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dimanche 7 août 2011

George Sand : Mauprat


 Caspar David Friedich

 Quand on lit George Sand, on a toujours l'impression de la redécouvrir tant les genres qu'elle explore sont différents. Avec Mauprat, nous sommes en plein romantisme, un roman gothique avec une histoire d'amour et de mise à l'épreuve, des nobles sinistres perpétrant leurs méfaits derrière les fortifications de leur château, des brigandages, des meurtres... L'intrigue complexe est celle d'un  feuilleton, les méchants que l'on espérait morts resurgissent au moment où on les avait un peu oubliés pour faire le mal, l'héroïne échappe de peu à la mort, le héros est injustement accusé d'un crime. Bref! l'aventure est au rendez-vous et c'est ainsi que le livre peut-être lu au premier degré, ce qui est très plaisant!

L'intrigue :

Bernard Mauprat, après la mort de ses parents, est confié, tout jeune à son grand père,Tristan, de la branche aînée des Mauprat surnommée Coupe-jarret, un vieillard qui, avec ses huit fils, fait régner la terreur dans la région de La Varenne, aux confins La Marche et du Berry. L'enfant est élevé au château de la Roche-Mauprat par Tristan et ses oncles, cruels et impitoyables, en particulier l'aîné, le perfide Jean de Mauprat. Il y subit des sévices tout en s'endurcissant au mal, assistant aux rapines de ses oncles, à leurs exactions de toutes sortes, tortures, crimes, viols. C'est en vain que son grand oncle, l'honorable Hubert de Mauprat de la branche cadette qui n'a qu'un seule fille essaie de le soustraire à cette néfaste influence pour en faire son fils adoptif. Bernard grandit, devient complice de brigandage, de pillage mais refuse la cruauté des Mauprat Coupe-Jarret lorsqu'elle s'exerce sur des femmes et des enfants. Il a dix-sept ans lorsque sa cousine Edmée qui s'est perdue dans la forêt est amenée prisonnière au château. Bernard tombe amoureux  de sa cousine et  décide de la sauver en s'échappant avec elle mais il lui fait promettre qu'elle n'appartiendra jamais à un autre homme que lui. Commence alors une nouvelle vie chez son grand oncle Hubert de Mauprat, commencent alors l'apprentissage de la civilisation... et la découverte du véritable amour!


Récit d'aventures, Mauprat est aussi un roman où l'on retrouve  tous les thèmes sérieux chers à l'écrivain.
George Sand écrit ce livre au moment où elle se sépare de son mari, un moment douloureux où elle a tout loisir de réfléchir à ce que doit être la base d'un mariage solide. C'est ce qui explique son envie de peindre un amour exclusif, éternel et fidèle avant, pendant et après le mariage.. Elle s'élève ainsi contre la société qui rabaisse cette institution sacrée (le mariage), en l'assimilant à un contrat d'intérêts matériels. (Préface 1851)
L'histoire d'amour entre Edmée et Bernard rappelle celle du roman courtois. Le héros est mis à l'épreuve pendant  sept ans  avant de mériter sa bien-aimée. Comme dans un roman chevaleresque, le héros doit gagner le coeur de la femme qu'il aime, dominer ses pulsions et ses instincts même si les exploits qui lui sont demandés sont d'un tout autre ordre que ceux d'un chevalier du Moyen-âge. Bernard doit surmonter des difficultés adaptées à son époque. Il devra, par exemple, accepter d'apprendre à lire et à écrire, il lui faudra se cultiver en fréquentant les philosophes des Lumières et acquérir les manières d'un homme du monde. Il découvrira aussi que la femme n'est pas un objet sexuel, qu'elle a droit au respect et que l'amour véritable se fonde sur l'estime et la tendresse. George Sand aborde ici le thème de l'éducation mais, si elle est rousseauiste et admire l'Emile, contrairement à Rousseau, elle est persuadée que l'homme n'est pas naturellement bon et que l'éducation a une fonction civilisatrice. Ce n'est d'ailleurs pas sans difficulté que Bernard parviendra à s'élever.

