Pages

Affichage des articles triés par date pour la requête le médecin du roi. Trier par pertinence Afficher tous les articles
Affichage des articles triés par date pour la requête le médecin du roi. Trier par pertinence Afficher tous les articles

mercredi 20 décembre 2017

Victor Hugo : Han d'Islande



Han d'Islande est le premier roman de Victor Hugo. Il l'a écrit alors qu'il avait 18 ans et était très amoureux d'Adèle Foucher. Il transpose dans le roman les difficultés que les deux amoureux rencontrent auprès de leurs parents respectifs hostiles à leur mariage. Mais cette transposition est dramatisée par le prisme romanesque qui grandit et magnifie tout.

Ordener,  Ethel et le prêtre

Le roman est donc avant tout une histoire d'amour contrarié. Ordener, le fils du vice-roi est amoureux d'Ethel dont le père, Schumaker, déchu de ses titres, privé de sa fortune par le roi, est emprisonné dans une forteresse avec sa fille. Ordener n'a pas révélé son identité, son père faisant partie des ennemis de Schumaker mais il promet de sauver ce dernier d'un complot qui vise à le faire condamner à mort. Pour cela, le jeune homme doit  retrouver une cassette dérobée par Han d'Islande. Elle contient des papiers qui prouveront l'innocence de Schumaker. N'écoutant que son courage le jeune homme se lance aux trousses du monstre.

Han d'Islande et son ours

Victor Hugo dit avoir eu pour modèle Walter Scott très apprécié des romantiques pour ses romans historiques et couleur locale. Le jeune auteur, en effet, place l'action dans la Norvège de la fin du XVII siècle sous le règne de Christian VI. Il n'est jamais allé dans ce pays mais par contre il connaît bien la culture scandinave, la mythologie et l'Edda, un des textes anciens fondamentaux.
Mais plus que Scott, ce sont les romans gothiques d'Ann Radcliffe et Lewis qui semblent l'inspirer. Ainsi le monstre Han d'Islande dont l'origine semble être divine, est mi-homme, mi-bête. Doté d'une force surhumaine et d'une intelligence démoniaque, il aime le Mal pour le mal.  Il prête à sourire, du moins pour le lecteur moderne, quand il arrache le crâne de son fils assassiné et s'en sert pour boire le sang de ses victimes. Cela m'a rappelé une histoire vraie, celle-là, racontée par Théophile Gautier dans son Histoire du romantisme.  Avec ses amis appartenant comme lui au petit cénacle, tous admirateurs passionnés de Victor Hugo,  ils buvaient de la bière dans un crâne que Gérard de Nerval avait volé à son père, médecin aux armées! Ils auraient tous aimé que ce fût le crâne d'une belle demoiselle morte de phtisie mais hélas ! c'était plus vraisemblablement les restes d'un soldat moustachu, mort au combat ! 

A cela Victor Hugo ajoute un intrigue politique. Les mineurs opprimés par la tutelle royale se révoltent pour s'en libérer.  Orderner, un peu malgré lui se trouvera mêlé à ces mineurs et à la bataille féroce qui les oppose aux armées royales. Mais les mineurs sont-ils vraiment coupables ?  Apparaît   la sympathie que Hugo manifestera envers les humbles et les misérables.
On y trouve d'ailleurs déjà de nombreux thèmes chers à sa maturité : dans les personnages, Orderner, noble, courageux, solitaire, est une sorte de brouillon d'Hernani et, si ce n'est pas lui qui est proscrit, c'est sa fiancée et son beau-père ! Ethel, vertueuse, courageuse et douce est une Dona Sol avant la lettre !  De même le thème du monstre est déjà présent que l'on retrouvera dans L'homme qui rit ou Notre-Dame de Paris.
Les réticences de Hugo envers la peine de mort sont aussi traitées dans Han d'Islande et développées à travers le personnage du bourreau et les condamnations à mort du dénouement.

Ajoutons qu'il y a quelques belles scènes bien menées lorsque Ordener et son compagnon de voyage se retrouvent dans la maison du bourreau et de sa femme au milieu de l'orage ! Brrrr ! Ou encore de vraies scènes de comédie quand le bourreau discute des bons côtés de son métier avec Han d'Islande ! Ou quand celui-ci marchande le prix de son cadavre au bourreau et le roule dans la farine !
Le roman n'est certainement pas le meilleur de Victor Hugo. On a parfois l'impression qu'il part un peu dans tous les sens tant il est complexe par la multiplicité des intrigues, le grand nombre de personnages, la structure du roman. En effet, Hugo croise les récits racontant l'histoire des personnages dans des espaces différents mais sans respecter l'ordre chronologique. Ce qui n'empêche pas l'auteur de retomber sur ses pieds et nous avec, si bien que j'ai pris du plaisir à lire le livre.




Lecture commune dans le cadre du Challenge Victor Hugo avec Nathalie

et Miriam (en janvier)

mardi 12 septembre 2017

Thorkild Hansen : La mort en Arabie



Avec La mort en Arabie aux éditions Actes Sud, Babel, Torkild Hansen écrit un livre magnifique et prenant, roman historique comme le révèle sous-titre Une expédition danoise 1761_1767.

 Un roman historique

La carte du Yemen établie par Carsten Niebuhr

 La Mort en Arabie commence par la vision d’une barque sortant de la rade de Copenhague le 4 Janvier 1761 et  transportant cinq hommes vers un vaisseau de ligne Le Gronland. C’est le départ d’un voyage d’études commandité par le roi du Danemark Frédérick V, en direction de l’Arabie Heureuse. Nous apprendrons que le pays ainsi nommé est le Yemen alors terre inconnue et quelle est l’origine de ce nom. L’on ne peut que constater, en regard de ce qui est arrivé aux membres de l’expédition, l’ironie tragique de cette appellation puisque quatre d’entre eux ne reviendront pas.

Un retour en arrière nous permet de voir les préparatifs et les buts de l’expédition et  faire connaissance de ses membres. Deux sont danois, deux allemands et le cinquième suédois.

Frédéric Christian Von Haven est philologue : il est attiré par l’argent mais espère que l’expédition ne partira jamais; on s’apercevra bien vite qu’il se révèle incompétent, veule et paresseux. Il n’accomplira jamais ce que l’on attend de lui. Non seulement il ne servira pas l’expédition mais on peut dire qu’il introduit la dissension dans le groupe.
Peter Forsskal, suédois, physicien et botaniste, élève de Linné : ses prétentions, la haute opinion qu’il a de lui-même, le rendent antipathique mais il est réellement compétent, érudit et même brillant. C’est un bourreau de travail.
Carsten Nieburhr mathématicien et astronome allemand : d’origine modeste, il n’est pas professeur comme les précédents et est en grande partie autodidacte. Travailleur consciencieux et scrupuleux, passionné par son métier, curieux de tout, observateur, il dresse des cartes des pays qui ont fait autorité pendant les siècles qui vont suivre.
Christian Carl Kramer, médecin et astronome est un personnage sans envergure, assez falot, qui n’apportera pas grand chose à l’expédition.
Georg Wilhelm Bahrenfeld, peintre et graveur a exécuté des dessins très précis de lieux archéologiques et des scènes croquant la population.

 La mission a pour but d’identifier la faune et la flore citées dans la Bible, élaborer une carte topographique du Yemen, comprendre le cycle des marées lors de l’Exode des Hébreux et analyser les modes de vie des Arabes et des Juifs. Elle durera sept ans et Frédéric V mourra entre temps.
L’expédition gagnera le Yemen en passant par Marseille, Constantinople, l’Egypte, la mer Rouge avant d’arriver à Mocha, Sanaa.  Le seul survivant reviendra au Danemark via la Perse, après avoir fait une escale en Inde.

