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vendredi 24 février 2012

Invitation au romantisme : George Sand


George Sand

Si j’étais garçon, je ferais volontiers le coup d’épée par-ci, par-là, et des lettres le reste du temps. N’étant pas garçon je me passerai de l’épée et garderai la plume, dont je me servirai le plus innocemment du monde.   George Sand Correspondance (1835)

 De temps en temps, je vous invite à aller voir de blog en blog les billets écrits dans le cadre du challenge romantique afin d'en découvrir les richesses et trésors, un voyage dans l'univers romantique de la blogosphère.

Pour ce challenge Romantique, un écrivain s'imposait et se devait d'être mise en avant. Il s'agit de George Sand qui a connu un moment de gloire littéraire en France de son temps mais a ensuite été méconnue, dénigrée, étouffée jusqu'à maintenant parce qu'elle était femme et berrichonne autrement dit "régionaliste", deux tares impardonnables en France.  Il faut dire aussi qu'il y avait bien autres choses qui gênaient (et qui gênent encore!) en elle, ses prises de position socialistes, la défense des pauvres, des femmes, ses idées égalitaires, son désir de peindre la beauté du peuple. Et puis il y a sa vie! Son divorce, son indépendance, ses vêtements d'homme, ses amants! Quel scandale! Une femme libre et qui se dit l'égale des hommes!
Je conçois et j'admets que l'on puisse ne pas apprécier l'idéalisme de George Sand, son romantisme utopique mais à une condition, c'est qu'on l'ait lu. On la juge en général à partir de deux ou trois romans alors qu'elle en a écrit une centaine, explorant tous les genres, du roman champêtre, au roman social, politique, historique, fantastique, aux contes folkloriques, au théâtre, à son immense correspondance!
Nous sommes quatre pour l'instant à avoir publié des billets sur cette écrivaine dont on pense que le XXI siècle sera peut-être enfin son siècle : George, Cleanthe, L'Ogresse de Paris et moi-même.
 
 Mais laissons d'abord la parole à George qui la connaît si bien et qui l'aime tant. Je lisais  dans son blog Les Livres de George un  billet intitulé George Sand vue par Emile Zola où l'écrivain naturaliste la comparant à Balzac qu'il admire, lui reprochait  son idéalisme et la trouvait dangereuse pour les jeunes gens et surtout pour les femmes.
Ces livres ouvrent le pays des chimères, au bout duquel il y a une culbute fatale dans la réalité. Les femmes, après une pareille lecture, se déclareront incomprises, comme les héroïnes qu’elles admirent [...] Combien de femmes ont trompé leurs maris avec le héros du dernier roman qu’elles avaient lu! 

Voilà le beau plaidoyer de George (la nôtre) et sa déclaration d'amour à celle du XIXème siècle :

 Car si on peut reconnaître que l’œuvre de Sand témoigne d’une vision idéaliste, voire parfois totalement utopiste, il n’en reste pas moins, que cette utopie prend appui sur une observation réaliste du monde qui l’entoure. Placer ses romans dans son Berry natal, parler des paysans qu’elle côtoyait tous les jours, rendre compte de ses aspirations socialistes est aussi une façon de dire la vérité, mais non pour la montrer dans sa crudité, mais pour tenter de créer un monde meilleur, plus équitable, et égalitaire. Alors, certes George Sand n’est pas une romancière réaliste, mais ses romans ne sont pas seulement des rêves dangereux pour les femmes, et ses prises de position politique, ses combats socialistes, ses engagements montrent assez à quel point elle était de plein pied dans son siècle. Zola engage un duel entre deux auteurs, un combat perdu d’avance pour Sand. Et finalement Émile Zola s’est trompé, puisqu’en 2011 George Sand est encore lue, étudiée, rééditée et si elle reste méconnue ce n’est pas à cause de la faiblesse de ses romans, mais bien parce que depuis deux siècles pèsent sur elle cette interprétation erronée de son œuvre.
Émile Zola, Honoré de Balzac, George Sand sont trois auteurs majeurs du XIXème siècle, trois auteurs clefs et symptomatiques de l’évolution du roman durant ce siècle. Il ne s’agit plus aujourd’hui de les faire s’affronter pour savoir qui va gagner ou perdre, mais de les lire pour ce qu’ils sont. Qui a raison qui a tort, qu’importe, chacun donne sa vision de la réalité et c’est, après tout, ce que l’on demande à un auteur, nous faire partager sa vision du monde.

Lire l'article complet ici  

Et n'oubliez pas que George a ouvert un challenge George Sand illimité.

Indiana (1832)


 Chez George  : Aujourd’hui partons à la découverte du premier roman écrit par George Sand sous son pseudonyme. Après un roman écrit avec son amant Jules Sandeau, Aurore Dupin, publie donc Indiana, et, sur les conseils d’un ami, signe pour la première fois de son pseudo George Sand. Mais d’où vient ce pseudonyme ? ICI 

Chez Claudialucia : Ceux qui m'ont lu sans prévention comprennent que j'ai écrit Indiana avec le sentiment non raisonné, il est vrai, mais profond et légitime, de l'injustice et de la barbarie des lois qui régissent encore l'existence de la femme dans le mariage, dans la famille et dans la société. ICI

Valentine (1832)


Chez George : Valentine fait partie des romans de jeunesse de George Sand. Après la parution de son premier roman Indiana, elle a publié des textes courts, Valentine est donc un retour au roman. Les années 1830 marquent l’arrivée de la seconde génération de romantiques. George Sand a 24 ans quand paraît Valentine. ICI

Leone Leoni (1834)


 Chez George : Leone Leoni est un roman écrit pendant le séjour de George Sand à Venise avec Musset. Sand précise dans la préface du roman les circonstances de l’écriture de ce roman, qui semble intrinsèquement liées à sa situation personnelle :
"Étant à Venise par un temps très-froid et dans une circonstance fort triste, le carnaval mugissant et sifflant au dehors avec la bise glacée, j’éprouvais le contraste douloureux qui résulte de notre souffrance intérieure, isolée au milieu de l’enivrement d’une population inconnue". ICI

Journal intime (1834)

Chez GeorgeCe journal rend donc compte essentiellement du désespoir de Sand face à cette rupture et au désintérêt de Musset pour elle. On y lit la souffrance, le manque, le désespoir de n’être plus aimée et d’aimer toujours pourtant, la passion charnelle aussi. ICI

Simon (1836)


Chez George : Comme le veut la période romantique, le roman porte un titre centré sur le prénom du personnage principal. Cette coutume lancée par Chateaubriand (René), Mme de Staël (Corinne ; Delphine) ou encore Benjamin Constant (Adolphe) eut cours essentiellement durant la première période romantique et George Sand ne déroge pas à la règle puisque la plupart de ses premiers romans portent un titre-prénom, ce qui devait bien l’arranger, elle qui avait tant de mal à trouver un titre pour ses œuvres. Pourquoi un prénom? Car la période romantique s’intéresse au destin individuel d’une âme plongée dans l’Histoire.
Le roman court sur une période allant de 1824 à 1830, période donc antérieure à l’écriture du roman, et période romantique s’il en est ICI

 Mauprat (1837)


 Chez George : Avec ce roman, on pénètre dans les romans gothiques de George Sand. La noirceur de Tristan et de ses fils que décrit George Sand nous rappelle les romans d’Ann Radcliff voire de Sade! Mais on y lit aussi l’influence de Jean-Jacques Rousseau. Mauprat est écrit entre 1835 et 1837, le roman paraît en 1837. Sand choisit le cadre du Berry, son pays, dont elle connaît tous les recoins. C’est un roman clef dans l’œuvre de George Sand qui met en scène un personnage féminin, là encore, caractéristique de la vision féminine de Sand. Edmée de Mauprat est une jeune fille instruite et fine, sans doute l’une des premières héroïnes sandiennes à prendre une telle ampleur. ICI 

Chez Claudia : Quand on lit George Sand, on a toujours l'impression de la redécouvrir tant les genres qu'elle explore sont différents. Avec Mauprat, nous sommes en plein romantisme, un roman gothique avec une histoire d'amour et de mise à l'épreuve, des nobles sinistres perpétrant leurs méfaits derrière les fortifications de leur château, des brigandages, des meurtres...
Récit d'aventures, Mauprat est aussi un roman où l'on retrouve  tous les thèmes sérieux chers à l'écrivain. George Sand aborde ici le thème de l'éducation mais, si elle est rousseauiste et admire l'Emile, contrairement à Rousseau, elle est persuadée que l'homme n'est pas naturellement bon et que l'éducation a une fonction civilisatrice.
ICI


 Les Compagnons du tour de France (1840)


