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lundi 13 février 2017

Molière : Le Misanthrope mise en scène de Clément Hervieu-Léger à la Comédie française

Le misanthrope de Molière à la Comédie française  mise en scène de Clément  Hervieu-Léger : Oronte, Célimène, Alceste
Le Misanthrope mise en scène de Clément  Hervieu-Léger : Oronte, Célimène, Alceste
J’ai eu la chance d’assister à la représentation de la pièce de Molière Le Misanthrope à la Comédie française, mise en scène par Clément Hervieu-Léger retransmise au cinéma à Avignon et dans 300 salles de cinéma le 9 Février. Quel bonheur de pouvoir assister à distance à une mise en scène que j’étais curieuse de découvrir à force d’en entendre parler !

L’actualité du Misanthrope

Célimène et Alceste
Disons tout de suite - parce que c’est un détail de la mise en scène- que le metteur en scène Clément Hervieu-Léger a transposé l'action dans notre monde contemporain, ce qui se justifie aisément par l’universalité des propos de Molière.
Et oui, Le Misanthrope est si actuel, si vrai, que je pensais en voyant la pièce, à ces hommes politiques qui font campagne actuellement et à ces classes sociales mondaines qui détiennent l'argent et le pouvoir et qui ont peu changé depuis le XVII siècle : un milieu où celui qui est le plus méchant est considéré comme celui qui a le plus d’esprit et l’emporte sur l’autre. Autrement dit, l’art de dire des vacheries et d’être le plus rosse porté à sa quintessence. Les rumeurs, les moqueries, les médisances ne cessent de circuler et ressortent au bon moment pour blesser celui qui en est la victime. J'ai noté, à ce propos, une trouvaille de mise en scène qui en dit long sur cette société. Les petits marquis reprennent à la fin de l'acte II la chanson traditionnelle qu’Alceste a citée comme le modèle du bon goût dans la scène 2 de l'acte I : " Si Henri m’avait donné Paris sa grand ville/ je dirai au roi Henri… ». On apprend ainsi que les commérages se propagent derrière son dos et qu' Alceste est la cible des moqueries de tous.
On peut y ajouter l’hypocrisie, toutes ces protestations d’amitié et de respect pour mieux poignarder l'adversaire quand il a le dos tourné ! Car c’est bien cela que Molière dénonce, entre autres dans sa pièce, à travers Célimène, Arsinoé et les petits Marquis. Et il s'en prend aussi à la justice qui  jugera en fonction des appuis, des amitiés politiques, des avocats dont vous bénéficiez. C’est ce qui arrive à Alceste qui a le bon droit pour lui mais perd son procès parce qu’il n’a pas voulu jouer ce jeu malhonnête .

Alceste un personnage tragique

Le Misanthrope Alceste et Oronte
Le Misanthrope Alceste et Oronte
Quand j’étais lycéenne, j’adorais Alceste, sa révolte, son dégoût de cette société corrompue et mensongère. Je trouvais qu’il y avait un certain panache et une réelle grandeur dans ce personnage. Quant à son amour, je le voyais comme une passion romantique et fatale.
 Ce n’est pas ainsi que nous le montre Clément Hervieu-Léger. Il a choisi de mettre en valeur le côté noir de la pièce et d’en souligner  le pessimisme. En effet, Alceste est un personnage tragique et s’il fait rire autour de lui, sa souffrance est exacerbée. Sa haine du genre humain est telle que l’on ne peut plus (c’est du moins ce que j’ai ressenti) avoir de l’empathie pour lui du moins dans cette mise en scène. On le voit s’enfoncer dans la dépression, la déraison et même la folie. Hors de lui, c'est le terme qu'il faudrait employer lors de cette scène très bien interprétée par Loïc Corbery  où Alceste se jette sur Célimène, la brutalise et semble prêt à la prendre de force avant de revenir à la conscience. Le personnage y perd de sa grandeur, il devient objet de rejet, presque de répulsion. Il est même inquiétant et fait le vide autour de lui. La misanthropie est ici traitée comme une maladie grave. Mais l’amour aussi est une maladie quand elle est vécue comme le vit Alceste. Rien de romantique ici, c’est une souffrance entièrement négative, qu’Alceste vit à son corps défendant et qui ajoute à son angoisse. Je n’avais jamais vu interpréter cette pièce avec une telle noirceur et j’ai trouvé ce point de vue passionnant. 

Philinte, un personnage qui n’a pas sa place

Dans Alceste à bicyclette
Pourtant ce qui m’a un peu gênée, c’est qu’en accordant une telle importance à Alceste, le metteur en scène laisse moins de place à son ami Philinte qui par contraste paraît effacé. Non qu’il soit mal interprété. Au contraire, j’ai aimé la sobriété de Eric Génovese mais Alceste présente une telle démesure dans son interprétation qu’il exclut l’équilibre et la tempérance. Or, c’est ce qu’incarne Philinte qui est le type de « l’honnête homme ». On se souvient qu’il représente le juste milieu, la modération, la sagesse. Il est aussi important pour Molière qu'Alceste. Or, le juste milieu n’a pas l’air d’avoir vraiment intéressé C. Hervieu-Léger. On pourrait dire la même chose de la « sage » Eliante (Jennifer Decker). A mon avis, la mise en scène en fait un peu trop une pâle copie de Célimène en particulier dans la scène des portraits, où on la fait jouer d’une manière coquette, petite fille, primesautière. Pourtant elle est le pendant de Philinte et non de Célimène.

Célimène, encore mystérieuse

Cécile Sorel dans le rôle de Célimène
Il me reste encore bien des interrogations sur ce personnage. Célimène reste pour moi un mystère. Le plus souvent, elle est considérée comme une coquette voire une allumeuse. Je me souviens l’avoir vue à Marseille dans une mise en scène où elle était la tenancière d’une maison close ! Oui, je sais, c’était vraiment exagéré ! Intelligente, observatrice, spirituelle, elle est certainement une grande dame à l’égal de ceux qu’elle fréquente et qu’elle mystifie. Mais est-elle vraiment leur égale ? Si un Oronte ou un Alceste, la grande bourgeoisie, veulent l’épouser, en est-il de même des petits marquis,  noblesse de cour fière de ses titres, qui veulent peut-être tout simplement la mettre dans leur lit. A moins qu'elle ait une grande fortune ? Et pourquoi se conduit-elle ainsi ? Elle dit elle-même qu’elle ne le sait pas. Il est curieux de voir qu'elle n'a de parents pour veiller sur elle, personne pour lui dire qu'elle se conduit dangereusement dans une société qui n'attache d'importance qu'au paraître. J'ai lu dans une critique de presse que la robe noire portée par Célimène au début de la pièce pourrait être un signe de deuil. Le metteur en scène voudrait-il indiquer qu'elle a perdu ses parents ? C'est peut-être aller trop loin ?

