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mardi 19 décembre 2023

Jean-Baptiste Andrea : Veiller sur elle


 


Parlons un peu du prix Goncourt !  Veiller sur elle de Jean-Baptiste Andrea ! Voilà un moment que je l’ai lu et je ne suis pas encore arrivée à le commenter ici !

Mimo est mourant. Entouré des frères de l’abbaye piémontaise où il vit bien qu’il ne soit pas moine, le vieil homme retrace pour nous son passé. Issu d’une famille pauvre, il est appelé Michelangelo par sa mère qui veut qu’il reprenne le métier de son père et devienne un grand sculpteur. Michelangelo Vitaliani ! Et effectivement, Mimo est doué et précoce. Aussi quand sa mère, à la mort de son père, l’envoie chez son oncle pour apprendre la sculpture, l’élève débutant dépasse le maître, un alcoolique sans talent. Le jeune garçon est déjà un grand artiste.
L’enfance de Mimo sera celle d’un enfant du peuple, obscur, victime de maltraitance, humilié, battu et ignorant car, même s’il sait lire et écrire, il n’a pas accès aux livres. Sa rencontre avec Viola Orsini, fille d’une grande famille, change le cours de sa vie. Il s’initie à la délicatesse des sentiments, il accède à la culture grâce aux livres qu’elle lui prête. Une amitié naît entre les enfants qui survivra à l’enfance malgré la différence de classe, les aléas de la vie et les orages de l’Histoire, la montée du fascisme et la guerre.

Chacun des deux personnages est hanté par ses démons. Tous deux souffrent  :  Mimo d’être atteint de nanisme et d'être pauvre, Viola d’être femme, un mal différent mais pourtant comparable, tous deux empêchés de se réaliser, d’être libres !  
A Florence où il se retrouve seul, éloigné de Viola, en proie à la jalousie des autres apprentis de son atelier et où il lui est difficile de créer, Mimo fréquente les milieux interlopes, boit, se bagarre et, comme il s’intéresse peu à l’actualité et aux idées politiques, se laisse enrôler dans des corpuscules fascistes.
Viola, qui est d’une intelligence exceptionnelle, dotée d’une mémoire absolue, ne peut se résigner au sort réservé aux femmes de son milieu : mariage avec un homme fortuné pour sauver sa famille de la ruine. Elle cherche obstinément à réaliser son  rêve : voler ! Mais ses désirs, ses ambitions, son intelligence et sa culture, sa vie même, sont mis sous éteignoir parce qu’elle est une femme !

C’est cette histoire d’une amitié improbable, orageuse mais solide, dont les racines plongent dans  une des époques les plus tourmentées et des plus terribles de l’Italie qui est l’un des grands intérêts du roman.
Et puis il y a cette splendide statue, oeuvre de Mimo, la Pieta Vitaliani, devant laquelle de nombreux visiteurs ont éprouvé des malaises (façon syndrome de Stendhal) si forts qu’elle est désormais cachée au public, enfouie dans les caves de l’abbaye.


La Pieta de Michel Ange

Vitaliani ne cherche pas à rendre son christ beau, mais il l’est malgré lui, ses joues glabres creusées par l’agonie, ses yeux clos, tout juste fermés par la main apaisante de sa mère. Une troublante impression de mouvement se dégage de l’œuvre, là encore en opposition à celle, hiératique, de Buonarotti. Impression qui n’a rien de métaphorique : de nombreux spectateurs qui l’avaient fixée trop longtemps, on juré l’avoir vu bouger.
 Quel est le mystère de cette Piéta ? Nous l’apprendrons, bien sûr, au cours de notre lecture.

Il s’agit donc aussi d’un livre sur l’essence de l'art et les émotions qu’il nous procure, une réflexion sur le rôle de la Beauté dans un pays où elle est partout, dans les rues comme dans les églises, sur les places et dans les paysages.


L'annonciation Fra Angelico

 
Ainsi, dans le passage suivant, Mimo amène Viola à Florence et lui fait découvrir les fresques de Fra Angelico qu’elle admire mais qu’elle n’a jamais vues.

D’un geste, j’invitai Viola à entrer dans la première cellule. Elle franchit le seuil, s’arrêta devant l’Annonciation de Fra Angelico et se mit à pleurer, sans saccades, sans tristesse, à pleurer de joie devant l’ange aux ailes de paon et la femme-enfant qui allait changer le monde.

