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lundi 19 septembre 2011

Sylvie Tanette : Amalia Albanesi, Mercure de france


 Amalia Albanesi de Sylvie Tanette est un premier roman.
L’institutrice de Théo, petit garçon de huit ans, lui a demandé d’établir un arbre généalogique. C’est le prétexte, pour la mère de Théo, de raconter à son fils l’histoire de ses ancêtres. Peu à peu la construction de l’arbre généalogique de cette famille va nous entraîner bien loin dans l’espace à Tornavalo, près de Bari dans les Pouilles mais aussi à Alexandrie, à Athènes, à Malte, sur les remparts de Dubrovnik, puis à Marseille… C’est avec intérêt que l’on suit cette longue histoire qui forme une trame complexe assez fascinante. Ce grand voyage dans le temps, du début du XIX ème siècle à nos jours, va nous faire découvrir des personnages peu banals. Et d’abord, bien sûr, Amalia Albanesi, cette arrière-grand-mère qui donne son titre au récit, née à Tornavalo dans une famille de paysans vaguement enrichie, peu ouverte aux sentiments, qui ne connaît de la vie que le labeur dur, écrasant et sans répit, qui permet de tirer  subsistance de la terre ingrate de Tornavalo. Cette terre rouge qui s’insinue partout, dans les maisons, les vêtements, dans la bouche, dans les poumons, Amalia n’aura de cesse de la fuir. Elle le pourra en épousant un étranger voyageur, révolutionnaire en exil à Tornavalo, Stepan Iscenderini qui l’amènera loin de son pays avant de l’abandonner pour épouser la cause des Bolcheviks et partir en Russie. Nous assisterons à la naissance de la douce Luna, à Alexandrie, la grand-mère de la narratrice, suivrons son enfance dans le port de Bari, ses amours avec l’anarchiste Elias, le rebelle aux yeux dorés, qui vient de Malte, idéaliste qui sera brisé par son internement dans les camps de concentration dans les années 40… Et puis il y a la rencontre de la fille de L’Estaque avec le garçon du Panier à Marseille, autrement dit, les parents de la narratrice, grands-parents de Théo, avec lesquels s’achève cette remontée dans le temps…
Et ces personnages au destin peu commun, aux origines si diverses, qui ont échappé à toutes les tragédies de l’Histoire, sont si profondément ancrés dans les pays de la Méditerranée qu’ils semblent  en représenter tous les peuples, en illustrer la quintessence. Ainsi pour aboutir à ce petit écolier de huit ans, Théo, il fallu une telle multitude d’ancêtres et d’événements, tant de nationalités différentes, tant de hasards et de rencontres  que l’on a l’impression vertigineuse d’une accélération du Temps, d’une infinité de possibilités. On pense au vers de Beaucarne :
En voyant naître cet enfant/ Je voyais du fin fond des siècles/ Tous mes ancêtres, tous mes parents/ Dans ce petit corps renaître…
Par quelle fissure du temps/ S’est-il glissé jusqu’à maintenant…
Et oui, mon petit Théo, écrit la narratrice, il va bien falloir que tu vives avec tout ça. Toutes ces histoires et tous ces gens, que l’on n’a pas choisis, que l’on ne connaît pas, mais qui sont là dans un coin de nos têtes, et parfois se bousculent jusque dans le moindre de nos gestes.

