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mercredi 20 juillet 2011

Sthendal: Le rouge et le Noir (citation)

De qui est-ce?*

 De qui est-ce? Ce petit jeu de l'été a été initié par Mango qui demande si quelqu'un veut proposer d'autre devinettes littéraires en même temps qu'elle car ... elle a bien envie de jouer aussi!!

Ce jeu de Qui est-ce? - juste pour le fun- consiste tout simplement à retrouver l'auteur et le titre du roman célèbre dont on présente un extrait. Vous pouvez, au choix, donner vos réponses par mail (que vous trouverez dans mon profil) ou me donner des indices dans les commentaires sans révéler l'auteur, indices qui me permettront de savoir si vous avez tout juste et d'aider ceux qui ne savent pas. On ne gagne rien sinon le plaisir et je cite le lendemain les noms de ceux qui ont trouvé l'énigme.

*
                                               
L'énigme du Mercredi 20 Juillet

Voilà l'extrait choisi aujourd'hui.

Tu veux ma mort, poisson, pensa le vieux. C'est ton droit. Camarade, j'ai jamais rien vu de plus grand, ni de plus noble, ni de plus calme, ni de plus beau que toi. Allez, vas-y, tue-moi. Ca m'est égal lequel de nous deux tue l'autre.
Qu'est-ce que je raconte?pensa-t-il. Voilà que je déraille. Faut garder la tête froide. Garde la tête froide et endure ton mal comme un homme. Ou comme un poisson.


Réponse à l'énigme du Mardi 19 Juillet
Danièle Darrieux et Gérard Philippe dans le Rouge et le Noir

Et oui, Mango et moi nous avons choisi le même livre sans nous consulter pour ce petit jeu de l'été. Par pure coïncidence! Ceux qui ont deviné le titre dans mon blog : Clara, Wens, Aifelle, Dominique, Tilia, Cagire, Lystig, Ys ..
Wens qui avait deviné le titre.. sans tricher, je vous assure, vous a proposé deux indices dans les commentaires : le prénom  Gérard et les couleurs du stade toulousain, ce qui a eu l'air de laisser froides les blogueuses sauf Lystig! Pourquoi? Il n'y a pas d'amateurs de rugby parmi vous?

C'est donc, Le Rouge et le Noir de Stendhal, un magnifique roman, celui que je préfère dans la littérature française du XIX ème siècle. Le passage choisi me touche toujours beaucoup et contient le sens de l'oeuvre : Julien Sorel qui a tiré sur Madame de Rénal va être condamné et exécuté : il ne le sera pas parce qu'il est coupable mais parce qu'il a cherché à échapper à sa classe sociale. Stendhal place dans la bouche de Julien des mots vibrants, un réquisitoire implacable contre la société de son temps. Mais le roman de Stendhal est toujours actuel. Certes notre société a bien changé, chacun peut faire des études et, en théorie, aller dans les meilleurs établissements scolaires, universitaires. Mais la discrimination par l'argent et la culture est toujours bien vrai, le déterminisme social existe toujours.

* tableau de Renoir



Mais quand je serais moins coupable, je vois des hommes qui, sans s'arrêter à ce que ma jeunesse peut mériter de pitié, voudront punir en moi et décourager à jamais cette classe de jeunes gens qui, nés dans une classe inférieure et en quelque sorte opprimés par la pauvreté, ont le bonheur de se procurer une bonne éducation, et l'audace de se mêler à ce que l'orgueil des gens riches appellent la bonne société.
Voilà mon crime, messieurs, et il sera puni avec d'autant plus de sévérité, que, dans le fait, je ne suis point jugé par mes pairs. Je ne vois point sur les bancs des jurés quelque paysan enrichi, mais uniquement des bourgeois indignés.

mardi 19 juillet 2011

Jean-Luc Lagarce : Juste la fin du monde et J'étais dans ma maison... de la Cie Ubwigenge

J'étais dans ma maison et j'attendais que la pluie vienne .. Cie Ubwigenge


Jean-Luc Lagarce est un des auteurs contemporains les plus joués non seulement festival d'Avignon mais aussi en France. Il est au programme du baccalauréat et de l'agrégation de Lettres modernes. J'ai voulu lire une des oeuvres du dramaturge avant d'aller voir une de ses pièces.

Juste la fin du monde raconte l'histoire d'un homme qui est parti loin de sa famille et ne lui a jamais donné de nouvelles. Apprenant qu'il va mourir, il retourne chez les siens pour leur annoncer sa mort prochaine. Son frère et son épouse, sa petite soeur et sa mère l'accueillent. Chacun se met à parler pour lui dire comment ils ont vécu la séparation, pour lui reprocher son indifférence et son silence, exprimer ses souffrances. Sous ce flot de paroles qui laissent apparaître des sentiments mêlés d'amour et de colère, l'homme ne replie sur lui-même. Il repart sans leur avoir révélé la vérité et mourra loin d'eux.
Je suis ensuite allée assistée au spectacle de J'étais dans ma maison et j'attendais que la pluie vienne de la compagnie Ubwigenge à l'Espace Roseau. L'histoire est sensiblement la même : Le jeune frère, chassé dans la maison par son père revient mourir près de sa mère, sa grand mère et ses trois soeurs. On ne saura rien de ce qui lui est arrivé. Les cinq femmes ont vécu dans l'attente de son retour, dans l'espoir de voir justifier le sacrifice qu'elles ont fait de leur vie en l'attendant, victimes? ou responsables de leur soumission à l'image du mâle et de leur adhésion à sa prétendue supériorité?

Pour comprendre ce thème récurrent, il faut savoir qu'il est en partie autobiographique. Jean-Luc Lagarce après s'être séparé de sa famille est mort du sida en 1995. Il écrit Juste la fin du monde au moment où il apprend qu'il est séropositif. Mais il ne parlera jamais directement de sa maladie dans ses pièces.

