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samedi 26 novembre 2022

Marie-Christine Helgerson : Louison et monsieur Molière

 

Louison et Monsieur Molière de Marie-Christine Helgerson est un livre paru aux éditions Flammarion jeunesse dans la collection Les plus belles lectures du collège (à partir de 11 ans) .
Ma petite-fille doit le lire pour sa classe, elle est en cinquième. C’est un livre court (126 pages) d’un niveau facile. Il me semble qu’il pourrait être aussi présenté en primaire, CM1 ou CM2. Il est suivi d’un dossier sur Molière et le théâtre de son temps. 

Jeanne-Olivier Bourguignon épouse de Jean Beauval


Louison est la fille de Jean Pitel de Beauval et Jeanne Beauval, tous deux acteurs dans la troupe de Molière au Palais Royal devenu depuis la Comédie française ou La Maison de Molière. (voir le site de le Comédie française ICI
Louison n’est pas jolie et sa mère, belle comédienne remarquée par le roi, ne l’aime pas et la tient à l’écart. Mais la fillette rêve de monter sur scène et de jouer dans la troupe de Molière qu’elle admire et qui mange souvent à la table de ses parents. C’est pourquoi elle est très motivée pour apprendre à lire et très vite avec sa nourrice Frosine comme complice, elle connaît par coeur toutes les répliques des pièces du dramaturge. Un jour, elle joue à faire la morte pour attirer l’attention ses parents, et c’est si convaincant que Molière décide d’écrire un rôle pour elle. Ce sera celui de Louison, l’adorable et espiègle petite fille menacée du fouet par son papa, dans Le malade imaginaire

 (extrait scène 2 acte II)

ARGAN.— N’avez-vous rien à me dire?

LOUISON.— Je vous dirai, si vous voulez, pour vous désennuyer, le conte de Peau d’âne, ou bien la fable du Corbeau et du renard, qu’on m’a apprise depuis peu.

ARGAN.— Ce n’est pas là ce que je demande.

LOUISON.— Quoi donc?

ARGAN.— Ah! rusée, vous savez bien ce que je veux dire.

LOUISON.— Pardonnez-moi, mon papa.

ARGAN.— Est-ce là comme vous m’obéissez?

LOUISON.— Quoi?

ARGAN.— Ne vous ai-je pas recommandé de me venir dire d’abord tout ce que vous voyez?

LOUISON.— Oui, mon papa.

ARGAN.— L’avez-vous fait?

LOUISON.— Oui, mon papa. Je vous suis venue dire tout ce que j’ai vu.

ARGAN.— Et n’avez-vous rien vu aujourd’hui?

LOUISON.— Non, mon papa.

ARGAN.— Non?

LOUISON.— Non, mon papa.

ARGAN.— Assurément?

LOUISON.— Assurément.

ARGAN.— Oh çà, je m’en vais vous faire voir quelque chose, moi.

Il va prendre une poignée de verges.

LOUISON.— Ah! mon papa.

ARGAN.— Ah, ah, petite masque, vous ne me dites pas que vous avez vu un homme dans la chambre de votre sœur?

LOUISON.— Mon papa.

ARGAN.— Voici qui vous apprendra à mentir.

LOUISON se jette à genoux.— Ah! mon papa, je vous demande pardon. C’est que ma sœur m’avait dit de ne pas vous le dire; mais je m’en vais vous dire tout.

ARGAN.— Il faut premièrement que vous ayez le fouet pour avoir menti. Puis après nous verrons au reste.

LOUISON.— Pardon, mon papa.

ARGAN.— Non, non.

LOUISON.— Mon pauvre papa, ne me donnez pas le fouet.

ARGAN.— Vous l’aurez.

LOUISON.— Au nom de Dieu, mon papa, que je ne l’aie pas.

ARGAN, la prenant pour la fouetter.— Allons, allons.

LOUISON.— Ah! mon papa, vous m’avez blessée. Attendez, je suis morte.

Elle contrefait la morte.

ARGAN.— Holà. Qu’est-ce là? Louison, Louison. Ah! mon Dieu! Louison. Ah! ma fille! Ah! malheureux, ma pauvre fille est morte. Qu’ai-je fait, misérable? Ah! chiennes de verges. La peste soit des verges! Ah! ma pauvre fille; ma pauvre petite Louison.

LOUISON.— Là, là, mon papa, ne pleurez point tant, je ne suis pas morte tout à fait.

ARGAN.— Voyez-vous la petite rusée? Oh çà, çà, je vous pardonne pour cette fois-ci, pourvu que vous me disiez bien tout.

LOUISON.— Ho, oui, mon papa.

ARGAN.— Prenez-y bien garde au moins, car voilà un petit doigt qui sait tout, qui me dira si vous mentez.

LOUISON.— Mais, mon papa, ne dites pas à ma sœur que je vous l’ai dit.

ARGAN.— Non, non.

LOUISON.— C’est, mon papa, qu’il est venu un homme dans la chambre de ma sœur comme j’y étais.

ARGAN.— Hé bien?

LOUISON.— Je lui ai demandé ce qu’il demandait, et il m’a dit qu’il était son maître à chanter.

ARGAN.— Hon, hon. Voilà l’affaire. Hé bien?

LOUISON.— Ma sœur est venue après.

ARGAN.— Hé bien?

LOUISON.— Elle lui a dit: «sortez, sortez, sortez, mon Dieu sortez, vous me mettez au désespoir».

ARGAN.— Hé bien?

LOUISON.— Et lui, il ne voulait pas sortir.

ARGAN.— Qu’est-ce qu’il lui disait?

LOUISON.— Il lui disait je ne sais combien de choses.

ARGAN.— Et quoi encore?

LOUISON.— Il lui disait tout ci, tout çà, qu’il l’aimait bien, et qu’elle était la plus belle du monde. (...)

Louison aura donc le privilège d’interpréter le rôle qui porte son nom et de donner la réplique à Molière lui-même ! Mais, comme on le sait, Molière mourra à la quatrième représentation de la pièce et la carrière de Louison s’arrête jusqu’à ce que….

Louison Beauval Pitel épouse Beaubour Ici
 

Ce roman a le mérite de présenter  le Paris du XVII siècle, le théâtre et Molière à travers la vision d’une enfant qui vit une passion. On y voit Jean-Baptiste Poquelin à un stade avancé de sa maladie, crachant le sang, entouré par Madeleine Béjart qui est au petit soin pour lui mais qui disparaît avant lui, alors qu’Armande, son épouse, indifférente, le fait souffrir. On le voit attristé par la mort de son fils s’attacher à la petite Louison et écrire pour une enfant un rôle étonnant de vérité, et rare dans le théâtre français. On y apprend que les comédiens ont mauvaise réputation et sont excommuniés par l’église, ne pouvant être enterrés en terre consacrée.  

Bref! une présentation du XVII siècle et du théâtre de Molière dans un style simple, direct à la portée de jeunes lecteurs qui pourront s’identifier à Louison tout en découvrant l’homme et l’oeuvre à travers le personnage de Molière.

