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mardi 19 mars 2013

Le Berry : sur les traces de George Sand, Corambé dans Histoires de ma vie (5)


Parc de la maison de Nohant : Corambé

Dans le parc du domaine de Nohant, la maison de George Sand, on découvre une curieuse statue. Il s'agit d'une figure féminine en bronze sombre et or,  à la silhouette gracile et aux yeux cernés de noir à l'égyptienne. Elle se dresse sur une grande feuille et lève un bras comme pour danser.
 Il s'agit de la représentation de Corambé sorti tout droit de l'imagination d'Aurore Dupin quand elle était enfant et imaginé par la sculptrice François Vergier en 1991 :

Lorsqu’en 1816, Hippolyte, son demi-frère, rejoignit son régiment de hussards, Aurore se retrouva seule à Nohant avec Deschartres et sa grand-mère, dont la santé s’altérait. La mélancolie la submergea. Elle était à la recherche d’un idéal. On lui enseignait le catéchisme, mais elle voulait une religion qui lui soit propre. Elle inventa sa divinité personnelle : Corambé. (...)
 Elle lui éleva un autel au cœur du petit bois où elle prit l’habitude de se réfugier. Le culte cessa quand le sanctuaire fut découvert.
Aurore jouissait à Nohant d’une grande liberté. Ses lectures n’étaient pas contrôlées et elle jouait et travaillait aux champs avec les enfants du pays. Mais elle abordait l’adolescence. Le désir de retourner vivre auprès de sa mère était toujours lancinant, et les conflits avec sa grand-mère devenaient récurrents. Celle-ci prit alors la décision de la mettre en pension à Paris au couvent des Dames augustines anglaises. Elle avait quatorze ans. À Paris elle espérait revoir sa mère, et un changement de vie lui plaisait. 
(site George Sand)

Voilà ce qu'en écrit George dans dans Histoires de ma vie : 

"... puisque toute religion est une fiction, faisons un roman qui soit une religion ou une religion qui soit un roman. Je ne crois pas à mes romans, mais ils me donnent autant de bonheur que si j' y croyais. D' ailleurs, s’il m’arrive d'y croire de temps en temps personne ne le saura, personne ne contrariera mon illusion en me prouvant que je rêve.  Et voilà qu'en rêvant la nuit, il me vint une figure et un nom. Le nom ne signifiait rien que je sache : c’était un assemblage fortuit de syllabes comme il s’en forme dans les songes. Mon fantôme s’appelait Corambé, et ce nom lui resta. Il devint le titre de mon roman et le dieu de ma religion.
En commençant à parler de Corambé, je commence à parler non-seulement de ma vie poétique, que ce type a remplie si longtemps dans le secret de mes rêves, mais encore de ma vie morale, qui ne faisait qu'une avec la première. Corambé n’était pas, à vrai dire, un simple personnage de roman, c’était la forme qu’avait prise et que garda longtemps mon idéal religieux. (...)
Corambé se créa tout seul dans mon cerveau. Il était pur et charitable comme Jésus, rayonnant et beau comme Gabriel ; mais il lui fallait un peu de la grâce des nymphes et de la poésie d' Orphée. Il avait donc des formes moins austères que le dieu des chrétiens et un sentiment plus spiritualisé que ceux d’Homère. Et puis il me fallait le compléter en le vêtant en femme à l’occasion, car ce que j’avais le mieux aimé, le mieux compris jusqu'alors, c’était une femme, c’était ma mère. Ce fut donc souvent sous les traits d’une femme qu’il m’apparut.
    
Voyager avec une enfant

Si la visite de la maison a été trop longue pour ma petite fille (3  ans), elle a par contre adoré le parc de Nohant  et en particulier Corambé qu'elle a pris pour une fée : La Fée aux Gros Yeux. Un des contes que la grand mère George Sand  racontait à Aurore et Gabrielle et dont je vais bientôt vous parler.



Mercredi  : Sur les traces de George Sand : La fée aux gros yeux (6)









lundi 18 mars 2013

Le Berry : Sur les traces de George Sand à Crozant et Gargilesse avec Le péché de Mr Antoine (4)


La Creuse à Crozant

Le récit du roman de George Sand Le péché de Mr Antoine se déroule dans la vallée de la Creuse, "dans les landes de Crozant et dans les ruines de Chateaubrun où s'était plue ma fiction" écrit George Sand. (voir billet ICI)

  Un jeune voyageur, étranger au pays, Emile Cardonnet,  arrive à Eguzon  :

C’est qu’Éguzon est le point central d’une région pittoresque semée de ruines imposantes, et que, soit qu’on veuille voir Châteaubrun, Crozant, la Prugne-au-Pot, ou enfin le château encore debout et habité de Saint-Germain, il faut nécessairement aller coucher à Éguzon, afin de partir, dès le matin suivant, pour ces différentes excursions.

