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vendredi 1 juillet 2011

Joyce Carol Oates : Marya




Dans la quatrième de couverture de Marya l'éditeur nous prévient :  "pour la première fois Joyce Carol Oates, la romancière la plus célèbre, la plus prolifique et paradoxalement la plus secrète des Etats-Unis va nous parler d'elle, nous donner des clés, un code pour décrypter son histoire."
Marya Knauer est abandonnée par sa mère avec ses deux frères après la mort de son père, un ouvrier, tué lors d'une violente rixe certainement lié à un conflit entre syndicat et patronat. Tous les trois sont confiés  à leur oncle paternel  Everard et à sa tante Wilmar qui vont les élever avec leurs propres enfants. L'enfance de Marya est solitaire, hantée par l'abandon de sa mère et par l'image du cadavre roué de coups de de son père à la morgue. La cruauté des enfants, entre eux, lorsque les adultes laissent faire, lui apprend la souffrance, la violence, la peur. Ce n'est que dans les études où sa brillante intelligence la place au-dessus des autres que Marya s'accomplit. C'est pourquoi du lycée à l'université, elle se plonge dans ses études, n'ayant que peu d'amis, peu ouverte, réussissant brillamment  tout ce qu'elle entreprend. Ses premiers écrits sont acceptés dans des revues, elle entame une carrière universitaire semée d'embûches, rencontre l'amour à deux reprises qui se terminent chaque fois tragiquement. Nous la laissons au moment où, ayant retrouvé la trace de sa mère, elle reçoit une lettre de celle-ci....
Je ne connais pas assez JC Oates* pour dire si ce roman est vraiment une clef pour comprendre sa vie. Certes, l'écrivain est d'origine modeste et d'une intelligence supérieure. Elle enseigne à l'université où elle a accompli une brillante carrière et nous savons combien elle a réussi dans le domaine de la littérature et ce que représente pour elle l'acte d'écrire. Ce n'est certainement pas sans raison que certains thèmes reviennent sans cesse dans  ses romans. Pour le reste, mystère!  Et ce n'est pas là, d'ailleurs, ce qui m'intéresse le plus dans ce roman car je me suis attachée à Marya, personnage fictionnel.
Marya est un roman d'initiation qui raconte la vie d'une enfant d'abord puis d'une adolescente, enfin d'une jeune adulte. Nous voyons Marya, enfant maltraitée, nous la voyons évoluer, partageons ses peurs, sa solitude ,découvrons ses contradictions, ses travers, ce sentiment de supériorité qui l'anime et la pousse facilement au sarcasme et au mépris. Non! Le personnage n'est pas entièrement sympathique! Comme d'habitude, ce qui me frappe chez Oates, c'est la complexité de l'analyse psychologique et sa manière de nous faire voir, en particulier Marya, à la fois de l'intérieur et de l'extérieur. Ce qui nous permet d'avoir des angles d'approche différents par rapport aux personnages. C'est ce qui fait la supériorité de la Littérature, du moins de celle d'un grand écrivain comme Oates, sur la vie réelle qui nous borne à nos propres sens, à notre seule perception. Ainsi le personnage de Marya décrite comme une fille, renfermée, ambitieuse et parfois cruelle peut tout aussi bien nous apparaître comme quelqu'un de fragile, de si durement  blessée par la vie qu'elle a dû gommer en elle toute sensibilité : ne pas pleurer, car si vous commencez, vous ne pourrez plus vous arrêter. c'est le conseil réitéré de sa mère qui en savait quelque chose sur la question. Et voilà comment cette jeune fille laide peut aussi nous apparaître à travers le regard de son amant sous les traits magnifiés d'une vierge espagnole, d'une mater dolorosa.
D'autres thèmes récurrents d'un livre à l'autre apparaissent :  celui de l'enfance maltraitée et marginalisée par la misère, celui de la solitude parfois douloureuse et angoissante car la jeune fille est trop différente, trop brillante, trop étrange pour parvenir à se faire des amies. Une solitude qui peut pourtant être voulue et consentie quand Marya est étudiante et qu'elle découvre le plaisir d'avoir une chambre à soi et le bonheur de la lecture nocturne. Car  l'amour des livres  permet à Marya de vivre et devient la seule chose sur laquelle elle puisse vraiment compter. Le thème de la foi et de l'appartenance à l'église catholique avec le tourment du doute et l'impossiblité de croire vraiment. Celui de l'inégalité sociale et des humiliations liées à la pauvreté et au mépris des riches. Les élèves boursiers doivent travailler en dehors de leurs heures d'étude pour assurer leur subsistance, ont l'obligation d'obtenir des notes supérieures pour conserver leur bourse et ils sont, de plus, méprisés par les non-boursiers. Marya se lie d'amitié avec Imogène, un jeune fille de bonne famille, riche, qui est attirée par l'intelligence de Marya. Leurs rapports deviendront vite conflictuels.
Je note aussi la fin ouverte du roman : Marya va-t-elle retrouver sa mère? Comment se passera cette rencontre?  On peut espérer que ce sera pour la jeune femme une libération, qu'elle aura enfin la réponse à cette question qui l'a poursuivie toute sa vie après la départ de sa mère : pourquoi?
Marya est donc un roman d'une facture classique au niveau du récit, dense et intéressant par les sentiments qu'il exprime. je l'ai apprécié  même s'il ne me touche pas autant que les romans qui sont actuellement -  dans ma découverte de Joyce Carol Oates - mes deux préférés : Chutes et Nous étions les Mulvaney. Mais je suis loin encore d'avoir lu toute l'oeuvre de Joyce Carol Oates!

