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mercredi 23 mars 2022

Gouzel Iakhina : Zouleikha ouvre les yeux

 

Gouzel Iakhina 

  

Zouleikha ouvre les yeux est le premier roman d’une jeune écrivaine d’origine tatare, Gouzel Iakhina. Elle est née à Kazan où elle a fait des études universitaires à l’université d’état tatare. Elle est diplômée du département de scénarisation de l'École de cinéma de Moscou et a participé à l’écriture de scénarios. À partir de 1999, elle vit à Moscou, travaille dans le domaine des relations publiques de la publicité. Elle publie son premier roman Zouleikha ouvre les yeux en 2015.
 

Je m'étais dit que j'allais faire court pour parler de ce roman que j'ai beaucoup aimé et ceci d'autant plus qu'il a été largement commenté dans nos blogs. Merci à Aifelle, Ingammic et Nathalie qui m'ont donné envie de le lire. 

 

 

 

Les critiques négatives 

Le kremlin de Kazan, première étape de l'exil

"Les petites flèches pointues du Kremlin ont l'air d'être en sucre."

Bref ! je voulais faire court mais j'ai lu des critiques négatives envers ce roman, et, en admettant que je les ai bien comprises (traduction du russe), alors voilà, j'ai fait long ! j'ai essayé d'y répondre !  Et encore je me suis limitée!

Dans son pays, en effet, le livre n’a pas fait obligatoirement l’unanimité chez les critiques : on lui reproche d’avoir créé des personnages trop attendus : les intellectuels sont trop prévisibles, « trop bons », comme le docteur Wolf Karlowitch Leibe  et le jeune et beau commandant du convoi, Ivan Ignatov, trop « romantique ».

Certains jugent que l’auteure a édulcoré l’horreur de la vie des déportés dans ces camps, des travaux forcés, des maltraitances. 

D’autres se scandalisent de l’immoralité du livre car Zouleikha devient la maîtresse d’Ignatov et son fils Youssef prend le patronyme de l’assassin de son père.

Mais malgré ces critiques négatives le roman a reçu des prix prestigieux, preuve qu'il a été largement reconnu  : Le prix du Grand Livre (Bolchaïa Kniga ) et le prix d’Iasnaïa Poliana (nom de la maison de Tolstoï).

Le récit

A bas les Koulaks

Zouleikha ouvre les yeux débute en 1930, période où le gouvernement soviétique décide de la dékoulakisation des paysans, réforme qui vise les propriétaires terriens, les Koulaks,  riches et moins riches. Ils sont dépossédés de leur terre et déportés ou plutôt « déplacés », c’est le mot administratif politiquement correct, vers les régions isolées et sauvages de Sibérie pour défricher des terres et travailler en collectivité. La dékoulakisation a fait plus de quatre millions de morts.

La jeune Tatare Zouleikha est mariée à 15 ans à un vieil homme, Mourtaza, qui la fait travailler comme un bête de somme et utilise son corps comme objet sexuel. Elle est maltraitée par la mère de son mari qui la considère comme sa servante et la méprise. Soumise, elle ne remet pas en cause l’ordre établi, la supériorité des hommes, l’obéissance à son mari et sa belle mère, selon la stricte éducation qu’elle a reçue de sa mère. Lorsque les Rouges envahissent son village pour prendre la terre aux paysans, son mari est tuée par le bolchévik Ignatov, sa belle-mère, malade et aveugle, abandonnée, et elle, amenée en déportation. C’est le début d’un long, terrible et épuisant voyage, la faim, la maladie, le froid, le manque d’hygiène et d’intimité, faisant de nombreuses victimes. Enceinte, elle, si fragile, si petite, va parvenir à survivre et, lorsque arrive la fin du voyage, à mettre au monde son enfant, Youssef, grâce à l’aide de ceux qui l’entourent, paysans comme elle ou intellectuels exilés de Léningrad, "gens du passé".

