Pages

lundi 28 juillet 2014

Festival d'Avignon 2014 : Bilan dans le IN (1) Le prince de Hombourg de Kleist-Corsetti/The Humans d' Alexander Singh/ Orlando ou l'impatience d' Olivier Py

La cour d'Honneur du palais des papes d'Avignon

Difficile de "faire" le festival d'Avignon et d'écrire en même temps sur ce que je vois! La preuve c'est que j'ai pris un retard que je n'ai pu rattraper. Comment rendre compte, en effet, au fur et à mesure, des 8 pièces du In, des 15 du OFF et des 12 pièces pour enfants auxquelles j'ai assisté pendant ces trois semaines, au total 35 spectacles?
35 spectacles de différentes nationalités puisque entre le off et le in,  j'ai vu, en plus des français, des spectacles en japonais, chinois, portugais (Brésil), italien, anglais, congolais, maori. Comme je veux en garder le souvenir, quitte plus tard à y revenir pour les approfondir, je vais livrer ici un rapide bilan. Je commence par le IN dans l'ordre où j'ai vu les spectacles


Le prince de Hombourg de Kleist mis en scène par Sergio Barberio Corsetti que j'ai eu le temps de commenter ICI. je cite parce que je suis tout à fait en accord avec ce qu'il dit, Philippe Lançon, journaliste de Libération :
La mise en scène de Corsetti n’arrange rien : des uniformes qu’on dirait russes, des acteurs qui valsent maladroitement entre les registres, tantôt ridicules, tantôt pathétiques, semblant ignorer s’ils jouent une farce ou une tragédie. La pièce unit les deux, encore faut-il choisir la tonalité.
«Je crois, écrit Kleist cette année-là, que la basse continue contient les notions essentielles permettant d’expliquer l’art d’écrire.» Aucune basse continue, dans la cour d’honneur. La voix nasillarde et haute perchée de Xavier Gallais, qui joue le prince, semble livrée aux images qui défilent. Ses mains gigotent comme si elles cherchaient à mimer ce qui manque. A la fin, on l’accroche à des cordes à l’aide de mousquetons : c’est un pantin. Marionnette de son propre rêve, de celui des autres ? Kleist ne choisit pas, mais le signifie en creux. Corsetti souligne, émiette et alourdit, par ses images, un texte dont la délicatesse semble lui avoir échappé.

 The Humans d'Alexander Singh auteur et metteur en scène de la pièce nous présente une création de l'humanité absolument délirante. S'inspirant de tout un bric à brac de références allant d'Aristophane à Woody Allen, en passant par Shakespeare, Nietzsche, ayant recours à toutes les techniques, théâtre, danse, mime, et exploitant les registres de l'absurde avec sa chaude lapine Nesquik et son sculpteur apollinien Charles Ray, passant de la farce, du  grotesque à la scatologie, le plasticien et sculpteur, Alexander Singh crée un univers qui n'appartient qu'à lui et laisse pantois. En nous montrant  en direct la création de l'humanité, il prétend poser la question de la liberté humaine  mais nous montre surtout que s'il y a une chose que les dieux ont ratée, c'est bien l'homme! Euh! Dire que j'ai aimé? Je n'irai pas jusque là mais finalement je ne regrette pas d'avoir vu ce spectacle qui le moins que je puisse dire n'est pas... ordinaire!

Avec Coup fatal le chorégraphe Alain Platel crée la surprise en alliant la musique baroque à la musique traditionnelle congolaise. Les 12 musiciens de Kinshasa avec leurs instruments guitare, percussions, balafons et likembé, sous la direction de  Fabrizio Cassol, dansent et chantent sur scène tandis que Serge Kakudji  contre-ténor, nous livre la beauté et la pureté de sa voix en chantant le répertoire baroque.


Orlando ou l'impatience de Olivier Py. Dans cette pièce touffue, dense, trop longue et que l'on aurait bien envie de voir élaguée, Olivier Py nous livre beaucoup de lui-même et par conséquent de nous. Un texte très riche (trop?) et parfois beau, qui touche, émeut, et parfois lasse, fatigue. Il parle de la vie, de la peur de vieillir,  de la recherche du père, de la solitude, de l'amour, de l'homosexualité, du bonheur, de la politique, de la corruption du pouvoir et surtout de son immense amour pour le théâtre. Et comme la vie même est un théâtre, le dispositif du décor est une scène, théâtre dans le théâtre, qui tourne comme notre planète, laissant le temps s'écouler, la répétition sans fin des années, des mêmes recherches, des mêmes échecs...  entre tragédie et comique, tout comme la vie. Enfin, à noter des acteurs excellents et que de plus l'on entend jusqu'au fond de la pièce (comme le souligne non sans humour un des personnages d'Olivier Py) , ce  qui m'a rappelé ma déconvenue lors de la représentation du Prince de Hombourg.)
J'ai acheté le livre pour pouvoir relire la pièce d'Orlando, cela m'a paru indispensable!



 





dimanche 27 juillet 2014

Festival Avignon 2014: Bilan avec le discours devant l'Assemblée nationale en 1848 de Victor Hugo : en prologue à Orlando ou l'impatience de Olivier Py


Dernier jour du festival d'Avignon 2014 et toujours un brin de nostalgie lorsque s'éteignent les dernières lumières de cet immense rassemblement théâtral; demain les affiches vont disparaître, déjà les rues et les terrasses de la ville semblent vides.
Cette édition 2014 aura donc été mouvementée mais finalement le festival a eu lieu malgré 12 annulations de spectacles liées à la grève des intermittents (et 2 pour cause de pluie!) dans le In, ce qui porte la perte subit à 300 000 euros. Assez catastrophique, non? Mais le pire -le spectre de 2003- aura été évité. 
Et oui, le malheur veut que lorsque les intermittents font grève, ils scient la branche sur lequel ils sont assis et détruisent leurs outils de travail. C'est ce que la majorité d'entre eux a pensé et les spectacles ont eu lieu d'une manière générale dans le OFF comme dans le IN.  Mais il y a eu de belles actions de soutien. Je pense à ce beau texte écrit et lu par le metteur en scène de Notre peur de n'être, Fabrice Murgia et aussi à ce discours de Victor Hugo si beau, si vrai, si actuel, qui a précédé le spectacle de Orlando ou l'impatience d'Olivier Py. Une splendide réponse à tous ceux qui pensent que la culture n'est pas une chose essentielle voire vitale et qui font des coupes sombres dans son budget.