Le jeune homme intrépide refuse de coucher à Eguzon et continue son chemin malgré la menace d'un orage. Il se fait surprendre par la tourmente sur la route escarpée dominant la Creuse par des a-pics vertigineux. Forcé de s'arrêter il distingue à la lueur des éclairs une masse sombre, celle d'une forteresse "terrible", les ruines du manoir de Châteaubrun.

 La Creuse, limpide et forte, coulait sans grand fracas au bas de ce précipice, et se resserrait avec un mugissement sourd et continu, sous les arches d’un vieux pont qui paraissait en fort mauvais état. La vue était bornée en face par le retour de l’escarpement; mais, de côté, on découvrait une verte perspective de prairies inclinées et bien plantées, au milieu desquelles serpentait la rivière; et vis-à-vis de notre voyageur, au sommet d’une colline hérissée de roches formidables qu’entrecoupait une riche végétation, on voyait se dresser les grandes tours délabrées d’un vaste manoir en ruines. Mais, lors même que le jeune homme aurait eu la pensée d’y chercher un asile contre l’orage, il lui eût été difficile de trouver le moyen de s’y rendre; car on n’apercevait aucune trace de communication entre le château et la route, et un autre ravin, avec un torrent qui se déversait dans la Creuse, séparait les deux collines.

Le manoir de Châteaubrun  (photographie ici)

C'est pourtant dans ce château que Emile se réfugiera, reçu modestement mais chaleureusement  par le maître  ruiné de ces lieux, Antoine de Châteaubrun, le dernier seigneur de Châteaubrun et par sa charmante fille Gilberte.


Après avoir péniblement gravi un chemin escarpé, ou plutôt un escalier pratiqué dans le roc, nos voyageurs arrivèrent, au bout de vingt minutes, à l’entrée de Châteaubrun. Le vent et la pluie redoublaient, et le jeune homme n’eut guère le loisir de contempler le vaste portail qui n’offrait à sa vue, en cet instant, qu’une masse confuse de proportions formidables. Il remarqua seulement qu’en guise de clôture, la herse seigneuriale était remplacée par une barrière de bois, pareille à celles qui ferment les prés du pays.

Le lendemain, il se rend au village de Gargilesse pour rejoindre ses parents mais la rivière du même nom, affluent de la Creuse, insignifiante en temps habituel, fantasque et capricieuse, gonflée par les pluies, devient un monstrueux torrent, dangereux à traverser.

La rivière de Gargilesse

C'est cette même rivière qui ruine les projets industriels de Mr Cardonnet, le père d'Emile, qui a installé son usine sur ses bords. Le village de Gargilesse apparaît au jeune homme dans toute sa charmante beauté.


 L'église de Gargilesse

Après une heure de marche environ, nos voyageurs se trouvèrent en face du vallon de la Gargilesse, et un site enchanteur se déploya devant eux. Le village de Gargilesse, bâti en pain de sucre sur une éminence escarpée, et dominé par sa jolie église et son ancien monastère, semblait surgir du fond des précipices....

Le château-monastère de Gargilesse

Un jour où désespéré d'être séparé de sa bien aimée Gilberte, Emile broie du noir en se promenant au hasard, il découvre la forteresse de Crozant. Les ruines de Crozant correspondent alors son état d'esprit par leur aspect désolé et inhospitalier. Le décor qui s'offre à ses yeux qualifié de "sublime " par George Sand a toutes les caractéristiques du paysage prisé par les romantiques : accidenté, sauvage, désert avec des reliefs tourmentés propres à épouser les états d'âme les plus sombres.


Il leva les yeux, et vit devant lui, au-delà de précipices et de ravins profonds, les ruines de Crozant s’élever en flèche aiguë sur des cimes étrangement déchiquetées, et parsemées sur un espace qu’on peut à peine embrasser d’un seul coup d’œil.
Émile était déjà venu visiter cette curieuse forteresse, mais par un chemin plus direct, et sa préoccupation l’ayant empêché cette fois de s’orienter, il resta un instant avant de se reconnaître. Rien ne convenait mieux à l’état de son âme que ce site sauvage et ces ruines désolées. Il laissa son cheval dans une chaumière et descendit à pied le sentier étroit qui, par des gradins de rochers, conduit au lit du torrent. Puis il en remonta un semblable, et s’enfonça dans les décombres où il resta plusieurs heures en proie à une douleur que l’aspect d’un lieu si horrible, et si sublime en même temps, portait par instant jusqu’au délire.