La connaissance de la société tatare 

Tatars de Kazan XIX siècle
 

J’ai lu avec beaucoup de plaisir ce livre qui présente de nombreux centres d’intérêt, l’un d’entre eux, et pas des moindres, étant la connaissance du peuple Tatar, de ses coutumes, ses traditions, ses vêtements, mais aussi de ses croyances populaires, de sa langue aussi. Un curieux mélange entre la religion musulmane et les vestiges du paganisme se partage l’esprit de Zeilhouka. La maison et les bois sont peuplés d’esprits, parfois maléfiques, Chaïtane, Bitchoura, Chourale… qu’il faut apaiser par des offrandes. Ils règnent sur Zouleikha par la terreur. Entre Dieu tout puissant et ces petits êtres pas toujours bien disposés pour les humains, l'espace de liberté est restreint.

L’exil et le voyage

La Rivière Angara issue du lac Baïkal

 Le livre se lit comme un roman d’aventures douloureuses, tragiques, qui relancent sans cesse l’intérêt du lecteur. Le long voyage d’exil de Kazan à la Sibérie et ses péripéties tiennent en haleine.  Certaines scènes sont marquantes, effrayantes, comme celle où l’on assiste à la mort des centaines de passagers enfermés dans la cale du bateau qui sombre dans l’Angara. Le récit de la première année de colonisation où le petit groupe, abandonné sans provisions et sans outils, parvient à survivre pendant l’hiver sibérien et où Zouleikha nourrit son bébé de son sang est hallucinant.

Quant au  style de l’écrivaine, il  alterne entre de belles descriptions de la nature amples et lentes :

« Il regarde à travers ses paupières à demi fermées, la masse sombre de l’Angara, en contrebas. La débâcle avait commencé quelques jours plus tôt. Tout l’hiver, la rivière avait été effrayante, se cabrant en vagues gelées, se rapprochant de la butte. Puis, elle s’était mise à étinceler par endroits, des grosses taches grises étaient apparues, elle scintillait au soleil. Un jour, on avait entendu un grondement fracassant ; elle s’était brisée en panneaux de glace aux bords tranchants, d’une blancheur aveuglante, charriés par le courant. « Tu ne nous auras pas » s’était dit Ignatov en regardant la glace avancer rapidement, menaçante, sur la rivière gonflée. L’Angara s’était vite calmée, elle avait déjà avalé toute la glace. Elle était devenue plus sombre, aussi bleue et étincelante que l’été précédent. »

... et une écriture présentant une succession d’actions rapides, toutes au présent de narration, très visuelle, qui s’apparente à une écriture scénarique et rappelle la formation cinématographique de l’écrivaine :

« Un éclair déchire le ciel à travers tout l’horizon. Des nuées violettes se frottent les unes contre les autres, obscurcissent le jour. Le tonnerre éclate, grondant bas. Il ne pleut pas.

(…) et soudain - mes aïeux : l’horizon tangue, les vagues envoient leur écume de tout côté, les mouettes volent en flèche au-dessus du bateau, les matelots courent dans tous les sens comme des chats qui auraient la queue en feu. On n’entend pas les cris : le vent hurle trop fort. »

Ce tempo haletant crée des variations de rythme, une musique interne, par rapport aux périodes descriptives plus longues, qui s’étirent lentement

Les personnages

 


 Un portrait que rencontre souvent Zouleikha, celui d'un homme moustachu au regard sage....
 
Wolf Karlowitch Leibe  et les gens du passé

Les gens du passé, ce sont les intellectuels considérés comme les ennemis du peuple.  Sont-ils tellement prévisibles ? Sait-on à l'avance comment ils vont se comporter dans le roman ? Je ne sais pas, mais  j'ai retrouvé avec plaisir  des personnages que l'on peut rencontrer dans la littérature classique russe, preuve, peut-être, qu'à défaut d'être originaux, ils sont vrais !

Wolf Karlowitch Leibe, en particulier, est un personnage attachant. C'est un savant, professeur de médecine,  dévoué à ses malades. Il vient en aide à Zouleikha et son enfant sans rien lui demander en échange et sans abuser d’elle. Est-il « trop bon »?  

Que reproche-ton finalement à  Gouzel Iakhina ? Une vision trop optimiste de la nature humaine ? Pourtant seules la bonté, la solidarité et l'entraide peuvent expliquer que tous les déplacés ne sont pas morts et qu'ils ont pu survivre au pire !

Depuis les violences de la révolution d'Octobre, le personnage s'est réfugié dans un monde à part, a glissé dans une sorte de folie douce qui le préserve du monde extérieur.  Pour lui aussi la déportation va permettre de briser la coquille.