J’ai pris beaucoup de plaisir à lire ce livre. La rentrée littéraire a fait la part belle à l’Italie cette année avec aussi Perspectives et Le portrait de mariage. C’est des trois romans celui que j’ai  préféré et qui m’a le plus touchée.

jeudi 28 septembre 2023

Eva Jospin : Palazzo, exposition au Palais des papes d'Avignon

Palais des papes d'Avignon : exposition Eva Jospin, Grande Chapelle : Côté cour côté Jardin, Nymphée, Cénotaphe


"Diplômée de l'École Nationale Supérieure des Beaux-Arts de Paris, Eva Jospin compose depuis une quinzaine d’années des paysages forestiers et architecturaux qu’elle développe dans différents médiums. Du 30 juin au 7 janvier 2024, l’exposition Palazzo investit différents espaces du Palais des Papes, invitant à une déambulation rêveuse entre des œuvres choisies de l'artiste pour répondre à l’histoire et l’architecture de la résidence pontificale."

 

Eva Jospin sculpte dans le carton des oeuvres monumentales
 

Le palais des Papes et les Mondes parallèles d'Eva Jospin  



La déambulation rêveuse parmi les oeuvres d'Eva Jospin est aussi une promenade dans le majestueux palais des Papes d'Avignon, ce qui décuple le plaisir de la découverte, le déplacement spatial devient aussi voyage temporel. 

Les tombeaux et des gisants du palais évoquent la mort toujours liée à la mémoire dans les ruines des cités disparues où nous fait pénétrer l'artiste. 

 

Cénotaphe : Eva Jospin
 

Et cette oeuvre, ci-dessous, dans la chapelle Saint Jean, répond aux fresques de Matteo Giovanetti du XIV siècle.

 

Eva Jospin : Chapelle saint Jean : fresques du XIV siècle

 

L'artiste crée des correspondances secrètes et subtiles entre son travail artistique  et le vieux palais,  piliers,  recoins obscurs,  passages dérobés, voûtes gothiques,...

 

Voûte en ogive : rappel du  palais gothique

qui n'est pas sans rappeler aussi les voûtes nervées des palais hispano-musulmans :

 

 art hispano-musulman

 

 Palais des Papes : pilier sculpté par le vent, pilier à cinq colonnes

Dans la salle du Parement, une forêt inextricable, semé d'embûches, hérissées de piquants, cache, comme dans un conte de fées, un vieux château oublié.

 

 Salle du parement : Une forêt inextricable... carton et bois

  

Des Mondes imaginaires


Eva Jospin Palais des papes  : Nymphée


La Grande Chapelle présente les oeuvres monumentales d'Eva Jospin qui donnent l'impression de pénétrer au coeur de mondes mystérieux si bien que l'on ne sait plus vraiment où l'on est.  Intitulées  : Côte cour, côté jardin, Nymphée, Cénotaphe, elles s'élèvent, couronnées par les arcs en ogive, et se déploient dans ce vaste ensemble. 


Côté cour côté jardin comme dans un théâtre mais aussi fontaine

Dans Côté cour, Côté jardin qui évoque le théâtre peut-être en souvenir de Shakespeare : "le monde entier est un théâtre, et tous, hommes et femmes, n'en sont que les acteurs",  le décor est une fontaine d'où s'écoulent de minces filets d'eau. Eau ou sable poussé par le vent ou cendres  ? Car le  corps replié sur lui-même, en position foetale, rappelle la mémoire de Pompéi ou de tout autre cité disparue. Le corps emprisonné devient alors un de ces moulages que les archéologues ont pu recueillir dans la ville ensevelie.


Eva Jospin Palais des Papes côté cour Côté jardin


 Architecte et sculptrice

 

Cambodge : Angkor Temple
 

Ainsi l'on peut dire que Eva Jospin est architecte, elle crée avec du carton et du bois des villes oubliées, des grottes décorées de coquillages, des nymphées, des ruines envahies par la végétation luxuriante, croulant sous les lianes comme sous le poids des années, témoins de l'éphémérité des civilisations humaines.  Parfois l'on part dans un autre continent, on pense aux temples kmers dévorés par des arbres  gigantesques aux racines tentaculaires.