Clément Hervieu-Léger en fait aussi un personnage tragique. Elle a l’air de souffrir de ses propres atermoiements, de ses errances, ce que la comédienne interprète parfaitement. On la sent douloureuse, hésitante, inquiète.  Ce qu’il y a de certain, c’est que dans le dénouement elle est mise au ban de cette société qu’elle aime tant et l’on se demande comment elle pourra vivre après le scandale qui l’éclabousse. Et là encore le jeu est d’une grande violence.

 Je n'ai pas aimé par contre son interprétation sans relief des portraits dans la scène 4 de l'acte II, trop entrecoupée de fous rires peu naturels et souvent perturbée par  les autres personnage qui se lèvent de table et se rassoient, boivent... En fait, ils étirent l'action, ajoutent des longueurs inutiles et détournent l’attention.  Le spectateur n'a pas le temps de "voir", de savourer cette galerie de personnages passés au crible de l'esprit et des talents redoutables de Célimène. Le repas dans ce hall désaffecté qui est tout sauf une salle à manger m'a de plus gênée. On se demande bien pourquoi elle les reçoit là.
D'ailleurs d'une façon générale, je n'ai pas aimé le décor. Je veux bien que ce soit le hall d’un hôtel particulier (celui de Célimène) pour respecter la règle de l’unité de lieu du théâtre classique; mais pourquoi en réfection, avec des meubles couverts de draps, un lustre par terre, des escaliers sans grâce? Du coup, le lieu paraît désaffecté, en désordre, mal éclairé, et accroît mes questions - sans toutefois y répondre-  sur le statut social et la fortune de Célimène.

La prude Arsinoé, une interprétation originale

Arsinoé : Florence Vial
La scène entre Arsinoé et Célimène où les deux comédiennes rivalisent d'agressivité sous des dehors de politesse cérémonieuse est excellente. Le duo est interprété avec brio et l'on a, ici, le temps de savourer l'esprit de répartie, l'acrimonie des deux "amies".
 Florence Vial incarne une Arsinoé surprenante pour moi qui ne l’avais jamais vue que ridicule : une coquette très âgée, usée, poudrée de blanc, prude et vertueuse parce qu’elle ne peut plus avoir de vie amoureuse. Dans cette mise en scène, elle n’est plus ridicule. Elle est interprétée par une femme encore jeune, élégante et qui a de la classe. Sa réaction quand Célimène se moque de son âge avancé (40 ans au XVII siècle!! ) ne manque pas d’une certaine dignité et l’on n’a pas envie de rire de sa colère et de sa blessure. Au contraire, l'on sent que c'est une femme qui a du répondant et qui peut être dangereuse. Elle a certainement des appuis puissants et est plus habile (et plus retorse) que Célimène pour l'emporter dans la société comme la  suite le prouvera.

Le spectacle filmé

Alceste et Arsinoé
J'ai trouvé que la pièce était bien filmée et que la caméra mettait en valeur les réactions des personnages au bon moment, avec beaucoup de pertinence. On voyait mieux les comédiens que si l'on était dans la salle grâce aux gros plans sur leur visage et l'on entendait bien.  Alors que j'ai lu des critiques qui se plaignaient du manque de clarté dans la diction des comédiens et du fait que l'on n'entendait pas toujours. 



 En résumé :
Passionnante, c’est le mot pour la mise en scène de cette grande pièce qui peut donner lieu à tant d’interprétations différentes. J'ai été ravie de pouvoir assister à une représentation de cette qualité.

samedi 11 février 2017

Lars Pettersson : La loi des Sames




Lars Pettersson est suédois. Au cours d’un reportage, en 1990, il découvre le pays des Sames (un peuple de Laponie) à Kautokeino en Norvège, dans le comté du Finnmark.  Il faut savoir que les  Lapons dont les Sames sont installés sur trois pays, la Finlande, la Suède et la Norvège, au-delà du cercle polaire, et que les rennes ne connaissent pas de frontières !

Dans La loi des Sames, Anna est procureur en Suède. D’origine sami, elle s’est éloignée de son peuple parce que sa mère a fui sa famille qui vit à Kautokeino pour s’installer à Stockholm. Elle a épousé un suédois si bien que Anna a été élevée en Suède. Pourtant lorsque sa famille, en raison de ses connaissances juridiques, l’appellent au secours de son cousin Nils, éleveur de rennes, accusé de viol, elle n’hésite pas.  Ce pays, elle ne le connaît que par quelques lointains souvenirs de vacances quand elle était enfant. Aussi l’on peut dire que c’est pour elle une découverte. Elle va être soumise non seulement aux rigueurs de l’hiver mais aussi aux problèmes de mentalité.

La loi des Sames est un roman policier. Anna va mener son enquête avec un policier local et va vite se demander si son cousin est aussi innocent que tous le prétendent. Mais elle comprend aussi que la survie de la famille est en jeu car Nils est le seul  à pouvoir maintenir le troupeau (le grand père est trop âgé). Elle prend conscience que sa mère en quittant Kautokeino a trahi sa famille et que sa culpabilité rejaillit sur elle, sa fille.
Anna va être aussi confrontée à des meurtres dont elle s’apercevra bien vite qu’ils ne sont pas étrangers aux vols de bêtes que les grands propriétaires-éleveurs font subir à ceux qui sont les plus faibles. Entre la loi norvégienne ou suédoise et la loi same, implicite, celle de la tradition, existe un hiatus que rien ne semble vouloir combler. Entre les deux, Anna va connaître bien des tiraillements et des problèmes de conscience. C’est un thème que j’ai trouvé très intéressant de même que la découverte du passé et du caractère de sa mère disparue depuis peu. Quant à l'héroïne, on peut dire qu'elle n'a pas froid aux yeux et qu'elle n'est pas une faible femme !
Mais ce que j’ai préféré, bien sûr, c’est la description de ce pays rude tout autant que son peuple, qui ne fait pas de cadeau et où le moindre accident de voiture ou de scooter des neiges peut se transformer en catastrophe  : routes enneigées,  lacs gelés et  cieux noirs parfois illuminés d’aurores boréales. Et puis, la découverte des coutumes, des traditions, des costumes sames dont les couleurs vives et gaies semblent vouloir lutter contre la maussaderie du climat, de la culture avec le Joik, ce chant sami si caractéristique et bien sûr tout ce qui concerne l’élevage des rennes pour tous les éleveurs qui ne se sont pas sédentarisés.