"Wolf Karlovitch vivait dans un oeuf.

La coquille avait grandi d'elle-même autour de lui, il y a de nombreuses années, peut-être même des décennies- Leibe ne prenait pas la peine de compter  : le temps ne s'écoulait pas dans l'oeuf, et, par conséquent n'avait aucune importance....

Il s'avéra que l'oeuf était intelligent. Il laissait passer les sons et les scènes agréables au professeur, et bloquait définitivement tout ce qui aurait pu l'inquiéter peu ou prou. La vie devint soudain merveilleuse."

Zouleikha

C’est paradoxalement, quand elle perd sa liberté et est déportée que Zouleikha va secouer peu à peu - et non sans crainte, honte et remords - , le carcan imposé par son éducation et les préjugés religieux et sociaux qui font d’elle une femme esclave, considérée comme inférieure et qui n’a pas d’existence ou de valeur par elle-même. 

Devenir une femme libre dans un goulag sibérien est donc une gageure assez osée réussie par l’auteure et qui semble avoir choqué certains critiques. La libération sexuelle associée à la métaphore du miel, sucre et lumière, douceur, plaisir, n’est d’ailleurs pas la seule forme que prend l’émancipation de Zouleikha. Elle se libère aussi de la crainte de Dieu, Allah ayant détourné les yeux des régions reculées où elle vit. Et les esprits n'existent pas. Elle va aussi choisir sa place au sein de la communauté et, après la fameuse scène de la mort de l’ours, devenir chasseuse, pourvoyeuse de gibier,  rôle normalement dévolu à l’homme. Elle occupe ainsi une fonction essentielle dans la survie du groupe.

 Si Zouleikha travaille toujours autant qu’avant, elle le fait en égalité avec les autres et dans l’affirmation de sa personnalité. Elle n’est plus « la poule mouillée », sobriquet dont l’affublait sa belle-mère, "la Goule". Zouleikha a ouvert les yeux !

Ivan Ignatov

Quant à Ivan Ignatov, c’est vrai, il n’est pas un de ces tortionnaires sadiques qui ont  fait régner la terreur dans les goulags. L’originalité du roman et l’intérêt du personnage consistent justement en ce qu’il ne le soit pas ! Officier de l’armée rouge, luttant contre un pouvoir tsariste totalitaire, convaincu d’un avenir meilleur pour le peuple, il a cru à la Révolution. Certes, il a du sang sur les mains mais il a horreur de ce qu’on l’oblige à faire avec ce convoi. C’est un tourmenté, visité par les morts qu’il n’a pu sauver, il perd le sommeil mais aussi ses illusions quant au pouvoir stalinien et sombre dans l’alcool et la déchéance. Ce n’est pas un personnage lisse, la manière dont il traite parfois les femmes, ne le rend pas toujours sympathique. Mais jamais il n’abandonne les exilés qui sont sous sa responsabilité. Il cherche à les sauver par une organisation rigoureuse qui paraît parfois cruelle mais qui est indispensable pour la survie. Ce n’est donc pas un sadique mais un personnage tout à fait crédible dans sa sincérité et son idéalisme … un idéalisme qui ne survivra pas longtemps. En fait, commandant du convoi, chef de la colonie, il est aussi prisonnier que les autres, tombé en disgrâce pour s’être montré trop humain envers « ses » déportés. 

Quant au désir, à l’amour, qu’il éprouve pour Zouleikha, il est vrai qu’il s’agit pour lui d’un rayon d’espoir dans cette noirceur. Cela en fait-il un « romantique », terminologie employée péjorativement  selon  la critique ? Ou tout simplement un être humain ?

L'amour : un thème primordial du roman

L’amour est un des grands thèmes du roman. Il est le grand vainqueur dans l’histoire de Zouleikha. C’est l’amour maternel qui lui permettra de sauver son bébé. Le sang dont elle le nourrit rappelle le symbole chrétien du pélican qui nourrit ses petits de son sang, image du Christ qui fait de même pour l’humanité. Je sais bien que Zouleikha est musulmane et je dois bien sûr me tromper sur cette symbolique mais j’ai parfois vu dans son histoire un parallèle avec l’histoire biblique : ainsi son accouchement sur les rives de l’Angara, comme Marie dans une grange, dans cette nature hostile et grandiose à la fois, au terme d’un voyage éprouvant. Enfin, pour libérer Youssef, le laisser partir et lui donner un avenir, il faudra, cette fois, l’amour du couple, du père et de la mère, Ivan devenant alors symboliquement le père de l’enfant en lui donnant son nom. On voit que le sens du roman dépasse la simple question de moralité ou d’immoralité.