Discours devant l'Assemblée nationale en 1848 de Victor Hugo (extraits)



« Personne plus que moi, messieurs, n’est pénétré de la nécessité, de l’urgente nécessité d’alléger le budget.

J’ai déjà voté et continuerai de voter la plupart des réductions proposées, à l’exception de celles qui me paraîtraient tarir les sources mêmes de la vie publique et de celles qui, à côté d’une amélioration financière douteuse, me présenteraient une faute politique certaine. C’est dans cette dernière catégorie que je range les réductions proposées par le comité des finances sur ce que j’appellerai le budget des lettres, des sciences et des arts.

Je dis, messieurs, que les réductions proposées sur le budget spécial des sciences, des lettres et des arts sont mauvaises doublement. Elles sont insignifiantes au point de vue financier, et nuisibles à tous les autres points de vue.
Insignifiantes au point de vue financier. Cela est d’une telle évidence, que c’est à peine si j’ose mettre sous les yeux de l’assemblée le résultat d’un calcul de proportion que j’ai fait. Je ne voudrais pas éveiller le rire de l’assemblée dans une question sérieuse ; cependant, il m’est impossible de ne pas lui soumettre une comparaison bien triviale, bien vulgaire, mais qui a le mérite d’éclairer la question et de la rendre pour ainsi dire visible et palpable.
 Que penseriez-vous, messieurs, d’un particulier qui aurait 500 francs de revenus, qui en consacrerait tous les ans à sa culture intellectuelle, pour les sciences, les lettres et les arts, une somme bien modeste : 5 francs, et qui, dans un jour de réforme, voudrait économiser sur son intelligence six sous ? Voilà, messieurs, la mesure exacte de l’économie proposée.
Eh bien ! ce que vous ne conseillez pas à un particulier, au dernier des habitants d’un pays civilisé, on ose le conseiller à la France.

Je viens de vous montrer à quel point l’économie serait petite ; je vais vous montrer maintenant combien le ravage serait grand.

Si vous adoptiez les réductions proposées, savez-vous ce qu’on pourrait dire ? On pourrait dire : Un artiste, un poète, un écrivain célèbre travaille toute sa vie, il travaille sans songer à s’enrichir, il meurt, il laisse à son pays beaucoup de gloire à la seule condition de donner à sa veuve et à ses enfants un peu de pain. Le pays garde la gloire et refuse le pain.

Ce système d’économie ébranle d’un seul coup tout net cet ensemble d’institutions civilisatrices qui est, pour ainsi dire, la base du développement de la pensée française.
 Et quel moment choisit-on pour mettre en question toutes les institutions à la fois ? Le moment où elles sont plus nécessaires que jamais, le moment où, loin de les restreindre, il faudrait les étendre et les élargir.

Eh ! Quel est, en effet, j’en appelle à vos consciences, j’en appelle à vos sentiments à tous, Quel est le grand péril de la situation actuelle ? L’ignorance.

L’ignorance encore plus que la misère. L’ignorance qui nous déborde, qui nous assiège, qui nous investit de toutes parts. C’est à la faveur de l’ignorance que certaines doctrines fatales passent de l’esprit impitoyable des théoriciens dans le cerveau des multitudes.

Et c’est dans un pareil moment, devant un pareil danger, qu’on songerait à attaquer, à mutiler, à ébranler toutes ces institutions qui ont pour but spécial de poursuivre, de combattre, de détruire l’ignorance.

On pourvoit à l’éclairage des villes, on allume tous les soirs, et on fait très bien, des réverbères dans les carrefours, dans les places publiques ; quand donc comprendra-t-on que la nuit peut se faire dans le monde moral et qu’il faut allumer des flambeaux dans les esprits ?

Oui, messieurs, j’y insiste. Un mal moral, un mal profond nous travaille et nous tourmente. Ce mal moral, cela est étrange à dire, n’est autre chose que l’excès des tendances matérielles. Eh bien, comment combattre le développement des tendances matérielles ? Par le développement des tendances intellectuelles ; il faut ôter au corps et donner à l’âme.

 Quand je dis : il faut ôter au corps et donner à l’âme, ne vous méprenez pas sur mon sentiment. Vous me comprenez tous ; je souhaite passionnément, comme chacun de vous, l’amélioration du sort matériel des classes souffrantes ; c’est là selon moi, le grand, l’excellent progrès auquel nous devons tous tendre de tous nos voeux comme hommes et de tous nos efforts comme législateurs.

Mais si je veux ardemment, passionnément, le pain de l’ouvrier, le pain du travailleur, qui est mon frère, à côté du pain de la vie je veux le pain de la pensée, qui est aussi le pain de la vie. Je veux multiplier le pain de l’esprit comme le pain du corps. 

 Eh bien, la grande erreur de notre temps, ça a été de pencher, je dis plus, de courber l’esprit des hommes vers la recherche du bien matériel.Il importe, messieurs, de remédier au mal ; il faut redresser pour ainsi dire l’esprit de l’homme ; il faut, et c’est la grande mission [ … ] relever l’esprit de l’homme, le tourner vers la conscience, vers le beau, le juste et le vrai, le désintéressé et le grand. C’est là, et seulement là, que vous trouverez la paix de l’homme avec lui-même et par conséquent la paix de l’homme avec la société.

Pour arriver à ce but, messieurs, que faudrait-il faire ?
 Il faudrait multiplier les écoles, les chaires, les bibliothèques, les musées, les théâtres, les librairies.
 Il faudrait multiplier les maisons d’études où l’on médite, où l’on s’instruit, où l’on se recueille, où l’on apprend quelque chose, où l’on devient meilleur ; en un mot, il faudrait faire pénétrer de toutes parts la lumière dans l’esprit du peuple ; car c’est par les ténèbres qu’on le perd. Ce résultat, vous l’aurez quand vous voudrez.