Le roman présente aussi un aspect documentaire très intéressant. Le récit est raconté par Bernard de Mauprat alors qu'il a quatre-vingts ans à un jeune narrateur.  Le personnage parle d'une période qui se situe avant la révolution. On y voit se dérouler des évènements historiques, Bernard part rejoindre La Fayette dans la lutte pour l'Indépendance américaine. On y sent le souffle des idées nouvelles, la montée de la tempête qui va ébranler le royaume de France :

Le pauvre a assez souffert; il se tournera contre le riche, et les châteaux tomberont, et les têtes seront dépecées. Je ne verrai pas cela, mais vous le verrez; il y aura dix chaumières à la place de ce parc, et dix familles y vivront de son revenu,  dit le paysan Patience dans une vision prophétique.

 George Sand décrit donc les moeurs d'une époque révolue et elle peut noter les évolutions des mentalités par rapport à 1836, date de parution du roman. Elle peint trois types de nobles de province.

 Les Mauprat Coupe-jarrets, race de ces petits tyrans féodaux dont la France avait été couverte et infestée pendant tant de siècles. La civilisation, qui marchait rapidement vers la grande convulsion révolutionnaire, effaçait de plus en plus ces exactions et ces brigandages...

Hubert de Mauprat a une haute conception du rôle du noble basé sur l'honneur et la justice mais  il est imbu de sa classe et  plein de préjugés de caste.

Enfin Edmée et plus tard Bernard de Mauprat influencé par les idées philosophiques, représentent tous deux une noblesse débarrassée de son orgueil ancestral et partisane d'une société plus juste. George Sand prône dans ce roman des idées égalitaires qui sont portées par les deux jeunes gens. Ainsi ils éprouvent un grand respect et un profond sympathie pour Patience, un vieux paysan illettré mais d'une extrême intelligence, véritable philosophe du peuple, qui défend les idées révolutionnaires et annonce la fin d'une noblesse qui écrase  le faible.  Ils mettront d'ailleurs leurs actes en accord avec leurs idées.
Mais ce qui m'a le plus étonnée dans ce roman, c'est la virulence de Sand (elle qui est si croyante) envers l'Eglise catholique. Un des personnages principaux est le curé de Briantes, ami de Patience et d'Edmée,  accusé de jansénisme, ouvert aux idées philosophiques et persécuté pour ces raisons par le clergé. Le personnage dénonce l'hypocrisie religieuse des moines trappistes. Leur  prieur, sous couvert de générosité et de charité chrétienne, est avant tout attiré par l'appât du gain et prend le parti de Jean de Mauprat, sorte de Tartuffe, qui feint  de se convertir pour arriver à ses fins. Le ton de la critique est à la  hauteur du pamphlet et possède une violence corrosive. Il est vrai que Sand prête ces mots à l'abbé janséniste mais comme nous savons que sa sympathie lui est acquise, la critique n'en est pas moins mordante.

C'est là le caractère indélébile du clergé catholique. Il ne saurait vivre sans faire la guerre aux familles et sans épier tous les moyens de les spolier.
Il est même possible que Jean de Mauprat soit dévot. Rien ne sied mieux à un pareil caractère que certaines nuances de l'esprit catholique. L'inquisition est l'âme de l'Eglise, et l'inquisition doit sourire à Jean de Mauprat.

Critique qui n'a d'égale  que celle qui concerne la justice
Les mots de probité et intégrité résonnent depuis des siècles sur les murs endurcis des prétoires, sans empêcher les prévaricateurs et les arrêts iniques.

Et pour conclure en quelques mots : vous l'aurez compris, j'ai adoré ce livre!



Challenge de George

Voir le billet de George ici

Et celui de Titine ici 

mardi 26 juillet 2011

George Sand, la Petite Fadette


De qui est-ce? Ce petit jeu de l'été a été initié par  Mango et repris à sa demande dans mon blog.
Ce jeu de qui est-ce? - juste pour le fun- consiste tout simplement à retrouver l'auteur et le titre du roman célèbre dont je présente un extrait. Vous pouvez donner vos réponses par mail (que vous trouverez dans mon profil) ou me laisser des indices dans les commentaires sans révéler l'auteur, indices qui me permettront de savoir si vous avez vu juste et d'aider ceux qui ne savent pas.

Nouvelle énigme

Un écrivain contemporain que vous reconnaîtrez peut-être à son style si caractéristique :

L'enfance est longue, longue, longue. Après vient l'âge adulte qui dure une seconde et la seconde suivante la mort éclate, ruisselle.