Des personnages romanesques

Carsten Niebuhr
Le récit de l’expédition est d’abord une étude psychologique qui faite revivre des personnes qui ont réellement existé comme s’il s’agissait de héros romanesques tout en s’appuyant sur une analyse poussée de leurs motivations, leur caractère, leurs faiblesses et leurs qualités à partir de documents,  lettres, témoignages, et de leurs journaux. Nous éprouvons donc de l’antipathie pour certains ou, au contraire, et nous nous attachons à  certains d’entre eux. Carsten Nieburhr, en particulier, est une beau personnage. Quant à ses aventures, elles sont dignes de la fiction la plus folle, il va même disparaître pendant six mois, se fondre dans le paysage, adopter les vêtements, les coutumes, la langue des autochtones, changer de nom pour survivre dans ces contrées.
 Avec ce voyage en Arabie nous explorons toutes les facettes des travers humains, lâcheté, couardise, orgueil, soif du pouvoir, cupidité, colère,  jalousie, paresse mais aussi la capacité de certains hommes à transcender l’impossible, courage et détermination, soif de savoir, curiosité intellectuelle, intelligence et ingéniosité, attachement au devoir et à l’honneur.

Récit d’aventures et recherche scientifique

Peter Forsskall
Nous lisons et ce n’est pas le moins passionnant, un roman d’aventures plein d’aléas et de dangers. En mer Méditerranée le navire est sur le point d’être arraisonné par des bateaux anglais, ils évitent de justesse le combat ; plus tard, les savants se rendent compte que la cargaison transportée est humaine, ce sont des femmes qui vont être vendues dans les sérails égyptiens, une idylle naît entre Niebuhr et l’une de ces jeunes prisonnières comme dans un roman de Pierre Loti ! A Alexandrie ils sont pris à partie par la population qui voit dans l’astrolabe de Niebuhr un instrument de destruction, plus loin des voleurs sont lynchés devant eux par la foule en furie. Parfois la réalité semble dépasser l’imagination, Von Haven les menace d’empoisonnement à l’arsenic. Ils remontent le Nil, parviennent au Caire, traversent le désert avec une caravane en direction de Suez. Ce n’est qu’au prix de bien d’efforts et de peines, la maladie s’abat sur eux, la mort s’invite, qu’ils parviendront en Arabie Heureuse ou leurs souffrances ne feront que s’accentuer et où la mort s’abattra!
Et pendant tout ce voyage les infatigables Niebuhr et Forsskal ne s’arrêtent que terrassés par la maladie. Niebuhr cartographie avec une rare précision les pays qu’il traverse, mesure la hauteur des pyramides, note les coutumes des populations comme un vrai ethnologue, étudie et recopie les hiéroglyphes, témoignages des vestiges archéologiques :

Jour après jour, il recueille de nouvelles pièces pour ce grand jeu de construction qui deviendra enfin la carte du Yemen, un travail de pionnier qui, pendant plus d’un siècle, sera la base de toutes les explorations européennes de ce lointain pays.

tandis que Forskall part à la recherche d’arbres et de fleurs rares, constitue d’immenses collections, étudie les animaux, analyse les marées de la mer Rouge, cherche à comprendre des phénomènes physiques comme la luminescence de la mer. Il est en relation avec diverses universités européennes et fait parvenir des collections de plantes au Danemark. Cette quête scientifique, passionnante, nous permet donc de découvrir de nombreux pays tels qu’ils étaient au XVIII siècle. Un régal !

Une réflexion philosophique

Thorkild Hansen
Le roman est aussi une réflexion philosophique car le voyage se révèle vite être une marche vers la mort puisqu’un seul des cinq explorateurs en reviendra. L’échec de l’expédition rend d’autant plus tragique le destin de ces hommes. En effet, si Niebruhr qui ne cherchait ni les honneurs ni la richesse a eu la satisfaction de voir son travail reconnu, Peter Forskall dont on peut dire que sa vie fut dévouée à la science jusqu’à la fin n’a pas eu cette chance. Les immenses collections expédiées tout au long de sa mission finiront par pourrir dans des caisses au fond d’un musée, réduisant à néant des années de travail acharné. Quant aux dessins de Bahrenfeld, ils brûleront dans un incendie. Il y a dans cette fatalité qui s’est attachée à ces hommes et dans l’absurdité de leur mort inutile de quoi désespérer. Et effectivement je me suis senti le coeur étreint.

Pourtant la grandeur de ces hommesforce l’admiration et  fait naître l’espérance. C’est ce que note Thorkild Hansen. Au milieu de la préparation affolée d’un combat naval, des canons pointés sur son navire, Carsten Niebuhr observe la course de Vénus devant le soleil :

"Si le monde subsiste encore, l’une des causes en est peut-être qu’il se présente toujours même dans les moments les plus dramatiques quelqu’un qui dirige impassiblement son regard d’un autre côté…  Sur quelques signes tracés dans le sable… Sur quelques pignons de la ville de Delft… Ainsi, à bord d’un bateau où les canons s’apprêtent à délivrer leurs arguments de vie et de mort, un homme se plonge tout entier dans l’observation du passage de Vénus. Comment ne pas trouver dans cette image une sorte de consolation ? Nous qui cherchons à suivre Niebuhr et ses compagnons dans une histoire vieille de deux siècles, alors que des rampes de lancement sont prêtes à tirer bien d’autres projectiles. Nous aussi nous voulons observer ces évènements lointains avec autant d’exactitude que possible, mais la main tenant l’astrolabe tremble un peu…."

Thorkild Hansen se révèle un grand écrivain en portant le récit historique d’une expédition scientifique au niveau du mythe. Son livre est pour moi un coup de coeur.

Le sens du nom : L'Arabie Heureuse

Le Yemen est au Sud de la Mecque et à droite du point cardinal de référence, l'Est

Voici un passage du livre  pour ceux qui voudrait savoir tout de suite l'explication du nom de l'Arabie Heureuse. Si vous le préférez lisez le livre pour le découvrir !

"Parce que tout cela repose sur un malentendu, parce que le nom d'Arabie Heureuse est une erreur de traduction. C'est le petit mot Yemen, de nos jours aussi le nom du pays, qui est la cause de toute l'histoire. En Arabe, Yemen signifie à l'origine la main droite ou le côté droit. Lors que les Arabes veulent désigner les points cardinaux, ils se tournent depuis l'aurore des millénaires vers l'est, tout comme nous trouvons naturel de regarder le nord. Face au "nombril du Monde", la pierre sainte de la Kaaba à La Mecque, l'Arabe a toujours le visage tourné vers l'est. C'est de cette façon que " Yemen", qui signifiait "droite " à l'origine, est arrivé peu à peu à désigner le sud. Le Yemen est donc le pays qui est droite, le pays vers le sud. Or disent les Arabes, la main droite est quelque chose de beaucoup plus distingué que la main droite. Alors que la main gauche s'appelle aujourd'hui encore "la main sale" et est considéré comme inférieure, le mot "droite "ou "Yemen" en est venu à signifier heureux, qui porte bonheur. Arabia Yemen est donc devenue par le fait d'une mauvaise traduction Eudaimon Arabia, puis Arabie Felix, puis l'Arabie Heureuse... En réalité, ce mot signifie l'Arabie du Sud.


C'est Dominique qui m'a donné envie de lire ce livre  ICI 

Luocine l'a beaucoup aimé aussi ICI


samedi 30 juillet 2016

Festival Off d'Avignon 2016 Théâtre italien : Prêt-à-partir de Fabio Marra et Fabio Gorgolini et Ensemble de Fabio Marra



Prêt-à-partir

« Prêt-à-partir » est une histoire rocambolesque où l'ironie se mêle au drame, le passé au présent, la fantaisie à la réalité. Le voyage vers la Cour d’une troupe de théâtre proche de la faillite est interrompu par un accident. On assiste alors aux répétitions du spectacle qui décidera du sort de la compagnie. Un roi obèse traversera une série d’aventures et de métamorphoses pour conquérir ce que le pouvoir seul ne peut pas lui donner. Les répétitions terminées, nos quatre comédiens vont-ils être prêts à partir ?

