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mercredi 23 octobre 2019

Finlande : Un voyage en Carélie du Sud sur les traces d'Edith Sodergran (1)

Finlande : lac Iso-Melkutin
Me voilà en Finlande, avec ma fille Aurélia, mon mari et ma petite fille Léonie.

 Aurélia Frey est photographe. Depuis quelques années, elle poursuit un travail photographique dans les pays nordiques lié à ses passions littéraires et picturesques. En Finlande, nous suivons, avec elle, les traces d'Edith Sodergran. Je vous ai déjà parlé de l' oeuvre poétique de cette poétesse finlandaise de langue suédoise. (Voir les textes et  2 )
Edith Sodergran est née à Saint Pétersbourg en 1892 et  a passé la majeure partie de sa vie en Carélie du sud.  Si ses poésies eurent peu de succès durant sa vie, elle est maintenant l’auteure la plus connue, la plus aimée en Finlande et occupe une place primordiale dans la littérature scandinave.. Et pourtant elle n’a écrit que quatre minces recueils de poésies car elle est morte très jeune, à l’âge de 31 ans, atteinte de la tuberculose.

Arrivés hier, mardi 22 à Helsinki, nous avons loué une voiture et nous avons roulé jusqu'à Riihimaki, une petite ville de la Carélie du sud, tout près de Raivola où Edith a vécu, dans cette région de lacs et de forêts, de pins et de bouleaux qu'elle chante si bien.
Après une visite du musée des Beaux-arts de Riihimaki ce mercredi matin pour faire la connaissance de peintres finnois, nous sommes allés nous promener autour des lacs Iso-Melkulin et Yli-Milly, au sud de Loppi, sur les conseils de notre aimable logeur qui voulait nous tenir loin des lieux touristiques. Il n’y a pourtant pas foule au mois d’octobre en Carélie ! Les lacs cachés dans un dédale de petits chemins de terre boueux et d’immenses forêts nous ont offert la beauté de leurs rives, de leurs couleurs et de leurs reflets d’or et d’argent toujours changeants avec les jeux du soleil sous le voile des nuages. Contrairement à ce que je redoutais, il fait frais (pour une méditerranéenne !) mais pas froid. Une retraite silencieuse et paisible, troublée seulement par les cris du grand-père et de sa petite-fille qui cherchaient des lynx; il paraît qu’il y en a dans ces lieux. Et oui, nul n’est parfait !

Voici quelques images pour vous donner un idée du paysage.

Lac Yli-Myly







Lac Melkutin








Reflets lac Melkutin

racines lac Melkutin

Ma petite-fille Léonie (9 ans et demi) a fait, elle aussi, des photographies. Sa grande source d'inspiration ?  Maman !






Le musée de Riimaki

J'ai eu peu de coups de coeur pour les oeuvres du  petit musée de Riimiki. Il faut dire que tout n'était pas exposé et que les tableaux sont accrochés selon les expositions en cours. Je n'ai pas trop apprécié celle sur la peintre Helene Schhjerfbeck.

Exposition Helene Schjerfbeck
Exposition Helene Schjerfbeck
Mais heureusement un paysage (hélas unique) de mon peintre finlandais préféré  : Pekka Halonen (1865_1933). j'ai découvert aussi Jalmari Ruokoski. j'espère faire plus ample connaissance avec ces deux peintres pendant mon séjour à Helsinki. Le musée de Riimaki présente aussi quelques peintres finlandais cubistes.

Pekka Halonen (1919) Rantamaisema (paysage de plage)
Pekka Halonen (1919) Rantamaisema (détail)
Jalmari Ruokoski (1886_1936) : Copenhague (1913)

Jalmari Ruokoski : Copenhague (détail)
Quelques peintres d'influence cubiste dont Jonas Petterson 



Mardi 22 octobre et mercredi 23 :  Riimaki  à une heure de voiture, au nord d'Helsinki

samedi 12 octobre 2019

Arto Paasilinna : Les mille et une gaffes de l'ange gardien Auriel Auvinen


A la fin du mois d’octobre, je pars en Finlande et comme l’une des étapes de mon voyage sera Kerimäki - là où a lieu le séminaire de formation des anges gardiens dans le roman de Arto Paasilinna,  Les mille et un gaffes de l’ange gardien Auriel Auvinen , vous pensez bien que je vais aller visiter la grande église en bois dont la taille démesurée, paraît-il, est tout à fait capable de recevoir cinq cents anges sans que rien n’y paraisse. Si j’y rencontre (pour mon malheur) l’ange apprenti Ariel Auvinen, je vous le ferai savoir.