A Lire aussi

Aifelle

Ingammic

Nathalie




mardi 22 mars 2022

Les dames de Cracovie : Léonard de Vinci / Lucas Granach

Cracovie Léonard de Vinci : la dame à l'Hermine (1488) musée des Princes  Czartoryski

Il faut aller à Cracovie pour rencontrer ces deux belles dames, ornements de la ville ! L'une, la plus célèbre, est la Dame à L'Hermine de Léonard de Vinci, le trésor le plus précieux du musée des Princes  Czartoryski (et peut-être même de Pologne), présenté comme dans un écrin, tout seul, dans une salle qui lui est dédiée, avec une sobriété qui permet le recueillement. 

La seconde est La Vierge sous le sapin de Lucas Cranach, dans un tête à tête plein de douceur  avec son bébé. Nulle attention particulière pour l'exposition de ce magnifique tableau. Il est accroché avec les autres oeuvres de Lucas Cranach dans les appartements royaux du château de Wawel mais la beauté de cette femme, le calme, la pureté, la tendresse qui émanent de cette peinture attirent l'attention et l'isolent des autres.

Cracovie : château de Wawel : La Vierge sous le sapin de Lucas Cranach

 La belle dame de Léonard de Vinci

Cracovie, Musée des Princes  : la dame de l'Hermine de Léonard de Vinci

La dame à l'hermine est le portrait de Cecilia Gallerani (1473-1536) à l'âge de 15 ans. La jeune femme à l'éducation raffinée, cultivée, amoureuse des arts et des lettre, est alors la maîtresse du prince de Milan, Ludovico Sforza.

 Ce dernier commande un portrait de Cecilia à Léonard de Vinci. Nous sommes en 1488. En 1491, le duc se marie et il offre ce tableau en guise d'adieu à sa maîtresse. Celle-ci se marie avec le comte Ludovico Carminati. Elle meurt en 1536 et est inhumée dans la caveau de famille de son époux.

L'hermine semble être le symbole de la pureté avec sa fourrure blanche qu'elle ne veut pas salir même si, dit la légende, sa vie en dépend. Mais l'animal représente peut-être aussi le duc lui-même, suggérant l'union impossible des deux amants puisque l'artiste ne peut les peindre ensemble. Ludovico Sforza était promis à Béatrice d'Este. De plus, l'hermine cache la grossesse de la jeune femme. Peu de temps après ce portrait naît, en effet, un garçon surnommé Cesare, fils de Cécilia et de Ludovico.

Le prince Adam Czartoryski acheta l'oeuvre et l'offrit à sa mère Izabella Czartoryska pendant son voyage en Italie en 1798. Celle-ci, amateur d'art et collectionneuse,  est la fondatrice du musée Czartoryski à Cracovie. C'est depuis que la dame à l'hermine fait partie des richesses artistiques de la Pologne.

La dame à l'hermine n'est pas aussi célèbre que la Joconde et pourtant c'est elle que je préfère. Léonard de Vinci, à travers le portrait physique de la jeune Cécilia parvient à donner d'elle un portrait moral. La simplicité et la beauté de ses vêtements et de sa parure peignent une jeune femme qui refuse l'ostentation et le paraître. Sûre d'elle, elle n'a pas besoin  de briller ou de chercher à écraser les autres. Tout dans son attitude  témoigne d'un goût parfait, maîtrisé, qui permet de reconnaître une aristocrate d'un milieu social et d'une éducation supérieurs. 