J’ai trouvé la mise en scène et la scénographie de Prêt-à-partir, pièce de théâtre de Fabio Marra et Fabio Gorgolini, inventives et réussies. Une roulotte comme celle de la troupe de Molière immobilisée à la suite d’une roue cassée va servir de décor à la répétition de la pièce, devenant tour à tour, le palais du roi, la chambre de la reine, la prison…
Saverio, auteur des pièces et aussi directeur de la troupe,  (amusante allusion à un certain Jean-Baptiste!) trouve son inspiration dans la découverte qu’ils font d’un bébé abandonné dans les bois et que la femme de Saverio accueille avec ravissement. Pendant les répétitions les personnages de la pièce, roi, prince, reine, serviteurs, médecin, cuisinier, prennent vie devant nous. Mais lorsque les comédiens interrompent la répétition pour redevenir eux-mêmes, ils retrouvent leurs soucis d’argent, la nécessité de partir au plus vite pour atteindre la cour du Duc, leur désir de réussite, leur rivalité et leur jalousie professionnelles…
Cette mise en abyme est passionnante parce qu’elle fait et défait les personnages au fur et à mesure qu'ils se construisent devant le spectateur amenant à une réflexion sur le théâtre, ses conventions, sa réalité et la nécessaire distance qu'un comédien doit entretenir par rapport à son personnage. De plus, elle est une source d’amusement constant.
Certains passages sont proches de la farce lors des scènes avec le personnage du roi-obèse et pourtant sa souffrance de se voir rejeté par sa bien-aimée est tragique comme pourrait l'être la lutte des deux princes pour le pouvoir qui se double d’une rivalité amoureuse… mais elles sont désamorcées par le rire. La pièce est servie par de bons comédiens, italiens mais qui jouent en français, au tempérament comique et qui ne se ménagent pas pour nous amuser! Quant au nouveau-né découvert par la troupe je vous laisse découvrir ce qu’il advient de lui !

C’était la dernière représentation de cette pièce en ce samedi 30 juillet 2016, dernier jour du festival OFF pour la grande majorité des spectacles. Mais demain je vais encore en voir deux car certains théâtres ont décidé de poursuivre un jour de plus.

Compagnie Teatro Picaro
Auteur(s) : Fabio Gorgolini / Fabio Marra
    •    Interprète(s) : Ciro Cesarano, Paolo Crocco, Laetitia Poulalion, Fabio Gorgolini
    •    Mise en scène : Fabio Gorgolini
    •    Lumières : Orazio Trotta
    •    Costumes : Virginie Stuki
    •    Décor : Atelier Jipanco
    •    Régie : Cécile Aubert
    •    Chargée de prod. : Sarah Moulin
    •    Communication : Maria Rosaria De Riso
    •    Soutiens : Ville de Bièvres, Ville d'Yzeure, Ville de Montreuil, Ville de Gerzat


Ensemble de Fabio Marra

Croyant au rire comme antidote au drame Fabio Marra écrit une nouvelle création.
L'histoire se déroule autour d’un thème aussi inconnu qu’universel : la normalité. Qu’est-ce qu’être normal ? Sommes–nous prêts à accepter la différence ?
Isabella, interprétée par Catherine Arditi, est une femme déterminée, elle vit avec son fils Michele, un jeune homme simple d’esprit.
Cette relation fusionnelle entre une mère et son fils nous parle d’attachement, de sacrifice, avec un mélange de tendresse et d’ironie.

Dans la pièce Ensemble de Fabio Marra l’amour d’une mère pour son fils - qu’elle refuse de voir comme anormal - est touchant. La comédienne Catherine Arditi transmet avec sensibilité ce sentiment fort, exclusif, ce dévouement de tous les instants pour ne pas dire cette abnégation qui s’appelle amour maternel.
Mais j’ai parfois été dérangée par certains faits qui m'ont paru peu crédibles. Par exemple, l’histoire de la fille qui revient 10 ans après chez sa mère après avoir quitté la maison et être devenu cadre supérieur dans une entreprise. On se demande bien comment elle a pu faire des études aussi poussées en s’éloignant de sa famille si jeune. Etait-il nécessaire aussi pour expliquer le dévouement de la mère et surtout convaincre la jeune femme d’aimer son frère de faire de celui-ci le sauveur de la famille ? Ce sont des détails ? Peut-être ? Mais qui m’ont empêchée d’adhérer complètement à l'histoire car il s'agit d'un théâtre réaliste. Le milieu social est modeste, la mère me fait un peu penser à un personnage de Dario Fo et elle peine à arriver à la fin du mois. 
Cependant, il y a de beaux moments d’émotion au cours du spectacle et d’autres d’humour un peu triste. Ensemble reste donc un pièce intéressante qui, de plus, est bien interprétée.

Carrozzone Teatro 
Coproduction : LM Productions
Interprète(s) : Catherine Arditi, Sonia Palau, Floriane Vincent, Fabio Marra
  Metteur en scène : Fabio Marra
  Lumières : Cécile Aubert
  Régie plateau : Camille Fleurance
  Billetterie : Leslie Likion, Romane Hoquet-Trentinella
  Diffusion : Fiona Tschirhart
    

        Fabio Marra 

 Il débute au Théâtre Historique Bellini de Naples. Il s’intéresse vite à l’écriture et il écrit et met en scène plusieurs pièces courtes qui sont représentées dans différents théâtres de la ville. En 2005, il quitte son pays natal et s’installe à Paris où il poursuit sa formation à l’Ecole Internationale Jacques Lecoq. Parallèlement il travaille auprès des dramaturges espagnols Jordi Galceran et José Sanchis Sinisterra.
Son parcours s’amorce au sein de Carrozzone Teatro qu’il fonde en 2006 et  qui produit les textes dont il est l’auteur, metteur en scène et comédien. Dans son écriture l’ironie vient souvent s’infiltrer dans les moments tragiques. (wikipedia)

vendredi 25 mars 2016

Shakespeare : Cymbeline

Cymbeline et Posthumus de Thomas Faed

La pièce de Shakespeare, Cymbeline, parue en 1611 a d’abord été considérée comme une tragédie, puis une comédie avant d’être classée parmi les romances tardives du dramaturge avec notamment Le conte d’Hiver, la Tempête, Les deux nobles cousins.
Il faut dire que l’intrigue est si complexe, les lieux si divers, l’ancienne Bretagne mais aussi la Bretagne élizabethaine, la Rome antique et l’Italie de la Renaissance, les personnages si nombreux … que la pièce semble correspondre à un genre nouveau, la romance, apprécié par le public en ce début du XVII siècle. En France, aussi, c’est l’époque du roman baroque comme l’Astrée d’Honoré d’Urfé .

Dame Ellen Terry dans le rôle d'Imogen

L’intrigue est enchevêtrée  et je ne vous en révèle que les grandes lignes :

Cymbeline, roi de (Grande)- Bretagne, a perdu ses deux fils qui lui ont été enlevés à l’enfance. Il veut faire de sa fille Imogène, son héritière et la marier à Cloten, fils de sa seconde épouse, la Reine. Mais Imogène se marie contre la volonté de son père à Posthumus, un gentilhomme pauvre. Ce dernier est exilé en Italie et Imogène reste sous la surveillance de sa marâtre la Reine, sommée d’épouser Cloten. Le royaume qui refuse de payer un tribut à Rome va de nouveau être envahi. La guerre éclate.

