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samedi 31 décembre 2011

Bonne année à tous : C'est pour vous faire penser au bonheur...


Marc Chagall : La famille

Un tableau de Marc Chagall pour vous souhaiter  le plein de bonheur pour la nouvelle année 2012.
Mais qu'est-ce que le bonheur? Je vous en propose une définition  avec cette poésie de Félix Leclerc interprétée par Julos Beaucarne.



Lorsque nous étions réunis à table

Lorsque nous étions réunis à table
Et que la soupière fumait
Maman disait parfois:

"Cessez un instant de boire et de parler."
Nous obéissions

"Regardez-vous", disait-elle doucement
Nous nous regardions sans comprendre amusés

"C'est pour vous faire penser au
Bonheur" ajoutait-elle.

Nous n'avions plus envie de rire.

"Une maison chaude, du pain sur la nappe
Des coudes qui se touchent
Voilà le bonheur" répétait-elle à table.

Puis le repas reprenait tranquillement,
Nous pensions au bonheur qui sortait
Des plats fumants et qui nous attendait
Dehors au soleil et nous étions heureux.
Papa tournait la tête comme nous,
Pour voir le bonheur jusque dans le fond
Du corridor en riant parce qu'il
Se sentait visé il disait à ma mère:
"Pourquoi est-ce que tu nous y fais penser
A c'bonheur", elle répondait

"Pour qu'il reste avec nous le
Plus longtemps possible".




Le bonheur dit par Julos Beaucarne

Les plumes de l'année chez Asphodèle : Sa flamme noire...



Asphodèle nous propose aujourd'hui son jeu d'écriture avec des mots commençant tous par L : Lumière – Liberté – Lutter – Lamentable – Larmoiement – Loup – Lardons – Lune – Lanterne – Lointain(e) – Lupanar – Loustic  - Légèreté -Loufoque – Luciole – Lutin.
Le lutin, la luciole, la lumière m'ont donné l'idée d'utiliser une image de Godo, illustrateur de fantasy, pour  ce poème sur un sujet bien noir.

Lupanar, triste prison du sexe
Liberté fourvoyée et lointaine
Lamentable larmoiement de l'Etre
 Lanterne loufoque, Luciole perverse
Rougeoiement, braise de  lumière
A la porte… Tes griffes lacèrent
 la lune et sa légèreté rêveuse.
Rêve de petits lardons au berceau,
Tendres enfants qui dans mon coeur brillent.
 Le loup qui gronde et qui grogne
Tue le lutin qui en moi veille
Petit homme dansant la gigue
Loustic facétieux et qui lutte
Flamme qui chante et qui vacille
De mon esprit, de mon esprit…
De mon esprit qui bat campagne
Et qui éteint sa flamme noire.
Lupanar, triste prison du sexe.

Chez Asphodèle




vendredi 23 décembre 2011

Joyeuses fêtes de Noël

Van Gogh



Un joli Sapin de l'ogresse de Paris. Merci à elle!

 
Il n'y aura pas d'énigme Un Livre/Un film  samedi 24 et samedi 31 Décembre. Mon blog prend quelques jours de vacances  mais allez voir la "devinette de Wens ICI.
A la place, je vous souhaite de joyeuses fêtes de Noël à toutes et à tous avec ce bouquet de roses de Van Gogh et ce sapin que l'Ogresse a imaginé pour nous!

jeudi 22 décembre 2011

Delphine de Vigan : Les heures souterraines

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Les heures souterraines aux éditions JC Lattès est l'ouvrage que Jorge Semprun préférait à Trois femmes puissantes de Marie Ndiaye et qu'il aurait voulu voir couronner du Goncourt 2009. ET bien sûr, si Jorge Semprun aime, j'ai aussitôt envie de découvrir!
Dès le début, ce qui me frappe, c'est le contraste entre ces deux romans qui sont aux antipodes l'un de l'autre. Les phrases longues et sinueuses de Marie Ndiaye qui paraissent suivre les méandres tortueux de l'esprit humain contrastent en effet, avec le style direct, rapide, nerveux de Delphine de Vigan, oscillant entre présent de narration qui montre les personnages en action, aux prises avec la réalité de la vie quotidienne, et le passé, retour en arrière qui éclaire la situation. Au récit de Marie Ndiaye, intellectualisant, jouant entre réalisme et fantastique, s'oppose celui de Delphine de Vigan ancré dans la société française, réalisme terre à terre du travail dans une entreprise, personnages en qui chacun d'entre nous peut se reconnaître.
Le roman met en scène Mathilde et Mathieu, une femme et un homme anonymes dans la foule du grand Paris et qui ne se connaissent pas. Leur vie est racontée dans deux récits parallèles dont le lecteur ne doute pas qu'ils finiront par se rejoindre un jour. Mais une véritable rencontre est-elle possible dans un monde ainsi déshumanisé? C'est la question que pose ce récit-choc.
Mathilde travaille dans une entreprise de produits diététiques et seconde efficacement son patron, Jacques, jusqu'au jour où, à propos d'un litige sans grande importance, elle se permet de n'être pas d'accord avec lui et le lui fait savoir. Dès lors, insidieusement, sans avoir droit à une explication, il lui retire peu à peu toutes responsabilités et la relègue dans une bureau, près des toilettes, place symbolique du rang qu'elle occupe désormais. L'écrivain analyse avec beaucoup de justesse les réactions du personnage, le sentiment de dévalorisation qu'elle éprouve, et les ravages que cette mise au placard méprisante et destructrice va produire chez elle. A partir d'une réalité sociale tristement d'actualité, Delphine de Vigan, met en scène une femme tourmentée et isolée dans un monde impitoyable qui n'a plus de respect pour l'individu.

"Aujourd'hui il lui semble que l'entreprise est un lieu qui broie, un lieu totalitaire, un lieu de prédation, un lieu de mystification et d'abus de pouvoir, un lieu de trahison et de médiocrité."

Thibault, médecin urgentiste, sillonne les rues de Paris pour se rendre de malade en malade, pour des visites à domicile. Après sa rupture avec Lisa dont il a du mal à se remettre, il va à la rencontre, dans des appartements miteux, de la misère, de la souffrance et de la solitude.

"Il n'a rien d'un héros. Il a les mains dans la merde et la merde lui colle aux mains. Sa vie se partage entre 60°/° de rhinopharyngites et 40°/° de solitude. Sa vie n'est rien d'autre que ça : une vue imprenable sur l'ampleur du désastre."

J'ai eu un peu peur à moment donné - à cause de certains passages répétitifs- que le roman devienne trop démonstratif et tourne à la thèse sociale. Heureusement, il n'en est rien, car l'écrivain a su créer de vrais personnages auxquels je me suis intéressée et des thèmes qui m'ont touchée, celui de la solitude au milieu de la foule, de la violence d'un capitalisme qui n'a plus de frein, pour qui le profit prime sur toute considération humaniste. Sans être un grand roman, Les heures souterraines, est un bon livre qui a le mérite de parler de problèmes actuels dans le monde du travail, ce qui est assez rare dans notre littérature, tout en faisant vivre les personnages.