Eva Jospin Palais des papes : La forêt corinthienne


La forêt corinthienne (détail)


Regardez les détails : cet escalier qui monte jusqu'à ce temple prisonnier de la végétation. On est dans un film d'Indiana Jones ! 

 Sur le plan pictural on pense à la mode des ruines au XVII siècle, Monsu Desiderio, ou des peintres du XVIII siècle, Piranesi... 

 

Monsu Desiderio : l'Atlantide

  

 Piranesi : Temple de Minerve


Mais elle est aussi sculptrice, elle façonne dans le carton, ces décors étranges, ces reliefs qui semblent érodés par le vent et qui nous transportent au milieu d'un désert de pierres

 

Des formes érodées par le vent
 

 

Eva Jospin  : un désert


Les Tapisseries de soie

 

Eva Jospin : Les tapisseries de soie dans le Grand Tinel
 

Eva Jospin abandonne de temps en temps le carton pour présenter de splendides tapisseries de soie qui reprennent ses thèmes de prédilection, les ruines, les cités étouffées sous la végétation. Le Grand Tinel du Palais des Papes est un cadre somptueux qui les met en valeur.

 


 

 

Eva Jospin : Tapisserie de soie : détail

 

Eva Jospin : Les tapisseries de soie : détails
 


Exposition Eva Jospin : Palazzo

 Du 30 Juin 2023 au 7 Janvier 2024

Ouverture : 

Du 30/06/2023 au 07/01/2024, tous les jours.

  • du 30 juin au 5 novembre : de 9h à 19h.
  • du 6 novembre au 22 décembre : de 10h à 17h.
  • du 23 décembre au 7 janvier 2024 : de 10h à 18h.

Fermeture des caisses 1h avant.

Découvrez l'univers de l'artiste

 

Exposition Eva Jospin au Palais des Papes d'Avignon

vendredi 15 septembre 2023

Laurent Binet : Perspective(s)


Jacopo da Pontormo, peintre maniériste florentin est mort le 1er janvier 1557 dans la chapelle de l'église San Lorenzo où il peignait des fresques*, travail commandé par Cosimo de Médicis, duc de Florence, et dont l'artiste aurait voulu qu'elles soient à l'égal de celles de la chapelle Sixtine. Laurent Binet imagine qu'il a été assassiné par une main inconnue et son roman Perpectives(S) se veut alors une enquête policière pour déterminer qui est l'assassin. 

 

La déposition de Pontormo église Sante Felicita Florence


Le roman est intéressant parce qu'il fait revivre une période de Florence assez délétère où les factions politiques se déchaînent. La reine de France, Catherine de Médicis et son cousin Pietro Strozzi dont le père Philippe Strozzi, républicain, a été exécuté par Cosimo de Médicis, cherchent à mettre la main sur le duché de Florence avec l'aide de l'armée français pendant que Cosimo, grand-Duc de Florence,  allié à l'Espagne par son mariage avec Eleonore de Tolède, essaie de se concilier les bonnes grâces du pape Paul IV ( Gian Pietro Carafa) pour être reconnu roi de Florence. Pour les arts, c'est une période néfaste. Le pape, ancien contrôleur général de l'Inquisition, intolérant, puritain, dans cette période de la contre-réforme, condamne le nu et fait "habiller" ou plutôt "culotter"  les peintures de Michel-Ange. A Florence, Pontormo considéré comme licencieux s'est attiré la haine de la bigote et fanatique duchesse de Florence, Eleonore de Tolède. Les idées de Savonarole, pourtant mort en 1498, refont surface et ne favorisent pas non plus la liberté de l'artiste. Triste période pour les Arts ! 

 

Agnolo Bronzino : Eleonore de Tolède et son fils

 

C'est un plaisir de retrouver dans ces pages tous les artistes rencontrés au cours de mes voyages à Florence : Giorgio Vasari, l'auteur des Vies des peintres, bras droit de Cosimo dans l'enquête sur l'assassinat, Jacopo da Pontormo, vieillard irascible, hanté par la mort, son élève Giambattiste Naldini, Michel-Ange lui-même toujours en exil à Rome, Le Bronzino et ses portraits de la famille ducale, Sandro Allori, son élève, sans oublier le mauvais garçon, l'orfèvre, Benvenuto Cellini.

