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lundi 18 janvier 2016

Elizabeth McGregor : la jeune fille au miroir vert



Le titre du livre de Elizabeth McGregor La jeune fille au miroir vert fait allusion à un personnage d’un étrange tableau de Richard Dadd, peintre de l’époque victorienne, intitulé The fairy feller’s master stroke.

Cet artiste est en fait au centre du roman : on le voit peindre dans l’asile où il est enfermé, c’est lui qui rapproche, dans le présent, les deux personnages, Catherine et John, unis par l’amour de l’art.
Catherine, en effet, est une experte en art, à la recherche de tableaux et d’objets pour sa galerie de vente. L’engouement de Catherine pour Richard Dadd  a son origine dans une visite à la Tate Galery quand elle aperçoit le tableau dont le personnage donne son titre au roman. Elle devient, au cours de ses études, une spécialiste de Richard Dadd.
Peu après son divorce elle rencontre John, un architecte, dont elle va tomber amoureuse. Lui aussi a des liens profonds avec le peintre victorien. Le personnage détient des secrets sur Dadd, ce qui va permettre de piquer la curiosité de Catherine et aussi du lecteur. 

Le roman est construit en alternance entre le présent et l’époque victorienne qui permet de découvrir la vie et l’oeuvre de cet artiste hors norme.

Richard Dadd

Photo de Richard Dadd à l'asile
Photo de Richard Dadd à l'asile

Richard Dadd, atteint de troubles mentaux, a passé la majeure partie de sa vie dans un asile où il a été interné en 1844 après avoir tué son père. Il obéissait à la voix d’Osiris qui lui ordonnait de le tuer. C’est à l’asile qu’il a continué son oeuvre. Il y peint des personnages étranges du monde des fées et du Petit Peuple mais aussi des portraits, des scènes illustrant les pièces de Shakespeare, des paysages, souvenirs de ce voyage en Orient, en particulier en Egypte, d’où il n’est revenu que pour sombrer dans la folie. Toute son oeuvre porte l’empreinte du meurtre initial et reflète l’univers mental qui est le sien, soit qu’il cherche à s’en échapper, soit que ses fantasmes et ses visions le hantent.

Le roman est un témoignage de la vie dans un asile dans le milieu du XIX siècle et de l’impuissance de la psychiatrie qui n’en est qu’à son balbutiement. Le bain froid qui laisse le malade transi et à moitié noyé est une  thérapie bien inefficace mais est une des moindres violences que subit Richard Dadd. Dans le premier établissement, il est enfermé dans une cage, la nuit, et laissé pendant la journée, entassé avec tous les autres, dans un couloir long de trente mètres éclairé seulement pas une fenêtre à chaque extrémité!
« Prisonnier de ces cages résonnant de hurlements, de ce labyrinthe de couloirs et de cellules où divaguaient les âmes, profitant du rai de lumière qui tombait de minuscules fenêtres placées haut sur le mur, Dadd a peint la Syrie, Louxor, Damas. »
C’est aussi à une plongée dans l’oeuvre de cet artiste, à l’analyse de ses tableaux, que Elizabeth McGregor nous convie. Elle met en lumière les relations entre la maladie mentale du peintre et les thèmes qui le hantent.
 Pour ma part, c’est cet aspect du roman que j’ai vraiment apprécié. L’histoire du couple contemporain m’a moins intéressée si ce n’est dans leurs rapports avec l’artiste victorien.

De quelques tableaux commentés par Elizabeth McGregor

The fairy feller’s master stroke.

Londres Richard  Dad : The fairy feller’s master stroke.  Tate gallery
Richard  Dad : The fairy feller’s master stroke.
C’était un petit tableau, d’une trentaine de centimètres environ,  d’un vert intense, intitulé The fairy Feller’s Master Stroke. Juste sous le centre du tableau se tenait un homme de dos, qui soulevait une hache. Par terre devant lui, on distinguait une tache ovale au-dessus de laquelle la lame de la hache dessinait un rectangle doré, l’un des seuls détails de vert et brun.
 Parmi elle on distinguait des pirates, des nains, des libellules, des visages et des mains difformes; des pieds minuscules, des jambes grotesques, des ailes repliées dans le dos de certains personnages. Des satyres embusqués dans le sous-bois touffu : un homme assis presque sous la lame. Des courtisans de toute espèce -insectes, êtres humains- étaient réunis autour d’un couple royal.
Elle relut le titre.  The fairy Feller’s Master Stroke. Le coup de maître du coupeur de fées.
L’espace d’un instant, elle se demanda si le vieil homme était la victime, avant d’apercevoir la forme sombre sur le sol. C’était une noisette ou une faine placée de sorte que la hache la casse en deux en tombant. Coup de maître, en effet, que de la fendre en un seul geste.