Pour moi, ce livre est d’autant plus intéressant que je vais partir en Norvège au mois de Mai dans le pays des Sames, à Alta et à Kautokeino, au moment de la transhumance des rennes. D’après les critiques, il paraît que les romans d’Olivier Truc sur le même sujet, sont plus réussis que celui-ci mais je ne peux pas comparer car je ne les ai pas encore lus.  Mais… cela ne va pas tarder !

jeudi 9 février 2017

Victor Hugo : Bon conseil aux amants

L'ogre (détail du Chat botté) de Gustave Doré


Bon conseil aux amants est un poème de Victor Hugo. Il montre que le poète n'était pas toujours sérieux au cas où vous en auriez douté !

Bon conseil aux amants

Un brave ogre des bois, natif de Moscovie
Était fort amoureux d'une fée et l'envie
Qu'il avait d'épouser cette dame s'accrut
Au point de rendre fou ce pauvre cœur tout brut

L'ogre, un beau jour d'hiver, peigne sa peau velue
Se présente au palais de la fée et salue
Et s'annonce à l'huissier comme prince Ogrousky
La fée avait un fils, on ne sait pas de qui

Elle était ce jour-là sortie et quant au mioche
Bel enfant blond nourri de crème et de brioche
Don fait par quelque Ulysse à cette Calypso
Il était sous la porte et jouait au cerceau

On laissa l'ogre et lui tout seuls dans l'antichambre
Comment passer le temps quand il neige en décembre
Et quand on n'a personne avec qui dire un mot ?
L'ogre se mit alors à croquer le marmot

C'est très simple, pourtant c'est aller un peu vite
Même lorsque on est ogre et qu'on est moscovite
Que de gober ainsi les mioches du prochain
Le bâillement d'un ogre est frère de la faim

Quand la dame rentra, plus d'enfant. On s'informe
La fée avise l'ogre avec sa bouche énorme
"As-tu vu, cria-t-elle, un bel enfant que j'ai ?"
Le bon ogre, naïf, lui dit : "Je l'ai mangé"

Or c'était maladroit. Vous qui cherchez à plaire
Ne mangez pas l'enfant dont vous aimez la mère.


Version de Julos Beaucarne, chanteur et poète belge, dont je n'ai pu trouver l'interprétation savoureuse sur you Tube.




mardi 7 février 2017

Claudie Gallay : Seule Venise

Zoran Music : Venise

Je suis allée à la médiathèque avec la liste de tous les titres que j’avais glanés dans vos blogs mais… Je n’en ai trouvé que deux. Seule Venise de Claude Gallay est un de ceux-là.



Ma première remarque concerne la minceur et le manque d’originalité de l’intrigue; je crois avoir lu cette histoire des dizaines de fois.

Un femme, la quarantaine,  est « plaquée », pour reprendre ses termes, par son amant : souffrance insupportable, tentative de suicide, anéantissement proche de la folie … Alors, l’héroïne craque, casse sa tirelire et part à Venise pour une durée indéterminée. Elle s’installe dans une pension et se lie d’amitié avec un vieux prince russe qui a fui la révolution (en effet, il doit être vieux !) et elle rencontre un libraire qui lui prête des livres et dont elle tombe amoureuse…. Je ne vous en dis pas plus.
Bon, d’abord, bonjour les poncifs, le prince russe à Venise, le libraire obligatoirement séduisant …  Aucun personnage n’a vraiment une épaisseur psychologique. Ce sont des figures que l’on peut désigner par leur titre ou leur métier, le prince, la danseuse, l’aubergiste etc.. mais ils n’existent pas, pas même elle, l'amoureuse désespérée, qui manque de vraisemblance : suicidaire mais prête à remplacer son grand amour une semaine après son arrivée à Venise ! Accompagnatrice dans des voyages en Italie, mais complètement ignare, elle semble n’avoir jamais rien lu. En dehors de cela, on sait peu de choses d’elle. 

Donc, Seule Venise se révèle à mes yeux un roman bien décevant et creux. Heureusement, il y a Venise, la  vieille cité que le texte nous invite à arpenter, des anecdotes, une foule de petits détails que nous saisissons au passage dans cette errance : la Fenice dont les vénitiens viennent récupérer les cendres après l’incendie,  la bora au souffle glacial, le pont de l’Académie, Le Rialto, les reflets gris de la lagune, le cimetière San Michele, Torcello, la Ca’ Dario et ses mosaïques… Et là, j’aime ces passages tout simples, poétiques, par petites touches, ces phrases sans grandiloquence, au présent de narration, qui nous font voir la ville, ses beautés et sa mélancolie. Beaucoup de charme se dégage de ces promenades ! Finalement pourquoi un prétexte romanesque? Venise se suffit à elle-même !

Zoran Music

La Calle delle Capucine, une ruelle tout près de la pension, une passe étroite qui s’enfonce entre deux hauts murs et permet de rejoindre les quais de Fondamenta Nuevo. La pierre y est rongée, grattée. Le vent s’engouffre là-dedans comme dans un couloir. Tout au bout, la masse grise de l’eau. Les murs de briques rouges. L’île San Michele, l’île des morts. Tous les morts de Venise. Là-bas. Ensevelis.
On dit que les murs du cimetière s’enfoncent. Qu’un jour, des pans entiers glisseront dans la lagune et qu’ils emporteront les cercueils avec eux. Ce jour-là, on ne saura plus qui est qui, et alors la mort reprendra ses droits.
On dit que ce jour-là n’est pas loin.

Zoran Music : Canale della Giudecca


Je retrouve à San Marco et je grimpe à la cime du campanile. En ascenseur.
Une rampe permet à un cheval de monter tout en haut de la tour.
C’est le gardien qui m’explique.
Aucun cheval n’est jamais monté mais la rampe existe. Et a été conçue pour ça.
Un chemin secret au-dedans de la tour.
Une petite chose inutile.
Précieuse.

 Un pensionnaire qui était ici avant vous m'a raconté qu'autrefois les vieux gondoliers remontaient la ville par les canaux, ils longeaient ensuite les murs du cimetière et ils ramaient vers le large. Le soir, on les attendait... L'emplacement de la gondole restait vide. 
(...)
Il y a tellement de façons pour mourir.

Zoran Music : Ponta della Doggana





lundi 6 février 2017

Benjamin Lacombe/ Sébastien Perez : Généalogie d'une sorcière

Généalogie d'une sorcière de Benjamin Lacombe et Sébastien Pérez : la petite sorcière et Grimoire de sorcières
Généalogie d'une sorcière de Benjamin Lacombe et Sébastien Pérez

Généalogie d’une sorcière de Benjamin Lacombe et Sébastien Perez se présente sous la forme d'un élégant coffret qui enchâssent deux albums : La petite sorcière et Grimoires de sorcières. Evidemment, tous deux s’adressent aux enfants, les veinards !
Ce qui n’a pas empêché ma fille de me l’offrir, à moi, sa mère :  elle me connaît bien ! Quel bonheur de feuilleter ces livres pour en admirer les illustrations de Benjamin Lacombe si étranges, mystérieuses et originales, aux couleurs vives, et qui parlent tant à l’imagination. Un régal pour les yeux.



