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vendredi 5 février 2021

Carlos Fuentes : En inquiétante compagnie

 

Carlos Fuentes est un écrivain mexicain. Le livre que je présente ici est, d’après la quatrième de couverture, « dans un genre inhabituel ».  C’est ce que je ne saurais dire puisque c’est le premier livre que je lis de lui. Il s’agit d’un recueil de nouvelles qui exploite le thème du fantastique, de la folie, de la mort, des vampires d’où le titre « En inquiétante compagnie ».

 Je n’ai pas apprécié toutes les nouvelles. Voici mes trois préférées.


Dans L’amoureux du Théâtre, le personnage, un jeune mexicain solitaire installé à Londres, shakespearien passionné, tombe amoureux d’une jeune fille qu’il voit évoluer de sa fenêtre, dans l’appartement voisin. Non seulement, ils n’échangeront aucune parole mais elle refuse de rencontrer son regard. Plus tard, en allant au théâtre, il découvre qu’elle joue le rôle d’Ophélie dans Hamlet. Mais elle est réduite au silence par un metteur en scène mégalomane qui est aussi acteur  narcissique et ne lui permet pas de parler ! Jusqu’ici ça va, je suis en terrain connu avec le In du festival d’Avignon ! J’ai moi-même assisté à une mise en scène du roi Lear où une Cordélia baîllonnée, en tutu et sur pointes, ne pouvait prononcer une seule parole, misogynie assumée (?) par le metteur en scène Olivier Py !
Mais dans la nouvelle de Carlos Fuentes, il y a autre chose : Ophélie est-elle vraiment la jeune femme observée à la fenêtre ? Est-elle réellement muette ? Meurt-elle sur scène comme le croit le personnage ? Quelle est cette fleur qu’elle lance à notre jeune spectateur, symbole de la vie, et qui ne se fâne jamais ? Pourquoi les journaux racontent-ils des mensonges sur ce qui s’est passé au théâtre?  A moins que le jeune mexicain n’ait sombré dans la folie ? C’est au lecteur de conclure.
Une autre de ces nouvelles qui s’intitule En bonne compagnie  fait écho ironiquement au titre général du recueil. A la mort de sa mère qui vit en France, à Paris, son fils Alexandro de la Guardia va rejoindre ses deux tantes à Mexico. Deux bien étranges vieilles demoiselles qui ne veulent pas se croiser tout en vivant dans la même maison et qui demandent à leur neveu de ne jamais entrer par la porte principale mais par une entrée plus discrète à l’arrière. Que veulent-elles cacher ? Pourquoi toutes ces cachotteries et bizarreries ? Sont-elles folles, dangereuses ? Pourquoi semblent- elles parler à un petit garçon et non à un adulte quand elles s’adressent à lui ? 

Dans Calixta Brand, la jeune fille, personnage éponyme de la nouvelle, est une jeune américaine venue au Mexique pour poursuivre ses études de langue. Estéban, jeune hidalgo de bonne famille l’épouse. Mais il est très vite jaloux de l’intelligence, de la culture et de la supériorité intellectuelle et morale de sa femme. La haine va peu à peu remplacer l’amour. C’est une des nouvelles qui pourrait ne pas être fantastique si ce n’était la fin. L’analyse des sentiments du jeune homme, la peinture d’un monde machiste où la femme doit rester à sa place et où l'homme doit dominer, le mépris manifesté aux inférieurs, sont ancrés dans une classe sociale imbue d’elle-même. La cruauté des rapports humains et le personnage fier et digne de la femme en font un texte très intéressant.
Mais c’est vraiment avec La chatte de ma mère, la Belle au bois dormant, et la dernière nouvelle, Vlad (dracula) que nous plongeons dans le fantastique (trop) attendu avec l’apparition de morts-vivants, les cercueils des vampires cachés dans l’obscurité d’un tunnel et les morsures dans le cou. J’ai moins aimé ces trois nouvelles parce que le fantastique y est plus affirmé et ne laisse pas au lecteur la liberté d’imaginer et d’apporter sa réponse personnelle.
Donc ce recueil n’est pas un coup au coeur pour moi et il me faudra lire d’autres nouvelles de Carlos Fuentes pour mieux le connaître.