Richard  Dad : The fairy feller’s master stroke.détail
Richard  Dad : The fairy feller’s master stroke.détail

Hatred et Murder

Richard Dadd : Murder   Caïen terrassant Abel
Richard Dadd : Murder

 Il avait peint ces deux esquisses à quelque séjours d’intervalle. Elles étaient inséparables, mêlées, attachées l’une à l’autre dans son esprit. Murder, le meutre, avait été facile à peindre. Son pinceau courait sur la toile. Caïn se tenait au-dessus du corps d’Abel, un bâton à la main, leur deux corps n’en faisant pratiquement qu’un.
Richard Dadd  : Hatred

 Voici de quoi il n’avait jamais pu parler, pas même à Mr Hood qui s’était montré si compréhensif pour son travail. Son père et lui étaient unis comme les deux frères de la bible, une union scellée à jamais par un moment terrible.  Il se tenait au-dessus du corps de son père, attaché à lui à plus d’un titre par les liens du sang.  Il pensait souvent à cela : la main sur le poignard, le poignard contre la gorge. 
Ainsi vont les liens familiaux : étrangler, unir, tuer.



 

Contradiction

Richard Dadd : Contradiction détail la reine Titiana
Richard Dadd : Contradiction (détail) Titiana
Il n’arrivait pas à l’aimer. Sa Titiana était statique, bouffie d’avidité, repue de désir physique. (…) Elle incarnait la colère, était au coeur du différent entre le roi et la reine des fées. Il la détestait avec de plus en plus de force, éprouvait un besoin grandissant de se libérer d’elle. Et pourtant elle vivait là au centre de son esprit, vêtue d’une robe jaune d’or et d’une cape à traîne et incarnait toutes les difformités, tous les détails, tous les objets qui étaient venus le posséder. Il voulait se libérer d’elle. Il voulait se précipiter dehors et respirer l’air frais.

Richard Dadd : Contradiction
Richard Dadd : Contradiction

La vie de Richard Dadd

Richard Dadd

  "Richard Dadd est né à Chatham, Kent, en Angleterre. Son père était un chimiste. Ses dons pour le dessin s dès son plus jeune un âge, l'a conduit à l'Académie royale des beaux-arts à l'âge de 20 ans. Avec William Powell Frith, Augustus Egg, Henry O'Neil et d'autres, il fonde La Clique, dont il a été généralement considéré comme le principal talent.

En juillet 1842, Sir Thomas Phillips, l'ancien maire de Newport, a choisi Dadd pour l'accompagner, en tant que rapporteur, lors d'une expédition de l'Europe à la Grèce, Turquie, sud de la Syrie et enfin l'Egypte. En novembre de la même année, ils ont vécu une épuisante  expérience de deux semaines dans le sud de la Syrie, passant de Jérusalem à Jordan et retour à travers le désert d'Engaddi. Vers la fin de décembre, alors qu'il voyageait le Nil en bateau, Dadd a subi un changement de personnalité dramatique,  délirant et devenant de plus en plus violent. Il  croyait être sous l'influence du Dieu égyptien Osiris lui-même. Son état a été d'abord fait penser à coup de soleil.
À son retour au printemps 1843, il a été diagnostiqué comme sain d'esprit et a été accueilli par sa famille pour un repos dans le village de campagne de Cobham, Kent. En août de la même année, après avoir acquis la conviction que son père était le diable, Dadd le tua avec un couteau et s'enfuit pour la France. En route vers Paris, Dadd a tenté de tuer un autre touriste avec un rasoir, mais a été maîtrisé et arrêté par la police. Dadd avoue le meurtre de son père, est ramené en Angleterre, où il est enfermé  au département criminel de l'hôpital psychiatrique de Bethlem (également connu sous le nom de Bedlam). Là, puis à l'hôpital de Broadmoor nouvellement créé, Dadd a été pris en charge et encouragé à continuer la peinture par les Drs William Wood et Sir W. Charles Hood, médecins éclairés.
Dadd souffrait probablement d'une forme de schizophrénie paranoïde. Il semble avoir été génétiquement prédisposé à la maladie mentale ; deux de ses frères et sœurs étaient atteints de la même façon, alors qu'un troisième avait « un accompagnateur privé » pour des raisons inconnues." (source : wikipédia)

