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mercredi 5 février 2014

Marina Tsvetaïeva : Mars et Poèmes sur Moscou



J'avais participé au jeu de la poésie sur facebook avec Mars, la poésie de Marina Tsvetaïeva que m'a fait découvrir Marylin. Marina Tsevtaïeva, figure importante de la poésie russe, méconnue de son vivant, s'exila en 1922 à l'étranger, où elle poursuivit son œuvre poétique. Elle regagna la Russie en 1939. L'hostilité à laquelle elle fut confrontée la poussa au suicide en 1941.

Picasso  : Guernica

 MARS

O pleurs d'amour, fureur !
D'eux-mêmes — jaillissant !
Ô la Bohème en pleurs !
En Espagne : le sang !
Noir, ô mont qui étend
Son ombre au monde entier !
Au Créateur : grand temps
De rendre mon billet
Refus d'être. De suivre.
Asile des non-gens :
Je refuse d'y vivre
Avec les loups régents
Des rues — hurler : refuse.
Quant aux requins des plaines —
Non ! — Glisser : je refuse —
Le long des dos en chaîne.
Oreilles obstruées,
Et mes yeux voient confus.
À ton monde insensé
Je ne dis que : refus.

15 mars-11 mai 1939.
(traduction Eve Malleret)

 Insomnie et autres poèmes

 Pour le jeudi d'Asphodèle j'ai choisi un des poèmes sur Moscou dans la recueil Insomnie et autres poèmes aux Editions Poésie/Gallimard


Edouard Gaertner : vue panoramique du Kremlin à Moscou(1839)
 

Poèmes sur Moscou


Nuages autour,
Coupoles autour.
Par-dessus Moscou
- De toutes mes mains ! -
Je te hisse au ciel, mon radieux fardeau,
Mon beau petit arbre
Qui ne pèse rien !

Dans la prodigieuse,
Paisible cité
- Où même défunte
J’aurai de la joie -
À toi de régner, et d’être affligé,
De porter couronne
Ô mon premier-né !

Jeûnant aux carêmes,
Sans khôl aux sourcils,
Honore toujours
La nuée d’églises.
Et parcours à pied – de ton jeune pas –
Les libres espaces
Sur les sept collines !

Il viendra ton tour
- Tendrement amer -
De donner Moscou
À ta fille un jour.
Moi j’aurai les songes, et le son des cloches,
Sur Vagankovo
Les aubes précoces.
31 mars 1916


 


Et voici la liste des participants au jeudi poétique d'Asphodèle :  Marie et Anne, Soène, Lili, Pyrausta, Jean-Charles, Claudialucia, Natiora, Modrone-Eeguab. Fransoaz , Luocine, et  Dame Mauve. Et Laurent Fuchs, un nouveau participant !










lundi 3 février 2014

Astrid Lindgren, une écrivaine suédoise : Ronya, fille de brigand et Fifi Brindacier



Dans le cadre Hiver en Suède, j'ai envie de parler de deux romans de la grande écrivaine suédoise pour la jeunesse : Astrid Lindgren

Ronya, fille de brigand

Ronya , fille de brigand, film de Tage Danielsson

L'enfance de mes filles a été bercée  par ce roman d'Astrid Lindgren : Ronya, fille de brigand, (1981) lu et relu un nombre incalculable de fois dès qu'elles ont su lire!

Ronya est née par une nuit d'orage en même temps que Birk, mais chacun d'un côté opposé de la forêt. Elle est la fille du brigand Mattis et se montre digne de lui par son intrépidité, sa vaillance, une vraie fille de brigands! Son père l'adore. Birk, lui, est le fils de Borka, chef du clan ennemi. Tout semble les séparer et pourtant le jour où Ronya rencontre Birk, ils vont se lier d'amitié. Une amitié qui n'ira pas sans difficultés et suscitera rejet et colère de la part des adultes. Ce beau sentiment sera-t-il assez fort pour réconcilier les  bandes rivales?
Ronya est un beau livre d'aventures, riches en péripéties. Il parle de liberté et d'amour de la nature. Il permet aux petits lecteurs de rêver en partageant la vie aventureuse des deux enfants, la pêche dans les torrents, la chasse à l'arc, le combat contre les elfes et les nains facétieux. Un adorable livre que je recommande aux enfants à partir de six ou sept ans.

Le roman a été adapté au cinéma par Tage Danielsson en 1983. Et le dessin animé japonais va sortir de studios Ghibli en automne 2014


Ronya, fille de brigand, studio Ghibly

Fifi Brindacier



Avec Fifi Brindacier, Astrid Lindgren crée un personnage  qui a connu un succès international et dont le surnom a eu des adaptations dans toutes les langues* : Pippi Långstrump en suédois signifie  Pippi longues chaussettes. Son véritable nom est Fifilolotte Victuaille Cataplasme Tampon Fille d'Efraïm Brindacier ou Pippilotta Viktualia Rullgardina Krusmynta Efraimsdotter Långstrump en suédois. 

