraité par les adultes et les services sociaux qui les protègent ne sont pas toujours efficaces et créent aussi une autre forme de violence, celui de la séparation d'avec la famille. Boris, le petit ukrainien, ami de Joe couvre son père  qui le bat parce qu'il ne veut pas être séparé de lui.  De plus la violence du  terrorisme (même si l'écrivain ne donne pas d'explication à l'attentat), la drogue et l'alcool trop facilement à leur portée, rend notre époque tout aussi dangereuse pour eux qu'avant. 
C'est l'aspect du roman qui m'a plus touchée et que j'ai lu avec beaucoup d'intérêt car il raconte le chagrin du deuil, la difficulté de survivre à une mère bien aimée, les dégâts irréversibles que cause l'absence d'amour, il raconte le traumatisme de l'attentat et comment l'on n'en guérit jamais.  Les évènements de l'enfance suivront Joe toute sa vie, à tel point qu'il passera à côté de la seule femme qu'il aime, Pip, cette petite fille rousse tout aussi traumatisée que lui qu'il avait remarquée avant l'attentat.
Le chardonneret, c'est aussi la ville de New York très présente dans le roman et la société américaine à la fois dans les milieux bourgeois (la famille de son ami Andy qui le recueille) et dans les milieux populaires ( le père de Joe et celui de Boris ).
Enfin le thème de l'art qui apporte le réconfort à l'enfant, et qui revêt une telle importance pour lui,  est passionnant. Le tableau (1654) a survécu à l'explosion de la poudrerie qui a détruit une grande partie de la ville de Delft et a coûté la vie à Fabritius. Le chardonneret, à travers les siècles, semble être une métaphore du destin de l'enfant. Vivant mais dans l'impossibilité de vivre, il est retenu par une chaîne qui l'empêche de s'envoler, tout comme Joe, qui ne pourra jamais se libérer du passé.

j'ai beaucoup moins aimé, par contre, l'aspect "thriller" du roman, le vol du tableau,  qui ne me paraît pas apporter un plus au roman bien assez riche pour s'en passer. Cette  histoire rocambolesque pour le récupérer, les mésaventures de Joe et de son ami Boris à Amsterdam poursuivi par les malfrats puis la police m'ont paru de trop, en tout cas ne m'ont pas intéressée..


 A noter la beauté de la couverture du livre  paru chez Plon collection Feux croisés





dimanche 18 mai 2014

Heinrich Von Kleist : La marquise d'O




La marquise d'O  de Kleist est une bien curieuse histoire tirée d'une anecdote de Montaigne qui racontait qu'une servante ayant été violée pendant son sommeil s'était retrouvée enceinte sans savoir de qui.
C'est ce qui arrive à Julietta, la marquise d'O., jeune veuve, mère de deux enfants, qui vit chez ses parents.. Fille  du colonel Lorenzo von G.,  gouverneur d'une petite place forte de Lombardie elle  est sur le point d'être violée par des soldats russes lors de l'attaque et de la prise de la ville. Nous sommes en 1799, toute l'Europe est en guerre contre les révolutionnaires français. Elle  est sauvée par le comte F., officier qui commande l'armée ennemie et qui l'arrache aux violences des soudards. Le jeune homme part ensuite à la guerre où l'on apprend sa mort. Mais il n'est que blessé et réapparaît quelques temps après pour demander la main de la marquise.  Celle-ci  demande à réfléchir mais bientôt il lui faut reconnaître qu'elle est enceinte.  Elle a beau proclamé son innocence, son père la chasse avec ses enfants. Elle écrit alors dans un journal qu'elle épousera celui qui se présentera comme le père de son enfant à naître.