études de son  voyage en Orient

dimanche 8 novembre 2015

Shakespeare : Richard III/ Looking For Richard Al Pacino

Au centre le crâne de Richard III, à gauche un portrait, à droite une reconstitution d'après le crâne (source Télérama)

Richard III est l’oeuvre la plus jouée de toutes les pièces de Shakespeare, et, ce qui est étonnant,  plus même que Hamlet.
C’est  pourtant une  pièce difficile que j’ai essayé de lire plusieurs fois et devant laquelle j’ai calé avant de la voir cet été au festival d’Avignon dans une mise en scène d'Ostermeier qui m’a permis de comprendre les plus grands enjeux de l'oeuvre.
 Richard III ( 1591 ou 1592) est la dernière pièce d'une tétralogie dont trois volets sont consacrés  à Henri VI. 

 Looking for Richard

Looking for Rcihard : Al Pacino interprète du roi Richard
Difficile? C’est de ce constat que part Al Pacino dans son film Looking for Richard lorsqu’il s’aperçoit après avoir interprété la première scène devant des étudiants que ceux-ci n’ont pas saisi le sens profond du texte. Commence alors une passionnante "explication" de la pièce, pleine d’intelligence et de finesse, qui nous permet de découvrir la période historique (l'une des plus grandes difficultés) et l’enjeu de l’intrigue mais aussi les motivations des personnages, les sentiments qui les animent… Si vous voulez comprendre cette pièce par l’intérieur, commencez par voir ce film génial, et ceci d’autant plus que chaque personnage fait l’objet d’une réflexion, de propositions émises par le metteur en scène ou l’acteur lui-même, et, cerise sur le gâteau, est interprété par des comédiens tous excellents. Voir chez Wens pour le film ICI

La guerre des deux roses 

La guerre des deux Roses Henry Arthur Payne (1868_1940)

 « Now is the winter of our discontent /Made glorious summer by the sun of York »
« Voici l’hiver de notre déplaisir mué en radieux été par le soleil d’York »

Al Pacino part des premiers vers qui ouvrent la scène 1 de l'acte I pour situer l’intrigue historique : La guerre des Roses (l’hiver de notre déplaisir) qui a divisé le pays et opposé les Lancaster et les York vient de se terminer par la victoire des York (le soleil d’York). Richard III  conte la dernière bataille de cette guerre civile. 
Au début de l'action, le roi Edouard IV est en train de mourir et les membres de la famille se déchirent déjà pour savoir à qui appartiendra le pouvoir, une lutte intestine mesquine, sordide et sanguinaire..
Richard de Gloucester, frère du roi, qui deviendra Richard III, décide que ce sera lui. Au début de la pièce l’on sait qu’il a déjà assassiné Henri VI et le fils de celui-ci Edouard. Il ne va donc pas s’arrêter en chemin et pour cela il doit éliminer tous ceux qui l’empêchent d’accéder au trône : son frère Clarence, ses neveux, Edouard, héritier légitime de la couronne, et Richard, tous deux âgés respectivement de 12 et 9 ans; lord Hastings qui lui tient tête, Buckingham… et bien d’autres encore. Il lui faut aussi se choisir une reine, lady Anne, dont il a tué le père et l’époux.  Son ambition satisfaite, il se retrouve isolé, sans amis, et succombera dans la bataille qui l’oppose à Henry, comte de Richmond, qui devient roi sous le nom de Henri VII et fonde la dynastie des Tudor.