L'on dit de Jean-Luc Lagarce qu'il est "un classique contemporain" car il occupe une place à part et se différencie des tendances du théâtre contemporain en accordant beaucoup d'importance à la parole. Le texte est primordial dans son oeuvre. Dans les deux pièces, celle que j'ai lue et celle que j'ai vue, l'intrigue, en effet, est réduite au minimum, il n'y a pas d'actions mais des personnages qui parlent. Ce qui est très étonnant aussi, c'est qu'il y a très peu de dialogues. A peine amorcés, ceux-ci s'interrompent pour laisser place à de longs monologues où chaque personnage exprime ses sentiments, présente son point de vue, monologues qui alternent, se coupent parfois, pour mieux reprendre. On a parfois l'impression de ne pas avancer, de repartir en arrière, d'être en suspension, en attente. Les personnages sont murés dans leur silence, ont des difficultés pour communiquer. Peut-être ne s'intéressent-ils qu'à eux-mêmes et à leurs propres souffrance? Les rapports entre eux sont cruels.

Avis de Claudialucia

Mon ressenti par rapport à ce style de théâtre a été différent selon que je l'ai lue ou vue.

Lors de la lecture de Juste la fin du monde j'ai d'abord été surprise par la forme théâtrale mais surtout par ce style si étrange. Les personnages ne sont pas sûrs de ce qu'ils avancent, ils s'interrompent, tâtonnent comme pour affiner la pensée, reprennent un mot, s'appuient sur lui comme pour se projeter en avant. Au fur et à mesure, les mots s'accrochent, s'agglutinent les uns sur les autres, forment une chaîne, à laquelle s'agrippe la pensée pour mieux progresser. C'est dans ces hésitations, dans ces tâtonnements que la femme ou l'homme qui s'exprime parvient à se trouver.*
Puis, je me suis peu à peu laissée prendre par ce rythme comme par une poésie incantatoire. Le ton est doucement élégiaque. La douleur des personnages paraît bercée par les mots mais elle ne s'exprime pas moins intensément. J'ai été sensible à la souffrance qui s'exprimait ainsi.

Le spectacle théâtrale de J'étais dans ma maison et j'attendais que la pluie vienne donnait lui beaucoup d'importance au corps. Les cinq comédiennes-danseuses vêtues de noir évoluent sur scène dans une pénombre bleutée, chacune coupée de l'autre, enfermée dans sa pensée. Le fils mourant gît sur son lit, enfermé derrière un voile blanc qui déjà le sépare du monde des vivants. La scénographie, et la gestuelle sont très belles, inventives. Les comédiennes disent  bien ce texte difficile. Alors pourquoi n'ai-je pas, malgré les qualités du spectacle, complètement adhéré à la pièce? J'en ai aimé l'esthétique mais beaucoup moins le texte qui n'est pas parvenu à me toucher. Peut-être est-ce à cause de la diction hachée, dure, un peu mécanique, presque désincarnée des comédiennes? A part, la petite soeur qui exprime son désespoir avec violence (peut-être parce qu'elle est jeune et peut encore être sauvée?) j'ai eu l'impression que la metteur en scène, Catherine Decastel, refusait l'émotion. Veut-elle nous indiquer ainsi que ces femmes ne sont plus vraiment en vie? Pourtant, à la fin, elles se révoltent et se libèrent du joug. Toujours est-il que je n'ai pas ressenti la poésie du texte.

Avis de Wens
Hérétique! je le suis. Jean-Luc Lagarce est un des auteurs les plus joués dans l'hexagone, l'enfant chéri actuellement des metteurs en scène mais "J'étais dans ma maison…", j'ose l'avouer, m'a laissé totalement de marbre. Intellectuellement je peux comprendre la portée du propos, la richesse et la beauté de la langue (je préfère lire le texte que le voir jouer! ), mais la forme théâtrale me laisse totalement insensible. J'assiste, étranger, à un spectacle de la pure parole  même si les corps parfois s'expriment. Les personnages n'agissent pas, ils récitent leurs propres réflexions, leurs longues confidences, rarement interrompus par quelques dialogues. L'ennui me gagne, je me sens comme ces femmes sur la scène enfermé dans un espace clos que je ne peux quitter. Mon corps devient souffrance.
Mon jugement mériterait peut-être d'être corrigé en assistant à une autre mise en scène, en écoutant le texte porté par d'autres comédiennes. Qui sait? J'en doute.


*Extrait d'un passage de Juste la fin du monde

Je me suis éveillé, calmement, paisible,
avec cette pensée étrange et claire

je ne  sais pas si je pourrai bien la dire

avec cette pensée étrange et claire
que mes parents, que mes parents,
et les gens encore, tous les autres, dans ma vie,
les gens les plus proches de moi,
 que mes parents et tous ceux que j'approche ou qui
s'approchèrent de moi (...)
que tout le monde après s'être fait une certaine idée de moi,
un jour ou l'autre ne m'aime plus, ne m'aima plus
et qu'on ne m'aime plus
(ce que je veux dire)
"au bout du compte "
comme par découragement, comme par lassitude de moi,
qu'on m'abandonna toujours car je demande l'abandon.


J'étais dans ma maison et j'attendais que la pluie vienne
Compagnie Ubwigenge
Espace Roseau
Du 8 au 31 Juillet à 14H
Durée : 1h 15

De qui est-ce? Ce petit jeu de l'été


De qui est-ce?

 De qui est-ce? Ce petit jeu de l'été a été initié par Mango qui demande si quelqu'un veut proposer d'autres devinettes littéraires en même temps qu'elle car ... elle a bien envie de jouer aussi! Je cite :

D'ailleurs, moi aussi j'aimerais bien exercer ma mémoire et si l'une d'entre vous veut reprendre ce jeu dès maintenant, tant mieux et tant mieux aussi si on est nombreux à poser ce genre de colles pour lecteurs! Ce serait un vrai plaisir!