La dame à l'hermine a inspiré d'autres artistes ainsi que j'ai pu le constater en visitant le musée d'art contemporain de Cracovie

Jerzy Kosalka : Good Bye ladies and gentlemen
 
Cracovie : Jerzy Kosalka : Good-Bye ladies and gentlemen


Carina Linge : Lady with a Rabbit
 
Cracovie Carina Linge : Lady with a rabbit


La belle dame de Lucas Cranach l'Ancien


Cracovie, Château de Wawel, Lucas Cranach l'Ancien : Vierge à l'enfant sous le sapin( 1510) (détail)

Si la dame à l'Hermine est un sujet profane, le tableau de Lucas Cranach est un sujet religieux et somme toute banal pour l'époque : La Vierge à l'enfant ! Lucas Cranach lui-même - et il n'est pas le seul-, a peint de nombreuses Vierges, et pourtant, toutes différentes, toutes dévoilant leur beauté particulière ! 

La Vierge sous le sapin est une peinture plus traditionnelle que celle de Vinci. En ce sens, elle ne révolutionne pas l'Histoire de l'art.  Le tableau subit l'influence de la peinture religieuse italienne de la Renaissance si ce n'est ce physique bien particulier, aux joues rondes et aux yeux effilés, qui fait reconnaître immédiatement un Cranach. A l'arrière-plan apparaît un paysage, d'abord trois sapins ( ou je ne sais trop quelle espèce?) puis un village sur les rochers, une forêt et dans le lointain des cimes de haute montagne qui donnent l'impression de profondeur. Lucas Cranach est au début de son art, il se montrera plus audacieux et personnel par le suite !  Il n'en demeure pas moins que l'oeuvre a un charme irrésistible !

Le sujet est religieux, certes, Jésus tient sur ses jambes une grappe de raisins, symbole de l'eucharistie, mais la jeune femme de ce tableau n'est pas une icône hiératique. C'est une femme bien vivante, certes idéalisée, mais proche de nous, un mère perdue dans la contemplation de son fils. Tous les deux se regardent et le message d'amour qui passe entre eux est bien humain, bien de ce monde ! La finesse des traits de l'enfant et de sa mère, la délicatesse de la carnation du visage, le rendu doux et soyeux de la chevelure, sa brillance, la transparence du voile, tout concourt à faire de cette peinture une très belle oeuvre que l'on n'oublie pas.

Léonard de Vinci (1452-1519)


Léonard de Vinci est né à Vinci, un petit village situé à 30 km de Florence, en 1452. A 14 ans il entre dans l'atelier du peintre Verrochio. Il y apprend le dessin, la peinture, la perspective, l'architecture, la sculpture, les mathématiques et est le compagnon de Sandro Boticelli et de Le Pérugin. L'élève dépasse vite le maître et il sort de l'atelier en 1476 pour voler de ses propres ailes. Il se déplace dans les grandes villes d'Italie, Florence, Milan, Venise, Mantoue et réalise, entre autres, des oeuvres pour ses mécènes, Laurent de Médicis, Ludivoc Sforza.

 Il est meurt le 2 mai 1519 à Amboise où François 1er l'avait invité. C'est là que le roi de France acquiert le tableau de la Joconde peinte entre 1503 et 1506 que Léonard de Vinci avait amenée avec lui.

 Léonard de Vinci est connu comme peintre, sculpteur, mais aussi comme inventeur, scientifique, ingénieur, anatomiste, architecte, botaniste, musicien, philosophe et écrivain. Il représente l'esprit universel de la Renaissance. 

Il n'a peint que quatre portraits à l'huile. Avec La dame à l'hermine on considère que le peintre a réalisé le premier portrait moderne de la peinture européenne.


                                          Lucas Granach l'Ancien (1472–1553)


Peintre majeur de la Renaissance germanique, Lucas Cranach (1472–1553) est né à Kronak (qui lui donné son pseudonyme), en Haute-Franconie, en 1472, et il meurt à Weimar dans le duché de Saxe en 1553.  Proche de Martin Luther, il est l’auteur d’une œuvre à la fois originale et morale correspondant à cette nouvelle doctrine. L’artiste est particulièrement célèbre pour ses nus féminins, aux formes longilignes et aux yeux en amande. Ses sujets religieux mais aussi profanes (mythologiques) lui ont valu le succès. Cranach entre à la cour de Saxe en 1502 comme peintre officiel, à Wittenbergerg, et y restera jusqu'à sa mort. Il a peint les tableaux de souverains comme Frédéric le Sage et Charles Quint et réalisé plusieurs portraits de Martin Luther qui était son ami. Morale, politique et religieuse mais ouverte à son  temps, l’œuvre de Cranach est l’une des plus singulières du XVIe siècle européen.