La pièce se termine sur des vers qui célèbrent la grandeur des Tudor et d'Elizabeth et la fin de la guerre civile.  Acte V scène 5

Nos blessures civiles sont fermées, la paix revit: puisse-t-elle parmi nous longtemps vivre avec l’amen de Dieu!

Le pouvoir de la conscience 


Dans cette mise en scène Al Pacino  met en relief un thème -en plus de celui du pouvoir et de la corruption qui vont de pair avec l’hypocrisie et la traîtrise : celui de la conscience.
Le thème apparaît avec les deux assassins  dépêchés à la Tour de Londres pour tuer Clarence. Mais si la conscience a un pouvoir, celui-ci est bien limité car il ne tient pas face à une bourse bien pleine.
« Je ne veux plus avoir affaire à elle : elle vous acouardit son homme : un homme ne peut voler sans qu’elle l’accuse; un homme ne peut sacrer sans qu’elle l’arrête; un homme ne peut plus coucher avec la femme de son voisin sans qu’elle le surprenne .»
Car tout homme est achetable affirme Shakespeare mais où se situe la limite de chacun?Ainsi le duc de Buckingham est un complice complaisant, retors, au service de Richard, moyennant la promesse de hautes récompenses. Pourtant il a une limite. Il refuse l’assassinat des enfants. (Acte IV scène2) 
Le roi Richard :
- Dis-moi tombes-tu d’accord qu’ils doivent mourir?
Buckingham
- Donnez-moi quelque répit... Le temps de souffler, cher seigneur, avant de me déclarer positivement en ceci : je vous répondrai sans faute tout à l’heure.
Cette hésitation scellera sa perte.

Et Richard III, lui-même, finit par être rattrapé par sa conscience dans la scène du rêve de l’acte V scène 3
« Ma conscience a mille langues diverses et chaque langue raconte une autre histoire et chaque histoire me condamne comme un scélérat. Le parjure, le parjure au plus haut degré; le meurtre, l’implacable meurtre au plus fatal degré; tous les péchés, et commis à tous les degrés, se pressent à la barre, criant tous : « coupable! coupable! »



Le squelette de Richard III : (source Télérama)

On sait que Shakespeare a noirci le portrait de Richard III, d’abord pour des raisons dramatiques : Il a exagéré sa difformité pour montrer symboliquement la laideur intérieure du personnage. De plus, sa disgrâce physique qui l’isole et le fait souffrir peut expliquer sa cruauté. Mais il faut savoir aussi que la biographie de Richard III a été faite pas ses ennemis les Tudor qui l’ont peint sous les traits d’un monstre. Du temps d’Elizabeth, évidemment, ce portrait s’était imposé et Shakespeare n’avait pas intérêt à contrarier la souveraine!

Voir aussi cette article de Télérama ICI sur le squelette de Richard III retrouvé sous un parking à Leicester en 2012, découverte qui a permis de répondre à bien des questions sur la santé du roi. On voit sur cette photo parue dans Télérama que le roi souffrait d'une sévère scoliose!

 La réplique la plus célèbre de la pièce

To be or not to be est la réplique la plus célèbre de Hamlet mais celle de Richard III ne l'est pas moins!
Dans l'acte V scène 4, au Au cours de la bataille de qui l’oppose au futur Henri VII, fondateur de la dynastie des Tudor, le cheval de Richard III est tué; Le roi combat, seul, et à pied et s'écrie :  

Un cheval! Un cheval! Mon royaume pour un cheval!



Théâtre : Shakespeare : Richard III
 Film : Al Pacino : Looking for Richard  interprète du rôle titre Al Pacino

Vous avez tous trouvé l'auteur mais il y a une erreur sur la pièce et plusieurs sur le film.  (non ce n'était pas Hamlet mais c'est vrai que l'on pouvait s'y tromper car le personnage de l'usurpateur est fréquent dans le théâtre shakespearien)
Merci à vous tous : Aifelle, Asphodèle, Dasola, Eeguab, Keisha, Miriam,  Syl, Thérèse.




samedi 18 juillet 2015

Antoine et Cléopâtre de Tagio Rodrigues


Antonio et Cleopatra ; photo Christophe Raynaud de Lage source

Antonio et Cléopatra est un grand poème écrit par Tiago Rodrigues, auteur et metteur en scène portugais, d’après la pièce de Shakespeare et La vie des hommes célèbres de Plutarque.
En lisant l’interview de Tiago Rodrigues sur sa pièce, j’avoue que le discours philosophique du metteur en scène sur la dimension cosmogonique de sa création, sur son refus de jouer sur les grands sentiments… m’a fait peur! Peur, oui, de me retrouver  face à un spectacle où ne passerait aucune émotion et où la réflexion intellectuelle assècherait le ressenti. Disons le tout de suite, il n’en est rien!