                                                                  L'invraisemblance


Film d'Eric Rohmer : Julietta endormie

L'invraisemblance de l'histoire a fait couler beaucoup d'encre. Comment croire, en effet, que la jeune femme ait pu être violée dans son sommeil sans qu'elle ne se réveille! Les contemporains de Kleist n'ont pas cru à l'innocence de Julietta et plus tard la psychanalyse s'est beaucoup intéressé à ce récit. La marquise d'O est-elle aussi innocente qu'elle veut bien le dire? N'a-t-elle pas cédé au désir du fait même de sa chasteté obligée? Son inconscient n'a-t-il pas refoulé l'acte qui la rendait coupable aux yeux de son père et de la société?
 Kleist, par contre, s'est révolté contre le scepticisme de la bonne société allemande qui a très mal accueilli la nouvelle. Il raille dans cette épigramme ces gens bien pensants et leur morale étroite  :
Ce roman n'est pas pour toi, ma fille! Evanouie! Quelle farce éhontée! Elle a seulement fermé les yeux, je le sais.
Je lis, de plus, dans la préface du roman, l'explication d'Antonia Fonyi à ce sujet : La vérité chez Kleist c'est l'invraisemblance. Ce n'est pas un thèse aventureuse, romanesque ou romantique, mais une conviction intellectuellement fondée : la vérité est l'invraisemblance parce que la vraisemblance est une catégorie de la raison et que la raison n'est pas apte à accéder à la vérité.
Mais si le roman paru en 1808, ne peut explorer, et pour cause, les zones de l'inconscient, il pose, de toutes façons, la question de la sexualité féminine. La jeune femme déclare qu'elle ne veut plus se remarier; l'on ne sait pas trop quelles relations elle a eues avec son mari, mais on comprend  qu'elle veut se mette à l'abri d'une autre expérience en restant chez ses parents. Plus tard, Kleist, nous la montre aussi, lorsqu'elle est reconnue innocente, sur les genoux de son père qui l'embrasse passionnément sur la bouche "comme un amoureux", sous les regards attendris de la mère. Le moins que l'on puisse dire c'est que la situation est assez trouble. Les réactions violentes du père -il sort son arme pour tirer sur sa fille- quand il apprend que cette dernière est enceinte prend alors un autre éclairage : non celles d'un père blessé dans son honneur, révolté de la duplicité de sa fille, mais celui d'un amoureux jaloux.
Eric Rohmer, en adaptant ce roman, est manifestement gêné par cette invraisemblance et il imagine, ce qui n'est pas dans le roman, que la servante donne un narcotique à Julietta. Ceci expliquerait qu'elle ne se réveille pas, une réponse moderne, la marquise d'O victime de la drogue du viol ou équivalent!   Avec ce détail réaliste qui chasse toute ambiguïté, Rohmer passe à côté de ce qui fait la complexité de la nouvelle et gomme la part d'ombre du personnage. 

      Un personnage sans tache


 Marie-Magdeleine repentante : Greuze


Eric Rohmer : Julietta l'innocence accablée

Une part d'ombre que n'a pas voulu l'écrivain!  La vision de la femme sans tache et pure, c'est à dire sans sexualité, correspond à une vision romantique assez commune mais surtout chrétienne. Julietta est assimilé à la vierge Marie et si la conception de son enfant n'est pas immaculée, il n'y a aucune faute de sa part. C'est ce que signifie la métaphore du cygne couvert de boue que le comte F. voit dans son rêve, et dont il veut laver la souillure,  le péché originel. 
A la pureté de la femme s'oppose la bestialité de l'homme (le violeur); Sous l'apparence de la vertu, les pulsions bestiales sont toutes prêtes à ressurgir, le vernis de la bonne éducation toujours prêt à craquer. C'est ce que résume dans une formule frappante la marquise d'O : "qu'il ne lui fût point apparu comme un démon si, lors de sa première apparition devant elle, elle n'avait cru voir un ange." En épousant Julietta, le jeune homme répare sa faute et rétablit l'ordre social et l'unité familiale.


Erice Rohmer : Le comte repentant  et la marquise d'O


Le film d'Eric Rohmer

Le cauchemar de Füssli


Le film de Rohmer offre une magnifique recherche picturale rendu avec talent par le chef opérateur Nestor Almendros :  couleurs, lumières, éclairages, toutes les scènes évoquent des tableaux de peintres de la fin du XVIII siècle ou romantiques, Fussli, Friedrich, Greuze, David.. Esthétiquement réussi, le film est pourtant insupportable à visionner, ridicule à souhait! Ce n'est que mon avis, tous les critiques ont crié au chef d'oeuvre!
Certes, le roman de Kliest demande à ce que l'on se remette dans les mentalités du début du XIX siècle. Mais en cherchant à nous faire épouser la réalité historique de cette époque "sans aucune distanciation, à rajeunir l'oeuvre non pas en la rendant contemporaine mais en faisant de nous ses contemporains*" Eric Rohmer n'est parvenu qu'à la caricaturer. Il fait, en effet, jouer ses acteurs comme des personnages de tableau ou de théâtre. Il leur fait adopter les gestes étudiés, les poses outrées, excessives et maniérées que l'on voit dans les tableaux de Greuze, de Füssli ou dans la comédie larmoyante chère à Diderot. Mais dans la vie personne ne se comporte ainsi, au XIX siècle pas plus que maintenant, d'où cette impression que le réalisateur ironise, parodie l'oeuvre alors qu'au contraire il a voulu la servir!

