Je pensais que la LC sur Victor Hugo de ce dimanche 20 Novembre concernait la tragédie de Torquemada une des pièces du recueil Théâtre en liberté. Je me rends compte un peu tard que notre lecture portait sur la biographie de Victor Hugo et que Torquemada était pour le mois de décembre.
Catastrophe ! Du coup je vous présente une biographie, en direction des plus jeunes, que j’avais sous la main et que j’ai eu le temps de relire car le livre est rapide. Je me donne donc le temps de choisir une autre biographie que je vous présenterai par la suite.
Victor Hugo, la légende d’un siècle de Giorda, chez Hachette, est un livre que l’on ne trouve plus que d’occasion. Il est destiné aux enfants à partir de 11 ans et suivi d’un dossier sur Victor Hugo et les enfants.
Joseph Leopold Hugo, père de Victor
La vie de Victor Hugo est racontée pour être lue donc par un public jeune en insistant sur l’enfance et la jeunesse d’Hugo : ses parents ne s’entendant pas, ils ont été séparés, lui et ses frères, tour à tour et à plusieurs reprises, de leur mère ou de leur père ou encore mis en pension. C’est ce qui explique la présence, c’est du moins la thèse de l’auteur, de nombreux enfants malheureux et orphelins dans les romans de Victor Hugo : Cosette, Gavroche, Esméralda volée à sa mère, Marie dans Le dernier jour d’un condamné ou dans Quatre-vingt treize les trois petits, orphelins de père, séparés de leur mère, que découvrent les soldats républicains dans un taillis vendéen.
La jeunesse de Hugo aux Feuillantines avec ses frères et Adèle Foucher et ses jeux d’enfants dans le jardin ou dans le grenier de cet ancien couvent sont aussi mis en valeur par le poème si connu, Aux Feuillantines extrait des Contemplations
Mes deux frères et moi nous étions tous enfants. Notre mère disait : jouez mais je défends Qu’on marche dans les fleurs et qu’on monte à l’échelle.
Léopoldine
Le récit du voyage en Espagne et qui a marqué à tout jamais l’imagination de Victor Hugo quand il était enfant, en particulier avec sa mère qui allait rejoindre son père, général de brigade et gouverneur de Guadalajara et l'hostilité des espagnols subissant l'occupation et les massacres naopléoniens, est aussi un moment de bravoure.
L’histoire d’amour d’abord contrarié avec Adèle puis son mariage, la démence d’Eugène, son frère, qui était en rivalité littéraire et amoureuse avec lui, la naissance de ses enfants et son ascension littéraire alors qu’il est encore si jeune, lui le héros de Hernani, sa rencontre avec Juliette Drouet, la mort de Léopoldine... sont autant d'évènements qui sont présentés avec simplicité aux enfants.
Le livre s’attache à montrer d’une manière succincte les évolutions politiques de Victor Hugo : bonapartiste, ce qu'il doit à l’admiration de son père, officier d’Empire; royaliste sous l’influence de sa mère puis Républicain avec sa découverte de la misère et en particulier de l’exploitation des enfants, de l’horreur de la peine de mort, de l’injustice sociale. Les étapes de la vie de Victor Hugo et ses idées politiques et sociales sont toujours mis en relation avec ses écrits, Les Contemplations avec la mort de Léopoldine, l’exil avec Les Châtiments, l’art d’être grand père avec ses petits enfants, son combat contre la misère, l’injustice avec Les Misérables, Notre Dame de Paris ….. Ce qui en fait une bonne biographie pour permettre aux scolaires de découvrir Hugo.
Quelques anecdotes marquantes
Académicien
L'humour de Juliette : elle se moque de l'ambition de Victor Hugo voulant à tout prix devenir académicien et refusé plusieurs fois avant d'être enfin admis en 1841 :
Toto se serre comme une grisette; Toto se frise comme un garçon coiffeur ; Toto a l'air d'une poupée modèle ; Toto est ridicule; Toto est académicien.
Contre la peine de mort
Le dernier jour d'un condamné
Le 3 juin 1854, un criminel de Guernesey est condamné à mort et pendu dans des conditions particulièrement atroces. Victor Hugo qui est alors en exil à Jersey proteste auprès du ministre anglais de la Justice :
A L. Palmerson
Vous pendez un homme, monsieur. Fort bien. Je vous fais mon compliment. Un jour, il y a quelques années de ça, je dînai avec vous. Vous l'avez, je suppose, oublié; moi, je m'en souviens. Ce qui me frappa en vous, c'était la façon rare dont votre cravate était mise. On me dit que vous étiez célèbre par l'art de faire votre noeud. Je vois que vous savez faire aussi le noeud d'autrui.