Article publié dans mon ancien blog en 2010

mercredi 21 décembre 2011

Haruki Murakami : Kafka sur le rivage



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Franklin Carmichael
Dans Kafka sur le rivage, Haruki Murakami raconte l'histoire d'un jeune garçon de 15 ans, Kafka Tamura, qui s'enfuit de Tokyo pour échapper à la prophétie de son père qui pourrait le détruire. Son voyage l'amène loin de chez lui dans une ville, Takamatsu, jusqu'à une bibliothèque de livres anciens et précieux où il rencontre Oshami, le bibliothécaire, et la mystérieuse Melle Saeki, la directrice. Parallèlement, nous suivons le trajet d'un vieil homme, Nakata, qui part de Tokyo poussé par la nécessité et arrive lui aussi à Takamatsu pour trouver la pierre d'entrée.
Haruki Murakami est un auteur très riche car s'il nous fait pénétrer dans sa culture, il ouvre la porte aussi aux mythes grecs, fondateurs de l'humanité, comme celui d'Oedipe cherchant à échapper à l'oracle pour mieux accomplir son destin, ainsi qu'à différentes cultures par le biais du cinéma, de la musique, des livres que lit Kafka, car les livres font partie de sa vie et la bibliothèque est le seul endroit où il se trouve chez lui.
Même un esprit cartésien peut accepter d'entrer dans un roman fantastique  et y adhérer mais le passage entre le réel et l'imaginaire doit être délimité, une barrière bien franche qui permet de garder des repères. Le fantastique finit donc par avoir sa propre logique et si l'esprit frémit d'horreur, les pieds restent plantés en terre. Autrement dit, nous ne croyons pas aux fantômes mais nous en avons peur! Un sentiment délicieux à éprouver quand vous êtes douillettement installé sur votre canapé, auprès d'un bon feu, si possible!  Mais avec Haruki Murakami, il faut abandonner toutes certitudes.  Lorsque vous pénétrez dans son univers, c'est comme si vous larguiez les amarres, comme si vous vous détachiez de la rive pour partir vers  l'inconnu car la frontière n'existe plus; les esprits des morts côtoient les vivants sans distinction, les vivants, eux-mêmes, peuvent devenir fantômes, se projetant dans un âge de leur vie qu'ils ne veulent pas quitter, la forêt est peuplée de soldats disparus il y a un demi-siècle, les chats parlent avec un vieil homme capable de provoquer des pluies de poissons.. Tout est possible! Et c'est cela qu'il y a de très beau dans ce roman, cet abandon que vous devez faire de vous-même, ce mélange indistinct de réalisme et de rêve, cette exploration de contrées inconnues, obscures, qui sont peut-être aussi ceux de l'âme humaine. Car ce qui me touche beaucoup dans ce roman, c'est que tous les personnages, fragiles et attachants, sont à la recherche d'eux-même. Ils ne savent pas qui ils sont, que ce soit Nakata, le vieillard amnésique dont la mémoire a été mystérieusement effacée mais qui a bénéficié d'autres dons en contrepartie; que ce soit le jeune héros, Kafka Tamura, qui ne connaît ni sa mère, ni sa soeur, ou Oshima qui ne sait pas s'il est homme ou femme, ou la vieille-jeune Melle Saeki. Et il faut encore accepter de ne pas avoir de réponse toute prête car cette quête douloureuse et hésitante n'a pas d'autre enjeu que la vie ou la mort. Et c'est à chacun de nous de  trouver des raisons de vivre ou encore de mourir.

Voici la réponse de Kafka Tamura :
" Ai-je agi comme il fallait?
-Tu as agi comme il le fallait, dit le garçon nommé Corbeau. Tu as fait ce qui était juste. Personne n'aurait pu agir aussi bien que toi. Tu es le garçon de quinze ans le plus courageux du monde réel, tu sais.
-Mais je ne sais toujours pas ce que cela signifie vivre, dis-je.
-Regarde le tableau et écoute le vent.
Je hoche la tête.
-Tu en es capable.
Je hoche à nouveau la tête.
-Tu devrais dormir un peu, dit le garçon nommé Corbeau; Quand tu te réveilleras, tu feras partie d'un monde nouveau.
Tu t'endors sans tarder.
Et quand tu t'es réveillé, tu faisais partie d'un monde nouveau. "

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dimanche 18 décembre 2011

Robert Burns, My heart’s in the Highlands…

 

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The hills of the Highlands for ever I love

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Le grand poète écossais Robert Burns est né à Alloway dans le Ayrshire en 1759. son père, un fermier, lui fit donner une solide instruction en engageant un précepteur. Ce qui lui permit d'accéder à une connaissance parfaite de la grammaire anglaise et aussi de faire connaissance avec les plus grands poètes anglais : Shakespeare, Milton et Pope... C'est pourquoi il fut à même d'écrire dans un anglais formel et recherché aussi bien que dans la langue écossaise des Lowlands.
Ainsi, même s'il a  poussé la charrue et cultivé la terre, il est loin d'être, comme on l'a surnommé  plutôt abusivement, the heaven-taught ploughboy autrement dit dans une traduction littérale dont je ne me flatte pas :  le  laboureur enseigné par le ciel" (ou "inspiré?) ou encore Le poète-paysan. Il est aussi appelé : Scotland's favourite son (le fils préféré de l'Ecosse) ou The bard of Ayrshisre
Voici une poésie  qui s'inspire d'une vieille ballade écossaise.

My Heart in the Highlands

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My heart's in the Highlands, my heart is not here;
My heart's in the Highlands, a-chasing the deer;
A-chasing the wild deer, and following the roe -
My heart's in the Highlands wherever I go.
****
Farewell to the Highlands, farewell to the North,
The birthplace of valour, the country of worth
Wherever I wander, wherever I rove,
The hills of the Highlands for ever I love.
****
Farewell to the mountains high cover'd with snow;
Farewell to the straths and green valleys below;
Farewell to the forests and wild-hanging woods;
Farewell to the torrents and loud-pouring floods.
****
My heart's in the Highlands, my heart is not here;
My heart's in the Highlands, a-chasing the deer;
A-chasing the wild deer, and following the roe -
My heart's in the Highlands wherever I go.