 

Salière de Benvenuto Cellini

Par contre, je n'ai pas apprécié le choix du roman épistolaire que j'ai trouvé faux, artificiel : les lettres de nombreux correspondants, toutes écrites dans le même style, ne réflètent ni le caractère, ni la psychologie, ni l'origine sociale, ni la culture des personnages. Ce sont pourtant ces qualités que l'on attend d'un vrai roman épistolaire et qui en font l'intérêt ! Dans ces conditions, je ne vois pas pourquoi choisir cette forme plutôt que le roman. Je me suis passablement ennuyée à certains moments, à l'exception de celles de Maria de Médicis*, fille de Cosimo et Eleonor, dont on sent la vulnérabilité et la naïveté (Laurent Binet imagine que celle-ci est morte en couches à la suite d'une fugue avec son amant qui l'abandonne, enceinte). Enfin, j'ai trouvé deux lettres supérieures à toutes les autres, vraiment passionnantes celle ou Vasari échappe à la mort grâce, dit-il, à la perspective, reconnaissant ainsi le talent des illustres prédécesseurs, Paolo Ucello, Brunelleschi ou Masaccio et la magnifique réponse de Michel-Ange qui montre la puissance de l'Art comme témoin de la grandeur humaine.

« Nous l'avons méprisée . Mais nous ne l'avons jamais oubliée.

Comment aurions-nous pu ? La perspective nous a donné la profondeur. Et la profondeur nous a ouvert les portes de l'infini. Spectacle terrible. Je ne me rappelle jamais sans trembler la première fois que je vis les fresques de Masaccio à la chapelle Brancacci. Quelle connaissance merveilleuse des raccourcis ! L'homme d'aplomb, enfin à sa taille, ayant retrouvé sa place dans l'espace, pesant son poids, chassé du paradis mais debout sur ses pieds, dans toute sa vérité mortelle. L'image de l'infini sur la terre (…) L'artiste est un prophète parce que, plus que les autres, il a l'idée de Dieu, qui est précisément l'infini, cette chose impensable, inconcevable. »

 

Masaccio :Adam et Eve chassés du Paradis 



Enfin, le dénouement qui permet de découvrir l'assassin homme ? ou femme ? (Je n'en dirai pas plus !)  du Pontormo, est aussi un moment de surprise pour le lecteur et l'on sent que Laurent Binet s'est bien amusé à nous mystifier !


Bronzino : Maria de Médicis


* Maria de Médicis devait épouser Alphonse II d'Este, duc de Ferrare, à la sinistre réputation. A sa mort (peut-être du paludisme ?? Cf Wikipedia ), c'est sa jeune soeur Lucrèce qui doit la remplacer pour cette funeste union. Hasard de la parution, le destin de Lucrèce si mal mariée est le thème du livre de Maggie O' Farrel : Le portrait de mariage.

 

Alessandro Allori : Lucrezia de Médidis

 * les fresques du Pontormo ont  disparu.


LC   avec Marilyne ICI

Voir aussi Je lis je blogue : Perspectives Ici

Perspectives Eimelle Ici



jeudi 8 juin 2023

Danemark Copenhague : Jules Verne, la flèche de Borsen, la flèche de Saint Sauveur et l'absolutisme au château de Frédériksborg

18 Octobre 1660 sur la place de Kjöbenhaven : La prestation de serment de Frédéric III  par Heinrich Hansen
 

Un intérêt historique :  L'absolutisme

 C'est au deuxième étage du château de Frederiksborg que l'on trouve ce tableau passionnant :  La prestation de serment de Frédéric III exécuté en 1880 par Heinrich Hansen, peintre danois du XIX siècle.  Ce tableau peint la journée du 18 Octobre 1660, une journée historique importante dans l'histoire du Danemark, au cours de laquelle le roi reçoit le serment d'allégeance des Etats qui reconnaissent la monarchie absolue et héréditaire.