La popularité de Victor Hugo
Jean Valjean
Expulsé de Belgique où il s'était réfugié, Victor Hugo arrive au Luxembourg où il reçoit une foule d'admirateurs :
"Hier, un paysan entre dans le jardin de l'hôtel Koch où j'étais. Il s'approche et me dit :
ET s'il n'en reste qu'un, je serai celui-là
Je le regarde; il ôte son chapeau.
"Salut, Victor Hugo", dit-il. Et il ajoute : "On ne dit pas monsieur."
Je lui tends la main, et le voilà qui se met à me réciter des vers de La Légende des siècles, des Châtiments et des Contemplations.
Cet homme est vieux, en blouse et en sabots, et parle bien français. Je lui ai demandé : "Qui êtes-vous? Que faites-vous?".
Il m'a répondu : "Je cultive la terre et je lis Shakespeare en anglais et Victor Hugo en français." (Choses vues)
Et je vous rappelle :
Pour le 20 Décembre : un drame : Torquemada (du recueil Théâtre en liberté)
La biographie de Juliette Drouet de Henri Troyat est intéressante à bien des égards non seulement parce qu’elle nous conte les amours de Juliette et de Victor Hugo, liaison qui a duré cinquante ans, en nous faisant entrer dans l’intimité de Victor Hugo mais aussi parce que ce récit est ancré dans l’histoire du XIX et dans l'oeuvre et la vie du grand poète.
Juliette Drouet ou Julienne-Joséphine Gauvain de son vrai nom, comédienne, est, en effet, très impliquée dans l’oeuvre de Victor Hugo. Si elle joue le rôle de la princesse Négroni dans Lucrèce Borgia et échoue dans celui de Jane dans Marie Tudor, il y a d’autres pièces de Hugo comme celle de Marion Delorme dont elle apprend le rôle principal dans le vain espoir de se le voir confier. Quant aux recueils de poèmes d’Hugo, Les contemplations, les Orientales, la légende des siècles, et ses romans, Les misérables, Les travailleurs de la mer, L’homme qui rit et tant d’autres, elle passe la plus grande partie de sa vie à les copier pour lui et elle les connaît parfois par coeur. Impliquée aussi par les travaux d’écriture qu’elle exécute à la demande de son amant pour apporter des témoignages de sa vie au couvent ou des émeutes dans les rues pendant la révolution qui nourrissent ses romans. D'autre part, il n’est pas rare que Hugo fasse allusion à elle d’une manière détournée dans ses romans ou qu’il lui dédie des poésies.
Victor Hugo, Jeanne et George
De plus, elle fait partie de sa vie à tous les instants. C’est elle qui le sauve en organisant son exil vers Jersey quand il est en passe d’être arrêté après le coup d’état de Napoléon le Petit. A travers Juliette, nous suivons Hugo dans tous les grands moments de sa vie privée ou publique, son implication dans la République en tant que député, sa lutte pour obtenir l’amnistie des communards, son exil orgueilleux, la mort de Léopoldine, la maladie mentale d’Adèle, l'amour pour ses petits-enfants. Nous le voyons aussi dans ses contradictions, ses bassesses, briguant avec acharnement, malgré l’avis de Juliette, un siège à l’Académie française, et plus tard à la pairie, avide d’honneurs et de reconnaissance, persuadé de son génie, image d’Epinal de lui-même que lui renvoie sa maîtresse avec ardeur et sincérité.