Les enfants en bas âge prennent toutes les forces de ceux qui s'occupent d'eux et, en un millième de seconde, par la grâce d'un mot ou d'un rire, ils donnent infiniment plus que tout ce qu'ils avaient pris.

"Infiniment plus que tout" : c'est le nom enfantin de l'amour, son petit nom, son nom secret.



Réponse à l'énigme



Aifelle, Gwen, Lystig , Mango, Wens  ont trouvé! Bravo!

Il s'agit de La Petite Fadette de George Sand (j'ai pensé à George et à mon challenge en choisissant le texte).  Le passage choisi montre Landry en train de traverser la rivière dans la nuit. Mais trompé par un feu follet il échappe à la noyade en gardant son sang froid. A l'époque dans les superstitions berrichonnes, le feu follet est considéré comme un esprit malfaisant, lié au diable.

Il fit bien de s'arrêter, car le trou se creusait toujours, et il en avait jusqu'aux épaules. L'eau était froide, et il resta un moment à se demander s'il reviendrait sur ses pas; car la lumière lui paraissait avoir changé de place, et mêmement il la vit remuer, courir, sautiller, repasser d''un rive à l'autre, et finalement se montrer double en se mirant dans l'eau, où elle se tenait comme un oiseau qui se balance sur ses ailes, et en faisant entendre un petit bruit de grésillement comme ferait une pétrole de résine.
Cette (..) il eut peur et faillit perdre la tête, et il avait ouï dire qu'il n'y a rien de plus abusif et de plus méchant que ce feu-là; qu'il se faisait un jeu d'égarer ceux qui le regardent et le les conduire au plus creux des eaux, tout en riant à sa manière et en se moquant de leur angoisse.
(..) Il ferma les yeux pour ne point le voir, et se retournant vivement, à tout risque, il sortit du trou, et se retrouva au rivage. Il se jeta alors sur l'herbe, et regarda le follet qui poursuivait sa danse et son rire. c'était vraiment une vilaine chose à voir.
  

La petite Fadette est une lecture de mon enfance et je peux bien dire que je l'ai lu et relu alors et adoré!

Deux jumeaux, Landry et Sylvinet, des bessons- comme on dit dans le Berry- vivent dans une famille de fermiers aisés, les Barbeau. Ils sont très attachés l'un à l'autre, trop peut-être; surtout de la part de Sylvinet, plus fragile et plus doux que son frère. A leur naissance la sage femme avait prévenu :  Enfin empêchez-les par tous les moyens que vous pourrez imaginer de se confondre l'un à l'autre et de s'accoutumer à ne pas se passer l'un de l'autre.  Ce qui n'a pas été fait. Aussi quand Landry doit aller travailler à la ferme des voisins, Sylvinet ne supporte pas la séparation et s'enfuit. Landry le recherche et le retrouve grâce à la petite Fadette, une jeune paysanne, Françoise Fadet. En récompense et malgré sa mauvaise réputation, La Fadette obtient de Landry qu'il la fasse danser au bal du village. Orpheline pauvre, élevée par sa grand mère qui a le secret des plantes, elle a une tenue négligée voire misérable, des manières de sauvageonne qui font qu'elle est considérée comme une sorcière. Landry n'est pas très heureux de faire danser ce laideron au lieu de la belle Madelon qu'il courtise. Mais il tient sa promesse. Peu à peu il va découvrir La petite Fadette que l'amour transforme en charmante jeune fille paisible et sage. Landry finira par l'épouser après avoir surmonté bien des obstacles. Sylvinet, lui aussi amoureux de la jeune femme, s'engage par désespoir dans l'armée napoléonienne où il obtient le grade de capitaine, réussite sociale pour une famille de paysan, mais il ne guérira jamais de son amour.

Ce roman a beaucoup de charme et celui-ci tient, bien sûr, aux personnages avec qui l'on peut aisément s'identifier et surtout, pour moi, avec la Fadette, le "Grelet". Quand j'étais enfant j'étais de tout coeur avec la petite Fadette rejetée par tout le village, tellement rabrouée qu'elle répondait aux insultes par la méchanceté et la raillerie. Et, bien sûr, j'adorais l'histoire d'amour! Plus tard, j'ai pris conscience que ce n'est pas en jouant sur les ressorts de la compassion ou du misérabilisme que George Sand nous la fait aimer. La petite Fadette a une force de caractère qui lui fait tenir tête à ceux qui l'offensent, une fierté qui empêche qu'on la prenne en pitié et sous sa rude apparence une bonté véritable.. Peut-être faut-il regretter qu'elle devienne plus conventionnelle en rejoignant la "bonne" société? Mais ce sont des questions que j'étais loin de me poser dans mon enfance et je continue à trouver le personnage attachant de même que celui de Landry.

