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vendredi 18 février 2022

Jules Supervielle : Montevideo Uruguay

JuanMa Gutiérrez (peintre uruguayen) Hacienda et lune
 

Jules Supervielle
Jules Supervielle  est un poète Franco-uruguayen. Il est né à Montevideo en 1884. Ses parents, français, s'étaient exilés en Uruguay pour travailler dans la banque familiale fondée par son oncle. Lorsque l'enfant a huit mois, ils l'amènent en France pour les vacances mais ils meurent d'une manière restée inexpliquée : empoisonnement avec de l'eau sortie d'un robinet de cuivre corrodé ou le Choléra ? Son oncle et sa tante le recueillent et l'élèvent comme un de leurs enfants en Uruguay. Ce n'est qu'à neuf ans qu'il découvre qu'il n'est pas leur fils, ce qui restera pour lui un traumatisme.

 Je suis né à Montevideo, mais j'avais à peine huit mois que je partis un jour pour la France dans les bras de ma mère qui devait y mourir, la même semaine que mon père. Oui, tout cela, dans la même phrase. Une phrase, une journée, toute la vie, n'est-ce pas la même chose pour qui est né sous les signes jumeaux du voyage et de la mort ? Mais je ne voudrais pas ici vous parler de la mort. Et je me dis : Uruguay, Uruguay de mon enfance et de mes retours successifs en Amérique, je ne veux ici m'inquiéter que de toi, dire, au gré de mes tremblants souvenirs, un peu de ce que je sais de ton beau triangle de terre, sur les bords du plus large fleuve, celui-là que Juan Diaz de Solis appelait Mer Douce." (Urugay)

"Montevideo est belle et luisante. Les maisons peintes de couleurs claires, rose tendre, bleu tendre, vert tendre. Et le soleil monte sur les trottoirs.
C'est dans la campagne Uruguayenne que j'eus pour la première fois l'impression de toucher les choses du monde, et de courir derrière elles !"   Uruguay

Montevideo

Montevideo

Je naissais, et par la fenêtre
Passait une fraîche calèche.


Le cocher réveillait l’aurore
D’un petit coup de fouet sonore. 


Flottait un archipel nocturne
Encore sur le jour liquide. 


Les murs s'éveillaient et le sable
Qui dort écrasé dans les murs. 


Un peu de mon âme glissait
Sur un rail bleu, à contre-ciel,


Et un autre peu se mêlant
À un bout de papier volant 


Puis trébuchant sur une pierre,
Gardait sa ferveur prisonnière. 


Le matin comptait ses oiseaux
Et jamais il ne se trompait. 


Le parfum de l'eucalyptus
Se fiait à l'air étendu. 


Dans l'Uruguay sur l'Atlantique
L'air était si liant, facile,
Que les couleurs de l'horizon
S'approchaient pour voir les maisons.

C’était moi qui naissais jusqu’au fond sourd des bois
Où tardent à venir les pousses
Et jusque sous la mer où l’algue se retrousse
Pour faire croire au vent qu’il peut descendre là.


La Terre allait, toujours recommençant sa ronde,
Reconnaissant les siens avec son atmosphère,
Et palpant sur la vague ou l'eau douce profonde
Le tête des nageurs et les pieds des plongeurs.

 

 En 1994, la famille rentre en France. Jules Supervielle fait ses études à Paris sans perdre contact avec L'Uruguay où il retourne souvent. D'où l'importance de la mer et du voyage dans sa poésie.

La mer proche 

Carlos Paez Vilaro : peintre uruguayen

 

La mer n'est jamais loin de moi,


Et toujours familière, tendre,


Même au fond des plus sombres bois

À deux pas elle sait m'attendre.


Même en un cirque de montagnes


Et tout enfoncé dans les terres,


Je me retourne et c'est la mer,


Toutes ses vagues l'accompagnent,


Et sa fidélité de chien


Et sa hauteur de souveraine,


Ses dons de vie et d'assassin,


Enorme et me touchant à peine,


Toujours dans sa grandeur physique,


Et son murmure sans un trou,


Eau, sel, s'y donnant la réplique,


Et ce qui bouge là-dessous.


