Pages

Affichage des articles dont le libellé est Conte. Afficher tous les articles
Affichage des articles dont le libellé est Conte. Afficher tous les articles

mercredi 13 mars 2013

Le Berry : Sur les traces de George Sand avec la Fée Poussière (3)



Quand on voyage avec une petite fille de trois ans et que l'on veut partir avec elle sur les traces de George Sand dans le Berry,  il n'y a rien de mieux que de lui lire La fée Poussière, un conte que George Sand a  imaginé pour ses petites filles, Aurore et Gabrielle, les filles de son fils Maurice et de Lina.
Lire? Non car le conte est bien difficile à la fois par le sujet et la langue mais raconter, oui! Tout en tournant les pages délicieusement illustrées par Ghislaine Dodet dans la série contes Anaïs aux éditions Saint-Mont…



Autrefois, il y a bien longtemps, mes chers enfants, j'étais jeune et j'entendais souvent les gens se plaindre d'une importune petite vieille qui entrait par les fenêtres quand on l'avait chassée par les portes. Elle était si fine et si menue, qu'en eût dit qu'elle flottait au lieu de marcher, et mes parents la comparaient à une petite fée. Les domestiques la détestaient et la renvoyaient à coups de plumeau, mais on ne l'avait pas plus tôt délogée d'une place qu'elle reparaissait à une autre.
Elle portait toujours une vilaine robe grise traînante et une sorte de voile pâle que le moindre vent faisait voltiger autour de sa tête ébouriffée en mèches jaunâtres.
La fée Poussière est méprisée par tous et on la chasse avec un plumeau. Pourtant, elle invite la petite fille à l'appeler par trois fois dans la nuit afin de pouvoir la rejoindre dans son palais enchanté où elle  apparaît à l'enfant sous la forme d'une belle dame resplendissante. Car la fée Poussière n'est pas celle que l'on croit. Sans elle, le monde minéral ne nous offrirait pas ses joyaux les plus beaux et rien de solide n'existerait sur cette terre.

Tout ce que tu vois là, me dit-elle, est mon ouvrage. Tout cela est fait de poussière ; c'est en secouant ma robe dans les nuages que j'ai fourni tous les matériaux de ce paradis. Mon ami le feu les avait lancés dans les airs, les a repris pour les recuire, les cristalliser ou les agglomérer après que mon serviteur le vent les a eu promenés dans l'humidité et dans l'électricité des nues, et rabattus sur la terre ; ce grand plateau solidifié s'est revêtu alors de ma substance féconde et la pluie en a fait des sables et des engrais, après en avoir fait des granits, des porphyres, des marbres, des métaux et des roches de toute sorte.



George Sand nous convie alors à un voyage dans le temps, dans le "laboratoire" de la Fée où s'élabore la matière, où les corps gazeux deviennent solides après avoir illuminé l'espace. Et la fée confectionne, à partir de la poussière, devant les yeux émerveillés de la fillette, une savante cuisine. Elle pile, pulvérise, mélange, met au feu de savantes préparations qui deviennent granit, grès, sable, quartz, ardoises… Elle emprisonne aussi des animaux  et des végétaux mystérieux dans une gangue de calcaire, de silice et d'argile, témoins des vies passées qui ont laissé leur place à d'autres car la Nature est toujours en perpétuelle évolution. Tout disparaît pour renaître encore sous de nouvelles formes. Lorsque la fée dit au revoir à l'enfant, elle lui donne un morceau de sa robe de bal :

Tout disparut, et, quand j'ouvris les yeux, je me retrouvai dans mon lit. Le soleil était levé et m'envoyait un beau rayon. Je regardai le bout d'étoffe que la fée m'avait mis dans la main. Ce n'était qu'un petit tas de fine poussière, mais mon esprit était encore sous le charme du rêve et il communiqua à mes sens le pouvoir de distinguer les moindres atomes de cette poussière.
Je fus émerveillée ; il y avait de tout : de l'air, de l'eau, du soleil, de l'or, des diamants, de la cendre, du pollen de fleur, des coquillages, des perles, de la poussière d'ailes de papillon, du fil, de la cire, du fer, du bois, et beaucoup de cadavres microscopiques ; mais, au milieu de ce mélange de débris imperceptibles, je vis fermenter je ne sais quelle vie d'êtres insaisissables qui paraissaient chercher à se fixer quelque part pour éclore ou pour se transformer, et qui se fondirent en nuage d'or dans le rayon rose du soleil levant.