La petite sorcière

La petite sorcière Lisbeth  dans Généalogie dune sorcière et sa grand mère Olga  Benjamin Lacombe/ Sébastien Pérez
Lisbeth et sa grand mère Olga de Benjamin Lacombe

Le premier livre La petite sorcière conte une jolie histoire dans laquelle le lecteur entre vite en empathie avec Lisbeth et sa grand mère Olga chez qui la petite fille va passer Noël. Dans le grenier, Lisbeth découvre, avec son ami Edward, un vieux grimoire que la vieille dame en colère lui interdit de lire. Dès le jour même, Edward disparaît. Alors, la nuit, pendant que Olga dort, la petite fille subtilise le vieux livre et elle découvre… ?  Vous le saurez en le lisant ! Non, non, n’insistez pas ! Je ne vous en dirai pas plus.

Très joli texte plein de tendresse, à la mesure des sentiments qui lient Lisbeth et sa grand mère et qui raconte un joli histoire d’amour où l’on risque sa vie pour cueillir une fleur à une petite fille.. et où il est question aussi et beaucoup de.. sorcières ! Mais cela vous vous en doutez !

C'est dur d'apprendre qu'on est une sorcière

Grimoire de sorcières


Pour pénétrer dans le second album il va vous falloir un peu de courage ! Peureux s’abstenir! Le Grimoire des sorcières est un livre maudit  : s’il est tombé par erreur entre vos mains, refermez-le immédiatement et fuyez.

Il s’agit de la généalogie de la petite Lisbeth depuis la création du monde avec Lilith qui fut remplacée par Eve mais qui n’en reste pas moins la première ! Et là, c’est un tour du monde auquel l'on est convié, du passé  au présent,  et l’on va de surprise en surprise. Je vous mets sur la voie en vous disant : Méfiez-vous de Mona, entre autres... parce que ces créatures sont tout de même quelque peu diaboliques ! 

Méduse de Benjamin Lacombe

Si le texte est plein d’humour au début, il fait pénétrer l’enfant dans la mythologie égyptienne ou grecque ou dans les contes traditionnels, il lui fait découvrir des personnages historiques, sans compter, bien sûr, des êtres fictifs. Nous y retrouvons Lisbeth qui a grandi et apprenons ainsi la suite de son histoire.

Lisbeth et Edward

 Là encore les illustrations sont somptueuses et font de cet ouvrage un petit chef d’oeuvre, un coup de coeur, un livre précieux à mettre entre les mains des enfants.
Je ne l’ai pas encore fait lire à ma petite fille (six ans) parce qu’elle serait bien capable d’avoir peur  pour de vrai et de faire des cauchemars  ! Les parents ne me le pardonneraient pas ! Mais cela viendra. Les éditions Seuil les conseillent pour les 9-12 ans. A mon avis, le premier album, La petite sorcière doit pouvoir être lu avant.


Lilith

samedi 4 février 2017

Elena Ferrante : L'amie prodigieuse 2 : Le nouveau nom



 Et voilà, j'ai lu le second volume de L’amie prodigieuse de Elena Ferrante :  Le nouveau nom, ce livre qui fait un tabac dans les blogs et que tout le monde commente ! Pour moi, il ne s’agit pas  d’un coup de coeur car je trouve qu'il y a parfois des longueurs et des redites mais j’apprécie beaucoup cette saga que je suis avec intérêt et plaisir parce qu’elle nous permet de pénétrer dans un quartier populaire de Naples dans les années 50 à 60 et j'y reconnais parfois des éléments de ma propre enfance toujours marquée par la guerre dans un Marseille pas encore reconstruit. Projection dans un passé et dans une ville italienne où règne la misère, la violence, la corruption. L’écrivaine fait revivre ces milieux souvent misérables, sans grand espoir d’avenir et le fait avec justesse, vérité et empathie. On sent qu’elle connaît bien ce milieu et je suis de plus en plus persuadée que le roman est autobiographique ou en partie.
Depuis que j’ai écrit ces mots, j’ai vu un  reportage aux infos sur la 2 où l’on parlait justement du mystère Ferrante pas vraiment résolu et de l’engouement autour de ce roman... Mais ce n'est pas pour cela que je lis ce roman, en fait peu m'importe qui est Elena pourvu que j'aime ce qu'elle écrit !

photographie  : Naples de Mario Cattaneo dans les années 1950
Naples de Mario Cattaneo dans les années 1950
Ce deuxième volet continue à explorer l’histoire de l'amitié complexe des deux jeunes femmes qui est le fil conducteur du récit. Elena Ferrante excelle dans la peinture de la psychologie de Lila et Lena. Elle explore avec perspicacité les sentiments avérés des deux amies mais aussi ceux qui se cachent sous l’apparence, ceux qui sont inavoués. La jalousie, l’envie, la rivalité, l’exaspération, la rancune,  les  faux-semblants, une amitié qui ressemble parfois à de la haine, une amitié avec de longues périodes d’absence, de désamour, mais pourtant qui ne peut mourir.

