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samedi 29 juillet 2023

Le Moby Dick de Lina Lamara


 

 

Ishmael, est embauché chez les dockers du Havre en janvier 2002 en tant qu'ouvrier docker occasionnel (ODO). C'est sa première fois sur un port. Dans cet univers opaque et masculin, il se lie doucement d'amitié avec "les camarades" avant d'assister à la plus grande grève connue sur le quai et dans le monde. Cette crise des "ports-morts" devient symbole de barricade et le porte-conteneur, une bête immonde à abattre. Ishmael ne connaît rien au monde des dockers, il est pris en main par Koubiac, le plus paternel de la bande. Ishmael rencontre La Poigne, Chico, L'Aiguille, Le Grand, Sidi Saïd et le Capitaine Achab qui vient d'amarrer.
Ishmael rencontre ces personnalités dans un univers fascinant. On découvre leur monde, leur routine, leur culture. Être docker, c'est rentrer dans une famille et aimer son travail, sa besogne !
Des nouvelles mesures pour augmenter leur cadence et l'accident de l'un d'entre eux mettent le feu aux poudres. La solidarité des dockers étant sans égal, leur grève devient mondiale en un rien de temps. Les dockers bloquent les porte-conteneurs que le capitaine Achab compare à un cachalot immonde. Face à cet évènement, les transports de marchandises se multiplient par voie terrestre et aérienne. Les routes saturent pendant que la congestion des porte-conteneurs s'allongent sur les eaux.
Dans les médias, "le port mort" est le sujet principal. Passant pour de "simples râleurs", les dockers sont soudainement pointés du doigt et pris pour les responsables d’un fléau écologique sans nom. Les gouvernements trouvent dans cette crise, la réponse presque parfaite. "Docker, l’enfer !".
Les ouvriers se retrouvent coincés entre des civils en colère, les représentants de force de l'ordre et des médias prêts à faire sensation.
Les quais deviennent le bord de leur précipice, les conteneurs, leur prison.


 Mon avis : 

A partir d'un fait historique la grève des "ports morts" qui témoigne de la fin d'un monde où l'on n'a plus besoin de dockers mais d'ingénieurs pour conduire les machines - le spectacle intitulé Le Moby Dick de Lina Lamara qui est aussi à la mise en scène, nous offre un voyage entre deux :  réalité historique et sociale et littérature car cette grève qui se déroule à l'ombre fabuleuse du Moby Dick, sous la conduite du capitaine Achab, personnage réel ou échappé du roman de Melville, prend une dimension fantastique. 
 
En effet, les décors sont impressionnants!  L'immense container qui occupe le centre de la scène, démantelé par une équipe de comédiens, dockers aux gros bras plus vrais que nature, se transforme  tour à tour en échelles, grues de levage, échaffaudages et enfin navire gigantesque! 
 
 Une seule femme au milieu de ce monde masculin.
 
Angoisse du néant, indignation, désarroi de se sentir inutiles dans une mondialisation de l'économie qui n'a plus rien d'humain, peur du chômage, drames personnels... mais aussi amitié, solidarité, c'est tout cela que transmet ce texte. 
 
Et quand la troupe exécute une danse virile, emplie de colère sur une chorégraphie de Morgan L'Hostis,  orchestrée par des airs d'opéra, on a vraiment l'impression d'entrer dans une autre dimension et d'assister à une tragédie lyrique marquée par le destin.

 Un excellent spectacle !

 LES GEMEAUX

LE MOBY DICK

Horaire : 11h35

Lieu : Salle du Dôme

Relâches : 
Mercredis 12, 19 et 26/07

Durée : 1h20

De : Lina Lamara

Mise en scène : Lina Lamara

Avec : Alain Leclerc, Akim Chir, Adrien Bernard-Brunel, Alexis Desseaux, Alex Metzinger,

Valérie Zaccomer, Nicolas Soulié, Stéphane Titeca, Antonio Macipe, Pierre Benoist

Chorégraphies et assistanat à la mise en scène : Morgan L’hostis

ScénographieVincent Para et Nadia Lamara

Création lumière : Marie Ducatez

Musiques : Kenzy Lamara

Costumes : Virginie H.

Création visuelle : Philippe Sheraf

Régisseuse son : Marion Hennenfent

Production :  Compote de prod, 8256 Street et La Neuvième production

 

Soutiens : spectacle créé au Théâtre des Franciscains, ville de Béziers et à l'Espace 1500, ville d'Ambérieu en Bugey

vendredi 28 juillet 2023

Le huitième ciel de JeanPhilippe Daguerre, auteur et metteur en scène

 

Au théâtre actuel : Florance Pernel et Charlotte Matzneff

Agnès Duval a construit 27 buildings dans 27 pays d’Europe pour un immense groupe de BTP. Forte de sa « réussite » et de sa Légion d’honneur, elle décide de prendre une pré-retraite bien méritée pour profiter de la vie, de sa famille et de sa fortune. Mais une rencontre inattendue va faire voler en éclats son monde et ses convictions… et l’obliger à se réinventer.