Quand vous le voudrez, vous aurez en France un magnifique mouvement intellectuel ; ce mouvement, vous l’avez déjà ; il ne s’agit pas de l’utiliser et de le diriger ; il ne s’agit que de bien cultiver le sol. La question de l’intelligence, j’appelle sur ce point l’attention de l’assemblée, la question de l’intelligence est identiquement la même que la question de l’agriculture.
L'époque où vous êtes est une époque riche et féconde ; ce ne sont pas les intelligences qui manquent, ce ne sont pas les talents ni les grandes aptitudes ; ce qui manque, c’est l’impulsion sympathique, c’est l’encouragement enthousiaste d’un grand gouvernement.

Je voterai contre toutes les réductions que je viens de vous signaler et qui amoindriraient l’éclat utile des lettres, des arts et des sciences.

Je ne dirai plus qu’un mot aux honorables auteurs du rapport. Vous êtes tombés dans une méprise regrettable ; vous avez cru faire une économie d’argent, c’est une économie de gloire que vous faites. Je la repousse pour la dignité de la France, je la repousse pour l’honneur de la République. »

 *******
Demain je ferai un bilan de toutes les pièces que j'ai vues car je n'ai pu écrire sur toutes.

samedi 26 juillet 2014

Tant qu'il y a les mains des hommes de Violaine Arsac / Compagnie Le théâtre de l'Horizon-Paris/ festival OFF d'Avignon 2014



Encore un coup de coeur au festival Off d'Avignon avec le spectacle Tant qu'il y a la main des hommes un montage de textes de plusieurs écrivains!  Et quels textes! Beaux, pleins d'émotion, de questionnements sur ce qu'est l'homme, ce que nous sommes, sur ce qui nous définit, ils nous invitent à accepter nos différences, notre singularité. De grands écrivains nous font ainsi entrer en nous-mêmes et nous prennent par la main avec leurs mots forts et vrais pour nous amener à réfléchir à ce qu'est notre vie, ce que nous laisserons derrière nous. Et surtout ils nous pressent de vivre pleinement, de ne pas refuser la vie, de fuir la routine, la résignation, le défaitisme.
A partir de ces textes Violaine Arsac a réalisé un montage habile et intelligent qui lui a permis de croiser la vie de plusieurs personnages très différents les uns des autres :  Une prostituée, un peintre  homosexuel, un nomade, un immigré, une jeune femme atteinte d'une maladie orpheline… Ils vivent en parallèle, dialoguent et se rejoignent dans un bel amour de la vie et des autres. Il ne s'agit plus d'un simple enchaînement de textes mais d'une véritable pièce de théâtre.


 Le décor est simple, modulable, figurant  par un simple changement d'éléments des lieux différents, prison, cabaret, vitrine de la prostituée, atelier du peintre… et puis il y a  le miroir qui sépare du monde et empêche de vivre car l'on n'y voit jamais que son propre reflet. La  lumière crée des espaces, tour à tour sombres ou éclairés, clairs-obscurs où chacun peut mener sa vie, se chercher, rencontrer l'autre, apprendre de lui, donner et recevoir.
Les comédiens, tous très bons, disent superbement les textes mais se révèlent aussi danseurs. Ils évoluent sur la chorégraphie d'Olivier Bénard qui est aussi interprète dans le spectacle. Je me suis sentie portée par ce spectacle complet qui procure en même temps que le plaisir visuel, un sentiment d'espoir envers la nature humaine.

Tant qu'il y a les mains des hommes La luna 13H20 jusqu'au 27 Juillet  (le dernier jour demain!)

Interprètes / Intervenants

Interprète(s) : Aliocha Itovich, Olivier Bénard, Slimane Kacioui, Nadège Perrier, Violaine Arsac
Adaptation & Mise en scène : Violaine Arsac
Chorégraphies : Olivier Bénard
Lumières : Rémi Saintot
Décors : Tanguy de Saint-Seine
Costumes : Janie Loriault
Diffusion : Jean-Pierre Créance

Compagnie Le Théâtre de l'Horizon - Paris / Coproduction : Théâtre des Possibles

Signataire de la charte du OFFSoutiens : ADAMI, Ville de Montrouge, Théâtre La Luna. 
 
 
 

Chez Eimelle

vendredi 25 juillet 2014

La Tisseuse de Paulo Balardim Compagnie brésilienne Caixa do Elefante : Festival Off avignon 2014


La Tisseuse

J'ai vu ce soir une superbe pièce de la compagnie Caixa do Elefante qui vient du Brésil : La Tisseuse créée et mise en scène par Paulo Barladim.

L'histoire emprunte à de nombreux mythes. A travers le le thème de la tisseuse sont évoquées les trois Parques qui apparaissent à plusieurs reprises, silhouettes sombres et macabres. Par son métier, la tisseuse est directement liée à la vie et la mort, à la divinité et à la magie. Elle peut tisser des objets et des êtres qui deviennent réels, et c'est ce qu'elle fait en créant un beau jeune homme dont elle tombe amoureuse, mythe de Pygmalion au féminin; on pense aussi à Hoffmann ou Collodi. Mais cette créature sortie de ses mains prend le pouvoir et se retourne contre sa créatrice. C'est alors un combat à mort entre la tisseuse et cette incarnation du Mal, un vampire qui se nourrit d'elle.
C'est du moins les thèmes ce que j'ai vus en référence à notre culture européenne, peut-être la pièce et les personnages ont-ils d'autres significations au Brésil.


Qui est la marionnette et qui domine l'autre?

Le spectacle est de toute beauté. La tisseuse-danseuse est une magicienne qui crée devant nous des illusions, nous emporte dans un univers irréaliste où tout est possible. Les objets et les êtres apparaissent puis se volatilisent sous ses doigts de fée qui tissent des fils multicolores. Les pelotes de fil dansent dans les airs. Les marionnettes sont magnifiquement animées soit à vue par la danseuse, soit dans le noir par les autres interprètes, le théâtre d'ombre,  les jeux de lumière, la projection vidéo, les costumes, la musique, tout concourt à faire de ce spectacle une moment magique et plein de poésie. Un coup de coeur! Il ne reste plus que deux jours pour aller le voir!