L’écrivain, journaliste, écrit ce roman comme s’il s’agissait d’une enquête journalistique. Elle s’appuie sur les récits de sa grand mère Luna, puise dans les souvenirs de chacun, interroge les photographies anciennes, met à contribution sa mère pour reconstituer la mémoire familiale. Elle s’interroge sur les motivations des personnages, doute de la véracité de ses sources, avoue son ignorance, fait la part de la légende et de l’Histoire dans les récits familiaux. Parfois, elle supplée au manque d’information en imaginant ce qui s’est passé. Ce procédé journalistique, mais aussi romanesque, qui permet peu à peu de s’immiscer à l’intérieur des personnages, de les faire vivre, de reconstituer les faits comme s’il s’agissait d’un puzzle, m’avait passionnée lors de la lecture du roman de Javier Cercas Les Soldats de Salamine. Certes, Sylvie Tanette n’a  pas le talent  de Cercas et je n’ai pas éprouvé la même intensité d’émotion en la lisant, mais il n’en reste pas moins que ce court roman (trop rapide à mon goût! ) est une réussite puisque l’on s’intéresse à ces vies qui se déroulent devant nous et que l’on aimerait en savoir plus! Certains passages révèlent d’ailleurs de belles qualités de plume :  Lorsqu’elle suivait son âne jusqu’au bord de la falaise, Amalia se glissait entre les oliviers en évitant de les regarder, comme on traverse une foule hostile ou silencieuse. Dans ce qui était pour tous, de simples murets de pierres sèches, oliveraies, amandiers et figuiers de Barbarie, mon arrière-grand-mère ne voyait qu’écorchures, blessures, cris de douleur. (…)  Un jour, elle avait dit à ses frères que les plaines de Bari n’était probablement qu’un immense cimetière, où chaque mort était devenu un olivier; Il n’y avait, pour s’en convaincre, qu’à voir comment chacun d’eux tentait de rejoindre le ciel, leurs bras tordus de martyrs, leurs corps figés dans un ultime effort pour s’extraire des entrailles de l’Enfer.

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mercredi 14 septembre 2011

Eric Puchner : Famille modèle



Famille modèle :  le titre du roman de Eric Puchner est à prendre ironiquement si l’on en juge par les tribulations, déboires, drames et autres calamités qui s’abattent sur la famille américaine des Ziller, révélant des aspects cachés et pas toujours glorieux du caractère de chacun.
Dans la famille Ziller, il y a d’abord le père, Warren, issu de famille modeste, il caresse le rêve de la réussite sociale. Il quitte la vie confortable qu’il s’était créée dans le Wisconsin, pour faire fortune (du moins le croit-il) en Californie en achetant un terrain constructible dans le désert pour devenir promoteur immobilier d’un lot de maisons modestes qu’il espère vendre comme des petits pains. Lorsqu’il s’aperçoit que les autorités déversent des déchets industriels à proximité, il est anéanti. C’est le début d’une faillite qu’il n’ose avouer à sa famille. Pour réussir et correspondre à l’image de chef de famille battant qu’il veut donner aux siens, il serait prêt à vendre des maisons à des familles modestes en leur cachant la vérité sur la pollution du terrain.

Dans la famille Ziller vient la mère, Camille. Toujours habillée de couleurs pastels et de vêtements désuets, elle réalise des films d’éducation sexuelle complètement ratés en direction des écoles. Ecolo, elle fait des leçons de morale à ses enfants sur leur alimentation. Sa fille et ses deux fils la jugent démodée, un tantinet ennuyeuse et moralisatrice, vaguement ridicule mais ils la croient incapable de faire du mal, d’avoir des mauvais sentiments. Ils s’apercevront pourtant que quand les choses se dégradent chez eux, leur mère n’est pas aussi parfaite qu’ils le pensaient.

Enfin il y a les enfants : Dustin est l’aîné de la famille. Sûr de lui, intelligent, beau et charmeur, il a tout pour plaire et réussir sa vie. Il va partir à l’université. Il adore la Californie, le soleil, la mer et le surf. Il est amoureux de Kira, si belle et si parfaitement bourgeoise qu’il s’ennuie un peu avec elle.
Sa passion: son groupe de musique qui, il en est persuadé, le mènera à la gloire.
Ses faiblesses : Il est attirée par Taz, la petite soeur de Kira, marginale paumée, droguée, passablement agressive et suicidaire.
Lyle, l’intellectuelle de la famille, toujours dans ses livres, est en révolte contre les parents. Elle a horreur de la Californie, de la plage. Son teint de rousse ne lui permet pas de s’exposer au soleil. Elle couche avec Hector, un latino-américain pour se prouver qu’elle peut plaire.
Jonas, le mal aimé, est un gamin aux idées morbides, étrange et asocial.
Ah! j’allais oublier Mister Leonard, un des membres et non des moindres de la famille Ziller, j’ai nommé le vieux chien qui a déjà un pied dans la tombe mais qui n’en demeure pas moins un personnage incontournable du roman.