Dans les première instants de la représentation, Antoine parle de Cléopâtre et Cléopâtre d’Antoine mais ils ne sont pas présents, pas ensemble! Côte à côte sur la scène, oui, mais non dans leur histoire. Ils existent pourtant grâce aux gestes des comédiens, Sofia Dias et Vitor Roriz, qui sont aussi des danseurs et dont les bras levés, les mains appuyées sur le vide, semblent dessiner les formes de l’autre. Séparés, ils racontent et les mots du poème, commencent : « Antoine respire, Cléopâtre respire. ». J’ai alors pensé que ces répétitions risquaient de devenir bien vite ennuyeuses mais les phrases se déroulent, incantatoires, et happent, et fascinent. On se sent emporté par cette litanie, peut-être d’autant plus forte qu’elle se déroule en portugais (le spectacle est surtitré) et que les sonorités étrangères résonnent, un peu ésotériques, une musique qui s’insinue en nous.
Et l’histoire d’Antoine et de Cléopâtre nous est racontée, une belle histoire d’amour entre deux êtres que leur grandeur et leur pouvoir vont séparer. Antoine représente Rome, il sera accusé de trahison, de lâcheté, il se pliera un instant au jeu politique en acceptant d’épouser Octavie, la soeur de César- Octave mais il reviendra vers Cléopâtre. La Reine d’Egypte défend son pays mais elle ne peut se défaire de son amour pour le général romain. Dès lors, ils se retrouvent face à face, ensemble sous le regard des autres, dans un espace qui se réduit jusqu’à ne plus pouvoir respirer, ils sont condamnés; d’où l’importance des mots : « Antoine respire, Cléopâtre respire. » jusqu’à l’agonie finale, difficile, longue, la mort qui est la seule issue, le moment suprême où la respiration cesse.
Beaucoup d’émotion passe dans ces jeux de scènes, dans ces mots qui reviennent et qui chantent et qui pleurent. Ce qui est étonnant, c’est cette manière subtile de nous faire sentir le sable du désert, l’eau tiède du Nil ; de nous faire voir la bataille navale, ces vaisseaux romains et égyptiens qui s’affrontent; de faire vivre des personnages qui n’apparaîtront jamais sur scène mais qui par l’intermédiaire des comédiens existent à nos yeux : Enobarbus, le fidèle d’Antoine et qui pourtant le trahira, l’eunuque de Cléopâtre fasciné par la beauté de sa maîtresse, le messager, personnage d’une force extraordinaire, qui vient annoncer le mariage d’Antoine et sait qu’il en mourra mais ne peut mentir à sa reine.
La scénographie sobre, aux lignes pures, contribue à la beauté du spectacle et donne un sens profond à cette tragédie individuelle :  une grande toile, le ciel, où se reflètent les lumières du lever de soleil, du jour et de la nuit, un mobile avec de grands disques colorés et changeants qui tournent dans l’espace représentant le mouvement des planètes, l’inexorable passage du temps, la petitesse de l’homme face à l’univers.
Un spectacle d’une grande beauté, un spectacle envoûtant!