Enfin même si beaucoup de personnes n'apprécient pas les romans dits "champêtres" de George Sand,  personnellement, j'ai toujours été sensible à la description -parfois un peu désuète (mais j'adore)- qui en émane. Le tableau des paysans que Sand aimait tant, des us et coutumes, des croyances et superstitions, dans le Berry du XIX ème siècle est passionnant..

 Challenge de George Sand par George

samedi 11 juin 2011

Concours de la nouvelle George Sand 2011 de Déols en Berry


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Puisque je suis plongée, en ce moment, dans la lecture de George Sand, je veux signaler ce concours que j'ai découvert récemment : Concours international de la nouvelle George Sand de Déols en Berry
Ce concours a été fondé en 2004 et a lieu chaque année en hommage à l'écrivain, à son combat humaniste en faveur des femmes et aux valeurs de liberté, d'égalité et de fraternité que George Sand a défendues. Il a pour but de promouvoir la langue française.
Le Concours international de la nouvelle George Sand de Déols en Berry est ouvert à toutes les femmes sans distinction de lieu de naissance ou de résidence.
Le Concours étant attaché à promouvoir la langue française, les règles d'orthographe et de grammaire doivent être respectées. Les textes doivent répondre aux exigences génériques de la nouvelle : la simplicité de l'intrigue, une action resserrée autour de quelques personnages, l'existence d'une chute sont autant d'éléments qui garantissent la brièveté et la force de la nouvelle.
Mais surtout, les textes distingués le seront pour leur qualité littéraire : le jury prête une attention particulière à l'originalité de l'histoire et du style, à l'efficacité de la narration, à la puissance ou à la beauté de l'écriture.
La septième édition du concours propose le thème suivant : Frontière(s). Les candidates peuvent envoyer leur texte jusqu'au 30 Juin 2011.
Je  renvoie au règlement du concours pour celles qui sont intéressées.
A vos plumes! Devrais-je dire : A vos claviers!

......
logo-challenge-la-nouvelle5.1304787274.jpg de Sabbio
challenge-george-sand1-1.1304787241.jpg de  George

George Sand : Nouvelles (2) Metella et Mattea


 Metella
Dans la première partie de Metella, George Sand crée un personnage de femme belle et intrépide, installée à Florence, Lady Metella Mowbay mais qui, passé un certain âge, craint de perdre son amant, le comte de Buondelmonte. Le comte, d'abord jaloux et blessé dans sa vanité par la crainte de voir un jeune rival le supplanter, le jeune suisse Olivier en visite à Florence,  finit par rompre. Dans la société du XIXème siècle,  George Sand dénonce l'absence d'amour véritable et la vanité égoïste des hommes. Une femme n'a de valeur que si elle flatte l'orgueil de son amant et lui permet de briller en société. Comme dans Lavinia ou Pauline, les hommes confondent amour avec  amour propre. Mais les relations entre femmes sont terribles aussi. Quand Metella est abandonnée par le comte, ses "amies" se réjouissent et la raillent, tout comme le faisaient celles de la Marquise.. Malheur à celle qui devient vieille et qui ne parvient plus à plaire!
Dans la seconde partie, Metella vit en Suisse au bord du lac Léman avec Olivier. Elle l'appelle "mon fils", lui "ma mère" (allusion à Jean Jacques Rousseau?) mais ces relations sont un peu incestueuses! Leur tête à tête est interrompue par la venue de Sarah, la nièce de Metella qui sort du couvent. Celle-ci naïve croit que le jeune homme est le fils adoptif de sa tante. Les deux jeunes gens, comme l'on doit s'y attendre, finissent par s'aimer. Metella, d'abord jalouse de Sarah, parvient à dominer ses sentiments et continue à offrir protection et affection à la jeune fille. Mais une union comme celle-là serait scandaleuse. Olivier le comprend et part de son plein gré. Le portait de cette femme vieillissante deux fois abandonnée n'est pas sans grandeur. Metella finit par dominer la souffrance et par trouver dans l'amour  qu'elle éprouve envers sa nièce une raison de vivre et atteint à la sérénité. Ce qui est sûr, c'est que ce n'est pas avec  un homme que la femme peut trouver la paix.