Ainsi même loin d'elle-même,


Elle est là parce que je l'aime,


Elle m'est douce comme un puits,


Elle me montre ses petits,


Les flots, les vagues, les embruns


Et les poissons d'argent ou bruns.


Immense, elle est à la mesure


De ce qui fait peur ou rassure.


Son museau, ses mille museaux


Sont liquides ou font les beaux,


Sa surface s'amuse et bave


Mais, faites de ces mêmes eaux,


Comme ses profondeurs sont graves !

Le gaucho

JuanMa Gutiérrez (peintre uruguayen) Le gaucho

Les chiens fauves du soleil couchant harcelaient les vaches


Innombrables dans la plaine creusée d’âpres mouvements,


Mais tous les poils se brouillèrent sous le hâtif crépuscule.


Un cavalier occupait la pampa dans son milieu


Comme un morceau d’avenir assiégé de toutes parts.


Ses regards au loin roulaient sur cette plaine de chair


Raboteuse comme après quelque tremblement de terre.


Et les vaches ourdissaient un silence violent,


Tapis noir en équilibre sur la pointe de leurs cornes,


Mais tout d’un coup fustigées par une averse d’étoiles.


Elles bondissaient fuyant dans un galop de travers,


Leurs cruels yeux de fer rouge incendiant l’herbe sèche,


Et leurs queues les poursuivant, les mordant comme des diables,


Puis s’arrêtaient et tournaient toutes leurs têtes horribles


Vers l’homme immobile et droit sur son cheval bien forgé.
 

(extraits)

 

JuanMa Gutiérrez (peintre uruguayen) La pampa

 Deux autres poètes sont aussi franco-uruguayens et tous les deux de Tarbes : Jules Laforgue et Isidore Ducasse, comte de Lautréamont.
 



mardi 8 décembre 2020

Dane Mc Dowell : L' herbier de Marcel Proust


 L’Herbier de Marcel Proust est un beau livre de Diane Mc Dowell, paru aux Editions Flammarion, préfacé par  Jean-Jacques Aillagon et splendidement illustré par Djohr
Toute l’oeuvre de Proust foisonne de références aux herbes, aux fleurs. Son oeuvre est une recueil littéraire de plus de six cents végétaux mais chacun correspond, à travers la métaphore, a une vérité plus profonde qui évolue tout au cours de son oeuvre. Il fut initié à la botanique par le curé d’Illiers-Combay et portait toujours avec lui un compagnon de poche La Flore de Gaston Bonnier.

Djohr : la pervenche
 

 "Appuyant et développant l’idée maîtresse de Marcel Proust qui se comparaît à un botaniste moral, la flore évolue, s’assombrit, se fane et réapparaît sous une expression poétique inattendue pour accompagner en toute logique la conclusion du Temps retrouvé."

C’est pourquoi le livre est divisé en quatre grandes divisions pour suivre cette évolution : Les fleurs de l’innocence, Les fleurs de salon, Les fleurs du mal, l’herbier de la mémoire. Chacune rend compte du cheminement de Marcel Proust à travers la mémoire, de l’enfance ou l’innocence, à la vie mondaine des salons, jusqu’à l’enfermement du malade, époque des fleurs vénéneuses, de l’asthme, de la drogue, de la lutte contre la mort afin de terminer La Recherche. Enfin, viennent les fleurs de la mémoire qui transportent le voyageur dans le souvenir du passé.

Ces fleurs sont au centre d’une synesthésie où les sons, les couleurs se rejoignent, véritable symphonie musicale,  débauche de bleus, de mauves, de roses, ou de blancs, de formes, de grâce, mais aussi de senteurs bien que, à ce sujet,  Proust reste prudent, exploitant sa mémoire olfactive, obligé de fuir les fleurs parfumées car une crise d’asthme a failli l’emporter à l'âge de neuf ans dans le jardin de ses jeunes années à Illiers.

"Synesthésie jubilatoire et presque désespérée puisque tout n’est qu’intermittence : beauté, amour, mémoire et même la douleur. Posée de multiples touches impressionnistes, la sensibilité à fleur de peau colore un paysage selon un éclairage toujours différent."

Djohr :  le seringa
 
Chaque fleur est replacée dans l'oeuvre et laisse place à un large développement qui analyse ce qu'elle signifie  aux yeux de Marcel Proust. Je vous donne quelques rapides extraits.

