Pages

Affichage des articles dont le libellé est Littérature française XVII°. Afficher tous les articles
Affichage des articles dont le libellé est Littérature française XVII°. Afficher tous les articles

dimanche 24 mars 2013

Un livre/ Un film : Perrault , Grimm et Bettelheim...



Résultat de l'énigme n°60

Félicitations à tous ceux qui ont trouvé, soit les auteurs, soit le texte, soit le film! Dasola, Keisha, Marc, Maggie, Miriam, Pierrot Bâton, Syl

Les contes : Charles Perrault et les frères Grimm
                     Le texte est extrait de La Barbe Bleue de Perrault
Le film :  Agnès Jaoui : au bout du conte
 Charles Perrault : Le petit chaperon rouge illustré par Gustave Doré

La psychanalyse des contes de fée de Bruno Bettelheim
 
Il y a bien des manières d'interpréter les contes de fées mais j'ai particulièrement apprécié La Psychanalyse des contes de fées de Bruno Bettelheim dont la lecture est passionnante et qui nous ouvre des horizons sur ces lectures que certains pensent puériles ou  frivoles.
Les contes traditionnels appartiennent à la tradition orale et se sont perpétués au cours des âges, racontés le soir aux veillées, adoptant des variantes selon les époques et les pays. En France, c'est Charles Perrault qui, au XVIIème siècle, leur donne un forme écrite. En Allemagne, au XIXème siècle, les frères Grimm, Jacob et Wilhelm, collectent les contes et les légendes de leur pays et  les publient..
Après Freud et Jung, Bruno Bettelheim, dans La psychanalyse des contes de fée, analyse la portée symbolique des contes et étudie comment ils explorent les zones les plus profondes de l'inconscient. Bettelheim pense que les contes de fée répondent aux angoisses et aux questions que l'enfant se pose sur le monde qui l'entoure. En ce sens, ils exercent un fonction thérapeutique indispensable à l'enfance.
Les contes de fée ont pour caractéristiques de poser des problèmes existentiels en termes brefs et précis. L'enfant peut ainsi affronter ces problèmes dans leur forme essentielle, alors qu'une intrigue plus élaborée lui compliquerait les choses. Le conte de fées simplifie toutes les situations. Ses personnages sont nettement dessinés; et les détails, à moins qu'ils ne soient importants sont laissés de côté. Tous les personnages correspondent à un type; ils n'ont rien d'unique.

Pour Bettelheim le petit chaperon rouge correspond à la peur d'être dévorée. La fillette à un stade prépubertaire de son développement doit résoudre le conflit entre sa sexualité naissante et le complexe oedipien représenté par le loup, image double du séducteur et du père. Dans certains versions du conte (Grimm) le père se dédouble sous les traits du chasseur pour assurer son rôle bienfaisant de protecteur. Dans un but moralisateur et de mise en garde, Perrault, lui, annonce clairement la couleur (ce que lui reproche Bettelheim). Le loup ne conserve pas son aspect animal; par des sous-entendus assez clairs, il est  présenté sous une forme humaine et le chaperon rouge qui se glisse dans son lit est tout étonnée de voir "comment sa Mère-Grand était faite en son déshabillé".
Bettelheim écrit :
On supprime toute la valeur du conte de fées si on précise à l'enfant le sens qu'il doit avoir pour lui. Perrault fait pire que cela : il assène ses arguments. Le bon conte de fées a plusieurs niveaux de signification. Seul l'enfant peut découvrir la signification qui peut lui apporter quelque chose sur le moment. Plus tard, en grandissant, il découvre d'autres aspects des contes qu'il connaît bien et en tire la conviction que sa faculté de comprendre a mûri, puisque les mêmes contes prennent plus de sens pour lui.

De même Blanche Neige correspond aux conflits entre mère et fille à l'âge de l'adolescence. La jalousie de la mère envers la jeunesse de sa fille correspond à sa propre perte de séduction. La rivalité entre la mère narcissique et la fille en plein conflit oedipien se révèle ainsi. Le dédoublement existant dans les contes entre la mère (bonne) et la marâtre (cruelle) permet à l'enfant de pouvoir régler ce conflit sans ressentir de culpabilité par rapport à la mère dont l'image reste intacte.