Il n’y a pas ellipse de temps dans ce second volume puisque l’on retrouve Lila tout de suite après son mariage. Elle a seize ans et elle découvre la réalité de la vie d’épouse. Elle est battue par son mari. Il pense ainsi la « redresser », c’est à dire éteindre en elle son besoin de liberté, corriger son anticonformisme et son caractère entier et fantasque. Mais il en faut plus pour réduire Lila à l’obéissance et à la soumission. La haine couve dans son coeur, la révolte aussi et si elle met sa belle intelligence sous éteignoir ce n’est jamais pour très longtemps.
Parallèlement, Elena poursuit ses études jusqu’à l’université. Elle s’intéresse à la politique peut-être plus pour captiver le garçon qu’elle aime que par réel intérêt. Son sentiment d’infériorité la pousse à un certain conformisme et à une soumission intellectuelle par rapport à ceux qu’elle admire. Mais peu à peu sa vision de la société s’affine. Le regard qu’elle porte sur son quartier n’est plus innocent. Elle voit en particulier ce qu’est  la condition des femmes, les brutalités qu’elles subissent de la part de leur mari mais aussi de la société. Mères épuisées, sans aucun droit, pauvres, elles perdent le goût de vivre et reproduisent le cycle de la violence auprès de leurs enfants. Elena découvre que non seulement ses études l’éloignent de ses anciens amis qui la considèrent comme une étrangère mais aussi qu’elle n’est pas acceptée par la classe sociale qui possède la culture. La bourgeoisie ne la reconnaît pas vraiment comme une de leurs et quand elle se fiance avec un jeune homme de bonne famille, elle comprend que si lui peut prétendre naturellement à un poste de professeur d’université, elle non, malgré de brillantes études !
Cet aspect du roman m’a énormément interpellée car je l’ai trouvé très vrai et pas seulement à cette époque et dans ce pays mais aussi en France et même actuellement;  ainsi si l’on est fils ou fille de « quelqu’un » on réussira toujours mieux et plus facilement que si l’on est de famille modeste. Rien ne change ! En ce sens le roman prend de l’envergure car il ne se limite pas à être seulement le récit des peines de coeur d’Elena et des déboires conjugaux de Lila (et des autres personnages). Il dénonce l’injustice sociale, la servitude des femmes, il peint des générations sacrifiées qui ne peuvent accéder au savoir, il montre que l’intelligence et le travail et l’assiduité ne sont pas à armes égales avec le pouvoir et la richesse. Il nous fait découvrir que la culture (la littérature en particulier) transforme un être mais qu’il y aura toujours une différence entre ceux pour qui c’est un dû, un phénomène naturel, et ceux qui doivent se battre pour l’acquérir.

Naples : mère 1950 nom du photographe?
Autre remarque : Certaines critiques disent que Elena Ferrante n’écrit pas bien (évidemment je ne peux juger que par la version française) et cela m’étonne car je ne sais pas ce que veut dire « mal écrire » dans ce cas précis. Quant à moi, je trouve le style efficace, direct, avec parfois une force réelle quand l’écrivaine décrit par exemple la nuit de noce de Lila, un dur apprentissage des rapports homme et femme ; ou lorsque Pinuccia mariée à Rino, le frère de Lila, découvre la gentillesse et la prévenance de Bruno Soccavo, fils d’un riche industriel et en tombe amoureuse, elle qui ne connaît des hommes que la brutalité, la vulgarité et l’épaisseur intellectuelle de son mari : tout est alors dans les non-dits;  ou encore quand  Lena « voit » pour la première fois les femmes de son quartier, comme si ses yeux se déshabituant de l’accoutumance, se dessillaient pour découvrir une triste réalité.

  Tout à coup, j’eus l’impression d’avoir vécu en limitant en quelque sorte mon regard, comme si j’étais capable de m’intéresser uniquement à nous autres jeunes filles ….
Ce jour-là en revanche je vis très clairement les mères du vieux quartier. Elles étaient nerveuses et résignées. Elles se taisaient, lèvres serrées et dos courbé, ou bien hurlaient de terribles insultes à leurs enfants qui les tourmentaient. Très maigres, joues creuses et yeux cernés, ou au contraire dotés de larges fessiers, de chevilles enflées et de lourdes poitrines, elles traînaient des sacs à commissions et enfants en bas âge, qui s’accrochaient à leurs jupes et voulaient être portés.


Vous avez dit Mal écrit ?

Voir :  Miriam ; Helène
Kathel

jeudi 2 février 2017

Maria Oruna : Le port secret



Je ne sais pourquoi  l’évocation de la guerre d’Espagne y compris dans un roman policier me touche tant … Ou plutôt je sais pourquoi  ! Le souvenir de mes grandes lectures « inolvidable »...  de Jorge Semprun à Javier Cercas, en passant par Manuel Rivas et Lydie Salvayre (Pas pleurer)  et plus récemment de Victor del Arbol (toutes les vagues de l’océan) ...

Alors voilà,  si j’ai choisi de lire Le port secret de Maria Oruna paru chez Actes Sud, c’est parce que l’enquête policière est mêlée étroitement au passé, à cette guerre d’Espagne qui ne cesse de retentir dans la mémoire vive des espagnols. Rien de plus traumatisant et d’ineffaçable qu’une guerre civile.

Olivier Gordon, britannique, espagnol par sa mère qui vient de mourir, va prendre possession de son héritage, sa maison familiale en Cantabrie. Mais les ouvriers qui en effectuent la restauration découvre le cadavre d’un bébé dont la mort remonte à la guerre civile. L’enquête de la police est mise en parallèle avec des fragments d’un journal qui nous raconte l’histoire d’une famille dont les membres sont décimés par les avions nationalistes au moment de la guerre civile. Deux personnages  émergent de ce récit, deux soeurs traumatisées par la mort de leur mère et de leur frère mais aussi par la misère qui oblige le père à séparer la fratrie restante et à "placer" ses enfants chez les riches. Amertume, rancoeur, désir d’échapper à cette condition par tous les moyens, à la dureté de la vie, vont engendrer bien des tragédies.

Pour moi, je le dis tout de suite, Maria Oruna, dont c’est le premier roman noir, n’a pas la puissance des écrivains cités ci-dessus; on est vraiment un cran en dessous quant à la profondeur, au style et à l’émotion qu’il procure. Mais récit se poursuit avec sa part de surprises, de rebondissements. Le passé et le présent se mêlent habilement. Certes, l'intrigue présente quelques invraisemblances, l'histoire d'amour est  un peu attendue, mais dans l’ensemble le polar se lit bien, et on peut se laisser emporter loin dans le passé mais aussi dans cette région d’Espagne qui a l’air si belle entre montagne et mer.

mardi 31 janvier 2017

Tom Coraghessan Boyle : Les vrais durs


Les vrais durs de TC Boyle sont tellement de vrais durs que j’ai eu beaucoup de mal  à aller jusqu’au bout de leur histoire car j’éprouvais envers eux une certaine répulsion mais… il y a d’abord le talent de conteur de Boyle qui non seulement campe des personnages puissants mais sait conduire un récit crescendo, avec une telle force que l’on se laisse entraîner. Malgré le sentiment de malaise qu’il suscite, le roman finit par nous captiver.  Et puis, il n’y aucune gratuité dans cette violence. TC Boyle peint un portrait des Etats-Unis, d’une certaine Amérique - ici la Californie- qui règle ses problèmes armes à la main et manifestent une haine viscérale de l’étranger. Ceux-là même, j’imagine, qui ont voté Trump ? Peut-être ? 