 Challenge Joyce Caol Oates proposé par George Sand et moi


*J'ai déjà une réponse quant à la ressemblance de Marya avec son auteur  : si Marya est de confession catholique, ce qui a une importance extrême dans le roman, Joyce est protestante, ce qui apparaît sur cette photo  où Joyce Carol Oates semble avoir l'âge de Marya à la fin du roman.

Joyce Carol Oates : Zombi




Décidément, Joyce Carol Oates n'épargne rien à son lecteur. Lire Zombi, c'est plonger dans l'exploration d'un cas clinique absolument terrifiant, celui d'un tueur psychopathe à la folie meurtrière hallucinante. Mais attention! Il ne s'agit pas d'un thriller où le lecteur bien à l'abri dans sa confortable maison peut se payer le luxe de trembler tout en sachant que lui et en général le héros principal vont s'en sortir indemnes. Dans Oates, justement, vous savez, au contraire, que vous n'en réchapperez pas et que vous allez être impliqué réellement! Comment? Tout simplement parce qu'elle vous fait entrer dans l'esprit non de la victime mais du malade lui-même! Et comme le psychopathe a sa logique et que celle-ci est irréfutable car il a raison - Forcément, c'est son point de vue- vous vous rendez compte que vous en venez à penser comme lui. Non, Oates n'écrit pas pour vous faire peur mais elle vous fait peur!
Je suis allée jusqu'au bout fascinée par la force et la virtuosité de l'écrivain. Comment arrive-t-elle à pénétrer ainsi dans l'âme humaine? Déjà, c'est un exploit lorsqu'elle fait tomber les barrières, enlève le masque derrière lequel se cachent des personnages "normaux". Mais lorsqu'il s'agit d'un malade comme celui-là, on ne sait où elle trouve les ressources pour vous entraîner dans un tel vertige, aux confins de la folie. Cela tient du tour de force, ce qui lui est d'ailleurs habituel. Quand dans Reflets dans une eau trouble son héroïne se noie dans une voiture tombée dans une rivière, c'est vous qui  êtes prisonnier à sa place dans l'obscurité. Mais devenir psychopathe, c'est trop éprouvant!  Non, je n'ai pas aimé ce livre! Bien sûr, il ne s'agit plus d'un jugement littéraire mais que celui qui ne s'est jamais identifié à un personnage me jette la première pierre!

oates-challenge.1290436982.jpgChallenge de George .