A Rome, Posthumus qui vante les qualités et la vertu de son épouse est attaqué par Jachimo qui prétend pouvoir obtenir les faveurs de la Belle. L’anneau d’or donné à Posthumus par Imogène sert de gage. Jachimo, ne parvient pas à séduire Imogène mais lui dérobe son bracelet comme preuve de sa victoire. Posthumus, fou de jalousie, commande à son valet, le fidèle Pisanio, de tuer son épouse. Imogene qui s’est enfuie de la cour, déguisée en garçon, pour chercher à rejoindre son mari, se réfugie dans une forêt et est recueillie par un vieux noble banni de la cour, Belarius, qui vit là avec ses deux fils. On apprendra vite qu’ils sont, en réalité, les enfants de Cymbeline. 
Ces deux fils conducteurs vont se rejoindre pour former un dénouement dont on ne sait jusqu’à la fin s’il va être tragique ou non.

Imogène dans la grotte de Belarius :  George Dawe

Ce qui est étonnant dans la pièce c’est sa ressemblance avec un conte traditionnel et en particulier avec Blanche Neige. La marâtre qui feint d’aimer sa belle fille en public, est odieuse. Elle demande à son vieux médecin une potion pour tuer la jeune fille. Le vieillard qui a percé les intentions de la reine fabrique une médecine qui donne l’apparence de la mort. Le serviteur Pisanio qui accompagne la fuite d’Imogène en forêt refuse de la tuer. Il lui donne la potion qui la plonge dans un profond sommeil. La jeune femme est retrouvée par Belarius et ses fils qui la croient morte et qui l’allongent sur un lit de fleurs. Vous avouerez que les similitudes sont évidentes.

Il y a aussi dans la pièce de nombreuses rappels des oeuvres précédentes : La potion qui provoque une mort apparente, c’est, bien sûr, Roméo et Juliette, le mari jaloux, aux pulsions meurtrières, c’est Othello, ou  Leonte d’un Conte d’Hiver ou encore Claudio accusant Hero dans Beaucoup de bruit pour rien. La bague comme gage d’amour que l’amoureux doit conserver envers et contre tout et qu’il finit par céder est une allusion à Portia et Bassano du Marchand de Venise. Quant au déguisement en garçon, on pense bien évidemment à Viola dans La nuit des rois mais aussi à Rosalinde dans Comme il vous plaira qui part se réfugier dans un forêt  où elle retrouve, comme Imogène, ceux qui ont été spoliés par le tyran. On voit donc la richesse de Cymbeline qui reprend les thèmes récurrents  chers au dramaturge.
Cymbeline présente toutes sortes d’invraisemblances, d’évènements irréels, d’effets artificiels si bien que la crédulité du spectateur est mise à rude épreuve. Il faut donc accepter de se plier aux conventions théâtrales et laisser de côté son sens critique pour pouvoir entrer dans la pièce. Il est certain que l’on a l’impression de partir un peu dans tous les sens et puis comme d’habitude l’ordre va surgir de tout ce désordre, l’univers retrouver un sens.
 Il va me falloir d’autres lectures de la pièce pour l’apprivoiser. Je m’y intéresse particulièrement car le 16 Octobre de cette année, je suis invitée à Londres par des amis et nous irons voir une adaptation de cette pièce au théâtre du Globe! Génial, Non? Oui, mais il va falloir que je comprenne la représentation en anglais!


Lecture commune avec Jeneen et Miriam ICI

QUI veut faire une autre lecture commune de Shakespeare avec moi? Je propose pour le 25 Avril : 
 PEINES D AMOUR PERDUES ou si vous l'avez déjà lue une autre comédie de Shakespeare au choix




Logo du challenge Shakespeare de claudialucia blog Ma librairie



vendredi 3 juillet 2015

Le 3 Juillet : spectacles en avant -première à Avignon OFF

Avignon festival OFF 2015

La vieille du festival, les avignonnais ont l'opportunité d'aller assister à quelques spectacles en avant-première. J'ai choisi d'aller voir Une chambre à Soi de Virginia Woolf mais quand je suis arrivée au Théâtre Girasole, on me dit que la compagnie ne joue pas car elle ne se sent pas prête ; de même pour le spectacle du soir Ubu Roi. Quand vous avec traversé toute la ville sous la chaleur accablante et qu'on vous annonce que vous ne pourrez pas voir la pièce, laissez-moi vous dire que vous êtes forcément très déçue.  Moralité? Téléphonez avant de partir au théâtre pour ne pas avoir ce genre de déconvenue! Pour le théâtre Essaïon j'ai donc pris la précaution de me renseigner. Finalement, je n'ai pas trop eu le choix mais j'ai découvert trois spectacles (que je ne serais peut-être pas aller voir) Fille du paradis, Les divalala, Les fâcheux. j'ai assisté aussi à la représentation de Zigzag, à la Luna, lieu qui ouvre ses portes le 3 juillet un jour avant la date officielle du festival  qui est cette année le 4 Juillet.

Zigzag de Molière/Xavier Lemaire 


 Et si vous aviez, durant le même spectacle, la 1ère scène du Médecin malgré lui de Molière mis en scène de 3 façons différentes ?
ZIGZAG, vous propose cela !

L'année dernière Xavier Lemaire  a été coup du coeur du OFF pour Les Coquelicots des tranchées pour lequel il a obtenu aussi un Molière. Il revient à Avignon cette année avec une pièce plus légère interprétée par Isabelle Andréani, Franck Jouglas et lui-même.
Les trois mises en scène que Xavier Lemaire propose de la première scène du Médecin malgré lui où l'on voit Sganarelle battre sa femme Martine, sont intéressantes. La première classique en costumes d'époque, décor réaliste,  tire vers la farce. La seconde, je ne sais comment trop comment la classer : contemporaine, oui,  conceptuelle, peut-être? Sans décor et avec une économie de paroles et de moyens,  elle provoque le rire. La  troisième actualisée montre un couple de SDF, alcooliques tombés dans la déchéance. La violence y est telle qu'elle occulte le comique et cela fonctionne! Preuve que ce que Molière écrit est de tous les temps!
Comme d'habitude dans la Compagnie les Larrons les acteurs sont convaincants et bien dirigés.
J'ai moins aimé cependant le discours de Xavier Lemaire sur la mise en scène; beaucoup trop pédagogique à mon goût. j'ai eu l'impression de me retrouver en classe dans un cours de lettres!

Zigzag

LUNA (THÉÂTRE LA)

Xavier Lemaire
du 3 au 26 juillet


11h01
durée : 1h20

Tout public Théâtre / Théâtre musical / Café-théâtre à partir de 8 ans

Fille du paradis de Nelly Arcan / Ahmed Madan

Fille du paradis : interprète Véronique Sacri
Cynthia, une jeune étudiante en littérature décide un jour de composer le numéro de la plus grande agence d’escorte de Montréal. Adapté de Putain, roman autobiographique de Nelly Arcan, c’est une charge radicale et sans concession contre l’icône dévastatrice de la femme parfaite. Une parole bouleversante d’humanité, une rage de vivre qui déchire l’opacité des ténèbres telle une étoile filante.

A priori le sujet me faisait peur mais découvrir cette auteure québécoise Nelly Arcan était tentant. Elle y explique comment elle est arrivée à la prostitution après une enfance entre une mère toujours couchée qui refusait de vivre, un père religieux et austère, des études dans un institut catholique étouffant. Certains passages sont d'une violence terrible et résonne comme un cri de souffrance. Nelly Arcan s'est donnée la mort en 2009. Chaque mot est une dénonciation du poids de la religion et d'une société hypocrite. L'actrice Véronique Sacri est excellente. Un bémol pourtant! j'ai trouvé que l'adaptation à la scène était parfois trop répétitive et sans véritable progression dramatique.

Fille du paradis de Nelly Arcan
GIRASOLE (THÉÂTRE) 
du 4 au 6 juillet
14H10
relâche le 19 juillet

Les divalala ou chansons d'amour traficotées

Un récital décalé pour Divas allumées ! De Johnny à Piaf en passant par Stromae, Dalida ou encore Gainsbourg, Les Divalala retracent a cappella le parcours amoureux d'une femme des premiers frissons aux ravages de la passion.