C'est ce qui explique que l'on puisse retrouver les contes partout, dans tous les pays, et à n'importe quelle époque, y compris la nôtre.  
Tout conte de fées est un miroir magique qui reflète certains aspects de notre univers intérieur et des démarches qu'exige notre passage de l'immaturité à la maturité. Pour ceux qui se plongent dans ce que le conte de fées a à communiquer, il devient un lac paisible qui semble d'abord refléter notre image ; mais derrière cette image, nous découvrons bientôt le tumulte intérieur de notre esprit, sa profondeur et la manière de nous mettre en paix avec lui et le monde extérieur, ce qui nous récompense de nos efforts. »

Intemporels, ils n'en prennent pas moins la coloration de la société où ils sont racontés. Perrault mais aussi Grimm ont édulcoré le conte de tradition orale  pour l'adapter à leur société plus policée où l'on doit respecter certaines règles de bienséance. Ils ont supprimé des passages comme dans Le petit chaperon rouge où  l'on voit l'enfant dévorer les organes génitaux de la grand mère, métaphore de son passage de la fillette nubile à la femme capable de procréer. Chez Perrault, la société du XVII apparaît, décrite dans ses moeurs, ses divertissements, ses biens matériels. La Barbe Bleue permet de découvrir l'intérieur d'un bourgeois fortuné, avec ses meubles, sa riche vaisselle, ses raffinements. Il en est de même avec La Belle et la Bête de  Jeanne-Marie Le prince de Baumont au XVIIIème siècle où l'on voit la vie d'un marchand, les aléas de la navigation pour le commerce, la ruine financière qui en découle.
Il était une fois un homme qui avait de belles maisons à la Ville et à la Campagne, de la vaisselle d’or et d’argent, des meubles en broderies et des carrosses tout dorés (...)
 Barbe Bleue, pour faire connaissance, les mena avec leur mère, et trois ou quatre de leurs meilleures amies, et quelques jeunes gens du voisinage, à une de ses maisons de campagne, où on demeura huit jours entiers. Ce n'était que promenades, que parties de chasse et de pêche, que danses et festins, que collations : on ne dormait point, et on passait toute la nuit à se faire des malices les uns aux autres ; enfin tout alla si bien, que la cadette commença à trouver que le maître du logis n'avait plus la barbe si bleue, et que c'était un fort honnête homme. Dès qu'on fut de retour à la ville, le mariage se conclut.

Agnès Jaoui. Au bout du conte.
Le chaperon rouge, le loup et la marraine fée

Il était une fois "Au bout du conte". Agnès Jaoui réalise, elle, une transposition du conte dans notre société dans le but de nous faire rire. Et l'on s'aperçoit que ça marche et même plutôt bien!  Pour notre plus grand plaisir, Agnès Jaoui et Jean Pierre Bacri revisitent l'univers des contes de Perrault et de Grimm transposé dans le Paris actuel. Tous les personnages de l'univers des contes traditionnels sont réunis. Le roi règne sur un empire industriel qui pollue l'atmosphère, son épouse, la reine, reste la plus belle grâce aux progrès de la chirurgie esthétique. Leur fille, Blanche Neige,  se transforme en chaperon rouge pour être séduite par un loup qui prend les traits d'un séduisant Barbe Bleue. Si la princesse fouille dans les SMS de ce dernier, il n'est pas étonnant qu'elle y découvre les messages sinon les cadavres d'autres femmes. On n'ouvre pas les portes interdites. Elle est aussi, à la suite d'une nuit de désespoir où elle boit et se drogue, la Belle au Bois dormant réveillée par son Prince charmant! Elle abandonne son prince-musicien qui a une fâcheuse tendance à perdre ses mocassins (hilarante transposition de la pantoufle de vair) sur le coup de minuit pour enfourcher son carrosse-scooter. Dans ce petit monde la marraine fée (intermittente du spectacle) dans son palais, pavillon de banlieue, règne sur des nains de jardin. Elle n'est pas très douée pour le maniement des nouvelles baguettes magiques que sont les ordinateurs ou les automobiles. Au milieu de ce monde, circule Pierre qui n'aime pas les enfants et ne croit pas aux contes de fée. En fait il ne croit pas en grand chose. Mais quand on lui rappelle que le jour de sa mort,  annoncée par une voyante, approche la carapace du vieux bougon solitaire se fendille : " et si jamais….".  Dans cette comédie chorale enlevée, aux dialogues ciselés, les acteurs sont tous excellents avec une palme spéciale pour Jean-Pierre Bacri, chacune de ses apparitions déclenchant  rires et sourires. Une comédie enlevée.
Au bout du conte avec Agnès Jaoui, Agathe Bonitzer, Dominique Valadié, Valérie Crouzet, Nina Meurisse, Jean-Pierre Bacri, Benjamin Biolay, Arthur Dupont, Laurent Poitrenaud…qui vécurent heureux et…