Présence Pasteur La tisseuse 18H 50 minutes Tout public jusqu'au 27 Juillet

Pour la première fois en Avignon cinq compagnies brésiliennes sont les invitées du théâtre Présence Pasteur afin de fêter le Brésil, à l'honneur cet année lors de la coupe du monde.
Compagnie Caixa do Elefante
Signataire de la charte du OFF Fondée en 1991, à Porto Alegre au Brésil, la compagnie Caixa do Elefante (boîte de l'éléphant) est un groupe de renom au Brésil. Formé par une équipe pluridisciplinaire, la compagnie organise des ateliers de marionnettes, construit des scénographies, produit des spectacles et initie des projets sociaux autour de la formation artistique.
Interprètes / Intervenants
Interprète(s) : Carolina Garcia, Viviana Schames, Rita Spier
Mise en scène et dramaturgie : Paulo Balardim
Décor : Fernanda Baltazar, José Baltazar, Paulo Balardim
Régisseur Son et projection vidéo : Zé Derly
Régisseur Lumière : David Lippe


Chez Eimelle
Chez Eimelle

mardi 22 juillet 2014

Ionesco : Le roi se meurt mis en scène par Alain Timar, théâtre des Halles Festival OFF 2014




Tandis que le festival d'Avignon bat son plein, que les salles sont combles et les terrasses de café envahies, je continue à voir des spectacles dans le In comme dans le Off et de vous en faire part. Voici une pièce vue il y a déjà un moment, au début du festival : Le roi se meurt de Ionesco au théâtre des Halles.

Alain Timar, le metteur en scène du théâtre des Halles, scène permanente d'Avignon, dont j'ai tant aimé l'année dernière Ubu Kiraly  a fait travailler les jeunes acteurs de l'académie de Shanghaï. Le roi se meurt est le fruit de cette collaboration. Notons tout de suite un des attraits du spectacle la langue chinoise  comme une musique qui rythme l'action.
Le metteur en scène imagine qu'une jeune troupe de théâtre s'empare de la pièce et la porte sur scène en utilisant tous les matériaux qui tombent sous la main. L'enthousiasme des jeunes comédiens est souligné par une mise en scène pleine de facéties, de trouvailles, avec des décors et des accessoires fantaisistes, qui met en relief l'absurdité du pouvoir. La mise en scène  et la direction d'acteurs sont intelligentes mais ne peuvent tout à fait compenser le manque de maturité  des comédiens lorsqu'il leur faut interpréter le vieux roi et son entourage et le refus de la mort. Le spectacle est pourtant plein de vie et d'inventivité. Mais le choix de la pièce est peut-être un peu trop ambitieux pour ces jeunes acteurs qui n'en sont pas moins prometteurs et touchent par leur sincérité et leur fraîcheur..
 Le spectacle est intéressant et donne une version originale d'un des chefs d'oeuvre de Ionesco.


 Le roi se meurt  au Théâtre des Halles 11H
en chinois surtitré en français
Académie de Théâtre de Shanghaï
Coprod : Théâtre des Halles
Interprètes : Wang Ke, Lu Meng Meng, Wang Pei Yi, Mai Long, Li Fei Ran, Zhang Yi Wei
Mise en scène, scénographie : Alain Timár
Assistant à la mise en scène : Hong Bin
Décor et accessoires : Ye Dan Qing
Costumes et maquillage : Li Ting Yi
Lumière : Zhou Pei Pei
Son : Xue Liming
Avec l’aide technique de : Quentin Bonami 
Coproduction :
Académie de Théâtre de Shanghai et Théâtre des Halles – Scène d’Avignon.
Manifestation organisée dans le cadre de France-Chine 50


chez Eimelle

Ivan Gontachrov, Oblomov Caserne des pompiers festival OFF 2014




Le roman d'Ivan Gontachrov, Oblomov, a été publié en 1859. Il conte l'histoire d'un propriétaire terrien atteint de la maladie de la paresse. Une incapacité d'agir le caractérise. Il passe son temps allongé sur un divan à planifier ce qu'il fera… demain! Un moment, l'amour que lui inspire Olga semble pouvoir le tirer de son apathie chronique mais  ce sentiment qui  le tire vers la vie ne sera pas suffisant pour le pousser à l'action.
Le héros de Gontacharov a donné lieu à un terme en Russie  utilisé pour désigner une personnage qui refuse de vivre : l'oblomovisme aussi célèbre que le bovarysme chez nous.

C'est ce roman adapté à la scène que Daniel Rossel met en scène en mêlant chant, musique et voix chorales car il arrive aux comédiens de prendre la parole à deux, trois ou plus comme pour renforcer le personnage, le multiplier, il arrive aussi qu'ils soient tous couchés, opiniâtrement endormis. C'est que nous sommes tous des Oblomov, nous posant des questions sur le sens de notre vie. Qui n'a jamais été atteint, ne serait-ce qu'un instant, par le sentiment de l'inanité de l'existence? A quoi riment nos actes répétitifs? Qu'est-ce qui est réellement important? Et si nous n'allons pas jusqu'à refuser de nous lever le matin, Oblomov n'en reste pas moins notre frère, celui qui refuse les faux-semblants, qui met sciemment une distance entre lui et la vie.
La scénographie souligne ce refus d'Oblomov en divisant la scène en deux  par une sorte de barrière qui est à la fois réfléchissante et transparente. La vie n'est plus qu'une ombre qui se reflète sur cette paroi derrière laquelle évoluent les amis d'Oblomov, les vivants. Ils  apparaissent aux yeux d'Oblomov comme estompés, entourés de brume sauf quand ils le rejoignent  sur le devant de la scène pour l'exhorter à vivre, le disputer au néant. Entre cet anti-héros et le monde une séparation se dresse, consentie et même souhaitée. La tension tragique cède souvent au comique, quand Oblomov s'endort debout et tombe comme une masse sur le sol par exemple. Les comédiens se livrent à un ballet, tournant autour du personnage central, soulignant par leur allées venues son inaction. Un spectacle intéressant et riche servi par de bons comédiens.