Le huitième ciel est un spectacle réjouissant d'où l'on sort heureux et réconciliés avec la nature humaine. Ce qui n'arrive pas souvent ! Et cela fait du bien, pour une fois, une pièce qui ne broie pas du noir et qui adopte un point de vue optimiste. Agnès Duval, joliment interprétée par Florence Pernel, a passé sa vie à construire des buildings, a exercé le pouvoir que donnent l'argent et sa position sociale à la tête d'une entreprise. Peu importe les expropriés, les gens chassés de leur  maison, les passe-droits et autres exactions nécessaires pour réaliser son "oeuvre"... elle a réussi ! Aussi est-il difficile pour elle de se retrouver sur la touche lorsqu'elle prend une retraite anticipée qui la rejette dans le néant ! 
C'est peut-être le moment de se rendre compte qu'elle est passée à côté de sa fille et de son mari, qu'elle ne s'est intéressée à personne d'autres qu'à elle-même !  Si vous avez la chance de voir la pièce, vous saurez ce qui va provoquer sa prise de conscience ! 
La pièce est pleine d'humour et d'émotion. Tous les comédiens de la compagnie Babouchka ( Le voyage de Molière) incarnent avec sensibilité et brio de beaux personnages qui nous touchent et nous font rire.  Et tant pis pour ceux reprochent à la pièce ses "bons sentiments" puisqu'elle nous invite à gratter le ciel et nous donne de l'espoir !

   

LE HUITIEME CIEL  THEATRE ACTUEL 19H30

Distribution
Texte et mise en scène Jean-Philippe Daguerre
Interprétation Florence Pernel, Bernard Malaka, Charlotte Matzneff, Marc Siemiatycki, Antoine Guiraud, Tanguy Vrignault
Décor Juliette Azzopardi et Jean-Benoît ThibaudCostumes Alain BlanchotLumières  Moïse Hill 
Création musique et assistant mise en scène Hervé Haine
Production Le Théâtre Actuel – La Bruyère, Le Grenier de Babouchka, Le Théâtre de la Renaissance, RSC P, Théâtre Rive Gauche et Macal Prod

Photos © Grégoire Matzneff

 

mardi 25 juillet 2023

Julien Delpech et Alexandre Foulon : Les Téméraires

Les Téméraires

 

1894. L’affaire Dreyfus coupe la France en deux.

D’un côté, l’armée et l’État propageant des fausses rumeurs baignées d’antisémitisme ; de l’autre, Émile Zola et Georges Méliès.

L’un avec sa plume, l’autre avec la première caméra au monde, mais tous deux aidés par leurs incroyables femmes, s’engagent dans une lutte pour la vérité. Si la défaite semble toute tracée, leurs courages en auront décidé autrement.

Mon avis :
 
Une très belle pièce au théâtre des Gémeaux : le combat d'Emile Zola et celui de Méliès  contre l'injustice, l'intolérance et l'antisémiste. Téméraires, en effet, ils l'étaient ces deux hommes ! Ils firent tout, mettant leur confort, leur liberté et jusqu'à leur propre vie en jeu, pour faire reconnaître l'erreur judiciaire et le mensonge des tribunaux militaires qui ont innocenté sciemment le vrai coupable. Ils dénoncent, l'un par un film, l'autre par ces écrits, ce scandale d'Etat. Un grand moment d'émotion, ce qui n'empêche pas le rire car l'humour est bien présent ! On vibre en écoutant le fameux J'accuse! et on découvre avec intérêt des extraits du film de Méliès qui fut censuré en France mais qu'il put projeter partout en Europe et en Amérique. On rit en assistant, par exemple, au "tournage" du film de Méliès !
L'Histoire avec un grand H se mêle à celle plus intime de Zola qui mène une double vie, partagé entre son épouse, une femme étonnante, d'une grande force, sa maîtresse et les enfants qu'il eut d'elle.  
Ces beaux personnages, Zola, Méliès et le lieutenant-colonel Picquart ( Ce dernier a dénoncé le scandale pour innocenter Dreyfus), leurs femmes, nous touchent d'autant plus que l'interprétation est excellente, certains comédiens assumant plusieurs rôles avec autant de maîtrise. Une mention spéciale pour le comédien Stefane Dauch, qui incarne Zola. Une ingénieuse scénographie vient ajouter au plaisir du spectacle.

photo Grégoire Matzneff


Un coup de coeur !