Texte commun de Wens et Claudialucia

dimanche 29 avril 2012

Un Livre/Un film : Madame Le Prince de Beaumont La belle et la Bête



69968339_p 
Nous publierons à notre retour la liste des vainqueurs
Le conte : La belle et la Bête de Madame Le Prince de Beaumont :
La pièce de théâtre :  la belle et le Bête d'Alexandre Arnoux
Le conte : La chatte blanche de madame d'Aulnoy
Le film : La belle et la Bête de Jean Cocteau ; acteur Jean Marais; chef opérateur : Alekan

Merci à tous et toutes pour votre participation ....



Jean Cocteau s'inspire pour réaliser La Belle et la Bête du conte de Jeanne-Marie Le Prince de Beaumont et d'une pièce de théâtre d'un écrivain belge Alexandre Arnoux (que je ne connais pas). Il emprunte certains détails au conte La chatte blanche de madame d'Aulnoy.
 Jeanne-Marie Le Prince de Beaumont est née à Rouen en 1711 dans une famille d'origine modeste. Elle épouse le marquis Le prince de Beaumont qui meurt dans un duel en 1745. Son veuvage l'oblige à gagner sa vie. En 1748, elle publie un roman Le triomphe de la Vérité et émigre en Angleterre où elle devient gouvernante d'enfants de la haute société angalise. Avec le soutien de son ami Daniel Defoe, qui l'encourage à écrire, elle fait paraître des recueils qui assurent sa célébrité. Elle  écrit des oeuvres pédagogiques et morales. Le Magasin des enfants ou Dialogues entre une sage Gouvernante et plusieurs de ses élèves de la première distinction,(Londres 1757), est un recueil de contes de fées dont La Belle et la Bête est le plus connu. Le Magasin des Adolescentes (Londres, 1760), qui lui fait suite, contient d’autres contes, des récits de la Bible et de l’histoire romaine et des conseils moraux : Elle se remarie avec M. Pichon Tyrelle un normand naturalisé anglais. Elle meurt près d'Annecy en  1780.

La Belle et la Bête conte l'histoire d'un marchand, père de trois garçons et de trois filles, dont l'une, nommée la Belle, est douce et bonne, contrairement à ses soeurs vaniteuses et méchantes. Le vieil marchand ruiné se rend à la ville où il apprend la perte du dernier de ses navires. Lors de son voyage de retour, en plein hiver, il se perd dans la forêt et découvre un château merveilleux où il est accueilli avec générosité mais sans qu'il puisse voir son hôte.. Le lendemain, au moment où il s'apprête à partir, il cueille une rose pour sa fille Belle et aussitôt une bête apparaît qui lui demande sa fille en échange de sa vie. De retour chez lui, le père conte ce récit à ses enfants et Belle accepte de partir chez la Bête pour le sauver.  Elle va vivre avec la Bête et peu à peu apprendre à l'aimer. Cet amour permettra à la Bête de se délivrer du sort jeté par une fée et de redevenir un prince.


Le conte de madame le Prince de Beaumont présente deux mondes très différents : celui de la féerie avec l'intervention du fantastique que Cocteau a exploité merveilleusement, le château enchanté, le jardin plein de roses au milieu de l'hiver et de la neige, la bague magique, le miroir qui permet de voir des scènes lointaines.

Un monde bien réel et qui est une observation de la société de son temps : un marchand ruiné par la perte de ses navires; la déchéance sociale, le bourgeois aisé devient agriculteur, des filles à marier (les soeurs de Belle) auxquelles il faut impérativement une dot, trois fils à  qui il faut donner un métier.

Le thème principal du conte est l'idée qu'il ne faut pas juger les autres sur l'apparence extérieure. Sous la monstruosité de la Bête se cache une beauté intérieure que la Belle sait discerner, apprécier et enfin aimer parce qu'elle en est digne.
La Belle et la Bête est un conte moral : La Belle qui est généreuse, bonne sera récompensée. Elle découvrira le véritable amour alors que ses soeurs envieuses, jalouses, intéressées et incapables d'aimer, seront punies et transformées en statues.

Si Jean Cocteau s'inspire principalement pour réaliser La Belle et la Bête du conte de Jeanne-Marie Le Prince de Beaumont, il emprunte certains détails au conte de La chatte blanche de madame d'Aulnoy.
 Marie-Catherine d'Aulnoy ( 1651- 1705) est l'auteur de contes merveilleux : L'oiseau bleu, La chatte blanche, La belle aux cheveux d'or,   le nain jaune, la biche au bois .... dans lesquels elle allie à la description du Merveilleux, une satire de la société française du XVII siècle.