Un livre, un Jeu : réponse à l'énigme n° 15 Marie Shelley, Frankenstein


Les Karloff du jour sont : Aifelle, Keisha, Eeguab, Asphodèle, Maggie, Kathel, Dominique, , Pierrôt Baton, Sabbio, Marie José et 1/2 Karloff pour Lireaujardin et Lystig. Félicitations à tous!
Le livre : Frankenstein  ou le Prométhée moderne de Marie Shelley
Le film :  Frankenstein de James Whale avec Boris Karloff
Les circonstances dans  lesquelles Marie Shelley conçut son roman sont assez célèbres. C'est au bord du lac de Genève, dans la villa Diodati, que Byron, en exil, accueille Marie Godwin, la future Madame Shelley, et son amant, le poète Shelley. Pour tromper l'ennui d'une journée d'orage, Byron propose à chacun de raconter à son tour une histoire terrifiante se basant sur un phénomène surnaturel. Maris Shelley surpasse tous les autres. Elle invente l'histoire du savant fou qui engendre un monstre et le succès est tel que, bientôt, il dépasse son auteur, atteignant au mythe. Frankenstein (c'est le nom du créateur et non de la créature comme on le croit souvent) porte d'ailleurs un sous-titre qui en annonce la portée : Le Prométhée moderne.
Le roman n'est pas linéaire et présente plusieurs narrateurs. Il commence par une série de lettres que Robert Walton, jeune aventurier parti à la découverte d'un passage pour atteindre l'océan Pacifique dans les régions arctiques, écrit à sa soeur Margaret restée en Angleterre. Walton recueille, sur son navire pris dans les glaces, un étrange voyageur qui dérive sur la banquise et qui semble poursuivre quelqu'un. Ce dernier, le savant  Frankenstein, va raconter son histoire au jeune homme pour lui faire prendre conscience de la folie que représente le désir de vouloir atteindre le savoir à n'importe quel prix.  C'est un des thèmes clefs du roman.
Le roman épistolaire cède donc place à la narration de Frankeisten. Né à Genève dans une famille heureuse, amoureux depuis l'enfance d'Elizabeth, une orpheline recueillie par ses parents, Victor Frankenstein part étudier la physique à l'université d'Ingolstadt. C'est un étudiant brillant, zélé. Il va découvrir le principe de la vie. Poussé par l'enthousiasme, par l'ambition, les rêves de gloire aussi, il crée une créature qui se révèle un monstre et qu'il laissera s'enfuir. En réalisant cette expérience, Frankenstein a joué à l'apprenti sorcier. Il s'est pris pour Dieu alors qu'il n'a pas la force d'assumer ses responsabilités par rapport à sa créature. Il est coupable des conséquences de son acte insensé.
  La narration de Frankenstein est entrecoupé d'un récit qui est celui de la créature elle-même. Le "monstre" vient trouver son créateur pour lui demander de l'aide et  lui reproche de l'avoir abandonné. Il explique comment il a pu survivre en se cachant pendant des mois et comment il a été rejeté à cause de sa laideur, pourchassé par tous. Sa nature était pourtant bonne et  il avait soif d'amitié et d'amour mais la méchanceté des hommes l'a poussé vers le mal, a éveillé la haine et la vengeance. Le thème du Bien et du Mal est ici présenté par l'auteur mais aussi celui du rejet de l'autre à cause de la différence.

Le roman aborde des thèmes éminemment romantiques. Quand Marie Shelley rédige ce texte, elle est très imprégnée des paysages alpins. La nature tient donc un grand rôle dans le roman dans ce qu'elle a de sublime*. Ce sont les hauts pics enneigés, les abîmes vertigineux qui l'inspirent et qui arrachent un peu le personnage à son tourment.
Des glaciers énormes s'avançaient jusqu'à la route, j'entendis le grondement de l'avalanche et vis la fumée qui marquait son passage. Le Mont Blanc, se dressait au milieu des aiguilles, et son dôme démesuré surplombait la vallée.
Ces paysages sublimes et  magnifiques métaient une consolation sans égale. Ils m'élevaient au-dessus de toute mesquinerie et, bien que n'effaçant pas mon chagrin, ils l'atténuaient et l'apaisaient.


Le héros, devient par l'acte qu'il a accompli, un être poursuivi par le malheur, thème romantique du bonheur impossible. Il entraîne dans sa perte tous les êtres qu'il aime tendrement, son petit frère, sa femme, son père... La malédiction semble s'acharner sur lui et il sait qu'il n'y a plus d'espoir de rédemption pour lui. Il est en proie à une mélancolie profonde, l'angoisse l'étreint, il souhaite mourir et se sait condamné. On pense à Faust et à son pacte avec le diable ou mieux encore au docteur Coppelius donnant vie à sa création dans les contes d'Hoffman. Le "Monstre" (il ne porte pas de nom car il n'est pas considéré comme humain alors qu'il pense et souffre comme un humain) qui épouvante la population semble représenter l'incarnation du Mal. Il tue pour assouvir sa vengeance envers son créateur qui l'a abandonné à son triste sort et envers tous ceux qui le rejettent. C'est un être qui inspire l'effroi et qui ne peut trouver de repos ni de joie. Son physique repoussant en fait un réprouvé comme le Gwinplaine de L'homme qui rit de Hugo. Si la créature était vraiment surnaturelle, l'atmosphère du roman serait gothique. Mais l'on s'aperçoit bien vite que l'oeuvre de Marie Shelley n'a pas pour unique ambition de faire peur. Elle en est très consciente puisqu'elle écrit dans sa préface :

Le docteur Darwin et quelques physiologistes allemands ont donné à entendre que le fait sur laquelle se fonde cette fiction ne relève nullement de l'impossible. Qu'on n'aille pas s'imaginer que j'accorde une foi aveugle à une telle hypothèse; néanmoins, je n'ai pas eu le sentiment, en m'en inspirant pour mon récit, de tisser une toile de terreurs purement surnaturelles. L'événement qui se trouve à l'origine de mon histoire ne présente pas les inconvénients inhérents aux simples récits de fantômes et de merveilleux. Il s'est imposé à moi par la nouveauté des situations qu'il autorise, et bien que constituant une impossibilité sur le plan physique, il permet à l'imagination de cerner les passions humaines de manière plus complète et plus riche qu'un enchaînement de faits réels.

Marie Shelley propose, en effet, une réflexion sur les dangers que la science fait courir à l'humanité si elle n'est pas guidée par le bon sens et la morale. Nous en revenons toujours à la fameuse maxime de Rabelais : "science sans conscience n'est que ruine de l'âme" . La responsabilité des savants est engagé. Il est dangereux de se croire l'égal de Dieu, le jeune savant Frankenstein va l'apprendre à ses dépens tout comme Prométhée enchaîné à son rocher. On comprend combien le problème soulevé par ce roman est  toujours d'actualité et ceci avec d'autant plus d'acuité que "l'impossibilité physique" dont parle l'écrivaine est levée. Juste avant d'écrire ces mots, j'ai vu un reportage sur le clonage d'un mammouth grâce à l'ADN récupérée sur un corps conservé dans les glaces. Passe encore pour l'animal mais il est devenu possible aussi, nous dit-on, et certains scientifiques l'envisagent sérieusement, de cloner un homme du Néenderthal. Les êtres humains ne sont pas devenus plus sages au XXIème siècle, les savants fous existent encore! Ecoutez plutôt la plainte de la créature et ses accusations contre ceux qui, sans conscience, amène à la ruine de l'âme :

La créature s'adresse à Robert Walton : Vous, qui appelez Frankenstein votre ami, paraissez avoir connaissance de mes crimes et de mes malheurs. Mais aussi détaillé que fut son récit, il n'a pu évoquer les heures et les mois de misère que j'ai endurés, consumés de passion impuissante. Car, tandis que je détruisais ses espoirs, je ne satisfaisais pas mes désirs propres. Ils ne cessèrent à aucun moment de me torturer, j'aspirais toujours à  connaître l'amour ou l'amitié, et on ne m'opposait que le mépris. N'y avait-il pas là quelque injustice? Dois-je être considéré comme le seul criminel quand toute l'humanité a péché contre moi?