Mexique : Carlos Fuentes Macías

Carlos Fuentes Macías naît au Panama en 1928  mais est de nationalité mexicaine. Ses parents sont diplomates d'origine mexicaine. Il partage son enfance entre Quito, Montevideo, Rio de Janeiro, Washington, Santiago du Chili et Buenos Aires. Adolescent, il retourne vivre au Mexique où il fait des études de droit à l'Université de Mexico. Il les poursuit à l'Institut de hautes études internationales et du développement de Genève. 
Il commence par écrire des nouvelles et publie ainsi Jours de carnaval en 1954. Il publie son premier roman en 1958, La Plus Limpide Région, qui critique la société mexicaine. Il poursuit son œuvre avec d'autres romans comme Le Chant des aveugles, Peau neuve, Terra Nostra, La Tête de l'hydre et Le Vieux Gringo qui lui offrent une renommée internationale.
Il a écrit des essais critiques comme La Maison à deux portes et Cervantès ou la Critique de la lecture ainsi que des essais politiques comme Temps mexicain. Ses essais sur la politique et la culture paraissent également dans le journal espagnol El País. Il est un critique virulent de l'impérialisme culturel et économique des États-Unis, en particulier vis-à-vis de l'Amérique latine.
Son roman Terra Nostra a obtenu en 1977 le prix Rómulo Gallegos, la plus haute distinction littéraire d’Amérique latine. Carlos Fuentes a reçu en 1987 le prix Cervantes, la plus haute distinction littéraire de langue espagnole, pour l’ensemble de son œuvre. (Wikipédia)


 

Rufino Tamayo, peintre mexicain

(1899-1991)


Bien sûr, quand on parle de peintres mexicains, on pense tout de suite, à Frida Kahlo et Diego Rivera.

Diego Rivera
 
Frida Khalo

Mais  c'est un peintre que je ne connais pas que je veux présenter ici  et que je découvre sur le net : 

 Rufino Tamayo
(1899-1991)

Rufino Tamayo est né à Tlaxiaco (Oaxaca) le 25 août 1899 et est mort à Mexico le 24 juin 1991. 

 Bien qu'il ait peint des peintures murales avec des sujets révolutionnaires, art mural dont Diego Rivera avec  Siqueiros y Orozco étaient les plus grands représentants au Mexique, Rufino Tamayo s'est démarqué des artistes de sa génération en créant un style personnel.

Bien qu'on le considère souvent comme un artiste ultra-mexicain en raison de son approche des cultures préhispaniques, il a vécu à Paris dans les années 50 et s'est parfaitement intégré dans le mouvement culturel de l'époque.

Dualidad peinture murale

 "Dualidad » est un des muraux les mieux conservés de Tamayo; il se trouve au Musée National d’Anthropologie et d’Histoire. C’est une impressionnante fresque peinte en 1964, de 12 mètres de large, que les visiteurs peuvent admirer à l’auditorium Jaime Torres Bodet.
Tamayo s’inspira de la cosmogonie náhuatl des opposés et complémentaires pour interpréter la mythologie précolombienne; l’œuvre fut aussi le résultat du contexte politique et social de l’époque."

 

 

Moon dog  Rufino Tamayo

 
 

 

 




mercredi 3 février 2021

José Maria Arguedas : Diamants et silex

 

José Maria Arguedas est un auteur péruvien que je découvre au cours de ce mois de littérature latino-américaine, un livre entièrement différent de celui que je viens de commenter La faute au bouc de Marie Vargas Llosa... C’est d’ailleurs ce dernier qui préface ce petit bijou littéraire, intitulé Diamants et silex .

"L’Apurimac  est sillonné par les fleuves les plus profonds et les plus mélodieux du Pérou; des fleuves anciens, puissants, aux flots d’acier, qui ont découpé les Andes dans leur partie la plus haute- silex et diamants- et ont forgé des abîmes aux rives desquelles l’homme tremble, ivre de vertige, en contemplant les eaux argentées qui s’écoulent sous les arbres suspendus."

 Mario Vargas Llosa nous explique que José Maria Arguedas, est au centre des deux cultures qui divisent le Pérou, celui de la plaine et des villes, de langue espagnole, et celui de la sierra où vivent les indiens quechuas attachés à leur langue, leur traditions, proches de la nature, mais obligés par la misère à servir chez les maîtres qui les considèrent comme à peine humains. Cette double culture est pour Arguedas un déchirement puisque « l’enracinement entre ces deux mondes antagonistes a fait de lui un déraciné » écrit Mario Vargas Llosa.

Mais c’est aussi pourquoi José Maria Arguedas sait nous parler avec tant de poésie et d’amour de ce peuple vivant au coeur de la Cordillère des Andes, au milieu des pics enneigés, et de cette langue chargée d’images : "Le quechua qu’il entendait était semblable à celui qu’on parlait dans les petites vallées à fruits "de l’intérieur", dans son village. C’est là que naissent les fleuves amazoniens, que se forment les longues veines qui font une entrée tonitruante dans les gorges creusées entre les chaînes de montagnes. Le quechua qu’Irma utilisait pour s’adresser  à lui avait le parfum de ces fleuves, des oiseaux qui les survolent en jouant, piaillant et appelant les êtres humains."

Mariano est un indien quechua que son frère envoie à la ville car c’est un Simple, c’est à dire un arriéré mental, une charge, donc, pour la famille. Il est aussi un musicien harpiste hors du commun, ce qui lui permet de toucher au coeur, dès son arrivée, le propriétaire le plus riche en terres et en indiens de la ville, Don Aparicio. Celui-ci le prend chez lui à une condition, c’est qu’il ne jouera jamais que pour lui et chez lui. Pour Don Aparicio, un être tourmenté, débauché, jamais en paix, cruel et fantasque, la musique de Mariano s’adresse à son âme. On peut comprendre, dès lors, que la transgression de cet ordre pourrait avoir des conséquences néfastes. Quand arrive dans la ville une nouvelle venue, une jeune fille blonde, très belle, le drame est prêt à éclater.