Oblomov Caserne des Pompiers 15H durée 1H30

Mise en scène : Dorian Rossel
Collaboration artistique : Delphine Lanza

Dramaturgie : Carine Corajoud

Scénographie et costumes : Clémence Kazémi et Sibylle Kössler

Régisseur général : Laurent D’Asfeld

Assistant à la mise en scène : Clément Lanza

Chargée de production Suisse : Muriel Maggos

Chargée de production France : Mathilde Priolet

Photo : Nelly Rodriguez

Consultantes musique : Patricia Bosshard, Anne Gillot
Avec :
O’ Brother Company : Elsa Grzeszczak, Jean-Michel Guérin, Fabien Joubert, Paulette Wright
Cie STT : Rodolphe Dekowski, Xavier Fernandez-Cavada, Delphine Lanza
Production : Cie STT et O’Brother Compagny

Co-productions : Théâtre Forum Meyrin, Le Salmanazar, Comédie de Reims, Théâtre Gérard Philipe
Soutiens : Fondation Meyrinoise pour la Culture, Fondation Ernst Göhner, Loterie Romande, Spedidam, DRAC CHampagne Ardenne, ORCCA, Festival en Othe.
La Cie STT est conventionnée avec le DIP de l’Etat de Genève, les Villes de Genève et de Lausanne. Associée au Théâtre Forum Meyrin.

Chez Eimelle

lundi 21 juillet 2014

Faire danser les alligators sur la flûte de pan de Louis-Ferdinand Céline au Chêne Noir




Faire danser les alligators sur la flûte de pan c'est ce que Louis-Ferdinand Destouches  dit  Céline se sent capable de faire par son écriture, un labeur harassant qui lui donne l'impression de chercher à se frayer un chemin dans la jungle à grands coups de machette : faire passer le langage oral et populaire à l'écrit,  en travaillant le rythme, en tordant les phrases, les mots pour donner l'impression de la facilité, du vécu, du réel, alors qu'il s'agit d'une exigence absolue du style, d'un don de soi épuisant et douloureux! Encore que de la littérature, Céline, le moins que l'on puisse dire, c'est qu'il s'en méfie, qu'il la vomit, la littérature; pour lui ce qui compte c'est l'émotion, la sincérité, le texte direct qui vous prend au corps, qui vous terrasse.
Composé à partir de la correspondance de Céline ce spectacle propose un habile et intelligent montage de textes  réalisé par Emile Brami qui nous fait découvrir  l'écrivain mais pas seulement... Le mérite de la pièce, c'est de présenter l'homme en entier avec ce qu'il a de haïssable, son racisme, son antisémitisme, sa misanthropie, ses haines… mais aussi ses souffrances, ses arrachements, ce désespoir.  Céline passe tout par le collimateur de sa détestation : son antimilitarisme liée à son horreur de la guerre, son rejet de la sottise des hommes, de leur lâcheté, de leur corruption, de leurs ambitions, son horreur du communisme après un voyage en Russie… On comprend cette mise au ban totale de la société qui fait que son génie littéraire n'est pas reconnu, qu'on lui préfère pour le prix Goncourt un écrivain oublié de nos jours, que sa mort n'est annoncée que plusieurs jours après et encore avec embarras à la radio…
La vie de Céline est donc tragique et Denis Lavant, interprète extraordinaire qui se coule dans la peau du personnage au point de faire oublier l'original, sait rester en équilibre entre émotion et comique, par exemple quand Céline passe en revue les écrivains qu'il n'aime pas! Une galerie hilarante de portraits assaisonnés à la verve célinienne qui n'est pas sans rappeler la prolixité et la saveur des mots rabelaisiens mais au XXème siècle!
La mise en scène qui nous tient en haleine et l'interprétation éblouissante de Denis Lavant font de ce spectacle un grand moment du Off.


Faire danser les alligators sur la flûte de pan
Le chêne Noir  20H15 jusqu'u 27 Juillet relâche le 2& juillet
Avec l’autorisation des Éditions Gallimard
Adaptation Émile Brami
Mise en scène Ivan Morane
Avec Denis Lavant
Lumières Nicolas Simonin
Décor et costumes Émilie Jouve
Le pôle diffusion en accord avec Réalités/Compagnie Ivan Morane
Production déléguée Réalités/Cie Ivan Morane - Jean-Charles Mouveaux
Spectacle SNES
Coréalisation Théâtre du Chêne Noir


 chez Eimelle

Kazuo Ishiguro : Quand nous étions orphelins...



Kazuo Ishiguro Quand nous étions orphelins : Christopher Bank a passé son enfance dans la concession internationale de Shangaï au début du XX siècle. Son père est employé d'une compagnie britannique et sa mère est en lutte contre le trafic d'opium que l'entreprise du père encourage pour plonger la Chine dans la déchéance afin de mieux dominer le pays. L'enfant joue dans la concession avec son ami japonais Akira mais l'insouciance de la jeunesse n'a qu'un temps. Ses parents disparaissent mystérieusement et Christopher est envoyé en Angleterre chez sa tante puis en pension. Lorsqu'il finit ses études il réalise son ambition de devenir un détective célèbre et fréquente la haute société londonienne. C'est là qu'il rencontre Mademoiselle Hemmings, une jeune femme mondaine, snob et méprisante qui lui est d'abord antipathique avant de mieux la connaître. Comme lui, elle a été marquée par une enfance sans parents. C'est en 1937, tandis que l'Europe s'achemine vers la guerre que Christopher Bank retourne en Shangaï pour réaliser le projet qui lui tient à coeur : se lancer sur les traces de ses parents. Il y retrouve une ville déchirée par la guerre sino-japonaise, un pays en pleine mutation, et c'est dans ce contexte de fin du monde qu'il finira par apprendre ce qui leur est arrivé.