Dans La Chatte blanche, malgré de grandes différences dans le récit, le lecteur découvre une situation analogue  à celle du  marchand magnifiquement reçu dans une demeure enchantée mais puni parce qu'il dérobe une rose. Ici, c'est un jeune prince qui est accueilli avec faste dans un riche palais mais lorsqu'il veut s'emparer d'une chaîne de diamants, il est retenu par des mains sans corps. Cocteau a pris, ici, les images des mains tenant des flambeaux et montrant le chemin à la Belle quand elle arrive dans le château de la Belle. Dans La Belle et la Bête, c'est le prince qui a été transformé en bête par une fée, dans La chatte blanche, c'est un princesse qui a été métamorphosée en chatte.


Extrait de la chatte blanche
Il revint à la porte d'or, il vit un pied de chevreuil attaché à une chaîne toute de diamants, il admira cette magnificence, et la sécurité avec laquelle on vivait dans le château: «Car enfin, disait-il, qui empêche les voleurs de venir couper cette chaîne, et d'arracher les escarboucles? Ils se feraient riches pour toujours.»
Il tira le pied de chevreuil, et aussitôt il entendit sonner une cloche qui lui parut d'or ou d'argent, par le son qu'elle rendait; au bout d'un moment la porte fut ouverte, sans qu'il aperçût autre chose qu'une douzaine de mains en l'air, qui tenaient chacune un flambeau. Il demeura si surpris qu'il hésitait à s'avancer, quand il sentit d'autres mains qui le poussaient par derrière avec assez de violence. Il marcha donc fort inquiet et à tout hasard, il porta la main sur la garde de son épée; mais en entrant dans un vestibule tout incrusté de porphyre et de lapis, il entendit deux voix ravissantes qui chantèrent ces paroles
Des mains que vous voyez, ne prenez point d'ombrage,
Et ne craignez en ce séjour,
Que les charmes d'un beau visage,
Si votre cœur veut fuir l'amour.

dimanche 4 décembre 2011

Un livre, un Jeu : réponse à l'énigme n° 13 Madame de Lafayette : Mademoiselle de Montpensier



Les brillantes gagnantes  sont aujourd'hui :  Keisha, Aifelle, Maggie, Lireaujardin, Dasola, Miriam, Gwen, Jeneen,Pierrot Bâton, Sabbio... Bravo à toutes et merci pour votre participation.
 
Madame de lafayette:  Histoire de la princesse de Montpensier sous le règne de Charles X, roi de france
Bertrand Tavernier : La princesse de Montpensier voir chez WENS

Madame de La Fayette

De son nom complet Marie-Madeleine Pioche de la Vergne est plus connue sous le nom de madame de Lafayette qui est le nom de son mari, le comte François de la Fayette, noble désargenté à laquelle sa mère l'a mariée.
Demoiselle d'honneur de la reine Anne d'Autriche en 1650, elle prend  conscience des intrigues de la cour dont elle s'inspirera dans ses écrits. Elle se forme à la littérature dans les salons littéraires de madame de Rambouillet et de Mlle de Scudéry. Elle fréquente aussi le cercle janséniste de l'Hôtel de Nevers et se lie, vers 1660, au philosophe Arnaud et François de la Rochefoucault. Grâce à son amitié avec Henriette d'Angleterre qui épouse le frère du roi elle pénètre l'intimité de la cour.
En 1662, elle publie anonymement L'histoire de la Princesse de Montpensier, en 1670, Zaïde, et en 1678 le roman fondateur de la littérature française qui est considéré comme le premier roman moderne psychologique : La Princesse de Clèves (comme dit Keisha,  la copine de notre président!). Après la mort de son mari et de son ami La Rochefoucauld, elle écrit  Mémoires de la Cour de France pour les années 1688 et 1689 qui ne seront publiés qu'après sa mort  (résumé  de la biographie de Evènement)