Ce conte est une petite merveille de poésie. Il peut être lu à plusieurs degrés. On  voit que George Sand était convertie au darwinisme et que le récit est une manière de faire comprendre  l'évolutionnisme à ses petites filles tout en les plongeant dans le Merveilleux et le rêve… Quant à Nini, la petite admiratrice de George Sand, elle n'a certes pas tout compris mais elle a adoré la Fée Poussière qui vit dans un palais magnifique et qui a des robes de princesse. Et vous pouvez lui demander qui est George Sand! Elle vous répondra que c'est la mamie d'Aurore et de Gabrielle et qu'elle raconte de belles histoires!


Suite Lundi :  Le Berry : Sur les traces de George Sand (4)




dimanche 29 avril 2012

Un Livre/Un film : Madame Le Prince de Beaumont La belle et la Bête



69968339_p 
Nous publierons à notre retour la liste des vainqueurs
Le conte : La belle et la Bête de Madame Le Prince de Beaumont :
La pièce de théâtre :  la belle et le Bête d'Alexandre Arnoux
Le conte : La chatte blanche de madame d'Aulnoy
Le film : La belle et la Bête de Jean Cocteau ; acteur Jean Marais; chef opérateur : Alekan

Merci à tous et toutes pour votre participation ....



Jean Cocteau s'inspire pour réaliser La Belle et la Bête du conte de Jeanne-Marie Le Prince de Beaumont et d'une pièce de théâtre d'un écrivain belge Alexandre Arnoux (que je ne connais pas). Il emprunte certains détails au conte La chatte blanche de madame d'Aulnoy.
 Jeanne-Marie Le Prince de Beaumont est née à Rouen en 1711 dans une famille d'origine modeste. Elle épouse le marquis Le prince de Beaumont qui meurt dans un duel en 1745. Son veuvage l'oblige à gagner sa vie. En 1748, elle publie un roman Le triomphe de la Vérité et émigre en Angleterre où elle devient gouvernante d'enfants de la haute société angalise. Avec le soutien de son ami Daniel Defoe, qui l'encourage à écrire, elle fait paraître des recueils qui assurent sa célébrité. Elle  écrit des oeuvres pédagogiques et morales. Le Magasin des enfants ou Dialogues entre une sage Gouvernante et plusieurs de ses élèves de la première distinction,(Londres 1757), est un recueil de contes de fées dont La Belle et la Bête est le plus connu. Le Magasin des Adolescentes (Londres, 1760), qui lui fait suite, contient d’autres contes, des récits de la Bible et de l’histoire romaine et des conseils moraux : Elle se remarie avec M. Pichon Tyrelle un normand naturalisé anglais. Elle meurt près d'Annecy en  1780.

La Belle et la Bête conte l'histoire d'un marchand, père de trois garçons et de trois filles, dont l'une, nommée la Belle, est douce et bonne, contrairement à ses soeurs vaniteuses et méchantes. Le vieil marchand ruiné se rend à la ville où il apprend la perte du dernier de ses navires. Lors de son voyage de retour, en plein hiver, il se perd dans la forêt et découvre un château merveilleux où il est accueilli avec générosité mais sans qu'il puisse voir son hôte.. Le lendemain, au moment où il s'apprête à partir, il cueille une rose pour sa fille Belle et aussitôt une bête apparaît qui lui demande sa fille en échange de sa vie. De retour chez lui, le père conte ce récit à ses enfants et Belle accepte de partir chez la Bête pour le sauver.  Elle va vivre avec la Bête et peu à peu apprendre à l'aimer. Cet amour permettra à la Bête de se délivrer du sort jeté par une fée et de redevenir un prince.