Les premiers siècles de la féodalité ont vu construire peu de forteresses aussi bien assises que celle de Crozant. La montagne qui la porte tombe à pic de chaque côté, dans deux torrents, la Creuse et la Sédelle, qui se réunissent avec fracas à l’extrémité de la presqu’île, et y entretiennent, en bondissant sur d’énormes blocs de rochers, un mugissement continuel. Les flancs de la montagne sont bizarres et partout hérissés de longues roches grises qui se dressent du fond de l’abîme comme des géants, ou pendent comme des stalactites sur le torrent qu’elles surplombent.

La maison de George Sand à Gargilesse : La villa Agila


La villa Agila offerte à George Sand par son dernier amant, Manceau,  est un lieu calme où l'écrivaine aimait se retirer pour écrire.






mercredi 13 mars 2013

Le Berry : Sur les traces de George Sand avec la Fée Poussière (3)



Quand on voyage avec une petite fille de trois ans et que l'on veut partir avec elle sur les traces de George Sand dans le Berry,  il n'y a rien de mieux que de lui lire La fée Poussière, un conte que George Sand a  imaginé pour ses petites filles, Aurore et Gabrielle, les filles de son fils Maurice et de Lina.
Lire? Non car le conte est bien difficile à la fois par le sujet et la langue mais raconter, oui! Tout en tournant les pages délicieusement illustrées par Ghislaine Dodet dans la série contes Anaïs aux éditions Saint-Mont…



Autrefois, il y a bien longtemps, mes chers enfants, j'étais jeune et j'entendais souvent les gens se plaindre d'une importune petite vieille qui entrait par les fenêtres quand on l'avait chassée par les portes. Elle était si fine et si menue, qu'en eût dit qu'elle flottait au lieu de marcher, et mes parents la comparaient à une petite fée. Les domestiques la détestaient et la renvoyaient à coups de plumeau, mais on ne l'avait pas plus tôt délogée d'une place qu'elle reparaissait à une autre.
Elle portait toujours une vilaine robe grise traînante et une sorte de voile pâle que le moindre vent faisait voltiger autour de sa tête ébouriffée en mèches jaunâtres.
La fée Poussière est méprisée par tous et on la chasse avec un plumeau. Pourtant, elle invite la petite fille à l'appeler par trois fois dans la nuit afin de pouvoir la rejoindre dans son palais enchanté où elle  apparaît à l'enfant sous la forme d'une belle dame resplendissante. Car la fée Poussière n'est pas celle que l'on croit. Sans elle, le monde minéral ne nous offrirait pas ses joyaux les plus beaux et rien de solide n'existerait sur cette terre.

Tout ce que tu vois là, me dit-elle, est mon ouvrage. Tout cela est fait de poussière ; c'est en secouant ma robe dans les nuages que j'ai fourni tous les matériaux de ce paradis. Mon ami le feu les avait lancés dans les airs, les a repris pour les recuire, les cristalliser ou les agglomérer après que mon serviteur le vent les a eu promenés dans l'humidité et dans l'électricité des nues, et rabattus sur la terre ; ce grand plateau solidifié s'est revêtu alors de ma substance féconde et la pluie en a fait des sables et des engrais, après en avoir fait des granits, des porphyres, des marbres, des métaux et des roches de toute sorte.



George Sand nous convie alors à un voyage dans le temps, dans le "laboratoire" de la Fée où s'élabore la matière, où les corps gazeux deviennent solides après avoir illuminé l'espace. Et la fée confectionne, à partir de la poussière, devant les yeux émerveillés de la fillette, une savante cuisine. Elle pile, pulvérise, mélange, met au feu de savantes préparations qui deviennent granit, grès, sable, quartz, ardoises… Elle emprisonne aussi des animaux  et des végétaux mystérieux dans une gangue de calcaire, de silice et d'argile, témoins des vies passées qui ont laissé leur place à d'autres car la Nature est toujours en perpétuelle évolution. Tout disparaît pour renaître encore sous de nouvelles formes. Lorsque la fée dit au revoir à l'enfant, elle lui donne un morceau de sa robe de bal :

Tout disparut, et, quand j'ouvris les yeux, je me retrouvai dans mon lit. Le soleil était levé et m'envoyait un beau rayon. Je regardai le bout d'étoffe que la fée m'avait mis dans la main. Ce n'était qu'un petit tas de fine poussière, mais mon esprit était encore sous le charme du rêve et il communiqua à mes sens le pouvoir de distinguer les moindres atomes de cette poussière.
Je fus émerveillée ; il y avait de tout : de l'air, de l'eau, du soleil, de l'or, des diamants, de la cendre, du pollen de fleur, des coquillages, des perles, de la poussière d'ailes de papillon, du fil, de la cire, du fer, du bois, et beaucoup de cadavres microscopiques ; mais, au milieu de ce mélange de débris imperceptibles, je vis fermenter je ne sais quelle vie d'êtres insaisissables qui paraissaient chercher à se fixer quelque part pour éclore ou pour se transformer, et qui se fondirent en nuage d'or dans le rayon rose du soleil levant.