Le roman ne suit pas un déroulement linéaire. Il commence en 1927 à la sortie de Cambridge quand le jeune diplômé se lance à l'assaut de la capitale pour réaliser ses ambitions. Le récit procède par des retours en arrière dans deux époques différentes : avant la disparition des parents et après, entre la concession et la pension, entre la Chine et l'Angleterre…
C'est grâce à la rencontre avec des amis de collège que sont évoquées les années d'étude et Christopher Bank puise dans ses souvenirs pour se remémorer la vie dans la concession. Dix ans s'écoulent donc avant que le détective ne parte à Shanghaï en 1937 où il confrontera ses souvenirs d'enfance à la réalité du pays en guerre qui détruit non seulement la population et la ville mais aussi de grands pans de sa mémoire.
 Kazuo Ishiguro parle avec beaucoup de finesse et d'habileté du phénomène de la mémoire, des transformations que celles-ci fait subir au réel, des différences entre ce que l'on perçoit ou retient du passé et la perception qu'en ont les autres, témoins pourtant des mêmes faits. A plusieurs reprises Christopher Bank s'aperçoit que ce qu'il croit être la vérité absolue sur lui-même n'a jamais été perçue  de cette façon par ses condisciples. Cette réflexion est un des aspects passionnants du roman.
Le thème de l'enfance et de l'amitié est abordé aussi avec bonheur. C'est à travers le regard d'un enfant que nous découvrons la politique des grandes entreprises britanniques, les différends qui opposent la mère et le père de l'enfant qui ne comprend pas tout et ne nous en livre que des bribes. Ce qui n'empêche pas l'amitié et le jeu avec Akira, les sottises d'enfants, les peurs liées à l'imagination.
Comme dans Les Vestiges du jour qui reste pourtant mon préféré, le roman de Kazuo Ishiguro Quand nous étions des orphelins explore avec nostalgie, un monde qui se délite peu à peu, en voie de disparition… Ici, c'est la fin de la colonisation anglaise. L'enfance de Christopher Bank et de son ami Akira apparaît alors comme les derniers moments d'un univers qui va s'écrouler sur ses bases. J'ai aimé à découvrir la vie dans cette concession internationale et les enjeux terribles de la politique qui vont bientôt conduire au cataclysme de la seconde guerre mondiale. Les chinois considèrent d'ailleurs que celle-ci a commencé en 1937.

Un beau roman à découvrir.


dimanche 20 juillet 2014

Henrik Sienkiewicz : Par le fer et par le feu




Par le fer et par le feu de Henrik Sienkiewicz qui paraît en 1884 est le premier roman d'une trilogie qui, avec Le déluge et Messire Wolodowsky, raconte l'histoire de la Pologne au XVII siècle dans une des périodes les plus troublées de son histoire. Quand il publie son roman, Henrik Sienkiewicz veut en faire le symbole de la lutte polonaise à une époque où la Pologne n'existe plus, la majorité de son territoire étant annexée par la Russie, l'autre partagée entre la Prusse et l'Autriche.
Le récit commence en 1647, lorsque la République polonaise dites des "deux Nations" comprenant la couronne polonaise et le grand-duché de Lituanie est un immense état qui englobe aussi l'Ukraine. Celle-ci voudrait se faire reconnaître comme troisième nation mais vainement. Les cosaques, peuple guerrier de semi-nomades vivant en Ukraine, menés par Bogdan Khmelnitsky,  vont alors se soulever contre la République en s'alliant aux Tatars de Crimée. Commence une guerre civile effroyable qui décimera les populations et au cours de laquelle s'affronteront les nobles chevaliers polonais et les rebelles.


Les Etats de la couronne de Pologne sous lesquels sont compris la grande et la petite Pologne, le grand duché de Lithuanie,
Henrik Sienkiewicz avec ce roman porté par un style flamboyant écrit l'épopée de la Pologne.  Il nous lance en chevauchées fantastiques dans les grandes espaces des steppes ukrainiennes, à la découverte de villes ou de bourgades dévastées, nous confronte au fleuve majestueux le Dniepr, nous fait vivre dans des villes assiégées, affronter des combats terrifiants, démesurés dont la grandeur n'a d'égale que la cruauté. Le sang coule à flots et teinte l'eau des rivières, les cadavres comblent les douves des châteaux, la torture, le pal, les trahisons se succèdent et quand ils ne sont pas au combat, les nobles chevaliers trouvent encore le moyen de se battre en duel pour leur honneur et pour leur Belle!  Le symbole du pouvoir polonais est incarné non par le roi nommé par la noblesse mais par le puissant seigneur que tous redoutent, le duc Yarema Wisniowiecki, dont le nom seul fait trembler des armées entières..
Un souffle épique anime les prouesses des chevaliers ou des cosaques, car les ennemis sont de force égale, semblables à des demi-dieux, accomplissant des actes hors du commun, géants que rien ne semble pouvoir abattre et dont l'auteur nous montre pourtant la fragilité.  Car au milieu de ce roman qui a choisi pour héros tout un peuple, Henryk Sienkiewicz s'intéresse aussi aux individus, à leur mentalité mais aussi à leur vie personnelle. Nous suivons avec empathie les aventures du vaillant  chevalier Jean Kretuski et  de son amour, la jeune et belle Hélène, enlevée par le cosaque Bohun; nous faisons connaissance de  ses amis  le vieux et rusé Zagloda, le frêle et redoutable Michel Wolodowski, et le lituanien Podbipieta, géant candide et naïf capable d'exploits hors du commun. Le roman raconte ainsi une histoire d'amour et d'amitié qui peut aller jusqu'au sacrifice. Cruauté et idéalisme vont de pair et l'Histoire et la fiction s'allient pour notre plus grand plaisir.

Un roman historique passionnant qui vous entraîne bien loin en imagination, dans des contrées  sauvages et des époques éloignées. Et pas d'inquiétude devant ce pavé, on ne fait qu'une bouchée des 700 pages du livre!





Merci à Babelio et  aux Editions Libretto

mercredi 16 juillet 2014

Poucette par la compagnie P'tites Griottes : théâtre enfants festival d'Avignon




Par la compagnie les P'tites Griottes et en compagnie de la comédienne Véronique Balme  Poucette reprend l'histoire du conte d'Andersen, celle d'une petite fille grande comme le pouce qui naît dans une fleur. Sa maman la couche dans une coquille de noix sur le rebord de la fenêtre mais elle est enlevée par un vieux crapaud qui veut lui faire épouser son fils. Après de nombreuses épreuves, elle finira par s'enfuir au pays des Fleurs où elle devient Maïa la reine des fleurs et sera libre d'aimer le Prince de son choix.