Jean Baptiste Poquelin


vendredi 6 août 2021

Philippe Froget : Aime comme Marquise

  

 Aime comme Marquise de Philippe Froget

Marquise-Thérèse Gorla

Paris, 1668. Théâtre de l’Hôtel de Bourgogne. Marquise se prépare à jouer Andromaque de Racine, lorsque le Lieutenant Général de la police entre dans sa loge pour l’interroger, sur ordre du Roi. Dès lors, cette enquête nous dévoile l’extraordinaire parcours de cette fille du peuple qui a fasciné les hommes les plus illustres de son temps, de Molière à D’Artagnan en passant par Corneille, Racine; Un texte hybride, en vers et en prose, nous entraînant de Pézenas à Rouen, puis du Louvre au Château de Vaux-Le-Vicomte. L'incroyable destin de Thérèse du Parc, dite Marquise, comédienne de la troupe de Molière
 : « J’avais envie d’écrire sur les petites gens aux grands destins. Un texte en alexandrins, pour leur musique,
 leur rythme lancinant, leur noblesse. Raconter la vie de Marquise, c’était réunir ces éléments à travers le vrai destin d’une jeune femme sidérante » 

J'aime bien Marquise du Parc. C'est un personnage que j'ai souvent rencontré dans mes études sur le théâtre du XVII siècle, Molière, bien sûr, mais aussi Corneille et son amour de vieillard pour la belle comédienne, le poème qu'il écrit pour elle : "Marquise si mon visage a quelques traits un peu vieux...". Donc, c'est avec plaisir que je suis allée la rencontrer à L'espace Roseau, dans cette pièce Aime comme Marquise de Philippe Froget. 

Marquise est interprétée par deux comédiennes, l'une (Chloé Froget qui est aussi metteur en scène de la pièce) interprète la jeune Thérèse de Gorla, fille du peuple. Elle  va commencer sa carrière dans la troupe de Molière grâce à Gros René ( René Berthelot du Parc) comédien spécialisé dans le rôle de valet. Celui-ci deviendra son mari et lui donne son surnom. L'autre (Aurélie Noblesse), plus âgée et désormais célèbre, s'apprête à créer le rôle d'Andromaque. Elle raconte sa vie au Lieutenant-Général de police venu lui demander, au nom du roi, si c'est Corneille qui écrit les pièces de Molière. Bien entendu, nous n'aurons pas la réponse à cette question (que je déteste!*) et qui n'est pas ce qui a de plus intéressant dans la pièce. J'ai aimé voir vivre Marquise par l'intermédiaire de ces deux bonnes comédiennes et d'une mise en scène enlevée. Un agréable moment de théâtre !

* Comme pour Shakespeare, cette question à propos de Corneille et Molière, me dérange. On la doit au poète Pierre Louys qui restera célèbre au moins pour cela ! Elle est vaine puisque l'on n'aura jamais la réponse et surtout elle n'apporte rien si ce n'est de discréditer le talent de Molière et dans quel but ? On peut se le demander ? Bien sûr, la langue des deux auteurs a obligatoirement des ressemblances lexicales et syntaxiques puisqu'elle est celle du XVII. Les thèmes sont communs, d'actualité ou à la mode, traduisant la mentalité, les codes sociaux, la sensibilité, les préoccupations de leur siècle. D'autre part, à cette époque il était courant que les auteurs s'inspirent les uns des autres. Plagiat ? Pas s'ils en faisaient une oeuvre personnelle. La Fontaine en est un bel exemple. Montaigne déjà écrivait : "Quand on joue à la paume, c'est une même balle dont  joue l'un l'autre, mais l'un la place mieux". Bien sûr aussi, les "grandes" comédies de Molière ont des accents tragiques que l'on pourrait attribuer à Corneille en admettant que Molière soit incapable d'écrire ainsi. Il faut remarquer aussi que toutes les "petites" pièces de Molière ( qu'on accepte de lui attribuer) contiennent déjà en germe tous les thèmes qu'il lui sont chers et qu'il développera plus tard quand il aura atteint sa maturité. D'ailleurs, Corneille a aussi écrit des comédies et si l'on compare les deux écrivains dans ce genre comique, ils présentent bien des différences malgré les ressemblances. Ce sont des personnalités différentes qui ont écrit L'Illusion comique ou le Dom Juan ! C'est ce que je crois ! Ceci dit, je ne prétends pas avoir raison, les plus grands savants se sont penchés sur la question et continuent à se déchirer sans pouvoir acquérir une certitude. Mais mon amour pour Molière est tel ( et pour Corneille aussi ) que  je préfère admirer ces deux grands monuments de la littérature française plutôt qu'un seul !


                                       Stances adressées à mademoiselle du Parc par Corneille, envoi de Tristan Bernard, 

                                                                                                  interprétées par Georges Brassens

Aime comme Marquise
 de Philippe Froget
 10H Espace Roseau

Mise en scène : Chloé Froget – avec la complicité de Louiza Bentoumi


Avec : Aurélie Noblesse, Xavier Girard, Christophe Charrier, Chloé Froget


Production : Compagnie Le Jeu du Hasard et Atelier Théâtre Actuel
Soutien(s) : Théâtre Nouvelle-France et Théâtre Le Mas

Voir la critique d'Eimelle


jeudi 6 juillet 2017

Festival OFF d'Avignon : Deux avant-premières au Théâtre Notre-Dame : KosmAnarchie/ Le malade imaginaire Prévert/ Molière



KosmAnarchie Théâtre Notre-Dame




À 10h45
Durée : 1h15

du 7 au 30 juillet - Relâches : 8, 17, 24 juillet
Interprète(s) : Françoise Tillard, Clémentine Bourgoin, Renaud Boutin
 Compagnie Parole&Musique
En suivant le fil rouge de la révolte et de l’anarchie, ce spectacle à la fois poétique et profond, grave et léger, explorent la matière foisonnante des chansons de Prévert et Kosma, qu'elles soient connues ou inédites !

Accompagnés de leur fidèle pianiste à tête d'oeuf de Colomb, ces deux comédiens-chanteurs, vous entrainent dans un singulier voyage avec pour seul compas le plaisir de reconstruire un monde "à leur façon".
 
 Ce spectacle permet de retrouver avec beaucoup de plaisir les poèmes de Jacques Prévert mis en musique par Kosma. Des textes que je connais parfois par coeur et que j'aime tant : Barbara, le dîner de têtes, A la pêche à la baleine, le cancre, le petit bruit de l'oeuf dur et tant d'autres encore. Il ne s'agit pas du Prévert consensuel, de celui que l'on fait apprendre aux élèves des écoles, mais du poète engagé, anar, qui prend le parti de l'ouvrier et des misérables, stigmatisme le capitalisme, l'Eglise et tous les puissants de ce monde et dynamite la société. Les chanteurs-comédiens sont très bons de même que la pianiste et les chansons s'enchaînent d'une manière enlevée grâce à une mise en scène inventive. Un bon spectacle !