Dans la famille des vrais durs, il y a Sten Stensen, professeur puis principal de son établissement scolaire. A la retraite, lors d’un voyage en Amérique centrale, son passé d’ancien Marine, vétéran de la guerre du Vietnam, resurgit quand son groupe est attaqué par des petits malfrats. Pourtant sous la dureté, il y a l’homme et c’est tout en subtilité que Boyle explore l’humanité et les failles du personnage, son sentiment de culpabilité, son amour pour sa femme, sa peur de la vieillesse et de la décrépitude et surtout le point faible, son fils.
Et oui, son fils Adam qui ne quitte jamais son fusil. Chez lui, la violence s’allie à la maladie mentale. Il pense être la réincarnation du trappeur Colter, un « dur » du XIX siècle qui, poursuivi par les indiens, sauva sa vie en accomplissant des exploits au-delà de toute endurance humaine. On suit d’ailleurs avec beaucoup d’intérêt le récit des aventures mouvementées de ce personnage hors norme. Quant à Adam, le moins que l’on puisse dire, c’est qu’il est complètement allumé.
Enfin Sara qui vit seule avec son chien bien-aimé et refuse tout autorité, déniant à l’état de Californie le droit de lui imposer des règles. Une illuminée? mais plus inoffensive que les précédents. En fait, son refus de l’autoritarisme se retourne contre elle.
C’est donc bien l’Amérique malade que Boyle présente sans occulter les difficultés et les désastres pour la santé, la sécurité et l’écologie que provoque l’immigration mexicaine sauvage qui s’organise en cartel de la drogue. Ils développent leur culture dans les forêts californiennes qu’ils détruisent et font circuler la drogue dans le pays par l’intérieur sans avoir à franchir de frontières. La tentation est grande de céder à la haine et aucun ne va en sortir indemne.
Un livre que je ne regrette pas d’avoir lu car il permet de comprendre l’Amérique d’aujourd’hui et peut-être aussi notre monde actuel.

samedi 28 janvier 2017

Henning Mankell : Le chinois




Le chinois concocté par Henning Mankell ( un livre policier sans son personnage fétiche Kurt Wallander) se perd dans trop de directions à la fois, une intrigue complexe avec des ramifications, toutes plus ou moins imbriquées les unes dans les autres  : D'abord, l’intrigue policière proprement dite qui commence avec la découverte en janvier 2006 du meurtre des habitants d'un village dans le Nord de la Suède, crimes odieux où le meurtrier a cherché à faire souffrir ses victimes. L’acte d’un fou? C’est ce que pense la policière Vivi Sundberg. Ou au contraire, acte prémédité, réfléchi, longuement mûri? comme le croit la juge Birgitta Roslin qui est impliquée indirectement dans l’enquête. Les parents adoptifs de sa mère sont parmi les victimes.

 L’enquête nous entraîne ensuite fort loin de la Suède, d’abord à Canton puis dans le Névada, loin aussi dans le passé, du XXI siècle, à la fin du XIX siècle. Mankell écrit alors un récit féroce de la traite des chinois aux Etats-Unis. A leur arrivée, ils sont enrôlés sur les chantiers de construction des chemins de fer par des sociétés que l'on peut qualifier d'esclavagistes. Privés de liberté, travaillant dans des conditions inhumaines et dangereuses, ils sont souvent placés sous la surveillance d'Européens, suédois, irlandais, pauvres blancs eux-mêmes immigrés, qui les mènent à la baguette et les considèrent comme des inférieurs.  Racisme, terrible exploitation économique, barbarie.

Enfin la troisième partie de l’enquête nous mène vers le dénouement dans la Chine d’aujourd’hui puis en Afrique dans une résolution plutôt  alambiquée de l'affaire.

J’ai trouvé le roman inégal, la première partie  avec la découverte du crime est correcte mais le récit qui concerne les trois frères lui est supérieur, bien écrit, avec des personnages forts. Nous sommes en empathie avec eux, San, Guo et Wu, dont le destin nous touche et nous révolte. C'est un fragment de l'histoire des Etats-Unis pas très glorieux mais intéressant qui est présenté.
Par contre, le récit sur la Chine contemporaine n’a manifestement pas inspiré Mankell. La description du pays est peu révélatrice, on dirait que Mankell ne le connaît pas et Birgitta Roslin semble plutôt s’ennuyer dans son rôle de touriste ! Quant à son enquête, elle repose sur des hasards, des coïncidences parfois tirées par les cheveux. La partie consacrée à l'Afrique ne m'a pas convaincue non plus.  J’ai donc trouvé cette partie nettement plus faible. Ce n'est donc pas, à mon avis, l'un des meilleurs livres de Mankell même s'il se lit bien.  Et c’est dommage !

Voir  :
Aifelle
 
















vendredi 27 janvier 2017

Craigh Johnson : Le cheval de discorde



Le cheval de discorde  est une nouvelle de Craig Johnson paru aux éditions Gallmeister.
Il vaut mieux, pour apprécier ce texte court et cette enquête qui n’en est pas vraiment une,  bien connaître les personnages récurrents de Graig Johnson :   le shérif Walt Longmire, sa fille Caddy et son ami Henry. Hélas ce n’est pas le cas pour moi. J’ai même eu du mal à comprendre qui était Henry, L’Ours et Nation Cheyenne!

 L’intrigue est mince. Ici, Walt marie sa fille et l’on parle beaucoup des préparatifs du mariage. Le père et la fille se lancent un défi qui ne manque pas d’humour et qui est la part la plus intéressante  de la nouvelle pour moi. Pendant les American Indian days, on vole un cheval à son propriétaire. C'est le cheval de la Discorde (j'aime bien ce titre ! ). Walt est chargé de le retrouver. Il y réussira facilement.

Je pense que la saveur de la nouvelle tient surtout dans les retrouvailles avec ces personnages qui au fil des romans doivent devenir des amis pour le lecteur. Il m’a donc manqué pour l'apprécier d’avoir lu les romans précédents mais cela m’a donné envie de m’y plonger.  Little Bird est le premier volume qui vu la naissance du personnage de Walt Longmire. Le livre a été couronné par le prix du roman noir Nouvel Obs/Bibliobs et sélectionné par LIRE parmi les meilleurs polars de l'année. Les aventures de Longmire ont été adaptées pour une série télévisée qui  a connu un grand succès. C’est donc par celui-ci que je commencerai.
A noter que la première de couverture est belle comme toujours dans les éditions Gallmeister.

Merci Aifelle.

mercredi 25 janvier 2017

Venise, la cité des Doges/ La sorcière de Venise

Voyage à Venise en décembre 2010

Je pars à Venise pour le festival le 18 Février.  Un peu peur d’être déçue, peur que  les vénitiens costumés soient peu nombreux sur la place Saint Marc, que l’évènement ne soit plus qu’une attraction touristique dépourvue de son sens et de sa beauté. Mais….
Mais Venise, je me suis promis de la connaître en toutes saisons. Mon dernier voyage remonte au mois de Décembre 2010 et cette fois-ci j’y retourne avec ma petite fille. Je veux voir ses six ans émerveillés par cette ville magique.