Ce conte est une petite merveille de poésie. Il peut être lu à plusieurs degrés. On  voit que George Sand était convertie au darwinisme et que le récit est une manière de faire comprendre  l'évolutionnisme à ses petites filles tout en les plongeant dans le Merveilleux et le rêve… Quant à Nini, la petite admiratrice de George Sand, elle n'a certes pas tout compris mais elle a adoré la Fée Poussière qui vit dans un palais magnifique et qui a des robes de princesse. Et vous pouvez lui demander qui est George Sand! Elle vous répondra que c'est la mamie d'Aurore et de Gabrielle et qu'elle raconte de belles histoires!


Suite Lundi :  Le Berry : Sur les traces de George Sand (4)




mardi 12 mars 2013

Le Berry : Sur les traces de George Sand : Angibault et Sarzay (2)


Le château de Sarzay

Visiter le Berry de George Sand, c'est rencontrer au fond d'un bois, au coeur d'un château ou d'une chaumière, dans les méandres de la Creuse, les personnages de ses romans, Marcelle de Blanchemont et Grand Louis près du moulin d'Angibault, la petite Marie et Germain perdus dans le brouillard au bord de la mare, Emile et Gilberte marchant la main dans la main dans les ruines de Châteaubrun non loin de Gargilesse...


Carte des oeuvres de George Sand






Le meunier d'Angibault

Le meunier  d'Angibault de George Sand a pour personnage principal, la baronne, Marcelle de Blanchemont. Celle-ci vient de perdre son mari qu'elle n'aimait pas. Veuve et indépendante, elle se rend, accompagnée de son fils Edouard, dans sa propriété de Blanchemont, chez son fermier Bricolin.  voir ICI

C'est le château de Sarzay qui a servi de modèle au domaine de Marcelle de Blanchemont. 

 Le château de Blanchemont avec son paysage, sa garenne et sa ferme, existe tel que je l'ai fidèlement dépeint ; seulement il s'appelle autrement, et les Bricolin sont des types fictifs.

Ce château n'a jamais été d'une grande défense : les murs n'ont pas plus de cinq à six pieds d'épaisseur en bas, les tours élancées sont encorbellées. Il date de la fin des guerres de la féodalité. Cependant la petitesse des portes, la rareté des fenêtres, et les nombreux débris de murailles et de tourelles qui lui servaient d'enceinte, signalent un temps de méfiance où l'on se mettait encore à l'abri d'un coup de main.

C'est un caste ! assez élégant, un carré long renfermant à tous les étages une seule grande pièce, avec quatre tours contenant de plus petites chambres aux angles, et une autre tour sur la face de derrière servant de cage à l'unique escalier. La chapelle est isolée par la destruction des anciens communs ; les fossés sont comblés en partie, les tourelles d'enceinte sont tronquées à la moitié, et l'étang qui baignait jadis le château du côté du nord est devenu une jolie prairie oblongue, avec une petite source au milieu.


Perdue dans des chemins hasardeux, elle rencontre le meunier d'Angibault surnommé le Grand-Louis, jeune homme honnête et travailleur, qui l'accueille dans son moulin pour une nuit. 


Voilà comment George Sand parle de ce moulin dans le prologue de son roman :

Or, il y a dans notre vallée un joli moulin qu'on appelle Angibault, dont je ne connais pas le meunier, mais dont j'ai connu le propriétaire. C'était un vieux monsieur, qui, depuis sa liaison à Paris avec M. de Robespierre (il l'appelait toujours ainsi), avait laissé croître autour de ses écluses tout ce qui avait voulu pousser : l'aune et la ronce, le chêne et le roseau. La rivière, abandonnée à son caprice, s'était creusé, dans le sable et dans l'herbe, un réseau de petits torrents qu'aux jours d'été, dans les eaux basses, les plantes fontinales couvraient de leurs touffes vigoureuses. Mais le vieux monsieur est mort ; la cognée a fait sa besogne ; il y avait bien des fagots à tailler, bien des planches à scier dans cette forêt vierge en miniature. Il y reste encore quelques beaux arbres, des eaux courantes, un petit bassin assez frais, et quelques buissons de ces ronces gigantesques qui sont les lianes de nos climats.

Mais ce coin de paradis sauvage que mes enfants et moi avions découvert en 1844, avec des cris de surprise et de joie, n'est plus qu'un joli endroit comme tant d'autres.