Ce jeu de qui est-ce? - juste pour le fun- consiste tout simplement à retrouver l'auteur et le titre du roman célèbre dont je présente un extrait. Vous pouvez, au choix, donner vos réponses par mail (que vous trouverez dans mon profil) ou me laisser des indices dans les commentaires sans révéler l'auteur, indices qui me permettront de savoir si vous avez vu juste et d'aider ceux qui ne savent pas. On ne gagne rien sinon le plaisir et je cite le lendemain les noms de ceux qui ont trouvé l'énigme. Bon, je sais, il suffit d'un clic sur la toile pour trouver la réponse mais je sais aussi que si vous aimez jouer comme moi, vous vous plaisez à deviner le nom de l'auteur et du roman  par vous-même  d'abord, le plus vite possible ensuite et c'est juste dans ces secondes-là que réside le plaisir de trouver pour soi uniquement la bonne réponse : retrouver le titre d'un roman comme on retrouve le nom d'un ami  ancien qu'on n'a pas vu depuis très longtemps... Bref, on joue ici avec sa mémoire  et puis on me le dit, comme ça, par amitié!

Je commence par un classique très(trop?) facile en guise d'encouragement

Mais quand je serais moins coupable, je vois des hommes qui, sans s'arrêter à ce que ma jeunesse peut mériter de pitié, voudront punir en moi et décourager à jamais cette classe de jeunes gens qui, nés dans une classe inférieure et en quelque sorte opprimés par la pauvreté, ont le bonheur de se procurer une bonne éducation, et l'audace de se mêler à ce que l'orgueil des gens riches appellent la bonne société.
Voilà mon crime, messieurs, et il sera puni avec d'autant plus de sévérité, que, dans le fait, je ne suis point jugé par mes pairs. Je ne vois point sur les bancs des jurés quelque paysan enrichi, mais uniquement des bourgeois indignés.

lundi 18 juillet 2011

Festival OFF d'Avignon : L'augmentation de George Perec, Théâtre de la Boderie


 Comme j'avais beaucoup aimé l'excellent spectacle Pièces détachées Oulipo en 2009 (qui revient d'ailleurs cette année  au Théâtre du chien qui fume), j'ai couru voir l'Augmentation de George Perec par le Théâtre de la Boderie, sachant que Paul Fournel, président de l'Oulipo, était satisfait de de l'adaptation.
 Georges Perec a appartenu au mouvement littéraire de l'Oulipo ( OUvroir de LIttérature POtentielle) fondé par le mathématicien François Le Lionnais et l'écrivain Raymond Queneau en 1960. Les membres se définissent comme des "rats qui construisent eux mêmes le labyrinthe dont ils se proposent de sortir". En effet les auteurs du groupe se fixent des séries de contraintes formelles plus ou moins complexes, mathématiques et littéraires. C'est de la contrainte, en effet, que naît la liberté. Les Oulipiens jonglent avec les mots, avec les sons, avec la langue et même s'ils rendent compte de notre société et traitent de sujets graves, il faut se garder de les aborder en les prenant trop au sérieux ! Avec Oulipo, on entre dans le jeu, dans le monde de l'absurde, dans le feu d'artifice de la langue.

Avis de Claudialucia Ma  Librairie

Comme souvent dans Oulipo le sujet mince - un employé va demander une augmentation à son chef de service- mais le parcours compliqué!!  Si vous êtes persuadés, en effet, que demander une augmentation est facile, détrompez-vous! Et si vous êtes assez naïfs pour croire que l'obtenir est à votre portée, vous déchanterez ! Vous vous apercevrez bien vite que vous allez accomplir un parcours d'ancien combattant, rencontrer mille difficultés, vous heurtez à des portes closes, vous faire rabrouer comme un malpropre ou bercer de fallacieuses promesses, bref arpenter vainement les couloirs labyrinthiques de la grande entreprise broyeuse d'hommes qui vous emploie. Car sous l'absurdité de la situation, des dialogues et des mots, perce l'indignation de Perec qui dénonce ici, tout en nous faisant rire, le capitalisme et l'exploitation de l'homme méprisé, utilisé et rejeté comme un objet. Le décor ressemble parfois un décor d'hôpital, sous une lumière crue, on vous y fait des conférences sérieuses, rétroprojecteur à l'appui, sur la rougeole ou la scarlatine! Peut-être pour mieux monter combien ce monde est malade.

Pour rendre cette déshumanisation, le metteur en scène, Marie-Martin Guyonnet, règle au millimètre près les déplacements et les interventions de ses acteurs. Ceux-ci évoluent comme s'ils suivaient des lignes géométriques, coupées en angles droits, ils marchent mécaniquement comme des robots ou, mieux encore, comme des marionnettes dont les fils seraient actionnés par le Pouvoir. De la même manière, l'ordre des interventions verbales qui se succèdent, se croisent, rebondissent, obéit à une rigueur mathématiques, une précision de métronome. Les trois comédiens, excellents, répondent à la lettre à ces exigences bien oulipiennes!

Comme tout le texte repose sur un système de répétitions de situations, de gestes, de formules, de mots qui donnent (à tort car on avance) l'impression de faire du surplace, le spectateur (c'est ce qui m'est arrivé) peut-être désorienté au début. Mais si vous acceptez d'entrer dans le jeu, vous vous laisserez emporter par ce délire permanent et vous apprécierez pleinement ce spectacle qui déclenche le rire. Une beau travail de mise en scène et de jeu d'acteurs.