 

THÉÂTRE LES GÉMEAUX

Horaire : 17h05

Lieu : Salle des Colonnes

Relâches : 
Mercredis 12, 19 et 26/07

Durée : 1h30

De : Julien Delpech et Alexandre Foulon

Mise en scène : Charlotte Matzneff

Assistée de : Manoulia Jeanne

Avec : Stéphane Dauch, Armance Galpin, Antoine Guiraud, Romain Lagarde, Barbara Lamballais
Sandrine Seubille, Thibault Sommain

Musique : Mehdi Bourayou

Costumes : Corinne Rossi

Lumières : Moïse Hill

Scénographie : Antoine Milian

Production : Marilu Production, Le Grenier de Babouchka, IMAO , Place 26

 

dimanche 9 juillet 2023

Fabrice Melquiot / François Ha Van : Kids à la Scala de Provence

 

Fabrice Melquiot, dramaturge

Présentation de la pièce

Une jeunesse fougueuse et brûlante ! Huit adolescents : le temps du siège de Sarajevo (1992-95), vont apprendre à (sur)vivre ensemble, au-delà de toutes considérations ethniques et religieuses, sorte de  « meute » plurielle, avec ses rivalités, ses complicités et ses rêves.
Mais voilà, le conflit touche à sa fin et il faut apprendre à vivre sans la guerre, sans couvre-feu, sans bombardements, libres, mais aussi sans repères.
Et si créer un spectacle pouvait tout sauver ?…

 

   Un très beau spectacle qui nous plonge au coeur de la guerre, à Sarajevo, mais cela pourrait être n'importe où, ailleurs..  Dans la ville ravagée, vivent ou plutôt survivent des enfants et adolescents orphelins. Ils se réfugient dans les caves, l'orphelinat ayant été détruit, hantés par les images de destruction, le souvenir de leurs parents morts sous les bombes ou sous les balles des snippers. Ils ont peur, ils ont faim, font la manche, volent, ils se battent, ils s'aiment, ils apprennent l'anglais pour donner un sens à leur vie, rêvent d'un futur. Peu à peu nous apprenons à les connaître, l'un après l'autre ou tous ensemble. Nous vivons leur désespoir, leur hantise de la mort, leur colère, leurs moments de tendresse, leur besoin d'être aimés...  Au bruit des explosions  répond la musique de la guitare électrique et les paroles tristes de la chanson : Why my Guitar is wheeping ?... Pourquoi ma guitare pleure-t-elle ? 

Pourtant, des éclaircies dans cette noirceur,  liées, en particulier au personnage de Sid, l'aîné de tous, qui accueillent, enseignent, défend les plus faibles et puis l'amour est toujours possible même s'il faut faire comprendre aux garçons ce qu'est la tendresse. Et l'on sourit parfois de la maladresse des adolescents lors de dialogues qui ne manquent pas d'humour.

Le texte est splendide, poignant, la mise en scène de François Ha Van joue avec l'espace pour  suggérer la violence des bombardements, la panique des adolescents, les mouvements de foule, le désir de fuite, d'évasion. Les comédiens sont tous excellents, vrais, et font naître l'émotion.

Je ne suis pas la seule à l'avoir apprécié. Ma petite-fille (13 ans ) l'a beaucoup aimé aussi.

Un spectacle à ne pas rater !

 

KIDS de Fabrice Melquiot
Du 7 au 29 juillet 2023 19H30



Relâches Les lundis 10 17 24  durée 1H05


De Fabrice Melquiot
Mise en scène François Ha Van
Avec Nathan Dugray, Montaine Frégeai, Axel Godard, Yann Guchereau, Hoël Le Corre, Sylvain le Ferrec, Julie Bulourde en alternance avec Lara Melchiori, Manon Preterre
Création musicale et interprétation live – Nathan Dugray


mardi 9 mai 2023

Nicolas Vanier : La Grande Course, dans l'enfer de la Yukon Quest

 


De temps en temps, j’aime lire les écrits de Nicolas Vanier et me replonger dans la neige, le froid polaire, les lacs gelés, les montagnes aux déclivités effrayantes et les exploits héroïques et surhumains ! C’est ce que j’appelle mon syndrome Jack London et James Curwood. Je suis tombée dans la potion magique de leurs livres presque à ma naissance et  j’y retourne sans cesse par un biais ou par un autre.

Dans ce récit intitulé la Grande course, Nicolas Vanier raconte sa participation à l’une des plus difficiles et des plus exigeantes courses de traîneaux du monde : dans l’enfer de la Yukon Quest !

26 participants qui sont les plus grands mushers (conducteurs de traîneaux) du monde, beaucoup d’accidents, beaucoup d’abandons, de nombreux chiens mis en repos dans les droppers (lieu où sont laissés les bêtes trop fatigués pour continuer sur décision des vétérinaires) .

Inutile de dire que j’ai aimé ! J’ai suivi avec intérêt toutes les étapes et les détails techniques de la course qui réclame des capacités physiques et intellectuelles des animaux comme de leur musher, endurance, rapidité, volonté, capacité d’analyse : Les chiens de tête sont capables de prendre la bonne décision en une fraction de seconde, de négocier un tournant dangereux, de choisir la bonne piste, d’éviter les nombreux pièges tendues par la neige ou le gel… Les obstacles à franchir malgré la fatigue obsédante, le manque de sommeil accumulé, le froid,  (des températures à -50°!) sont les étapes de cette course qui accumule les difficultés.