  
Et voilà comment Marcelle de Blanchemont découvre le moulin en se levant de bonne heure le lendemain matin
Curieuse de savoir en quoi consistaient ces préparatifs, Marcelle franchit le pont rustique qui servait en même temps de pelle au réservoir du moulin, et laissant sur sa droite une belle plantation de jeunes peupliers, elle traversa la prairie en longeant le cours de la rivière, ou plutôt du ruisseau, qui, toujours plein jusqu'aux bords et rasant l'herbe fleurie, n'a guère en cet endroit plus de dix pieds de large. Ce mince cours d'eau est pourtant d'une grande force, et aux abords du moulin il forme un bassin assez considérable, immobile, profond et uni comme une glace, où se reflètent les vieux saules et les toits moussus de l'habitation. 



Marcelle contempla ce site paisible et charmant, qui parlait à son coeur sans qu'elle sût pourquoi. Elle en avait vu de plus beaux; mais il est des lieux qui nous disposent à je ne sais quel attendrissement invincible, et où il semble que la destinée nous attire pour nous y faire accepter des joies, des tristesses ou des devoirs.

Jeudi : Sur les traces de George Sand (3) suite




lundi 11 mars 2013

Le Berry : Sur les traces de George Sand : La Vallée Noire et Nohant (1)


Buste de George Sand à Gargilesse


Passer ces vacances à Issoudun, près de Nohant, c'est évidemment se trouver immergé au coeur du pays de George Sand, c'est aller à la rencontre de cette femme dont le souvenir est si vivace ici, dans ce pays qu'elle a appelé par un caprice d'écrivain, La Vallée Noire. C'est vivre avec des fantômes, apercevoir la petite silhouette d'Aurore Dupin au détour d'une allée ou les boucles blondes de son jeune amant Jules Sandeau, c'est galoper avec elle chaque jour jusqu'à La Châtre pour apprendre les péripéties de la Révolution de 1830 à Paris, c'est partager les discussions passionnées,  au cours des veillées de Nohant, des plus grands personnages du romantisme...


La vallée Noire

Mais qu'est-ce que la Vallée Noire? George Sand dans un long texte éponyme précise les limites de cette région pour répondre à une question posée par un habitant de la Brenne qui l'a piquée au vif. Elle analyse les caractéristiques de la Vallée Noire et le caractère de ses habitants  .

Mais puisqu'on veut que la Vallée-Noire n'existe que dans ma cervelle, je prétends prouver qu'elle existe, distincte de toutes les régions environnantes, et qu'elle méritait un nom propre.

Elle fait partie de l'arrondissement de La Châtre ; mais cet arrondissement s'étend plus loin, vers Eguzon et l'ancienne Marche. Là, le pays change tellement d'aspect, que c'est bien réellement un autre pays, une autre nature. La Vallée-Noire s'arrête par là à Cluis. De cette hauteur on plonge sur deux versants bien différents. L'un sombre de végétation, fertile, profond et vaste, c'est la Vallée-Noire : l'autre maigre, ondulé, semé d'étangs, de bruyères et de bois de châtaigniers.

  Du côté de Cluis, toutes les hauteurs sont boisées, c'est ce qui donne à nos lointains cette belle couleur bleue qui devient violette et quasi noire dans les jours orageux. 


Dans les pays à grands accidents, comme les montagnes élevées, la nature est orgueilleuse et semble dédaigner les regards, comme ces fières beautés qui sont certaines de les attirer toujours.
Dans d'autres contrées moins grandioses, elle se fait coquette dans les détails, et inspire des passions au paysagiste. Mais elle n'est ni farouche ni prévenante dans la Vallée-Noire elle est tranquille, sereine, et muette sous un sourire de bonté mystérieuse. Si l'on comprend bien sa physionomie, on peut être sûr que l'on connaît le caractère de ses habitants. C'est une nature qui ne se farde en rien et qui s'ignore elle-même. Il n'y a pas là d'exubérance irréfléchie, mais une fécondité patiente et inépuisable. Point de luxe, et pourtant la richesse ; aucun détail qui mérite de fixer l'attention, mais un vaste ensemble dont l'harmonie vous pénètre peu à peu, et fait entrer dans l'âme le sentiment du repos. Enfin on peut dire de cette nature qu'elle possède une aménité grave, une majesté forte et douce, et qu'elle semble dire à l'étranger qui la contemple : «Regarde-moi si tu veux, peu m'importe. Si tu passes, bon voyage ; si tu restes, tant mieux pour toi.»