Le malade imaginaire Molière Théâtre Notre-Dame
À 14h15

Durée : 1h35
à 14h15 : du 7 au 30 juillet - Relâches : 10, 17, 24 juillet 
Compagnie Comédiens et Compagnie 
Interprète(s) : G. Collignon, V. Français, M. Le Duc, F. Barthoumeyrou, A. Saad, A. Fauquenoy, P.M. Dudan, B. Bénézit, A. De Alencar 
Adaptation et mise en scène : Jean Hervé Appéré
Pour redonner à cette pièce sa richesse baroque nous utilisons tous les outils et artifices de notre art : présence gestuelle, improvisation raisonnablement dosée, musiques et chants, danses et pantomimes sans oublier un respect du texte qui n'entrave pas la gaité communicative de la farce. Un spectacle pour tous, un spectacle populaire dans le sens noble du terme, accessible ne rimant pas avec pauvreté ou vulgarité mais avec richesse et humanité.
 
La pièce de Molière est agréablement rythmée par la musique baroque de Charpentier.  Bravo aux musiciens et aux chanteurs qui sont aussi comédiens ! Toute la compagnie se donne à fond  pour nous amuser. Bien sûr, l'on peut regretter que l'aspect tragique de cette pièce qui traduit toutes les angoisses de Molière peu avant sa mort ne soit pas souligné. Mais après tout, il s'agit d'un choix, et le spectacle est  très plaisant. Un bon moment  théâtral!

lundi 13 février 2017

Molière : Le Misanthrope mise en scène de Clément Hervieu-Léger à la Comédie française

Le misanthrope de Molière à la Comédie française  mise en scène de Clément  Hervieu-Léger : Oronte, Célimène, Alceste
Le Misanthrope mise en scène de Clément  Hervieu-Léger : Oronte, Célimène, Alceste
J’ai eu la chance d’assister à la représentation de la pièce de Molière Le Misanthrope à la Comédie française, mise en scène par Clément Hervieu-Léger retransmise au cinéma à Avignon et dans 300 salles de cinéma le 9 Février. Quel bonheur de pouvoir assister à distance à une mise en scène que j’étais curieuse de découvrir à force d’en entendre parler !

L’actualité du Misanthrope

Célimène et Alceste
Disons tout de suite - parce que c’est un détail de la mise en scène- que le metteur en scène Clément Hervieu-Léger a transposé l'action dans notre monde contemporain, ce qui se justifie aisément par l’universalité des propos de Molière.
Et oui, Le Misanthrope est si actuel, si vrai, que je pensais en voyant la pièce, à ces hommes politiques qui font campagne actuellement et à ces classes sociales mondaines qui détiennent l'argent et le pouvoir et qui ont peu changé depuis le XVII siècle : un milieu où celui qui est le plus méchant est considéré comme celui qui a le plus d’esprit et l’emporte sur l’autre. Autrement dit, l’art de dire des vacheries et d’être le plus rosse porté à sa quintessence. Les rumeurs, les moqueries, les médisances ne cessent de circuler et ressortent au bon moment pour blesser celui qui en est la victime. J'ai noté, à ce propos, une trouvaille de mise en scène qui en dit long sur cette société. Les petits marquis reprennent à la fin de l'acte II la chanson traditionnelle qu’Alceste a citée comme le modèle du bon goût dans la scène 2 de l'acte I : " Si Henri m’avait donné Paris sa grand ville/ je dirai au roi Henri… ». On apprend ainsi que les commérages se propagent derrière son dos et qu' Alceste est la cible des moqueries de tous.
On peut y ajouter l’hypocrisie, toutes ces protestations d’amitié et de respect pour mieux poignarder l'adversaire quand il a le dos tourné ! Car c’est bien cela que Molière dénonce, entre autres dans sa pièce, à travers Célimène, Arsinoé et les petits Marquis. Et il s'en prend aussi à la justice qui  jugera en fonction des appuis, des amitiés politiques, des avocats dont vous bénéficiez. C’est ce qui arrive à Alceste qui a le bon droit pour lui mais perd son procès parce qu’il n’a pas voulu jouer ce jeu malhonnête .

Alceste un personnage tragique

Le Misanthrope Alceste et Oronte
Le Misanthrope Alceste et Oronte
Quand j’étais lycéenne, j’adorais Alceste, sa révolte, son dégoût de cette société corrompue et mensongère. Je trouvais qu’il y avait un certain panache et une réelle grandeur dans ce personnage. Quant à son amour, je le voyais comme une passion romantique et fatale.
 Ce n’est pas ainsi que nous le montre Clément Hervieu-Léger. Il a choisi de mettre en valeur le côté noir de la pièce et d’en souligner  le pessimisme. En effet, Alceste est un personnage tragique et s’il fait rire autour de lui, sa souffrance est exacerbée. Sa haine du genre humain est telle que l’on ne peut plus (c’est du moins ce que j’ai ressenti) avoir de l’empathie pour lui du moins dans cette mise en scène. On le voit s’enfoncer dans la dépression, la déraison et même la folie. Hors de lui, c'est le terme qu'il faudrait employer lors de cette scène très bien interprétée par Loïc Corbery  où Alceste se jette sur Célimène, la brutalise et semble prêt à la prendre de force avant de revenir à la conscience. Le personnage y perd de sa grandeur, il devient objet de rejet, presque de répulsion. Il est même inquiétant et fait le vide autour de lui. La misanthropie est ici traitée comme une maladie grave. Mais l’amour aussi est une maladie quand elle est vécue comme le vit Alceste. Rien de romantique ici, c’est une souffrance entièrement négative, qu’Alceste vit à son corps défendant et qui ajoute à son angoisse. Je n’avais jamais vu interpréter cette pièce avec une telle noirceur et j’ai trouvé ce point de vue passionnant. 

Philinte, un personnage qui n’a pas sa place

Dans Alceste à bicyclette
Pourtant ce qui m’a un peu gênée, c’est qu’en accordant une telle importance à Alceste, le metteur en scène laisse moins de place à son ami Philinte qui par contraste paraît effacé. Non qu’il soit mal interprété. Au contraire, j’ai aimé la sobriété de Eric Génovese mais Alceste présente une telle démesure dans son interprétation qu’il exclut l’équilibre et la tempérance. Or, c’est ce qu’incarne Philinte qui est le type de « l’honnête homme ». On se souvient qu’il représente le juste milieu, la modération, la sagesse. Il est aussi important pour Molière qu'Alceste. Or, le juste milieu n’a pas l’air d’avoir vraiment intéressé C. Hervieu-Léger. On pourrait dire la même chose de la « sage » Eliante (Jennifer Decker). A mon avis, la mise en scène en fait un peu trop une pâle copie de Célimène en particulier dans la scène des portraits, où on la fait jouer d’une manière coquette, petite fille, primesautière. Pourtant elle est le pendant de Philinte et non de Célimène.