Joyce Carol Oates : je vous emmène





Dans Je vous emmène Joyce Carol Oates nous entraîne dans un campus américain pendant les années soixante. La jeune héroïne dont nous ne connaîtrons pas le prénom  a dix neuf ans; elle vient d'un milieu modeste  - son père est ouvrier-  et a obtenu une bourse pour continuer ses études dans une grand université de l'Etat de New York.
Le livre est divisé en trois parties :
I) La pénitente qui nous fait pénétrer dans le cercle étrange, pour nous français, des sororités (fraternités pour les hommes) auxquels  les étudiantes américaines se doivent d'appartenir si elles ne veulent pas se sentir exclues. Entrer dans une communauté de ce genre, c'est, en effet,  un passage obligé, c'est se soumettre à une initiation, à des rituels secrets, c'est porter un insigne qui permet d'arborer son appartenance avec fierté, de partager des valeurs communes, d'être intégrée, considérée comme  une soeur par les autres membres de la sororité. Notre héroïne choisit la maison Kappa Gamma Pi dont le luxe tapageur  qui cache  une certaine  décrépitude  l'éblouit.  Mais avec ses revenus modestes, elle va vite s'apercevoir qu'elle ne peut  faire face aux dépenses d'un tel établissement. Peu à peu, elle va apprendre à ses dépens que le mot "soeur" est un vain mot, elle va faire l'expérience la cruauté dont elle mais aussi la "Mère" de la maison Kappa Gamma, Mme Thayer, veuve désargentée, seront l'objet, elle va découvrir une réalité peu reluisante sous la façade d'apparat.
Dans cette première partie du roman le ton de Joyce Carol Oates est  d'une puissance étonnante.  Elle peint d'un trait acéré une Amérique où les inégalités sociales sont criantes, où celui qui n'est pas fortuné subit le mépris, la discrimination, les humiliations au quotidien.  Ce n'est pas sans raison que la jeune fille n'a pas d'identité car dans la sororité personne ne retient son prénom, madame Thayer le déforme ; elle n'existe pas. L'écrivain décrit l'inhumanité de ces milieux aisés ou fortunés qui utilisent les autres quand ils peuvent les servir mais les rejettent sans scrupules ensuite. Elle dénonce la fausseté des apparences :  ces jeunes filles de bonne famille prétendument bien éduquées, vertueuses (dans les années soixante, la liberté sexuelle n'est pas envisageable ), studieuses, se livrent à la débauche toutes les nuits, sexe, alcool, drogue et ne sont là que pour aller à la pêche au mari, fortuné, bien entendu. Les allers-retours du récit, de la famille désunie de la jeune fille à sa vie dans la sororité,  véritable noeud de serpents, apportent chaque fois des précisions sur le caractère du personnage principal d'un intelligence supérieure, complexe, mal dans sa peau, malade jusqu'à l'anorexie, inadapté et marginal, d'abord soumis puis révolté.
Il s'agit ici d'un roman d'initiation d'une violence psychologique et verbale incisive, une découverte des réalités de la société  qui enlève toute  illusion  à celle qui la subit. Le talent immense de Joyce Carol Oates, la complexité de l'analyse psychologique et des rapports sociaux, la richesse du contenu  forcent l'admiration.
II) Négrophile est la deuxième partie. La jeune fille s'est libérée de la sororité et son initiation, cette fois-ci sexuelle, continue. Elle tombe amoureuse  pour la première fois de Vernor, un noir, brillant étudiant en philosophie dont l'intelligence, l'érudition, les théories la captivent. Une occasion pour Oates de parler du racisme et de la ségrégation qui régnaient à cette époque. Mais les personnages perdus dans leurs considérations philosophiques passent à côté des revendications de l'époque.  La jeune fille va se doter d'un prénom -  Anellia - qui n'est pas le sien, elle va se donner une personnalité  aux antipodes de la sienne. Comme si pour acquérir une identité et pour être vue par les autres, il fallait qu'elle renonce à elle-même. Son admiration pour Vernor l'amène à perdre, comme elle l'avait fait pour la sororité, sa lucidité et le le contrôle de sa vie. Là encore, elle découvrira à ses dépens qu'elle a été flouée. Il sera temps pour elle de s'accepter. Cette seconde partie reste intéressante et  riche mais m'a cependant moins touchée, peut-être parce que la première était d'une force telle que je suis restée sur cette impression. Peut-être aussi parce qu'elle présente une structure trop semblable à la précédente.
III) L'issue :  Le personnage découvre que son père qu'elle croyait mort est  vivant mais gravement malade. Elle traverse tous les Etats-unis pour aller le voir et l'assister dans son agonie. Là, elle comprend que, contrairement aux apparences, celui-ci qu'elle croyait hostile, qui lui reprochait d'avoir causé la mort de sa mère par sa naissance, l'aimait.  Avec la disparition du père finit l'initiation de la jeune fille qui entre dans l'âge adulte. La  troisième partie ne m'a pas accrochée;  je l'ai trouvée peu crédible. Je n'ai pas adhéré à ce dernier récit qui m'a paru ennuyeux. Ce parti pris de terminer sur une note optimiste ne m'a pas convaincue.