Avant de partir, je lui ai offert ces deux livres pour enfants.

Venise, la cité des doges



Venise, la cité des doges de Viviane Bettaëb , illustrations de Bruno Fourrure. Il s’agit d’un album de 12 pages pour les enfants de 7 à 10 ans paru aux éditions Giboulées.

« Comme si vous y étiez, entrez dans Venise, la Cité des Doges, et découvrez cette ville nénuphar. Sur les bords du Grand Canal, un palais somptueux ouvre ses portes. Une foule masquée venue admirer les jongleurs et les acrobates fête le Carnaval sur le pont du Rialto. Mais la nuit tombe. Allons vite à l'opéra de la Fenice, le grand rideau rouge se lève déjà ! »

Léonie adore les découpages en pop-up qui lui permettent de se promener dans la ville, sur la place San Marco, sur le Grand Canal avec ses palais, la Ca d’Oro ou sur la scène de la Fenice.  Par contre le texte lui passe au-dessus de la tête, trop pédago.  Elle préfère de loin, les illustrations qui ont le mérite de présenter l’extérieur et l’intérieur d’un lieu (comme la cathédrale Saint Marc) et de la familiariser avec ce qu’elle va découvrir, lui donner l’envie de la découverte.
Il est vrai, aussi, qu’en ce moment sa grande question existentielle n'est pas la date de la construction de Venise ou son histoire mais : quelle famille de verres filés vais-je acheter ? des chats ou des crocodiles?

Ce que j’ai trouvé intéressant aussi c’est la carte avec  les quartiers de la ville et le petit additif qui, à la fin du livre, forme un mini-guide de Venise.

La sorcière de Venise


La sorcière de Venise de Anne-Sophie Sylvestre (illustrations de Flavia Sorrentino) paru aux éditions Eveil et découverte est un recueil de contes sur la Befana, la sorcière de Venise, qui le jour des rois distribue des bonbons aux enfants sages et du charbon à ceux qui ne le sont pas.
 Le livre est destiné aux enfants à partir de 6 ans.


Il y a dans la ville de Venise une sorcière grande et maigre, qui a le talent de se glisser dans les cheminées pour apporter des bonbons aux enfants le jour de la fête des Rois, elle s'appelle la Befana. Je suis la Befana. Et je trouve que la vie de sorcière à Venise est extraordinairement imprévisible. Et 2 contes de sorcières : Marie Charivari ; Claire Princesse Grenouille.
Connaissant l’amour de la petite fille pour les sorcières (un jour, elle en a rencontré une vraie dans les rues d’Avignon pendant le festival) il fallait qu’elle fasse connaissance avec la Befana. En fait, elle a été immédiatement rassurée parce qu’il paraît (je ne sais pas, je ne la connais pas personnellement) que la Befana est gentille et qu’elle remplace le charbon par du réglisse. 


J’ai aimé en particulier le récit sur la Befanita, une petite fille trouvée dans la prison des Plombs par la Befana qui l’a recueillie et adoptée. C’est dommage qu’il n’y ait pas une carte de Venise dans le livre car le conte nous fait découvrir la ville et l’on pourrait suivre le parcours de la sorcière sur les toits  quand elle passe par les cheminées pour distribuer les confiseries aux enfants.
Même si le conte est intéressant, le style n’est pas très direct pour une enfant de 6 ans et nous n’avons pas lu l’histoire jusqu’au bout. Le plaisir a été de mettre un marque-page comme le font les adultes. Nous continuerons la lecture bientôt.


lundi 23 janvier 2017

Donna Leon : Un vénitien anonyme



Dans la perspective d’un voyage à Venise en février et en quête d’un livre facile à lire (j’ai eu une période de baisse de régime) voilà un titre de Donna Leon (auteure que j’ai beaucoup lue dans le passé). Il s’agit de Un vénitien anonyme, livre policier dans lequel le lecteur retrouve, bien sûr, le commissaire Brunetti.

Venise Roberto Ferruzi

Plus que Venise, c’est Mestre que nous découvrons dans cette enquête policière et vous conviendrez que la banlieue industrielle de la glorieuse cité des Doges, près des abattoirs, est une visite peu romantique. C’est là, dans un terrain vague, lieu de rencontre des prostitué(e)s que l’on découvre un travesti sauvagement assassiné. En cette période de vacances où la moitié de l’effectif de police est déjà partie, c’est à Brunetti que l’on va confier l’affaire.
Celle-ci nous mènera des milieux de prostitués masculins de Mestre à Venise dans les milieux de la banque et la société bien pensante de la bonne bourgeoisie vénitienne. En particulier cette fameuse ligue de la Moralité, dont le moins que l’on puisse dire c’est qu’elle paraît un peu louche et… pas très morale !
 L’enquête permet à Donna Leon, tout en explorant les bas-fonds des la ville, de faire un portrait charge d’une société corrompue. Elle dénonce, au passage, la catastrophe écologique qui menace la cité et dont l’homme en général et les politiques en particulier sont les grands responsables. Nous sommes en été, la chaleur est abrutissante et exalte l’odeur d’égout à ciel ouvert de la lagune  :

Nous avons tué les mers et ce n’est qu’une question de temps avant qu’elles  se mettent à puer. Etant donné que la lagune n’est qu’un égout au fond de l’Adriatique, laquelle n’est elle-même qu’un égout par rapport au reste de la Méditerranée, laquelle..

Tout le monde parlait, tout le temps, de la destruction imminente de la ville, ce qui n’empêchait pas le prix des appartements de doubler tous les deux ou trois ans et les loyers d’augmenter dans des proportions qui les mettaient hors  de portée de la classe laborieuse.

Comme d’habitude, le charme de l’histoire tient au commissaire Brunetti, toujours aussi sympathique et qui tranche par son ouverture d’esprit et malgré son éducation de mâle italien sur les homophobes primaires qu’il rencontre dans son enquête. Nous suivons avec plaisir ses déambulations dans Venise sous la statue de bronze de Goldoni, Campo San Bartolomeo, au marché d’herbes du Rialto, ou dans le quartier de Dorsudoro, place Ramo Dietro gl'Incurabili chez un ami journaliste, possesseur de tableaux de maîtres italiens Ferruzi, Morandi, Guttoso.. Nous  nous attablons avec lui dans les petites trattoria où il fuit l’insalata di calamari laissée par sa femme dans le réfrigérateur.