Son fils a été peintre lui aussi sous l'appellation  de Lucas Cranach Le Jeune (1515_1586)

 

Et puis je ne peux résister à vous faire voir encore quelques dames du Musée des Princes  Czartoryski. 

Le Maître des demi-figures

Marie-Madeleine lisant par le Maître des demi-figures Musée  Czartoryski.

Le maître des demi-figures : en lisant ce nom, je me suis imaginée que ce peintre né au Pays-Bas, à Anvers, mais inconnu, ne représentait jamais ses personnages (tous féminins ) de face mais plutôt de trois-quart, d'où son surnom. Mais en fait, il est appelé ainsi parce qu'il ne les met jamais en pied mais toujours coupées à la taille, juste la moitié du corps. Les spécialistes ont cherché à retrouver le véritable nom du Maître des demi-figures mais n'y sont pas parvenus.

Les Reines de Pologne

 
Musée  Czartoryski. Lucas de Granach le Jeune : Les reines de Pologne

Une série de dix miniatures  peintes par Lucas Granach le Jeune (1515_1586, enchassées dans un grand cadre noir qui les réunit toutes, présente la famille Jagellon  à partir de Sigismond 1er le Vieux.  

 Dans l'ordre Sigismond I Le Vieux, Bona Sforza Jagellon, son épouse, Sigismond II Auguste, leur fils, Elizabeth d'Autriche Jagellon, première épouse de Sigismond II, Barbara Radzivilia deuxième épouse, Catherine d'Autriche troisième épouse, Sophia Jagellon, fille de Casimir IV, Anna Jagellon, fille de Sigismond I Le Vieux.

Je vous montre quelques-unes de ces reines que j'appelle  : Les rutilantes !

Musée  Czartoryski Portrait d'Elizabeth d'Autriche Jagellon par Lucas Cranach Le Jeune

Portrait d'Elizabeth d'Autriche (1526_1545) archiduchesse d'Autriche et  princesse de Hongrie, devenue par son mariage avec Sigismond II Auguste Jagellon,  reine de Pologne et grande duchesse de Lituanie. Elle était la nièce de Charles Quint. Elle reçut une éducation raffinée mais elle était souvent sujette à des crises violentes d'épilepsie. Le roi ne l'aimait pas et lui préférait ses maîtresses. Elle mourut à Vilnius à l'âge de 19 ans peut-être d'un attaque d'épilepsie ? Peut-être a-t-elle été empoisonnée ? Le bruit a couru que sa belle-mère Bona Sforza, épouse de Sigismond 1er Jagellon, serait la coupable mais cela n'a jamais été avéré. Son mari se remaria d'abord avec Barbara Radzivilia puis une troisième fois avec Catherine d'Autriche, la soeur cadette d'Elisabeth.

Musée  Czartoryski : Barbara Radzivilia Jagellon reine de Pologne par Lucas Cranach Le Jeune
 

Barbara Radzivilia est l'épouse du roi Sigismond II Auguste Jagellon dont elle avait été la maîtresse avant la mort d'Elizabeth, la première épouse. Elle est née à Vilnius en 1520 et elle est morte en 1551 à Cracovie. Sigismond II l'a épousée en seconde noce malgré l'opposition de sa mère Bona Sforza qui voulait une alliance plus prestigieuse. Cette union a  causé un scandale à la cour royale de Cracovie parce que Barbara passait pour dévergondée mais aussi parce que les nobles polonais redoutaient la puissante famille lituanienne de Barbara. Elle a été couronnée reine de Pologne en 1550 malgré l'opposition mais elle est morte d'un cancer l'année d'après à la grande joie de ses ennemis. Pour elle aussi le bruit a couru qu'elle avait été empoisonnée. La vie, l'amour malheureux et la mort de Barbara ont inspiré diverses œuvres de littérature, films,  et peinture d'artistes polonais et lituaniens, tels que le peintre Jan Matejko.