 Chez George : Avec ce roman, George Sand marque l’ancrage politique du romantisme, un romantisme social tourné vers la cause du peuple, tel que Victor Hugo le développera également dans Les Misérables. George Sand montre que l’artisan est aussi un artiste du quotidien.
Parallèlement, le roman rend compte de deux histoires d’amour : la première entre Pierre et Yseult, la seconde entre Amaury et Joséphine, la jeune cousine d’Yseult. Deux amours aussi différentes l’une que l’autre, le premier établi sur une entente philosophique et intellectuelle, le deuxième établi davantage sur la sensualité, avec toutes les conséquences que celle-ci peut entraîner.
ICI

Chez Claudia
: Pour écrire sur les Compagnons, George Sand s'est énormément documentée en s'appuyant notamment sur Le livre du compagnonnage d'Agricol Perdiguier, Compagnon sous le sobriquet de Avignonnais la Vertu -natif d'Avignon donc- menuisier, écrivain et député. George Sand reçut Agricol Perdiguier chez elle. Instruit, lettré, auteur de chansons et de poèmes, il était convaincu que l'instruction et la lecture sortiraient le peuple de l'obscurité. Il oeuvrait pour que les sociétés de compagnonnages se réconcilient et se solidarisent. Déjà gagnée au "socialisme humanitaire" par l'influence de Pierre Leroux, George Sand écrit alors en 1840 : Le compagnon du Tour de France, un roman social très fortement engagé. ICI

 Consuelo et La comtesse de Rudolstadt (1843)


Chez Cleanthe : On ne dira jamais assez qu'il faut ranger George Sand parmi les meilleurs écrivains du XIXème siècle français. Une auteure à effets, dans le goût du roman-feuilleton où elle excelle. George Sand ne s'économise pas, c'est parfois ce qu'on lui reproche, d'en faire trop. Mais c'est vraiment un plaisir, quand on est un lecteur, d'être mené ainsi par le bout du nez sur près de 1500 pages. ICI
 
Chez Claudialucia : La culture de George Sand au niveau historique et son érudition musicale qui nous transportent d'un pays à l'autre est un des plaisirs du roman. Mises à part quelques longueurs et répétitions dans le récit, j'ai aimé son aspect initiatique et picaresque quand les deux jeunes gens sont sur les routes et gagnent leur vie en chantant et en jouant de la musique. Les personnages qu'ils rencontrent sont bien campés. George Sand a l'art du portrait satirique aussi bien sur le plan physique que moral. Elle sait mettre en avant avec beaucoup d'humour le trait caricatural, les travers, les faiblesses, les vanités de chacun tout en rendant la complexité de l'âme humaine. ICI

Le péché de M. Antoine (1845)



Chez George : Le Péché de Monsieur Antoine est le dernier roman socialiste écrit pas George Sand. Elle commence la rédaction en juillet 1845, le roman paraît en feuilletons d’octobre à novembre 1845.
Le thème est donc engagé. George Sand est dans sa grande période socialiste, elle crée plusieurs journeaux, est amie avec Pierre Leroux, philosophe, réfléchit à une solution favorable au bien-être d’un peuple en souffrance. Elle dénonce ou du moins critique le Saint-Simonisme, mais aussi certaines idée de Fourier, donne son opinion sur les Associations…
ICI

Chez Claudialucia : Un jeune étudiant, Emile, voyage dans une région accidentée et sauvage aux confins de la Marche et du Berry, lorsqu'un violent orage se déchaîne. Obligé de s'arrêter, il rencontre un paysan, Jean Japeloup, qui l'amène s'abriter au château de Châteaubrun. Là au milieu des ruines, dans une aile restaurée, vivent M. Antoine de Chateaubrun, sa fille Gilberte, la mère Janille, la vieille gouvernante. Tout ce monde vit là, démocratiquement, sur un plan d'égalité et d'amitié, mangeant à la même table. Emile va être tout de suite séduit par cette famille dont les moeurs correspondent tant à ses idées socialistes. ICI

Histoire de ma vie (1855)


 Chez George : Dans son autobiographie, Histoire de la vie, George Sand développe la théorie romantique à laquelle elle adhère : "En résumé, idéalisation du sentiment qui fait le sujet, en laissant à l’art du conteur le soin de placer ce sujet dans des conditions et dans un cadre de réalité assez sensible pour le faire ressortir, si, toutefois, c’est bien un roman qu’il veut faire".  ICI

Les dames en vert 1857



Chez George  : Ce court roman joue allègrement sur la veine fantastique. Des fantômes, l’angoisse, des apparitions, une statue qui prend vie, et un étrange manuscrit ! Mais comme toujours avec George Sand, le roman dit plus, va plus loin que la simple petite histoire.
Situer l’action en 1788 a bien sûr son importance, d’autant plus pour George Sand. Son père, avant elle, avait une âme de révolutionnaire. Il défendait les idées de la Révolution, et George Sand a marché dans ses pas
. ICI 

Chez CleantheCe récit, tout en faux semblants et en chausse-trappes, est un petit bijou d'ironie qui montre que, même assagie, George Sand n'a rien perdu de la verve de sa jeunesse. Publiée la même année que Mademoiselle La Quintinie, roman charge croisant la question du mariage et celle de la religion, ces Dames vertes donnent, sous la forme d'une histoire de fantômes somme toute assez traditionnelle, un récit passionnant mêlant environnement fantastique et préoccupations sociales. ICI

L'orgue des Titans (1873)



Chez Claudia : L'orgue des Titans, récit fantastique, donne son titre au recueil de contes de George Sand paru à l'école des Loisirs/ classiques. Tous sont issus de deux ensembles : Les contes d'un grand-mère et Les légendes rustiques.
Ce recueil  témoigne de l'intérêt du romantisme pour le folklore et les traditions et aussi pour le fantastique. ICI
Le musée de la Vie Romantique


L'ogresse de ParisLe salon du peintre Ary Scheffer, réunit alors  le cercle romantique des années 1830. Le musée de la Vie Romantique conserve aujourd'hui les souvenirs de l'artiste, meubles, portraits, mais également ceux de son amie Georges Sand. ICI



mercredi 22 février 2012

Que disent-ils de la politique? Montesquieu : il faut être avec eux..



 Je publierai ici,  en cette période de préélectorale où l'on ne nous a jamais autant sollicités,  nous les représentants du peuple, les pensées de grands philosophes, écrivains, hommes politiques, français ou étrangers!



              


Charles-Louis de Secondat, baron de Montesquieu, philosophe, auteur de l'Esprit des lois (1689-1755)

  
 Pour faire de grandes choses, il ne faut pas être un si grand génie; il ne faut pas être au-dessus des hommes, il faut être avec eux. 

mardi 21 février 2012

Geraldine Brooks : Le livre d'Hanna




Le livre d'Hanna de l'écrivain d'origine australienne Geraldine Brooks est passionnant. Ce roman nous amène en voyage dans des époques différentes, du présent au passé, à la découverte d'un manuscrit si précieux que des hommes ont risqué leur vie à travers les siècles pour le préserver.

Haggada de Sarajevo

En effet, bien que le roman Le livre d'Hanna soit une fiction, il a pour principal sujet un manuscrit hébreu bien connu sous le nom de Haggada de Sarajevo, livre de prières orné de magnifiques enluminures médiévales (XIV siècle) créé en Espagne à une époque où la croyance juive était opposée à toute iconographie, interdisant l'art figuratif.


Quand l'ouvrage fut découvert en Bosnie en 1894, ses pages de miniatures peintes mirent cette théorie à bas, et les textes d'histoire de l'art durent être réécrits.
Or, ce précieux document est sauvé à plusieurs reprises de la destruction :  une fois à Venise par un prêtre catholique travaillant pour les autodafés de l'Inquisition en 1609; une autre fois, en 1941, par un célèbre érudit islamique, Dervis Korkut, qui le soustrait au général nazi, Johan Hans Fortner, en le cachant dans la mosquée d'un village de montagne; puis pendant la guerre en 1992, à Sarajevo, où un bibliothécaire musulman, Enver Imamovic, l'arrache à la bibliothèque bombardée pour l'enfermer dans le coffre-fort d'une banque.
A partir de cette réalité historique, place à la fiction! Hanna, le personnage de Geraldine Brooks est spécialisée dans la restauration des manuscrits anciens, une des meilleures dans son métier.  Elle parle six langues couramment dont l'hébreu et elle est titulaire d'un diplôme d'histoire de la religion juive. Ceci explique qu'elle soit choisie pour restaurer la Haggada  que l'on vient de retrouver à  Sarajevo en 1996 et qui a souffert de son séjour dans un coffre métallique à la banque. Hanna a donc tout loisir d'examiner cette merveille et elle y découvre des indices infimes, un grain de sel, un poil de chat, des taches de vin ... qui vont lui permettre de mener une enquête pour retrouver les secrets du livre. Nous voyagerons donc à Venise au moment de l'Inquisition, en Espagne à la fin de la Convivance, période où toutes les communautés religieuses vivaient en bonne entente, à Vienne où le livre subit une restauration malencontreuse en 1894,  à Sarajevo ... Une magistrale promenade à travers les siècles et l'Europe.