*Les Romantiques avec  le philosophe Emmanuel Kant -  Les observations sur le sentiment du beau et du sublime- distinguent le beau du sublime.  Le sublime enchante et séduit mais éveille aussi l'horreur, double réaction qui constitue l'essence du sublime : Des chênes qui s'élèvent et des ombres solitaires dans un bois sacré sont sublimes", "la nuit est sublime, le jour est beau", "le sublime touche, le beau charme" écrit Kant.








samedi 17 décembre 2011

Un livre, un film : Enigme N°15



Wens de En effeuillant le chrysanthème et moi-même nous vous proposons, le samedi, un jeu sous forme d'énigme qui unit nos deux passions : La littérature et le cinéma! Il s'intitule : Un livre, Un film.

Chez Wens ICI vous devez trouver le film et le réalisateur, chez moi le livre et l'auteur.

Consignes :  Vous pouvez donner vos réponses par mail (que vous trouverez dans mon profil) : Qui êtes-vous? et  me laisser un mot dans les commentaires sans révéler la réponse pour m'avertir de votre participation. Le résultat de l'énigme et la proclamation des vainqueurs qui n'auront gagné que la gloire de participer (avouez que c'est beaucoup!) sera donnée le Dimanche.



Enigme n° 15

Le nom du personnage éponyme de ce roman est connu de tous et est devenu mythique. Il a été écrit par une femme au XIX siècle et l'action se déroule en partie en Suisse, au bord d'un lac. Je vous en ai  déjà dit trop! A vos marques, prêts, partez!

Mais où se trouvaient mes amis et mes parents! Nul père n'avait veillé sur mon enfance, nulle mère ne m'avait prodigué ses sourires et ses caresses -où s'ils l'avaient fait, le souvenir de mon passé s'était effacé de ma mémoire. Dans mon premier souvenir j'avais la taille et l'apparence que je me connaissais aujourd'hui. Je n'avais jamais rencontré d'être me ressemblant ou prétendant avoir avec moi des liens de parenté. Qu'étais-je? Cette question me hantait en permanence, mais seuls mes gémissements y répondaient.

vendredi 16 décembre 2011

Voltaire : Il faut être intolérant envers l'intolérance

Voltaire

 J'ai fait mienne la devise de Voltaire : Il faut être intolérant envers l'intolérance.  C'est la seule qui nous sauvera des  autodafés et bûchers de l'inquisition adaptés à notre époque. En effet, la montée des intégrismes des religions de tous bords en France ne cesse  d'être inquiétante. A l'intégrisme religieux des musulmans, des protestantismes américains, répond de nos jours l'intégrisme des catholiques. Voilà plusieurs fois qu'ils sévissent dans notre bonne ville d'Avignon ...  et ailleurs! Aussi je vous renvoie au blog de Lireaujardin  qui dénonce ces errements encouragés, qui plus est, par l'attitude de la mairie d'Avignon. Nos élus semblent oublier que nous sommes dans un pays laïque et que  leur devoir est de le rappeler aux citoyens. Et pour cela ne pas l'oublier eux-mêmes quelle que soit leur confession religieuse!

Blog de Lire au jardin: La Fête des lumières à Avignon et la loi du 9 décembre 1905

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 J'ai hésité à en parler sur mon blog qui est dédié à la culture, mais le lien est facile à faire : cette ferveur catholique récente, ostentatoire, relève bien de la même mouvance qui a fait l'actualité avignonnaise encore fraîche à la Collection Lambert avec la destruction du "Piss Christ" d'Andres Cerano en avril dernier, et à l'Opéra-Théâtre pour la pièce de Roméo Castelluci, "Sul concetto di volto nel Figlio di Dio" cet été.
Dans les deux cas, il s'agit bien d'ultra-catholiques, et ces processions aux flambeaux du 8 décembre dans notre ville qui relèvent de la même veine, sont soutenues et encouragées par la mairie d'Avignon. Lire la suite ICI


Des mots une histoire : Sur ton âme il a neigé...

Flower abstraction Georgia O'Keeffe

Les mots imposés pour l’édition du jeu Des mots, une histoire dans le blog d'Olivia Désirs d'histoires sont  : mécréant – certificat – douche – bises – givré – gluten – adresse – rafale – tendresse – excuse – bruire – catastrophe – autarcie – perce – vaporeux – rugby – découverte – ivresse – possible – carte – intimité – espiègle – pile – prière – page – licorne – aphrodisiaque.
Mais ils sont méchants tous (presque tous!) de m'imposer des mots pareils pour écrire mon poème?


Quand tous les vents du Possible ont égrené ta détresse
Quand la rafale a tourné tant de pages de ta vie
Quand sur la carte d'Amour, il part sans laisser d'adresse
Quand ton coeur en autarcie est resté inassouvi

Sur ton âme il a neigé, sur ton âme il a neigé

Et quand  ton coeur piétiné comme un terrain de rugby
De la pile de la vie a presque éteint la durée
Quand Vénus aphrodisiaque t'a rejetée dans l'oubli
Certificat non conforme avec ton coeur couturé
 
Sur ton âme, il a neigé, sur ton âme il a neigé.

Perce-neige découverte aux pétales de gluten
Perce-neige douce amère annonceras-tu la fin
de la bise meurtrière qui me secoue et qui geint?
Perce-neige douce espiègle, dans l'ivresse du matin


Ta tendresse vaporeuse dans l'intimité des mains
Est l'excuse murmurée du mécréant consolé,
Est la licorne au long cou, de prière auréolée.