Greuze







 
La réponse était : Heinrich Von Kleist : la marquise d'O
                           :  Eric Rohmer La marquise d'O

Bravo à Aifelle, Asphodèle, Dasola Pierrot Bâton, Syl....

 Samedi 24 Mai, l'énigme est chez Eeguab


samedi 17 mai 2014

Un livre/un film : Enigme du samedi



Wens de En effeuillant le chrysanthème et moi-même, nous vous proposons, le 1er et le 3ème samedi du mois, et le 5ème pour les mois avec cinq samedis un jeu sous forme d'énigme qui unit nos deux passions : La littérature et le cinéma! Il s'intitule : Un livre, Un film. Chez Wens vous devez trouver le film et le réalisateur, chez moi le livre et l'auteur.

Chez Eeguab, le 2ème et 4ème samedi du mois vous trouverez l'énigme sur le film et le livre
Consignes :  Vous pouvez donner vos réponses par mail que vous trouverez dans mon profil : Qui êtes-vous? et  me laisser un mot dans les commentaires sans révéler la réponse pour m'avertir de votre participation. Le résultat de l'énigme et la proclamation des vainqueurs seront donnés le Dimanche.
Samedi 14 Mai la prochaine énigme aura lieu à nouveau chez Eeeguab et le samedi 31 Mai à nouveau chez Wens et Claudialucia.

Enigme n°94

Le livre paru au début du XIX siècle est l'oeuvre d'un écrivain allemand de l'époque romantique qui fut rejeté par ses contemporains et se suicida. L'histoire se déroule en pleine guerre révolutionnaire, dans l'Italie du Nord. Les thèmes de la violence et l'amour se mêlent aux thèmes religieux, chasteté, souillure, honte et repentir.

Il avait le sentiment que, de tous les côtés, on lui accordait son pardon, au nom des faiblesses inhérentes à la nature; aussi recommença-t-il à faire sa cour à la comtesse, sa femme, et, au bout d'un an quand il l'eût entendue lui répondre "oui" une seconde fois, on célébra des secondes noces, plus gaies que les premières, après lesquelles toute la famille partit pour V...  (...) Et  le comte ayant demandé un jour à sa femme, dans un de leurs moments de bonheur, pourquoi à cette date fatale du 3, où elle semblait prête à recevoir tel ou tel être vicieux, elle avait fui devant lui comme devant un démon de l'enfer, elle se jeta à son cou et lui répondit qu'il ne fût point alors apparu comme un démon si, lors de sa première apparition devant elle, elle n'avait cru voir un ange.

vendredi 16 mai 2014

Le songe d'une nuit d'été par la compagnie anglaise Propeller




Ce que j'attends de la pièce de shakespearien  le songe d'une nuit d'été ICI, je l'ai écrit dans mon billet  du mois de janvier 2014, lors d'une LC, car pour moi cette comédie est une des plus riches du répertoire du dramaturge. Malheureusement les metteurs en scène en occultent trop souvent de nombreux aspects tant elle est complexe sous son apparente simplicité.  Aussi je n'ai jamais pu être vraiment satisfaite des mises en scène que j'ai vues bien que certaines m'aient plu. Mais il me manque toujours quelque chose. Et c'est encore vrai cette fois, pour la représentation au théâtre de La Criée à Marseille de la mise en scène de Edward Hall de la compagnie anglaise Propeller.


 Cela ne veut pas dire que je n'ai pas aimé et j'ai bien ri de la folie débridée, des facéties, de la fantaisie, acrobaties, cabrioles, musique et chants des Propeller qui ont donné le meilleur d'eux-mêmes dans le registre comique. Avec cette troupe, la pièce n'est jouée que par des hommes y compris les rôles de femmes comme du temps de Shakespeare, certainement pour se rapprocher au plus près de l'esprit de la comédie shakespearienne et de la manière dont les pièces étaient interprétées au XVI siècle.