Geraldine Brooks invente ainsi une histoire à ce manuscrit et fait revivre avec beaucoup de talent des personnages du passé qui sont à la fois très vivants et attachants. Elle a l'art de donner aussi une consistance à l'Histoire ancienne qui rejoint la petite histoire d'êtres humains pris dans le tourbillon des guerres, de la violence, dans la souffrance provoquée par la haine, l'intolérance. Autour de ces retours en arrière se dessine aussi la vie d'Hanna que sa mère a privé de son père, a coupé de toute sa famille paternelle juive, sans lui donner d'amour en retour. L'affrontement entre les deux femmes, l'amour que Hanna va éprouver pour un bosniaque musulman (celui qui a sauvé la Haggada) et qui a vu mourir sa femme et son enfant forment la trame de l'histoire contemporaine.

Un roman très prenant. A travers la quête de ses origines, cet ouvrage juif sauvé par un catholique et des musulmans, exceptionnel par sa beauté et par sa rareté, devient tout aussi précieux comme symbole. N'est-il pas en effet, la preuve que tous les hommes peuvent s'unir quand il s'agit de préserver le savoir et l'art? La culture comme ciment de l'humanité, plus puissante que les passions fanatiques et vecteur de tolérance, c'est l'idée que Geraldine Brooks veut nous transmettre à travers Le livre d'Hanna.


Haggada de Sarajevo, le seder

Geraldine Brooks écrit dans la postface : On ne sait rien de l'histoire de la Haggadah pendant les années tumultueuses de l'Inquisition espagnole et de l'expulsion des juifs en 1492. Les chapitres intitulés "un poil blanc" et "l'eau salée" sont entièrement romanesques. Cependant une femme noire en robe safran est assise à la table du seder sur l'une des enluminures de la Haggada et le mystère de son identité a inspiré mon imagination. Remarquez à gauche, au premier plan, cette  femme noire.


lundi 20 février 2012

George Sand : Le péché de M. Antoine






Dans Le péché de M. Antoine, George Sand aborde les idées socialistes qui lui tiennent à coeur. Dans une préface postérieure à la publication du roman (1845), elle se dit très consciente que les thèses avancées dans ce roman ne sont qu'une utopie. C'est  d'ailleurs pour cela que la monarchie de Louis-Philippe, sûre de sa force, ne s'en émeut pas et laisse faire:
Ces idées dont ne s'épouvantaient encore qu'un petit nombre d'esprits conservateurs, n'avaient encore réellement germé que dans un petit nombre d'esprits attentifs et laborieux. Le pouvoir, du moment qu'elles ne revêtaient aucune application d'actualité politique, s'inquiétait assez peu des théories, et laissait chacun faire la sienne, émettre son rêve, construire innocemment la cité future au coin de son feu, dans le jardin de son imagination.
En fait, ce sont les journaux d'opposition qui refusent de publier ce roman. Ils sont farouchement hostiles au socialisme qui leur semble porter atteinte à l'idée de propriété. Finalement Le péché de M. Antoine parut en feuilleton dans le journal L'époque.


Le château de Châteaubrun
Le récit : Un jeune étudiant, Emile, voyage dans une région accidentée et sauvage aux confins de la Marche et du Berry, lorsqu'un violent orage se déchaîne. Obligé de s'arrêter, il rencontre un paysan, Jean Japeloup, qui l'amène s'abriter au château de Châteaubrun. Là au milieu des ruines, dans une aile restaurée, vivent M. Antoine de Chateaubrun, sa fille Gilberte, la mère Janille, la vieille gouvernante. Tout ce monde vit là, démocratiquement, sur un plan d'égalité et d'amitié, mangeant à la même table. Emile va être tout de suite séduit par cette famille dont les moeurs correspondent tant à ses idées socialistes. Et bien sûr, il va tomber amoureux de la belle Gilberte. Par contre, il est très contrarié par la critique sévère que le Père Jean fait de M. Cardonnet,  industriel qui a installé son usine dans la région. Or, M. Cardonnet est le père d'Emile! Ce dernier a appelé son fils auprès de lui pour le faire travailler à ses côtés. Il prétend faire fortune en faisant travailler ses ouvriers comme des brutes. Bientôt, l'industriel uniquement préoccupé par l'argent et le fils, idéaliste, qui voudrait créer une communauté agricole, vont s'opposer. Mais Emile n'est pas de force à résister à un père tout puissant! Heureusement, M. de Boisguibert, un riche aristocrate, aux idées "communistes", va lui venir en aide. Oui, mais pourquoi cet aristocrate s'est-il fâché avec M. Antoine dont il était l'ami et qui partage ses idées, pourquoi a-t-il renvoyé son ouvrier Jean Jappeloup dont le travail le satisfaisait?

 Pierre Leroux

Les idées socialistes et l'utopie
George Sand a été influencée dans ses idées socialistes par Lamennais qu'elle effraya par son côté radical en demandant l'égalité des hommes et des femmes en amour, le droit au divorce. En 1835, elle se lie d'amitié avec le philosophe Pierre leroux qui l'enthousiasme par ses idées de partage et de solidarité. D'autre part, elle a pour amant, l'avocat républicain Michel de Bourges. Ses romans Consuelo La comtesse de Rudolstadt (1843-44)Le Meunier d'Angibault (1845), le péché de M Antoine témoignent de ces idées. C'est Leroux qui introduisit le mot socialisme pour l'opposer à l'individualisme. Il fondera une communauté égalitaire à Boussac, petite ville dont il est maire.
C'est cet idéal qu' Emile dans Le péché de M. Antoine souhaiterait réaliser. Son père l'oblige à faire des études contraire à ses aspirations alors qu'il aurait rêvé de travailler dans une ferme-modèle, de se faire paysan:
 Et, un jour, sur quelque lande déserte et nue transformée par mes soins, j'aurais fondé une colonie d'hommes libres, vivant en frères et m'aimant comme un frère.
 A son père qui lui répond que seul le travail donnera la liberté à l'ouvrier, Emile répond que l'ouvrier a aussi le droit au repos, a une vie qui soit autre chose qu'un esclavage et il exhorte son père au partage : O mon père, au lieu de lutter avec les forts contre les faibles, luttons avec les faibles contre les forts. Essayons ! mais alors ne songeons point à faire fortune, renonçons à capitaliser pour notre compte. Consentez-y, puisque j'y consens, moi, pour qui vous travaillez aujourd'hui. Tâchons de nous identifier l'un à l'autre de cette façon, et renonçons au gain personnel en embrassant le travail.
Le marquis de  Boisguibert permettra au jeune homme de réaliser ce rêve. Le vieil aristocrate a perdu l'énergie et la foi dans la réussite d'un projet communautaire mais il voit en Emile celui qui, par son enthousiasme, sa pureté,  sa jeunesse aussi, sera capable de réaliser cette utopie sans se laisser arrêter par la peur de l'échec!

Des personnages attachants, une belle histoire d'amour
Mais ne vous laissez pas arrêter par toutes ces théories politiques. Outre qu'elles sont exposées d'une manière naturelle et vivante, elles sont portées par des personnages aussi adorables que Gilberte et Emile. Certes, ils sont idéalisés et pourvus  de toutes les beautés physiques mais aussi morales. On ne peut que s'attacher à eux. Le lecteur voit naître leurs sentiments et prend parti pour le bonheur de ce jeune couple. L'histoire d'amour est belle et l'on peut craindre pour l'avenir de des jeunes gens que les parents vont séparer. Si M. Antoine, homme charmant et de nature aimable, n'accorde aucune importance à l'idée que sa fille veut épouser un roturier, il n'en est pas de même de M. Cardonnet. Il s'oppose au mariage de son fils avec la fille d'un noble déchu et surtout ruiné.
George Sand a alors une idée très forte qui est un des grands moments du roman. Elle met Emile, à qui son père va proposer un marché odieux, en présence d'un choix véritablement cornélien. Le jeune homme doit renoncer à ses idées ou à son amour.  La description du tourment du jeune homme, de ses hésitations, de ses choix, sont des passages tragiques. Sand décrit un abus du pouvoir monstrueux, ici paternel, qui risque de briser un être, de le pousser au désespoir et au mépris de soi-même. Elle étend cet exemple individuel à tous les pouvoirs qu'ils soient étatiques ou religieux. Personne n'a le droit, dit-elle, de forcer une conscience. De beaux accents!
On a du mal à comprendre ensuite, avec notre mentalité du XXI sècle, comment cet épisode ne consacre pas la rupture avec le père! Il faut se replacer  au XIX siècle où le père a tous les droits sur ses enfants. D'autre part, Emile a été élevé dans le respect de son père et l'obéissance. Il a déjà renoncé à ses aspirations légitimes quant à sa carrière et son avenir pour plaire à son père. Au respect s'allie aussi l'amour filial.
D'autre part, George Sand a déjà à se défendre contre ses détracteurs qui l'accusent de vouloir bouleverser l'ordre social, de prôner la liberté de la femme, Je suppose qu'elle ne veut pas, en plus, être accusée de détruire la famille?