PS
Et si je n’ai pas aimé la mise en scène du Roi Lear par Olivier Py, je peux dire que j’aime sa programmation en tant que directeur du festival d’Avignon.


jeudi 16 juillet 2015

Richard III de Shakespeare/Ostermeier

Lars Eidinger dans Richard III (source)

Je n’avais jamais vu Richard III sur scène et j’ai toujours eu des difficultés à lire la pièce. Aussi la mise en scène de Thomas Ostermeier est une belle surprise, une véritable réussite théâtrale. C’est avec aisance que l’on entre dans cette intrigue touffue, pleine de personnages, d’intrigues complexes, tant le metteur en scène a l’art d’éclairer notre lecture, de dévoiler l’essentiel, de nous mettre au coeur du drame, au coeur de l’humain. Ici pas provocations inutiles, tout sert l’action, tout révèle le sens.
Et d’abord le sens politique et philosophique, une magistrale réflexion sur le pouvoir, sur la domination d’un seul sur les autres (rappel de l’essai de La Boétie Discours de la servitude volontaire ou le Contr'un). Nous sommes aux racines mêmes du mal. Par la force du langage, le tyran manipule ceux qui l’entourent et parvient à ses fins soit par la fascination qu’il exerce ou en flattant la cupidité et l’orgueil de ses ministres qu’il tient en laisse, soit par la peur. Du fait que la langue soit allemande et les costumes du XX siècle, nous pensons à Hitler, bien sûr, mais aussi à Staline, Mussolini pendu à un crochet de boucher à la fin de la guerre comme Richard III dans la mise en scène de Ostermeier et bien d’autres au cours des millénaires de l’Histoire. Mais au-delà des exemples que nous connaissons c’est bien sûr l’universel que révèle Shakespeare magnifiquement servi par Ostermeier. Le comédien, Lars Eidinger, qui incarne le rôle fait voir toutes les facettes de ce personnage monstrueux et pourtant humain par sa souffrance et ses faiblesses. Il incarne avec brio Richard III jusque dans son corps déjeté, contrefait; il est tout à tour le misérable en proie au doute et  et le roi sanguinaire, affamé de pouvoir.

Thomas Ostermeier met aussi en relief le drame de la différence, de l’exclusion. Richard III devient un monstre au niveau psychologique parce qu’il l’est au niveau physique. Infirme, bossu, il est exclu des fêtes, de la joie, de l’amour. Le comédien transmet cette souffrance, ce sentiment d’abandon et de solitude. Et lorsque le metteur en scène le dénude, ce n’est pas gratuit, c’est pour mieux nous faire ressentir cette déréliction, la petitesse de celui qui va devenir si grand  en se hissant au-dessus des autres par l’usurpation et le meurtre. Lars Eidinger met en relief par son jeu subtil et plein de sensibilité cette souffrance mais aussi la révélation que Richard III va avoir de lui-même, ce  moment clef où il séduit lady Anne et où il comprend alors son pouvoir sur les autres et la puissance de la parole. Ainsi par l’intermédiaire du comédien et de la mise en scène nous est révélée la complexité  de ce Richard III de Shakespeare et l’on comprend alors pourquoi, depuis le XVI siècle, il a pu fasciner les spectateurs et devenir un personnage dont on n’a jamais fait le tour.

Tous les acteurs sont au diapason, aucune faiblesse dans la distribution. La scénographie fort belle avec ses lumières, ses projections vidéos, l'utilisation de marionnettes, présente un décor étagé ou l’espace est chargé de sens. Pendant la fête qui clôt « l’hiver de notre déplaisir », la fin de la guerre des Deux Roses, des York et des Lancaster, Richard est en bas sur la scène, tandis que les autres s’amusent, s’agitent,  montent et descendent joyeusement d’un niveau à l’autre, soulignant ainsi son isolement. Plus tard, les victimes de Richard III disparaissent par une porte, toujours la même, en hauteur (la Tour de Londres?) et  c’est du haut de la scène aussi que Marguerite la prophétesse lance sa malédiction sur Richard III et ses complices qui se trouvent au-dessous d’elle, en position de faiblesse.

Je n’ai pu juger de la traduction en allemand de Marius Von Mayenburg que Thomas Ostermeier a voulu en prose plutôt qu’en vers et dans une version légèrement écourtée mais j’ai aimé que Lars Eidinger reprenne certains passages en anglais.

Un grand bonheur théâtral!



mardi 7 juillet 2015

Le roi Lear Shakespeare/ Olivier Py Un coup de rage!

