Jean-Claude Carrière a écrit La Controverse de Valladolid en 1992. Le téléfilm avec Jean Louis Trintignant, Jean Pierre Marielle et Jean Carmet fut réalisé la même année.
La pièce de théâtre mise en scène par Jacques Lasalle a été créée au théâtre de l'Atelier en 1999. C'est cette pièce que j'ai lue pour découvrir le texte.
Jacques Weber était Bartolomé de Las Casas
Lambert Wilson : Sépulvéda
Le légat : Bernard Verley
Le supérieur : Jena Philippe Puymartin
Le colon Nicolas Bonnefoy / L'indien l'indienne Fredi Rojas/ Patricia Romero. Le bouffon Hassans dit Sasso. Le serviteur : Jean-Claude Gob. L'enfant indien en alternance Amadas Vias, Fiorella Arza. Jose Luis Lasluisa
La controverse de Valladolid
La Controverse de Valladolid a eu lieu en 1550 et en 1551 devant un collège d'ecclésiastiques à la demande de Charles Quint. Elle s'est faite autour des positions opposées de deux hommes d'église Bartolomé las Casas et Juan Gines Sépulvéda. Mais si leurs opinions sont divergentes comme nous allons le voir, il faut d'abord savoir qu'ils s'accordent, en religieux et en hommes de leur temps, sur deux points fondamentaux au départ :
1) Avec Aristote, ils sont d'accord pour dire qu'il y a des hommes nés pour être esclaves, d'autres pour dominer.
Sépulvéda : Aristote l'a dit très clairement : certains espèces humaines sont faites pour régir et dominer les autres.
2) Que tous les peuples sont nés pour être convertis au christianisme qui est une religion universelle ; c'est ce que veut le Christ.
Sepulvada : N'est-il pas établi, n'est-il pas parfaitement certain que tous les peuples de la terre, sans exception, ont été créés pour être chrétiens un jour ?
Le but de la controverse, après avoir admis que les Indiens ont une âme, est de déterminer si ce sont des esclaves « naturels », c'est à dire selon la théorie d'Aristote, s'ils appartiennent à une race humaine naturellement inférieure, des hommes nés pour obéir, ce qui justifie la guerre de conquête, l'esclavage et la conversion par la force. C'est la théorie de Sépuvélda. Ou si, au contraire, ce sont des hommes qui ne sont pas naturellement esclaves et donc qui doivent être libres et convertis par la douceur. C'est ce que pense Las Casas et c'est pourquoi il refuse le mot « conquête »« Il évoque pour moi des entrailles éparpillées, des terres volées, des militaires triomphants. Je préfère «évangélisation», « civilisation.» Il préconise la conversion par la persuasion et l'exemple du Bien.
Que peuvent-ils penser d'un Dieu que les chrétiens, les chrétiens qui les exterminent, tiennent pour juste et bon ? affirme Las Casas
Sépulvéda
répond:
Ces indiens sont des sauvages féroces ! Non seulement il est juste mais il est nécessaire de soumettre leur corps à l'esclavage et leur esprit à la vraie religion !
On ne sait pas si ces deux hommes se sont réellement rencontrés pendant la controverse et ont débattu en public. Ce qui est sûr, c'est qu'ils ont échangé des lettres et se sont opposés dans leurs écrits et que c'est sur les textes de chacun d'entre eux que le débat s'est engagé. Jean-Claude Carrière tranche en les mettant face à face dans son livre car s'il se tient au plus près de la vérité historique, ce qui est important pour lui, c'est la vérité dramatique. La pièce de théâtre retient donc ce face à face.
Bartolome de las Casa
Frère Bartolomé las Casas |
Bartolome de las Casas (1484_1566) est un dominicain. Il a d'abord exploité une encomienda avec des esclaves sur l'île d'Hispaniola puis de Cuba où il était aumônier des troupes espagnoles, ce qui l'a enrichi. En 1514, un verset de l'Ecclésiaste lui fait prendre conscience de l'indignité de la colonisation et de l'horreur de l'esclavage des indiens maltraités et convertis de force au christianisme.
Certes Bartolomé las Casas a d'abord profité de la colonisation des terres nouvelles par les Espagnols mais sa conversion est celle d'une homme de cœur, sincère, horrifié, luttant de toutes ses forces pour sauver les peuples autochtones. C'est pourquoi il parle avec émotion, indignation de la cruauté des Espagnols, des atrocités commises « de ce spectacle d'horreur et d'épouvante ». Il dénonce le génocide de cette population soumise aux pires exactions.
J'ai vu des espagnols prendre la graisse d'Indiens vivants pour panser leurs blessures ! Vivants ! Je l'ai vu ! J'ai vu nos soldats leur couper le nez, les oreilles, la langue, les mains, les seins des femmes, oui, les tailler comme on taille un arbre ! Pour s'amuser ! Pour se distraire !
Dès lors, depuis cette conversion, il ne cessera de lutter pour les indigènes et rédige à l'intention de Charles Quint un réquisitoire contre la colonisation des peuples d'Amérique latine : Très brève relation de la destruction des Indes. Il soulève la grave question de la responsabilité des Espagnols et dénonce leur cupidité et leur cruauté.