Nature et Romantisme
Le romantisme du roman se traduit ici  dans le sentiment de la  nature qui présente deux aspects :
L'un des traits caractéristiques d'Emile  est son amour de la nature. C'est ce qu'il avoue à son père lors de leur houleuse échange d'idées :
L'amour de la nature m'entraînait à la vie des champs. Le plaisir infini que je trouvais à sonder ses lois et ses mystères, me conduisait naturellement à pénétrer ses forces cachées, et à vouloir les diriger et les féconder par un travail intelligent.
La lutte qui l'oppose à son père, est en fait celle de l'industrie (qui détruit la beauté, asservit les hommes, symbolise le capital) et  l'agriculture (qui représente la paix de l'âme, l'égalité, la solidarité)? George Sand a donc un sentiment rousseauiste de la nature.
L'expression proprement romantique de la nature intervient quand Emile, en proie à la souffrance, fuit la société des humains pour se réfugier dans les ruines de la forteresse médiévale de Crozant : Rien ne convenait mieux à l'état de son âme que ce site sauvage et ces ruines désolées. (Il ) s'enfonça dans les décombres où il resta plusieurs heures en proie à une douleur que l'aspect d'un lieu si horrible, et si sublime en même temps, portait par instant jusqu'au délire.
Le paysage qui se dresse devant lui a toutes les caractéristiques du romantisme, il s'agit de ruines qui nous transportent au Moyen-âge. Le paysage est effrayant avec ses précipices, ses a-pics, ses torrents aux eaux impétueuses comme la Creuse et la Sedelle. Tout est noir, sombre, menaçant. En fait le paysage extérieur peint le paysage intérieur, l'âme tourmentée du jeune homme.
 Tout cela est d'une désolation si pompeuse et si riche d'accidents que le peintre ne sait où s'arrêter. L'imagination du décorateur ne trouverait qu'à retrancher dans ce luxe d'épouvante et de menace.
 Quel contraste avec la scène suivante où Emile rencontre sa bien-aimée en compagnie de son père et s'aperçoit qu'elle l'aime toujours. Le bonheur va illuminer le paysage!
Jamais il ne s'était senti si gai lui-même ; jamais il n'avait vu un plus beau jour que cette pâle journée de septembre, un site plus riant et plus enchanté que cette sombre forteresse de Crozant ! Et justement Gilberte avait ce jour-là sa robe lilas, qu'il ne lui avait pas vue depuis longtemps, et qui lui rappelait le jour et l'heure où il était devenu éperdument amoureux !
On le voit, la peinture romantique du paysage est un reflet de l'âme humaine. Ces pages sont décrites avec une tendre ironie de la part de Sand qui s'amuse gentiment de l'exaltation du jeune homme  et de cette capacité de passer aussi rapidement d'un état d'âme à l'autre. Elle sait rendre avec bonheur et subtilité l'extrême jeunesse et la naïveté charmante de ces très jeunes gens touchés par l'amour et qui croient réinventer le monde.

Enfin quelle est l'explication du titre? :  Et bien c'est là le mystère! Vous ne vous attendez pas à ce que  je vous le dévoile tout de même! Sachez, cependant, que le secret ne fera pas long feu et que vous comprendrez vite de quoi il s'agit. Je me demande si les lecteurs de George Sand  à son époque se faisaient avoir ou si c'était évident pour eux aussi?  Mais il est sûr que nous, lecteurs du XXI , nous avons perdu notre naïveté.

Dernière remarque : on peut reprocher à George Sand cette fin heureuse et irréaliste. Dans le monde véritable, cette histoire aurait mal tourné! Mais nous sommes au royaume de l'Utopie, alors ne boudons pas notre plaisir. Vous ne voudriez pas tout de même que l'auteure ait fait le malheur de "nos" chers petits!


dimanche 19 février 2012

Rita Mestokosho : Gardienne de la terre


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Emily Carr, peintre canadien (détail)

Dans son discours pour le prix Nobel, JMG Le Clézio cite les noms des écrivains, des poètes, qui "font" la littérature et dont il se sent proche. Parmi eux, Rita Mestokosho que j'ai eu envie de découvir à mon tour.
Rita Mestokosho est née en 1966  sur la côte Nord-est du Saint-Laurent dans la communauté des innus d’Ekuanitshit (Mingan) au Québec.
Elle doit son inspiration à la fois à la nature avec laquelle elle établit un contact fusionnel et à sa grand mère, mémoire de son peuple. Elle écrit en langue innue des poèmes qu'elle traduit elle-même en français.

L’homme est comme un saumon, le saumon remonte toujours la rivière où il est né, c’est cela le vrai mystère. Peu importe où l’homme va, il n’oublie jamais d’où il vient. Peu importe le nombre de kilomètres parcourus, le nombre de villes traversées, peu importe le temps qu’il met pour trouver une destination, il n’oublie jamais ses origines.


Sous un feu de rocher

J’ai appris à lire entre les arbres
À compter les cailloux dans le ruisseau
À donner un nom à tous les métaux
Tel que le quartz ou le marbre.
J’ai appris à nager avec le saumon
À le suivre dans les grandes rivières
À monter le courant de peine et de misère
Sans me plaindre et sans sermon.
J’ai appris à prendre le visage de chaque saison
À goûter la douceur d’un printemps sur mes joues
À savourer la chaleur d’un été sur mon cou
À grandir dans l’attente d’un automne coloré et long.
Mais, c’est uniquement sous un feu de rocher
À l’abri d’un hiver froid et solitaire
Que j’ai entendu les battements de la terre



Poème transféré de mon ancien blog

Un livre/ Un film : Réponse à l'énigme N°22 Maupassant, Boule de Suif





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Le prix Maupassant-Ford est attribué à  : Aifelle, Eeguab,  Jeneen,  Keisha,  Lystig,   Nanou,  Somaja
Le prix Maupassant à Maggie. Merci à tous les participant(e)s.

Le livre : Boule de Suif de Guy de Maupassant
Le film : La chevauchée fantastique de John Ford





 Guy de Maupassant appartenait au groupe des écrivains naturalistes qui se réunissaient à Médan, dans la propriété d'Emile Zola. Tous s'engagèrent à écrire une nouvelle ayant pour sujet la guerre pour un recueil collectif. Boule de Suif fut écrit en 1879 et publié dans le recueil : Les soirées de Médan en 1880. Cette nouvelle, peut-être l'une des meilleures de l'écrivain, assura la notoriété de Maupassant dans le monde des Lettres.


Guy Maupassant place l'action de Boule de Suif  à Rouen envahi par les Prussiens pendant la guerre de 1870-71. Pour échapper à l'occupation, dix personnes de milieux sociaux différents - dont une jeune prostituée, Elizabeth Rousset, surnommée Boule de Suif - se retrouvent, enfermés dans une diligence qui doit les amener jusqu'au Havre. Mais lors d'une halte dans un relais, un officier prussien donne l'ordre de retenir la voiture, avec tous ses passagers, si Boule de Suif refuse de coucher avec lui. Celle-ci, très patriote, blessée dans ses sentiments, refuse. Chaque membre de la "bonne société" va faire alors en sorte de la pousser dans les bras de l'ennemi. Mais lorsqu'elle s'exécute et que la diligence repart, elle est en butte au mépris de ces vertueux voyageurs qui ne veulent plus lui adresser la parole et refuse de partager leur repas avec elle.

Dans cette nouvelle Guy de Maupassant va se faire le petit plaisir de réunir dans un huis-clos, une diligence, tous les représentants de la société française. Il place la voiture dans un milieu hostile, la neige, les congères qui empêchent d'avancer, le froid, la guerre qui dévaste les campagnes et prive les voyageurs de nourriture, les soldats ennemis qui entretiennent la peur et prolongent le face-à face. En effet, quel autre lieu aurait pu réunir en ces temps de guerre, Mr L'Oiseau, négociant en vin, et son épouse, Mr Carré-Lamadon, propriétaire de trois filatures, et sa jeune femme, le comte et la comtesse de Bréville, deux bonnes soeurs, un Républicain démocrate et une prostituée. Un éventail complet de la société qu'il attaque d'une plume féroce. Personne n'est épargné même si, in finale, la prostituée se révèle la plus sympathique et la plus honnête!