La scène de jalousie dans la seconde partie de la pièce, entre Hermia et Hélène est par exemple tout à fait désopilante et va crescendo, la colère d'Hermia s'enflant comiquement chaque fois que Hélène répète le terme  "petite", ce qui ne manque pas d'arriver souvent, l'on s'en doute!  Comique de mot et de répétition, comique de caractère et de situation, les acteurs de la troupe Propeller exploitent sciemment tous ces ressorts, et savent ménager leurs effets, alternant les moments de répit où le rire va decrescendo pour mieux nous entraîner ensuite dans une explosion joyeuse. "Suis-je donc si petite, grand mât de cocagne" fulmine Hermia. Les comédiens qui interprètent ces deux rôles jouent à merveille sur leur physique contrasté, le petit blond et le grand maigre comme un échalas!
 Il en est de même de la scène de théâtre dans le théâtre quand les artisans jouent Thisbé et Pyrame devant Thésée ou de l'apparition de Bottom tout à fait grotesque avec sa tête d'âne.. La folie amoureuse qui s'empare des hommes y est donc très bien rendue et nous entraîne dans une nuit d'été exubérante et échevelée! Il faut noter aussi les  costumes amusants (Puck en tutu et leggings rayés) et les lumières qui apportent à la mise en scène un surplus de folie et de fantaisie.


Mais -car il y a un mais- j'ai trouvé cette seconde partie du spectacle de la Propeller qui commence au début de l'acte III (peut-être parce qu'elle est plus franchement comique) meilleure que la première dans laquelle la comédie est moins évidente et ne joue pas un rôle primordial.. 
C'est ainsi que lors de la rencontre de Titiana et d'Obéron je n'ai pas ressenti la poésie de ces scènes magnifiées par la langue de Shakespeare, la beauté et la richesse des images qui rappellent que tout ceci est un rêve.. Le choix du metteur en scène est de montrer l'aspect caricatural de ces personnages et non la beauté et la grandeur de ces créatures magiques, mystérieuses et puissantes. Dans la mise en scène inventive d'Edward Hall, les personnages perchés sur de hautes chaises comme les arbitres d'un match se disputent l'enfant volé à Oberon par Titiana avec une mesquinerie toute humaine!  De ce fait, la pièce est tirée vers la farce et occulte la féérie mais aussi la réflexion tragique sur le pouvoir des dieux, eux, qui tiennent entre leurs mains le destin des êtres humains, eux qui s'amusent cruellement de ces faibles créatures soulignant ainsi les limites de la liberté humaine et la facticité de l'Amour.
Et pourtant c'est tout cela que représente la pièce dans ce fameux mélange des genres que prônait Victor Hugo, grand admirateur de Shakespeare pour le théâtre romantique. Car il y a un aspect tragique indéniable dans Le songe d'une nuit d'été, plus je vois et plus je lis la pièce, plus cette évidence s'impose! Je rêve d'une représentation où le mélange des genres serait vraiment respectée et où l'on passerait du rire aux larmes ou au rêve, où l'on éprouverait toutes les gammes de l'émotion.


Challenge Théâtre Eimelle




jeudi 15 mai 2014

Mikhaïl Lermontov : Le voilier

Claude Monet

Nicolas de Stael*


J'ai présenté hier l'écrivain russe romantique Mikhaïl Lermontov et son roman Un héros de notre temps. Aujourd'hui voici une de des poésies :          
     

 Le voilier

Ce voilier tout blanc, solitaire,

Qui dans le brouillard bleu s'enfuit

Qu'a-t-il besoin d'une autre terre? 

Qu'abandonna-t-il après lui?


Son mât sur l'onde vagabonde

S'incline et grince dans le vent 

Hélas! point de bonheur au monde 

Ni derrière lui ni devant


Pour le porter la mer est belle

Le soleil brille au firmament...

Mais lui réclame, le rebelle, 

L'orage, cet apaisement.
 