 
Jan Matejko : Les amants Sigismond Auguste et Barbara

 

dimanche 20 mars 2022

Cracovie et Henrik Sienkiewicz

Le château de Wawel au XIX siècle sur sa colline dominant la Vistule
 

Cracovie

Cracovie était, au Moyen-âge, entre 1399 et 1410, dates où se déroule l'action de Les chevaliers teutoniques, la capitale de la Pologne et c’est pourquoi elle a une grande importance dans le roman de Henrik Sienkiewicz.

"On voyait déjà très bien Cracovie : les jardins royaux, ceux des seigneurs et des bourgeois qui entouraient la ville de toutes parts, et derrière, les murs et les tours des églises. Plus on approchait, plus la cohue devenait grande, et, près des portes, il était difficile d'avancer au milieu de la presse générale. 

-La ville ! Il n'y en a peut-être pas deux comme cela dans le monde, dit Mathieu."

"- On dit que Cracovie s'est étendue considérablement depuis le roi Jagellon.

C'était la vérité : depuis le temps de l'avènement du grand-duc de Lituanie, les immenses pays lituaniens et ruthènes s'étaient ouverts au commerce de Cracovie et, par suite, la ville s'était de jour en jour peuplée, et couverte de richesse et de constructions : elle était devenue l'une des plus remarquables du monde..."

Lorsque le jeune chevalier Zbyszko de Bogdaniec et son oncle Mathieu entrent dans Cracovie, ils sont éblouis par cette ville riche, munificente et immense pour l'époque. Sur la place du marché, Le Rynek Glowny, Zbyszko est émerveillé par l'immensité de la place, de la halle aux draps, de la maison de ville et de l'église Notre-Dame. La création de la place date de 1257 lorsque le roi Boleslas le Chaste accorda une charte municipale à la cité.

"....ici les maisons des marchands étaient beaucoup plus magnifiques que là-bas, en Lituanie, le château du grand-duc. Il y a avait des quantités de maison en bois, mais elles-mêmes surprenaient par l'élévation des murs et de leurs toits ainsi que leurs fenêtres en culs de bouteilles encadrés de plomb qui reflétaient les rayons du soleil couchant au point qu'on eût pu croire que le feu fut à la maison. Les rues proches du marché étaient cependant pleines de gentilhommières en briques rouges ou tout en pierres, dont les murs élevés étaient ornés de balcons et d'ancres noires en forme de croix. Elles se pressaient l'une contre l'autre comme des soldats à la parade..."

 

Cracovie Place du marché : les halles


Cracovie : Tour de l'hôtel de ville

 
Cette tour de l'hôtel de ville construit au XIV siècle et tout ce que reste de l'hôtel de ville du XIV siècle démoli en 1820
 
"Mais les édifices publics les jetèrent tous les deux dans une stupeur plus grande encore : (...)  Le gigantesque Mercatorium destiné aux commerçants étrangers; le bâtiment où l'on enfermait la bascule de la ville, les boutiques de tondeurs, les étuves, les fonderies de cuivre, les fonderies de cire, d'or et d'argent, les brasseries, les montagnes entières de tonneaux autour de ce que l'on appelait le "Moulin", en un mot une abondance et des richesses qu'un homme ne connaissant pas la ville, même un propriétaire foncier à son aise ne pouvait imaginer."

Halle intérieure
 
Les halles
 

L'église Notre-Dame du Rynek

Notre-Dame avec ses deux tours dissymétriques
 

L'église Notre-Dame telle qu'on la voit aujourd'hui a été construite entre 1355 et 1408 en style gothique auquel vint s'ajouter un porche polygonal baroque entre 1750 et 1752. Ses deux tours sont dissymétriques, celle de gauche dominant celle de droite. L'anomalie, nous dit-on, est liée à la rivalité de deux frères architectes dont l'un a assassiné l'autre, provoquant l'arrêt de leur élévation. Aucun architecte n'ayant voulu reprendre la construction de celle qui était inachevée, elle fut tout simplement arrêtée et couronnée d'une coupole. Cette tour dite des cloches sert de beffroi. La tour de gauche complétée en 1478 par une superbe coupole gothique composée de seize clochetons entourant une flèche centrale, enchassée dans une couronne dorée, est la tour de guet.