Ce que j’aime dans ce récit, c’est d’abord le rapport de Nicolas Vanier avec ses chiens, cet amour réciproque, cette compréhension mutuelle qui font qu’il est véritablement en communion avec eux. J’ai aimé que l’animal passe toujours avant le maître qui prend d’abord soin d’eux avant de s’occuper de lui-même  à chaque étape. J’ai aimé connaître le nom de chacun, les distinguer d’après leur caractère, leurs qualités et leurs faiblesses. Quand Nicolas Vanier s’interroge sur ce qui le pousse à s’infliger tant d’épreuves, à aller toujours aux limites de ses forces, et quand il se demande la même chose pour ses chiens, la réponse est la même pour l’homme comme pour les bêtes.

Jamais je n’ai senti une telle communion avec mes chiens, ressenti une telle harmonie. Leurs souffles font écho au mien. Leur fatigue est la mienne. Je suis une sorte d’archer qui fait vibrer les cordes d’un bel instrument, en osmose avec son orchestre, et dont aucune fausse note ne vient troubler la mélodieuse partition qu’ensemble nous écrivons sur le pupitre de cette course.

Et puis, bien sûr, il y a les paysages, la traversée du Kondklide avec les traces des chercheurs d’or et l’hommage de Nicolas Vanier à Jack London ( et oui, je sais, je ne  ne suis pas la seule ! ), les aurores boréales qui illuminent les nuits d’une beauté irréelle, les silhouette des loups qui mêlent leur voix à la lumière des cieux, une beauté à couper le souffle qui est une récompense aux souffrances endurées pendant la course.

Au cours de ses réflexions pendant cette longue course, Nicolas Vanier fait sienne cette phrase : « il vaut mieux accomplir sa vie que la rêver » , j’ai envie de lui répondre que oui, bien sûr, il a théoriquement raison mais… quand je me plonge dans ces récits d’aventures et de glace, moi qui aime tant la neige, les pays nordiques et qui suis si frileuse, si peu sportive, je me dis que c’est bien la vie, aussi, parce qu’on peut la rêver ! 

 

PS : les documents en annexe sont appéciables :  d'abord une carte qui permet se suivre l'itinéraire de Whitehorse à Fairbanks, puis le lexique du vocabulaire de la course, les dessins de l'attelage, les résultats de la course (à ne pas lire avant la fin du livre pour bénéficier du suspense !)  et des photos.

mercredi 1 mars 2023

Jean-Claude Carrière : La controverse de Valladolid

 


Jean-Claude Carrière a écrit La Controverse de Valladolid en 1992. Le téléfilm avec Jean Louis Trintignant, Jean Pierre Marielle et Jean Carmet fut réalisé la même année.

 

 

La pièce de théâtre mise en scène par Jacques Lasalle a été créée au théâtre de l'Atelier en 1999. C'est cette pièce que j'ai lue pour découvrir le texte.

 


Jacques Weber était Bartolomé de Las Casas

Lambert Wilson : Sépulvéda

Le légat : Bernard Verley

Le supérieur : Jena Philippe Puymartin

Le colon Nicolas Bonnefoy / L'indien l'indienne Fredi Rojas/ Patricia Romero. Le bouffon Hassans dit Sasso. Le serviteur : Jean-Claude Gob. L'enfant indien en alternance Amadas Vias, Fiorella Arza. Jose Luis Lasluisa


La controverse de Valladolid



La Controverse de Valladolid a eu lieu en 1550 et en 1551 devant un collège d'ecclésiastiques à la demande de Charles Quint. Elle s'est faite autour des positions opposées de deux hommes d'église Bartolomé las Casas et Juan Gines Sépulvéda. Mais si leurs opinions sont divergentes comme nous allons le voir, il faut d'abord savoir qu'ils s'accordent, en religieux et en hommes de leur temps, sur deux points fondamentaux au départ :

1) Avec Aristote, ils sont d'accord pour dire qu'il y a des hommes nés pour être esclaves, d'autres pour dominer.

Sépulvéda : Aristote l'a dit très clairement : certains espèces humaines sont faites pour régir et dominer les autres.

2) Que tous les peuples sont nés pour être convertis au christianisme qui est une religion universelle ; c'est ce que veut le Christ.

Sepulvada : N'est-il pas établi, n'est-il pas parfaitement certain que tous les peuples de la terre, sans exception, ont été créés pour être chrétiens un jour ?

Le but de la controverse, après avoir admis que les Indiens ont une âme, est de déterminer si ce sont des esclaves « naturels », c'est à dire selon la théorie d'Aristote, s'ils appartiennent à une race humaine naturellement inférieure, des hommes nés pour obéir, ce qui justifie la guerre de conquête, l'esclavage et la conversion par la force. C'est la théorie de Sépuvélda. Ou si, au contraire, ce sont des hommes qui ne sont pas naturellement esclaves et donc qui doivent être libres et convertis par la douceur. C'est ce que pense Las Casas et c'est pourquoi il refuse le mot « conquête »« Il évoque pour moi des entrailles éparpillées, des terres volées, des militaires triomphants. Je préfère «évangélisation», « civilisation.» Il préconise la conversion par la persuasion et l'exemple du Bien.