1832


* et oui ce n'est pas un voilier! Mais j'aime tant Nicolas de Stael depuis ma visite du musée d'Antibes, que je n'ai pu résister au plaisir de partager avec vous.
 




mercredi 14 mai 2014

Lermontov : Un héros de notre temps





Mikhaïl Lermontov

Écrivain et poète  russe (Moscou 1814 – Piatigorsk, Caucase, 1841).
Orphelin de mère, il est élevé dans la propriété de sa grand-mère, qui le tient éloigné de son père. Il entre en 1827 à la Pension noble de Moscou, où il s'enthousiasme avec ses condisciples pour la poésie du jeune Pouchkine, celle des poètes décabristes et les idéaux qui l'inspirent. Il écrit ses premiers poèmes, les Tcherkesses et le Prisonnier du Caucase (vers 1828). Lorsque Nicolas Ier ferme cette institution trop libérale en 1830, il poursuit ses études à l'Université, d'où il est exclu en raison de ses prises de position contre certains professeurs conservateurs. En 1832, il entre dans les hussards de la garde. Il continue cependant d'écrire, travaille au Démon et termine Hadji Abrek (1833). Affecté comme officier à Tsarskoïe Selo, il découvre la vie mondaine, qui lui inspire la pièce Un bal masqué (1835) et un roman inachevé, la Princesse Ligovskaïa (1836). Il réagit à la mort de Pouchkine par des vers violents contre son meurtrier (la Mort du poète, 1837), ce qui lui vaut d'être envoyé au Caucase comme simple soldat. Mais son poème l'introduit à la direction du Contemporain, journal de Pouchkine, où il publie un poème, Borodino (1837). Le Caucase exerce sur son caractère et sur son œuvre une influence énorme. Il revient à Saint-Pétersbourg, termine son Démon (1841), collabore à la revue les Annales de la patrie, où paraissent des récits qui entreront dans Un héros de notre temps (Bella, Taman, le Fataliste, 1939), et fréquente le milieu littéraire et les salons. Il reste cependant un esprit frondeur et, à la suite d'un duel avec le fils de l'ambassadeur de France, il est arrêté et à nouveau exilé, cette fois avec exclusion de la garde et à un endroit dangereux du Caucase, alors que Un héros de notre temps (1839-40) est publié et obtient un grand succès. Il prend part à des combats sanglants, qu'il décrit dans ses poèmes. En 1840 paraît un recueil de ses vers, pour lequel il n'a retenu qu'un petit nombre de poèmes. Un duel, provoqué par une querelle avec son camarade Martynov dans des conditions assez obscures, met fin brutalement à la carrière du plus « pictural » des romantiques (il était un excellent dessinateur amateur). (source Larousse)

Explication du titre : Un héros de notre temps

Un  héros de notre temps
 
Voilà qui donne une idée du grand poète et romancier russe qui marqua de son génie fulgurant la littérature russe romantique. Un héros de notre temps a été publié en 1840, rédigé par Lermontov pendant son année d'exil dans le Caucase où il avait été envoyé à la suite d'un duel.

Le roman  qui se situe dans le Caucase et au bord de la mer Noire entre 1827 et 1833 évoque la figure de Petchorine, un riche jeune homme de bonne famille, brillant officier, courageux, impétueux, cultivé, charmeur, mais aussi blasé et désabusé, incapable de ressentir des sentiments profonds et en proie à l'ennui. Il incarne aux yeux de Lermontov, toutes les caractéristiques, qualités mais aussi  faiblesses, de son époque : d'où le titre, Un héros de notre temps, qu'il faut prendre péjorativement si l'on en juge par la réflexion de l'auteur : Peut-être quelques lecteurs auront-ils l’envie de connaître mon opinion sur le caractère de Petchorin : Ma réponse est le titre du livre. Mais c’est une méchante ironie me dira-t-on !
Dans la préface l'auteur nous donne cet avertissement en réponse à ses détracteurs qui croient reconnaître en lui le personnage de Petchorine : 
 
Le héros de notre temps, mes très chers lecteurs, est réellement un portrait, mais non celui d’un seul individu. Ce portrait a été composé avec tous les vices de notre génération, vices en pleine éclosion. (…) Si vous avez aimé des fictions beaucoup plus effrayantes et plus difformes, pourquoi ce caractère ne trouverait-il pas grâce auprès de vous comme toute autre fiction ?
C’est que, peut-être, il se rapproche de la vérité plus que vous ne le désirez.