Joyce Carol Oates : Reflets en eau trouble





Reflets en eau trouble est un court roman de Joyce Carol Oates, très dense, très ramassé, comme une vie qui défile à toute allure, comme les dernières visions  avant la mort.

Pour écrire ce roman Joyce Carol Oates s'est inspiré d'un fait divers qui a fait scandale en 1969 aux Etats-Unis. A l'issue de la fête du 4 Juillet, bien arrosée,  un sénateur très en vue, vaisemblablement futur candidat à la présidence,  raccompagne une jeune fille dont il veut faire sa maîtresse. Mais il est ivre, se trompe de chemin et, dans la nuit,  sa voiture dérape et est précipitée dans l'eau profonde et obscure d'une rivière. Le Sénateur parvient à se sauver mais la jeune fille reste bloquée à l'intérieur du véhicule et meurt noyée.
Aucune surprise dans ce récit dont on connaît l'issue dès le début mais curieusement le rythme est haletant comme s'il s'agissait d'un suspense  car nous partageons toutes les pensées de la jeune fille, trouées d'espoir dans l'horreur noire de cette noyade, anticipation de la mort, retours dans un passé où  tous les temps se confondent : l'enfance et  cette fête si proche, ce début d'idylle avec le Sénateur dans cette journée où Elizabeth Anne Kelleher  ( Kelly) fait sa connaissance.  Les visages des êtres chers, ses chagrins,  ses meurtrissures, ses joies aussi, ses études...  tout nous amène inexorablement vers la fin dans une accélération angoissante,  la tête hors de l'eau, la bouche aspirant la vie dans une bulle d'air, jusqu'au moment où l'eau noire se referme sur nous. Le style de Oates  est, comme d'habitude, efficace, pressant, alternant des descriptions splendides des paysages de l'ïle de Grayling  qui, par contraste, rendent encore plus étouffant l'emprisonnement dans ce véhicule devenu tombeau.
Au-delà du fait divers,  Joyce Carol Oates,  dresse une tableau  pessimiste de la politique et des hommes politiques  américains. Reflets dans un eau trouble est  prétexte  à une condamnation sans appel du gouvernement conservateur, des loi d'un autre âge comme comme la peine de mort, du refus de l'avortement.  Kelly croit  naïvement  à la politique des  démocrates même si elle s'efforce d'être cynique et de citer Charles de Gaule :  " Un homme politique ne croit jamais à ce qu'il raconte, et il est surpris quand les autres le prennent au mot". Mais elle admire le  vieux Sénateur qui joue du pouvoir que lui confère sa position pour  la  séduire alors qu'elle a l'âge de ses enfants. Joyce Oates n'est pas  plus tendre avec lui qu'envers les conservateurs.  Ainsi  le Sénateur  fait toujours de belles promesses mais n'en a jamais tenu aucune ou si peu; le Sénateur  s'extirpe du véhicule en prenant appui sur la tête de Kelly et n'a pas le courage de retourner la chercher; le Sénateur pense surtout à éviter le scandale en prévenant en secret son ami sans appeler les secours, le  Sénateur enfin se désole parce que sa carrière risque d'être brisée pendant que la jeune fille agonise.  Jamais Joyce carol Oates n'a été aussi amère.