 LES BOURGEOIS

Avant  de les réunir dans même un lieu, Maupassant avait exercé sa vindicte sur les bourgeois normands "bedonnants, émasculés par le commerce" qui laissent l'ennemi entrer dans Rouen sans réagir. Il fustige leur lâcheté mais aussi leur hypocrisie quand il pactise avec les prussiens à condition que ce ne soit pas en public.
. Et pourquoi blesser quelqu'un dont on dépendait tout à fait? Agir ainsi serait moins de la bravoure que de la témérité. - Et la témérité n'est plus un défaut des bourgeois de Rouen, comme au temps des défenses héroïques où s'illustra leur cité. - On se disait enfin, raison suprême tirée de l'urbanité française, qu'il demeurait bien permis d'être poli dans son intérieur pourvu qu'on ne se montrât pas familier, en public, avec le soldat étranger.
En fait, la seule chose capable de toucher les bourgeois, de les émouvoir sincèrement, c'est lorsque l'on s'attaque à leur argent.
Les vainqueurs exigeaient de l'argent, beaucoup d'argent. Les habitants payaient toujours; ils étaient riches d'ailleurs. Mais plus un négociant normand devient opulent et plus il souffre de tout sacrifice, de toute parcelle de sa fortune qu'il voit passer aux mains d'un autre.

Les bourgeois qui voyagent dans la voiture sont les dignes représentants de cette classe. Monsieur Loiseau est un filou qui vend ses mauvais vins à l'armée française, de plus il aime les plaisanteries salaces et se montre volontiers grivois devant les dames.
De taille exiguë, il présentait un ventre en ballon surmonté d'une face rougeaude entre deux favoris grisonnants.
Madame Loiseau est encore plus avare que lui et souffre dès qu'il est question de dépenser de l'argent.
Monsieur Carre-Lamadon, "homme considérable", est un fieffé coquin qui a compris que la politique devait lui rapporter :
 Il était resté, tout le temps de l'Empire, chef de l'opposition bienveillante, uniquement pour se faire payer plus cher son ralliement à la cause qu'il combattait avec des armes courtoises, selon sa propre expression.
Quant à sa femme, elle aime beaucoup (trop?) les militaires et l'on croit comprendre, qu'à la place de Boule de Suif, elle n'aurait pas fait la fine bouche devant le bel officier prussien.

LA NOBLESSE
Le comte et la comtesse de Bredeville sont aussi passés à la moulinette par un Maupassant en forme et brillant qui  montre avec ironie sur quoi reposent la suffisance et la prétendue supériorité de leur famille. Monsieur se vante de ressembler à Henri IV qui "avait rendu grosse une dame de Bréville, dont le mari, pour ce fait, était devenu comte et gouverneur de province.". Quant à madame, qui n'est pas d'origine noble, elle est très bien accueillie parce qu'elle a été "aimée par un des fils de Louis-Philippe". Autrement dit ces messieurs de la noblesse ont eu la bonne fortune d'être "cocufiés" par plus grands qu'eux et en ont retiré des bénéfices!

Ces  nobles et ces bourgeois que tout pourrait opposer vont pactiser car il sont tous les représentants du pouvoir conféré par l'argent : Ces six personnes formaient le fond de la voiture, le côté de la société rentée, sereine et forte, des honnêtes gens autorisés qui ont de la religion et des principes.

LA RELIGION
La religion est représentée par les deux soeurs qui égrenaient de longs chapelets en marmottant des Pater et des Ave. L'une était vieille avec une face défoncée par la petite vérole comme si elle eût reçu à bout portant une bordée de mitraille en pleine figure. L'autre, très chétive, avait une tête jolie et maladive sur une poitrine de phtisique rongée par cette foi dévorante qui fait les martyrs et les illuminés.
Jusqu'ici le trait est caricatural mais les religieuses restent en retrait et sont réservées. Le trait satirique se durcit quand il s'agit de persuader Boule de Suif de céder au commandant prussien. Lorsqu'on lui demande son avis, la plus âgée des soeurs va trouver  des arguments :
Alors, soit par une de ces ententes tacites, de ces complaisances voilées, où excelle quiconque porte un habit ecclésiastique, soit simplement par l'effet d'une inintelligence heureuse, d'une secourable bêtise, la vieille religieuse apporta à la conspiration un formidable appui.
Le trait satirique va très loin. Maupassant souligne qu'il ne s'agit pas du comportement propre à un seul individu mais à tous les gens d'église : "quiconque porte un habit ecclésiastique". D'autre part, la soeur à le choix entre la "inintelligence heureuse" (j'adore la formule!)  et la "complaisance voilée"!On voit que les soeurs n'échappent pas à l'hypocrisie générale et elles se comporteront par la suite avec autant de dureté, oubliant ce qu'est la charité chrétienne, laissant Boule de Suif sans repas, bouleversée, détruite par l'opprobre générale..

LE PEUPLE
Les deux personnes du peuple qui voyagent dans la diligence et que les autres considèrent avec suspicion et mépris sont-ils mieux traités par l'écrivain?
Voyons ce qu'il en est du démocrate, Cornudet, que Maupassant appelle le démoc, (le terme est déjà en lui-même méprisant), homme du peuple qui  a "mangé" la fortune héritée de son père", non pas en l'utilisant pour une cause noble mais en buvant, dans les "cafés démocratiques". (Appréciez l'alliance des mots!) On s'aperçoit vite que ses idées révolutionnaires ne sont que des paroles vaines. Cornudet est un poivrot qui n'agit pas, il reste passif et la langue acerbe de l'écrivain ne l'épargne pas plus que les autres :
...il attendait impatiemment la République pour obtenir enfin la place méritée par tant de consommations révolutionnaires.


 Un film de Christian-Jaque
 Le portrait  physique  d'Elizabeth Rousset, dite Boule de Suif est aussi caricatural Petite, ronde de partout, grasse à lard, avec des doigts bouffis, étranglés aux phalanges, pareils à des chapelets de courtes saucisses... mais l'on s'aperçoit vite que la sympathie de l'auteur lui est acquise.
C'est la seule qui ait tenu tête à l'ennemi et soit obligée de partir pour se soustraire aux ennuis que lui a causé son attitude patriotique. Pour les mêmes raisons, elle refuse de céder au commandant prussien et lorsqu'elle le fait sous la pression des autres, c'est pour elle un sacrifice. D'ailleurs, elle sent honteuse et souillée. De plus, c'est la seule à montrer de la générosité. Elle partage son déjeuner quand les autres voyageurs ont faim alors que ceux-ci refusent de lui parler et de lui donner à manger. A travers ces deux repas pris dans la diligence, le premier où elle offre ses provisions et le deuxième où les autres lui refusent les leurs, se dessinent toute l'hypocrisie des classes sociales supérieures, la cruauté et la bassesse. On sent l'écoeurement de Maupassant, son mépris. Même le prétendu démocrate, Cornudet, n'est pas en reste, qui chante la Marseillaise pour narguer la pauvre fille et la torturer plus longtemps encore que les autres. Il est vrai que ce faisant, il irrite aussi ses compagnons de voyage et se venge de leur dédain.



LA GUERRE

Le thème de la guerre est omniprésent puisque c'est à travers cette situation tragique qui bouleverse le pays que se révèle le caractère de chacun.
Et d'abord le comportement de l'armée française en guenilles, sans drapeau, ni régiment et de la garde nationale qui fusille ses propres sentinelles et " se préparant au combat quand un petit lapin remuait dans les broussailles" et qui disparaît quand l'ennemis arrive. Rodomontade, fanfaronnade, désordre, lâcheté, voilà le comportement de ceux qui sont chargés de la défense du pays.

La suite avec l'occupation allemande est une description qui nous rappelle ce qui s'est passé dans notre pays dans un passé beaucoup moins lointain

La collaboration 
La seule qui refuse la collaboration est Boule de Suif. Elle a des provisions chez elle et aurait pu nourrir des soldats chez elle mais elle ne peut pas supporter cette honte. Alors que tous les autres accueillent les prussiens à leur table et leur font  fait bonne figure
Dans beaucoup de familles, l'officier prussien mangeait à table. Il était parfois bien élevé, et, par politesse, plaignait la France, disait sa répugnance en prenant part à cette guerre. On lui était reconnaissant de ce sentiment; puis on pouvait, un jour ou l'autre, avoir besoin de sa protection.
La résistance
Mais la résistance existe qui est le fait de groupe ou d'individu isolé. Les pêcheurs ou les mariniers retrouvent parfois le cadavre d'un allemand :
Les vases du fleuve ensevelissaient ces vengeances obscures, sauvages et légitimes, héroïsmes inconnus, attaques muettes, plus périlleuses que les batailles au grand jour et sans le retentissement de la gloire.