Là encore la comédienne nous entraîne dans le récit d'Andersen qui réserve bien des émotions, récit initiatique qui apprend aux enfants à grandir.. Elle interprète différents personnages, Poucette, la souris, la taupe et anime les marionnettes aux formes très diverses qui jouent sur les différences de taille, hirondelle, hanneton, crapaud, poissons.  Elle contrefait avec succès toutes les voix. Les  décors en tissu, d'immenses étoffes soyeuses qui figurent la rivière, et les costumes aux couleurs vives et fraîches participent à la féerie du spectacle. Tous les détails sont soignés. Ma petite fille a remarqué dans le décor en feutrine du pays des fleurs de minuscules coccinelles qu'elle a adorées.. 
Un spectacle très agréable.

Cette première chanson a beaucoup plu à ma petite fille :

Il faut toujours écouter
Ce que nous murmure le vent
Le souffle des éléments
Même le plus discret des chants
Amène à l'oreille de celui qui entend
Des histoires à aimer.

Nos préférences :
Des deux pièces de la compagnie P'tites griottes  jouées au festival d'Avignon 2014 : Fourmi de pain et  Poucette, quelle notre préférée?

Nini (4 ans) :  a beaucoup aimé les deux spectacles et a préféré Poucette qu'elle est allée voir deux fois.
Sa grand mère : J'ai aimé les deux mais ma préférence va à fourmi de pain car j'apprécie moins la partie chantée de Poucette.



Poucette à partir de 3 ans  à 17H30 Petite caserne des pompiers  du 5 au 27 Juillet 2014


mardi 15 juillet 2014

Fourmi de pain par la Compagnie les P'tites griottes à Essaïon-Avignon : théâtre pour enfants au festival d'Avignon



La compagnie les P'tites Griottes et la comédienne Véronique Balme donnent deux très jolis spectacles pour enfants pendant ce festival :

Fourmi de pain raconte le voyage d'une fourmi à la recherche du secret du pain qui lui permettra de survivre. En chemin, elle rencontre différents petits personnages qui vont la conduire d'un lieu à l'autre jusqu'au moulin. Mais les ailes du moulin tournent trop vite et le meunier ne se réveille pas!  Que va faire la petite souris?

Les marionnettes sont craquantes à souhait et très joliment animées par la comédienne. La fourmi est fabriquée devant nous à partir de pain mouillé et se met à vivre avec ses yeux en bille de loto, le mulot dodu est tout à fait amusant, la reine des papillons déplient ses ailes magnifiques et l'araignée tisse des fils extraordinaires qui résistent à tout. La parole n'est jamais trop abondante et intervient quand il le faut, sans excès. Et la fourmi de 18 mètres de Desnos, très bien intégrée dans le récit, est bienvenue. Poésie, inventivité et rire… Les enfants s'amusent, s'émerveillent et, à la sortie, grignotent le pain dont ils connaissent maintenant tous les secrets de fabrication.
 A partir de 3 ans.

Fourmi de pain  11h compagnie les P'tites Griottes Essaïon-Avignon







Goldoni : La locandiera


La locandiera, une de pièces les plus connues de Goldoni,  garde son titre italien qui vient de locanda : la pension, l'hôtel garni. Le titre n'a pas de traduction en langue française comme le fait remarquer l'auteur lui-même qui propose comme titre français "la femme adroite".
Cette "femme adroite", c'est Mirandolina qui tient toute seule la pension de famille depuis que son père est mort. Elle a un valet, Fabrice, à qui elle a promis le mariage. Elle héberge trois gentilhommes dont deux sont amoureux d'elle : le comte d'Albafiorita et le marquis de Forlipopoli. Mais le troisième, le chevalier de Ripaffratta fait profession de mépriser les femmes et ne succombe pas aux charmes de la charmante aubergiste. Mirandolina décide alors de le rendre amoureux puis, lorsqu'elle parvient à ses fins, épouse son valet.

Que penser de Mirandolina? Son personnage a donné lieu à de nombreuses interprétations : coquette rusée voire rouée qui accepte les cadeaux de ses messieurs sans rien leur accorder, elle joue avec le feu; femme de tête qui mène bien ses affaires mais doit dans une société où la femme est considérée comme inférieure user de séduction pour pouvoir être indépendante et patronne. De là à à faire de Goldoni un féministe et voir dans Mirandolina l'expression de la révolte féminine, supérieure aux hommes qu'elle mène par le bout du nez, et maîtresse de son destin puisque c'est elle qui choisit son mari, il n'y a qu'un pas! Il n'en reste pas moins que pour pouvoir continuer à gérer son hôtel, Mirandolina doit se marier, c'est à dire rentrer dans les normes, obéir aux règles. Une femme seule, surtout si elle est jeune, ne peut que se compromettre et se mettre au ban de la société en tenant une auberge et en hébergeant des hommes. Mirandolina se marie non pas amour mais pas nécessité et pour cela elle doit renoncer à son indépendance et à son statut de "patronne", se mettant ainsi sous la coupe d'un mari. L'ordre social est rétabli. Malgré son intelligence et sa ruse, Mirandolina est  de toutes façons la perdante dans un monde fait pour et par les hommes!

Comme d'habitude la pièce donne un aperçu de la société vénitienne même si Goldoni, par prudence et pour éviter la censure, situe son action à Florence. La pièce est une comédie et nous rions beaucoup de ces personnages qui sont tournés en dérision, il n'en reste pas moins que la pièce est une satire assez virulente. Le comte et le marquis sont les représentants de deux sortes de noblesse : le marquis représente la noblesse ancienne, imbue de son nom et de son rang mais ruinée! Le comte vient d'acheter son titre mais sait faire sonner bien haut ses écus. Tous les deux sont tournés en ridicule puisque chacun d'entre eux se targue de ses avantage, le nom ou l'argent, pour gagner les bonnes grâces de Mirandolina et n'obtiendra rien! Mais le plus ridicule est peut-être le chevalier, celui qui n'aime pas les femmes et refuse d'aimer, mais qui  se fait prendre au piège par des flatteries et artifices tellement voyants qu'il faut être bien sot pour s'y laisser prendre.
Mais si les travers de la noblesse sont bien épinglés, les commerçants représentants de la bourgeoisie ne le sont pas moins en la personne de Mirandolina et Fabrice qui ne voient que leur intérêt, sont habiles à s'enrichir mais sans  beaucoup de scrupules, et font de l'argent leur maître à penser.