             Souvenirs de Nohant d'Aurore Sand 

 Le château de Nohant


Aurore, la petite fille de George Sand évoque la vie à Nohant dans un texte intitulé : Souvenirs de Nohant. Elle fait revivre sa grand mère, à une époque où âgée, celle-ci est apaisée et sereine, entourée de l'affection des siens. L'évocation d'Aurore est à la fois pleine d'admiration pour cette grande dame et ce grand écrivain et d'amour pour la grand mère qui l'a entourée d'affection, l'a bercée d'histoires, lui a enseigné avec douceur et patience mais aussi avec intelligence et habileté les principales matières, le français, l'anglais, la géographie, l'histoire, les sciences.. Sauf, nous dit-elle, la religion et les mathématiques. C'est une découverte pour moi : L'écrivaine était aussi une bonne pédagogue! Elle se passionnait pour les sciences, passion qu'elle partageait avec son fils Maurice, la botanique, l'entomologie, la paléontologie… Et comme elle était une excellente pianiste, une érudite en ce qui concerne l'art, la musique, l'architecture, la peinture, on peut dire qu'elle forçait l'admiration de tout son entourage.

Le château de George Sand à Nohant a été construit en 1760 sur l'emplacement d'un château-fort du XIV° siècle. Madame Dupin de Franceuil, la grand-mère d'Aurore, l'acheta en 1793, avant de la léguer à sa petite fille en 1821.
La visite de la demeure de George Sand est guidée. Impossible de s'arrêter, de rêver devant un tableau, un objet, une relique, mais elle est conduite par des guides qui parlent d'Elle avec une sorte de vénération. Tout est fait pour que l'on ait l'impression que la propriétaire est là, qu'elle va bientôt rentrer d'une promenade dans le parc, que la table toujours dressée selon les indications d'Aurore est prête accueillir ses hôtes illustres : Chopin, Balzac, Le prince Napoléon, Delacroix, Flaubert, Tourguéniev, Liszt et Marie d'Agoult…autour de George Sand, de Maurice son fils, de Lina sa belle-fille et de ses petites filles, Aurore et Gabrielle.
 
Une des pièces les plus remarquables est bien sûr, le théâtre, construit pour convier les hôtes du château à des spectacles conçus par Maurice Sand et sa mère. C'est Maurice qui fabrique les marionnettes, c'est George Sand qui confectionne leurs vêtements.

A l'étage la chambre bleue est celle de la romancière. Aurore se souvient très bien des visites faites à sa grand mère dans cette chambre. C'est là aussi qu'elle a vu sa grand mère pour la dernière fois sur son lit de mort après une agonie douloureuse. La chambre de Chopin, le cabinet d'études qui renfermait les collections de fossiles, de papillons, les herbiers, la chambre au décor japonisant de Gabrielle et d'Aurore font suite, en enfilade, à celle de l'écrivaine.

Le parc et le jardin méritaient l'attention et les soins constants de George Sand qui adoraient les fleurs. Aurore Sand explique tous les embellissements voulus par sa grand mère, les plantations d'arbres, le choix des espèces végétales pour faire de ce lieu un séjour enivrant de couleurs et de parfums.

 Le parc de Nohant


Sur les traces des romans de George Sand (2)

Demain je présenterai les lieux où se déroule l'intrigue de nombreux romans de George Sand : pour commencer Angibault et Sarzay






vendredi 15 février 2013

Voyage sur les traces de George Sand


Aurélia Frey : Berry,  travail sur George Sand


Et oui, pas d'énigme ce samedi... Nous partons pour le pays de George Sand à la recherche de la Fée Poussière ou de la Fée aux Gros Yeux, des meneurs de loups, des farfadets dansant autour de la mare au diable. Rencontrerons-nous les Lavandières de la nuit, les Flammettes, le moine bourru? Je ne sais! Quelles aventures nous réserve le pays berrichon?
A bientôt!

jeudi 31 janvier 2013

George Sand : L' art est une recherche de la vérité idéale..

La mare au diable de Bernard Patrigeon (artiste berrichon)


 Voilà ce qu'écrit George Sand à propos de l'art et de la littérature dans la préface de La mare au diable

Nous croyons que la mission de l’art est une mission de sentiment et d’amour, que le roman d’aujourd’hui devrait remplacer la parabole et l’apologue des temps naïfs, et que l’artiste a une tâche plus large et plus poétique que celle de proposer quelques mesures de prudence et de conciliation pour atténuer l’effroi qu’inspirent ses peintures. Son but devrait être de faire aimer les objets de sa sollicitude, et, au besoin, je ne lui ferais pas un reproche de les embellir un peu. L’art n’est pas une étude de la réalité positive ; c’est une recherche de la vérité idéale...