Les fleurs de l'innocence

 

Djohr : la fleur de l'aubépine

Pour Marcel Proust la floraison l'aubépine au printemps  à une portée mystique, quasi religieuse : "La haie formait comme une suite de chapelles qui disparaissaient sous la jonchée de leurs fleurs en reposoir..". Plus tard, à l' adolescence, l'aubépine est associée à des plaisirs plus sensuels, "jeune fille en robe de fête au milieu de personnes en négligé". La cristallisation d'un premier amour prend la forme, la couleur et l'odeur de la fleur. "Je leur demandais des nouvelles de ces fleurs, ces fleurs de l'aubépine pareilles à de gaies jeunes filles étourdies, coquettes et pieuses."

Les fleurs de salon   

 

Djohr : Le géranium

Albertine est "une brune aux grosses joues qui poussait une bicyclette" et dont les joues roses ont "cette teinte cuivrée qui évoque l'idée d'un géranium" et "son rire évoquait aussi les roses carnations, les parois parfumées contre lesquelles il semblait qu'il vint de se frotter et dont, âcre et sensuel et révélateur comme une odeur de géranium, il semblait transporter avec lui quelques particules pondérables, irritantes et secrètes." 

Rose le géraniume incarne la tentation mais en blanchissant, il retrouve pureté et virginité. Ainsi les premiers accords de la sonate de Vinteuil évoquent des fleurs blanches au narrateur et la suite de la mélodie ressemble à " la soierie embaumée d'un géranium.".

 Les fleurs du mal

 

Djohr : Le datura
 

Le datura est un plante toxique utilisé en pharmacologie pour l'insomnie et l'asthme. Proust  abusait de la poudre de datura qui était versée dans une soucoupe et allumée avec une bougie par la servante Céleste Albaret. La fumée qui s'en dégageait était censée dégager les bronches et empêcher le déclenchement des crises d'asthme mais maintenait le malade dans la dépendance. Dans la Recherche, la duchesse de Guermantes les cultive en pots et Cocteau associait Proust "à l'odeur de sépulcre" que la plante dégageait.

L'herbier de la mémoire

 

Djohr : le tilleul

Le tilleul nous place devant l'un des textes les plus célèbres de la Recherche du Temps perdu et de la littérature

"Et dès que j'eus reconnu le goût du morceau de madeleine trempé dans le tilleul que me donnait ma tante (quoique je ne susse pas encore et dusse remettre à bien plus tard de découvrir pourquoi ce souvenir me rendait si heureux), aussitôt la vieille maison grise sur la rue, où était sa chambre, vint comme un décor de théâtre s'appliquer au petit pavillon, donnant sur le jardin, qu'on avait construit pour mes parents sur ses derrières (ce pan tronqué que seul j'avais revu jusque là) ; et avec la maison, la ville, depuis le matin jusqu'au soir et par tous les temps, la Place où on m'envoyait avant déjeuner, les rues où j'allais faire des courses, les chemins qu'on prenait si le temps était beau."

Voilà donc un ouvrage plaisant et dont on ne se lasse pas, de ceux que l'on ne peut lire en une seule fois mais dont on savoure la lecture et que l'on feuillette pour la beauté de l'illustration. Il ravira les amoureux de Proust et des fleurs mais aussi tous les amateurs de beaux livres !

 

dimanche 15 mars 2020

La citation du Dimanche : Jack London, La peste écarlate et Calendrier des LC du challenge Jack London

Venise : le masque des médecins de la peste

Je viens d’aller voter et une promenade dans la ville d’Avignon où tous les cafés, les restaurants sont fermés, les rues quasi désertes, m’a montré une facette de la  ville que je ne connaissais pas ! Je suppose qu’il en est de même chez vous ! Certes, les rues d’Avignon ne sont pas toujours très animées le dimanche mais les terrasses des cafés et les places sont bondées, le palais des papes, le Rocher des Doms regorgent de monde.

Le pont d'Avignon presque déserté !
Comment ne pas penser dans ces circonstances, même si nous n’en sommes pas là,  quand on est une incorrigible « littéraire » ou « lectrice » aux livres qui parlent de la peste ou autres épidémies, de la destruction de la planète par la maladie.