Avis de Wens En Effeuillant le Chrysanthème

L'Augmentation ou: "Comment, quelles que soient les conditions sanitaires, psychologiques, climatiques ou autres, mettre le maximum de chances de son côté en demandant à votre chef de service un réajustement de votre salaire…". Commence alors pour l'employé modèle et discret d'une multinationale  un intense processus de réflexions, de suppositions, de solutions positives, de solutions négatives.. dans le dédale  d'une logique de  pensée toute kafkaïenne, les stratégies mises en place sont souvent  à reconstruire totalement car tout les raisonnements reposent sur des choix multiples.  Mais l'objectif pour l'employé ne doit jamais être perdu de vue : obtenir une augmentation! Pérec déclenche le rire  par le jeu des mots et des formules répétées ou réinventées, par l'absurde logique de la situation. Mais le texte nous présente aussi une vision très critique de notre monde. L'employé est  enfermé  dans un mécanisme de pensée qui lui est de fait dicté par la société. Qui est-il? un simple pion dans un rouage complexe. Il est le transparent jouet d'une société capitaliste structurée, hiérarchisée qui l'exploite. Hommes politiques, hauts fonctionnaires, sabres et goupillons sont au service des grandes entreprises. Alors l'employé n'a aucune chance de recevoir une augmentation.
L'intelligente  mise en scène de Marie-Martin Guyonnet rend parfaitement le propos de Perec. Trois excellents comédiens, incarnent l'ensemble des personnages : l'employé, la secrétaire, le chef et le sous chef… Chaque déplacement, chaque geste, chaque phrase  obéit à une chorégraphie d'une grande précision. Parfois un chant  sorti tout droit de l'univers de Jacques Demy, vient briser  la respiration mécanique du texte. Un moment de poésie chez Kafka. Le décor déshumanisé, aseptisé, fonctionnel, géométrique qui n'est pas sans rappeler celui de Mon Oncle de Jacques Tati, semble guider, imposer les déplacements des acteurs. Le choix de couleurs vives saturées à la fois au sol et dans les costumes renforce la férocité sous-jacente du propos. Un grand moment de théâtre.

L'augmentation. Georges Perec.
Théâtre de la Boderie.
Avec : Jehanne Carillon, Jean-Marc Lallement,Olivier Salon.
Mise en scène: Marie-Martin Guyonnet.
La Luna du 8 au 31 juillet. 18H20


Brassée d'images : Le festival d'Avignon 2011


 Comédiennes photographiées dans la rue des Teinturiers


Dimanche a été un jour de repos! Pas de théâtre pour  pouvoir aborder une seconde semaine de festival! Où est le temps où j'étais capable d'assister à trois ou quatre représentations par jour  sans fatigue? Pour l'instant j'ai vu 9 spectacles dans le OFf  et 4  pour enfants avec ma petite fille. Une bagatelle par rapport aux 1143 pièces qui seront jouées en 2011 par 969 compagnies et 6000 artistes. Cette année, je verrai un seul spectacle dans le In car je m'y suis prise trop tard ; il n'y avait plus de places pour ce que je voulais voir.
Voici donc une brassée d'images prises ces jours-ci dans les rues bondées d'Avignon.

LES PARADES DANS LES RUES

Les artistes du Off présentent leur spectacle dans les rues d'Avignon et tractent. Au début du festival quand nous ne sommes pas encore habitués, il y a quelques surprises! Par exemple, je me suis retrouvée une année face à face avec un rhinocéros! Choc! Heureusement, c'était celui de Ionesco.
L'incident le plus spectaculaire survenu il y a quelques années est celui où un individu en uniforme et croix gamée  est venu faire un discours  nazi sur la place de l'Horloge. Scandale parmi les promeneurs, huées, attroupements houleux, colère... jusqu'au moment l'on a appris qu'il était échappé d'une pièce de Bertold Brecht. Le metteur en scène (c'était dans le In) avait demandé au comédien de sortir du théâtre pour prononcer son discours devant la foule sans penser à la réaction d'un public improvisé et non averti! Hier, dans la rue des Teinturiers nous avons été abordés par les hommes sanguinolents (qui nous ont d'ailleurs offert des tracts couverts de mercure au chrome) des flagellés (? ), par Louis XIV avec une perruque en papier accompagné de son fidèle Lully, par de curieux personnages au bec d'oiseaux, par une géante qui dominait toute la foule...

Rue des Teinturiers

Rue de la République

                               Rue Carnot
 Rue des Teinturiers

 Rue des Teinturiers

LES AFFICHES 

A Avignon, les affiches montent jusqu'au ciel, escaladent tout ce qui est vertical, arbres, gouttières, poteaux, s'agrippent aux murs, s'attachent aux poubelles. Par temps de Mistral, elles claquent comme des drapeaux et parfois s'envolent; par temps de pluie, elles dégoulinent, gondolent, se délitent. Certains trouvent que cela fait désordre mais moi, j'aime bien le désordre. Chaque année, je guette qu'elle sera la première affiche qui apparaîtra dans ma rue!






 
 QUELQUES LIEUX

La rue des Teinturiers, ancienne rue des Roues, une des plus pittoresques d'Avignon, a conservé son aspect médiéval. C'est la plus fréquentée du festival.

                                                               



La Place des Carmes, ombragée, avec sa halle, son cloître qui reçoit des spectacles du In, le théâtre de Benedetto, ses nombreux restaurants et cafés est aussi un lieu convivial et agréable.





dimanche 17 juillet 2011

Amanda Smyth : Black Rock, éditions Phébus


Célia, dont la mère est morte en couches, est recueillie par sa tante Tassi à Black Rock, village de l'île de Tobago dans les Caraïbes. Tassi s'occupe d'elle ainsi que de ses deux filles. Mais lorsqu'elle se remarie avec Roman, un alcoolique vicieux et violent, Célia sait que cet homme lui fera du mal et se méfie de lui. Ceci, d'autant plus, qu'il ne cesse de la dénigrer auprès de Tante Tassi et que celle-ci croit tout ce qu'il lui dit. A seize ans, lorsque la jeune fille est violée par cette brute, elle n'a d'autre solution que de fuir le plus loin possible de Blak Rock et se rend à Port of Spain sur l'île de Trinité. Elle pense rejoindre son autre tante, Sula. Là, elle va entrer comme bonne d'enfants chez le docteur Emmanuel Rodriguez.

L'intrigue du roman est assez attendue et n'offre pas de surprise si ce n'est au dénouement. Dès le départ, l'on sait que Célia sera violée, c'est tellement évident! Mais l'écrivain utilise ce thème du viol comme une ficelle de métier et le traite d'une manière assez superficielle. On sait aussi que, Célia malgré son intelligence brillante, n'ira pas à l'université, qu'elle ne sortira pas de sa condition, que sa beauté ne sera pas un cadeau mais sa perte. On s'attend à ce qu'elle soit séduite par un homme blanc qui la méprisera  en tant que noire et domestique. 