Que peuvent-ils penser d'un Dieu que les chrétiens, les chrétiens qui les exterminent, tiennent pour juste et bon ? affirme Las Casas

Sépulvéda répond:

Ces indiens sont des sauvages féroces ! Non seulement il est juste mais il est nécessaire de soumettre leur corps à l'esclavage et leur esprit à la vraie religion !

On ne sait pas si ces deux hommes se sont réellement rencontrés pendant la controverse et ont débattu en public. Ce qui est sûr, c'est qu'ils ont échangé des lettres et se sont opposés dans leurs écrits et que c'est sur les textes de chacun d'entre eux que le débat s'est engagé. Jean-Claude Carrière tranche en les mettant face à face dans son livre car s'il se tient au plus près de la vérité historique, ce qui est important pour lui, c'est la vérité dramatique. La pièce de théâtre retient donc ce face à face.

Bartolome de las Casa

 

Frère Bartolomé las Casas

Bartolome de las Casas (1484_1566) est un dominicain. Il a d'abord exploité une encomienda  avec des esclaves sur l'île d'Hispaniola puis de Cuba où il était aumônier des troupes espagnoles, ce qui l'a enrichi. En 1514, un verset de l'Ecclésiaste lui fait prendre conscience de l'indignité de la colonisation et de l'horreur de l'esclavage des indiens maltraités et convertis de force au christianisme.

Certes Bartolomé las Casas a d'abord profité de la colonisation des terres nouvelles par les Espagnols mais sa conversion est celle d'une homme de cœur, sincère, horrifié, luttant de toutes ses forces pour sauver les peuples autochtones. C'est pourquoi il parle avec émotion, indignation de la cruauté des Espagnols, des atrocités commises « de ce spectacle d'horreur et d'épouvante ». Il dénonce le génocide de cette population soumise aux pires exactions.

J'ai vu des espagnols prendre la graisse d'Indiens vivants pour panser leurs blessures ! Vivants ! Je l'ai vu ! J'ai vu nos soldats leur couper le nez, les oreilles, la langue, les mains, les seins des femmes, oui, les tailler comme on taille un arbre ! Pour s'amuser ! Pour se distraire !

Dès lors, depuis cette conversion, il ne cessera de lutter pour les indigènes et rédige à l'intention de Charles Quint un réquisitoire contre la colonisation des peuples d'Amérique latine  : Très brève relation de la destruction des Indes. Il soulève la grave question de la responsabilité des Espagnols et dénonce leur cupidité et leur cruauté.

Depuis, c'est tout ce qu'ils réclament ! De l'or ! De l'or ! Apportez-nous de l'or ! Au point qu'en certains endroits les habitants des terres nouvelles disaient : Mais qu'est-ce qu'ils font avec tout cet or ? Ils doivent le manger ! Tout est soumis à l'or, tout ! Ainsi les malheureux Indiens sont-ils traités depuis le début comme des animaux privés de raison.

Dès la conquête, sur ordre de Cortez, on les marquait au visage de la lettre G, au fer rouge, pour indiquer qu'ils étaient esclaves de guerre. On les marque aujourd'hui du nom de leur propriétaire.

    Juan Gines de Sepulvada (1490_1573)

Juan Gines Sépulvéda

Juan Gines de Sepulvada (1490_1573) est lui aussi un  homme d'église espagnol. Il devient prêtre en 1537. Il a fait ses études dans les universités de Cordoue et Bologne et s'est spécialisée dans la philologie. Ses oeuvres Histoire de la conquête du Nouveau Monde et Des Justes causes de la guerre font de lui le défenseur de la colonisation et de l'esclavage.

On tressera des couronnes à l'Espagne pour avoir délivré la terre d'une espèce sanguinaire et maudite. Pour en avoir amené certains au vrai Dieu. De leur avoir appris tout ce que nous savons. Et surtout, on reconnaîtra nos efforts pour faire apparaître la vérité !

On notera que Las Casas est un homme d'action, un voyageur, il est le seul qui dans la l'assemblée connaît les Indiens alors que Sépulvéda est un homme d'étude, qui n'est jamais allée aux Amériques. Il est chroniqueur de l'empereur et précepteur de l'Infant, le futur Philippe II d'Espagne. Seul Las Casas connaît le Nouveau Monde, lui seul connaît bien les Indiens. Sépulvéda parle donc des Indiens par ouïe dire et prête foi parfois aux rumeurs les plus fantaisistes, légendes et croyances sans fondement. Il fait preuve de préjugés.  Ainsi, il dénie aux indiens l'intelligence, les connaissances techniques, l'accès à l'art. Or Cortez lui-même en arrivant à Mexico a écrit au Roi qu'il n'a jamais rien vu d'aussi beau et d'aussi grandiose même en Espagne !

Le sauvage n'a pas le sens du beau, nous le savons. Esclave de naissance, l'accès à la beauté lui est par nature interdit.

Las Casas rétorque en montrant que, bien que païens, les indiens ne sont pas des hommes inférieurs mais des êtres intelligents, organisés en état. Ils montrent leur supériorité dans de nombreux domaines et ceci même sur la civilisation espagnole.