" Ils ne mourraient pas tous mais tous étaient frappés :
On n’en voyait point d’occupés
à chercher le soutien d’une mourante vie
;"
La Fontaine

Après les vers de La Fontaine, c'est, bien sûr à Camus que j'ai pensé  : La Peste. Pourquoi ? parce que Camus !

"La mort du concierge, il est possible de le dire, marqua la fin de cette période remplie de signes déconcertants et le début d’une autre, relativement plus difficile, où la surprise des premiers temps se transforma peu à peu en panique. Nos concitoyens, ils s’en rendaient compte désormais, n’avaient jamais pensé que notre petite ville pût être un lieu particulièrement désigné pour que les rats y meurent au soleil et que les concierges y périssent de maladies bizarres. De ce point de vue, ils se trouvaient en somme dans l’erreur et leurs idées étaient à réviser. Si tout s’était arrêté là, les habitudes sans doute l’eussent emporté. Mais d’autres parmi nos concitoyens, et qui n’étaient pas toujours concierges ni pauvres, durent suivre la route sur laquelle M. Michel s’était engagé le premier. C’est à partir de ce moment que la peur, et la réflexion avec elle, commencèrent"
 et tout de suite après  à Le hussard sur le toit  parce que  Giono !
et puis aussi, en laissant les titres remonter à ma mémoire sans ordre chronologique et de manière non-exhaustive, ce livre de Patrick Deville Peste et choléra que j’avais beaucoup apprécié et très loin dans mon adolescence La Mousson de Louis Bromfield, et Les mouches de Sartre, Le Décameron de Boccace, Mort  à Venise de Thomas Mann, Les hommes protégés de Robert Merle sans compter ceux que je n’ai pas encore lus et que je ne connais que de nom  : le journal de la peste Daniel Defoe, L’amour  au temps du choléra Gabriel Garcia Marquez  et tant d'autres...

CHALLENGE JACK LONDON : CALENDRIER DES LC


Mais c'est le livre de Jack London sur ce sujet dont je voudrais vous proposer la lecture commune dans le cadre du challenge Jack London  : La Peste écarlate paru en 1912. Au moins si nous sommes confinés que ce soit pour faire quelque chose d'intelligent : LIRE !

Dans La Peste écarlate, Jack London,  imagine qu'une maladie détruit l'espèce humaine en 2013.  Parmi les rares survivants - qui sont pratiquement retournés au  temps de la préhistoire - un grand père raconte, soixante ans après, l'histoire à ses petits-enfants  :

Le monde tout entier fourmillait d’hommes. Le grand recensement de l’an 2010 avait donné huit milliards* pour la population de l’univers. Huit milliards ou huit coquilles de crabes... Ce temps ne ressemblait guère à celui où nous vivons. L’humanité était étonnamment experte à se procurer de la nourriture. Et plus elle avait à manger, plus elle croissait en nombre. Si bien que huit milliards d’hommes vivaient sur la terre quand la Mort Écarlate commença ses ravages.

*En 2015, le recensement  donnait 7, 7 milliards d'êtres humains. Bravo, Jack London !



Toutes mes excuses. J'ai tardé pour vous donner les dates des LC sur Jack London car j'étais de garde de petite- fille, malade, sans coronavirus !

23 Mars  :  Une fille des neiges


30 Mars  : La peste écarlate (si vous ne l'avez pas, vous pouvez le lire sur ebooks gratuits :  voir ce lien https://beq.ebooksgratuits.com/classiques/London-peste.pdf     

C'est un roman très court de 200 pages.


23 Avril : le peuple de l'abîme 

Vous pouvez laisser les liens vers vos billets sur la page correspondant à la Vignette challenge Jack London dans la colonne de droite de mon blog.



dimanche 5 janvier 2020

La Citation du dimanche : l'avenir

Picasso : la colombe de l'avenir
 
Comment voyons-nous l'avenir ? Plus que tout, peut-être, notre réponse révèle notre caractère, pessimiste ou optimiste, joyeux ou sombre et aussi nos expériences, nos joies et nos souffrances. Entre peur et confiance, entre espoir et doute, pour soi-même ou pour les peuples ou l'univers, que disent les philosophes et écrivains ?