La faillite du père est à l’origine de la détérioration des rapports entre les membres de la famille, une fissure qui ne cessera de s’agrandir mais c’est surtout la tragédie qui s’abat sur eux qui va les anéantir. Chacun va réagir selon son âge, son caractère, sa position dans la famille, mais aucun n’en sortira indemne. Le désespoir affleure sans cesse, les vies sont brisées. Pourront-ils se reconstruire? L’écrivain manie une ironie cruelle au détriment de ses personnages comme si, démiurge tout puissant, il les punissait par là où ils ont péché!
Comme souvent dans les romans contemporains américains, les personnages d’Erich Puchner mais aussi leurs amis, les connaissances qui gravitent autour d’eux, sont atypiques, étranges et se fourrent dans des situations absolument loufoques qui provoquent à la fois la surprise et le rire. De nombreuses scènes, en effet, racontées avec brio et panache sont d’une drôlerie irrésistible comme celle où Warren pour venir en aide à son fils et lui éviter un chagrin d’amour s’introduit chez les parents de Kira ou comme la conversation de Jonas avec le chauffeur de camion qui est tout aussi réussie. De même le traitement de la sexualité dans les films de Camille est inénarrable. Pourtant le ton de la comédie, la légèreté apparente du récit ont toujours pour corollaire la tragédie et  l’échec. Ces différentes tonalités représentent une des grandes qualités du roman qui sait à la fois toucher, susciter l’émotion et amuser. De plus la variation des points de vue – chacun présentant tour à tour sa vision des autres mais aussi sa propre intériorité- permet une approche riche et subtile des personnages et donne des éclairages variés au récit.. J’ai beaucoup aimé pénétrer dans l’intimité de cette famille, en partageant le quotidien, les pensées intimes de chacun, j’ai aimé m’identifier aux personnages, m’attacher à eux car ils sont tous fragiles et émouvants, profondément humains avec leurs espoirs et leurs doutes, leurs qualités mais aussi leurs défauts. J’ai suivi avec un intérêt toujours renouvelé leur histoire, ayant envie de connaître la suite, de découvrir s’ils vont s’en sortir et  comment.

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lundi 12 septembre 2011

Ida Hattemer-Higgins : L'histoire de l'Histoire, Flammarion


Avec L'histoire de l'Histoire de Ida Hattemer-Higgins le lecteur vit une aventure déroutante. Pour  comprendre ce roman il faut quitter les sentiers balisés, accepter de se perdre dans un labyrinthe étouffant d'où l'on a l'impression de ne pouvoir s'échapper. Impression pas toujours agréable, déconcertante, mais qui nous permet d'émerger à l'air libre en découvrant le sens du roman. Car celui-ci est une interrogation sur la mémoire, sur la culpabilité aussi, à la fois collective et individuelle. C'est le sens du titre, la petite histoire du personnage nous permettant de rejoindre la grande, l'Histoire collective de l'Allemagne à l'époque nazie.

Une jeune femme se retrouve dans la forêt, près de Berlin, vêtue de  vêtements masculins souillés de terre.  Elle ne sait plus qui elle est. Son passeport américain porte le nom de Margaret Taub. Comme une automate, elle regagne Berlin et son appartement et reprend ses activités de guide dans la ville où elle fait visiter les hauts lieux du nazisme. Etudiante, elle retourne suivre des cours à l'université. Mais une partie de sa mémoire est occultée en ce qui concerne son passé personnel. Peu à peu des manifestations étranges apparaissent autour d'elle :  Les immeubles de Berlin prennent vie, deviennent chair, une femme-faucon, qui n'est autre que Magda Goebbels, la poursuit, les fantômes du passé viennent lui tenir compagnie. Sa souffrance est intense. Elle rencontre parfois des individus qui l'ont connue et qui lui restituent quelques bribes de sa mémoire. Le médecin qu'elle consulte, une vieille femme à la tête démesurée, semble faire partie du cauchemar. Qui est-elle? Que sait-elle sur le passé de Margaret? Pourquoi lui montre-t-elle ce vieux film où l'on voit un enfant surgir d'un lac en flammes?