En effet, après la fin du conflit entre la Suède et le Danemark et le traité de Roskild confirmé par la paix de Copenhague, Frédéric III s'appuie sur la riche bourgeoisie et le clergé en conflit avec les nobles et en profite pour introduire la monarchie absolue en Septembre 1660. Puis en Octobre 1660, il la déclare héréditaire. Avant lui, le monarque était élu par un conseil. La loi renforce le caractère féodal de la société. La noblesse et la riche bourgeoisie reçoivent des terres avec les paysans qui y sont attachés et n'ont aucun droit. A la fin du XVIII siècle, 80% des terres du pays appartiennent à une centaine de familles qui sont aussi propriétaires de 770 châteaux ou manoirs.  L'absolutisme est aboli par Frédéric VII et son successeur Christian IX, en 1849, date où la monarchie devient constitutionnelle.  

Un des aspects intéressants du roman de Per Olov Enquist, Le médecin du roi, montre l'état féodal de la société sous Christian VII malgré les idées des Lumières, surtout avec la loi de 1733 qui aggrave le statut des paysans. Il  explique comment Struensee, le médecin du roi devenu ministre,  entreprend à lui seul de réformer la société, d'abolir le servage, les privilèges, la censure, de rétablir la liberté de la presse ... On comprend qu'il se soit fait quelques ennemis et qu'en dehors de son adultère avec la reine,  il avait quelques raisons de craindre pour sa vie !

"Quand, en 1733, le servage avait été établi, il avait constitué pour la noblesse un moyen de contrôler, ou plus exactement d'empêcher la mobilité de la main d'oeuvre. Quand on était paysan et né sur un domaine, on n'avait pas le droit de quitter ce domaine avant l'âge de quarante ans. Les modalités, le salaire, les conditions de travail et de logement étaient fixés par le propriétaire du domaine. A quarante ans, on avait le droit de s'en aller. La réalité étant qu'à cet âge, la majeure partie des paysans étaient à tel point devenus passifs, profondément alcooliques, criblés de dettes et physiquement épuisés, qu'on ne comptait guère de départs.

C'était l'esclavage danois."

Mais cette peinture est aussi intéressant pour de multiples raisons : 


 Copenhague

Et d'abord, ce tableau peint un coin de Copenhague  :  Le cortège sort de Borsen ou Bourse de Copenhague construite pour Christian IV par des architectes flamands entre 1619 et 1640 dans le style de la Renaissance flamande. On remarque la flèche du grand bâtiment autour de laquelle s'enroulent les queues de quatre dragons jusqu'à 56 mètre de Hauteur. Elle se voit de loin quand vous vous promenez à Copenhague. Il faut noter le joli pont qui enjambe le canal, et dans les voiliers, un homme monté sur un mât pour mieux voir le cortège royal.

 

La prestation de serment de Frédéric III 18 Octobre 1660 sur la place de Kjöbenhaven : (détail) Heinrich Hansen (1880)


En cherchant des renseignements j'ai trouvé dans wikisource un extrait de Voyage autour de la Terre dans lequel Jules Verne décrit cette flèche en 1880.

Puis je pris un plaisir d´enfant à parcourir la ville ; mon oncle se laissait promener; d´ailleurs il ne vit rien, ni l´insignifiant palais du roi, ni le joli pont du XVIIe siècle, qui enjambe le canal devant le Muséum, ni cet immense cénotaphe de Torwaldsen, orné de peintures murales horribles et qui contient à l´intérieur les œuvres de ce statuaire, ni, dans un assez beau parc, le château bonbonnière de Rosenborg, ni l´admirable édifice renaissance de la Bourse, ni son clocher fait avec les queues entrelacées de quatre dragons de bronze, ni les grands moulins des remparts, dont les vastes ailes s´enflaient comme les voiles d´un vaisseau au vent de la mer.

 

Flèche aux quatre dragons Bourse de Copenhague (photo de Jugalon)

Mais  l'écrivain décrit aussi une autre flèche remarquable, celle en spirale, avec un escalier en colimaçon extérieur, de l'église de Saint Sauveur. L'oncle de notre héros l'oblige à monter au sommet et bien que cela nous amène loin de notre journée du 10 Octobre,  je vous en donne un extrait  :