Grand écrivain, oui, mais comme grand amour de toute une vie, on rêverait mieux; car le grand homme -même s’il a l’air d’être un amant hors pair, enfin, quand il daigne s’occuper d’elle- , n’est pas un cadeau ! Elle passe son temps à l’attendre, enfermée, avec interdiction de sortir même pour prendre l’air, pendant qu’il court les honneurs ou d’autres maîtresses car il est affamé de chair fraîche ou pendant qu’il s’occupe de sa famille - ou, bien sûr, pendant qu’il écrit car c’est un travailleur acharné et l’écriture lui tient lieu de vie- . Quand il l’autorise enfin à sortir seule, elle s’interroge et s’angoisse : Il est impossible d’être plus triste quand je marche seule dans les rues . Depuis douze ans, cela ne m’était jamais arrivé. Aussi je me demande ce que cela veut dire. Est-ce de la confiance? Est-ce de l’indifférence?(…) dans tous les cas mon coeur n’est pas satisfait. (1845)
Pour Hugo, Juliette ayant eu des amants avant lui devait se réhabiliter en tant que femme et retrouver sa pureté. Mais elle n’avait pas le droit, non plus, en tant que maîtresse donc femme déchue de se montrer en public avec lui, de l’accompagner dans une visite officielle. Il fallait ménager la susceptibilité de l’épouse légitime Adèle. Quelques échappées de temps en temps, des voyages et pour le reste l’attente. Elle le suit partout, déménageant dans des maisons pas trop éloignées de la sienne à Paris, en Belgique, à Jersey, à Guernesey. Elle vit dans son ombre toute sa vie, supportant très mal d’être trompée, torturée par la solitude, par l’abstinence car il ne vient plus la voir, « Mais baise-moi donc, mais baise-moi donc ! J’ai faim et soif de tes caresses. J’ai le coeur brûlant et les lèvres ardentes. » (1836)
par la jalousie, la colère, le fustigeant dans des lettres vindicatives : « J’ai eu la stupidité de me laisser mener comme un chien de basse-cour : de la soupe, une niche, une chaîne, voilà mon lot. Il y a cependant des chiens que l’on mène avec soi; mais moi, je n’ai pas ce bonheur; ma chaîne est trop fortement rivée pour que vous ayez l’intention de la détacher. »
mais toujours amoureuse, admirative, toujours repentante et finalement soumise. Mon Victor, mon Victor, je t’aime, tu verras comme je serai raisonnable et comme je me prêterai à toutes les exigences de ton travail et à tous les ménagements que nécessite ta position d’homme politique. je suis toute prête, mon Victor, dispose de moi comme tu l’entendras : heureuse ou malheureuse, je te bénirai. » (1851)
Il faut dire qu’il l’entretenait et qu’elle était donc entièrement à sa merci même si elle a toujours voulu remonter sur scène pour gagner sa vie. Ce n’était pas une femme vénale. Mais en vain ! Hugo ne la jugeait pas assez bonne interprète pour jouer dans l’une de ses pièces et il ne lui a pas apporté son aide pour qu’elle continue son métier car il la voulait sous sa coupe, pendant qu’il courait après des jeunettes ! Mais cela aurait pu être pire ! Il aurait pu lorsqu’elle vieillit, qu’elle perd sa beauté, qu’il n’a plus aucune relation sexuelle avec elle, la jeter à la rue sans plus se soucier de son entretien. Ce qu’il n’a jamais fait! Car il s’agit malgré tout d’une vraie histoire d’amour et Juliette a été, malgré le monstrueux égoïsme de l’écrivain, son véritable amour, elle a exercé sur lui une grande influence et il ne l’a jamais reniée.
Juliette Drouet un peu avant sa mort en 1883
Ce livre nous renseigne donc aussi sur la condition de la femme et sur la scandaleuse différence de statut entre l’homme du XIX siècle qui a tous les droits et la femme qui, c’est tout simple, n’en a aucun! Il aura fallu pour changer les mentalités plus d’un siècle et demi et maintenant que, au XXI siècle, nous arrivons sinon à l’égalité du moins à une libération, voilà que cela recommence et que certains remettraient volontiers en cause le statut actuel de la femme ! Mais ceci est une autre histoire, me direz-vous? Peut-être ! Mais c’est pour expliquer quand nous lisons l’histoire de Juliette Drouet de son amant combien tout être est profondément imprégné par la mentalité de son temps. Et même un « grand homme » n’y échappe pas ! Victor Hugo dominant et égoïste, Juliette admirative et soumise, c’est un schéma qu’ils n’auront pas été les seuls à entretenir.
Dans Le Garçon, un roman de la rentrée littéraire 2016 que je vous présenterai bientôt, Marcus Malte développe un thème, lié à un poème de Victor Hugo, celui d’un héros légendaire nommé Mazeppa.
Dans la première version du poème Mazeppa dans Les Orientales Victor Hugo ouvre le récit par ces vers :
Ainsi quand Mazeppa, qui rugit et qui pleure A vu ses bras, ses pieds, ses flancs qu'un sabre effleure,
Tous ses membres liés
Sur un fougueux cheval, nourri d'herbes marines,
Qui fume, et fait jaillir le feu de ses narines
Et le feu de ses pieds.