Giorgio Morandi

Bref! une lecture agréable, peut-être pas la meilleure enquête parmi celles que j’ai lues de  cette écrivaine mais avec une recette toujours gagnante : Venise, véritable personnage de tous les romans de Donna Leon et à son commissaire Brunetti.


samedi 21 janvier 2017

Michel Bernard : Deux remords de Claude Monet

La capeline rouge de  Claude Monet portrait de Camille l'épouse de Calude Monet
La capeline rouge Claude Monet
Il (Monet) avait ressorti La capeline rouge (Camille) de sous la couverture et les empilements qui la préservaient du regard de sa seconde femme, et l’avait accrochée en bonne place, au milieu d’un mur de son atelier, à hauteur de son regard. Chaque jour après le petit déjeuner, après le déjeuner, en été après le dîner, quand il entrait dans l’atelier, il voyait la petite silhouette dans la neige, derrière la vitre de leur maison d’Argenteuil, tourner sa tête vers lui, au-dessus de la bouche ronde que le froid avait pâlie, les deux petites taches noisette et bleutées de ses yeux plonger dans les siens.

Lorsque Claude Monet, quelques mois avant sa disparition, confirma à l’État le don des Nymphéas, pour qu’ils soient installés à l’Orangerie selon ses indications, il y mit une ultime condition : l’achat un tableau peint soixante ans auparavant, Femmes au jardin, pour qu'il soit exposé au Louvre. À cette exigence et au choix de ce tableau, il ne donna aucun motif. Deux remords de Claude Monet raconte l’histoire d’amour et de mort qui, du flanc méditerranéen des Cévennes au bord de la Manche, de Londres aux Pays-Bas, de l’Île-de-France à la Normandie, entre le siège de Paris en 1870 et la tragédie de la Grande Guerre, hanta le peintre jusqu’au bout.»  quatrième de couverture
Gallimard  La table ronde Michel Bernard.


Michel Bernard, en écrivant ce livre d’amour et d’admiration sur Monet ne signe pas une nouvelle biographie du peintre mais brosse un tableau des débuts de l’impressionnisme et peint la grandeur de l’Art lorsqu’il exige un tel don de soi de la part de l’artiste. 
Monet, l’homme inquiet, en proie au doute et au remords, est un artiste dont l’exigence par rapport à son art est totale. L’art est pour lui source de bonheur et plénitude mais tout autant d’angoisse et de doute.
Quels sont donc ces deux remords dont il est question dans le titre un peu mystérieux?

 Frédéric 

Femmes au jardin de Claude Monet avec Camille Monet et Frédéric Bazile
Femmes au jardin de Claude Monet
Le premier remords me paraît très clairement décelable car sa source prend naissance dans la première partie de l’oeuvre intitulée : Frédéric. D’une manière un peu déroutante quand on s’attend à une étude sur Monet, le livre commence avec le peintre Frédéric Bazile, un météore dans le ciel des impressionnistes. Disparu trop jeune mais très doué, le peintre n’a pu atteindre la renommée de ceux qui lui ont survécu, ses amis Monet, Renoir. Fils d’une riche famille de Montpellier, il reste indissolublement lié à Monet dont il était l’ami mais aussi l’aide et le soutien financier pendant les périodes de vaches maigres.
Cette première partie raconte la quête entreprise par Gaston Bazile, le père de Frédéric, sur le champ de bataille pendant la guerre de 1870 contre les prussiens pour retrouver le corps de son fils. C’est un des moments très forts du roman.
Si Frédéric était engagé volontaire, Monet, lui, avait fui la guerre, refusant de s’engager et s’était exilé en Angleterre. « Rien  n’aurait pu empêcher cette tête de lard, ce fou de couleurs, fier, obstiné, sûr de sa main et de son destin; Rien, ni la guerre, ni l’opinion des autres. »
On comprend  alors que la mort de Frédéric hantera la vie de Claude.
Quand son ami lui avait acheté Femmes au jardin, le regret de Monet de se séparer de son tableau avait été atténué par la certitude qu’il s’en allait chez un connaisseur, un camarade à l’oeil clair et la main sûre, un artiste.

Camille

Claude Monet : la dame en robe verte  Camille,  modèle et épouse de Monet
Camille ou la dame en robe verte de Claude Monet
 Dans la seconde partie, Camille qui posa pour La Femme à la robe verte, premier grand succès du peintre, fut d’abord le modèle de Claude Monet, avant de devenir sa femme.  Camille fut le grand amour de l'artiste et lui donna par sa force de caractère, son humeur égale, sa compréhension, la sérénité nécessaire pour poursuivre son oeuvre. Cette période de bonheur fragile, avec la naissance des enfants et le partage d’un amour commun, est traversé  par les orages de la Commune et les difficultés financières, les dettes, le harcèlement des créanciers. P5354 la robe verte
Et puis la longue maladie de Camille, son dépérissement inéluctable, ses souffrances…  L’angoisse de Claude Monet , « sa répulsion instinctive de la mort » , la peur de se trahir devant elle, l’éloignent de celle qui sera toujours son grand amour.  Le second remords de Monet?

Claude 

Autoportrait au béret de Claude Monet 1886
Autoportrait au béret de Claude Monet
La troisième intitulé Claude est la période de Giverny, le remariage avec Alice, l’acheminement vers la cécité, la vieillesse, son amitié avec Clémenceau. Et puis le don de ces deux tableaux Nymphéas et Femmes au jardin  dont le dernier est si intimement lié à son ami Bazile et à son épouse Camille.

Ce j’ai le plus aimé dans ce livre  

Les nymphéas de Claude Monet

J’ai beaucoup aimé l’originalité de cette biographie romancée dans le choix d'un point de vue : les deux remords étroitement liés à l’oeuvre de Monet. j’ai aimé cette manière d’aborder le thème par le biais, par le détour. J’ai aimé la force des portraits de ces trois personnages centraux :  Frédéric, Camille et Claude, pris dans un enracinement inextricable entre l’amitié et l’amour, entre la vie et la mort et toujours, toujours, en rapport avec l’art qui est la source, l’énergie mais aussi la justification de la vie.
Au niveau pictural le roman nous permet aussi de connaître l’histoire de quelques oeuvres magistrales de Monet que Michel Bernard analyse avec finesse et qui nous permettent de comprendre et sentir la rapport du peintre avec les êtres et surtout avec la nature.

Merci à Aifelle pour le prêt de ce livre et sa longue patience liée à mon absence dans ce blog. 

dimanche 1 janvier 2017

Bonne année 2017

Clarence Gagnon : peintre québécois illustration de Maria Chapdelaine

Pour la nouvelle année, partons pour rêver un peu, avec Clarence Gagnon, peintre québécois (1881-1942) dans les paysages de neige de l'hiver canadien.

Bonne Année 2017





VidéoYou tube : Clarence Gagnon et l'Hiver