  Peur ou confiance en l'avenir
 
Il faut réparer le Monde
 
Ceux qui ont peur de l'avenir ne profitent pas de l'instant présent,  se projettent en avant dans la crainte de vivre .


Céline
   
 
Céline le dit à sa manière et avec un pessimisme absolu :
"La plupart des gens ne meurent qu'au dernier moment ; d'autres commencent et s'y prennent vingt ans d'avance et parfois davantage. Ce sont les malheureux de la terre. " (Voyage au bout de la nuit)

"Celui qui parle de l'avenir est un coquin. C'est l'actuel qui compte. Invoquer sa postérité, c'est faire un discours aux asticots." (Voyage au bout de la nuit)

Sénèque

"Tu dépendras moins du lendemain si tu mets la main sur aujourd’hui affirme Sénèque.

 


et Montaigne renchérit  (oui, je sais, encore Montaigne !)
 
" Chacun court ailleurs et à l’avenir, d’autant que nul n’est arrivé à soi.
Nous ne sommes jamais chez nous ; nous sommes toujours au-delà ; la crainte, le désir, l’espérance, nous élancent vers l’avenir et nous dérobent le sentiment et la considération de ce qui est, pour nous amuser à ce qui sera, voire quand nous ne serons plus." (Les Essais III, 12,).
 
Mais il en tire en tire la conclusion optimiste, hédoniste, qu'il faut profiter de la vie  et jouir du moment présent.
 
 « C’est une absolue perfection, et comme divine, de savoir jouir loyalement de son être »
 « Quand je danse, je danse ; quand je dors, je dors ; et quand je me promène solitairement en un beau verger, si mes pensées se sont entretenues des occurrences étrangères quelque partie du temps, quelque autre partie je les ramène à la promenade, au verger, à la douceur de cette solitude et à moi. Nature a maternellement observé cela, que les actions qu’elle nous a enjointes pour notre besoin nous fussent aussi voluptueuses, et nous y convie non seulement par la raison, mais aussi par l’appétit : c’est injustice de corrompre ses règles. » (III, 13, )

 
 confiance en l'avenir

Eugène Delacroix

Parmi ces écrivains et philosophes qui croient au progrès et à un avenir radieux, ceux qui sont engagés dans une lutte sociale ou/et politique.
 


Victor Hugo affirme sa  foi au progrès social, clame sa certitude que c'est par l'instruction que l'on amènera les peuples à la réflexion et donc  au bonheur. Il prône l'union européenne qui amènera la paix sur la terre.
 
25 février. J’ai rêvé du Sénat. J’y ai parlé. J’y ai prononcé en terminant ces paroles que j’y ai dites en rêve et que j’y dirai peut-être en réalité :
« La France libre veut les peuples libres. Ce que veut la France, ce que la France demande, elle l’obtiendra. Et de l’union des libertés dans la fraternité des peuples, naîtra la sympathie des âmes, germe de cet immense avenir commencera pour le genre humain la vie universelle et qu’on appellera la paix de l’Europe. » Choses vues 1887

Poème
Ecrit après la visite d'un bagne. Les quatre vents de l'esprit (1853)
Chaque enfant qu’on enseigne est un homme qu’on gagne.
Quatre vingt-dix voleurs sur cent qui sont au bagne
Ne sont jamais allés à l’école une fois,
Et ne savent pas lire, et signent d’une croix.
C’est dans cette ombre-là qu’ils ont trouvé le crime.
L’ignorance est la nuit qui commence l’abîme.
Où rampe la raison, l’honnêteté périt. (...)
Songeons-y bien, l’école en or change le cuivre,
Tandis que l’ignorance en plomb transforme l’or. 
 




Foi en l'avenir aussi dans le dernier couplet de l'Internationale, chant révolutionnaire écrit par Eugène Pottier en 1871, lors de la sanglante répression de la Commune de Paris.
 
 
Eugène Pottier

 L'Internationale Couplet 6 
 
Qu'enfin le passé s'engloutisse !
Qu'un genre humain transfiguré
Sous le ciel clair de la Justice
Mûrisse avec l'épi doré !
Ne crains plus les nids de chenilles
Qui gâtaient l'arbre et ses produits
Travail, étends sur nos familles
Tes rameaux tout rouges de fruits !