Les divalala chantent la variété; elles ont de l'humour, sont cocasses et pleines d'invention. Ce n'est pas le genre de spectacle que je vais voir d'habitude - s'il n'avait été donné en avant-première- mais il fait passer un moment agréable et le public s'amuse beaucoup.

Les Divalala Chansons d'amour traficotées

ESSAÏON-AVIGNON

du 3 au 26 juillet


19h
durée : 1h10 

Spectacle musical
  

Les fâcheux de Molière/ Jérémie Milsztein 


« Le devoir de la comédie étant de corriger les hommes en les divertissant, j'ai cru que, dans l'emploi où je me trouve, je n'avais rien de mieux à faire que d'attaquer par des peintures ridicules, les vices de mon siècle.» Molière  
Pendant trois actes Eraste essaie d'avoir une rendez vous avec Ophise dont il est épris mais il doit subir tout un défilé de fâcheux qui l'accablent de leurs politesses et tiennent à lui raconter leurs hsitoires

Les fâcheux est une comédie-ballet de Molière (1661). Ce n'est pas une grande pièce mais certains passages annoncent Le Misanthrope Elle souffre parfois de quelques longueurs car les fâcheux, comme leur nom l'indique, sont parfois bien ... fâcheux, autrement dit ennuyeux!  La mise en scène est inventive et enlevée. Une des bonnes trouvailles du metteur en scène est d'avoir confié le rôle des fâcheux à un seul comédien qui s'en sort fort bien et sait nous amuser. Les acteurs sont tous bons et l'on passe un agréable moment. je suis heureuse d'avoir découvert cette pièce que je n'avais jamais vue.

Les Fâcheux

ESSAÏON-AVIGNON

Molière
du 4 au 26 juillet
20h30
durée : 1h  Classique

vendredi 26 juin 2015

Per Olov Enquist : Le médecin personnel du roi


Dans Le médecin  personnel du roi, Per Lov Enquist raconte un moment de l’histoire du Danemark au XVIII siècle. Christian VII,  roi du Danemark et de Norvège, a une intelligence brillante mais un gouverneur trop brutal le fait vivre dans la peur et la violence si bien que l’enfant devient instable souffre de troubles hallucinatoires, de crises de terreurs et de panique, avant de tomber progressivement dans la folie. Dès lors il n’est plus apte à gouverner, ce qui fait bien l’affaire des conseillers du Royaume qui peuvent ainsi gouverner à sa place.

Christian VII du Danemark

Mais lors d’un séjour de Christian VII en Europe, on  le confie  au docteur Struensee qui gagne la confiance et l'amitié du malheureux souverain. Johann Friedrich Struensee va exercer une telle emprise sur lui qu’il devient son premier ministre, le seul autorisé à signer des documents sans avoir besoin de la signature royale. Autant dire que le médecin est l’égal du roi et même plus puisqu’il règne seul, le jeune malade ne pouvant comprendre ce qui se passe. Malgré la vindicte des conseillers, Struensee gagné aux idées philosophiques, de Voltaire à Rousseau en passant par Diderot, en profite pour entreprendre des réformes fondamentales, révolutionnaires, très audacieuses, qui suscitent le mécontentement non seulement des nobles mais du peuple. De plus, l’amour réciproque de Johann Friedrich Struensee et de la reine, Caroline Mathilde de Hanovre, soeur du roi d’Angleterre George III, épouse de Christian VII qui a peur d’elle et la délaisse, va être un des facteurs de sa chute…
Un complot fomenté par tous ceux qui souhaitent sa perte, en 1772, enlève son pouvoir au médecin qui sera exécuté…
je vous laisse découvrir les détails de cette extraordinaire histoire dont Per Olov Enquist tire un récit passionnant, réflexion sur le pouvoir, sur le rôle des Lumières, sur la vie…

Johann Friedrich Struensee  conseiller de Christain VII du Danemark, règne à la place du roi malade mental portrait de Jens Juel
Johann Friedrich Struensee portrait de Jens Juel
 Per Lov Enquist  nous fait partager en particulier, l’intérêt qu’il éprouve pour ce personnage Johann Friedich Struensee, danois d’origine allemande, bourgeois qui à l’origine n’éprouve pas un attrait particulier pour le pouvoir. Il se sent pourtant pris dans un engrenage qui le pousse lui, médecin par vocation, vers un destin vertigineux qu’il ne peut ou ne veut refuser. Il y a quelque chose  d’exceptionnel, dans cette révolution silencieuse, pacifique et douce, due à une seule personne. Johann Friedrich Stuensee a accompli une énorme travail de réforme pendant les deux années où il a « régné » à la place du roi, produisant 632 décrets, travaillant de jour comme de nuit dans son cabinet, s’attaquant aux inégalités, au servage, supprimant les privilèges, accordant la liberté de la presse, abolissant la censure, la torture, la prison pour dettes,  réformant les cadres de l’administration, créant des orphelinats, des écoles! Une révolution qui doit tout aux idées des Lumières mais qui paradoxalement est fondée sur une usurpation, un abus de pouvoir, sur l’oeuvre d’un seul donc sur la tyrannie, tout le contraire de la démocratie. Et pourtant Struensee a amorcé une extraordinaire mutation de son pays par des réformes qui  préfigurent la révolution française, et qui, après un retour en arrière lié à la réaction, finiront pas s’imposer.


Owe Hoegh Guldberg  premier ministre du roi Christian VII :  portrait du peintre Jens Juel
Owe Hoegh Guldberg peint par Jens Juel
L’écrivain oppose à Stuensee, une autre personnage Owe Guldberg, son double, qui représente la réaction et le parti des nobles. De petite naissance, arriviste, sans pitié, Guldberg  prendra le pouvoir après Struensee en tenant le roi sous tutelle. Trois personnages masculins s'affrontent mais dont la force est inégale, Struensee trop bon, refusant la violence, le roi à l'esprit troublé, et Guldberg rusé et sans état d'âme. Face à eux la reine est un personnage féminin entier et de caractère.

Caroline-Mathidle,reine du Danemark, épouse de Christina VII , soeur du roi George III d'Angleterre
Caroline-Mathidle, reine du Danemark,  peinte par Jens Juel
Le roman s’appuie sur des témoignages de l’époque, celui de Robert Murray Keith représentant anglais à Copenhague, sur les écrits de Reverdill, professeur d’allemand et de français du roi qui raconte les premières années du jeune Christian sous la férule perverse du comte Reventlow, son tuteur après la mort de ses parents, sur le courrier échangé entre Voltaire et Christian VII gagné lui aussi aux Lumières avant de sombrer dans la folie.  Le roman de Per Olov Enquist tient donc à la fois du documentaire et de la fiction et il est très réussi.


 Per OLov Enquist (1934) a écrit de nombreux romans (Le Cinquième Hiver du magnétiseur, Hess, L'Extradition des Baltes, Le Départ des musiciens...) des pièces de théâtre ( La Nuit des tribades, Pour Phèdre, L'Heure du lynx, Marie Stuart, Selma ) et des livres pour enfants.  Il est journaliste. Il est à l'heure actuelle l'un des plus grands écrivains scandinaves de la littérature contemporaine. Actes Sud

mardi 3 mars 2015

Vacances Toussaint 2010 : souvenirs, souvenirs...

Un petit ours polaire

J'ai retrouvé dans les dossiers de mon ancien ordinateur, ce texte que j'avais écrit en 2010 pour l'atelier d'écriture de Gwenaelle qui a disparu depuis. Il s'agissait de noter au jour le jour nos activités pendant les vacances de la Toussaint. Retrouver ces souvenirs m'ont fait bien plaisir parce qu'il y est question de ma petite fille Léonie qui avait alors sept mois! J'ai donc décidé, pour qu'il ne disparaisse pas, de le publier ici même s'il est très personnel. Peut-être n'intéressera-t-il personne à part moi et éventuellement les parents de Léonie? Mais je ne veux pas l'oublier!