Mademoiselle de Montpensier est un court roman (ou une nouvelle) qui raconte dans un style maîtrisé, simple et sobre, l'histoire de Marie de Mézières. D'une grande famille, celle-ci est promise dès l'enfance au duc du Maine, un  fils des Guise. Mais elle tombe amoureuse - et réciproquement- de Henri, le duc de Guise, qui sera dit plus tard Le Balafré, frère de du Maine. Son père décide, reniant sa promesse à la famille des Guise, de la marier au duc de Montpensier. Marie s'insurge mais elle doit céder à la pression familiale et épouser cet homme qu'elle ne connaît pas. Elle s'efforce alors d'être une bonne épouse, mène une vie studieuse en compagnie du vieil ami de son mari le comte de Chabannes qui lui sert de précepteur. Celui-ci, un huguenot qui a renié sa foi par amitié avec Montpensier et par rejet de la violence, tombe amoureux d'elle malgré la maîtrise qu'il croit exercer sur ses sentiments. Marie n'accorde aucun crédit à l'amour de ce subalterne. Mais lorsque Henri de Guise et elle-même se revoient, leur amour renaît. La rivalité de tous ces hommes amoureux d'elle, y compris du duc d'Anjou, frère du roi,  futur Henri III, excite la jalousie du mari et va mener au drame. Le récit se déroule sur un fond de guerre de religion et la mort, corollaire de l'amour, semble toujours peser sur les personnages à l'image de cette terrible guerre civile qui déchire le pays. D'ailleurs, le roman débute par cette si  belle phrase, d'une grande pureté stylistique, qui résume si bien l'intrigue et le sens du  roman :
Pendant que la guerre civile déchirait la France sous le règne de Charles IX, l'amour ne laissait pas de trouver sa place parmi tant de désordres, et d'en causer beaucoup dans son empire.
 Une des différences qui me frappent le plus entre le roman et le film mais qui est importante parce qu'elle traduit une réalité du XVI siècle, c'est la différence d'âge entre les héros du roman et ceux du film.  Dans le roman de madame Lafayette les personnages sont presque des enfants, reflets d'une époque où les filles nobles étaient mariées très jeunes pour  servir les intérêts familiaux et les jeunes gens de même, envoyés sur les champs de bataille avant même d'avoir vécu.  Dans la scène ou l'on voit Marie et Henri amoureux avant le mariage de Marie ils ont moins de quinze ans. Plus tard, au moment où se passe l'histoire, la princesse de Montpensier n'a pas plus de dix-sept. Le prince de Montpensier Henri du Guise, le duc d'Anjou sont des jeunes gens âgés de dix-huit ou dix-neuf ans. Vous imaginez donc quel âge a le "vieux" comte de Chabannes!
Même si Bertrand Tavernier a un profond respect et une grande admiration pour Madame de la Fayette et pour ce  roman, il est bien certain qu'il a dû mettre beaucoup de lui-même dans ce film. Comment, en effet, adapter un récit aussi court, dépouillé de tout détails, qui raconte les faits bruts, et en faire une oeuvre cinématographique développée, si ce n'est en interprétant, en allant au-delà de ce qui est écrit? Et c'est ce qu'a fait le réalisateur mais toujours dans le respect de l'oeuvre littéraire qui est analysée au mot près et aussi de l'Histoire, Bertrand Tavernier s'appuyant sur les connaissances d'un historien. Il a pourtant pris des libertés par rapport à l'oeuvre, guidé par son admiration pour le personnage de Marie, en allant plus loin que madame de Lafayette dans la revendication de la liberté de la femme et du féminisme. L'écrivaine écrivait, en effet, plutôt pour donner des leçons de prudence aux jeune filles,  mais comme dans toute oeuvre littéraire digne de ce nom, elle est dépassée par les possibilités de son personnage.

"Elle mourut peu de jours après, dans la fleur de son âge, une des plus belles princesses du monde et qui aurait été heureuse si la vertu et la prudence eussent conduit ses actions.