 Pas original, donc!  Mais il faut reconnaître que Amanda Smyth tire son épingle du jeu car elle écrit très bien. Les mésaventures de la jeune fille voire les drames qu'elle vit sont nombreux et maintiennent en éveil l'intérêt du lecteur. Le roman, en effet, se fait récit initiatique, quête de soi-même. Célia est à la recherche de son origine, de ce père anglais qui l'a abandonnée à sa naissance. Elle entretient le culte de sa mère décédée en lui donnant la vie. Elle va apprendre la vérité sur son origine mais aussi sur elle-même. L'analyse de la blessure amoureuse est bien conduite et les personnages que ce soient les tantes, l'épouse bafouée l'amoureux transi, l'amant sont peints avec vérité. L'écrivain place l'action dans un pays qu'elle connaît bien puisqu'elle a des attaches par sa mère native de Trinidad.  L'auteur a des qualités certaines mais on aimerait lire d'elle une oeuvre plus originale, avec une inspiration plus personnelle. Quoi qu'il en soit le roman se lit  avec intérêt et est plaisant.

Lire aussi
Moi, Clara et les mots
Keisha

Une femme seule, Dario Fo et Franca Rame par la compagnie Vents et marées au Théâtre La Luna

 Dario Fo, écrivain, dramaturge italien, metteur en scène et acteur est aussi un homme politiquement engagé. Son théâtre se fait porteur d'une idéologie proche des gens du peuple, des ménages qui ne peuvent boucler la fin du mois (Faut pas payer!) de l'ouvrier  exploité  mais aussi de la femme doublement victime du capitalisme et de son mari (Un femme seule). Il dénonce le colonialisme avec Johan Padan ou la découverte de l'Amérique, la puissance et la richesse de l'Eglise et toutes les formes d'injustice dans une langue populaire, volontiers truculente et burlesque. Avec son épouse Franca Rame, il fonde une compagnie théâtrale et cherche à amener le théâtre dans les usines et les maisons de jeunesse. Il est prix Nobel de littérature en 1997.

Italie. Une femme seule dans son appartement s'adresse par la fenêtre à une nouvelle voisine que nous n'entendrons jamais. Elle lui explique sa vie partagée entre son ménage, ses enfants et la garde d'un beau-frère paralysé et pervers. Peu à peu, on découvre  la condition désespérée de cette "italienne" épiée par un voyeur, harcelée par des coups de téléphone, simple objet sexuel de son mari jaloux et violent qui  la retient enfermée dans le logement. Quel espoir? le suicide ou donner la mort.
Avis de Claudialucia
Dans Une femme seule, Dario Fo montre l'aliénation de la femme enfermée physiquement mais aussi moralement dans un carcan que la société et la religion lui imposent. Cette pièce aurait demandé à être traitée avec subtilité et émotion, de la découverte progressive de son quotidien à sa révolte aux accents de folie, au goût de crime. Alors qu'elle se confie à sa voisine par la fenêtre restée entrouverte, on aurait dû assister à des confidences d'abord hésitantes, pudiques puis de plus en plus pathétiques jusqu'à l'explosion finale. Malheureusement, il n'en est rien.  La comédienne dit son texte à tout allure, sans pause, sans variation, d'une voix haut perchée et monocorde dans l'aigu. Il n'y a aucune gradation dans les révélations, aucune montée de la tension dramatique.  Habituellement  Dario Fo a l'art de nous faire rire des situations les plus tristes, un rire grinçant, certes, mais toujours en empathie avec le personnage dont le spectateur partage les sentiments. Avec cette mise en scène, au contraire, on  se détourne de cette femme. Le manque de nuances et de sentiments crée l'ennui. On finit en désespoir de cause par regarder le bruiteur sur scène, à côté de l'actrice. Et certes celui-ci est doué. Il parvient à rythmer l'action avec toutes sortes d'objets les plus hétéroclites, devient acteur à part entière, nous distrait et même nous fait rire! Mais c'est au détriment de la pièce et vous avouerez que cela n'est pas le but recherché!

Avis de Wens de En effeuillant le Chrysanthème
Dans le théâtre de Dario Fo et de Franca Rame, le tragique surgit progressivement d'une situation anodine qui nous fait sourire et rire. Nous regardons s'agiter cette femme au foyer qui s'occupe de son gosse, de son pervers de beau frère, fière de ses appareils ménagers, de sa télé, de sa radio. Mais la tension monte progressivement, quelques bribes de texte déclenchent chez le spectateur un rire salutaire. Elle est une victime d'une société machiste, comme de nombreuses femmes en Italie ou ailleurs.
Dans l'adaptation proposée par la Compagnies Vents et Marées, cette montée progressive du tragique n'existe pas. D'entrée, la femme seule crie son désespoir, elle le fait sur le même registre pendant toute la durée du spectacle. Pas de pause, pas de respiration, pas un sourire :  l'étouffement permanent. Le regard du spectateur cherche l'issue salvatrice, il le trouve du côté de l'excellent travail du bruiteur qui sur scène nous crée les champs sonores de l'appartement : bruits de pas, claquements de portes, sonneries de téléphones…en synchronisme parfait avec le monologue et les déplacements de l'actrice. Le son aurait dû souligner le comique comme dans le cinéma de Jacques Tati où les situations burlesques sont mises en valeur par les bruitages qui suppléent souvent la parole. Mais  le bruit est en off, en contrepoint de l'image, pas sur scène comme dans cette représentation. Ici, le bruiteur devient souvent aussi présent, voire même plus que l'actrice et que le texte! Dommage!

Fernando Pessoa : Le gardeur de troupeau d'Alberto Caeiro

Jean François Millet
"Hola, gardeur de troupeaux,
sur le bas-côté de la route,
que te dit le vent qui passe?"

"Qu’il est le vent, et qu’il passe,
et qu’il est déjà passé,
et qu’il passera encore.
Et à toi, que te dit-il ?"

"Il me dit bien davantage.
     De mainte autre chose il me parle, 
de souvenirs et de regrets,
et de choses qui jamais ne furent."