 
Citons enfin, parmi les optimistes, deux auteurs connus pour leur catholicisme fervent. La foi en Dieu s'accompagne pour eux de la foi en l'Homme.
Bernanos 
 
L'avenir est quelque chose qui se surmonte. On ne suit pas l'avenir, on le fait

Gaston Berger

 Regarder un atome le change, regarder un homme le transforme, regarder l'avenir le bouleverse.


On peut en rire
L'avenir vu par Snoopy !



mardi 24 décembre 2019

Joyeux Noël avec les écrivains

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Victor Hugo : Les misérables, Cosette 

Cosette balaie
 "L’homme se relevait et allait s’en aller lorsqu’il aperçut au fond, à l’écart, dans le coin le plus obscur de l’âtre, un autre objet. Il regarda, et reconnut un sabot, un affreux sabot de bois le plus grossier, à demi brisé et tout couvert de cendre et de boue desséchée. C’était le sabot de Cosette. Cosette, avec cette touchante confiance des enfants qui peut être trompée toujours sans se décourager jamais, avait mis, elle aussi, son sabot dans la cheminée. C’est une chose sublime et douce que l’espérance dans un enfant qui n’a jamais connu que le désespoir. Il n’y avait rien dans ce sabot. L’étranger fouilla dans son gilet, se courba et mit dans le sabot de Cosette un louis d’or. Puis il regagna sa chambre à pas de loup."

Colette

Carl Larsson : roses de Noël (Hellebore)
 Sido, la mère de Colette est athée. On ne fête donc pas Noël chez elle .

"Il vous paraîtra étrange que mes Noëls d'enfant -là-bas on dit "nouel"- aient été privés du sapin frais coupé, de ses fruits de sucre, de ses petites flammes. Mais ne m'en plaignez pas trop, notre nuit du vingt quatre était quand même une nuit de célébration à notre silencieuse manière. Il était bien rare que Sido n'eut pas trouvé dans le jardin, vivaces, épanouies sous la neige, les fleurs de l'ellébore que nous appelions roses de Noël. En bouquet au centre de la table, leurs boutons clos, ovales, violentés par la chaleur du beau feu, s’ouvraient avec une saccade mécanique qui étonnait les chats et que je guettais comme eux.
Nous n’avions ni boudin noir, ni boudin blanc, ni dinde aux marrons, mais les marrons seulement, bouillis et rôtis, et le chef-d’œuvre de Sido, un pudding blanc, clouté de trois espèces de raisins – Smyrne, Malaga, Corinthe – truffé de melon confit, de cédrat en lamelles, d’oranges en petits dés.
Puis, comme il nous était loisible de veiller, la fête se prolongeait en veillée calme, au chuchotement des journaux froissés, des pages tournées, du feu sur lequel nous jetions quelque élagage vert qui crépitait sur la braise comme une poignée de gros sel...
Quoi, rien de plus ? Non rien. Aucun de nous ne souhaitait davantage, ne se plaignait."

Tove Jansson

Tove Jansson  : Noël


"Plus on est petit, plus Noël est important. Sous le sapin, Noël est énorme. C’est une jungle verte avec des pommes rouges et des anges tristes qui tournent sagement sur eux-mêmes au bout de leur fil et surveillant l’entrée de la forêt primitive. Celle-ci s’étend à l’infini dans les boules en verre. Grâce au sapin, à Noël, on se sent protégé de tout.
Noël est toujours empli de bruissements. Chaque fois, il y a des bruissements mystérieux avec du papier argenté, du papier doré, et du papier de soie, tout plein de papier brillant qui entoure tout et  dissimule tout, et donne l'impression que l'on peut gaspiller tant qu'on veut.
Parfois on se réveille la nuit et l'on entend le bruissement agréable que maman fait en emballant les cadeaux. Une nuit, elle a peint le poêle de petits paysages et des bouquets sur tous les carreaux jusqu'en haut.
Elle prépare des rennes en pain d'épice avec des têtes rigolotes, enroule les biscuits en forme de chat, avec un raisin de Corinthe au milieu du ventre. Lorsqu'elles sont arrivées en Suède, ces pâtisseries n'avaient que quatre pattes mais au fil des ans, elles en ont eu un nombre de plus en plus important, ce qui donnait aux chats un air sauvage et décoratif. " (recueil : L'art de voyager léger)

Carl larsson


Je suis en Creuse pour les fêtes avec mes enfants et petits-enfants. Je vous souhaite à toutes et à tous un joyeux Noël et beaucoup de joie.