Le talent de cette écrivain dont c'est le premier roman est grand mais sans concession. Il n'épargne pas le lecteur. D'abord, le fait de ne pas comprendre ce qui se passe pendant la plus grande partie de l'histoire est déstabilisante. Notre esprit cartésien est mis à mal. Ici pas de narrateur omniscient qui vient nous expliquer complaisamment de quoi il s'agit et nous mettre en position de force par rapport au personnage : nous savons, lui pas!  Non, Ida Hattemer-Higgins nous place dans la même situation que Margaret. Elle ne sait pas, nous non plus.
 La perte de mémoire n'est pas vécue comme une aventure romanesque qui flatte notre sens du mystère mais comme une maladie oppressante, une pathologie terrifiante, génératrice de maux insoutenables. Si bien que nous ressentons par l'intérieur l'étrangeté angoissante de ce qui se passe autour de Margaret. Une vision distordue de la réalité s'impose à nous. L'univers fantastique et effrayant qui l'entoure, nous le vivons nous aussi comme s'il était réel; d'ailleurs, il l'est peut-être? Car la distinction n'est peut-être pas aussi évidente! La frontière entre les deux mondes n'est plus très définie de même que celle entre coupables et victimes.  Nous nous raccrochons pourtant à cette certitude confortable mais simpliste, celle de la limite nette et franche entre le Bien et le Mal. Ida Hattemer-Higgins balaie cette idée rassurante d'un revers de main en nous montrant des juifs  bénéficiant de "points" dans les camps de concentration pour utiliser les services sexuels de prisonnières réduites à la prostitution..  Nous participons à la recherche de Margaret sur le personnage de Magda, l'épouse de Goebbels, qui a tué ses enfants à la fin de la guerre. Nous rencontrons nous aussi le fantôme de cette mère juive amenée à se suicider avec ses enfants. Mais qui de ces deux femmes est véritablement coupable ou victime? Pourquoi Margaret subit-elle leur attrait morbide? Peu à peu le puzzle se met en place jusqu'au moment où nous avons tous les morceaux en main, ce qui nous permet de comprendre. L'histoire et l'Histoire se sont rejoints et c'est une libération.
"Elle déclarerait que son égarement était allé très loin et avait occupé une longue période de sa vie. L'important serait de dire - de rentrer dans le rang, dans le doux refuge de ceux qui racontent, sans les déformer, les histoires de leur honte".
Maintenant si vous me demandez si j'ai aimé ce roman, je vous répondrai que je l'ai admiré mais que ce n'est pas une lecture aisée. La métaphore n'y est pas toujours évidente. Parfois, l'on éprouve comme l'héroïne le besoin de s'échapper et j'ai eu souvent envie de fermer le livre avant la fin de cette quête douloureuse. Le fait de ne pas l'avoir fait prouve que le talent de l'écrivain est réel et je suis heureuse d'avoir pu conduire ma lecture jusqu'au bout mais... non sans mal!

Quelques extraits :

"La ville s'était faite chair. Quand Margaret se réveilla, le stuc et le bois avaient laissé place à une peu humaine(;;)En sortant de son immeuble, Margaret leva les yeux vers le ciel et découvrit les façades de chair....
Les murs palpitaient et l'épiderme dont ils étaient revêtus était si tendu qu'il semblait recouvrir un foetus géant où d'immenses organes plongés dans un silence regorgeant de vie, à moins qu'il ne s'agit plutôt de millions de muscles frémissants."

"-je crois que je suis attirée par eux;
- Excusez-moi lança le médecin d'une voix claironnante, mais de qui parlons-nous? Par quoi êtes-vous  attirée?
Les joues brûlantes, la tête baissée, Margaret parla sans regarder la vieille femme. Son vertige s'aggravait, mais son seul espoir était de se dévoiler. Elle devait révéler le fonctionnement de son esprit, même si cela devait la conduire en enfer.
-Par la... par eux.  (Les nazis). Quand je lis leurs mémoires ou leurs biographies, il arrive qu'ils me paraissent normaux, et souvent ingénieux. Je m'imagine qu'ils sont mus par un sentiment qui n'est pas sans noblesse.
 Le médecin se mit à rire. Margaret était interloquée.
- Camarade, nous voudrions tous que le mal soit simple et stupide, mais il est flexible et intelligent."

"Margaret comprit alors ce qu'est vraiment un fantôme; : la résonance d'une vie. Un fantôme est la vibration intense et profonde d'une pensée bienveillante pour les morts. Chacun peut et doit croire aux fantômes."