Le coursier galopant furieusement, emporte le héros dans une course que rien ne semble pouvoir interrompre.
Ils vont. Dans les vallons comme un orage ils passent,
Comme ces ouragans qui dans les monts s'entassent,
Comme un globe de feu;
Puis déjà ne sont plus qu'un point noir dans la brume,
Puis s'effacent dans l'air comme un flocon d'écume
Au vaste océan bleu.
Ils vont. L'espace est grand. Dans le désert immense,
Dans l'horizon sans fin qui toujours recommence,
Ils se plongent tous deux.
Leur course comme un vol les emporte, et grands chênes,
Villes et tours, monts noirs liés en longues chaînes,
Tout chancelle autour d'eux.
Mais son destin tragique qui paraît le vouer à une mort certaine …
Voilà l'infortuné gisant, nu, misérable,
Tout tacheté de sang, plus rouge que l'érable
Dans la saison des fleurs.
… se transforme pourtant et contre toute attente en grandeur. Ce n’est pas la mort qui attend Mazeppa mais la gloire ! L'homme n'est pas maître de son destin, il lui est impossible de déchiffrer son avenir.
Sa sauvage grandeur naîtra de son supplice.
Un jour, des vieux hetmans il ceindra la pelisse,
Grand à œil ébloui;
Et quand il passera, ces peuples de la tente,
Prosternés, enverront la fanfare éclatante
Bondir autour de lui !
Le personnage de Marcus Malte, appelé le garçon, en ce début du XXième siècle, rappelle le héros de Hugo. Une automobile conduite par Emma accroche et renverse sa roulotte et le blesse gravement à la tête, le précipitant dans le coma. De même que Mazeppa, lorsque le jeune homme revient à la vie, il connaît, lui orphelin, seul et pauvre, ce qu’il n’a jamais eu jusqu’alors, un foyer, un père, un grand amour, Emma, et la musique comme un splendide cadeau. Après avoir été misérable, il est comblé. Ce n'est pourtant pas la gloire qu'il acquiert mais le bonheur.
L’allusion à Mazeppa revient ensuite dans Le Garçon au moment de la déclaration de guerre en 1914. Sans patronyme jusque là puisqu’il est un enfant sauvage, le personnage prend officiellement le nom de Mazeppa pour partir se battre, à l’instigation d’Emma qui veut forcer le destin et faire en sorte que celui qu’elle aime revienne vivant.
Mais qui est Mazeppa?
Portrait de Ivan Stepanovitch Mazeppa
Mais qui est Mazeppa, pourquoi est-il attaché à un cheval, comment échappe-t-il à la mort et comment s’élève-t-il aux honneurs suprêmes?
C’est Voltaire qui nous conte le premier l’histoire d’Ivan Stepanovitch Mazepa, personnage historique, page du roi de Pologne, Jean II Casimir Vasa, qui devint prince d’Ukraine.
« Celui qui remplissait alors cette place était un gentilhomme polonais, nommé Mazeppa, né dans le palatinat de Podolie ; il avait été élevé page de Jean-Casimir, et avait pris à sa cour quelque teinture des belles-lettres. Une intrigue qu’il eut dans sa jeunesse avec la femme d’un gentilhomme polonais, ayant été découverte, le mari le fit lier tout nu sur un cheval farouche, et le laissa aller en cet état.
Le cheval, qui était du pays de l’Ukraine, y retourna, et y porta Mazeppa, demi-mort de fatigue et de faim. Quelques paysans le secoururent : il resta longtemps parmi eux, et se signala dans plusieurs courses contre les Tartares. La supériorité de ses lumières lui donna une grande considération parmi les Cosaques ; sa réputation, s’augmentant de jour en jour, obligea le czar à le faire prince de l’Ukraine. »
(Voltaire, Histoire de Charles XII)
La popularité de ce héros
Louis Boulanger (1827)
La littérature
La littérature s’empare du héros ukrainien. Mazeppa est le trente quatrième poème des Orientales publié en 1829 par Victor Hugo quelques années après celui de Byron en 1819 qu'il avait lu et qui l'influença. Pouchkine parle aussi de Mazeppa dans Poltava, récit de la bataille où le héros qui a osé s’attaquer au Tsar, Pierre Le Grand, subit une défaite.