Joyce Carol Oates : la fille du Fossoyeur




Avec La fille du fossoyeur, Joyce Carol Oates s'inspire de l'histoire de sa grand-mère, Blanche Morgensten, à qui le livre est dédié. La fille du fossoyeur a donc réellement existé avant de devenir un personnage romanesque.
Dans le roman, Rebecca Schwarz dont le père a fui le régime hitlérien pour immigrer aux USA naît sur le bateau au moment de l'arrivée dans le port de New York. C'est ce qui la distingue du reste de sa famille, ses parents et ses frères qui ne sont pas américains et subiront leur vie durant les quolibets et les injures réservés aux étrangers qui parlent mal la langue et qui, de plus, sont allemands donc assimilables aux yeux de la population aux ennemis et aux nazis. Le père, professeur de mathématiques en Allemagne obtient un emploi bien au-dessous de sa qualification; il devient fossoyeur, profession peu considérée et qui lui vaut la condescendance voire le mépris des notables. Obligé de s'humilier devant eux, il cultive la haine qu'il éprouve envers "ces autres", ceux qui l'accueillent si mal, il s'aigrit, boit et se venge sur sa famille, ses enfants surtout. C'est ainsi que vit Rebecca jusqu'au drame qui va transformer sa vie et la pousser vers d'autres lieux. Après un mariage malheureux, elle va fuir avec son petit garçon, Zachs, à travers les Etats-Unis, toujours en mouvement, jusqu'au jour où elle rencontre Gallagher...
Je résume brièvement La fille du fossoyeur pour laisser le plaisir de la découverte mais l'intrigue est étoffée et  complexe et de nombreux personnages rentrent en jeu. En fait, le roman comporte trois parties distinctes :
La première intitulée : La vallée de Chautauqua raconte l'enfance de Rebecca à Milburn, état de New York et sa vie de femme mariée à Chautauqua Falls.
La seconde : Dans le Monde est l'errance de la jeune femme et de son fils, poussés tous les deux par la peur de cet homme violent, leur mari et leur père...
La troisième : Au-delà est un échange de lettres entre Rebecca, âgée, malade, et sa cousine Freida, réchappée des camps de la Mort.
Le roman de Joyce Carol Oates est passionnant car l'on suit les péripéties de la vie de Rebecca hantée par la tragédie familiale, poursuivie par le malheur mais forte, courageuse, digne. C'est une femme hors du commun qui parvient à rester maîtresse de sa vie. Les personnages qui gravitent autour d'elle avec leurs faiblesses, leurs souffrances, leur désespoir, sont toujours décrits en évitant le manichéisme, avec les subtilités d'une analyse qui s'efforce de comprendre l'homme sous la brute : comme le  père de Rebecca qui devient bourreau alors qu'il est victime. La densité des évènements et les nombreuses rencontres qui jalonnent la route de Rebecca renouvellent sans cesse l'intérêt.
Au départ, pourtant, le sujet me paraît plus classique que les autres romans de Oates; il me rappelle Sang Impur de Hamilton qui traite du même thème, une famille allemande qui fuit le nazisme mais cette fois-ci en Irlande. il y a un peu, aussi, de La nuit du chasseur dans la longue fuite de la mère et l'enfant. Mais c'est aussi un roman sur l'identité, Rebecca rejetant son passé, reniant son origine et  les blessures de son enfance, se forgeant une autre personnalité. C'est un thriller mais traité d'une manière originale avec l'histoire d'un serial killer qui court en filigrane tout au long du récit, que l'on finit par oublier et qui revient à la fin, récit dans le récit, totalement imbriqué, qui peint la femme comme une proie.
De nombreux thèmes viennent encore s'entremêler au récit principal : le travail et l'exploitation des ouvrières à la chaîne à l'usine de Niagara Tubing, la musique qui est si importante dans la vie de Zachs et devient une raison de vivre, le racisme, l'antisémistisme, le rejet de l'autre qui est à l'origine du drame. Enfin, plus fort que tout est la dénonciation de l'attitude des Etats-Unis pendant le seconde guerre mondiale, son refus de prendre parti, le renvoi criminel d'un bateau contenant des centaines d'immigrés qui ont péri dans les camps. Un beau livre!