Célimène, encore mystérieuse

Cécile Sorel dans le rôle de Célimène
Il me reste encore bien des interrogations sur ce personnage. Célimène reste pour moi un mystère. Le plus souvent, elle est considérée comme une coquette voire une allumeuse. Je me souviens l’avoir vue à Marseille dans une mise en scène où elle était la tenancière d’une maison close ! Oui, je sais, c’était vraiment exagéré ! Intelligente, observatrice, spirituelle, elle est certainement une grande dame à l’égal de ceux qu’elle fréquente et qu’elle mystifie. Mais est-elle vraiment leur égale ? Si un Oronte ou un Alceste, la grande bourgeoisie, veulent l’épouser, en est-il de même des petits marquis,  noblesse de cour fière de ses titres, qui veulent peut-être tout simplement la mettre dans leur lit. A moins qu'elle ait une grande fortune ? Et pourquoi se conduit-elle ainsi ? Elle dit elle-même qu’elle ne le sait pas. Il est curieux de voir qu'elle n'a de parents pour veiller sur elle, personne pour lui dire qu'elle se conduit dangereusement dans une société qui n'attache d'importance qu'au paraître. J'ai lu dans une critique de presse que la robe noire portée par Célimène au début de la pièce pourrait être un signe de deuil. Le metteur en scène voudrait-il indiquer qu'elle a perdu ses parents ? C'est peut-être aller trop loin ?

Clément Hervieu-Léger en fait aussi un personnage tragique. Elle a l’air de souffrir de ses propres atermoiements, de ses errances, ce que la comédienne interprète parfaitement. On la sent douloureuse, hésitante, inquiète.  Ce qu’il y a de certain, c’est que dans le dénouement elle est mise au ban de cette société qu’elle aime tant et l’on se demande comment elle pourra vivre après le scandale qui l’éclabousse. Et là encore le jeu est d’une grande violence.

 Je n'ai pas aimé par contre son interprétation sans relief des portraits dans la scène 4 de l'acte II, trop entrecoupée de fous rires peu naturels et souvent perturbée par  les autres personnage qui se lèvent de table et se rassoient, boivent... En fait, ils étirent l'action, ajoutent des longueurs inutiles et détournent l’attention.  Le spectateur n'a pas le temps de "voir", de savourer cette galerie de personnages passés au crible de l'esprit et des talents redoutables de Célimène. Le repas dans ce hall désaffecté qui est tout sauf une salle à manger m'a de plus gênée. On se demande bien pourquoi elle les reçoit là.
D'ailleurs d'une façon générale, je n'ai pas aimé le décor. Je veux bien que ce soit le hall d’un hôtel particulier (celui de Célimène) pour respecter la règle de l’unité de lieu du théâtre classique; mais pourquoi en réfection, avec des meubles couverts de draps, un lustre par terre, des escaliers sans grâce? Du coup, le lieu paraît désaffecté, en désordre, mal éclairé, et accroît mes questions - sans toutefois y répondre-  sur le statut social et la fortune de Célimène.

La prude Arsinoé, une interprétation originale

Arsinoé : Florence Vial
La scène entre Arsinoé et Célimène où les deux comédiennes rivalisent d'agressivité sous des dehors de politesse cérémonieuse est excellente. Le duo est interprété avec brio et l'on a, ici, le temps de savourer l'esprit de répartie, l'acrimonie des deux "amies".
 Florence Vial incarne une Arsinoé surprenante pour moi qui ne l’avais jamais vue que ridicule : une coquette très âgée, usée, poudrée de blanc, prude et vertueuse parce qu’elle ne peut plus avoir de vie amoureuse. Dans cette mise en scène, elle n’est plus ridicule. Elle est interprétée par une femme encore jeune, élégante et qui a de la classe. Sa réaction quand Célimène se moque de son âge avancé (40 ans au XVII siècle!! ) ne manque pas d’une certaine dignité et l’on n’a pas envie de rire de sa colère et de sa blessure. Au contraire, l'on sent que c'est une femme qui a du répondant et qui peut être dangereuse. Elle a certainement des appuis puissants et est plus habile (et plus retorse) que Célimène pour l'emporter dans la société comme la  suite le prouvera.

Le spectacle filmé

Alceste et Arsinoé
J'ai trouvé que la pièce était bien filmée et que la caméra mettait en valeur les réactions des personnages au bon moment, avec beaucoup de pertinence. On voyait mieux les comédiens que si l'on était dans la salle grâce aux gros plans sur leur visage et l'on entendait bien.  Alors que j'ai lu des critiques qui se plaignaient du manque de clarté dans la diction des comédiens et du fait que l'on n'entendait pas toujours. 



 En résumé :
Passionnante, c’est le mot pour la mise en scène de cette grande pièce qui peut donner lieu à tant d’interprétations différentes. J'ai été ravie de pouvoir assister à une représentation de cette qualité.

mercredi 27 juillet 2016

Festival Off d'Avignon 2016 : Le Cid de Corneille au théâtre Actuel





Après Cyrano de Bergerac, Jean-Philippe Daguerre et la troupe du Grenier de Babouchka nous offrent ici une version fougueuse du Cid et renouent avec tous les ingrédients qui ont fait leurs succès précédents: musique sur scène (violon, guitare, cajon...), combats d'épée et costumes flamboyants!

Le Cid interprété par la compagnie Le grenier de la Babouchka (j’aime ce nom!) est un beau moment de partage pour les grands-parents, parents et enfants! Il y avait, en effet, tous les âges dans la salle, venus assister à cette représentation d’un classique que les plus âgés connaissent par coeur pour l’avoir appris sur les bancs de l’école. Les plus jeunes, eux, manifestement, le découvraient avec beaucoup de plaisir. Et puis, c’est tellement rare de nos jours, avec les restrictions économiques qui taillent des coupes sombres dans le budget de la culture, d’avoir une troupe entière dans un spectacle du Off. Mais venons en .. à la pièce!

Et à la mise en scène de Jean-Philippe Daguerre! Celui-ci a pris le parti de pratiquer le mélange des genres et de faire du Cid une tragi-comédie. Cela peut choquer les puristes car le XVII siècle prône la séparation et la hiérarchisation des genres donc la supériorité de la tragédie sur la comédie. Mais depuis, Victor Hugo et le drame romantique sont passés par là et le théâtre élisabéthain avec Shakespeare nous a permis de nous y habituer. D’autre part, Corneille est aussi un auteur de comédies et rien de plus tragique, parfois, que le comique de Molière!
Don Fernand, roi de Castille, devient donc un personnage comique peut-être un peu forcé, me direz-vous, mais son personnage ainsi conçu est une charge contre le pouvoir absolu que Corneille n’aurait pu, bien évidemment, se permettre. Les autres personnages secondaires assez effacés jusqu’alors dans les représentations classiques que j’ai pu voir prennent de l’ampleur. Ainsi, Elvire, la suivante de Chimène devient une soubrette à la Molière, provoquant le rire avec son bon sens absolu lorsqu’elle admoneste sa maîtresse.
Dans cette mise en scène, Chimène et Rodrigue sont de très jeunes gens amoureux, fougueux, sincères, un peu ridicules parfois dans leurs effusions et leurs contradictions mais la charge reste légère et si l’on rit, c’est avec eux et non contre eux. Du coup, ils sont des personnages sympathiques et proches de spectateurs, débarrassés de la grandeur liée à la tragédie. Bien sûr, tout n’est pas parfait. On aimerait parfois plus d’intériorisation et de subtilités, moins de fougue donc, dans certains passages comme dans les stances de Rodrigue où l’on ne sent pas assez les doutes du jeune homme, ses atermoiements, son désespoir dans ce combat entre l’amour et l’honneur. Là, j’aurais eu envie de plus d’émotion! Mais les personnages restent touchants et émouvants et il en est de même pour l’infante. J’ai beaucoup aimé aussi l’affrontement entre Don Diègue et Don Gomès dont les interprètes sont excellents.
Si vous ajoutez à cela des combats à l’épée très bien réglés, de la musique sur scène (guitare, violon), de beaux costumes, vous comprendrez que ce spectacle est vraiment complet et réussi.