Mattea
Mattea est la seule nouvelle de ce recueil qui finit bien. La jeune héroïne, Mattéa, se libère de la tutelle oppressante de ses parents, commerçants vénitiens, et de la brutalité de sa mère; elle s'enfuit de Venise, à bord du navire de Abdul, riche marchand turc, sous la protection du jeune grec, Timothée, employé d'Abdul, qui veut l'épouser. Elle arrive en Grèce où elle travaille pour gagner sa vie. Elle épouse Thimotée. A la mort de sa mère elle revient s'installer à Venise avec son mari et elle obtient le pardon de son père, Zacomo.
Il s'agit d'une "fantaisie", "une turquerie" comme on le disait du temps de Molière, très à la mode aussi au XVIIIème et que George Sand reprend à son actif. Ce récit, romanesque à souhait, ne peut être pris au sérieux car les aventures de Mattea sont plutôt rocambolesques. L'intrigue pourrait être facilement transposée au théâtre tant les scènes clefs, dont certaines sont presque entièrement dialoguées, prêtent au rire : Zacamo dont le chapeau est emporté par le vent tombe dans la barque de la princesse, Thimotée, le jeune grec, s'amuse franchement de la cupidité de Zacomo en lui faisant croire que Abdul réclame son argent. Veneranda qui refuse d'avouer son âge se croit aimée de Thimotée qui n'est là que pour les beaux yeux de Mattea. Le  Turc, Abdul, préfère la mère qui est une  grosse matrone à l'exquise jeune fille jugée trop maigre! Les personnages obéissent eux aussi à des types théâtraux : la jeune première idéaliste mais au caractère affirmé  qui n'a pas froid aux yeux, le jeune premier, Thimotée, habile et malin, une sorte de Figaro qui domine son maître Abdul, le père avare, la méchante marâtre...
Pourtant, les thèmes que George Sand aborde sont très sérieux :  Le mariage forcé car la mère veut marier sa fille à un cousin qu'elle n'aime pas; les rapports entre mère et fille qui rappellent ceux que George entretenait avec sa propre mère; le désir d'indépendance de Mattea qui n'hésite pas à braver les conventions sociales. Enfin l'on y retrouve une critique sociale vive et pleine d'ironie : cupidité du marchand Zacomo qui utilise sa fille Mattea comme appât sexuel auprès de Abdul. Ridicule de la princesse Veneranda qui refuse de vieillir, enfermée dans son égoïsme et sa richesse.
Enfin cerise sur le gâteau, une belle description de Venise!
J'ai déjà résumé Pauline ici
Voir Mattea chez Kathel