Mon oncle me précédait d’un pas alerte. Je le suivais non sans terreur, car la tête me tournait avec une déplorable facilité. Je n’avais ni l’aplomb des aigles ni l’insensibilité de leurs nerfs.
Tant que nous fûmes emprisonnés dans la vis intérieure, tout alla bien ; mais après cent cinquante marches l’air vint me frapper au visage, nous étions parvenus à la plate-forme du clocher. Là commençait l’escalier aérien, gardé par une frêle rampe, et dont les marches, de plus en plus étroites, semblaient monter vers l’infini.
« Je ne pourrai jamais ! m’écriai-je.
— Serais-tu poltron, par hasard ? Monte ! » répondit impitoyablement le professeur.
Force fut de le suivre en me cramponnant. Le grand air m’étourdissait ; je sentais le clocher osciller sous les rafales ; mes jambes se dérobaient ; je grimpai bientôt sur les genoux, puis sur le ventre ; je fermais les yeux ; j’éprouvais le mal de l’espace.
Enfin, mon oncle me tirant par le collet, j’arrivai près de la boule.
« Regarde, me dit-il, et regarde bien ! il faut prendre des leçons d’abîme !  » 

 

La tour de Saint Sauveur

 

Revenons au 18 Octobre ! Sous un dais, marchent Frédéric III, fils cadet de Christian IV, la famille royale et les hauts dignitaires. La reine, au manteau doublé d'hermine, s'avance majestueusement.  Il s'agit de Sophie-Amélie de Brunswick-Lunebourg dont on nous dit très sybillinement qu'elle est énergique et ambitieuse et que son caractère affectera la vie du roi et le destin du Danemark ?  Je n'ai pas trouvé d'autres précisions. A-t-elle encouragé le virage à l'absolutisme ? Près d'elle, quelques uns des enfants royaux sur les huit qu'elle a eus avec Frederik III. Le futur Christian V se tient près de son père et lui ressemble beaucoup ! Il est né en 1646 et a donc 14 ans lors de cette journée. La fille aînée qui tient son petit frère par la main et lui parle est vraisemblablement Anne-Sophie. Née en 1647, elle a treize ans. Le petit garçon est Georges, 7 ans. L'autre jeune fille est Frédérique-Amélie née en 1649, a 11 ans. La petite fille tenue par la main par un noble est peut-être Ulriche Eleonore née en 1656 donc 4 ans. Devant elle mais cachés par les adultes, deux autres enfants dont on peut imaginer qu'il s'agit de  Wilhelmine Ernestine (10 ans). Je me suis amusée à chercher leur prénom mais je n'ai aucune certitude !


La prestation de serment de Frédéric III  La journée du 10 Octobre 1660 (détail)  Heinrich Hansen (1880)


Dans la foule des hommes et des femmes de tous les milieux sociaux et tous les métiers. Hommes d'armes, musicines, noblesse, bourgeois, et le petit peuple, paysans, marins...


La prestation de serment de Frédéric III  La journée du 10 Octobre 1660 (détail)  Heinrich Hansen (1880)


Les détails des costumes et des coiffures...  Quelques scènes de vie intime : le regard affectueux du grand père tenant sa petite fille par la main, un chien qui quémande une caresse.


La journée du 10 Octobre 1660 (détail) Heinrich Hansen (1880)


La foule qui compose ce tableau est vivante, animée, comme prise sur le vif. C'est à la fois une vision historique intéressante par un artiste qui n'est pas contemporain de la scène et un témoignage humain touchant.

Hansen s'est inspiré d'un autre tableau de la prestation de serment, peint en 1666 par Wolfgang Heimbach mais qui en  élargissant la scène  permet de voir toute la place. (château de Rosenborg)


La prestation de serment de Frédéric III : Wolfgang Heimbach château de Rosenborg

 
Wolfgang Heimbach est un artiste allemand devenu peintre officiel à la cour de Frédéric III (1615-1678)

mardi 6 juin 2023

Danemark Copenhague : le musée d'Histoire nationale de Frederiksborg (2)

Le château de Frederisborg :  Chirstian Kobbe
 

Le château de Frederiksborg a été en partie détruit par un incendie en 1859. Il a été reconstruit à l’identique grâce aux dons du mécène Carl Jacobsen. Puis, la famille royale renonçant à l’habiter, il a été transformé en musée national d’Histoire en 1878.

Le château présente des salles remarquables par leur taille et leurs ornementations, le mobilier précieux, les portraits et les tableaux historiques. 