Et leur système d'irrigation ? Et leur écriture ? Et leur arithmétique ? Et leur habileté dans le dessin ? Et leur avancée dans la médecine, où ils savaient mieux lutter que nous contre la douleur ! Et leur connaissance du ciel, leur calendrier qu'on dit plus précis que le nôtre !

*

Las Casas a proposé une réforme au roi en commençant par demander la suppression des encomiendas, terres livrées aux colons avec ses habitants qui deviennent esclaves, il pose la question de la reconnaissance de ceux-ci comme hommes libres travaillant pour un salaire. Mais comme ces propositions vont à l'encontre des intérêts des colons et de la couronne d'Espagne, outre que ces nouvelles lois n'ont pas été appliquées la plupart du temps, cette défense des Indiens aboutira à une autre iniquité : l'esclavage des noirs pour travailler dans les colonies espagnoles d'Amérique !





samedi 25 février 2023

Anne-Marie Desplat-Duc : Sorcière blanche

 

Anne-Marie Desplat-Duc écrit Sorcière blanche pour un public adolescent à partir de 12 ans.

 Les ruelles de Rennes

1664 : Dans la première partie, Les ruelles de Rennes, l'héroïne Agathe de Préault-Aubeterre vit une enfance difficile avec sa mère et son frère Josselin pendant que son père croupit dans une prison de Rennes sur l'ordre de Louis XIV. Nous ne saurons que plus tard, en même que la fillette, les raisons de cet emprisonnement. Quoi qu'il en soit, c'est la misère pour la famille, Marie, la mère, qui a été demoiselle d'honneur de la reine Marie-Thérèse, aristocrate déclassée, a bien du mal à gagner sa vie. Heureusement, la demi-soeur de Marie, Françoise de Talhouet Séverac, propose de s'occuper des enfants et les accueille dans son château, dans la campagne bretonne. Là, la fillette reçoit de bons soins et se prend d'affection pour sa tante et son oncle avec qui elle vit en bonne entente. Là, elle fait connaissance d'une guérisseuse qui lui apprend qu'elle a un don de magie, et lui enseigne les plantes qui guérissent. D'abord inquiète de ce don qui pourrait être celui du Diable, Agathe finit par comprendre que c'est un don de Dieu et qu'elle l'a reçu pour faire le bien. Elle est une sorcière blanche !

Mais ses parents viennent mettre fin à cette vie paisible en réclamant leurs enfants pour les amener à Saint Domingue. Le père qui s'est enfui de prison cherche à se faire oublier de la cour et compte faire fortune dans la plantation de cannes à sucre avec son associé. Sur le bateau, l'adolescente et son frère font connaissance de deux enfants Marguerite et Samuel Guiraud qui fuient avec leur père pasteur, les persécutions contre les protestants. Mais lorsque le pasteur meurt en mer, les enfants, désormais orphelins, vont suivre la famille d'Agathe.

 Saint Domingue

Saint Domingue constitue la seconde partie du roman : Saint Domingue avec la chaleur accablante, lourde d'humidité, les centaines d'insectes qui piquent et rendent la vie insupportable, la découverte d'une végétation luxuriante et d'une faune étonnante :

Je découvris les palmiers échevelés, le feuillage vert tendre des bananiers, les petites balles de braise des orangers entourés d'un vol d'oiseaux -mouches et les nappes violettes de bougainvilliers.

La découverte aussi d'une habitation rudimentaire, une grande case carrée avec un toit couverte de feuilles de palme. Si la mère, frivole et mondaine, se désole de cette précarité, Agathe, elle, aura la chance d'être initiée aux secrets des plantes de l'île par un maître du vaudou et elle va utiliser son don de guérisseuse tandis que son frère rêve d'être pirate ! Marguerite et Samuel Guiraud vont être embauchés sur la plantation et travailler à côté des esclaves.

La jeune fille et sa mère finiront par retourner en France quand le père les abandonne. Josselin devient pirate !

  La Rochelle

La troisième partie s'intitule La Rochelle  et est assez étonnante surtout dans un roman pour de jeunes adolescents. La mère accouche d'un enfant noir qu'elle abandonne. Agathe s'occupe de son petit frère, le met en nourrice et pour payer sa pension accepte de se marier avec un « vieux » riche ! Finies les amourettes secrètes, elle qui en ado de 14 ans, tombait tout le temps amoureuse.

J'ai trouvé la fin bien pessimiste pour une littérature qui s'adresse aux jeunes adolescents. Pessimiste, non, plutôt conforme à la réalité de l'époque et aux mentalités. Pourtant, si ma petite fille lit ce livre, je suis sûre que ce dénouement la mettra en colère  !

Mais il y a une suite intitulée Pirate rouge qui raconte l'histoire de Josselin, le frère d'Agathe. Peut-être y retrouverons-nous Agathe ? Je me prends à rêver qu'elle échappe à ce mariage d'argent ! 