J'ai devant moi, la nouvelle de madame de Lafayette aux éditions Flammarion publié en même temps que le scénario du film. Faire cette lecture comparative est passionnant. Le livre est  précédé d'un avant-propos de Bertrand Tavernier qui explique les étapes de la construction du scénario. Je vous donne un exemple en le citant : 
je me suis arrêté sur une phrase de la nouvelle:
 Mlle de Mézières, tourmentée par ses parents, voyant qu'elle ne pouvait épouser M. de Guise et connaissant par sa vertu qu'il était dangereux d'avoir pour beau-frère un homme qu'elle souhaitait pour mari, se résolut à obéir à ses parents..."
Un mot en particulier m'a saisi : "tourmentée". Qu'entendait par là madame de Lafayette? Des historiens, notamment Didier Lefur, à qui j'ai posé la question, m'ont répondu que "tourmentée" signifiait "torturée" et qu'alors les lecteurs entendaient ce mot dans toute sa force et sa violence. Je me suis souvenu que ce terme est utilisé au Moyen-âge pour décrire les horreurs de l'Enfer. Marie avait donc pu être battue, frappée, menacée d'être enfermée dans une prison, ou plus sûrement dans un couvent. (..)Le mot "tourmentée" signifiait donc que Marie avait d'abord farouchement refusé ce projet de mariage.  Cette révélation m'a permis d'entrevoir la couleur, l'état d'esprit, la tessiture de Marie. J'allais bientôt saisir la tonalité, comme dans un morceau de musique. La jeune fille que décrit madame de Lafayette est prisonnière de sa caste, de traditions, de coutumes qui ne lui confèrent pas plus de droits, malgré son rang, que n'en a aujourd'hui une jeune fille née chez les mormons ou des protestants traditionnalistes américains, ou encore dans une famille religieuse fondamentaliste turque, yéménite ou hindoue.

Ce seul mot "tourmentée"  va donner lieu à un long développement, dans le film, qui ne couvrira pas moins de quatre scènes 24, 25, 26, 27. C'est un bel exemple de la démarche du cinéaste et de ses scénaristes-dialoguistes, Jean Cosmos et Olivier Rousseau, tout au cours de l'élaboration du scénario. Tavernier s'empare d'une phrase, d'une idée, d'une situation et se demande chaque fois comment il va le traduire en images en restant fidèle à l'époque historique et au caractère des héros.
Tavernier s'intéresse aussi beaucoup au comte de Chabannes qui avec Marie est le personnage principal et a inspiré à Madame de Lafayette un très beau portrait d'humaniste (qui refuse la guerre) et d'amoureux vieillissant prêt à mourir pour la femme qu'il aime.

Je râle parce que j'ai raté le visionnement du film et ne le connais que par le scénario. Voilà une lacune que je vais m'empresser de combler.


jeudi 16 juin 2011

La Bruyère : Naître, vivre et mourir


Klimt : Les trois âges de la femme


Il n'y a pour l'homme que trois évènements : naître, vivre et mourir. Il ne se sent pas naître, il souffre à mourir et il oublie de vivre. 

                                                                                            La Bruyère 


56270471_p1287677965.1303333736.gif Initié par Chiffonnette


mercredi 15 juin 2011

Phèdre de Racine

Crète, le culte du taureau (2)
 
Sarah Bernhart dans Phèdre

La fille de Minos et de Pasiphaé : c’est ainsi que Phèdre, Phaidra, la Brillante, la Phèdre de Racine, princesse crétoise, faisant allusion a sa double hérédité, dépeint le combat qui se livre en elle entre le mal et le bien, entre l’ombre et la lumière.
 La pièce de Jean Racine est une tragédie où l’obscurité le dispute au jour, où les monstres de la Grèce antique s’affrontent. Le Minotaure qui est né des amours contre-nature de Pasiphaé  avec un taureau est présent dans la tragédie classique à travers le personnage de Thésée auréolé de gloire pour avoir combattu et tué le monstre. A travers Phèdre, c'est toute l'histoire de la Crète qui nous est donnée à voir même si la pièce peut-être lue sous un autre angle, chrétien celui-là et plus précisément janséniste.
Lumière : Phèdre, la fille de Pasiphaé, petite fille du soleil, coupable d’amour incestueux envers Hippolyte, le fils de Thésée, cherche à fuir son crime

 :
Misérable et je vis? et je soutiens le vue
                                 
 De ce sacré soleil dont je suis descendue       
Ombre : Phèdre responsable de la mort de son beau fils Hippolyte veut se réfugier dans la mort :
Où me cacher? Fuyons dans la nuit infernale... 


mais elle sait qu’elle y retrouvera son père Minos, juge aux Enfers
Mais que dis-je? Mon père y tient l’urne fatale    
                                   
Minos juge aux enfers tous les pâles humains
Ombre et lumière : Dans ce combat, il faut, pour que la lumière triomphe que Phèdre, la Brillante, entachée de noirceur, mette fin à sa vie
Et  la mort, à mes yeux, dérobant la clarté

Rend au jour qu’ils souillaient toute sa pureté.


Ombre et Lumière. Crète. Le rouge des fresques des palais minoens éclaboussent ta blancheur, les taureaux noirs aux cornes d’or veillent sur toi, même s’ils ne livrent plus de combats. Tu as tué tes monstres mais l’ombre de Minos et de Pasiphaé s’étend toujours sur toi.