Compagnie Grenier de la Babouchka 
Le Cid Corneille
Interprète(s) : A. Bonstein, S. Dauch, M. Gilbert, J. Dionnet, K. Isker, M. Jeunesse, D. Lafaye, A. Matias, C. Matzneff, C. Mie, T. Pinson, S. Raynaud, Y. Roux, P. Ruzicka, E. Rouland, M. Thanaël
Metteur en scène : J-Ph Daguerre
Maître d'armes : C. Mie
Compositeur : P. Ruzicka
Costumière : V. Houdinière

dimanche 19 juillet 2015

Molière dans tous ses éclats et La Sorcière La Trouille au collège de la Salle


Molière dans tous ses éclats

Molière dans tous ses éclats est le Top 1 de Nini et de sa petite amie Jeannette, cinq ans toutes les deux! C’est le spectacle idéal pour les enfants mais aussi pour les adultes car il est vraiment réussi, intelligent, amusant et pour tous les âges et puis il donne envie de voir et revoir notre bon vieux Molière!
Deux personnages Miette et Ouane (Stéphanie Marino et Nicolas Devort ) assurent avec beaucoup de bonne humeur et une vivacité communicative, la liaison entre les trois scènes de Molière qu’ils ont choisies  : 
Le bourgeois gentilhomme , la leçon avec le philosophe (et je vous prie de croire qu’après cette scène, Nini et Jeannette se sont bien amusées à prononcer des O et des A retentissants et à faire la moue pour dire le U)
Le malade imaginaire : la scène du poumon, comique à souhait, que les comédiens tirent vers la farce, ce qui a ravi les deux petites spectatrices
et Les Fourberies de Scapin : la scène de la galère, très réussie aussi.

Les deux comédiens donnent en même temps une leçon de théâtre : à quelle époque Molière vivait-il? Pourquoi dit-on « merde » à un acteur avant la représentation? Qu’est-ce que les didascalies, le côté cour et le côté jardin? mais toujours sans pesanteur ou pédanterie, avec beaucoup d’humour et de nombreuses trouvailles de mises en scène.

Un spectacle à recommander à tous! TTT Télérama

Molière dans tous ses éclats
Collège de La Salle
du 4 au 26 juillet
15H45
durée 1H
à partir de 5 ans
Compagnie Qui Va Piano

 La sorcière La Trouille




La sorcière La Trouille, toujours au collège la Salle, est elle aussi bien placée dans le Top de nos deux jeunes spectatrices. Léonie a même vu la pièce deux fois.
Il s’agit d’une sorcière sympathique (et oui, cela existe), qui a peur de tout et que sa mère, odieuse, oblige à aller au bal pour montrer son savoir et sa méchanceté. Or la sorcière la Trouille ne sait rien faire et elle voudrait tant être gentille!
Alors il y a eu, là, de la part de Léonie, une identification complète avec le personnage : quelqu’un qui a peur de tout comme elle! Pas question de monter sur scène pour préparer la potion magique comme le font d’autres petits enfants courageux. Nini est terrifiée quand apparaît la mère-sorcière (une vidéo impressionnante à ses yeux!) et cela tombe bien car elle adore avoir peur… au théâtre! Jeanne, elle, voudrait bien monter sur scène mais elle n’a pas été choisie.
La jeune comédienne, Frédérique Bassez, mène cette histoire avec tendresse et beaucoup de grâce et, que les âmes sensibles se rassurent, la sorcière La Trouille va rencontrer l’amour en la personne de Toto la Frousse! Ouf!
…………………
Léonie et Jeanne ont rencontré la sorcière deux fois, une première fois en costume de scène et elle n’avait pas l’air rassuré, cette La Trouille, de se promener toute seule dans les rues d’Avignon! Une seconde fois, sans déguisement, et avec un jeune homme que les fillettes ont jugé être son amoureux : « C’est Toto La Frousse! Mais alors, il existe vraiment?! »

La sorcière La Trouille
Collège de La Salle
du 4 au 26 juillet
15H30
durée 55'
A partir de 4 ans
Compagnie apremon Musithéa

lundi 11 août 2014

Pierre Corneille : Cinna




Cinna est représenté pour la première fois en 1641 et obtient un vif succès. Corneille avait donné un sous-titre à la pièce : La clémence d'Auguste indiquant clairement quel en était pour lui l'intérêt majeur. Mais il le fit disparaître par la suite car son public se passionnait surtout pour l'histoire amoureuse de Cinna et d'Emilie, tremblant pour leur vie, souhaitant même la réussite de leur plan.
Il faut dire que la pièce avait tout pour plaire au public, en particulier aux Précieuses :  un complot  fomenté par la belle Emilie qui veut venger la mort de son père tué par Auguste. Un amant*, Cinna, noble et généreux, qui sous prétexte de délivrer Rome de la tyrannie accepte de l'aider, motivé surtout par son amour  pour elle; il sait qu'il ne pourra obtenir sa main qu'en accomplissant cette vengeance; un ami de Cinna, Maxime, conjuré, attaché à la République, mais qui devient traître par jalousie lorsqu'il s'aperçoit qu'Emilie lui préfère Cinna. Et Auguste? Apprenant la vérité va-t-il mettre à mort les amants? Voilà pour la romance!

Le thème politique

Mais la pièce a bien sûr un aspect politique auquel ne pouvait être insensible les nobles de l'époque. Nous sommes en pleine fronde des Grands. La féodalité s'oppose à la royauté, en révolte contre Louis XIII et multiplie les complots contre son représentant, Richelieu. Le cardinal s'efforce d'établir un pouvoir fort et réprime implacablement la fronde. Il semblerait que la conspiration menée par madame de Chevreuse et le ministre Chalais contre Richelieu puisse être une source d'inspiration. D'autre part la conspiration de Cinq-Mars date de 1642.  On comprend bien l'actualité de la  pièce.
Un des thèmes essentiel pose le problème du pouvoir politique et du mode de gouvernement. La préférence de Corneille va à un pouvoir fort qui met fin au désordre mais qui reste juste car la royauté doit se faire respecter et aimer. C'est ce que dit Livie à son époux Auguste quand elle lui conseille de pardonner  (Acte IV scène III) :

C'est régner sur vous-même, et, par un noble choix,
Pratiquer la vertu la plus digne des rois.

Corneille définit ainsi l'idéal d'un "bon prince" :  (acte II scène 1)

Avec ordre et raison les honneurs il dispense,
Avec discernement punit et récompense
et dispose de tout en juste possesseur..

Et la critque de la République est contenue dans cette sentence :

Le pire des Etats, c'est l'état populaire

La suite de la pièce montre la grandeur d'Auguste qui pardonne aux conjurés (Acte V scène III) précisant ainsi la pensée de Corneille, partisan d'un pouvoir monarchique fort mais éloigné de la dictature, fondé sur le respect des hommes et la justice.