Le conte de madame le Prince de Beaumont présente deux mondes très différents : celui de la féerie avec l'intervention du fantastique que Cocteau a exploité merveilleusement, le château enchanté, le jardin plein de roses au milieu de l'hiver et de la neige, la bague magique, le miroir qui permet de voir des scènes lointaines.

Un monde bien réel et qui est une observation de la société de son temps : un marchand ruiné par la perte de ses navires; la déchéance sociale, le bourgeois aisé devient agriculteur, des filles à marier (les soeurs de Belle) auxquelles il faut impérativement une dot, trois fils à  qui il faut donner un métier.

Le thème principal du conte est l'idée qu'il ne faut pas juger les autres sur l'apparence extérieure. Sous la monstruosité de la Bête se cache une beauté intérieure que la Belle sait discerner, apprécier et enfin aimer parce qu'elle en est digne.
La Belle et la Bête est un conte moral : La Belle qui est généreuse, bonne sera récompensée. Elle découvrira le véritable amour alors que ses soeurs envieuses, jalouses, intéressées et incapables d'aimer, seront punies et transformées en statues.

Si Jean Cocteau s'inspire principalement pour réaliser La Belle et la Bête du conte de Jeanne-Marie Le Prince de Beaumont, il emprunte certains détails au conte de La chatte blanche de madame d'Aulnoy.
 Marie-Catherine d'Aulnoy ( 1651- 1705) est l'auteur de contes merveilleux : L'oiseau bleu, La chatte blanche, La belle aux cheveux d'or,   le nain jaune, la biche au bois .... dans lesquels elle allie à la description du Merveilleux, une satire de la société française du XVII siècle.

Dans La Chatte blanche, malgré de grandes différences dans le récit, le lecteur découvre une situation analogue  à celle du  marchand magnifiquement reçu dans une demeure enchantée mais puni parce qu'il dérobe une rose. Ici, c'est un jeune prince qui est accueilli avec faste dans un riche palais mais lorsqu'il veut s'emparer d'une chaîne de diamants, il est retenu par des mains sans corps. Cocteau a pris, ici, les images des mains tenant des flambeaux et montrant le chemin à la Belle quand elle arrive dans le château de la Belle. Dans La Belle et la Bête, c'est le prince qui a été transformé en bête par une fée, dans La chatte blanche, c'est un princesse qui a été métamorphosée en chatte.


Extrait de la chatte blanche
Il revint à la porte d'or, il vit un pied de chevreuil attaché à une chaîne toute de diamants, il admira cette magnificence, et la sécurité avec laquelle on vivait dans le château: «Car enfin, disait-il, qui empêche les voleurs de venir couper cette chaîne, et d'arracher les escarboucles? Ils se feraient riches pour toujours.»
Il tira le pied de chevreuil, et aussitôt il entendit sonner une cloche qui lui parut d'or ou d'argent, par le son qu'elle rendait; au bout d'un moment la porte fut ouverte, sans qu'il aperçût autre chose qu'une douzaine de mains en l'air, qui tenaient chacune un flambeau. Il demeura si surpris qu'il hésitait à s'avancer, quand il sentit d'autres mains qui le poussaient par derrière avec assez de violence. Il marcha donc fort inquiet et à tout hasard, il porta la main sur la garde de son épée; mais en entrant dans un vestibule tout incrusté de porphyre et de lapis, il entendit deux voix ravissantes qui chantèrent ces paroles
Des mains que vous voyez, ne prenez point d'ombrage,
Et ne craignez en ce séjour,
Que les charmes d'un beau visage,
Si votre cœur veut fuir l'amour.