George Sand : Pauline


Pauline est un court roman de George Sand qui décrit en peu de pages mais avec une plume énergique et forte les tourments intérieurs d'une jeune fille, héroïne éponyme du roman, et ses relations avec son amie Laurence.
Dans la première partie qui se passe en province, Laurence qui est devenue une actrice célèbre revient par hasard à Saint-Front, la ville qu'elle a quittée pour aller vivre à Paris. Elle décide de rendre visite à son amie Pauline dont elle n'a plus eu de nouvelles depuis son départ.
Laurence vit dans l'aisance, ce qui lui permet d'assurer le confort matériel de sa mère et de sa soeur. Pauline, elle, vit dans la solitude et l'austérité et soigne sa mère aveugle. Les deux jeunes filles, en se retrouvant, renouent immédiatement avec leur amitié mais il ne faut pas longtemps pour que Laurence s'aperçoive de la souffrance morale et matérielle de Pauline. Aussi lorsque la mère de cette dernière meurt, Laurence croit bien  faire en invitant Pauline à venir partager sa vie à Paris. La seconde partie se déroulera donc dans la capitale. Mais comment réagira Pauline face à la vie brillante de son amie admirée de tous; comment vivra-t-elle l'hospitalité pourtant désintéressée de Laurence et sa réussite?
La première partie rend compte de la vie grise, monotone, terne d'une petite bourgade provinciale dans laquelle on croit reconnaître La Châtre, ville que George Sand jugeait laide et sans ouverture.  L'écrivain peint avec brio et humour l'esprit de ces petits bourgeois étriqués et moralisateurs. Toujours prête à dénigrer la morale des comédiens, toute cette clique bien-pensante vient ensuite, pour tromper son ennui et en constatant la réussite de Laurence, lui  faire sa cour et se prévaloir d'être son amie! Les scènes provinciales décrites par George Sand tiennent de la meilleurs comédie de moeurs. Le lecteur ne peut s'empêcher de sourire quand, au cours du dîner où Pauline et sa mère ont convié le Maire pour lui faire rencontrer Laurence, on voir arriver Madame la mairesse qui passait par là, par hasard, puis une seconde, une troisième visite... jusqu'à ce que le salon soit bondé! Ce qui fait déclarer à la mère de Pauline :
Oui-da, mesdames, je me porte mieux que jamais puisque mes infirmités ne font plus peur à personne. Il y a deux ans que l'on n'est venu me tenir compagnie le soir et c'est un merveilleux hasard qui m'amène toute la ville à la fois.
George Sand dénonce donc les travers de la vie provinciale  et ceci  d'une dent acérée qui prouve qu'elle a eu à souffrir elle-même de cet état d'esprit  :
Quoi qu'on dise à cet égard, il n'est point de séjour où la bienveillance soit plus aisée à acquérir, de même qu'il n'en est pas où elle soit plus facile à perdre. Le temps est un grand maître; il faut dire en province que c'est l'ennui qui modifie, qui justifie tout.
A côté de cette dénonciation sociale, George Sand explore l'âme humaine avec une perspicacité et une clairvoyance qui font froid au dos. En adoptant le point de vue de Laurence, l'écrivain laisse deviner, en effet, la vérité sur les relations de Pauline, fille exemplaire, avec sa mère aveugle. Peu à peu sous les gestes de dévouement de son amie, Laurence voit percer l'impatience, la rancoeur de la jeune fille qui n'a plus de vie personnelle. Sous l'affection de la vieille dame pointe l'égoïsme de la malade qui sait qu'elle sacrifie sa fille et au final sa peur d'être abandonnée.
La seconde partie présente la vie parisienne et nous voyons évoluer plusieurs spécimens d'hommes que j'ai déjà rencontrés dans mes lectures sandiennes, celui de l'ami fidèle et désintéressé, ici le vieil acteur Lavallée. Et  celui du dandy superficiel et mondain, Montgenays, incapable d'aimer vraiment et pour qui les conquêtes féminines sont surtout un moyen de briller dans le monde. Ce Montgenays n'est pas sans rappeler le héros de Indiana, Raymon. L'attitude de Pauline envers lui ressemble aussi à celle d'Indiana et révèle un manque  de lucidité voire d'intelligence difficile à accepter. Les ressorts qui permettent à Montgenyas d'abuser Pauline tiennent plus, en effet, du  mélodrame que du roman de moeurs.
Ce que j'ai préféré dans cette seconde partie, c'est l'étude psychologique toujours aussi fine qui étudie les progrès de la jalousie dans l'âme de Pauline. C'est ici que Pauline devient vraiment l'héroïne du roman car ce sont ses sentiments qui font évoluer l'action et conduisent à ce naufrage d'une amitié que Laurence ne peut rien faire pour éviter.
La morale, écrit George Sand, s'il faut en trouver une, c'est que l'extrême gêne et l'extrême souffrance sont un terrible milieu pour la jeunesse et la beauté. Un peu de goût, un peu d'art, un peu de poésie, ne seraient point  incompatibles, même au fond des provinces, avec les vertus austères de la médiocrité.