"Tu n’as jamais ouï passer le vent.
Le vent ne parle que du vent.
                 Ce que tu lui as entendu dire était mensonge,
Et le mensonge se trouve en toi. »

samedi 16 juillet 2011

Festival OFF d'Avignon : Shakespeare, La nuit des rois par Comédiens et Compagnie


La Nuit des Rois est la dernière comédie de Shakespeare et une des plus grandes. La pièce a été écrite pour être jouée à l'épiphanie de 1601. C'était la dernière célébration des fêtes de Noël, la douxième nuit, la nuit des travestissements, des jeux, la nuit des fols et du chaos, héritage des fêtes païennes et des Saturnales romaines antiques. L'intrigue dite "romantique"  traite d'un sujet, le naufrage et  l'île, que Shakespeare reprendra plus tard dans la Tempête. Sébastien et Viola sont jumeaux, thème de la géméllité, du double, cher à Shakespeare. Au cours d'un naufrage, ils sont séparés et échouent sur une plage différente, dans un pays nommé l'Illyrie, chacun déplorant la mort de l'autre. Viola décide de se déguiser en homme et prend le nom de Césario. Elle devient le page du Duc d'Orsino. Celui-ci, amoureux de la belle Olivia envoie Césario comme messager d'amour auprès de la jeune fille qui s'est retirée du monde après la mort de son frère. Olivia tombe amoureuse de Viola-Cesario qui, elle-même, aime Orsino. Lorsque Sébastien apparaît une série de quiproquos et de chassés-croisés va s'engager. Qui est qui? Qui est amoureux de qui? A ces intrigues amoureuses nobles répondent, dans le domaine de la farce, les prétentions amoureuses de Sir Andrew et  de l'intendant Malvolio pour la noble Olivia.

 Avis de Claudialucia


La Nuit des rois présentée par Comédiens et Compagnie a été pour moi une déception. Certes la compagnie qui traite la pièce à la manière Commedia dell'Arte est sympathique, Les costumes, les masques, les éclairages, la musique et les chants sont beaux,  la gestuelle et les bruitages réussis mais le niveau des acteurs est trop inégal (une mention spéciale cependant pour le fou) et la troupe ne retient de la comédie que la farce occultant les autres aspects de la pièce et l'appauvrissant. Une conception de la pièce bien superficielle! Le public s'amuse pourtant et si vous n'avez pas d'autre attente en allant voir La nuit des rois vous pouvez passer un bon moment. Mais vous ne rencontrerez pas Shakespeare! Il faut des comédiens et une mise en scène d'envergure pour rendre la richesse de cette oeuvre!
 La pièce, en effet, mêle tous les genres, la comédie, le marivaudage, la farce avec les personnages de Malvolio ou  de Messire Tobby mais aussi la gravité avec Orsino et Olivia, le rire et la tristesse à parts égales. Malgré la féerie et le grain de folie qui semble s'emparer de tous les personnages, la Nuit des rois pose des questions graves : les serviteurs ont l'illusion d'égaler les maîtres (Malvolio), les maîtres jouent les serviteurs, les femmes empruntent le rôle des hommes (Viola), nul ne sait plus où est sa place. La pièce est une interrogation sur l'identité des rôles, l'identité sexuelle, sur la dualité féminin-masculin incarné par les jumeaux, sur l'homosexualité même, sur l'amour en fait, illusion, caprice? Que penser de ces revirements amoureux de derniers instants si ce n'est que l'amour est bien inconstant, fantasque, capricieux ou qu'il ne repose que sur du vent. En effet, si la comédie se termine par deux mariages, car on est là pour rire, c'est un artifice théâtral qui paraît bien artificiel et auquel le spectateur ne peut adhérer. La plupart des personnages, d'ailleurs, offrent une dimension comique et tragique à la fois : Malvolio, imbu de lui-même, par exemple, est grotesque avec ses bas jaunes et ses jarretières croisées et provoque le rire mais c'est un personnage de tragédie, puritain, austère, autoritaire qui cherche à accéder au pouvoir pour dominer les autres. Pourtant la farce que l'on joue à ses dépens est tellement cruelle que l'on finit presque par le plaindre. Le fou est désenchanté et a une vision du monde si pessimiste qu'il faut bien qu'il le tourne en dérision. Olivia  porte le deuil et refuse la vie et l'amour mais elle tombe amoureuse au premier regard... d'une femme! Orsino est un personnage mélancolique, en proie au doute et c'est parce qu'il est incapable d'agir qu'il se fait cocufier si j'ose dire par son page qui est en fait une femme.
Les éclairages que l'on peut donner à la pièce sont multiples. L'interprétation des personnages par la troupe de Comédiens et Compagnie ne rend pas cette complexité. Ce n'est pas en faisant prendre à Orsino une pose grotesque et ridicule que l'on rend compte du personnage. Le comique n'est pas là, il est intérieur et il est le pendant du tragique. On a l'impression en voyant jouer les comédiens qu'il n'y a pas de réflexion sur le sens de la pièce. Tout est en surface et c'est dommage!

Avis de Wens blog En effeuillant le Chrysanthème

Les comédies de Shakespeare jouent sur le mélange des genres. Se succèdent sans aucun temps mort les moments poétiques, romantiques et les scènes comiques, le spectateur est emporté par les quiproquos, les rebondissements.
L'adaptation réalisée par Comédiens et Compagnie prend le parti pris de mettre en avant le côté farce, une partie des acteurs jouent d'ailleurs sous des masques de la Commedia dell' Arte. Le travail sur la gestuelle, sur les bruitages et la musiques est d'ailleurs assez réussi. La scène de poche du théâtre, guère plus grande qu'un ring de boxe, ne permet pas les grandes envolées pour douze acteurs et limite les possibilités de mise en scène.
Ne retenir que l'aspect purement comique du texte, c'est oublier la richesse de la pièce. Car La Nuit des rois est une profonde réflexion sur le jeu des apparences trompeuses, sur la confusion des rapports amoureux, sur l'homosexualité à peine voilée. L'ambiguïté sexuelle devait être encore plus ressentie à l'époque de Shakespeare, puisque les rôles de femmes étaient tenues par des hommes. Où sont passés les différences et les tensions sociales présentes dans la pièce ? Elles sont totalement gommées, ignorées dans cette adaptation.
Pour savourer Shakespeare, il faut des acteurs qui savent manier sa langue et ses mots, une distribution sans faiblesse. Hélas, certains comédiens de la troupe ne sont pas à la hauteur du texte. Les poses, les mimiques, les soufflets ne remplacent pas la voix, la présence. Les personnages deviennent seulement des caricatures, alors que derrière l'attitude ridicule se cache la tragédie des êtres. Un acteur cependant fait l'étalage de son talent, celui qui tient le rôle de Feste, le bouffon : Guillaume Collignon.