Blog d'Olivia

jeudi 15 décembre 2011

Hommage à Tony Hillerman : Le dernier chant du Navajo :


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Peintures sèches :   rituels de guérison

Le 26 octobre 2008, le Vent-qui-est-dedans s'est libéré de Tony Hillerman pour aller saluer le nouveau jour. A quatre-vingt-trois ans, le "grand ami du Peuple" a quitté le Cinquième Monde. Sa, Celle-qui-apporte-le-Grand-Âge, est venue le chercher. J'entends les voix de Première Femme et de Premier Homme qui vont s'affaiblissant sur les Quatre Montagnes Sacrées où s'efface peu à peu le hurlement de Coyote... Avec Tony Hillerman s'arrêtent aussi les aventures du lieutenant Joe Leaphorn et de Jim Chee, policiers Navajo, enfants de son esprit.
Si vous aimez le roman policier ethnologique ainsi que l'on a nommé ce genre nouveau, n'hésitez pas! Lisez Tony Hillerman dans l'ordre chronologique, si possible, pour pouvoir suivre les étapes de la carrière de Joe Leaphorn, et les grands moments de sa vie, l'amour qu'il porte à sa femme, son  deuil... puis l'arrivée tardive, quelques romans plus tard, de Jim Chee, policier lui aussi, jeune homme proche de son peuple, qui veut devenir Medecine-man et exécuter les rites guérisseurs, les peintures sèches, la Voie du Sommet-de-la-Montagne ou celle de la Bénédiction... Deux héros que l'on retrouve d'un livre à l'autre et que l'on reconnaît comme des amis, heureux d'avoir de leurs nouvelles, désolés des coups durs que la vie leur inflige.
Le pays que décrit Tony Hillerman est d'une beauté aride, poussiéreuse, colorée, appelé Fours Corners où, fait unique dans le pays, les frontières séparent quatre Etats, Arizona, Utah, Colorado, Nouveau-Mexique; c'est la plus grande réserve d'indiens des Etats-Unis limitée par les Quatre Montagnes Sacrées qui correspondent grossièrement aux quatre points cardinaux. La parfaite connaissance du Dineh, le Peuple (c'est le nom que se donnent les Navajos) et l'empathie que Tony Hillerman éprouve envers lui rend la lecture de ses livres passionnante.
Mais le meilleur hommage que l'on puisse rendre à un écrivain est de lui laisser la parole :

Dans Porteurs de Peau, Jim Chee vit dans une maison mobile. Un chatte abandonnée par  des estivants a fait son apparition près de chez lui pendant l'hiver. Elle est maigre, efflanquée..

 Chee doutait de pouvoir approcher suffisamment la chatte pour parvenir à mettre la main sur elle et il n'avait pas essayé. Il y avait trop du navajo traditionnaliste en lui pour intervenir dans la vie d'un animal sans avoir une raison de le faire. Mais il était curieux. Un animal comme celui-là, élevé  et nourri parmi les hommes blancs saurait-il retrouver assez de ses instincts de chasseur pour survivre dans le monde des Navajos? Sa curiosité s'était graduellement muée en une admiration sans exagération. Avant le début de l'été, l'animal avait acquis la sagesse en même temps que les traces dans sa chair. Il avait cessé de donner la chasse aux chiens de prairie et se concentrait sur les petits rongeurs et les oiseaux. Il avait appris comment se cacher, comment s'échapper. Il avait appris à s'endurcir et à survivre.
Dans Blaireau se cache, Jim Chee se rend à l'hôpital où Nakaï, un shaman, est en train  de mourir d'un cancer. Celui est sous oxygène, relié par "des tubes à la vie" et par des fils "aux ordinateurs mesurant le Vent Sacré"...

Il replaça le masque sur son visage, inhala de l'oxygène, l'ôta à nouveau.
-Les bilagaana (les hommes blancs) ne comprennent pas la mort. C'est l'autre extrémité du cercle, pas une chose contre laquelle il faut combattre et lutter. As-tu remarqué que les hommes meurent juste à la fin de la nuit, quand les étoiles brillent encore à l'ouest et qu'on peut apercevoir l'éclat de Garçon de l'Aube, à l'est sur les montagnes? C'est pour que le Vent Sacré qui est en eux puisse aller bénir le nouveau jour. J'ai toujours pensé que je mourrai comme ça. Pendant l'été. A notre campement dans les Chuska. Avec les étoiles au-dessus de moi. Avec mon vent-qui-est-dedans qui se libère. Et non pas en agonisant enfermé dans... 
Dans Coyote attend, Joe Leaphorn vient de perdre sa femme, Emma. Il demande à Jim Chee d'exécuter pour lui la Voie de la Bénédiction et des peintures sèches qui contraindraient " les puissances à rendre Joe Leaphorn à une vie apportant "la beauté tout autour de lui"...

Puis Jim Chee avait sorti de sa jish (sa bourse à médecine) en peau de daim le petit sac de cuir qui était sa bourse des Quatre Montagnes, deux jeux de bâtons de prières, une boîte de tabac à priser qui contenait des pointes de flèches en silex, et une demi-douzaine de petits sacs de pollen. Il avait solennellement dessiné les contours des traces de pas sur le sol et inscrit dedans à l'aide du pollen les symboles des rayons du soleil sur lesquels Leaphorn allait marcher. Derrière Chee, par la porte du Hogan qui s'ouvrait sur l'est, Leaphorn voyait les remparts déchiquetés des monts Carrizo qui réflétaient le rose du crépuscule. Il avait respiré la fumée du pin pignon qui montait des feux de cuisson faits par les proches d'Emma et par ses propres amis venus se joindre à lui pour ce voyage dans le monde spirituel de son peuple.
Voir deux sites : hillerman.1227461617.jpg
 Tony Hillerman polarnoir

Billet programmé en novembre 2008 dans mon ancien blog

mercredi 14 décembre 2011

Clara Dupont-Monot : Nestor rend les armes



Nestor rend les armes de Clara Dupont-Monot est un livre surprenant par son sujet et ses personnages  qui ont une certaine marginalité. Chaque jour, Nestor se rend à l'hôpital et veille sur sa femme qui est dans le coma et proche de la mort. Alice, le médecin qui soigne la malade est touchée par cet amour et offre son soutien moral à cet homme qui lui semble accablé de chagrin. Nestor est obèse, la nourriture est devenue son seul plaisir et la couche de graisse qu'il entretient autour de lui est une carapace qui lui permet de se protéger. Mais protéger de quoi? C'est ce que nous allons apprendre peu à peu en ajoutant les bribes de l'histoire que nous livre l'écrivaine- comme des morceaux d'un puzzle qui se reconstituerait devant nous. Et ce que nous apprenons est d'une tristesse infinie. On devine un autre Nestor, un personnage qui a été amoureux, qui a cru  au bonheur et puis est survenu l'irréparable. Et Nestor s'enfonce dans l'obésité comme un homme qui se noie, comme un homme qui se suicide. La rencontre du médecin, charmante jeune femme, et de Nestor dont le physique ne suscite autour de lui que pitié ou moquerie, est d'abord assez improbable. Mais peu à peu nous comprenons ce qui relie de ces deux êtres, la détresse qui est la leur,  la solitude qui les ronge, qui les amène hors du monde :

Souvent il s'était demandé pourquoi la solitude n'avait pas son expression corporelle, au même titre que la migraine qui s'accompagne de nausée ou que la grippe avec ses frissons de fièvre".