Challenge initié par George Sand


George Sand : Nouvelles (1) La Marquise et Lavinia

Dans ce recueil Editions Des femmes de Eve Sourian sont réunies cinq nouvelles que  Georges Sand  a écrites à l'âge de trente ans quand la jeune femme, après avoir quitté son mari, Casimir Dudevant, se rend à Paris et cherche sa voie pour devenir indépendante en gagnant sa vie. C'est à ce moment qu'elle découvre sa vocation littéraire. Le "métier d'écrire" devient une passion et elle écrit énormément "avec autant de facilité dit-elle que je ferai un ourlet". C'est une période douloureuse pour elle, elle est hantée par le suicide, trop "lâche" dit-elle pour mettre fin à ses jours. C'est pourquoi ces textes que l'écrivain aimait particulièrement et qu'elle rassemblera en 1861 dans un recueil, une trentaine d'années environ après leur rédaction, reflètent ses préoccupations de l'époque. Ils ont tous pour personnages principaux des femmes. Ils traitent de thèmes communs :  la femme par rapport à l'amour, au mariage, ses relations avec les hommes dans la société, l'infériorité de sa position, sa difficulté à être indépendante...
Les titres de ces nouvelles : La Marquise, Lavinia,  Metella, Mattea et Pauline
La Marquise
La marquise est une vieille femme peu spirituelle, ce que la société encline aux stéréoptypes attendrait d'elle. Pourtant quand on daigne l'écouter, elle a beaucoup à raconter; c'est ce dont s'aperçoit le narrateur qui l'interroge sur sa vie passée. Mariée à seize ans au Marquis de R., beaucoup plus âgé qu'elle, veuve à seize ans et demi, la Marquise de R, a eu une telle expérience de la sexualité qu'elle cesse tout commerce amoureux avec les hommes. Non par vertu, dit-elle, mais par dégoût, aversion et haine envers eux. Mais une femme sans mari ou amant n'a aucun soutien dans la société et subit humiliations, sarcasmes, railleries. Pour faire cesser ce harcèlement constant, la Marquise prend un amant qu'elle n'aime pas, le plus terne et le plus sot qui soit. Elle subit sa présence auprès d'elle pendant soixante ans, ce qui lui assure la tranquillité d'esprit et une relative indépendance. L'amour passion mais platonique et romanesque, elle le vivra pourtant à travers le personnage d'un acteur, Lélio. Mais n'est-ce pas les ombres du Cid ou de Cinna qu'elle admire à travers lui?
Dans cette courte nouvelle, on sent la rage et la révolte de George Sand. C'est avec âpreté qu'elle dénonce cette aberration qui pousse les toutes jeunes filles dans le lit des vieillards, cette société fausse, froide et méprisante où les conventions, le qu'en dira-t-on règnent en maître, où la femme doit obéir à ce que l'on attend d'elle. En prenant un amant, la Marquise entre dans les normes voulues par la société mais renonce à elle-même. C'est une sorte de suicide moral. Certes, George Sand a beaucoup en commun avec son héroïne mais elle ne veut pas lui ressembler. Contrairement à la Marquise, l'écrivain ne veut pas se contenter d'entrer dans un moule et de passer à côté de la vie.  Quand elle écrit ce texte, elle doit subir, elle aussi, les pressions sociales, elle est l'objet d'un scandale que suscite son farouche désir d'indépendance. Elle ne renoncera pas, ne voulant pas comme la jeune femme de la nouvelle se contenter de faux semblants et d'un amour fantasmé, idéalisé et factice lui donnant, à tort, l'impression d'avoir vécu.
Lavinia
Lavinia est aussi le type de la femme victime de l'homme. Elle a passionnément aimé Sir Lionel Bridgemont, un dandy fat et sans coeur, à qui elle s'est donnée et qui l'a abandonnée. Profondément blessée, elle a accepté d'épouser un vieillard dont elle est veuve. Mais Sand lui accorde une revanche ... bien amère. Quand elle revoit Lionel, Lavinia a gagné en beauté, en assurance, en raffinement. Ce qui provoque un retour de flammes chez le jeune homme. La demande en mariage du riche comte de Morangy attise encore les sentiments du dandy en redonnant du prix à Lavinia. Il ne peut supporter qu'elle lui échappe et lui demande à son tour de l'épouser. Mais Lavinia ne choisit ni l'un ni l'autre.
Nous retrouvons ici donc des thèmes semblables à ceux de La Marquise. Abandonnée et déshonorée, Lavinia cède aux conventions sociales en épousant un homme âgé. Elle le paie chèrement :  l'alliance d'un vieux lord ne m'a jamais bien lavée de la tache cruelle qui couvre une femme délaissée. On sait qu'un vieillard reçoit toujours plus qu'il ne donne. Elle refuse d'aimer à nouveau, protégée, en cela, non par la vertu mais par la méfiance.  les hommes apparaissent dans leur superficialité, incapables d'un sentiment vrai, inconstants,  vaniteux, soucieux surtout de leurs succès féminins et de leur carrière.
Le ton de Sand emprunte parfois au registre du vaudeville. Ainsi, certains passages font sourire :  Sir Lionel caché sur un balcon doit assister, furieux, aux déclarations d'amour de son rival; de plus, Lavinia s'en va et l'oublie! Mais l'amertume domine. Si Lavinia refuse l'amour, ce n'est pas comme la Marquise pour se plier aux exigences de la société. Au contraire, elle décide de se retirer du monde, de sa perfidie, de sa fausseté. Mais la véhémence douloureuse avec laquelle elle s'exprime, sa colère, sa haine, cachent mal les blessures profondes qui lui ont été infligées et l'amour qu'elle porte toujours à Sir Lionel.
" Et puis je hais le mariage, je hais tous les hommes, je hais les engagements éternels, les promesses, les projets, l'avenir arrangé à l'avance par des contrats et des marchés dont le destin se rit toujours.
A la fin de ce récit, Sir Lionel, loin d'être désespéré, recouvre ses esprits, se rabiboche avec sa fiancée actuelle, la riche Margaret, qui lui permettra de vivre dans l'opulence et de réussir dans la vie.
Allons lui dit Henry* en le voyant baiser la main de Miss Margaret, l'année prochaine nous siégerons au parlement.  (*Henry cousin de Lavinia)
On le voit, la conclusion est loin de tout romantisme. Cynique, pessimiste, désabusée, elle montre que George Sand en écrivant ces mots est revenue de tout... comme son héroïne! Car l'indépendance à un prix pour la femme, semble dire George Sand. Elle ne peut l'acquérir sans souffrance!