J'ai mis quelques petites commentaires en  2015 (en mauve) à propos de certains passages de 2010  dont certains me paraissent plus que jamais d'une brûlante actualité.

Lundi  25  Octobre 2010, le soir : Marseille au temps du Choléra

Ma petite fille Léonie est couchée et j'ai un petit moment pour moi, c'est à dire pour lire et écrire.

Hier, Dimanche, nous sommes allés la chercher à Marseille chez ses parents. Aurélia, sa maman, partait à Paris pour son travail, photographier le musée Gustave Moreau, et nous allions ramener Léonie à Avignon jusqu'à samedi. Nous sommes arrivés dans une ville de cauchemar, les trottoirs débordant de sacs poubelles éventrés, des ordures répandues partout emportées par le Mistral, des rats grouillant autour des containers. Marseille au temps du choléra! Les Sdf profitant de l'anarchie ordurière avaient investi la place et installé leurs matelas souillés entre les poubelles. Mais ce qui m'a le plus surprise ce sont les personnes qui, au milieu des immondices et des odeurs délétères, avaient étendu des couvertures à même la rue pour vendre de menus objets.
Je n'avais vu la ville aussi sinistrée qu'une fois et c'était en 1968! Mais alors je ne l'avais pas ressenti de cette manière. Peut-être parce que j'étais jeune, peut-être aussi parce que la France entière était dans la rue et les mouvements de la jeunesse partout dans le monde occidental allait apporter un souffle, une liberté ardemment souhaitée dont nous allions parfois faire un mauvais usage. Certes, nous n'avons pas apporté des lendemains qui chantent à nos enfants et la France de demain s'est révélée ce qu'elle est aujourd'hui, celle du chômage, de la précarité, de l'individualisme et du capitalisme triomphant. Mais en ce temps-là nous ne le savions pas, tous les espoirs étaient permis et nous étions solidaires, enthousiastes et idéalistes.

 Voilà ce que  je pensais dans les rues de Marseille en allant chercher ma voiture pour ramener ma petite Léonie à Avignon. Bien enveloppée dans une gigoteuse en fourrure blanche, elle ressemblait à un petit ours polaire avec son capuchon orné de deux oreilles rondes. Un joli ourson aux yeux bleus!

Quand tu nous a vus, tu as eu un petit sourire mi-figue, mi-raisin, le sourire que nous connaissons bien maintenant et qui dit : "oh! je les aime bien ! mais qu'est-ce qu'ils viennent encore faire ces deux-là!  Ils vont m'arracher à mes parents! et je veux paaas!!" Par contre quand nous venons le mercredi pour t'amener à l'éveil musical, tu es toute heureuse, et le sourire est franc! Tu sais que tu ne vas pas repartir avec nous et je te sens heureuse d'être avec tes grands parents! *
Comment peux-tu savoir que nous venons te chercher mon petit sphynx?  C’est vrai que tes parents ne te prennent jamais en traître; Ils t'avertissent quand tu dois venir chez nous. Mais comment as-tu compris sans la compréhension des mots? Tu le sens, tu le sais? Que te transmettent tes parents au-delà des phrases? Maupassant disait en parlant des bébés : « un enfant encore sans gestes et sans parole ». Comme si le tout-petit n’appartenait pas tout à fait à l’espèce humaine. 

Le soir, difficile endormissement ; tu te calmes dans mes bras; je te transmets tout mon amour.

*Léonie n’a pas changé depuis!

Mardi 26 Octobre :  C'est une grande joie...

 Le Mistral continue à souffler avec une violence inouïe. Des rafales à 120 km secouent les volets comme pour les arracher. Je n'ai pas pu sortir Léonie et je me suis occupée d'elle toute la journée. j'adore! Je lui ai créé un petit monde à elle dans notre salon. Le parc qui s'ouvre sur le côté est devenue une cabane d'où elle peut entrer et sortir à quatre pattes même si elle n'aime pas beaucoup cette station. Elle préfère être debout. Un tapis en mousse, puzzle aux couleurs vives, lui permet d'évoluer sans danger. Elle est entourée de toutes sortes de personnages extraordinaires et insupportables. Figurez-vous, entre autres, Jojo lapin, roi des malins, avec des jambes démesurées, qui saute partout et atterrit régulièrement sur son nez de bébé.

Son grand père lui prépare des petits plats de sa composition, mixant, mêlant savamment les goûts, un zeste de Kiwi d'un vert acide neutralisé par une poire jaune, juteuse et fondante à souhait, une purée de patates douces nappée d'un coulis de courgette. Il a raison car il a affaire à un gourmet. Quand elle goûte, c'est du sérieux! Elle ferme les yeux, se recueille, grimace un peu avant de s'apercevoir qu'elle aime, qu'elle aime, qu'elle aime! Mmm! Le petit bec s'ouvre avec avidité vers les grands parents nourriciers, affolés, la petite bouille barbouillée de rouge ou de vert selon le cas, le soupir d'aise et le sourire final sont autant d'hommage au grand chef cuisinier.
Et puis, il y a les livres, la musique, les chansons...  Notre Minuscule se trémousse sur nos genoux, « à Paris, à Paris, sur un petit cheval gris » ou  Desnos«  Saute, sauterelle, car c'est aujourd'hui jeudi / Je sauterai, nous dit-elle, du lundi au samedi.

Simone de Beauvoir
...  Je pense à Simone de Beauvoir qui écrivait: "c'est une grande joie, à vingt ans, de recevoir le Monde de la main qu'on aime" et je plagie : "C'est un grand bonheur à tout âge de donner le Monde à l'enfant qu'on aime!"


 Tu babilles sans cesse, tu es très bavarde. Chaque nuit quand tu te réveilles tu m'assailles de :  "ga'de" ‘ga’de! » = "regarde" de ta voix.. pas très minuscule...  




Virginia Woolf

Quand nous passons dans le couloir tapissé de livres, je te montre une photo, toujours la même, sur la tranche d'un livre. Et quand je te dis Virginia Woolf, tu poses le doigt dessus.  
* Deux mois plus tard, c’est La Minuscule qui cherchera Virginia Woolf toute seule! Elle sera peut-être le seul Bébé du monde à connaître le nom et le visage de la grande écrivaine à l'âge de 9 mois. Rassurez-vous, elle n'a pas encore lu ses livres même si elle a …  du potentiel! En tous cas, elle n'en a pas peur!

 

 

Mercredi  27 Octobre: Des munitions en cet humain voyage... 

Médiathèque Ceccano

Le vent a presque cessé. Il fait encore un peu froid mais le petit ours polaire bien emmitouflée ne risque rien, donc nous sortons, la Minuscule et pour aller jusqu'à bibliothèque.

J'aime beaucoup la médiathèque d'Avignon. Elle est installée dans l'ancienne livrée du cardinal Ceccano, édifiée au XIVème siècle. C'est un un beau palais fortifié à la façade imposante ornée de créneaux, aux murs et aux plafonds à lourdes poutres en bois encore recouvertes de fresques colorées. Je passe d'abord rendre un livre chez les adultes et j'aperçois, ô miracle, un roman que je voulais absolument lire depuis sa parution : "La solitude du docteur March" de Geraldine Brooks. Je dis "miracle" car les livres de la rentrée littéraire sont très attendus et il est rare de pouvoir les lire dans les premiers mois. Or je viens de trouver tour à tour "La malédiction des colombes" de Louise Eldrich que je convoitais aussi et celui-ci. je complète avec mon Joyce Carol Oates mensuel, écrivain qu'en bonne challengiste je lis régulièrement. Cette fois-ci je choisis un roman d'elle qui n'est pas très connu, je crois, mais qui me plaît bien à priori. Il s'intitule : Zombi. Je ressens l'euphorie habituelle quand je fais ma récolte et engrange mes bouquins comme un écureuil ses noisettes. Je les emporte après enregistrement comme un trésor précieux.