Je n’avais pas encore lu Arto Paasilinna et pourtant nul ne peut ignorer ce nom, l’un des auteurs finlandais le plus célèbre actuellement. 
 Aaro Korhonen est un pauvre mortel à qui les hautes instances du ciel ont attribué Ariel Auvinen comme ange gardien ! Grâce à cette calamité volante, Aaro voit se déclencher sur lui toutes les catastrophes les plus inimaginables, accidents de voiture, incendie de sa maison, échouage de  navire et j’en passe… S’il échappe à la mort de justesse, il se retrouve plusieurs fois à l’hôpital et, toujours grâce au zèle de son gardien, il s’en faut de peu qu’il ne finisse en prison ! Ariel Auvinen est si doué pour faire le mal (en voulant faire le bien ) qu’il est même pressenti par  le diable. S’enrôlera-t-il à sa suite ?
Arto Paasilinna manie l’humour noir avec brio, un humour pince-sans-rire, et l’on assiste, un peu stupéfait, à cette avalanche de désastres que cet ange plein de bonne volonté mais très, très, maladroit, déchaîne sur son humain. Je dois avouer que sur le moment j’ai souri mais sans plus. Ce n’est que plus tard, en racontant l’histoire à ma fille, que je me suis tordue de rire et elle avec moi ! Pourquoi ce décalage ? Peut-être le ton, tout en retenu ? Peut-être le rythme, trop répétitif, les gags se succèdent mais ils sont un peu trop attendus.
Le livre ne serait pas complet si, au-delà de l’humour, n’apparaissait aussi une vision de la société finlandaise, de son puritanisme, de ses hypocrisies, de l’appât du gain de certaines classes sociales. Une satire qui va bien avec l’humour noir et montre, à la fois, que si les hommes ne sont pas des anges, les anges ne le sont pas, non plus ...  ou bien, comme le disait Pascal que, "qui veut faire l'ange, fait la bête "!

C’est décidé ! Je lirai d’autres livres d'Arto Paasilinna !

mardi 8 octobre 2019

Andrea Wulf : L'invention de la nature (3) Ernst Haeckel et Humbodt


Voici le troisième billet que j’écris sur L’invention de la nature, les aventures d’Alexander Humboldt d'Andrea Wulf. (Billet 1 et billet 2). L'auteure parlait précédemment du rayonnement fantastique qu'Alexander Humboldt avait eu chez ses contemporains et aussi sur les générations à venir dans tous les domaines scientifiques, littéraires, poétiques, philosophiques. Mais ce que j’ai choisi de vous rapporter aujourd’hui, c’est l’influence qu’il a exercée sur l’art par l’intermédiaire d’Ernst Haeckel.

Ernst Haeckel.
 Ernst Haeckel a vingt cinq ans quand meurt Alexander von Humboldt, une grande perte pour le jeune homme qui a lu toutes les oeuvres du maître et s'en est profondément imprégné. A l’époque, Haeckel cherche sa voie, déchiré entre sa double vocation pour l’art et pour la science. Si Humboldt prêchait la réconciliation des deux et même leur complémentarité, Haeckel ne sait comment concilier son amour de la peinture et de la nature, en particulier dans la spécialité qu’il s’est choisie, la zoologie. A cette époque, il prend pour sujet d’étude, les méduses et les minuscules organisme unicellulaires du plancton comme les radiolaires. C’est en les observant au microscope qu’il découvre ces « petites merveilles » dont les structures très diverses présentent des motifs symétriques, réguliers, d’une extrême finesse et d’une grande beauté. Un univers « poétique et enchanteur ». Il ne lui reste plus qu’à utiliser son talent de dessinateur et de peintre pour le révéler au public dans un livre qui eut un immense succès : Die RadoliarienLes radiolaires.

Les radiolaires de Ernst Haeckel dans l'invention de la nature d'Andrea Wulf
Les radiolaires de Ernst Haeckel Spumellaria
Les radiolaires de Ernst Haeckel les stephoidea
C’est aussi à cette époque qu’il découvre L’origine des espèces de Darwin et qu’il en devient le grand défenseur.  Et pour rendre compte des rapports d'Alexander  von Humboldt avec la nature, il invente un mot nouveau destiné à une longue vie : L’Oecologie ou écologie, du grec « oikos, « maison » au sens large de milieu naturel.

Formes artistiques de la nature Ernst Haeckel les Ascidiae
Entre 1899 et 1904, il publie Formes artistiques de la nature, des planches représentant des radiolaires et des méduses qu’il peint en laissant libre court à son talent artistique. Ces oeuvres vont fonder le langage stylistique de l’Art Nouveau et devenir une source d’inspiration toujours renouvelée pour les artistes et créateurs.

L'art nouveau 



Certains artistes se mettent à imiter les éléments organiques marins mis en valeur dans Formes artistiques. Haeckel, lui-même décore sa maison nommée Médusa, à Iéna, de formes empruntées à ses méduses bien-aimées. 