Le thème de la solitude est associé à celui de l'immigration, au mal du pays, à la différence, ici doublement symbolisée par l'exil et l'obésité. Et puis il a aussi le deuil que l'on ne peut pas faire, qui règle le rythme de la vie de Nestor et le fait sombrer. Une belle histoire qui transforme notre regard car le personnage que l'on considère au départ comme un malade devient profondément humain et l'on se rend compte qu'il faut dépasser l'apparence pour atteindre la vérité de ceux qui nous entourent.

Le roman est porté par un style fluide, précis qui analyse, dissèque, interprète avec clarté et sans chercher à nous apitoyer. Comment peut se terminer un telle histoire? L'écrivain nous livre trois dénouements, à nous de choisir! C'est ce que j'ai fait en faisant mienne la première, une fin relativement optimiste tout au moins pour le personnage d'Alice, parce qu'enfin si quelque chose peut contrebalancer le désespoir c'est tout de même l'amour.

Merci à Jeneen

mardi 13 décembre 2011

Invitation au romantisme : Childe Harold en Italie Lord Byron

Lord Byron de Richard Westall


De temps en temps, je vous invite à aller voir des billets écrits dans le cadre du challenge romantique afin d'en découvrir les richesses et trésors et, bien sûr, ce sera chacune(e) son tour! Il ne s'agit pas d'un bilan mais d'une invitation  dans l'univers romantique de la blogosphère. Mardi dernier vous étiez invités dans plusieurs blogs pour aller à la rencontre de la musique romantique : ICI

Le blog de Tilia : Echos de mon grenier

Dans le beau blog de Tilia, consacré à la peinture, c'est à une promenade en Italie avec Byron à laquelle vous êtes invités et plus particulièrement à la lecture d'un billet qui allie poésie,  peinture et musique.
Childe Harold en Italie

Child Harold's Pilgrimage, poème de Lord Byron comportant quatre chants, fait partie des œuvres majeures du Romantisme qui ont eut une grande influence sur les Arts.
En poésie, "
Le dernier chant du pélérinage d'Harold"  a été composé par Lamartine en hommage à Byron en 1825, l'année suivant sa  disparition.
En peinture, "Child Harold's Pilgrimage" est un tableau de Turner dont le titre et la dédicace sont issus du quatrième chant de Childe Harold, celui que Byron a rédigé en Italie. L'œuvre entière de Byron à profondément influencé Turner, ce sera l'objet d'un billet à venir.
En musique, Berlioz a donné le titre "Harold en Italie" à sa symphonie avec alto principal, composée en 1834 à la demande de Paganin
i. Lire la suite

 Requiem pastoral

Un autre article est dédié au peintre romantique anglais Sir Edwin Henri Landseer pour son tableau :   le vieux berger pleuré par son chien
 
En ce 2 novembre, jour traditionnellement réservé au souvenir de nos disparus, le hasard a fait pencher la balance du choix de mon billet en faveur d'un tableau rattaché au Romantisme.
Lire la suite
  
Sir Edwin Henri Landseer, peintre animalier (1802-1873)





lundi 12 décembre 2011

Stieg Larsson : Millenium


Parfois les anniversaires, c'est bien.. même ceux des autres. Le jour où mes filles ont offert les trois volumes de Millenium à leur père fut un grand jour... pour moi.
Ces livres qui hantaient tous les rayons des librairies me faisaient les yeux doux depuis un moment...
Ils sont beaux et donnent envie d'être lus! J'aime le format des éditions Actes Sud et les couleurs de cette collection Actes noirs, fond noir encadré de rouge et l'illustration de la couverture. Puis, il y a les titres si étranges, si poétiques qu'ils parlent à l'imagination et sont une promesse de mystère : Les hommes qui n'aimaient pas les filles ; La fille qui rêvait d'un bison d'essence et d'une allumette; La reine dans le palais des courants d'air. Enfin, l'engouement que tout le monde semble éprouver pour eux m'intriguait tout en me rendant méfiante : est-il possible que cela ne soit qu'une simple mode?
Mais quoi! On ne peut pas se jeter sur tous les romans tentateurs sous peine de trous dans le budget familial, de faillite, de banqueroute.  De plus, il faut reconnaître que les murs de l'appartement ne sont pas extensibles, que les livres y sont déjà en double file sur les étagères et puis que ... de temps en temps, il faut être raisonnable!  Ah! l'horrible mot!
Bref! le jour où mes filles ont offert... je les lui ai laissé lire en premier et oui, tout de même, et puis et je m'y suis jetée dessus.

 Un récit haletant et complexe

Millenium de Stieg Larsson Les hommes qui n'aimaient pas les femmes tome 1
Les hommes qui n'aimaient pas les femmes tome 1

Qu'est-ce qui fait le charme de ces bouquins? Pourquoi sont-ils responsables de nuits blanches car c'est vrai que l'on ne peut en arrêter la lecture quand on les commence.
Le récit, d'abord, est haletant et complexe.
Le volume 1, Les hommes qui n'aimaient pas les filles,  concerne la disparition de la nièce d'un riche industriel Henrik Vanger,  qui demande à Mikael Blomkvist, journaliste d'investigations sociales et économiques, de reprendre l'enquête abandonnée quarante ans auparavant. Depuis le vieil homme n'a cessé de recevoir pour chaque anniversaire un tableau composé de fleurs séchées semblable à celui offert par la jeune fille à son oncle avant sa disparition. Ce qui va amener Blomkvist à découvrir les secrets enfouis d'une grande famille d'industriels et à risquer sa vie  sur les traces de ces hommes qui n'aiment pas les femmes.
Parallèlement nous sommes intrigués par le mystère qui entoure Lisbeth Salander,  jeune femme qui aide Blomkvist dans son enquête. Elle a un physique d'enfant, est sous tutelle après avoir été enfermée dans un hôpital psychiâtrique. Asociale, révoltée, prompte à la violence, experte en sports de combat, elle a, de plus, une morale qui n'appartient qu'à elle et ne s'embarrasse pas de notions telles que la légalité, le respect des lois. Et pour cause! Nous comprendrons par la suite pourquoi. De plus, elle se révèle une surdouée de l'informatique dont l'absence de scrupules est un bienfait pour les enquêtes de Mikael.

Millenium de Stieg Larsson : La fille qui rêvait d'un bidon d'essence et d'une allumette tome 2
La fille qui rêvait d'un bidon d'essence et d'une allumette

L'histoire de Salander court sur les trois volumes doublant le récit policier qui dans le volume 2, La fille qui rêvait d'un bidon d'essence et d'une allumette, présente une nouvelle enquête de Mikael Blomkvist sur des jeunes filles venues de l'est,  prostituées et assassinées dans l'indifférence générale, de la police à l'état.

Millenium de Stieg Larsson : La Reine dans le palais des courants d'air Tome 3
La Reine dans le palais des courants d'air

Le volume 3, La Reine dans le palais des courants d'air, résoudra le mystère de la vie de Lisbeth Salander liée à des secrets d'état et aux activités souterraines de membres de la Sapö, police de sûreté suédoise... Ainsi le livre de Stieg Larsson au-delà de l'intrigue policière est aussi une présentation de la Suède et une dénonciation du dysfonctionnement de la démocratie et des courants d'extrême droite qui agitent le pays.