 Léonie m'observe quand je les place sous sa poussette; elle ne sait pas encore que que je suis comme Montaigne et que les livres, pour moi, "c'est la meilleure des munitions que j'ai trouvée en cet humain voyage".
Dans la partie enfant, la salle est lumineuse, agréable. Pour les tout-petits un épais matelas installé à même le sol permet de les poser et de s'asseoir à côté d'eux. Nous "lisons" ensemble et surtout je l'inscris à la bibliothèque et j'emporte quatre petits albums pour elle. Elle aussi repart avec ses "munitions".

Le soir, je continue ma lecture des "Carnets retrouvés" de la jeune Vietnamienne Dang Thuy Trâm qui écrit pendant la guerre contre les américains dans les années 68-69. Cette jeune fille est attachante; on la sent à la fois si forte et si vulnérable. Si courageuse aussi! c'est elle qui a choisi d'aller soigner les blessés (elle est médecin) dans le Sud alors qu'elle vivait à Hanoï loin des combats dans une famille aimante et protectrice. Je pense qu'elle est si jeune (24 ans "l'âge à peine d'une enfance") et que depuis des années elle ne connaît que les bombes, la mort, la violence. La lecture d'un journal non officiel (je veux dire de personnes qui ne sont pas célèbres) est toujours émouvante. Ce sont des gens proches de nous qui n'écrivent pas pour la galerie mais pour eux-mêmes, pour exorciser leurs peurs, pour confier leurs angoisses. On se sent si proche de Thuy, de sa détresse, de son désir de pureté, de son idéalisme. Thuy, même si elle a fait des études scientifiques, lit beaucoup et écrit bien. Mais comme souvent dans ce genre de cahier on aimerait en savoir plus (d'autant plus qu'il manque les carnets du début de la guerre) parfois il y a des répétitions, des ellipses, des non-dits. On a l'impression non pas de lire une oeuvre littéraire mais de lire le journal d'une amie.

Jeudi  28 Octobre :   Illégal

Les réveils à 4 ou 5 heures du matin pour le biberon commencent à se faire sentir. Elle est peut-être minuscule ma Léonie mais quel appétit! Je n'ai plus les yeux en face des trous! et des cernes! Je regarde Francis. Il est à peu près dans le même état que moi! Nous ressemblons à des pandas. Nous rions ensemble. Etre grands-parents! Décidément, c'est vrai que le métier de parents est un métier de jeunes ! Mais quel bonheur de pouponner La Minuscule qui a envie de tout savoir, tout connaître
Ce matin elle a dit "dadou"! C’est ainsi que nous nous faisons appeler : dadou et manou…  mais pour moi? Rien! l'ingrate! Prononcer manou n’est pourtant pas la mer à boire! Le grand-Père frime et moi je me demande si cette petite a autant de "potentiel" qu'on veut bien le dire!

Le soir, nous recevons nos amis, collègues de Francis, eux aussi profs de cinéma à la retraite ou encore en fonction et de quoi parlons-nous? D'une autre passion commune, le cinéma. Ils ont bien aimé "Les rêves dansants" un film documentaire que j'aimerais voir qui montre des adolescents sans expérience de la danse travailler avec Pina Bausch. Le film qui fait l'unanimité est "Illégal" que nous avons tous vu, une fiction qui emprunte un peu au documentaire tant elle paraît réaliste. Elle montre à travers le personnage de la russe Tania séparée de son fils Ivan, le sort des immigrés enfermés dans des centres de rétention avant d'être réexpédiés dans leur pays. C'est un film sans concession qui montre l'inhumanité, les dérapages, les violences faites à ces gens qui ne sont pas des criminels mais sont parfois traités comme tels.

Petit être doué de paroles. Tu parles, tu dis des mots et parfois au milieu d'eux j'en reconnais un et je m'émerveille. Tu accèdes au langage, j'accède à ta compréhension. Tu as dit : "voi " pour aurevoir "ca" pour canard et "pin" pour lapin.  Mais tant que les mots ne sont pas répétés et liés à du concret, est-ce déjà du langage? Bien sûr! Quelle drôle de question!

Vendredi  29 Octobre  : Nénègle ou la liberté

Francis-Wens est parti à Toulon chercher sa mère. Et Aurore la troisième de mes filles est arrivée cette après midi. Elle vit à Marseille chez sa soeur aînée et son beau frère, les parents de Léonie, aussi l'on peut dire qu'elle sert de deuxième maman à sa petite nièce et qu'elle a une adoration pour elle.

Elle lit les livres que j'ai ramenés de la bibliothèque pour la Minuscule. Parmi eux : "Nénègle sur la montagne" de Benoît Charlat. Nénègle est un petit aigle perché sur une montagne avec son biberon, sa tétine, son doudou, son camion rouge...  Quand il apprend à voler, il tombe et il est obligé de lâcher l'un après l'autre les objets qu’il tient dans ses bras (euh! ses ailes)! Et oui, c’est cela, grandir, un abandon de ce qui fait l’enfance; c’est la condition pour qu’il puisse s'envoler et gagner son indépendance, loin de ses parents.

 Je vois les yeux d'Aurore qui se voilent, s'attristent. Elle soupire : "C'est triste!"  Mais triste pour qui? Pas pour l'enfant bien sûr! Mais plutôt pour ceux qui le regardent partir! Aurore vient de comprendre ce que c'est être mère avant de l'être elle-même! Avoir le courage de pousser son enfant vers la porte de sortie et le regarder s'en aller en souriant!
A propos des livres d'enfant, je lisais l'autre jour sur le blog Livre de Malice, ses réponses à des lecteurs qui jugeaient les livres d'enfants "simplistes". Quel mépris et quelle ignorance! Il en est des livres pour la jeunesse comme des autres, il y a de bons crus et des mauvais. Le Nénègle de Charlat est bon; on peut dire que cet album est un livre d'initiation réussi, le Lucien de Rubempré ou le Julien Sorel des bébés!

Ce soir, papotage avec notre fille qui nous explique ses exploits de débutante en Haikido. Le pire c'est que c'est moi qui sers de cobaye pour la démonstration!

Tu revois Aurore, tu es heureuse, tu répètes sans cesse "tata " à la grande joie d’Aurore. Tu dis au revoir et agites ta petite main. Tu fais beaucoup de progrès à quatre pattes, tu te  suspends au bras d'Aurore pour te lever.

Samedi 30 Octobre : un message subliminal

Elle l'a eu!(le bonnet subliminal)

 Les parents sont venus et repartis en amenant leur bébé. Et voilà, le vide ! Pourtant la journée a été animée avec les quatre générations qui se sont retrouvées dans notre petit appartement : du bébé de 7 mois dont c'était le "moisversaire" à l'arrière grand-mère de 90 ans.

 Comme je tricotais un col et un bonnet avec une très belle laine naturelle pour ma seconde fille Amandine dont c'est l'anniversaire ce mois-ci, la seule absente de la famille ce jour-là,  Aurélia m'a lancé des messages qu'elle appelle "subliminaux". Le subliminal pour elle, c'est ça : "Qu'il est beau ce bonnet, que j'aime la laine … et alors c'est pour Didine? parce que moi j'aime vraiment beaucoup, en bleu, ça me plairait ... beaucoup, beaucoup!".  Bon je vais en être quitte pour tricoter un deuxième bonnet! Heureusement que ma troisième fille trouve que la laine : "ça pique!" et que Léonie n'a pas encore l'âge de réclamer subliminalement!

Tu es heureuse de revoir ses parents mais pas de bouderie comme tu sais le faire parfois pour te venger de leur abandon/ Tu es très nerveuse, excitée. Départ sous la pluie, 2 h de voyage, bébé très fatiguée…

Dimanche 31 Octobre : Il pleut...