Le poème de Hugo présente deux partie. La première, citée ci-dessus, décrit la chevauchée du coursier et de Mazeppa attaché sur son dos et décrit la sauvagerie du suuplice, les souffrances endurées
Dans la seconde version le poète s’adresse directement à l’animal en le tutoyant,
En vain il lutte, hélas ! tu bondis, tu l'emportes
Hors du monde réel, dont tu brises les portes
Avec tes pieds d'acier !
Tu franchis avec lui déserts, cimes chenues
Des vieux monts, et les mers, et, par delà les nues,
De sombres régions;
Et mille impurs esprits que ta course réveille
Autour du voyageur, insolente merveille,
Pressent leurs légions.
Ces strophes d’un lyrisme flamboyant évoque non plus un simple cheval mais une bête fantastique, un pégase animé par Dieu, qui s’élève jusqu’à la Création, au-delà du monde terrestre. Le héros s'élève ainsi au-dessus de la nature humaine. Il vole, nouvel Icare, il s'approche de Dieu. Hugo brode ici autour d'un thème qui lui est cher, celui du mythe du Génie et en particulier du Poète, visionnaire, inspiré par Dieu et qui conduit les foules. Mythe typiquement romantique, on pense aussi au Moïse, "puissant et solitaire" de Vigny ou au Pélican qui nourrit ses enfants de sa chair de Musset. Cependant l'image d'Icare introduit celle de la chute.
Il traverse d'un vol, sur tes ailes de flamme,
Tous les champs du possible, et les mondes de l'âme;
Boit au fleuve éternel;
Dans la nuit orageuse ou la nuit étoilée,
Sa chevelure, aux crins des comètes mêlée,
Flamboie au front du ciel.
Les six lunes d'Herschel, l'anneau du vieux Saturne,
Le pôle, arrondissant une aurore nocturne
Sur son front boréal,
Il voit tout; et pour lui ton vol, que rien ne lasse,
De ce monde sans borne à chaque instant déplace
L'horizon idéal.
Et c’est par un procédé stylistique saisissant, déjà utilisé dans La Légende des siècles(« le lendemain Ameyrillot prit la ville »)que Victor Hugo clôt le poème. Une fin très courte, d’un seul vers « et se relève roi! » crée un décalage par rapport aux longues strophes descriptives qui précèdent.
L’extraordinaire destin de Mazeppa est ainsi mis en valeur par le hiatus, je dirai même la béance qui existe entre la longueur et la brièveté, entre ce qu’il était et ce qu’il devient..
Il crie épouvanté, tu poursuis implacable.
Pâle, épuisé, béant, sous ton vol qui l'accable
Il ploie avec effroi;
Chaque pas que tu fais semble creuser sa tombe.
Enfin le terme arrive... il court, il vole, il tombe,
Et se relève roi !
La musique
Mazeppa de Liszt pinaiste Denis Kozhukhin
La musique : Mazeppa est aussi la quatrième étude en ré mineur du recueil Les Douze études d'exécution transcendante de Liszt. Elle a été composée entre 1826 et 1852 et est réputée pour sa grande difficulté. Liszt a retenu trois éléments de cette histoire :
la course folle sur le dos du cheval ; la chute qui semble annoncer la mort ; le réveil et le triomphe
C’est l’étude que joue Emma au garçon lorsque celui-ci se réveille : Il y a de par le monde tout au plus quarante virtuoses capables d'interpréter cette pièce. Elle (Emma) n'en fait pas partie. Le pauvre cheval harassé est contraint à une cadence infernale, il s'emballe, et le calvaire du cavalier se poursuit dans des cascades d'octaves, dans des déferlements de tierces et de quartes, et son martyre augmente à l'aune de la beauté qu'il engendre.
Tchaïkowsky, lui, s'inspirant du Poltava de Pouckine écrit un opéra intitulé Mazeppa
L'art
Mazeppa de Théodore Gericault (1820)
Nombreux sont aussi les grands peintres romantiques, les illustrateurs, les sculpteurs qui se passionnent pour ce héros. Pour le romantisme français : Delacroix, Gericault, Vernet, Boulanger, Chassériau... Le mythe perdure tout au long du XIX siècle mais aussi dans les oeuvres contemporaines.
Les auteurs, les peintres, les musiciens romantiques, on le voit, se sont passionnés pour Mazeppa. Pourquoi? En quoi est-il représentatif du héros romantique?