L'esclavage dans les plantations de sucre

Quand j'ai acheté ce livre pour ma petite fille, je ne savais pas qu'il allait m'entraîner de la France de Louis XIV à Saint Domingue et rejoindre ainsi le thème des minorités ethniques. Le roman est, en effet, un prétexte à la dénonciation de l'esclavage et raconte comment les noirs sont arrachés à leur village par d'autres tribus et vendus aux négriers. La récolte de la canne à sucre dans la plantation est extrêmement pénible. Samuel et Marguerite sont mieux traités que les noirs mais leurs souffrances nous révèlent les horribles conditions de travail des esclaves. Ils travaillent dix sept heures par jour et subissent des sévices corporels s'ils ne travaillent pas assez vite.

«  J'ai discuté un peu avec Sango, le fils de Doudou. Leurs conditions de vie sont encore plus misérables que les nôtres. Le maître a droit de mort sur eux, il peut les vendre comme... des moutons. » dit Samuel

Samuel et Madeleine prennent le parti des esclaves, assistent la nuit aux assemblées secrètes et rejoignent les esclaves marrons.

Voilà donc, par ce biais, avec ce livre pour enfants, une participation au rendez-vous sur les minorités ethniques d'Ingammic.




dimanche 12 février 2023

Alexis Jenni : La conquête des îles de la Terre Ferme

 

Le livre passionnant d'Alexi Jenni La conquête des îles de la Terre Ferme laisse la parole à un narrateur fictif, Juan de la Luna, qui raconte son histoire. C’est par un long retour en arrière que celui-ci, vieillissant, présente d’abord son enfance, celle d’un fils d’Hidalgo d’Estramadure presque aussi pauvre que ses paysans mais pétri d’orgueil et nourri de chevalerie. Un jeune garçon qui multiplie frasques et sottises avec les garnements de son âge, puis est envoyé dans un monastère où il apprend à aimer la lecture et où il devient presque moine. Presque, oui, car le voilà qui s’enfuit pour suivre une femme mariée, pècheresse tentatrice. Enfin, envoyé au diable, c’est à dire à Cuba, par le vieux mari de sa maîtresse, notre héros fait connaissance de Hernan Cortès et son récit finit par rejoindre la grande Histoire : celle de la conquête de l’empire aztèque. Le jeune homme que Cortès appelle Innocent  - et c’est vrai qu’il a encore l’innocence d’une jeunesse préservée de la violence dans un monastère -  devient son secrétaire et mieux son historien. 


Hernando Cortes (wikipedia)

Las de végéter dans cette île où il ne voit pas la couleur de l’or, Hernan Cortez décide de partir en levant une armée hétéroclite, d’aventuriers, d'hidalgos désargentés, de paysans, d’artisans, plus rarement de vrais soldats de métier. Ils sont cinq cents au départ, renforcés par des esclaves noirs, tous galvanisés par l’énergie et les paroles de Cortès. Ce dernier est un chef né, il a le discours qui fédère et suscite l’enthousiasme, le charisme qui draîne les sympathies, une volonté qui ne plie jamais et une assurance qui en impose. Il saura aussi se montrer ferme, impitoyable et dur pour maintenir la discipline. Bien décidée à faire fortune, la petite troupe embarque sur des vaisseaux armés par le gouverneur de Cuba pour découvrir de nouvelles îles. Ils accosteront bientôt sur la terre ferme d'abord chez les Mayas,sur les côtes du Yucatan,  puis au Mexique, pour le plus grand malheur de ceux qui y vivaient. 

 

carte du voyage de Hernando Cortés

 
Et là, on est sidéré et l’on se demande comment une troupe aussi peu nombreuse et constituée pour ainsi dire de bras cassés, a pu vaincre un empire si immense, si puissant, si organisé, et détruire une civilisation millénaire aussi raffinée que brillante.

Certes, les Espagnols pouvaient passer pour des Dieux aux yeux des autochtones. Ils avaient des vaisseaux, des armures, des chevaux, des chiens de guerre, des canons, mais ceci en nombre limité alors qu’ils devaient affronter des milliers d’hommes, des combattants innombrables aux techniques de guerre éprouvées. Certes, les conquérants sont aidés par les épidémies qu’ils propagent dans tout le royaume et qui déciment les populations mais dont ils sortent indemnes. Leur cupidité ainsi que la ferme conviction qu’ils possèdent la vraie foi et qu’ils doivent christianiser ces peuples dans l’ignorance les fanatisent.  De plus, ils ne peuvent plus revenir en arrière. Et pour cela Cortés fait brûler les navires sur la côte du Mexique rendant impossible tout idée de retour. Ils n’ont plus qu’un choix : vaincre ou mourir ! 

Pourtant ce qui est décisif et lorsque Cortès s’en aperçoit il saisit sa chance, c’est que les Aztèques et leur empereur Montezuma ont des ennemis. Les populations qu’ils ont vaincues comme les Totonaques ou le  Tlaxcaltèques doivent leur payer de lourds tributs aux Mexicas en jeunes gens pour les sacrifices humains et en récolte. Or, jouer sur la division est le plus sûr moyen de vaincre. Des milliers de combattants viennent rejoindre les conquistadors.