                                          Merci à Librairie dialogues et aux éditions Flammarion

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vendredi 2 septembre 2011

James Frey : Le dernier testament de Ben Zion Avrohom

 Intégristes de tous bords et de toutes religions, fanatiques, trop bien-pensants, collets-montés, grenouilles de bénitiers, la lecture du roman de James Frey n'est pas pour vous! Certes Ben Zion Avrohom, héros éponyme du roman, est le Messie et il revient parmi nous, certes il est en communication avec Dieu mais, comme tout vrai Messie, il va vous choquer, bouleverser votre idée de Dieu, renverser toutes vos croyances, piétiner vos idées toutes faites, vous paraître dérangeant, fou, voire dangereux. Vous aurez envie de le voir disparaître, d'en être débarrassé, de retomber dans la quiétude de vos convictions et vous n'interviendrez pas lorsqu'on le battra, lorsqu'on l'enfermera, le détruira. Pire! Vous serez même parmi les bourreaux  et vous réitérerez avec des moyens modernes ce que l'on a fait à  Jésus il y a  2000 ans.

Ben Zion Avrohom est le fils de Dieu, tout le monde le dit dans la communauté juive où il est né, les rabbins ne s'y trompent pas, les signes sont là. Lui? Un type trop gentil, un tendre, un illuminé, et surtout un paumé car il ne sait pas qui il est, lui, ni pourquoi il est là! Un souffre-douleur aussi, il s'attire la haine de son père et de son frère qui le chasse de la maison, il se fait voler son argent par sa voisine prostituée, et plus tard, une fois reconnu comme le Messie, il est tiraillé, malmené, retenu en otage par les différents groupes religieux  chrétiens ou juifs qui veulent le récupérer pour qu'il reconnaisse leur Dieu au détriment de ceux du voisin. Cependant, quand il apporte la parole de Dieu, il dérange.  Que direz-vous d'un Messie qui vous dit que l'amour charnel et spirituel vont de pair et qui joint le geste à la parole en couchant avec des femmes et les hommes à qui il apporte ainsi le bonheur; un Messie qui vous conseille de remplacer le concept ridicule de l'âme par le cerveau, qui déclare que la vie éternelle n'existe pas, c'est pourquoi il faut savoir jouir (à tous les sens du terme) de la vie terrestre et que seul l'amour a de la valeur. Un Messie qui affirme que la Bible est un vieux livre dépassé qui s'adresse à une société archaïque si éloignée de la nôtre que ce livre n'a plus cours!  Vous vous doutez que  le comportement du "Messie" surtout lorsqu'il s'adresse aux religieux donne lieu à des scènes surprenantes et savoureuses qui ne sont pas exemptes d'ironie!

Vous allez me dire que James Frey est un provocateur, qu'il cherche délibérément à choquer pour s'assurer le succès de son livre. Vous allez arguer que ce Messie de pacotille est un gourou, le maître d'une secte, comme l'on en voit tant de nos jours. Et il faut reconnaître que la vie communautaire qu'il mène dans la ferme prêtée par une adepte y ressemble bien, du moins en apparence car Ben Zion laisse sa liberté de penser à tous, il n'impose pas, il ne juge pas. C'est un homme qui n'accepte pas d'argent, qui vit, ainsi que les siens, en fouillant dans les poubelles de la surconsommation de masse. Profondément humain, il accueille les marginaux, les sans-grade, les rejetés, femmes victimes de violence, prostituées, homosexuels, immigrés, tous ceux que la bonne société met à l'écart et il parvient à  leur rendre leur dignité. C'est un homme qui prêche l'amour dans une société qui se vautre dans le profit et dont le seul Dieu est l'argent.
Alors vous l'aurez compris, la provocation de James Frey, - si provocation il y a - n'est pas gratuite! La venue de son "Messie" est une occasion pour lui de démonter les rouages d'une société où l'amour des autres, la solidarité, l'empathie n'existent plus. Le roman dénonce avec virulence les fanatismes, l'intolérance, l'obscurantisme, les hypocrisies religieuses qui sévissent dans le pays, avec son cortège de maux, guerres, violences, exclusions, misère. 
Le dernier testament de Ben Zion Avrohom nous dit que si les minorités privilégiés continuent à vivre égoïstement, sans se préoccuper des autres et de l'avenir, amassant les richesses au détriment de la planète et de l'espèce humaine, alors nous allons droit au mur et nous signerons la fin de notre civilisation. C'est un cri d'alerte, une condamnation sans appel mais aussi  un plaidoyer pour l'amour , et le partage. Un grand livre, dérangeant mais beau!

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Merci à Dialogues croisés et aux Editions Flammarion

Rentrée littéraire 2011