On le voit ne serait-ce que par son nom, Fifi Brindacier n'est pas comme tout le monde! Sa maman est un ange dans le ciel et son papa que tout le monde croit noyé est le roi des cannibales sur une île déserte. Fifi vit seule dans la grande maison de ses parents et elle a pour amis, un singe Mr Nillson, un cheval et ses petits voisins Tommy et Annita. Son physique aussi sort de l'ordinaire : elle a deux petites tresses rousses dressées sur la tête, deux énormes chaussures, de longues chaussettes et une force phénoménale. Elle est capable de soulever un cheval!


Fifi Brindacier (1945)  est un personnage qui a fait scandale. En France il a fallu longtemps pour que le livre soit traduit entièrement sans être édulcoré! C'est qu'il bouscule les stéréotypes filles-garçons (on dirait maintenant qu'il lutte contre la construction du genre et, en cela, il est toujours d'actualité). Fifi est tout le contraire de la petite fille modèle, douce et sage, craintive et qui a peur de salir sa belle robe!  Elle ne joue pas à des jeux de fille, elle fait du cheval et grimpe aux arbres. Elle aime avant tout sa liberté et son indépendance! 
Le roman bouscule avec humour toutes les conventions sociales et l'ordre bourgeois établi. Fifi ne veut pas aller à l'école et perdre sa liberté; elle n'ira pas et les gendarmes qui lui sont envoyés seront gentiment mais fermement remerciés grâce à sa force colossale! De même, les dames bien pensantes et bourgeoises se plaignant de leur bonne seront remises à leur place par la langue bien pendue de Fifi! Tout le contraire d'une petite fille bien élevée! Une héroïne anticonformiste mais toujours gentille, prenant fait et cause pour les faibles et les victimes, malicieuse et drôle! On comprend pourquoi les enfants aiment!

* En anglais : Pippi Longstocking, de son nom complet Pippilotta Delicatessa Windowshade Mackrelmint Ephraim's Daughter Longstocking





mercredi 29 janvier 2014

Tracy Chavalier : La dernière fugitive



Avec La dernière fugitive, Tracy Chavalier signe un livre charmant, vivant et chaleureux. Nous suivons son héroïne Honor Bright, une jeune anglaise, quaker, qui émigre aux Etats-Unis avec sa soeur Grace. Celle-ci doit se marier avec un anglais installé dans l'Ohio mais elle meurt dès son arrivée. Honor continue seule le voyage pour rejoindre le fiancé de Grace mais elle  s'aperçoit bien vite qu'elle n'est pas vraiment la bienvenue.
Nous sommes en 1850 et  c'est l'occasion pour  Tracy Chevalier de nous présenter ce pays en pleine ébullition, toujours en mutation, et les problèmes liés à l'esclavage. Si Honor trouve un mari assez rapidement dans la personne d'une jeune fermier, Jack Haymaker, le bonheur n'est pas au rendez-vous dans la ferme où règne en maîtresse de maison Mistress Haymaker, la mère de Jack. Et lorsque Honor découvre l'existence du "chemin de fer clandestin" qui aide les esclaves en fuite à passer au Canada, Honor se met en danger et toute sa famille avec, pour venir en aide aux malheureux.  Elle se heurte aussi Donovan,  un chasseur d'esclaves sans scrupules. Des thèmes qui ne peuvent laisser indifférents.

Eastman Johnson : Esclaves fugitifs (source Wikipédia)

Comme d'habitude Tracy Chevalier crée un personnage féminin attachant et qui n'a pas froid aux yeux, doté d'un courage certain. Honor sait prendre son destin en main malgré sa fragilité apparente et l'épreuve qu'elle vit en se retrouvant seule après avoir quitté son pays et sa famille à tout jamais. Sans renoncer à sa foi et à son éducation quaker, elle tire son épingle du jeu et fait preuve d'un grand pragmatisme quand il s'agit de se chercher un prétendant. Nous sommes loin de la romance traditionnelle! De plus, la jeune anglaise comme les autres héroïnes de Tracy Chevalier, a un don particulier qui lui permet de se débrouiller dans la vie : elle coud avec minutie et adresse de splendides quilts en patchwork aux motifs traditionnels, à une époque où ces courtepointes représentaient souvent la dot indispensable de la jeune fille à marier et avaient une valeur symbolique dépassant ainsi le simple objet utilitaire.


Motif traditionnel : l'étoile de Bethléem (source)

Tracy Chevalier s'est très bien documentée sur ses différents sujets, les quakers, l'Amérique abolitionniste et le chemin de fer clandestin, les mentalités, l'Ohio et bien sûr les quilts pour lesquels elle a poussé sa recherche jusqu'à en fabriquer un elle-même! Elle nous fait voyager dans l'espace et le temps sans jamais laisser ses connaissances prendre le dessus et alourdir l'action. Elle sait faire vivre ses personnages, notamment, à côté de Honor, son amie Belle, modiste dans la ville de Wellington, tout en évitant les pièges du sentimentalisme et de l'eau de rose!
Pas un chef d'oeuvre, non, mais une lecture très agréable!