La Nuit des Rois.
Comédiens et Compagnie.
Petit Louvre.
8 au 31 Juillet.
14H15

Challenge de Maggie et Claudialucia

Jean-Paul Delfino : Pour tout l'or du Brésil



Pour tout l'or du Brésil de Jean-Paul Delfino est un roman historique dont le récit se déroule en parallèle dans deux pays différents, le Portugal et le Brésil qui commence à secouer le joug de la métropole et à aspirer à l'indépendance.
Au Portugal : le fameux et terrible tremblement de terre de Lisbonne de 1755 anéantit la capitale. Don Cristiano da Fonseca voit disparaître la fortune amassée par son père, un riche et puissant commerçant et se retrouve ruiné. Mais il entre bien vite au service du marquis de Plombal, premier ministre du roi Dom José 1er, décidé à reconstruire Lisbonne en faisant de la ville nouvelle une capitale moderne. Ce marquis de Plombal qui a toute la confiance du roi est l'ennemi des Jésuites et des nobles dont il détruira la puissance. Machiavélique, il sera aussi le mauvais génie de Don Cristiano puis qu'il le sépare de la femme qu'il aime et de son enfant, l'utilise pour de basses besognes de police et détruit en lui tout ce qu'il pouvait y avoir d'honnête et de bon.
Au Brésil : au même moment Zumbi, un noir qui n'a jamais connu l'esclavage, décide de quitter Rio de Janeiro où il vit misérablement pour faire fortune en cherchant de l'or dans le Minas Gerais, le pays des Mines. Mais il apprendra à ses dépens que la vie éprouvante et pénible des chercheurs d'or ne mène pas à la richesse. Il repart donc dans la capitale bien décidé à faire fortune. C'est à Rio de Janeiro que le destin des deux hommes va finir par se croiser.

Le livre est un roman historique solidement  documenté. Nous rencontrons des personnages célèbres qui ont fait l'Histoire du Brésil et du Portugal, nous assistons aux conspirations indépendantistes.  Nous découvrons les étonnantes confréries des Nègres libres qui font fortune en exploitant la peur de l'enfer des blancs corrompus et rachètent ainsi la liberté des esclaves! L'écrivain offre une peinture de ces deux pays, en les opposant. Il montre les différences entre la société portugaise coincée par les hiérarchies sociales, le protocole, les bienséances et sous le pouvoir de l'Eglise et le Brésil où vit une société mêlée qui permet aux métis ou aux noirs de s'élever, où les moeurs sont plus libres.
Mais Pour tout l'or du Brésil  se lit aussi comme un roman d'aventures. Au plaisir de découvrir cette période historique mouvementée, s'ajoute aussi celui de partager les péripéties vécues par les deux héros, les vicissitudes de leur fortune, les dangers auxquels ils sont confrontés. On s'attache en particulier au personnage de Zumbi rendu sympathique par son amitié avec l'Aveugle, son amour pour l'intelligente, belle et maîtresse-femme Laurinda. Un roman très agréable donc!



Merci à Dialogues Croisés et aux éditions Le Passage

vendredi 15 juillet 2011

Festival OFF d'Avignon : Moulins à Paroles d'Alan Bennett par la compagnie les Méridiens

 Stéphanie Gramont et Xavier Boulanger, interprètes de Moulins à Paroles

 Alan Bennett a commencé sa carrière comme comédien. Il est considéré comme un des romanciers et dramaturges actuels les plus importants du Royaume-Uni. Parallèlement, il poursuit une oeuvre de scénariste pour la télévision et le cinéma. La Compagnie les Méridiens nous propose deux monologues de Bennett, deux fragments d'existence de personnages  à la fois naïfs, comiques et tragiques : La chance de sa vie et Une frite dans le sucre. Leslie est une actrice qui rêve de percer dans le cinéma, de devenir une star mais elle ne possède qu'un réel  atout : son physique. Graham, vieux garçon, vit toujours chez sa vieille mère dont il s'occupe au quotidien. L'irruption dans leur vie d'un vieil amant de sa mère bouscule son existence.

Avis de claudialucia

J'aime beaucoup Alan Bennett, aussi est-ce avec plaisir que je suis allée voir Moulins à Paroles de la compagnie alsacienne Les Méridiens  à Essaïon théâtre.


Grâce à un dispositif scénique ingénieux, deux décors mobiles qui tournent sur eux-mêmes pour faire apparaître les acteurs, nous pouvons suivre les deux histoires en parallèle, celle de la jeune actrice sans talent exploitée sexuellement par les hommes et celle du fils dévoué à sa mère, "un grand garçon" jamais devenu un homme. Le metteur en scène, Laurent Crovella utilise avec habileté ce dispositif pour établir des parallèles, pour jouer sur l'alternance, la simultanéité, provoquer des ralentissements ou au contraire accélérer le rythme. Ainsi deux vies se déroulent devant nous, se croisent, sans jamais se rencontrer, deux univers très différents mais qui ont en commun l'échec, la noirceur de l'existence. Car Alan Bennett sait à merveille rendre le quotidien de ces vies qui s'étiolent, peindre la solitude de chacun, la cruauté des rapports humains. Et pourtant l'on rit beaucoup au cours de ces deux monologues que deux comédiens inspirés, Stéphanie Gramont et Xavier Boulanger, interprètent avec beaucoup de justesse et de conviction. Mais l'on ressent aussi beaucoup d'émotion et de tristesse tant le spectacle de ces vies gâchées nous touchent.  Un bon spectacle.