Dans la Cour d'Honneur du Palais des papes décor du Roi Lear de Shakespeare mise en scène d'Olivier Py
Le roi Lear mise en scène Olivier Cour d'Honneur Avignon 2015
Je ne voulais manquer pour rien au monde Le roi Lear dans la cour d’Honneur! Quelle déception! Trois heures d’ennui et de ras-le-bol au cours de laquelle Olivier Py assène son égo, ses fantasmes, ses délires, sans égard aucun pour le grand dramaturge qui a écrit la pièce! Voilà déjà deux fois que je vois le Roi Lear dans le In à Avignon 2013 ICI avec toujours le même résultat : des metteurs en scène qui ne parlent que d'eux-mêmes et qui oublient que c’est Shakespeare le Dieu, pas eux!

Au jeu des squelettes, dans la mise en scène de Olivier Py, Lear enfonce Hamlet! Qui dit mieux?  (Source Le  Monde)
Je veux bien, moi, que le silence de Cordélia représente « une faillite de la parole » qui engendre la « dévastation » « la catastrophe politique » « prophétisant ce qui s’est passé au XX siècle »(Olivier Py). De là à en faire une danseuse en tutu qui ne prononce pas un mot pendant tout le spectacle, elle qui porte le sens de la pièce!
Je veux bien que Régane (ou Goneril) défèque sur scène et jette le contenu du seau sur Gloucester, que l’une ou l’autre renifle leur petite culotte, que Edmond et Cornouailles, s’envoient en l’air derrière les palissades mais ce sont des petites provocations qui n’apportent rien à la mise en scène, ne donnent aucune profondeur, ne témoignent d’aucune lecture du texte. C’est juste une mise en scène gros sabots qui aurait fait scandale il y a trente ans mais qui ne fait même plus frémir le public avignonnais qui en a vu d’autres!
Je veux bien aussi que Lear et Edgar se vautrent dans la boue, nus comme des vers, et courent dans les gradins du théâtre, le sexe à l’air, mais ce qui me gêne c’est qu’ils sont ridicules! Certes, les pièces de Shakespeare pratiquent le mélange des genres si cher à Victor Hugo et certains personnages grotesques du dramaturge ne font pas dans la dentelle, les fous en particulier, mais cela signifie que le comique et le tragique coexistent, non que le comique tue le tragique! Et ridicules ils le sont, ces acteurs, au point de faire ricaner le public au moment où celui-ci devrait être saisi par l’émotion dans cette grandiose scène de la folie, au milieu des éléments déchaînés (la tempête est figurée par un tuyau d'arrosage qui déverse de l'eau sur les acteurs) qui portent à son comble le sentiment de déréliction du monarque déchu, du père outragé.  Mais d’émotion il n’y en a pas! Tout au long de la représentation, les acteurs vocifèrent, en particulier le roi Lear (Philippe Girard), monocorde et peu convaincant, exception faite, peut-être, du comte de Gloucester (Jean-Marie Winling) dont l’acteur souligne les faiblesses et l’humanité.

Quant aux symboles, ils sont d’une telle lourdeur qu’ils provoquent aussi l’hilarité du public comme cette « méditation scénographie sur le cercle, le trou, la béance, ce vide qui aspire les personnages et l’histoire »(Pierre-André Weitz, scénographe) qui désigne un trou pratiqué au milieu de la scène où chaque personnage va s’engloutir! On a rêvé plus subtil comme symbolisme!
Les réactions du public?  Certains sont partis en cours de spectacle mais c’est habituel, il y bien eu deux ou trois huées à la fin, un bravo tonitruant et un ensemble d'applaudissements modérés et polis. Les comédiens ont salué deux fois, c’est peu! Mais ni colère, ni vindicte, ni enthousiasme délirant. Certes, j’ai entendu certains se moquer des lourdeurs de la mise en scène, deux jeunes filles discuter des mérites respectifs de l’anatomie d’Edmond et d’Edgar (au moins, elles ne se seront pas ennuyées, elles!). Finalement, ce qui m’a surprise, c’est la tiédeur! 





lundi 3 novembre 2014

Challenge Shakespeare : les pièces Bilan 5

Un des  logos du challenge Shakespeare

Anniversaire!


A l'occasion des trois ans de notre challenge Shakespeare, je présente la liste des oeuvres que nous avons lues ou vues tous ensemble. Illimité, le challenge se nourrit de vos  participations et sachez que vous pouvez nous rejoindre à tout moment. Merci à toutes et tous!