La critique de la guerre 
La critique de la guerre est menée par les gens du peuple, les paysans en particulier.Une vieille femme constate que c'est mal de tuer son prochain mais que, pendant la guerre, on accorde le plus de médailles à celui qui en tue le plus :
"Non, voyez-vous, je ne comprendrai jamais cela!"
et tous de conclure que ce sont les pauvres gens qui souffrent  toujours le plus quelque soit leur origine, leur pays : ainsi  le soldats prussiens ça ne les amuse pas, la guerre, allez ! Je suis sûr qu'on pleure bien aussi là-bas après les hommes; et ça fournira une fameuse misère chez eux comme chez nous.
ET finalement tous désignent les mêmes coupables  : : "C'est les grands qui font la guerre. »" et ils se demandent si l'on ne devrait pas plutôt tuer tous les rois qui font ça pour leur plaisir ? »

Boule de Suif est une nouvelle extrêmement lucide et sans concession sur la société. Elle est écrite dans une langue très pure, très sobre qui fait ressortir l'ironie mordante de Maupassant avec plus d'acuité. Les descriptions de la neige, du pays gris et désert, sont très belles et servent de cadre désolé au drame qui se joue dans cet environnement hostile.
Un rideau de flocons blancs ininterrompu miroitait sans cesse en descendant vers la terre; il effaçait les formes, poudrait les choses d'une mousse de glace; et l'on n'entendait plus, dans le grand silence de la ville calme et ensevelie sous l'hiver, que ce froissement vague, innommable et flottant de la neige qui tombe, plutôt sensation que bruit, entremêlement d'atomes légers qui semblaient emplir l'espace, couvrir le monde.
Ces "gredins honnêtes", comme les nomme Maupassant, représentent une société haïssable qui n'a aucune morale mais qui se targue d'appartenir à la "bonne société", ce qui leur assure quoiqu'ils fassent - vols, escroqueries, mensonges, adultères, lâcheté, cruauté, hypocrisie, vulgarité, égoïsme, avarice - le respect de leurs pairs et le droit de piétiner ceux qui leur sont inférieurs par le rang.

John Ford  : une transposition du film dans l'ouest américain

 Ringo (John Ford) et Dallas (Claire Trevor) dans La chevauchée fantastique

 Chez Ford, dans La chevauchée fantastique, le huis-clos de la diligence révèle aussi la vérité de chacun.  On est au lendemain de la guerre de Sécession et pendant les guerres indiennes. Voir Wens

Les personnages  ne sont pas aussi noirs que ceux de Maupassant à part, peut-être, l'un d'entre eux.

La prostituée Dallas est expulsée de la ville par le shérif sous  l'impulsion de La ligue de vertu.  Elle se révèlera humaine et chaleureuse.  Elle se montrer compétente et courageuse pendant l'accouchement et l'attaque. C'est un personnage d'une grande valeur intérieure.

La jeune femme Mrs Mallory qui va accoucher est femme d'officier venue rejoindre son mari en garnison.  Elle appartient à la bonne société, a des manières aristocratiques.  Elle n'a rien de commun avec Dallas mais elle est lui reconnaissante de lui venir en aide même si elle ne peut se lier d'amitié avec elle. C'est la seule que le voyage ne ne change pas.

Ringo est une jeune cow boy, simple, naïf, qui s'est échappé d'un pénitencier pour tuer les meurtriers de son frère. C'est un être qui n'est pas corrompu, ce qui lui permet de comprendre la véritable nature de  Dallas et de l'aimer.

Le shérif Curly Wilcox, un homme bourru,  doit surveiller Ringo mais il le protège car il  sait qu'il n'est pas de taille à lutter contre les tueurs.

Hatfield, ancien officier sudiste, est devenu joueur professionnel.  Malgré ses défauts, il se comporte avec courage.

le docteur est un ivrogne. Les horreurs de la guerre de Sécession l'ont poussé à boire. Mais il va se retrouver  lorsqu'il doit faire naître le bébé.

Le palefrenier Peacock est simple d'esprit, il est poltron mais il se montre à la hauteur pendant l'accouchement et l'attaque des indiens.

 Le banquier Gatewood, un arriviste,  fuit la ville avec l'argent de la banque. Il veut abandonner la jeune femme enceinte au moment de l'accouchement. C'est le personnage le plus abject de tous, celui que Ford n'aime pas.

 John Ford est plus optimiste que Maupassant, il a une vision confiante dans la nature humaine si bien que la charge sociale est édulcorée par rapport à la nouvelle. Les hommes et les femmes peuvent avoir des défauts mais ils ne sont pas entièrement mauvais. Ils vont se sentir concernés par la naissance de l'enfant qui représente l'espoir et être régénérés par les épreuves qu'ils ont vécues.

samedi 18 février 2012

Un livre/ Un film : énigme N°22




Wens de En effeuillant le chrysanthème et moi-même, nous vous proposons, le samedi, un jeu sous forme d'énigme qui unit nos deux passions : La littérature et le cinéma! Il s'intitule : Un livre, Un film.

Chez Wens vous devez trouver le film et le réalisateur, chez moi le livre et l'auteur.

Consignes :  Vous pouvez donner vos réponses par mail (que vous trouverez dans mon profil) : Qui êtes-vous? et  me laisser un mot dans les commentaires sans révéler la réponse pour m'avertir de votre participation. Le résultat de l'énigme et la proclamation des vainqueurs seront donnés le Dimanche.
Enigme 22

Cette nouvelle qui atteint  à la perfection du genre a assuré le succès littéraire d'un écrivain français du XIXème siècle. Tous les thèmes chers à l'auteur y sont rassemblés. L'héroïne éponyme se nomme Elizabeth R. mais est plus connue par son surnom Le texte cité en extrait vous permet de savoir à quelle époque et dans quelles circonstances se déroule le récit. La nouvelle est plus facile à trouver, me semble-t-il, que le film qui ne porte pas le même titre :  Allez voir chez Wens ICI

  La Garde nationale qui, depuis deux mois, faisait des reconnaissances très prudentes dans les bois voisins, fusillant parfois ses propres sentinelles, et se préparant au combat quand un petit lapin remuait sous des broussailles, était rentrée dans ses foyers. Ses armes, ses uniformes, tout son attirail meurtrier, dont elle épouvantait naguère les bornes des routes nationales à trois lieues à la ronde, avaient subitement disparu.
      Les derniers soldats français venaient enfin de traverser la Seine pour gagner P. par S. et B.  et, marchant après tous, le général désespéré, ne pouvant rien tenter avec ces loques disparates, éperdu lui-même dans la grande débâcle d'un peuple habitué à vaincre et désastreusement battu malgré sa bravoure légendaire, s'en allait à pied, entre deux officiers d'ordonnance.
      Puis un calme profond, une attente épouvantée et silencieuse avaient plané sur la cité. Beaucoup de bourgeois bedonnants, émasculés par le commerce, attendaient anxieusement les vainqueurs, tremblant qu'on ne considérât comme une arme leurs broches à rôtir ou leurs grands couteaux de cuisine.

vendredi 17 février 2012

Des mots une histoire : Dessin d'enfant

Joan Miro : le coq


Texte écrit dans le cadre de l'atelier d'écriture d'Olivia : Des mots, une histoire



 Dessin d'enfant

La caroncule en fleur, le coq mène la danse
climatique, 
 plumes au vent, solo de clarinette ardent
Où le soleil dans le ciel roule
Comme le ballon d'un enfant   
Le loup mange le Chaperon sans préparation culinaire, 
De son repas roboratif, il hoquète  
et sommeille encore. 
Andante...
Le chat est en apesanteur, il sanglote dans son mouchoir,
Dans son vertige violoncelle,
Il est emporté sur la lame de l'air du temps
et ritournelle...
Sur son grillage, le grillon grillonne et gratte sa guitare,
Le chapon, le mouton et l'âne lancent leur chant, Hum!
 Délicieux!   
Le chien est sans contexte un chien même s'il a un oeil en verre,
Et le dragon dans son couffin comme dans un livre d'images
semble sortir d'un catalogue de jouets, de fées, de lutins,
malicieux! 
Allegretto...
Et les allumettes pianotent en éclairs qui saignent et tempêtent,
Quand l'enfant aux doux barbouillages, trace à grands traits de feux
de flammes, 
             de rires légers, scintillants,
des croquis en vie qui s'animent, tourbillonnent, et nous chavirent.
Quel menuet molto vivace !
                               Renaît en moi, alors, l'enfance!





Ce poème a été écrit dans le cadre de l'atelier d'écriture d'Olivia : Désirs d'histoire. Les mots imposés étaient les suivants : grillage – chat – andante – apesanteur – caroncule – chant – contexte – plume – couffin – barbouillages – croquis – enfant – lame – livre – vertige – saigner – chapon – climatique – catalogue – match – roboratif – sangloter – allumettes – mouchoirs – enfance – préparation – délicieux

jeudi 16 février 2012

Une citation de George Sand : Il est l'homme de tous les temps...