La tour de guet de Notre-Dame

C'est de cette tour que, au Moyen-âge, un guetteur annonçait un incendie ou une attaque ennemie en sonnant l'alarme. Une légende (ou la réalité ?) prétend qu'un jour la mélodie fut interrompue brutalement car le trompettiste eut la gorge transpercée par une flèche. Depuis le XVI siècle et de nos jours, à chaque heure,  un guetteur entame quelques notes de la mélodie qui s'interrompent abruptement rejouant la scène médiévale à l'infini. Inutile de dire que je suis allée souvent sur cette place et je ne partais pas sans avoir entendu ce rituel ! 

 
Place Mariacki :  l'Etudiant personnage du rétable de Veit Stoss

Eglise Notre-Dame gothique avec son porche baroque du XVIII siècle

Notre-Dame intérieur

Notre Dame : la chaire en bois sculptée


Le célèbre  rétable de Veit Stoss

Au-dessus de l'autel principal trône le rétable de Veit Stoss, un gigantesque polyptique de cinq panneaux aux sculptures exécutées en bois de tilleul peint et doré. Veit Stoss est un sculpteur  de Nuremberg qui a réalisé cette oeuvre, entre 1477 et 1489, comptant plus de 200 personnages et consacré à la vie de la Vierge.

Rétable de Veit Stoss

 
Détail du rétable de Veit Stoss : l'annonciation, la crèche, les Rois mages

 

Le Wawel 

Château de Wawel fin du XV siècle  voir ici

L'ensemble architectural du Wawel se dresse sur une petite colline au-dessus de la Vistule. Il comprend le château royal, ses dépendances entourés de hautes murailles et de tours et la cathédrale qui est le lieu symbolique du couronnement des rois et abrite le panthéon des dynasties royales mais aussi des grands hommes du pays. Il y a d'ailleurs une crypte dédiée aux poètes.
Dans le roman de Sienkiwicz, les chevaliers se rendent au château de Wawel, invités  pour le baptême de l'héritier (e) du roi Jagellon et de la reine Hedwige.
"Pour la naissance ( de l'enfant royal), les chevaliers invités qui étaient déjà arrivés dans l'attente des solennités, la noblesse ainsi que les députations des marchands se rendirent au château. Les corporations et les confréries se présentèrent avec leurs bannières. Dès midi des masses innombrables de gens entouraient le Wawel et, parmi elles, les archers du roi maintenaient l'ordre et imposaient le calme et le silence. (...) Enfin à la porte principale se présentèrent l'évêque et le castellan, et avec eux, le chapitre de la cathédrale, les conseillers royaux et les chevaliers. Ceux-ci se dispersèrent le long des murs, parmi la population. La nouvelle se lisait sur leurs traits, pourtant ils commencèrent par ordonner sévèrement qu'on s'abstînt de tous cris, ceux-ci pouvant nuire à la malade. Ensuite, ils annoncèrent à tout le monde que la reine avait donné jour à une fille." 
 
Rampe d'accès au château et cathédrale

 
Cathédrale et statue équestre de Tadeusz Kosciuszko


Cathédrale de Wawel : Le sarcophage de la reine Hedwige


Jardins du Château et cathédrale

La cathédrale

 

Château : cour intérieure renaissance
 
La tour Sandomier, tour d'artillerie (1470)

 La barbacane

La Barbacane de Cracovie a été construite de 1498  à 1499, après la période vécue dans le roman de Henrik Sienkiewicz. C'est la seule fortification de ce style conservée en Europe.

Cracovie la Barbacane

Cracovie la barbacane


La ville de Cracovie possédait huit portes et quarante-sept tours. Il ne reste qu'une porte, la porte Saint Florian qui  permettait d'accéder à la Voir royale. Heureusement la barbacane a été épargnée par la démolition. Elle donne bien l'idée de l'importance de la fortification de la ville et de la taille de ses remparts.

La barbacane était reliée à la barbacane
 à la Porte Saint-Florian par un long corridor appelé  "le cou".


 

La porte Saint Florian

Cracovie Les remparts du XIII siècle à droite  et le palais (musée) des princes Czartoryski

Cracovie : quelques restes des remparts du XIII siècle.
 
Les  anciennes fortifications de la ville, remparts longs de 4 km, ont été détruites par les Autrichiens qui occupaient la ville au début du XIX siècle. Les douves comblées et réaménagées en  jardin  (Les Planty) constituent un lieu de promenade fort agréable.