Ensuite, les personnages!

Ils ont une telle force qu'ils finissent par empiéter sur la vie privée du lecteur.  Si l'on aime bien Mikael Blomkvist,  le journaliste sans peur et sans reproches,  c'est tout de même Salander qui tient le haut du pavé!  A force de faire référence à elle dans la vie de tous les jours, j'ai fini par lui aliéner la sympathie de mes proches! " Encore cette Lisbeth Salander!"
Et oui! elle est fascinante, cette Elizabeth Salander et même si ce n'est pas toujours crédible, il semble qu'elle ait sept vies comme les chats! Elle semble être née sous la plume de l'auteur pour venger les victimes féminines, les obscures, les faibles, de tous les gros dégueulasses, misogynes, violeurs, barbares, cruels, qui empoisonnent cette terre.
Et, encore une fois, même si ce n'est pas très vraisemblable, lorsque ce petit bout de  femme met à mal les Gros Bras, aplatit les machistes, et ben, oui, je l'avoue, c'est un plaisir que l'on n'a pas le droit de se refuser! Car, même si la "morale" de Salander est douteuse (il vaut mieux être de ses amis!), au moins, elle est guidée par un sentiment de justice! Ce qui n'est pas le cas pour ceux qui détiennent le pouvoir et l'apparence de l'honorabilité.  Et puis, après tout, on est dans un roman! Stieg larsson tient à nous le préciser, d'ailleurs, car Salander c'est Fifi Brin d'Acier, (Pippi Langstrump en suédois), l'héroïne célèbre d'un livre pour enfants écrit par Astrid Lindgren.
Et du coup l'on se rend compte que les titres sonnent comme ceux de contes de fées : la fille qui rêvait.. la reine, le palais...  Un conte de fées noir, dans un pays bien noir, où l'histoire finit... bien??
A lire: le compte rendu plein d'humour rédigé par Florence Aubenas à propos de Millenium.

http://bibliobs.nouvelobs.com/2008/02/14/comment-millenium-ma-envahie


Stieg Larsson, l'auteur de Millénium
Stieg Larsson

Stieg Larsson est né en 1954. Journaliste auquel on doit des essais sur l'économie et des reportages de guerre en Afrique, il  était le rédacteur en chef d'Expo, revue suédoise observatoire des manifestations ordinaires du fascisme. Il est décédé brutalement, en 2004, d'une crise cardiaque, juste après avoir remis à son éditeur les trois tomes de la trilogie Millénium.

Billet publié dans mon ancien blog le 22 septembre 2008

dimanche 11 décembre 2011

Emily Brontë : Les moors




 Dans les Hauts de Hurlevent d'Emily Brontë (Ici), le paysage reflet des âmes des personnages, joue un rôle à part entière. Nous somme dans le Yorkshire et Catherine et Heathcliff courent en toute liberté dans les moors, ces landes de bruyère et d'ajoncs, sauvages, déserts, où Emily  aimait tant à se promener. Charlotte nous l'apprend :
 Ma soeur Emily aimait les moors. Des fleurs plus éclatantes que la rose s’épanouissaient pour elle au plus noir de la lande ; d’un creux morne sur le versant d’une colline son esprit savait faire un Éden. Elle trouvait dans la solitude toutes sortes de délices dont le plus cher était sa liberté.

Dans son cahier de poésies, Emily Brontë chante la beauté mélancolique de ces moors.

Les moors, les moors où l’herbe rare
Étend son velours sous nos pas ;
Les moors, les moors où le ciel clair
Dessine au loin la haute passe ;
Les moors, où le tarin égrène
Son trille sur le granit nu,
Où l’alouette délirante
Exalte nos coeurs de son chant !
Quelle langue dira le trouble
Qui naquit en moi quand, au loin,
Au front d’une lande étrangère
Je vis une bruyère pâle ?
Elle était maigre, et sans couleur,
Elle murmura d’une voix faible :
« La prison et l’exil me tuent,
J’ai fleuri mon dernier été. »

                                                      Traduction Daniel Rops source : Emily Bronte, poésie et solitude 

 Dimanche poétique avec Bookworm

 Le tarin


Un livre, un Jeu : réponse à l'énigme n° 14 Emily Brontë, les hauts de Hurlevent




Les Hurlevents, c'est ainsi que nous avons appelé les oscarisés de la semaine : Aifelle, Keisha, Sabbio, Eeguab, Dasola, Lireau jardin, Pierrot Bâton, Asphodèle, Jeneen, Gwen, Dominique, Miriam. Bravo à tous!

 Les hauts de Hurlevent de Emily Brontë et de William  Willer


Le roman d'Emily Brontë Les hauts de Hurlevent paraît en 1847 la même année que Jane Eyre mais il obtient un succès moins retentissant que celui de sa soeur Charlotte. Les lecteurs  victoriens sont choqués par le manque de bienséance du roman et l'absence de morale des personnages. La critique juge qu'il s'agit d'un roman peu "chrétien".


Au retour d'un de ses voyages, Mr Earnshaw  ramène  dans son domaine un jeune garçon de six ans, Heathcliff,  qu'il a trouvé abandonné dans un rue de Liverpool. Hindley, son fils aîné n'apprécie pas la présence du nouvel  arrivant, tandis que Catherine la cadette se lie rapidement d'amitié avec Heathcliff. Le  temps passant l'amitié se transforme peu à peu en amour. A la mort de Mr Earnshaw, la propriété passe sous le contrôle de Hindley qui fait de Heathcliff un domestique et lui inflige des humiliations constantes. Hindley est marié mais son épouse meurt peu de temps après la naissance de son fils, Hareton. Quant à Catherine, malgré son lien indéfectible envers Heathcliff, elle est rebutée par le caractère frustre et les mauvaises manières. du jeune homme. Elle accepte la demande en mariage de son riche voisin Edgar Linton, pensant ainsi soustraire Heathcliff aux mauvais traitements de son frère. Heathcliff  s'enfuit. Lorsqu'il revient après avoir fait fortune, il est bien décidé à se venger.  Catherine et lui se revoient et s'avouent leur amour  mais la jeune femme meurt après avoir donné le jour à une fille, Cathy. Heathcliff désespéré met au point sa vengeance. Il ruine Hindley et s'empare des Hauts de Hurlevent, séduit la soeur d'Edgar  qu'il se plait à maltraiter. De ce triste mariage naît un fils, Linton. Une fois Edgar disparu, Heatcliff va continuer à exercer sa vengeance sur les enfants nés de ces unions malheureuses. 