Nous sommes donc dans la structure du conte traditionnel mais qui se déroulerait dans un monde réaliste où les fées n’ont pas cours et où leur baguette n’a pas de pouvoir. Don Aparicio est tout puissant, sa fortune le place au-dessus des lois, nul ne peut s’opposer à lui. Il séduit, voire enlève, les filles des montagnes, en fait ses maîtresses aussitôt remplacées par d’autres. Mais si réalisme il y a, le jeune homme apparaît aussi magnifié par le style de l’écrivain ou par le regard de ses amoureuses, comme un prince de légende, noble d’allure si ce n’est de coeur, monté sur son étalon noir Faucon, aussi fougueux que lui. D'une manière générale, la peinture de cette société basée sur l’inégalité sociale et raciale, d’une férocité implacable envers les indiens, est transcendée par la plume de l’écrivain, parfois d'un lyrisme puissant, taillée à la fois dans le diamant et le silex, noir et étincelant, brillant et dur.
Et puisque la musique y est omniprésente, il y a deux tonalités dans le roman, celle en mode majeur, éclatante, qui s'attache à Don Aparicio et  révèle la montagne, et celle en mode mineur qui  résonne pour Mariano si sensible à la détresse et à la souffrance des autres, humains, animaux ou plantes... Etcette petite musique lancinante crée une tristesse, une nostalgie qui gagne le lecteur. 

Un très beau roman poétique, inattendu, magique et profondément humain.

Et voici encore un passage qui est l’un des plus étonnants moments du roman : il concerne les vingt harpistes la ville : "La nuit du 23 juin, ces musiciens descendaient le long des ruisseaux torrentiels qui se jettent dans le fleuve principal, ce grand fleuve profond dont les eaux rejoignent la côte. Là, sous les grandes cataractes que les torrents façonnent dans la roche noire, les harpistes « écoutaient ». C’est la seule nuit de l’année où l’eau, en tombant sur la pierre et en roulant ses éclats brillants crée des mélodies nouvelles ! Chaque maître harpiste a sa Pak’cha * secrète. Il s’avance de face, caché sous les grands panaches des roseaux; certains se suspendent aux troncs des poivriers, au-dessus de l’abîme où le torrent s’engouffre et pleure. Le lendemain, et pendant toutes les fêtes de l’année chaque harpiste joue des mélodies inédites."

* cascade

Pérou : José Maria Arguedas

José Maria Arguedas
 

José Maria Arguedas Altamirano est un écrivain, un anthropologue, un ethnologue, un poète, un traducteur et un universitaire péruvien né le 18 janvier 1911 à Andahuaylas (Apurimac) dans la montagne au Sud du Pérou. Il est fils naturel d’un avocat itinérant Victor Manuel Arguedas Arellano, Cuzqueño et de Doña Victoria Altamirano Navarro, femme métis et aristocrate de San Pedro en Andahuaylas. À la mort de sa mère, il a deux ans et il reste avec sa grand-mère paternelle ; son père se remarie avec une riche veuve qui a aussi des enfants. Il sera victime des mauvais traitements de sa marâtre. Celle-ci l'oblige à dormir avec les indiens. C'est auprès d'eux qu'il découvre la culture et la langue quechua. 

Ses nouvelles et ses contes le rangent parmi les grands représentants de la littérature péruvienne. Il est le promoteur d'un métissage des cultures andine d'origine quechua et urbaine d'origine européenne.
Toute l’œuvre de José María Arguedas est marquée par la dualité linguistique et culturelle entre l’espagnol et le quechua. Toujours fidèle à la tradition quechua de son enfance, il a vécu l’expérience du Pérou divisé entre monde andin indien et dominé et monde côtier hispanophone et dominant. N’étant jamais tout à fait parvenu à surmonter ce déchirement culturel, malgré sa réussite professionnelle et souffrant de dépression nerveuse, il se suicide à Lima le 2 décembre 1969. Sa fin tragique en a fait le symbole à la fois de tous les clivages de la société péruvienne et de la nécessaire réconciliation qu’il a prônée dans son œuvre, mais si difficilement vécue dans sa chair.   (Wikipédia)

 


José Sagobal peintre péruvien, indigéniste (1888/1956)

Et puisque j'en suis à la découverte de la littérature péruvienne, je suis allée faire un petit tour du côté de l'art et je vous présente Jose Sagobal, peintre  péruvien du XX siècle, indigéniste. Comme José Maria Arguedas, il défend la culture et les traditions des indiens et souhaitent voir leurs droits reconnus  par le gouvernement péruvien. Il a contribué avec les écrivains, les peintres qui ont rejoint le mouvement indigéniste, à faire évoluer les mentalités.