Je suis maître de moi comme de l'univers;
Je le suis, je veux l'être. O siècle, ô mémoire,
Conservez à jamais ma dernière victoire!

 
 Thème de l'amour et de l'honneur

Emilie et Cinna illustrent tous deux la conception de l'héroïsme et de l'amour cornélien. Le héros cornélien pour mériter l'amour doit s'en montrer digne. Il est souvent déchiré entre ses sentiments et son devoir mais choisit toujours le devoir. C'est pourquoi Maxime en trahissant les conjurés et en proposant à Emilie de fuir avec lui ne peut gagner que son mépris : (Acte IV scène V)

Tu m'oses aimer et  tu n'oses mourir (..)
Cesse de fuir en lâche un glorieux trépas,
Ou de m'offrir un coeur que tu fais voir si bas;
Fais que je porte envie à ta vertu parfaite;

Le héros cornélien, en effet, ne doit pas craindre la mort mais bien plutôt le déshonneur et doit rester fidèle à la parole donnée. Lorsque Cinna balance à tuer Auguste, il déchaîne la fureur et le mépris d'Emilie : (Acte III scène I V)

Mes jours avec les siens vont se précipiter,
Puisque ta lâcheté n'ose me mériter

 et  son hésitation aboutit à cet ultimatum :

Qu'il cesse de m'aimer, ou suive son devoir (acte III scène V)

****

Je fais partie d'une génération où l'on était nourri au berceau (presque!) de nos classiques. De la sixième à la terminale on étudiait Corneille et Racine. En ouvrant ce livre après tant d'années, des pans de ma mémoire ont resurgi car on apprenait par coeur des passages entiers. C'est dire le plaisir que j'ai retrouvé à cette lecture commune avec Maggie. Le style de Corneille a une cadence marquée, avec ces vers bien trempés qui ressemblent souvent à des maximes :

Qu'une âme généreuse a de peine à faillir

La crainte de sa mort me fait déjà mourir

Plus le péril est grand, plus doux en est le fruit

Meurs s'il faut mourir en citoyen romain

On garde sans remords ce que qu'on acquiert sans crime


Formules qui cèdent pourtant devant ces moments presque élégiaques où l'âme exprime ses souffrances ou hésite entre devoir et sentiment.

* amant au XVII° siècle : celui qui aime ou celui qui est aimé de retour


Chez Eimelle

lundi 30 juin 2014

Molière : L'école des femmes et la critique de l'école des femmes


Isabelle Adjani interprète Agnès dans l'Ecole des femmes

Dans L'école des femmes, Arnolphe, un vieux célibataire obsédé par la peur du cocuage, prétend qu’une femme ne peut être vertueuse et fidèle que si elle est ignorante et sotte. Aussi, pour avoir une épouse qui ne le mette pas en danger, il fait élever sa jeune pupille, Agnès, hors du monde, en la maintenant dans la plus profonde ignorance, sous la garde d’un valet et d’une servante qui sont comme elle.  Elle a maintenant 16 ans et il est décidé à l'épouser.
La jeune Agnès, malgré l'isolement dans lequel elle est tenue, aperçoit un jour, par la fenêtre, un beau jeune homme, Horace, qui la salue. Elle lui répond avec innocence et se laisse émouvoir par la prestance du jeune homme et ses protestations d' amour. Mais Horace, qui est le fils d'un ami d'Arnolphe,  prend le barbon pour confident  et lui avoue son amour. Arnolphe ne va avoir de cesse d'empêcher les deux jeunes gens de s'aimer mais chaque fois ses tentatives se soldent par un échec. Et bien sûr l'amour triomphe tandis que la jeune fille se libère et accède à la connaissance en même temps qu'à l'amour.

L'école des femmes


L'école des femmes est une pièce des des plus passionnantes de Molière en ce qui concerne le thème de la femme, une belle réflexion sur la condition féminine au XVIIème siècle et sur la légitimité des aspirations des femmes à la connaissance et au choix de leur époux. Elle est très riche à tous les égards et Arnolphe en barbon amoureux (il a 45 ans!) est un personnage complexe, odieux et touchant, ridicule et tragique à la fois dans son amour pour la jeune fille. Mais c'est à Agnès que je vais m'intéresser dans ce billet : un magnifique personnage de femme qui s'éveille à la vie et à la pensée par le miracle de l'amour. Car dit Horace :

Il le faut avouer, l’amour est un grand maître :
Ce qu’on ne fut jamais il nous enseigne à l’être ;
 (III, 4, )

 Arnolphe prend en charge Agnès à l'âge de 4 ans dans le but avoué de la faire élever pour en faire son épouse; on voit déjà qu'aucune loi ne protège une fillette orpheline, issue d'un milieu pauvre, de la concupiscence de l'adulte.

Dans un petit couvent, loin de toute pratique,
Je la fis élever, selon ma politique,
C’est-à-dire ordonnant quels soins on emploierait,
Pour la rendre idiote autant qu’il se pourrait.
Dieu merci, le succès a suivi mon attente.. Acte I scène 1


Agnès est donc maintenue dans l'isolement et l'ignorance par un tuteur qui  se réserve le droit d'agir envers elle comme si elle n'avait pas d'existence propre, de volonté :

En un mot, qu’elle soit d’une  ignorance extrême ;
Et c’est assez pour elle, à vous en bien parler,
De savoir prier Dieu, m’aimer, coudre, et filer. (Acte I scène 1)


Il veut donc en faire sa "chose", une poupée docile et malléable. C'est ce qu'il exprime très clairement dans la scène 3 de l'acte III :

Je ne puis faire mieux que d’en faire ma femme.
Ainsi que je voudrai je tournerai cette âme ;
Comme un morceau de cire entre mes mains elle est,
Et je lui puis donner la forme qui me plaît. (III, 3, )


 Complexe de Pygmalion? Non, plutôt la  folie d'un homme en proie à son obsession,  - ici la peur d'être un mari trompé- , et qui comme tous les personnages de Molière se laisse gouverner par son idée fixe (Harpagon, Tartuffe, Alceste, Dom Juan...). 

Agnès Sourdillon (Agnès) et Pierre Arditti (Arnolphe)

 En 2001, au festival d'Avignon, le metteur en scène Didier Bezace soulignait le tragique de cette Agnès interprétée par Agnès Sourdillon, qui apparaissait comme une poupée de son secouée et manipulée par Arnolphe (Pierre Arditti), une marionnette dont il tirait les ficelles.