Il s’agit d’un homme qui est né au bas de l’échelle (Mazeppa est noble, certes, mais d’une famille pauvre et il commence à la cour de Pologne comme page) et son ascension fulgurante jusqu'au titre de prince d’Ukraine en est d’autant plus frappante. Nous avons vu que Victor Hugo en faisait avec le cheval volant le mythe du poète placé au-dessus de la foule pour la guider. D'une manière plus générale, il incarne pour les romantiques le héros proscrit, le rebelle mais qui parvient à s’élever au sommet comme Ruy Blas ou Gwinplaine. D’autre part, alors qu’il est marqué par le fatum et doit mourir il parvient à y échapper, pourquoi? Parce que c'est un homme hors du commun, parce qu'il est l'égal ou le protégé des Dieux. Ce contraste vertigineux frappe l’imagination romantique.
Une autre caractéristique de Mazeppa, c’est sa démesure. Il devient chef (hetman) des cosaques, prince d’Ukraine, mais ne se contente pas de ce qu’il a. Son hybris, car la démesure romantique rejoint ici le thème grec de l’orgueil, le pousse à vouloir se hisser encore plus haut, à tenir tête au Tsar, Pierre le Grand. Il en sera puni. Victor Hugo n'a pas retenu cet aspect du héros au contraire de Pouchkine qui en décrivant la bataille de Poltava montre l'échec du Hetman. Marcus Malte lui aussi ne s'est intéressé qu'à la première partie du mythe, celui du marginal, du démuni, qui finit par trouver une place dans la société. Mais si le garçon n'est jamais dans l'orgueil et la démesure comme le sera Mazeppa, il est par contre marqué par le destin. Pour lui, le bonheur est de faible durée et chaque fois qu'il est heureux, survient un évènement tragique. Il est marqué par la fatalité comme tout héros romantique à moins que ce ne soit par le pessimisme de son auteur?
Le challenge Victor Hugo : Voulez-vous être des nôtres?
Aujourd'hui je publie le bilan du challenge Victor Hugo avec les noms de chaque participante. Mais avant je veux vous rappeler que le challenge a déjà deux ans. Nous l'avions repris avec Moglug pour poursuivre l'initiative de Val mais je suis à l'heure actuelle seule à m'en occuper, Moglug s'étant retirée.
Le principe est simple : lire Victor Hugo et publier une chronique sur vos ressentis de lecture dans votre blog. Vous pouvez nous rejoindre à tout moment.
Vous pouvez constater que ce challenge Victor Hugo en recoupe d'autres : le challenge romantique de Claudialucia ou le challenge Théâtre d'Eimelle Tous en scène ou encore le jeudi poésie d'Asphodèle car il est possible d'aborder Victor Hugo par toutes ses facettes. Théâtre, romans, poésies, pamphlets, discours, lettres, opéras, le choix est vaste et le temps infini – à l'image de la renommée de ce grand homme.
Pour les admirateurs les plus enthousiastes, il vous est également possible de corser le défi en l'élargissant aux films, livres, musées, lieux, etc. consacrés à Victor Hugo ou à l'une de ses œuvres.
Pour participer, il suffit de laisser un commentaire au bas de cet article, ici et d'afficher sur votre blog ou sur les articles concernés l'un des logos du challenge proposés sur cette page. N'oubliez pas d'y joindre le lien de la présentation du challenge. Pour chaque chronique publiée, pensez bien à nous le signaler en commentaire de ce billet.
LECTURES COMMUNES jusqu'au mois de décembre
Pour le 20 Octobre 2016 : Lettres
de Juliette Drouet ou biographie de Henri Troyat : Juliette
Drouet OU Juliette Drouet : Mon grand petit homme, mille et une lettres
d'amour (Gallimard) OU tout autre livre de correspondance entre
Drouet-Hugo
Miriam, Margotte, Claudialucia, Laure (?)
Pour le 20 Novembre2016
: Biographie de Victor Hugo : Un été avec Hugo de Laura El Makki
(Equateurs/ Parallèles) OU Victor Hugo de Sandrine Filipetti (livre de
poche) Ou Olympio ou la vie de Victor Hugo de Maurois. Victor Hugo et Dieu, Emmanuel Godo, Cerf, 2002Victor-Marie,
comte Hugo,
Charles Péguy, 1910, rééd. Fario 2014 ;)Victor Hugo
raconté par un témoin de sa vie, Adèle Hugo, Lacroix,1863 etc.. Bref! une
biographie de Hugo au choix.