Challenge de George


  Challenge de Sabbio

Le monde de George Sand


George Sand par Nadar
Le Monde George Sand est un beau recueil de photographies consacré à l'écrivain, sa famille, ses amis et d'une manière plus générale à son époque.
Paru aux éditions  du patrimoine il est préfacé par Simone Veil qui lui rend hommage ainsi : Tout le temps qu'elle a vécu, elle a écrit, et par là, elle a puissamment agi sur ses contemporains. Le XXème siècle qui vient de s'achever a quelque peu masqué la force de son talent. Le moment est donc venu de reconnaître que George Sand est un auteur majeur de notre patrimoine, à la fois, femme, artiste, combattante et témoin de son temps.
L'introduction de Anne-Marie de Brem présente un court aperçu de la vie d'Aurore Dupin, de son mariage avec le baron Dudevant, de son combat de femme pour se libérer. Enfin nous assistons à la naissance de George en tant qu'écrivain puis à son engagement politique et social. Elle montre aussi l'importance de la famille et de son rôle de mère et surtout de grand mère lorsque approche la vieillesse "l'âge le plus heureux et le plus favorable de la vie".
Anne-Marie de Brem s'intéresse aussi aux contradictions de George Sand, cette femme  célèbre, reconnue,  entourée, respectée par de nombreux amis mais qui se plaint toujours de sa timidité, de sa sauvagerie : "Vous trouverez un personne bien timide et bien muette; mais ne vous en préoccupez pas et rien de ce que vous direz ne seraperdu pour moi". Un écrivain qui a besoin de silence et de recueillement pour réfléchir à la mission de l'artiste dans le monde mais qui sengage dans la lutte sociale et révolutionnaire à côté de ses amis politiques, Louis Blanc, Ledru-Rollin, Barbès, Lamartine..
Le recueil est divisé en cinq  chapitres qui regroupe les thèmes suivants :
Les liens de sang, de chair et d'encre
Belles-lettres
De l'art
La scène du pouvoir
L'univers du spectacle
Aurore Dudevant
Parmi ces images, il y a bien évidemment les superbes photographies de Nadar  : George à soixante ans en mars 1864, son fils Maurice Dudevant et sa belle fille Lina, Auguste Clesinger, le mari de sa fille Solange et surtout les deux magnifiques portraits de ses petites filles, Aurore et Gabrielle Dudevant, adolescentes. A côté de Nadar, ses contemporains Millet, Bisson,  Berthier, Verdot, Angerer,  Appert,  Bayard..





Challenge George Sand de George