J'ai vu la pièce à Paris dans une mise en scène de Marc Paquien avec Dominique Blanc et André Marcon. De bons acteurs, mais quelle déception!  Des décors de carton pâte, pas de point de vue  sur les personnages; les oppositions entre les classes sociales, c'est à dire ce qui fait le sens de la pièce, ne sont pas mises en valeur ! Quelle platitude!

LC avec Maggie

Chez Eimelle ; challenge théâtre

samedi 12 juillet 2014

Après la pluie... Compagnie En chemins



Depuis Lundi avec ma petite fille Léonie (4 ans) et nous écumons les spectacles pour enfants.  Voici une de nos pièces préférées!

Après la pluie de la Compagnie En chemins est vraiment une belle réussite  pleine de poésie et de surprises.
Madeleine, une grand-mère marionnette, vieille dame fragile et délicieuse, vit dans sa maison avec un grand jardin. Là, elle voit  les saisons défiler..  Les trois comédiens qui sont aussi musiciens et chanteurs dotés de fort belles voix initient les enfants à la musique classique et aux airs d'opéra, Mozart, Tchaïkovsky, Vivaldi, Bach… tandis que de jolies inventions scénographiques font appel à tous les sens et à l'imagination des enfants  :  les feuilles virevoltent, la pluie nous mouille, la neige recouvre la campagne, le soleil hâle nos visages …  Un beau spectacle plein de finesse. A voir!

Le spectacle commence à 9H20 à La Condition des Soies.  Du 5 au 27 Juillet Relâche le 15




mercredi 9 juillet 2014

Heinrich Von Kleist : Le prince de Hombourg au festival d'Avignon



source     Le prince de Hombourg à la cour d'Honneur du Palais des Papes

Le Prince de Hombourg de Kleist mis en scène par Giorgio Barberio Corsetti m'a déçue car  les acteurs, à l'exception du comédien qui interprète l'électeur Palatin, ne m'ont pas paru dominer les difficultés de cette immense scène de la Cour d'Honneur, on les entend à peine et ils paraissent pour la plupart écrasés par la majesté des lieux. Quant au metteur en scène, il  m'a semblé sacrifier le sens à l'esthétique.
Ce spectacle, en effet, utilise la vidéo et la musique pour créer des effets d'une  grande beauté :  superbe instant, celui où le prince monté sur un cheval de lumière se lance fougueusement dans la bataille, la façade du palais des Papes éclaboussée de taches de sang et de traînées de feu qui suggèrent la violence de la guerre. Visions de cauchemar, les masques grotesques dont l'image projetée sur le mur s'anime, menaçante, quand le prince de Hombourg est jugé en cour martiale.. Moment de grâce, arrêt sur l'image, une voix pure s'élève, suspendue, chantant le poème de Verlaine, le ciel est par dessus le toit au-dessus de la prison du prince.

Mais une fois que s'efface cette beauté ponctuelle, j'ai parfois eu l'impression que la recherche esthétique était ce qui importait le plus à Giorgio Barberio Corsetti et qu'il ne répondait pas toujours aux questions que posent la pièce et, en particulier, le personnage du prince de Hombourg.  Il faut dire que celui-ci est complexe. Voilà un héros romantique, prince et fils adoptif de l'électeur Palatin, officier, amoureux de sa cousine, qui est prisonnier des codes d'honneur de sa classe sociale mais ne paraît pas capable de les assumer. Il est en train de dormir, en pleine crise de somnambulisme, quand ses soldats, eux, sont prêts à partir pour la bataille, il rêve lorsqu'on lui donne des instructions militaires. Plus tard, il n'est pas assez discipliné pour dompter son impatience et il se lance à l'assaut de l'armée ennemie sans en avoir reçu l'ordre. Il est à la fois courageux, fougueux, passionné lorsqu'il s'agit de combattre mais se révèle lâche lorsqu'il est condamné à mort pour désobéissance; il est pris d'une peur panique au point qu'il s'humilie, pleure, supplie, renie son amour, ses engagements, pour avoir la vie sauve; l'honneur n'a plus aucun sens pour lui. Mais il est aussi capable de noblesse et après s'être ressaisi, il finit par obéir au code d'honneur de son rang; enfin quand il est gracié… il s'évanouit!  Que de paradoxes, quelle étrange comportement aux antipodes du héros romantique de Victor Hugo, de Hernani par exemple, qui, lui, est "une force qui va"!  On comprend pourquoi les contemporains de Kleist ont crié au scandale : ce héros romantique est plutôt un anti-héros et nous-mêmes, spectateurs, nous nous interrogeons sur l'étrangeté de ce personnage, sur sa ressemblance avec Kleist qui a démissionné de l'armée et s'est donné la mort peu de temps après parution de sa pièce.

Face à ce personnage, on a l'impression que le metteur en scène est hésitant et oscille entre satire et sérieux. Ainsi, pour souligner le caractère rêveur du prince, G. B. Corsetti le fait jouer presque parodiquement, ce qui provoque le rire, comme s'il voulait tourner le personnage en dérision.  Dans la grande scène ou le prince est pris d'une terreur sans nom devant la fosse ouverte qui va être la sienne et refuse la mort, il y a un tel refus de l'émotion que le si beau texte de Kleist est sacrifié, presque murmuré, en partie inaudible, comme si les acteurs se parlaient à eux-mêmes sans se soucier du spectateur.  Le prince finit pas ne plus nous intéresser et l'ennui surgit là où l'on devrait être touché.
 
Je lis dans France -Info  la phrase suivante : "Très clairement, Giorigio Barberio Corsetti s'est affranchi du texte de Kleist écrit en 1810.".  Très franchement, si c'est un compliment, je me demande bien pourquoi car enfin pourquoi choisir de mettre en scène un texte si on n'a pas envie de le mettre en valeur?


Challenge théâtre chez Eimelle