Dans l'acte I scène 2,  l'on voit en effet, qu'il a réussi. Agnès apparaît d’une incroyable innocence, une petite sotte qui demande "si les enfants qu'on fait se faisaient par l'oreille". Elle ne s'ennuie jamais, dit-elle, et semble passer sa vie à coudre des chemises et des cornettes, sans distraction, sans même pouvoir rencontrer une personne sensée, en dehors des deux nigauds qui lui servent de geôliers. Elle vit son emprisonnement comme une chose naturelle puisqu'elle n' a jamais connu autre chose. Elle ne souffre pas car elle n'est pas maltraitée;  elle est endormie dans un espace sans consistance, une belle au bois dormant en dehors de la vie.
 Mais les sentiments qu'elle commence à éprouver pour Horace, la font, on va le voir bien vite, évoluer.  Elle s'éveille à la sensualité et est troublée par la nouveauté d’une telle expérience :

Il jurait qu’il m’aimait d’une amour sans seconde,

Et me disait des mots les plus gentils du monde,

Des choses que jamais rien ne peut égaler,

Et dont, toutes les fois que je l’entends parler,

La douceur me chatouille et là-dedans remue

Certain je ne sais quoi dont je suis tout émue. (II, 5, v. 559-564)

Désormais c'est en vain qu'Arnolphe essaie d'employer la crainte pour la remettre dans le droit chemin et lui fait étudier la liste des devoirs du mariage.

Il est aux enfers des chaudières bouillantes
Où l’on plonge à jamais les femmes mal vivantes. (III, 2, v. 727-728)

Elle reçoit Horace dans sa chambre, elle répond à son amour malgré les menaces que son tuteur fait peser sur elle. Peu à peu, elle se révolte, et avec intelligence et vivacité, elle retourne les préceptes de son tuteur contre lui-même lorsqu' il lui reproche de suivre un galant pour se marier :

J’ai suivi vos leçons, et vous m’avez prêché
Qu’il se faut marier pour ôter le péché.

 La naïveté d'Agnès  et sa franchise sans détour sont des  ressorts comiques car elles  renvoient Arnolphe  à sa propre responsabilité. C'est lui qui a voulu que Agnès ne sache rien de l'amour.

Elle va même plus loin, en refusant d'être considérée comme un ingrate et  déclare qu'elle ne doit rien à un homme qui l'a traitée comme une esclave.  Elle semble même ignorer la cruauté dont elel fait preuve  en lui répondant comme elle le fait...  à moins qu'elle n'en soit parfaitement consciente et manifeste ainsi sa colère et sa révolte :

Chez vous le mariage est fâcheux et pénible
Et vos discours en font une image terrible :
Mais las! Il le fait lui si rempli de plaisirs
Que de se marier il en donne l'envie Acte IV scène 4

Elle prend  aussi conscience de l'étendue de son ignorance et du fait qu'elle est un sujet de raillerie pour les autres. Elle  souffre d'être tenue pour sotte et ose le dire en face à son tuteur accédant ainsi au tragique de l'existence.

Croit-on que je me flatte et qu'enfin dans ma tête,
Je ne juge pas bien que je suis une bête?
Moi-même j'en ai honte et dans l'âge où je suis
je ne veux plus passer pour sotte si je puis. (Acte V scène 4)

Dans la scène 8 de l'acte V,  elle  ne veut plus être celle qui accepte passivement les ordres d'un maître et cherche à prendre en main son destin quitte à mettre ses jours en danger. Ainsi la domestique, Georgette, vient avertir Arnolphe de la rebellion d'Agnès :

Monsieur si vous n'êtes auprès
Nous aurons de la peine à retenir Agnès,
Elle veut à tous coups s’échapper, et peut-être
Qu’elle se pourrait bien jeter par la fenêtre. Acte V scène 8


L'évolution d 'Agnès est achevée. Elle est devenue adulte. C'est une femme consciente, intelligente et courageuse qui lutte pour son amour et pour sa liberté.


La critique de l'école des femmes

 

L'école des femmes est parue en 1662 et a obtenu un vif succès populaire avec de très nombreuses représentations. Elle a suscité aussi de violentes controverses menées par les détracteurs de Molière, des mondains qui déclarent la pièce trop leste et peu respectueuse de la morale, et aussi par d'autres comédiens  (la troupe des grands comédiens de l'Hôtel de Bourgogne) jaloux de Molière. C'est la fameuse querelle de L'école des femmes. Celui-ci décide de répondre à ses ennemis par une oeuvre  d'un acte intitulée : La critique de l'école des femmes.
Dans son salon, Uranie et Elise, sa cousine, reçoivent des amis qui représentent les différents types de la société mondaine parisienne, Climène, précieuse et prude,  le petit marquis ridicule et fat, Lysisdas, l'auteur jaloux, Dorante, l'honnête homme. Toutes les conservations roulent sur le même sujet : la pièce de Molière que tout le monde critique mais que tout le monde va voir! Uranie et Dorante prennent la défense de la pièce et récuse l'accusation d'obscénité. La suite du débat portesur les règles que l'on reproche à Molière de n'avoir pas respectées, ce qui est vrai, par exemple pour la règle des trois unités.  La réponse que donne Molière est un véritable manifeste  qui donne un aperçu global de ses idées sur le théâtre.

Réponse sur le respect des règles : scène 6

Dorante.- Vous êtes de plaisantes gens avec vos règles dont vous embarrassez les ignorants, et nous étourdissez tous les jours. (...) Je voudrais bien savoir si la grande règle de toutes les règles n’est pas de plaire ; et si une pièce de théâtre qui a attrapé son but n’a pas suivi un bon chemin.


Uranie.- Pour moi, quand je vois une comédie je regarde seulement si les choses me touchent, et lorsque je m’y suis bien divertie, je ne vais point demander si j’ai eu tort, et si les règles d’Aristote me défendaient de rire.

Réponse sur la hiérarchie des genres . Le XVII siècle considérait la comédie comme inférieure à la tragédie scène 6

Uranie.- Ce n’est pas mon sentiment, pour moi. La tragédie, sans doute, est quelque chose de beau quand elle est bien touchée ; mais la comédie a ses charmes, et je tiens que l’une n’est pas moins difficile à faire que l’autre  .

Dorante.- Assurément, Madame, et quand, pour la difficulté, vous mettriez un plus du côté de la comédie peut-être que vous ne vous abuseriez pas. Car enfin, je trouve qu’il est bien plus aisé de se guinder sur de grands sentiments, de braver en vers la Fortune, accuser les Destins, et dire des injures aux dieux, que d’entrer comme il faut dans le ridicule des hommes, et de rendre agréablement sur le théâtre les défauts de tout le monde. Lorsque vous peignez des héros, vous faites ce que vous voulez ; ce sont des portraits à plaisir, où l’on ne cherche point de ressemblance ; et vous n’avez qu’à suivre les traits d’une imagination qui se donne l’essor, et qui souvent laisse le vrai pour attraper le merveilleux. Mais lorsque vous peignez les hommes, il faut peindre d’après nature; on veut que ces portraits ressemblent ; et vous n’avez rien fait si vous n’y faites reconnaître les gens de votre siècle. En un mot, dans les pièces sérieuses, il suffit, pour n’être point blâmé, de dire des choses qui soient de bon sens, et bien écrites : mais ce n’est pas assez dans les autres ; il y faut plaisanter ; et c’est une étrange entreprise que celle de faire rire les honnêtes gens.

Mais La critique de L'école des femmes n'est pas seulement un manifeste. C'est aussi une comédie avec des portrait qui ressemblent, où Molière entre comme il faut dans le ridicule des hommes et d'une manière agréable, pour nous faire rire.