mercredi 23 janvier 2013

George Sand : Teverino Lecture commune




Dans le prologue de Teverino George Sand réfute les arguments de ses détracteurs : oui, les caractères qu'elle a peints dans son roman ne sont pas forcément vraisemblables, oui elle a poétisé l'excessive délicatesse de sentiments et la candeur de l'âme aux prises avec la misère, oui Teverino est écrit sans autre but que celui de peindre un caractère original, une destinée bizarre qui peuvent paraître invraisemblables …  Et elle ajoute : Est-il donc nécessaire, avant de parler à l'imagination du lecteur par un ouvrage d'imagination, de lui dire que certain type exceptionnel n'est pas un modèle qu'on lui propose? Ce serait le supposer trop naïf, et il faudrait plutôt conseiller à ce lecteur de ne jamais lire de romans…"
Donc, tenez-le vous pour dit ! Les caractères de ces personnages sont idéalisés, en effet, l'intrigue assez invraisemblable, le roman est une une pure fantaisie, et tant mieux, puisque c'est l'aspect du roman que je préfère!

L'intrigue :
Léonce, un jeune marquis, est amoureux de Sabina qui a fait un mariage de convenance avec un  anglais, lord G., qui l'indiffère et ne sait que boire et s'enivrer en compagnie de ses amis. Sabina, Lady G.,  refuse l'amour de Léonce et ne voit en lui qu'un ami d'enfance, un frère. En attendant, elle s'ennuie dans le luxe de sa prison dorée et soupire après des aventures qui lui permettraient de vivre des sentiments passionnés. Léonce la prend au mot et l'amène en promenade pour une journée en tête à tête dans cette région de montagnes où ils sont en villégiature. Il lui promet qu'il va lui faire oublier son ennui. Et c'est ce qu'il fait, en effet! C'est l'occasion pour Sabina de rencontrer des personnages hors du commun, Madeleine, la fille aux oiseaux et Teverino, un italien, voyageur artiste et bohème, qui donne son nom au roman.

Teverino



Le thème principal est lié au personnage éponyme, ce voyageur insaisissable, inclassable, Teverino, artiste plein de finesse doué pour les arts et en particulier pour la musique, bohémien, séducteur et brillant, issu du peuple et pourtant grand seigneur à ses heures, bref protéiforme. La vision que nous offre ainsi Sand de l'artiste est celle d'un être libre, qui se place hors des conventions sociales, et laisse parler ses sentiments avec spontanéité. Il n'est pas étonnant que Sand ait choisi un italien pour incarner ce personnage, un enfant du peuple né au bord du Tibre. On a vu dans Consuelo qui se déroule à Venise, la place de l'art, en particulier de la musique, en Italie, et comment George associe le caractère italien à la joie, l'expression des sentiments, la sensualité, le tempérament artistique. Teverino s'oppose au caractère français et à la vie mondaine représentés par Sabina et Léonce qui sont froids et maîtres d'eux-mêmes, refoulent leurs sentiments et se préoccupent de la bienséance au point de demander au curé de les accompagner pour leur servir de chaperon. En effet, si Lady G. était vue seule en compagnie de son ami, elle pourrait être déshonorée et perdrait sa place dans la société.

 Madeleine

Madeleine, la fille aux oiseaux, vit hors du monde, en sauvageonne. Son frère est contrebandier, un brigand donc, mais qui veille sur sa soeur affectueusement. Elle exerce son pouvoir sur les oiseaux tout en respectant leur liberté et se révèle le pendant féminin de Teverino. Et il faut bien le dire, ce sont les personnages sympathiques du roman! L'amour pur, simple et naïf que Madeleine témoigne à Teverino est mis en parallèle à l'amour sophistiqué et complexe de Léonce qui n'ose s'exprimer, muré dans son amour-propre; il est en opposition aussi à la coquetterie, la superficialité, l'orgueil et le sentiment de supériorité de la grande dame, Sabina, qui refuse d'aimer et d'être aimée.

Le joug affreux du mariage



Savez-vous Léonce, que c'est un joug affreux que celui-là?
- Oui, il y a des maris qui battent leur femme.
- Ce n'est rien, il y en a d'autres qui les font périr d'ennui.


Le roman est écrit en 1845 et explore un thème cher au coeur de Sand, celui du mariage et de la liberté de la femme. Aurore  Dupin a épousé le baron Dudevant en 1822 et a eu de lui deux enfants, Maurice et Solange. En 1832, elle quitte son mari avec qui elle ne s'entend pas et part se réfugier à Paris avec son amant Jules Sandeau. C'est le début de sa vie littéraire. Elle n'aura de cesse alors de lutter contre le mariage de convenance arrangé par les parents. Elle s'insurgera - et ses prises de position feront scandale- contre le statut de la femme dans le mariage qui prive celle-ci de ses droits, de sa fortune et la place sous la tutelle de son mari tout puissant. Elle revendique le divorce et le droit à l'égalité pour les femmes. Dans Teverino, Sabina subit l'affreux joug du mariage sans avoir le courage de le secouer. Léonce l'exhorte d'ailleurs à avoir moins de crainte de l'opinion publique. Il est certain que Sabina n'a rien d'une George Sand! Elle serait pourtant justifiée d'aimer hors mariage puisqu'on l'a mariée sans amour. Sabina est une femme sous dépendance et pleine des préjugés de sa classe. Ce voyage sera pour elle initiatique et elle en reviendra transformée.