Depuis, c'est tout ce qu'ils réclament ! De l'or ! De l'or ! Apportez-nous de l'or ! Au point qu'en certains endroits les habitants des terres nouvelles disaient : Mais qu'est-ce qu'ils font avec tout cet or ? Ils doivent le manger ! Tout est soumis à l'or, tout ! Ainsi les malheureux Indiens sont-ils traités depuis le début comme des animaux privés de raison.
Dès la conquête, sur ordre de Cortez, on les marquait au visage de la lettre G, au fer rouge, pour indiquer qu'ils étaient esclaves de guerre. On les marque aujourd'hui du nom de leur propriétaire.
Juan Gines de Sepulvada (1490_1573)
Juan Gines Sépulvéda |
Juan Gines de Sepulvada (1490_1573) est lui aussi un homme d'église espagnol. Il devient prêtre en 1537. Il a fait ses études dans les universités de Cordoue et Bologne et s'est spécialisée dans la philologie. Ses oeuvres Histoire de la conquête du Nouveau Monde et Des Justes causes de la guerre font de lui le défenseur de la colonisation et de l'esclavage.
On tressera des couronnes à l'Espagne pour avoir délivré la terre d'une espèce sanguinaire et maudite. Pour en avoir amené certains au vrai Dieu. De leur avoir appris tout ce que nous savons. Et surtout, on reconnaîtra nos efforts pour faire apparaître la vérité !
On notera que Las Casas est un homme d'action, un voyageur, il est le seul qui dans la l'assemblée connaît les Indiens alors que Sépulvéda est un homme d'étude, qui n'est jamais allée aux Amériques. Il est chroniqueur de l'empereur et précepteur de l'Infant, le futur Philippe II d'Espagne. Seul Las Casas connaît le Nouveau Monde, lui seul connaît bien les Indiens. Sépulvéda parle donc des Indiens par ouïe dire et prête foi parfois aux rumeurs les plus fantaisistes, légendes et croyances sans fondement. Il fait preuve de préjugés. Ainsi, il dénie aux indiens l'intelligence, les connaissances techniques, l'accès à l'art. Or Cortez lui-même en arrivant à Mexico a écrit au Roi qu'il n'a jamais rien vu d'aussi beau et d'aussi grandiose même en Espagne !
Le sauvage n'a pas le sens du beau, nous le savons. Esclave de naissance, l'accès à la beauté lui est par nature interdit.
Las Casas rétorque en montrant que, bien que païens, les indiens ne sont pas des hommes inférieurs mais des êtres intelligents, organisés en état. Ils montrent leur supériorité dans de nombreux domaines et ceci même sur la civilisation espagnole.
Et leur système d'irrigation ? Et leur écriture ? Et leur arithmétique ? Et leur habileté dans le dessin ? Et leur avancée dans la médecine, où ils savaient mieux lutter que nous contre la douleur ! Et leur connaissance du ciel, leur calendrier qu'on dit plus précis que le nôtre !
*
Las Casas a proposé une réforme au roi en commençant par demander la suppression des encomiendas, terres livrées aux colons avec ses habitants qui deviennent esclaves, il pose la question de la reconnaissance de ceux-ci comme hommes libres travaillant pour un salaire. Mais comme ces propositions vont à l'encontre des intérêts des colons et de la couronne d'Espagne, outre que ces nouvelles lois n'ont pas été appliquées la plupart du temps, cette défense des Indiens aboutira à une autre iniquité : l'esclavage des noirs pour travailler dans les colonies espagnoles d'Amérique !
Hé oui, l'affaire s'est rabattue sur les africains...
RépondreSupprimerOui, c'est horrible !
SupprimerFigure-toi que je n'ai jamais lu ce classique, alors que je suis persuadée qu'il est passionnant.... très belle idée de proposition !
RépondreSupprimerOui, très intéressant mais cela m'a donné envie de voir la pièce mais aussi le film que je n'ai jamais vu !
Supprimerje voulais le lire pour mon dernier voyage en Espagne, je n'ai pas pris le temps, il faudrait !
RépondreSupprimerC'est à lire, c'est sûr ! Mais tu as bien du temps devant toi pour cela !
SupprimerJ'ai trouvé le film très long et statique mais la pièce de théâtre est passionnante !
RépondreSupprimerJ e n'ai pas vu le film mais il m'intéresse à priori pour les fabuleux comédiens qui interprètent les personnages.
Supprimerun grand classique qui m'avait à l'époque amené à lire plus avant sur la conquête espagnole
RépondreSupprimerJe venais juste de lire celui de Jenni sur la conquête des îles de la terre ferme du par Cortès. j'ai aussi acheté Très brève introduction de la destruction des îles de Bartolome de las Casas. Pas encore lu !
SupprimerSi le fond fait frémir encore maintenant, le film est excellent, les acteurs hors pair. On s'y croit...
RépondreSupprimerJe pense que c'est par le téléfilm de 1992 que j'avais en premier pris contact avec cette oeuvre...
RépondreSupprimer(s) ta d loi du cine, "squatter" chez dasola