Un roman composé de plusieurs récits 

 

Circassienne XIX siècle

Première partie

Il est, en fait, composé de plusieurs récits avec un point de vue est différent. Dans la première partie, avec Bela, le narrateur rencontre le vieux capitaine Maxime Maximitch qui lui raconte l'histoire de son ami, le jeune officier Grégoire Alexandrovitch Petchorin qu'il considère un peu comme un fils. Exilé en Géorgie, tout comme le fut Lermontov, après un duel,Petchorine tombe amoureux d'une belle circassienne, Béla, qu'il enlève. Mais après l'avoir séduite, il se lasse d'elle et recommence à s'ennuyer, responsable du destin tragique de la jeune fille.
Le narrateur accompagné du capitaine rencontre ensuite Petchorin mais celui-ci n'a n'aucun geste d'affection ou de reconnaissance envers son vieil ami qui souffre de ce désaveu. Ce second volet intitulé Maxime Maximitch dépeint bien un autre trait de caractère du héros, infidèle en amour et de plus incapable d'amitié ou de reconnaissance. Il peint aussi la différence de classe sociale entre le riche barine, Petchorin, officier promu à un brillant avenir et le capitaine issu du peuple.

Deuxième partie

La deuxième partie avec trois récits : Taman, La princesse Marie et Le fataliste change de point  de vue. Le récit est maintenant raconté par Petchorin lui-même puisqu'il s'agit de son journal confié par le capitaine au narrateur. Ce dernier apprenant la mort de Petchorin se sent libre de publier ces pages qui complètent le portrait de ce héros de son temps! Dans la ville d'eau de Piatigorsk, le jeune homme se plaît à séduire la princesse Marie pour triompher de son rival mais il l'abandonne dès qu'il est parvenu à ses fins, désespérant la jeune femme. Auparavant dans le récit intitulé Taman qui se déroule au bord de la mer noire, il arrête un trafic de marchandises et risque y perdre la vie. Enfin Le fataliste expose les idées de Petchorin sur la liberté humaine et sa croyance au déterminisme.

Un pays,  le Caucase

 

Alexandre Bide : Cavalier circassien au XIX siècle

J'aime énormément ce roman parce qu'il nous montre un pays, le Caucase, avec ses paysages somptueux, ses peuples fiers et indépendants, qui doivent composer avec la domination russe sans s'y soumettre jamais vraiment. Les coutumes, les façons de vivre, les mentalités sont peintes avec beaucoup de talent et font de ces récits un livre balayé par le souffle de l'aventure, exalté par la beauté de la nature et des grands espaces, qui offre découverte et dépaysement.

Déjà le soleil commençait à se cacher derrière les cimes neigeuses, lorsque j’entrai dans la vallée de Koïchaoursk. Le conducteur circassien fouettait infatigablement ses chevaux, afin de pouvoir gravir avant la nuit la montagne, et à pleine gorge, chantait ses chansons. Lieu charmant que cette vallée !… de tout côté des monts inaccessibles ; des rochers rougeâtres d’où pendent des lierres verts et couronnés de nombreux platanes d’orient ; des crevasses jaunes tracées et creusées par les eaux et puis plus haut, bien haut, la frange argentée des neiges ; en bas l’Arachva qui mêle ses eaux à un autre ruisseau sans nom, et qui, se précipitant avec bruit d’une gorge profonde et obscure, se déroule comme un fil d’argent et brille comme un serpent couvert d’écailles.

Le roman rappelle le passé de cette région et de ses peuples conquis par les russes, une colonisation violente et sanglante qui a entraîné l'exode du peuple circassien et de nombreuses autres tribus vers l'empire Ottoman.*


Bataille entre les russes et les Circassiens Musée de l'Ermitage de Saint-Pétersbourg / Alfredo Dagli Orti


Le Caucase
 
Nous atteignîmes enfin le sommet du mont Gutt ; et instinctivement nous nous arrêtâmes pour regarder derrière nous. Sur la pente, s’étendait un nuage gris dont le souffle glacé nous menaçait d’un orage voisin ; mais à l’Orient, tout était si clair et si doré, que le capitaine et moi l’oubliâmes complètement, et surtout le capitaine. Dans les cœurs primitifs, le sentiment de la beauté et de la grandeur d’une nature vigoureuse est cent fois plus vivace qu’en nous, qui ne sommes enthousiastes que des conteurs en paroles et sur papier.
Effectivement ; il me semble qu’on trouverait difficilement un pareil panorama. Sous nous, s’étendait la vallée de Koïchaoursk, sillonnée par l’Arachva et par une autre rivière, comme par un double fil argenté ; une vapeur bleuâtre glissait sur elle et courait vers les gorges voisines, chassée par les rayons ardents du jour naissant. À droite et à gauche, les crêtes des montagnes, d’inégale hauteur, ou bien coupées en deux, s’étendaient sous un manteau de neige et un rideau d’arbres. De loin, ces mêmes montagnes paraissaient être deux rochers parfaitement ressemblants l’un à l’autre et tous deux, éclairés par les reflets brillants de la neige, si gaiement et si chaudement, qu’il semblait qu’on aurait pu s’arrêter là et y vivre toujours. Le soleil se montrait à peine au-dessus d’une montagne bleu sombre, que seul un œil exercé aurait pu ne pas prendre pour un nuage orageux. Sur le soleil, s’étendait une raie sanglante que mon compagnon de voyage observa tout particulièrement.