Plafonnier villa Médusa
L’architecte René Binet édifie la porte monumentale d’entrée à l’exposition universelle de Paris en 1900 en s’inspirant des radiolaires.

Projet de la porte d'entrée de Binet  : exposition universelle de 1900 à Paris
Les oeuvres d'Antoni Gaudi à Barcelone :  escaliers, arches, fenêtres, flèches évoquent le varech, les invertébrés marins, ses lustres sont des nautiles, ses vitraux arborent des oursins géants.
Antoni Gaudi : La Sagrada

Gaudi : maison  Batllo
Et la coupole de  Louis Comfort Tiffany à Chicago rappelle la forme et les couleurs d'un radiolaire Ascidiae.

Louis Comfort Tiffany couple du centre culturel de Chicago
 En France, les bouches de métro de Hector Guimard sont considérées comme les chefs d'oeuvre de l'art nouveau. Il en reste quatre-vingt huit, à l'heure actuelle, sur les cent-soixante sept oeuvres créées par l'architecte. Pour la première fois (et initié par Eiffel avec sa tour pour l'exposition de 1900) le fer devient une matière noble, associé aux transparences et aux vives colorations du verre.


L'architecte, Louis Sullivan aux Etats-Unis décore ses gratte-ciel de motifs tirés de la faune et la flore qui ressemblent aux dessins des organismes marins de Haeckel, comme cette porte d'entrée du Carson Scott Pirie Building à Chicago.

Le  Sullivan  center Carson Scott Pirie: Chicago

Les lampes, les vases,  les bijoux, tous les objets se font fleurs ou méduses. Ainsi en est-il des créations du maître verrier français Emile Gallé, de René Lalique ou du créateur américain Louis Comfort Tiffany.

   
Emile Gallé (France)
collier René Lalique (France)
Emile Gallé (france)

Musée art nouveau à Budapest (Hongrie)
Musée art nouveau à Budapest (Hongrie)

Louis Comfort Tiffany (USA)
 
L'Art nouveau -c'est le terme adopté en France- à l'origine dans une galerie de peinture parisienne dont le propriétaire, l’Allemand Siegfried Bing, exposait et vendait des œuvres en avance sur leur temps. L'Art nouveau  naît en réaction à une industrialisation trop poussée, et en "sécession " avec la tradition et le conservatisme artistique. Il  se répand dans tous les pays occidentaux où il devient universel. Les artistes de cette fin du XIX siècle et du début du XX siècle sont gagnés à cet amour de la nature et se mettent à l’unisson. 

« Le nouveau langage stylistique de l’art nouveau insufflait dans toutes les créations des éléments empruntés à la nature, que ce soit dans les gratte-ciel, les bijoux, les affiches, les bougeoirs, le mobilier ou les textiles. De sinueuses ornementations enroulaient leurs lianes et leurs fleurs sur les vitres gravées des portes, et les ébénistes donnaient aux pieds de table et aux accoudoirs des formes incurvées de branchage » Andrea Wulf

Budapest Porte de la caisse d'épargne : Odon Lechner
Cette passion des formes sinueuses, des courbes qui reproduisent la poussée des végétaux avec une luxuriance parfois considérée comme exagérée font dire à ses détracteurs en France, que l'Art Nouveau, est un "style nouille" ou "style métro" par allusion à Hector Guimard..

Il est aussi appelé style Tiffany aux Etats-Unis d'après Louis Comfort Tiffany, Jugennstil en Allemagne, Sezessionstil en Autriche, Stil Liberty en Italie, Style sapin en Suisse,  Modern en russe, Modernismo en Espagne.
A Prague, son nom tchèque, « Secese » (Sécession) qui apparaît d'abord à Vienne, désigne un mouvement de jeunes artistes novateurs qui s'opposent à l'académisme mais le style en lui-même est né en Belgique avec l’architecte Victor Horta qui est considéré comme le père de ce nouveau style.

Maison Horta Belgique

Maison Victor Horta Belgique (détail)

Avec l'artiste tchèque Alfons Mucha  devenu si célèbre à Paris avec ses affiches, le « style Mucha » voit le jour.

Prague Affiche Sara Bernhardt
Prague  musée Musha
Prague Vitrail de Musha la cathédrale Saint Guy

Et voilà ce qu'inspirent encore de nos jours les recherches d'Ernst Haeckel : les lustres méduses de l'artiste Thimoty Horn en résidence à la villa Medusa à Iéna en 2006

Thimoty Horn (2006)

Thimoty Horn (2006)
Thimoty Horn (2006)


Je vous parlerai un autre jour d'Odon Lechner  et d'Emile Vidor, deux des plus grands artistes de l'art nouveau Hongrois que j'ai découverts lors de mon récent voyage à Budapest..