A bientôt!

dimanche 15 décembre 2019

La citation du dimanche : Camus et le mythe de Sisyphe

Vedran Stimak, artiste croate  : Portrait de Camus, le mythe de Sisyphe (voir ici )
En analysant le mythe de Sisyphe, Albert Camus, l'un des maîtres de l'absurde,  écrit :

Tout au bout de ce long effort mesuré par l'espace sans ciel et le temps sans profondeur, le but est atteint. Sisyphe regarde alors la pierre dévaler en quelques instants vers ce monde inférieur d'où il faudra la remonter vers les sommets. Il redescend dans la plaine.
C'est pendant ce retour, cette pause, que Sisyphe m'intéresse. Un visage qui peine si près des pierres est déjà pierre lui-même. Je vois cet homme redescendre d'un pas lourd mais égal vers le tourment dont il ne connaîtra pas la fin. Cette heure qui est comme une respiration et qui revient aussi sûrement que son malheur, cette heure est celle de la conscience. A chacun de ces instants, où il quitte les sommets et s'enfonce peu à peu vers les tanières des dieux, il est supérieur à son destin. Il est plus fort que son rocher.
Si ce mythe est tragique, c'est que son héros est conscient. Où serait en effet sa peine, si à chaque pas l'espoir de réussir le soutenait ? L'ouvrier d'aujourd'hui travaille, tous les jours de sa vie, aux mêmes tâches et ce destin n'est pas moins absurde. Mais il n'est tragique qu'aux rares moments où il devient conscient. Sisyphe, prolétaire des dieux, impuissant et révolté, connaît toute l'étendue de sa misérable condition : c'est à elle qu'il pense pendant sa descente.
La clairvoyance qui devait faire son tourment consomme du même coup sa victoire. Il n'est pas de destin qui ne se surmonte par le mépris. (...)
" Je juge que tout est bien ", dit Œdipe, et cette parole est sacrée. Elle retentit dans l'univers farouche et limité de l'homme. Elle enseigne que tout n'est pas, n'a pas été épuisé. Elle chasse de ce monde un dieu qui y était entré avec l'insatisfaction et le goût des douleurs inutiles.
Elle fait du destin une affaire d'homme, qui doit être réglée entre les hommes.(...)
Je laisse Sisyphe au bas de la montagne ! On retrouve toujours son fardeau. Mais Sisyphe enseigne la fidélité supérieure qui nie les dieux et soulève les rochers. Lui aussi juge que tout est bien. Cet univers désormais sans maître ne lui paraît ni stérile ni fertile. Chacun des grains de cette pierre, chaque éclat minéral de cette montagne pleine de nuit, à lui seul, forme un monde.
La lutte elle-même vers les sommets suffit à remplir un cœur d'homme. Il faut imaginer Sisyphe heureux.


Voilà ce qui me donnait du courage quand j'étais jeune et que je lisais Albert Camus avec passion. J'avais appris ce passage par coeur et quand tout allait mal, je le "lisais" dans ma tête. Savoir que l'être humain est maître de sa vie, rejeter l'idée qu'il est le jouet des dieux et faire de la constatation de sa propre faiblesse, une raison d'être fort et d'espérer, oui, c'était exaltant. C'est exaltant ! Bon dimanche !

 

 Le mythe de Sisyphe dans l'art

Le Titien :  Sisyphe
Vase attique : le mythe de Sisyphe
Vase attique  : Sisyphhe
William Balke Sisyphe
Frantz Von Stuz : Sisyphe
Gilles Candelier : sculpture Sisyphe
Maguy Banq
Hervé Delmare

Charles Nadraos

On peut en rire aussi


J'aime aussi le détournement du mythe, tel que le réalise le photographe Gilbert Garcin qui met en scène des petites scènes pleines d'humour.

Gilbert Garcin  : il faut imaginer Sisyphe heureux
Gilbert Garcin : L'atelier de Sisyphe

Gilbert Garcin : La déception de Sisyphe
Et puis aussi :


Le proscratinateur Sisyphe voir ici




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