Le texte de Leslie est sans grande surprise, la pauvre figurante naïve et sans talent ne peut  finir que déshabillée sur un plateau de cinéma et dans le lit des participants d'un film de série B. Le deuxième monologue est beaucoup plus riche, plus complexe. Graham, vieux garçon emprunté apparaît comme le fils attentif et protecteur d'une vieille femme malade, qui semble perdre la raison. Mais l'arrivée d'un ex-amant extravagant donne une nouvelle jeunesse à la vieille mère, qui se sent  prête à refaire sa vie sans son fils. Alors Graham nous présente une  facette inconnue de son personnage. Il se révèle fragile, malade, complexé, c'est un homosexuel refoulé. Pour la plus grande satisfaction de Graham, le vieil amant disparaîtra et  la vie pourra reprendre son cours rythmé par des promenades  entre deux tasses de thé. La vie de tous ces êtres est triste, tragique, sans espoir mais Bennett arrive à nous faire sourire, rire même, d' un rire noir et grave.
La mise en scène est judicieuse. Au lieu de présenter les monologues l'un à la suite de l'autre, le metteur en scène, Laurent Crovella, a décidé de les faire interpréter en parallèle. Ce choix  correspond tout à fait à l'esprit de la préface de Jean-Marie Besset ,traducteur de Moulins à Paroles (Actes-Sud-Papier): "…les vies sont solitaires, immobiles et comiques-ô combien- dès qu'elles se mêlent à se commenter les unes aux autres". L'immobilité  est rendu par le dispositif scénique, les acteurs sont enfermés physiquement et donc moralement dans des petits kiosques qui tournent sur eux mêmes. Leslie est coincée dans une loge qu'elle décore de  photos de stars, elle joue avec des lumières, se place sous les projecteurs de ses rêves. Graham fait de la tapisserie, engoncé dans des vêtements trop étroits, vissé sur une chaise dans un décor victorien vieillot, il baisse l'éclairage pour se réfugier dans le noir quand ses peurs et ses angoisses le prennent. Stéphanie Gramont et Xavier Boulanger servent avec beaucoup de talent  les beaux textes de Bennett.

Moulins à Paroles 
Les Méridiens
Essaïon Théâtre
Du 8 au 30 Juillet à 12H40
Relâche les 18, 25 Juillet

Hella S. Haasse : Des nouvelles de la maison bleue



Dans Des nouvelles de la maison bleue de Hella H. Haasse, la maison éponyme occupe la place centrale du roman et relie les personnages entre eux et d'abord tous les habitants de ce quartier résidentiel, refermé sur lui-même, secret. La maison bleue est la propriété du professeur Lunius, de sa femme que tous appellent l'Argentine, du nom de son pays d'origine, et de leurs petites filles, Félicia, "la discrète", Nina "la pétulante". A la mort de son mari, madame Lunius part en Argentine avec ses filles et se remarie avec un compatriote conservateur proche de la dictature. La Maison bleue abandonnée à elle-même devient le repaire magique de tous les enfants du quartier.

La maison au toit bleu était donc une partie de notre réalité, un élément indispensable du paysage. Nous nous accommodions des volets clos, des pentures écaillées et de la jungle environnante, et nous nous réjoussions que les tentatives de la municipalité pour acquérir la maison soient restées infructueuses. Dans les années soixante et soixante dix la maison a joué un rôle dans le rêve et l'imagination d'innombrables enfants du quartier; ceux d'entre nous qui étaient alors à l'école primaire ou au lycée peuvent en parler.

De loin en loin les voisins de la maison bleue apprennent des nouvelles de Félicia mariée à avec un diplomate néerlandais et qui  fréquente les milieux huppés de la haute bourgeoisie. Nina  épouse un chanteur argentin, Ramon Sanglar,  et fait parler d'elle par le soutien qu'elle apporte aux mères et aux veuves des opposants de la dictature de son pays. Lorsque les deux soeurs reviennent dans la maison bleue décidée à la mettre en vente, tous vont se sentir concernés, en particulier Nora Munt et le couple Meening qui ont racheté les dépendances de la maison. Le récit raconte les retrouvailles des deux soeurs séparées depuis de longues années et les incidences directes ou indirectes de ce retour sur les habitants. Il est entrecoupé par l'intervention d'un ou plusieurs observateurs extérieurs  à la maison bleue, les voisins, qui observent les soeurs Lunius et commentent leurs fait et gestes. Comme un choeur archaïque, ce sont eux qui portent le sens du roman :

Nous voulions voir en elles, une légende vivant, le passé, mais présent, désir paradoxal. Comme si nous pouvions oublier que tout peut changer continuellement, nous-mêmes, le quartier, le monde autour de nous.

Le roman est en effet l'histoire d'une désillusion collective :  Nina qui traque son enfance dans les murs délabrés de la maison, Félicia qui essaie en vain de se rapprocher de sa soeur, Nora Munt qui veut faire revivre son amour d'adolescente pour Diederick Meening, Wanda Meening qui cherche à  s'émanciper d'un mari trop prévenant, les voisins fascinés par les deux soeurs, tous  courent à l'échec.  La destruction de la maison bleue remplacée par une maison de retraite pour vieillards fortunés est le symbole de cet impossible retour en arrière.

Le charme qui émanait de la Maison bleue et qui prêtait aux deux soeurs une aura  magique aussi longtemps qu'elles étaient ailleurs s'est retourné contre elles, est devenu maléfice, influx malin.

L'analyse de  Hella S. Hasse est conduite avec élégance et finesse. L'écrivain sait rendre le charme, le mystère de la maison (comme dans La source cachée) mais  il y a une froideur dans cette analyse qui m'empêche d'adhérer totalement au roman. Impossible d'être en empathie avec un seul des personnages ou d'éprouver de l'émotion.  Haasse parle à l'intelligence mais pas aux sentiments.