 

Calendrier solaire aztèque

Alexis Jenni n’est pas sans manier l’ironie et c’est un des plaisirs du roman, quand il met face à face les mentalités des deux peuples, soulignant ainsi l’avidité, l’appât du gain qui mènent les uns et le curieux sens de l’honneur des autres qui au regard des européens est d’une grande naïveté. Ainsi le plan de guerre de Montezuma pour chasser les Espagnols, stratagème que tous ces conseillers considèrent comme imparable, est celui d’humilier les ennemis en leur faisant des cadeaux somptueux :

« Offrons le grand soleil d’or et la lune d’argent qui sont prêts depuis que les premiers signes sont apparus (…) Ils sont peu nombreux, ils sont pauvres, ils sont démunis, ils errent sur des rivages qui ne sont pas les leurs. Ils ne sauraient être à la hauteur de nos cadeaux, ils ne pourraient que s’humilier en nous offrant un présent. Honteux, troublés, répétant jusqu’à perdre le souffle des remerciements, incapables de combler une telle dette, ils partiront. Ou ils s’offriront d’eux-mêmes en sacrifice. »

Or plus les cadeaux sont luxueux, plus s’accroît au contraire l’avidité des envahisseurs !

Incompréhension totale entre deux cultures : lndignation vertueuse des Espagnols devant cette terrible religion aztèque qui pratique des sacrifices humains, offre le coeur et le foie à manger aux Dieux, verse le sang pour faire avancer la course du soleil ! Mais eux-mêmes, Espagnols, bons catholiques brûlent vif leurs ennemis sur des bûchers comme le pratique leur église, les pendent à un gibet ou les humilient, ce qui est bien pire pour les indiens que d'être mangé !  Les uns trouvent que tous ces dieux serpent, dieu soleil … sont grotesques et ridicules, les autres restent dubitatifs devant un dieu unique mais qui est trois, un dieu qui a une mère toujours vierge !
Enfin, entre les Espagnols qui tuent et anéantissent leurs adversaires pour faire table rase et s’emparer de tous leurs biens et les Aztèques qui ménagent leurs ennemis pour pouvoir les taxer, on comprend que malgré leur incommensurable supériorité numérique les perdants n’étaient pas à même de triompher.
Et puis il y a la leçon que reçoit Innocent auprès de son maître Cortés, on ne peut régner que par la terreur et l’émerveillement mais la terreur d’abord, la terreur ! Au risque d’y perdre son âme. Et le roman se clôt sur des personnages vieillissants et désenchantés qui ont perdu ce qu’il y avait d’humain en eux.

"Je sais bien ce que je suis devenu. La toute-puissance exercée par certains hommes sur d'autres qui en sont dépourvus les rend ignobles."

Ce roman nous dit l’auteur raconte une histoire vraie mais avec "les menteries qui sont au coeur de tout roman". Et après tout quand les historiens eux-mêmes ne sont pas d’accord, c’est finalement la version romanesque qui a raison !

Il en résulte un récit prenant, foisonnant, avec des personnages, qui, s’ils ne sont pas obligatoirement sympathiques, sont hauts en couleurs, pittoresques, truculents, parfois terrifiants, que cela soit du côté des envahisseurs mais aussi des Aztèques, un roman épique qui nous raconte une histoire pleine de cruauté, de mouvement, de violence, villages incendiés, population massacrée, amoncellement de cadavres, flots de sang. Il y a de grands moments dans cette épopée, comme lorsque les conquistadors arrivent devant la ville extraordinaire de Mexico-Tenochtitlan,

"On nous logea dans un palais, il était immense, il était pour nous. Il fallut pour ça traverser toute la ville, et une heure durant nous dûmes marcher dans les rues sans en voir le bout, sans que s'interrompe jamais l'alignement continu des maisons, des palais, des temples, entrecoupés seulement d'autres rues perpendiculaires, de jardins plantés d'arbres, de canaux où les indiens debout sur des barques allaient comme dans des rues."

et qu'ils prennent conscience de leur petitesse :

"La foule sur la chaussée était telle, et l’Empereur si spectaculaire, et ses guerriers si impressionnants, face à nous si seuls au milieu des eaux, que je me dis à cet instant-là, en regardant la ville colossale où nous nous apprêtions à entrer, que nous étions allées trop loin et qu’à force de jouer habilement avec de mauvaises cartes Cortés finirait par perdre; et ce jour était peut-être arrivé, ce serait aujourd’hui, ou alors demain." 

Episodes épiques aussi, celle de leur fuite nocturne après la mort de Montezuma et la bataille homérique qui s’ensuit ou encore le transport des bateaux à dos d’hommes à travers les montagnes et la dernière bataille. Le roman nous offre aussi une réflexion sur la violence de la colonisation espagnole qui a tout sacrifié à l’appât de l’or et à la prétendue supériorité de sa religion.

Merci Ingammic pour ce livre que j'ai beaucoup aimé ! ICI