J'ai énormément aimé Le péché de M. Antoine de George Sand! Je  présenterai bientôt ce roman dans un billet. Mais j'ai choisi aujourd'hui cette citation qui met en cause ceux qui abusent de leur pouvoir (qu'il soit comme ici paternel, religieux ou d'état) pour amener ceux qui dépendent d'eux à renier leur opinion et à faire taire leur conscience.

Ne l'accusez pas de tant de perversité : il est l'homme de notre temps,* que dis-je? Il est l'homme de tous les temps. Le fanatisme ne raisonne pas et votre père est un fanatique; il brûle et torture l'hérésie, croyant faite honneur à la vérité. Le prêtre qui vient nous dire à notre dernière heure : "crois, ou tu seras damné", est-il beaucoup plus sage ou plus humain? L'homme puissant qui dit au pauvre fonctionnaire et à l'artiste malheureux : "sers-moi et je t'enrichis", ne croit-il pas lui faire une grâce et lui octroyer un bienfait?

* le père d'Emile,  le jeune héros socialiste de George Sand veut amener le jeune homme à renoncer à ses idées en l'achetant.



mercredi 15 février 2012

Les aventures d'une taguée : Reine des Neiges ou rat Ramoli?

Album / La princesse des neiges illustration de Ruth Sanderson source


 Le tag de Jeneen :  Il faut répondre avec des titres de livres au tag de Jeneen; je me suis octroyée le droit (en tant que Reine : cf ci-dessous) de remplacer, parfois, des titres par des citations. Pardonne-moi, la Korrigane!

Comment te sens-tu? La Reine des Neiges (Andersen) 
(Quitte à  se geler autant ne pas être prolétaire! Il faut bien une consolation!)

Décris là où tu vis actuellement Avignon, Isle sonnante (Pantagruel, Rabelais)
 (Il y a moins de cloches maintenant! Enfin ça dépend ce que l'on entend par cloche!)

Si tu pouvais aller n'importe où, où irais-tu?Mort à Venise Thomas Mann
(la mort en moins SVP! Cette idée! Il y a tout de même autre chose à faire à Venise!)

Ton, ta, tes meilleur(e)(s) ami(e)(s) est(sont) : Les filles du feu (Nerval) pour me réchauffer à leur amitié avec mon poète chéri.

Toi et tes amis, vous êtes? : le cercle littéraire des amateurs d'épluchures de pomme de terre (avec les livres mais les épluchures, j'en doute!)

Comment est le temps? ah! comme la neige a neigé  (poème de Emile Nelligan)
 (Même pas vrai. Chez nous il glace mais il ne neige pas! Immoral!)

Ton moment préféré de la journée? : Mon coeur qui s'oublie aux soleils couchants ( poème Verlaine) (C'est beau, hein?)

Ton animal préféréLes chevaux noirs des Carpates (Gheorgiu) 
(S'ils ne sont pas noirs et s'ils ne sont pas des Carpates, ça va aussi!)

Ton moyen de transport préféré La grande course de Flanagan (Tom MC Nab)
 (Là, je frime! j'aime beaucoup le roman qui m'a donné envie de courir pendant au moins... et sur une distance de... mètres! )

Ta passion : " Le commerce des livres me console en la vieillesse et en la solitude..." "Il émousse les pointures de la douleur, si elle n'est pas du tout extrême et maîtresse. Pour me distraire d'une imagination importune, il n'est que de recourir aux livres..." (Montaigne)

Le défaut qui t’horripile le plusOrgueil et préjugés (Jane Austen)
(j'ai copié sur toi Jeneen)

Le métier qui ne te fait pas rêver Une belle canaille (Wilkie Collins) quel que soit le métier mais surtout chez les politiques!

Ton histoire d’amour : ... Mais c'est notre amour à tous deux (Aragon)

Qu'est-ce que la vie pour toi? : puisque vivre si prudent qu'on se veuille, c'est brûler (Philippe Jacottet)

Ta peurCent ans de solitude (Gabriel Garcia Marquez)

Pensée du jour :   La vie, c'est comme un cône glacé; il faut savourer chaque bouchée (Snoopy Schlutz)

Comment aimerais-tu mourir ? : Ou même à la grande rigueur ne pas mourir du tout (Brassens)

La condition actuelle de mon âme : Les filles du froid  (Jack London)

Ton rêve le plus cher? : Les grandes espérances (Charles Dickens)

Quel est le meilleur conseil que tu as à donner? : Cueillez dès à présent les roses de la vie (Ronsard/ Epicure) et je ne blague pas, faites-le!




Le tag de Cériat

1. Quel personnage aimerais-tu être ? ( personnages réels ou fictifs )
 Le Père Noël parce que j'aime qu'on m'aime ou le célébrissimo  rat Ramoli de Cériat

2. Si l’on t’attribuait une planète nouvellement découverte, comment la nommerais-tu ?
  Trinitad : Liberté, Amitié, Tolérance

3. Dans lequel des pays visités par Phileas Fogg aurais-tu aimé séjourner ?( à son époque )
 En Inde,  à Bombay, mais j'accepte, si tu m'envoies un chèque, Cériat,  d'aller visiter le pays actuellement. (idem pour tout autre mécène)

4. Si tu étais un animal fabuleux, lequel serais-tu ? ( licorne, phœnix, Minotaure, etc…) Le phoenix pour renaître de mes cendres! Mes ennemis  ne pourraient jamais se débarrasser de moi, mes amis non plus!!
 
5. Quel personnage mythique serais-tu ? ( vampire, fée, elfe, etc…)
Une fée avec une baguette magique capable de tout faire même le ménage! (parce qu'en général dans les livres, les fées doivent faire le ménage elles-mêmes et LA, on se demande bien à quoi servent leurs pouvoirs!)
 

6. Quel personnage de livre pour enfant aurais-tu aimé être ?
Peter Pan pour voler et me battre avec le Capitaine Crochet.
 

7. Si tu étais la petite souris, à qui n’aurais-tu pas donné de pièce ?
Au méchant chat, forcément! Pas bête la guêpe! (la souris, je veux dire!)
 

8. Dans quelle comédie musicale aurais-tu aimé jouer ?
Chantons sous la pluie à la condition d'être Gene Kelly et de danser aussi bien que lui!

9. Es-tu Seigneur des Anneaux ou Pirates des Caraïbes ?
Le Seigneur des anneaux, il fait plus peur que le pirate J. Depp!

10. Si tu pouvais voyager dans l’espace, quelle planète visiterais-tu ?
Euh! Je ne peux pas rester sur terre?

11. Si tu pouvais ressusciter un dinosaure, lequel choisirais-tu ?
Le tyrannosaurus (à condition de l'apprivoiser pour qu'il me mange dans la main!)(non je n'ai pas dit  LA main mais DANS la main!)