Voir le billet de Dominique ICI 
Chez Hélène 



mardi 28 janvier 2014

Mudwoman de Joyce Carol Oates


Mudwoman, le dernier roman de Joyce carol Oates est une grande réussite, un roman puissant et haletant que l'on ne peut lire qu'avec passion.

Mudgirl est une petite fille maltraitée que sa mère, folle, jette dans les marais des Adirondacks. Tandis qu'elle s'enfonce dans la boue, promise à une mort terrible, elle est sauvée par une jeune homme faible d'esprit qui prétend avoir été guidé vers la fillette par le roi des corbeaux. Mudgirl est ensuite placée en famille d'accueil puis adoptée par des quakers qui lui donnent beaucoup d'amour. Mais peut-on guérir d'une telle enfance? Il le semble bien puisque Meredith Neukirchen, brillante philosophe, chercheuse de renom, devient la première femme présidente d'une université prestigieuse malgré le machisme du milieu. Pourtant il va suffire d'un voyage sur les lieux de son enfance pour que le passé resurgisse. Mudgirl n'a jamais cessé d'exister, elle est devenue Mudwoman.

Le personnage de Mudwoman est passionnant, complexe et attachant. Sous cette femme en apparence forte, sous la froideur, se cache un être fragile, naïf, qui croit encore malgré tout à la bonté des hommes, mais aussi très solitaire. Elle doit faire d'immenses efforts pour parvenir à assumer ses fonctions, à avoir des relations avec les autres,  à refouler le passé et l'angoisse qui montent en elle. Elle se fait appeler par ses initiales MR comme si elle voulait se cacher, ne pas s'impliquer en tant qu'être humain, nier sa personnalité, sa féminité aussi. Et d'ailleurs qui est-elle? Elle a porté deux autres noms avant de devenir MR.

Le fait d'adopter son point de vue, par un parti pris de l'auteur, nous pousse à épouser tous ses sentiments, à partager sa tension intérieure, et, en même temps, brouille la narration romanesque dite "normale".
La narration est, en effet, complexe mais très maîtrisée par Oates. L'on passe de la réalité à l'onirisme dans un glissement léger qui ne permet pas d'en saisir les frontières, ce qui est assez rare dans un roman occidental.  En effet, bien souvent le lecteur est dérouté car il ne sait pas si les évènements qui se déroulent sont vrais ou s'ils sont la projection des pensées de Meredith, de ses rêves, de ses cauchemars. Il s'ensuit que nous sommes entraînés avec elle dans une descente aux Enfers, un monde hostile, glacé où survivre demande des efforts. Un monde aussi où l'on perd ses repères, où l'on ne sait plus ce qui est réel ou imaginaire. Un récit haletant.

Les thèmes comme toujours chez cette écrivaine sont nombreux et riches et j'apprécie qu'elle ancre son personnage dans la réalité de l'époque et de son pays, sans que cela paraisse plaqué. Oates présente ses idées politiques généreuses que son personnage partage mais n'est pas libre d'exprimer dans un pays qui se dit pourtant démocrate!

Description du milieu universitaire hostile aux femmes et ostracisme qu'elles subissent au quotidien; il y a peu de temps que les femmes peuvent arriver à un tel poste; guerres intestines entre républicains et démocrates au sein même de l'établissement;  prises de position réactionnaires des républicains qui refusent l'accès de l'université aux boursiers comme ils le refusaient aux juifs, aux noirs et aux femmes il y a peu;  manque de liberté de la présidente d'université qui est soumise au diktat des riches donateurs de l'université et peut à tout moment si elle n'est pas politiquement et socialement "correcte" être destituée. Tout ceci sur fond de conflit menaçant. Nous sommes à la veille de la guerre en Irak, les mensonges politiques troublent les esprits, fomentant la haine et créant une atmosphère délétère, réveillant les actes fascisants.
L'amour, dans ce monde noir, ne semble pas apporter un grand soutien. L'amant "secret" de Mudwoman n'est jamais présent et ne la soutient qu'occasionnellement. Et Mudwoman s'efface devant lui, ne peut laisser cours à ses sentiments : prisonnière? de quoi? de la boue qui n'a jamais cessé de l'étouffer! Elle ne peut répondre entièrement à l'amour de ses parents, peut-être parce que ceux-ci ont essayé de lui faire jouer le rôle de la fillette qu'ils ont perdue avant de l'adopter. Ne lui ont-ils pas donné le nom de leur petite morte? Pourtant l'amour qu'elle porte à son père adoptif et réciproquement donne une lueur d'espoir au dénouement... semble-t-il? Un dénouement qui me paraît pourtant équivoque*.


Un très grand roman au même niveau pour moi que Chutes ou Nous serons les Mulvaney, mes préférés. Un coup de coeur!


* j'aimerais bien discuter du dénouement avec un lecteur du roman. HOU! HOU! il y a quelqu'un?


Lire George ICI

Sylire ICI

Dominique Un avis négatif