Inondation Avignon photo DR source
Il pleut! il pleut! Il pleut!  Il pleut comme il sait pleuvoir dans le Midi de la France. L'eau monte et le moral des avignonnais descend. Car, il faut le savoir, la pluie comme la neige sont considérées comme des offenses personnelles faites aux seuls provençaux. Qu'il pleuve ailleurs, c'est normal, mais chez nous! Il y a longtemps que le Rhône n'a plus débordé. Il a beau être canalisé, domestiqué, il fait encore bien souvent des siennes et ceci malgré les délestages et les pompages. La dernière fois ( 2003 ?) l'eau est montée jusqu'aux remparts de plusieurs mètres. Les portes de la vieille ville sont alors fermées par des bardeaux remplis de fumier. Celui-ci gonfle sous la poussée de l'eau mais ne cède pas. L'eau percole mais ne passe pas!  Ce qui n'empêche pas que cette masse grise et puissante qui pèse de toutes ses forces sur l'enceinte médiévale lorsqu'on a sa maison située derrière ces murs est impressionnante. L'île de la Barthelasse créée par les alluvions du Rhône au cours des siècles est alors submergée. Jadis les habitants vivaient au premier étage et avaient toujours une barque dans le hangar du rez-de-chaussée. Maintenant il n'en est rien et les maisons sont inondées. L'homme croit toujours pouvoir dominer la nature et ne plus craindre les colères du fleuve mais ce n'est jamais entièrement vrai.

 Lundi 1er Novembre : Automne

Lozère : le chemin du col à Grizac/Villaret
Lozère : automne

 Nous ramenons l’arrière-grand-mère chez elle, près de Toulon. Sur l'autoroute, la pluie continue et le flot incessant des voitures rend la conduite préoccupante. Nous ne parlons pas! Je ne conduis pas et j'ai le temps de regarder la campagne que je n'avais pas vue depuis quelques jours. La ville ne permet pas de voir vraiment le déroulement des saisons. Ca y est! les couleurs de l'Automne sont là, les vignes rouges qui virent au violet, les peupliers dont l'or contraste avec le vert-noir des cyprès. Je me rends compte combien la Lozère me manque. En ce moment ce doit être une orgie de couleurs là-haut, un flamboiement dont je ne me lasse pas. Et puis il y les odeurs végétales de l'Automne presque aussi importantes que la vue, lorsque l'on se promène dans la forêt, le sous-bois mouillé, les châtaignes que l'on délivre de leur bogue..  

Comment se fait-il que lorsque je suis à la montagne, la ville me manque et vice versa à la ville?


Mercredi 3 Novembre : La malédiction des colombes


 Je lis "La malédiction des colombes"... pas envie d'écrire! 
Extrait de mon billet sur ce roman que j'ai vraiment beaucoup aimé  : La malédiction des colombes s'ouvre sur une scène superbe racontée par Mooshum qui donne son titre au livre : la  vision hallucinante de milliers de colombes s'abattant sur les récoltes et la procession qui s'ensuit menée par le curé, un indien catholique. Le ton est  neuf, vif, nerveux, évocateur d'images, de sons, d'odeurs et de couleurs. Un récit partagé entre le réalisme de la description, voire la trivialité, la cocasserie et l'irruption de la fantaisie, de la poésie.
Pour ma part, j'ai tout de suite été séduite par ce style et ce va-et-vient entre tragédie et comédie. Mélange de genre qui n'est pas sans me rappeler le Steinbeck -en plus noir tout de même- de Tortilla Flat ou de Tendre jeudi en particulier avec le personnage du vieux Mooshum, menteur, buveur, paillard mais plein d'humour, imprévisible, farceur, gamin insupportable parfois mais... si attachant!

Jeudi 4 Novembre : Je te le donne pour l'amour de l'Humanité

Dom Juan : la scène du pauvre

Aujourd'hui, le matin je suis allée faire du sport ! Quel courage! J'ai pris de bonnes résolutions. Le tout est de savoir combien de temps cela va durer? En tous cas je suis inscrite pour un mois! Avant de partir j'ai publié la citation du jeudi. Montaigne, bien sûr!

L'après midi je rédige mes commentaires sur mes livres en retard. Je ne sais si les autres blogueuses sont comme moi ou si c'est un effet de ma mauvaise organisation (ou de ma paresse) mais je suis toujours en retard de plusieurs livres pour les commenter. Cela prouve au moins que je lis plus vite que ce que j'écris et aussi que j'aime plus lire qu'écrire.

J'ai envie d'écrire sur ce fait divers lu dans le Monde. Il paraît presque anodin de prime abord mais si l'on y réfléchit, il est inquiétant pour le devenir de notre société. Un joueur italien a été suspendu pour propos « blasphématoire » parce qu’il a juré : "Porco Dio"! Preuve que les intégristes n'appartiennent pas qu'à une seule religion; ils  peuvent être partout. Cela nous ramène à des siècles en arrière et me rappelle la scène de Molière où Dom Juan promet une pièce à un pauvre à condition qu'il jure. Ce dernier, après un débat de conscience, refuse et Dom juan lui dit : "Tiens, je te la donne pour l'amour de l'humanité ».
 j'ai toujours jugé la réponse de Dom Juan sublime parce qu'il place l'amour de L'Humanité avant l’idée de Dieu. C’est la réponse d’un athée. Et le pauvre? Lui aussi sa conduite peut paraître sublime, c'est  la réponse d'un croyant; il préfère mourir de faim plutôt qu'être impie. Oui mais... pour juger son acte, il faut savoir qu'à cette époque un blasphème était puni de plusieurs années de galère. Il était dangereux de jurer et plus d'un a connu les bûchers de l'Inquisition pour moins que ça!*
Nous n'en sommes pas encore là direz-vous**? Non, on est puni seulement de participation à un match! Mais c'est grave! Car où est la liberté de pensée? N'aurait-on plus le droit d'être athée ou même d'être croyant et de jurer sans avoir de compte à rendre? Où va s'arrêter cette hypocrisie, cette ingérence de tout un chacun sur les consciences? Ah! Voltaire, que tu t'éloignes de nous et le siècle des lumières aussi!

* Dès les premières représentations la scène du pauvre fut censurée; La pièce de Dom Juan fut jouée pendant quinze jours du 15 février au 20 mars 1665 et puis elle disparut; elle ne fut plus interprétée jusqu'en 1841. Pièces, caricatures, peintures, expositions censurées, interdites, reportées, c'est notre lot quotidien de nos jours!
** Hélas! oui, nous en sommes là! Les évènements de janvier 2015 l’ont tristement prouvé!  Il y a un retour du bâton partout, exacerbation des intégrismes religieux.

Vendredi 5 Novembre : Rendre sa copie!

Aujourd'hui "la chef" (j'ai nommé Gwen) a réclamé notre copie. Je la lui enverrai demain. Il faut que je complète et corrige! J'ai quelques doutes sur l'intérêt de mes élucubrations mais tant pis!

Samedi 6 Novembre : Cinéma et Manifestations 2010

 Ce matin ciné-club au cinéma Utopia. "Trouble in Paradise" ("Haute-Pègre", je n'aime pas le titre français) est un film de Lubitch présenté par une ancienne collègue de Francis-Wens. j'aime beaucoup ses explications et le débat qui s'ensuit.
Je viens de consulter la carte des manifestations aujourd'hui contre les retraites. Le nombre de manifestants a bien diminué. Les syndicats commencent à ne plus avoir une ligne commune. Le gouvernement aura gagné! Tout le monde est persuadé qu'il faut une réforme mais celle-là est la pire! Ce soir, aux informations, j'ai entendu Martine Aubry dire sa solidarité avec les syndicats mais jamais elle n'a déclaré que les socialistes reviendraient sur cette loi quand ils seraient au pouvoir. Surtout pas! Pourtant une loi, ça se change!

Nouvelles du bébé : La Minuscule est allée à une expo avec ses parents, a été très enthousiaste, très sociable. Elle se lève toute seule y compris dans son lit. Le 30 Novembre elle aura 8 mois.

…………………………………………………………………………………………