Parmi les plus grandes, figure la salle de la Rose ou salle des Chevaliers au rez de chaussée, la salle des audiences au premier étage et le Grand Hall au second étage.


La Rose ou la salle des chevaliers


La Rose ou la salle des chevaliers (détails)


La salle des audiences



Le Grand Hall


Frederiksbog est un musée historique et à ce titre il retrace toute l'histoire de la famille royale des origines à nos jours. 

Le premier étage : Les rois Oldenbourg

Au première étage est présentée la période des premiers rois Oldenbourg, de Christian I (1448-1481) jusqu’à Christian IV (1577-1648), dans les salles 25 à 32. La période de 1850-1900, y compris les Guerres de Schleswig, est illustrée dans les salles 61 à 68.



Voici quelques tableaux que j'ai particulièrement aimés mais il est difficile parfois de savoir qui est représenté et qui est le peintre.


Frederiksborg : Christian II ( 1481-1559) et ses soeurs, Dorothea et Christine de  Jan Goassert dit Mabuse (1524)


Princesse Christina Slevsig-Hosltein


La première bible traduite en danois




Christian II 1503-1559


Le chancelier mourant remet l'insigne du pouvoir à Christian IV de Carl Bloch


Le couronnement de Christian IV 1596 deOtto Bache

Dans cette salle figure l'immense tableau historique de Otto Bache, peintre danois ( 1839-1927), La procession du couronnement de Christian IV en 1596.

 Ce tableau présente une foule de petits détails, de nombreux portraits et est vraiment passionnant à observer.  Christian IV a dix-neuf ans quand il monte sur le trône. On le voit, en effet, très jeune, sur son cheval blanc. Les expressions des personnages de la foule où se mêlent différentes classes sociales, sont joyeuses, admiratives, voire ferventes  devant le souverain. 

La pauvreté n'est pourtant pas absente. Trois gamins des rues ramassent les pièces jetées sur la chaussée.

 

La procession du couronnement de Christian IV (1596) de Otto Bache

La procession du couronnement de Christian IV (1596) de Otto Bache(détail)



Le couronnement de Christian IV (1596) de Otto Bache (détail)


Le couronnement de Christian IV (1596) de Otto Bache (détail)


Le couronnement de Christian IV (1596) de Otto Bache (détail)


Sphère astronomiqueAndreas Bösch (1554_57)


Le deuxième étage : la monarchie absolue

Le deuxième étage est consacré aux rois incarnant l'absolutisme dans les salles 37 à 42 et à des portraits et mobilier de l’époque 1700-1859 dans les salles 43 à 47.

 En effet, Frédéric III  impose l'absolutisme au Danemark en 1660 en promulguant une loi qui rend  la monarchie héréditaire. Avant lui, le monarque était élu par un conseil.


Le roi Frédéric III (1648-1670)


Et la reine Sophie-Amalia (1628_1685)




Fredreriksborg appartements royaux


Fredreriksborg appartements royaux


La chapelle du château

 


 

La chapelle du château de Frederiksborg a été préservée lors de l’incendie et présente la décoration originale de l'époque de Christian IV, mais l'église contient également plusieurs trésors historiques avec ses voûtes en stucs richement ouvragés.  Dans la tribune se dresse l'orgue Compenius, construit en 1610 par Esajas Compenius. (Tous les jeudis à A 13h30, concert à l'orgue Compenius. Le concert est gratuit pour les visiteurs du musée.)
Pendant la monarchie absolue (1660-1848), les rois danois étaient sacrés dans l'église du château et depuis 1693, il y a une chapelle de chevalier pour l'ordre de l'éléphant et l'ordre du Dannebrog.

 

 


 

De l'église, on accède à la salle de prière du roi de Christian IV, la salle a été recréée en partie détruite mais reconstituée à l’identique. 23 panneaux illustrant la vie de Jésus Christ, que l’on doit à l’artiste Carl Bloch ornent la salle de prière.

 


La vie de Jésus Christ Carl Bloch


La vie de Jésus Christ Carl Bloch


 

  Danemark Copenhague : Le château de Frederiksborg : le tableau du 18 Octobre 1660 de Hansen  La flèche de Borsen et la flèche de Saint Sauveur et Jules Verne (3)