Vous pouvez déposer vos inscriptions et  liens, dans mon blog, Ma librairie, colonne de gauche, vignette challenge Shakespeare Les participants.

  D'autres logos pour le challenge Shakespeare






Généralités sur Shakespeare


Flora : Spot the quote : words, words, words..

Miriam : challenge Shakespeare c'est parti

Dominique : La biographie de Bill Bryson

Maggie : Shakespeare : biographie de Bill Bryson

Theoma : Antibiographie de Bill Bryson

Dominique : traduire la poésie, les sonnets

Wens : Qui est Shakespeare?  Woody Allen

Claudialucia : Le théâtre du Globe

Aymeline  : Shakespeare avec des photos d'Helsingor

 Eimelle : Will le Magnifique de Stephen Greenblatt  


Shakespeare au cinéma


Lou : Anonymous Robert emmerych Was Shakespeare a fraud?

Maggie : To be or not to be  Lubitch
 Maggie : Shakespeare in love 

Miriam : Hamlet to-be-or-not-to-be-lubitsch-mel-brooks/


Miriam : Hamlet de Laurence Olivier (1948)
Miriam :Le film de Michale Radfort : Le marchand de Venise

Wens : La mégère Apprivoisée (Zeffirelli) 

Wens : Hamlet de Zefirelli  


Shakespeare et la danse contemporaine





Quand les écrivains parlent de Shakespeare


Claudialucia : Michel Quint : Les Joyeuses

Claudialucia : Gérard Donovan dans Julius Winsome

Wens : Extrait de Bill James : Skakespeare et le polar  

Océane : Dumas et Shakespeare 


L'or rouge : La fiancée du fantôme de Malika Ferdjoukh  

Lou : la fiancée du fantôme



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Antoine et Cleopatre



Irrégulière  : Antoine et Cléopâtre

Maggie : Antoine et Cléopâtre

Miriam : Antoine et Cléopâtre 

Océane : Antoine et Cléopâtre 

Claudialucia :  Antoine et Céopâtre
 Antoine et Cleopâtre : de l'inconstance des peuples (citation) 


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Beaucoup de bruit pour rien



 Lewerentz: Beaucoup  de bruit pour rien ( film de Kenneth Branagh)

Titine : Beaucoup de bruit pour rien 


Claudialucia : Beaucoup de bruit pour rien 

Wens : Beaucoup de bruit pour rien de Kenneth Branagh
 
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César 

Miriam : Jules César Retour au texte après le film

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Comme il vous plaira 

 Maggie : Comme il vous plaira

Miriam : Comme il vous plaira

Claudialucia : Comme il vous plaira

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Coriolan


Claudialucia : Coriolan 

Eeguab : Coriolan

Océane : Coriolan

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Falstaff

 

Miriam : Falstaff d'Orson Wells

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Hamlet



 Claudialucia : Rimbaud : Ophélie 
Hamlet : en guise d’introduction(1), 
Ophélie (2) 
Hamlet et Ophélie (3)


Wens : Hamlet de Zefirelli


Theoma :   Hamlet
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La Mégère apprivoisée


 Océane : La mégère apprivoisée
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La Tempête



Miriam :

Claudialucia :

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Le conte d'hiver



 Claudialucia : Le conte d'hiver

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Le marchand de Venise


Miriam :
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 Le roi Lear

  



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Le songe d'une nuit d'été 


 Droopy vert

Maggie 1001 classiques : le songe d'une nuit d'été

Lou : Le songe d'une nuit d'été

Miriam : Le songe d'une nuit d'été 

Claudialucia : Le songe d'une nuit d'été 


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Les joyeuses commères de Windsor 

Miriam : Les joyeuses commères de Windsor

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Macbeth




  


Maggie : 1001 classiques : Macbeth
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Othello


Théoma : Othello

Eiluned : La tragédie d'Othello, le Maure de Venise

Shelbylee: Othello
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Richard III



 Céline : Richard III


Eimelle : Richard III
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Roméo et Juliette

L'Irrégulière  Roméo et Juliette 


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Titus et Andronicus


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Sonnets



Dominique : Traduire la poésie. Les sonnets.