 Le portrait de la société russe

 

Une dame de la noblesse russe : la comtesse Olga Chouvalova
 
Les portraits dressés par Lermontov de la noblesse russe dans les villes d'eaux, des grandes dames coquettes et futiles et de leurs prétendants, des officiers pleins de ridicule et de suffisance, querelleurs, forment une histoire des moeurs du XIX siècle russe;  c'est une société en proie à l'ennui,  qui n'a plus d'élévation morale, brimée dans ses aspirations, un société finissante bien qu'elle  se considère comme supérieure, étouffée par sa suffisance. Le vieux capitaine, Maxime Maximitch, représente lui, le peuple, sans grande culture mais doté de bon sens, d'une morale peut-être étroite, mais qui est encore capable d'éprouver des sentiments.

Maxime Maximitch : (Il) la suivait, en fumant une pipe de Kabarda montée en argent. Il portait une tunique d’officier sans épaulettes et un chapeau fourré de Circassien. On lui aurait donné cinquante ans : son teint basané indiquait qu’il avait fait depuis longtemps connaissance avec le soleil du Caucase, et ses moustaches, blanchies avant l’âge, ne répondaient point à son allure vigoureuse et à son air dégagé. Je m’approchai de lui et le saluai ; il répondit en silence à mon salut et lança une grande bouffée de tabac.
Grégoire Alexandrovitch  Petchorin : c’était un excellent garçon ; mais un peu singulier : ainsi, il lui arrivait de passer une journée entière à la chasse par la pluie et le froid et lorsque tous étaient transis et fatigués, lui ne l’était pas le moins du monde, et puis d’autres jours où il n’avait pas quitté sa chambre, il se plaignait de sentir le vent et assurait qu’il avait froid et si le volet battait, on le voyait frissonner et blêmir. Je l’ai vu attaquer le sanglier tout seul. Parfois il passait des heures entières, sans qu’on pût lui arracher une parole, et d’autres fois, quand il se mettait à parler, on se tenait les côtes à force de rire ; il avait de grandes bizarreries et je crois que c’était un homme riche. Son bagage était considérable !

Un héros romantique

 

Pouchkine et Lermontov sont tous les deux morts dans un duel
 
 Grégoire Alexandrovitch Petchorin incarne le héros romantique, dans une société privée de liberté, où règne l'abolutisme du tsar Nicolas 1er. Les jeunes russes libéraux de cette époque ont vu leurs aspirations révolutionnaires réprimées avec brutalité dans la mort ou l'exil. On sait que Lermontov admirait fort les Décembristes.  Petchorin ne croit plus en rien, il n'a plus d'espoir et se réfugie dans l'ennui, "le mal du siècle" à la russe, indifférent à tout, même à la mort. Il y a bien sûr une ressemblance entre de Mikhaïl Lermontov et Petchorine. Tous deux sont de la même classe sociale, tous deux ont été exilés au Caucase.

  Eh bien ! Si je dois mourir, je mourrai, ce ne sera pas une grande perte pour l’univers ; moi-même, d’ailleurs, je m’ennuie ici, tel un homme qui ne quitte pas le bal où il s’ennuie pour retourner chez lui, parce que sa calèche n’est pas encore là. Mais la calèche est à la porte… Adieu ! »



Ceci est une lecture commune faite avec Miriam que vous pouvez aller lire ICI 



* Bataille entre Russes et Circassiens.
 

Lors des jeux oympique de Sochi, les circassiens ont demandé à Poutine de reconnaître les massacres perpétrés par les russes lors des conquêtes du XIX siècle. Entre 500.000 et un million de Circassiens sont morts «de la faim, de la violence, de la noyade et des maladies», explique le journaliste et auteur Oliver Bullough. Les survivants des nombreuses tribus (Abkhazes, Oubykhs, Abazes,…) ont fui vers l’Empire ottoman. lire ici