Le roman dont l'action se déroule dans le décor réaliste du Yorkshire où vit la jeune écrivaine, dans ces landes, désertes et glacées, ces "moors" battues par le vent qu'elle affectionnait, est un récit qui s'apparente au romantisme par bien des aspects et d'abord par ce paysage désolé. Romantique aussi ce thème de l'amour passion, où la fusion entre deux êtres qui s'aiment est telle que Catherine peut affirmer : "Je suis Heathcliff", un amour plus fort que la mort, où le fantastique semble côtoyer la réalité. Cette présence de la vie après la mort qui hante Heathcliff après la disparition de Catherine et le pousse à exhumer le cadavre de sa bien-aimée a fait qualifier le roman de "gothique". Mais le récit en refuse toutes les facilités et tous les ressorts mélodramatiques. Certes, le jeune homme est un héros romantique qui semble porter le mal en soi. On pense à  Byron,  amant de sa demi-soeur, qui épouse une femme qu'il se plaît à faire souffrir. Mais la cruauté de Heathcliff s'explique par les brimades et les humiliations qu'il a subies et par la violence naturelle de son caractère. De victime, il devient bourreau. Si Heathcliff est cruel, démesuré dans sa passion, si ses actes peuvent  apparaître comme fous, il n'est pas un "démon" comme semble le penser ses ennemis. Il est habité par un désir de vengeance qu'il assouvira non seulement sur ceux qui lui ont fait du mal mais aussi sur ceux qui sont innocents et ne l'ont jamais humilié. Ainsi le roman n'est pas gothique et s'il est romantique, il est aussi bien autre chose, inclassable, unique, défiant les interprétations qui sont souvent multiples. Les Hauts de Hurlevent est une tragédie sauvage, féroce, habitée par la haine où l'amour est indissociable de la mort, cette mort qui s'est acharnée sur Emily lui enlevant sa mère, sa soeur Anne et son frère...  Elle-même meurt un an après la publication de son roman et son agonie, nous dit sa soeur Charlotte, fut terrible "consciente qu'elle était de sa fin, déchirée, haletante, ne voulant pas quitter une vie heureuse et cependant résolue". Catherine a la même réaction de révolte face à sa propre mort.

Comme il est terrible d'affronter la mort avec ces visages de glace (...) elle s'agita tellement que son égarement fébrile devint de la folie et qu'elle se mit à déchirer l'oreiller avec ses dents..."

La construction du roman est complexe puisqu'il y a plusieurs narrateurs :  Mr Lockwood qui a loué une maison à Heathcliff, nous donne une vision assez impressionnante des personnages  qu'il découvre quand, perdu dans la neige, il est contraint de rester une nuit aux Hauts de Hurlevent. Heathcliff y vit avec Cathy, Hareton, des êtres qui semblent unis par la haine, Nelly et Joseph.  Puis la servante Nelly  raconte par un long retour dans le passé, l'histoire tragique de Heathcliff et de Catherine. Nelly est le personnage clef du roman car elle seule a une vision complète de ce qui est arrivé et elle connaît tous les protagonistes de l'histoire; elle est la soeur de lait de Hindley et est rentré toute jeune au service la famille Earnshaw. Elle est souvent la confidente  de l'un ou de l'autre. Même Heathcliff se confie à elle par moments.
Complexe aussi la structure du roman qui met en parallèle deux couples semblables, Catherine et Heathcliff et Cathy et Hareton comme un reflet de la même histoire, les amoureux de la deuxième génération vont-ils reproduire ce qui est arrivé à  la première? Pourquoi cette symétrie qui crée un effet miroir? Emily Brontë veut-elle dire que la vie est un éternel recommencement? que l'on ne peut échapper à son destin? Certes le dénouement paraît heureux entre Cathy et Hareton mais il ne reflète aucun optimisme sur la nature humaine de la part d'Emily. Heathcliff abandonne ses idées de vengeance et laisse libres les jeunes gens non par bonté mais parce qu'il est las, il n'éprouve plus de joie à assister à la destruction des êtres qu'il asservit.

Un livre/Un film
Le film est une version simplifiée et écourtée du roman. Le réalisateur ne retient que l'histoire de la première génération. Il affadit le caractère de Heathcliff en insistant surtout sur son statut de victime pour le rendre plus sympathique, il adoucit la brutalité du personnage dont les crises de colère mettent en danger de mort Hindley ou Isabelle,  il occulte les scènes de nécrophilie impossibles à faire passer à l'écran à cette époque-là (1939). Le personnage de Nelly devient lisse, c'est une servante au grand coeur, plus âgée et qui a toujours servi et aimé sa maîtresse avec dévouement. Dans le roman elle a le même âge que Hindley, 14 ans à l'arrivée de Heathcliff qu'elle rejette, elle aussi. Elle dit à plusieurs reprises qu'elle n'aime pas Catherine. Là encore son attitude laisse place à de nombreuses interprétations.  Quant à la Catherine du film, il faut reconnaître que Merle Obéron est une interprète très convaincante, orgueilleuse, exaltée, partagée entre son amour pour Heathcliff et ses sentiments envers son mari. Laurence Olivier est un Heathcliff adulte plein de morgue et de ressentiment. S'il a gagné en distinction en revenant au pays après avoir fait fortune, il reste rude et replié sur lui-même. Le film n'a donc pas la complexité du roman mais Wyler a su y faire passer un souffle, celui d'une passion dévastatrice qui emporte tout sur son passage.




samedi 10 décembre 2011

Un livre, un film : Enigme N°14



Wens de En effeuillant le chrysanthème et moi-même nous vous proposons, le samedi, un jeu sous forme d'énigme qui unit nos deux passions : La littérature et le cinéma! Il s'intitule : Un livre, Un film.

Chez Wens ICI vous devez trouver le film et le réalisateur, chez moi le livre et l'auteur.

Consignes :  Vous pouvez donner vos réponses par mail (que vous trouverez dans mon profil) : Qui êtes-vous? et  me laisser un mot dans les commentaires sans révéler la réponse pour m'avertir de votre participation. Le résultat de l'énigme et la proclamation des vainqueurs qui n'auront gagné que la gloire de participer (avouez que c'est beaucoup!) sera donnée le Dimanche.
 
Enigme 14
Ce passage est extrait d'un roman anglais du XIXème siècle qui conte une tragique histoire d'amour.
 
La neige commençait à tomber dur. Je saisissais la poignée du loquet pour faire un nouvel essai, quand une jeune homme sans veste, et portant une fourche sur l'épaule, apparut dans la cour derrière la maison. Il me héla en me faisant signe de le suivre et après avoir traversé une buanderie et une cour pavée contenant un magasin à charbon, une pompe et un pigeonnier, nous arrivâmes enfin dans la grande pièce, chaude et gaie, où j'avais déjà été reçu. Elle resplendissait délicieusement à la lueur  d'un immense feu de charbon, de tourbe et de bois ; près de la table mise pour un plantureux repas du soir, je fus charmé d'apercevoir "la maîtresse", personne dont je n'avais pas soupçonné l'existence. Je saluai et j'attendis, pensant qu'elle me prierait de prendre un siège. Elle me regarda en s'appuyant sur le dossier de la chaise, mais resta immobile et muette.