L'amour triomphera-t-il de l'orgueil? Un écho de Musset 

 Les caprices de Marianne

L'amour triomphera-t-il de l'orgueil? est l'un des grands thèmes du roman et on retrouve dans cette interrogation un écho des deux comédies de Musset *:  Les caprices de Marianne et On ne badine pas avec l'amour.
En effet, les personnages de Marianne et de Camille dans les pièces de Musset rappellent celui de Sabina. Toutes les deux comme l'héroïne de Sand refusent l'amour par orgueil : Marianne, semblable en cela à Sabina, est mal mariée à un vieillard qui ne lui inspire que du mépris. Elle ne veut pas écouter Octave qui lui parle de l'amour que Célio a pour elle. Elle finit par tomber amoureuse d'Octave et fait le malheur de Célio. Quand, dans le roman, Teverino parle de l'amour de Léonce à Sabina, la jeune femme est fascinée par le bel italien et croit être amoureuse de lui.
 Dans On ne badine pas avec l'amour,  Camille, jeune fille sortie du couventne veut pas s'exposer à être trompée et à souffrir; elle refuse l'amour de Perdican. Ce dernier cherche, en courtisant la servante Rosette, à attiser la jalousie de Camille. Les deux pièces se terminent tragiquement car Célio et Rosette en mourront. Dans le roman de George Sand, Teverino embrasse Sabina, ce qui fait souffrir Madeleine-Rosette et Léonce-Célio mais la ressemblance s'arrête là. Madeleine ne mourra pas et Sabina humiliée mais rendue plus  humaine, plus simple, par cette mésaventure, y verra clair dans ses sentiments pour Léonce. L'orgueil est terrassé.

*voir l'étude de Françoise Genevray à propos des Lettres d'un voyageur de George Sand


La noblesse et le peuple



De par ses origines, George Sand appartient, par son père,  à une noblesse qui remonte au maréchal de France, Maurice de Saxe, par sa mère, ouvrière de mode, elle est fille du peuple. L'écrivain partagée par sa double origine, aristocratique et populaire, thème qui se retrouve souvent dans ses oeuvres, se déclare du côté du peuple. Dans Teverino, Lady G. croit à la supériorité de l'homme du monde et méprise le peuple.
Et puis si vous voulez que je me confesse, je vous dirai que je crois un peu à l'excellence de notre sang patricien. Si tout n'était pas dégénéré et corrompu dans le genre humain, c'est encore là qu'il faudrait espérer de trouver des types élevés et des natures d'élite.
Léonce pense, au contraire que : l'homme du peuple peut valoir et surpasser l'homme du monde  a beaucoup d'égards.
Lady G. a tort. Elle l'apprendra à ses dépens en se laissant presque séduire par un homme du peuple, Teverino, qui se fait passer pour gentilhomme. La leçon est cuisante. Une humiliation qui la rendra plus humble et plus attentive aux sentiments des autres et l'amènera à réfléchir à la véritable valeur des êtres. Quant à l'aristocrate Lord G. que nous voyons à la fin du roman, l'image qu'il nous donne de la noblesse paraît peu reluisante :
 Mylord s'était réveillé la veille au soir et avait pris de l'inquiétude mais il avait bu pour s'étourdir, et lorsque sa femme rentra, il dormait encore.

 Le style , une variété de tons


Dans ce roman, le ton employé par Sand est celui d'une moraliste qui, à travers les dialogues de Léonce et Sabina, développe des idées qui lui importent et que le récit va illustrer. Pourtant ce ton un peu trop didactique cède vite à une langue fraîche, volontiers poétique dans la description des paysages, dans l'évocation de la fillette aux oiseaux. Alors que le dialogue de Léonce et Sabina est empesé et démonstratif, celui du bohémien musicien est plein de vie et de brio. Il devient aussi haletant, véritable roman d'aventures, dans les passages où les voyageurs bravent les dangers de la montagne. Enfin, il emprunte un registre comique et caricatural avec le personnage du curé qui ne pense qu'à manger et apprécie outre mesure la dive bouteille, au demeurant un  très brave homme!




Lecture commune avec Cléanthe, George, Miriam et Nathalie