LC avec Maggie 


Challenge En scène chez Eimelle

jeudi 21 novembre 2013

Le Nouveau Tartuffe : Molière/Pelaez/ Gélas au théâtre du Chêne Noir



Orgon (Damien Rémy) et Elmire (Sabine Sendra )

Le nouveau Tartuffe -comme  son titre l'indique-  donné à Avignon au théâtre Le Chêne noir et mis en scène par Gérard Gélas, n'est pas celui de Molière mais celui de Jean Pierre Pelaez qui nous en propose une réécriture.
Je le dis tout de suite, si je me méfie beaucoup des metteurs en scène qui prétendent "dépoussiérer" , "déstructurer",  selon les termes à la mode, les grandes pièces du répertoire théâtral classique comme si elles n'attendaient qu'eux pour avoir un sens, je ne suis pas contre la réécriture. Après tout Molière, Racine, Corneille, Shakesperare et bien d'autres l'ont  fait avant eux! Et il n'est plus temps à notre époque de relancer le débat entre les Anciens et les Modernes. Pascal le disait  : Quand on joue à la paume, c'est une même balle dont se sert l'un et l'autre mais l'un la place mieux!

 Mieux? pas obligatoirement! Mais il suffit qu'il la place judicieusement, comme le fait Jean Pierre Pelaez en imaginant un Tartuffe de notre temps,  soit un médecin humanitaire dont les passages à la télévision servent de tremplin à  la carrière politique et financière :  portefeuille de ministre et  revenus substantiels. Vous aurez reconnu sans peine? Mais au-delà de l'anecdote, bien sûr, la pièce de Pelaez rappelle que les Tartuffes de notre époque sont aussi nombreux que jadis! Et si si les moyens d'y parvenir ont changé, le processus, lui, est resté le même et le but à atteindre aussi! La famille d'Orgon paraît bien appartenir à ce que l'on appelle la gauche caviar, confort, richesse et bonne conscience, avec leur jeune fille au pair colombienne (mais gênante quand elle la ramène trop!) et les jeunes gens de bonne famille qui s'évanouissent ou presque à l'idée de devoir travailler… pour vivre! Et bien sûr, de même que Molière prend soin de distinguer les vrais dévots des faux, Pelaez insiste sur la distinction entre les vrais humanitaires et.. les imposteurs, ceux qui ont, dit-il,  "leur compte en Suisse" et le porte-monnaie à la place du coeur!


Un Tartuffe réussi! (Jacky Nercessian)
Pour bien montrer cette permanence de l'espèce humaine au-delà des siècles,  les personnages  sont vêtus en tenue du XVII siècle mais Tartuffe en vêtement moderne - costume de lin blanc et écharpe blanche -, uniforme de ce faux humanitaire médiatisé. Le jeune messager qui rétablit l'ordre au dénouement d'une manière aussi factice ( en réalité ce sont toujours les Tartuffes qui gagnent) que dans le Tartuffe  du XVII siècle, l'un au nom du président de la République, l'autre  du roi, porte, lui, le costume du commissaire révolutionnaire de 1793 et arbore la cocarde tricolore. A noter aussi les beaux éclairages qui soulignent l'action.
La mise en scène est réglée comme un ballet, avec une précision rigoureuse qui souligne l'entêtement, la sottise, l'aveuglement, d'un Orgon, (excellent Damien Rémy) habité de tics, agité de gestes automatiques, traçant devant lui des dessins géométriques comme pour affirmer une autorité qui lui échappe. Le dialogue s'interrompt parfois pour laisser place à une danse saccadée ou chaque personnage perd son statut d'humain pour devenir automates, déshumanisés. La prestation homogène de tous les acteurs ajoute au plaisir du spectacle. Un bon moment théâtral.

Théâtre du Chêne Noir : Avignon
Le nouveau Tartuffe jusqu'au 24 Novembre

Challenge Théâtre  En scène chez Eimelle



samedi 10 août 2013

festival Off d'Avignon : L'Avare Molière/ Alain Bertrand; Racine par la Racine/ Serge Bourhis; Salle 6 Tchekov/Gérard Thebault

L'avare de Molière

L'avare de Molière Compagnie  Alain Bertrand

L'Avare de Molière compagnie Alain Bertrand qui est aussi le metteur en scène, cour du Barouf
L'adaptation de la comédie de Molière L'Avare par Alain Bertrand et Carlo Boso  pour la Commedia Dell'arte est un spectacle agréable. Les acteurs sont dynamiques et la mise en scène amusante. Les actes sont interrompus par des chants, ponctués par des allusions à l'actualité et les spectateurs sont appelés à participer.  Le jeu des acteurs est homogène, leur enthousiasme communicatif. Je pense que cette production est un moyen idéal pour faire découvrir la pièce à des ados  (il y a en avait dans la cour du Barouf ce jour-là) et leur prouver que les classiques ne sont pas obligatoirement empesés.

Racine par la Racine




Racine par la Racine  La caravane rouge metteur en scène Serge Bourhis à l'Essaïon Théâtre d'Avignon.
Vous ne verrez pas une pièce de Racine si vous allez voir Racine par la Racine mais des extraits de onze pièces reliées entre elles par une mise en scène amusante et parodique mais pas que… Si le metteur en scène Serge Bourhis et les comédiens s'amusent (et nous avec eux) et pastichent volontiers le grand dramaturge, ils sont aussi des amoureux de ses vers. Et cela se sent quand l'humour cède la place à la tragédie. Les comédiens sont bons et nous réservent des surprises agréables comme la scène de Phèdre jouée par un rôle masculin ou celle du songe d'Athalie, toutes deux interprétées avec beaucoup d'émotion. L'ennuyeux c'est que nous vient une nostalgie du théâtre de Racine et qu'on aimerait voir des extraits plus larges!  J'en suis sortie avec l'envie de revoir une pièce de Racine entière sur scène. Et c'est là la réussite de la compagnie, nous faire aimer Racine!

 Salle 6 d'Anton Tchekhov



Salle 6 d'Anton Tchekhov  Compagnie l'Etincelle à l'Essaïon Théâtre Avignon

Salle 6 est une pièce inédite d'Anton Tchekhov, un auteur que j'aime beaucoup, c'est pourquoi je n'ai pu résister à aller la voir. Je ne pouvais pas encore une fois aller revoir La Mouette! Il faut découvrir autre chose!

La salle 6 est une annexe de l'hôpital psychiatrique d'une province russe dans laquelle les fous sont enfermés. Le docteur Raguine  ne se fait aucune illusion sur la possibilité de guérir ses malades  et laisse tout aller dans cet hôpital qui n'est rien d'autre qu'une prison à peine améliorée. Il préfère méditer et boire un verre  en solitaire. Pourtant, lorsqu' il découvre l'intelligence et la sensibilité de Gromov, un des patients, il  est impressionné et son indifférence l'abandonne, sa quiétude le quitte.
Voilà de quoi le faire passer pour fou lui aussi, surtout quand on a, comme ses collègues, de bonnes raisons de vouloir se débarrasser de lui!

Le sujet est intéressant à priori mais la pièce est bavarde et démonstrative. Je comprends pourquoi elle est restée inédite. Je me suis ennuyée. Je n'ai ni aimé la mise en scène, ni les acteurs qui débitaient leur texte d'un ton monocorde.


Challenge Eimelle