lundi 13 février 2012

Metin Arditi : Le Turquetto

Le Titien : L'homme au gant musée du Louvre

Il existe, nous dit Metin Arditi, avant de commencer cette brillante biographie, une oeuvre du Titien exposée au Louvre : L'homme au gant. Elle est signé Ticianus mais des analyses récentes semblent prouver que le Titien n'en est pas vraiment l'auteur. Serions-nous en face d'un tableau du Turquetto,  élève du Titien, un des peintres les plus brillants de son siècle?
Le Turquetto de Metin Arditi nous fait voyager dans l'espace, de Constantinople à Venise, et dans le temps pendant la Renaissance au début du XVI ème siècle. Nous suivons les aventures d'un jeune garçon, Elie Soriano d'origine juive qui vit à Constantinople. Son père et Arsinée qui lui tient lieu de mère sont tous deux des vendeurs d'esclaves. Passionné par le dessin, Elie sait que sa religion lui interdit la représentation figurative. Aussi à la mort de son père, il s'enfuit et gagne Venise où il se fait passer pour chrétien. Ses talents exceptionnels lui permettent d'entrer dans l'atelier du Titien et bien vite d'égaler son maître voire de le surpasser. Elie surnommé le Turquetto devient le peintre le plus couru de Venise et réalise de magnifiques tableaux pleins de sensibilité. Hélas! toutes ces oeuvres seraient promises au bûcher et lui-même condamné à mort si l'on découvrait qu'il est juif!
Le Turquetto se lit d'abord comme un livre d'aventures, un roman picaresque, enlevée, vivant, qui nous promène dans le bazar de Constantinople au milieu de personnages hauts en couleurs puis dans la richissime Venise, toute revêtue d'or où  règnent la corruption, l'envie, la cupidité, la misère et l'intolérance. Les courtisans sont vaniteux et cruels, les juifs sont enfermés dans le ghetto et ne peuvent en sortir le jour qu'affublés d'un béret jaune, les bûchers de l'inquisition sont toujours prêts à s'allumer pour traquer l'hérétique ou pour brûler les oeuvres d'art. Nous apprenons beaucoup sur cette période sans que l'érudition de l'auteur ne vienne alourdir le récit ou le freiner. Metin Arditti nous fait partager ses connaissances de l'art de la Renaissance. Il nous en fait découvrir les aspects techniques mais en parle aussi avec sensibilité. Un artiste est d'abord quelqu'un qui sait regarder, don que possède le Turquetto  qui allie , dans sa peinture, la spiritualité  à la sensualité. C'est donc avec un vif plaisir que l'on suit l'histoire de cette existence parfois triste et douloureuse, consacrée à l'art. 
 Comme presque tous les dessins d'Elie, celui-ci serait "pour la pile". Elie s'asseyait en tailleur, fermait les yeux, cachait son visage de ses mains et, tout à l'intérieur de lui-même, s'imaginait en train de dessiner. Une mine de plomb à la main, il traçait un premier trait, par exemple un ovale de visage ou une ligne d'épaule, puis un deuxième, comme s'il dessinait vraiment, et ainsi de suite jusqu'à ce que le dessin soit en place. Il le regardait alors avec intensité, ajoutait ici une ombre, là un dégradé, fronçait un regard, marquait une tension sur un muscle, exactement comme si tout ce qu'il faisait était réel. Après quoi il regardait le dessin en y mettant toutes ses forces, s'en imprégnait jusqu'au plus infime détail, et le déposait sur le haut d'une pile, imaginaire elle aussi, dans un coin précis de la pièce minuscule qu'il partageait avec son père.
Le plus étrange, lorsqu'il dessinait pour la pile, touchait à la violence des émotions qui le traversaient. Dans de tels instants, un sentiment de suprématie le portait tout entier. Rien ne lui semblait impossible. Il travaillait à la plume, au pinceau, ou à la mine d'argent, utilisait mille couleurs, donnait des effets d'ombre ou de clair-obscur, en un mot, il dessinait selon son bon vouloir. Il était, enfin, maître de sa vie.
 Elie est un personnage intéressant qui tire la leçon de ce qu'il a vécu. Il prend conscience qu'il a toujours été guidé par la vanité, qu'il a trahi tous ceux qui l'aimaient pour sa satisfaction personnelle. Ainsi, il s'est servi de sa peinture pour satisfaire ses désirs, son orgueil, au lieu de s'effacer derrière son art. Enfant, Elie méprisait son père, brisé par la misère, courbé par la maladie et les malheurs, sans énergie pour lutter. Ce n'est qu'à la fin du récit qu'il pourra l'accepter et le peindre : Il l'avait représenté en pauvre bougre, tel qu'il était. La vieillesse apporte à Elie la sagesse et la reconnaissance des véritables valeurs. 
Un roman très agréable donc, qui se lit avec beaucoup de plaisir. Pour les curieux j'ajouterai que, malgré les apparences, le personnage est fictif! Ce peintre n'a pas existé!
Le roman est souvent comparé à celui de Mathias Enard : Parle leur de batailles, de rois et d'éléphants  mais je préfère nettement celui-ci;

LIVRE VOYAGEUR :  inscrivez-vous!

Metin Arditi : écrivain suisse d'origine turque.

Voir l'article de Hélène Lecturissimo




Knister/ Eve Tharlet : Promis, c'est promis!



Promis, c'est promis! de Minedition est un très joli objet, un mini-livre dans un étui en carton décoré de fleurs printanières, laissant apparaître, par une ouverture circulaire, les deux personnages de l'histoire, Camille, la petite marmotte, et la fleur de pissenlit.

Les marmottes ont dormi tout l'hiver, aussi quand Camille se réveille, il est tout heureux de découvrir la nature dans son premier printemps. Au cours de ses promenades, il rencontre une fleur de pissenlit dorée et rayonnante qui va devenir son amie. Mais la fleur change rapidement et un jour elle arbore une jolie tête toute blanche. Lorsqu'elle lui demande de souffler sur elle, elle promet aussi à Camille que tout ira bien. Camille obéit et, à son grand désespoir, voit la fleur disparaître. Il est d'abord découragé mais... : " Promis, c'est promis", il doit faire confiance à son amie jusqu'au printemps prochain!

Le texte de Knister permet aux tout-petits de comprendre le cycle des saisons et de constater que le printemps préside à la renaissance des fleurs, au renouveau de la nature. C'est aussi un récit sur la confiance que l'on doit avoir entre de véritables amis.

Les illustrations d' Eve Tharlet sont tout en délicatesse et douceur, des teintes bleutées et froides pour l'hiver, pastels pour célébrer le renouveau de la nature et lumineuses et chaudes pour peindre la beauté de la fleur de pissenlit semblable à un soleil aux yeux de la petite marmotte.


Merci à la Librairie Dialogues pour ce joli petit album (à partir de 3 ans)

dimanche 12 février 2012

Kate Morton : Les brumes de Riverton et Captive de Margaret Atwood




 Les brumes de Riverton de Kate Morton est ce qu'il est convenu d'appeler une saga à propos d'une grande famille anglaise de l'époque victorienne. Il s'agit des Hatford qui possèdent le château de Riverton ou Grace, une jeune fille de quatorze ans, est embauchée comme bonne. Le récit est raconté de son point de vue lorsque, à l'âge de 98 ans et à la suite d'un film où la réalisatrice sollicite ses souvenirs, le passé remonte à sa mémoire avec ses moments heureux mais aussi ses  tragédies et ses secrets. Grace fait revivre l'adolescence des soeurs Hatford, Hannah et Emmelyne et de leur frère David. Elle raconte la vie de la domesticité mais aussi des maîtres à cette époque et nous livre les secrets de sa maîtresse Hannah qu'elle aime comme une soeur.  C'est bien sûr aussi son histoire que nous devinons en filigrane derrière le récit. A travers l'histoire des Hatford et de leur décadence, nous assistons à un changement de société et de mentalité avec les bouleversements  apportés par le changement de siècle et la guerre de 1914.

L'intérêt du livre tient pour moi à la connaissance historique de l'auteur, en particulier, des moeurs de l'époque victorienne que Kate Morton fait revivre devant nous. Je me suis intéressée à la vie de la domesticité dans une grande maison, aux préparations des repas et des fêtes, à la hiérarchie qui règne entre les domestiques aussi stricte que celle qui existe chez les Grands. Kate Morton nous dit qu'elle s'est inspirée entre autres, du film de Altmann, Gosford Park et, en effet, elle a su rendre cette atmosphère fébrile et solennelle qui fait d'un dîner une affaire d'honneur sinon d'état! La construction du récit est habile et bien menée puisque l'on ne comprendra qu'à la fin ce qui s'est réellement passé et pourquoi Grace se sent coupable. Les qualités du roman, facile à lire, "romanesque", histoire d'amour, jalousie, drames  ont plu puisqu'il est devenu un best seller. Personnellement, je l'ai lu sans déplaisir mais sans parvenir à me passionner entièrement pour ces personnages, peut-être parce qu'ils sont trop lisses, trop éloignés d'une réalité sociale qui était sans pitié pour les classes humbles.

On a comparé ce roman à celui de Margaret Atwood, Captive qui met en scène (à partir d'une histoire vraie) une servante, elle aussi dénommée Grace, accusée d'avoir tué son patron. Mais la ressemblance s'arrête là!  Pour moi, les deux romans ne sont pas  de la même force, n'ont pas la même ambition! Le roman de Margaret Atwood va beaucoup plus loin dans l'analyse sociale et psychologique des personnages. Atwood ne se contente pas de nous raconter une histoire comme le fait Kate Morton pour "faire plaisir", elle brosse un tableau très noir de la condition des femmes employées dans une grande maison et ses oeuvres sont en général un cri de protestation contre les violences qui leur sont faites et le mépris dans lequel on les tient. Lorsque Kate  Morton raconte la séduction d'une petite bonne (la mère de Grace) engrossée par le fils de la maison, elle montre le séducteur devenu vieux - toujours amoureux des années après- venir pleurer sur la tombe de la dulcinée qu'il n'a pu épouser. Quand Margaret Atwood écrit sur le même sujet, elle montre la jeune fille brisée, abandonnée avec mépris par celui qu'elle aime, chassée, se vidant de son sang jusqu'à la mort, à la suite d'un avortement pratiquée à la sauvette par un charlatan, une scène décrite avec un tel brio, une telle cruauté et en même temps une telle sobriété que le lecteur ne l'oubliera jamais.



Kate MORTON

Titulaire d'une maîtrise sur la littérature victorienne, férue de gothique, l'australienne Kate Morton est depuis toujours fascinée par les romans d'atmosphère. Son premier roman, Les brumes de Riverton, écrit à 29 ans, est un succès mondial, bientôt suivi par Le jardin des secrets paru aux Presses de la Cité. Mariée à un compositeur, elle est mère de deux enfants.



Ce livre a été lu dans le cadre du Challenge des 12 d'Ys sur les écrivains d'Australasie

Les autres écrivains  que j'ai lus dans la liste d'Ys et sur lesquels j'ai écrit un billet :