Pour le 20 Décembre : un drame : Torquemada (du recueil Théâtre en liberté)
Margotte, Miriam, Nathalie, Laure, claudialucia
Je propose de continuer notre exploration du Théâtre en Liberté (livre de poche Folio Gallimard) dans le cadre du challenge Victor Hugo, du challenge romantique et aussi du Challenge Tous en Scène d'Eimelle pendant l'année 2017 en alternant drames et comédies. Je vous donnerai un calendrier des oeuvres ultérieurement.
Lire l’oeuvre
La cour des miracles Notre-Dame de Paris
Roman
Théâtre
Poésie
Bug-Jargal Han d'Islande Le dernier jour d'un condamné Notre-Dame de Paris Claude Gueux Les misérables Les travailleurs de la mer L'homme qui rit Quatrevingt-treize
Cromwell Amy Robsart Hernani Marion Delorme Le roi s'amuse Lucrèce Borgia Marie Tudor Angelo, tyran de Padoue Ruy Blas Les Burgraves Torquemada Théâtre en liberté (posthume)
Odes et ballades Les orientales Les feuilles d'automne Les champs du crépuscule Les voix intérieures Les rayons et les ombres Les châtiments Les contemplations La légende des siècles Autres poèmes dispersés
Quelques films
L'homme qui rit de jean Pierre Ameris
Les misérables, réalisé par Richard Boleslawski, 1935
Les misérables de Raymond Bernard, avec Harry Baur, 1934
L'homme qui rit, réalisé par Paul Leni, 1928
La belle espionne, réalisé par Raoul Walsh (adapté de L'homme qui rit), 1953
L'exilé, réalisé par Henry Colomer, 2002
Victor Hugo, exil, réalisé par Axel Clévenot, 2002
L'homme qui rit, réalisé par Jean-Pierre Améris, 2012
L'histoire d'Adèle H , François Truffaut 1975 (récit du glissement vers la folie d'Adèle, fille de Victor Hugo)
·
Bandes Dessinées
L'homme qui rit de Morvan-Dellestret
Victor Hugo en B.D., Daniel et Hélène Martha, illustré par Pierre Frisano, Larousse, 1985.
Victor Hugo BD de Swysen Joker Editions 2014
Victor Hugo aux frontières de l'exil de Esther Gil et Laurent Paturaud
Victor Hugo l'homme qui rit BD de Jean-David Morvan et Nicolas Delestret (4 tomes)
Victor Hugo Notre- Dame de Paris de Robin Recht et Jean Bastide(3 tomes)
Etudes et autres ouvrages sur Victor
Hugo, son œuvre et sa famille :
Juliette Drouet la maitresse de Victor Hugo
Victor Hugo et Dieu, Emmanuel Godo, Cerf, 2002 Victor-Marie,
comte Hugo,
Charles Péguy, 1910, rééd. Fario 2014 ;)
Victor Hugo
raconté par un témoin de sa vie, Adèle Hugo, Lacroix,1863 Lettres à la fiancée 1820-1822, Victor Hugo,
Bibliothèque Charpentier, 1901
Olympio ou la vie de Victor Hugo, André
Maurois, Hachette, 1954 ( chargement sur
Kindle) Victor Hugo : tome 1 : avant l'exil 1802-1851
; tome 2 : après l'exil 1851-1864 de Jean-Marc Hovasse, Fayard, 2001 :
une biographie de référence de 1300 pages écrite par un spécialiste de V. Hugo.
Le livre est cher mais vous le trouverez dans toute bonne bibliothèque ;) Victor Hugo : tome 1 : je suis une force qui
va ; tome 2 : je serai celui-là,1844-1885, Max Gallo,
Poche, 2002 : certains reprochent à cette biographie romancée et controversée
son manque de profondeur et d'analyse, mais la lecture est plaisante, agréable
et documentée. Histoire du romantisme, Théophile Gautier, Poche,
2011 : on y découvre l'admiration des jeunes romantiques envers leur idole
Victor Hugo et la fameuse bataille d'Hernani. Léopoldine, l'enfant muse de Victor Hugo, Henri Gourdin,
Presses de la Renaissance, 2007 L'exilée, Adèle Hugo, la fille, Marie-Louise Audiberti, La part commune, 2009 L'engloutie,
Adèle, fille de Victor Hugo, 1830-1915, Henri Guillemin, Seuil, 1985 Biographie de Juliette Drouet par Henri Troyat