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mardi 19 décembre 2023

Jean-Baptiste Andrea : Veiller sur elle


 


Parlons un peu du prix Goncourt !  Veiller sur elle de Jean-Baptiste Andrea ! Voilà un moment que je l’ai lu et je ne suis pas encore arrivée à le commenter ici !

Mimo est mourant. Entouré des frères de l’abbaye piémontaise où il vit bien qu’il ne soit pas moine, le vieil homme retrace pour nous son passé. Issu d’une famille pauvre, il est appelé Michelangelo par sa mère qui veut qu’il reprenne le métier de son père et devienne un grand sculpteur. Michelangelo Vitaliani ! Et effectivement, Mimo est doué et précoce. Aussi quand sa mère, à la mort de son père, l’envoie chez son oncle pour apprendre la sculpture, l’élève débutant dépasse le maître, un alcoolique sans talent. Le jeune garçon est déjà un grand artiste.
L’enfance de Mimo sera celle d’un enfant du peuple, obscur, victime de maltraitance, humilié, battu et ignorant car, même s’il sait lire et écrire, il n’a pas accès aux livres. Sa rencontre avec Viola Orsini, fille d’une grande famille, change le cours de sa vie. Il s’initie à la délicatesse des sentiments, il accède à la culture grâce aux livres qu’elle lui prête. Une amitié naît entre les enfants qui survivra à l’enfance malgré la différence de classe, les aléas de la vie et les orages de l’Histoire, la montée du fascisme et la guerre.

Chacun des deux personnages est hanté par ses démons. Tous deux souffrent  :  Mimo d’être atteint de nanisme et d'être pauvre, Viola d’être femme, un mal différent mais pourtant comparable, tous deux empêchés de se réaliser, d’être libres !  
A Florence où il se retrouve seul, éloigné de Viola, en proie à la jalousie des autres apprentis de son atelier et où il lui est difficile de créer, Mimo fréquente les milieux interlopes, boit, se bagarre et, comme il s’intéresse peu à l’actualité et aux idées politiques, se laisse enrôler dans des corpuscules fascistes.
Viola, qui est d’une intelligence exceptionnelle, dotée d’une mémoire absolue, ne peut se résigner au sort réservé aux femmes de son milieu : mariage avec un homme fortuné pour sauver sa famille de la ruine. Elle cherche obstinément à réaliser son  rêve : voler ! Mais ses désirs, ses ambitions, son intelligence et sa culture, sa vie même, sont mis sous éteignoir parce qu’elle est une femme !

C’est cette histoire d’une amitié improbable, orageuse mais solide, dont les racines plongent dans  une des époques les plus tourmentées et des plus terribles de l’Italie qui est l’un des grands intérêts du roman.
Et puis il y a cette splendide statue, oeuvre de Mimo, la Pieta Vitaliani, devant laquelle de nombreux visiteurs ont éprouvé des malaises (façon syndrome de Stendhal) si forts qu’elle est désormais cachée au public, enfouie dans les caves de l’abbaye.


La Pieta de Michel Ange

Vitaliani ne cherche pas à rendre son christ beau, mais il l’est malgré lui, ses joues glabres creusées par l’agonie, ses yeux clos, tout juste fermés par la main apaisante de sa mère. Une troublante impression de mouvement se dégage de l’œuvre, là encore en opposition à celle, hiératique, de Buonarotti. Impression qui n’a rien de métaphorique : de nombreux spectateurs qui l’avaient fixée trop longtemps, on juré l’avoir vu bouger.
 Quel est le mystère de cette Piéta ? Nous l’apprendrons, bien sûr, au cours de notre lecture.

Il s’agit donc aussi d’un livre sur l’essence de l'art et les émotions qu’il nous procure, une réflexion sur le rôle de la Beauté dans un pays où elle est partout, dans les rues comme dans les églises, sur les places et dans les paysages.


L'annonciation Fra Angelico

 
Ainsi, dans le passage suivant, Mimo amène Viola à Florence et lui fait découvrir les fresques de Fra Angelico qu’elle admire mais qu’elle n’a jamais vues.

D’un geste, j’invitai Viola à entrer dans la première cellule. Elle franchit le seuil, s’arrêta devant l’Annonciation de Fra Angelico et se mit à pleurer, sans saccades, sans tristesse, à pleurer de joie devant l’ange aux ailes de paon et la femme-enfant qui allait changer le monde.

J’ai pris beaucoup de plaisir à lire ce livre. La rentrée littéraire a fait la part belle à l’Italie cette année avec aussi Perspectives et Le portrait de mariage. C’est des trois romans celui que j’ai  préféré et qui m’a le plus touchée.

7 commentaires:

  1. Voilà ton avis. Ici, difficile de mettre la main dessus, je patiente et sans doute ne le lirai-j pas, trop à lire par ailleurs;

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  2. Bien, il ne me reste plus qu'à lire Le portrait de mariage pour finir cette série de romans dédiée à l'Italie ! Par contre, j'ai préféré Perspectives à Veiller sur elle. J'ai trouvé le roman de Binet plus rythmé (peut-être parce que plus court ?)

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  3. Comme j'ai aimé ce livre qui m'a emballée comme lorsque je lisais dans les années 70. L'amitié de deux âmes soeurs aux antipodes et de l'art, que demander de plus pour se divertir sainement? Vous m'avez rendue curieuse avec "Perspectives".

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  4. ces trois romans se complètent très bien en effet d'ailleurs ! Un plaisir d'arpenter l'Italie entre ces auteurs !

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  5. Malgré l'avalanche de billets sur ce roman, je n'ai toujours pas envie de le lire. Peut-être parce que je n'avais pas trop aimé un de ses romans précédents. Et comme je ne manque pas de lectures ...

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  6. Je compte bien le lire tu me confortés parce que je viens de lire un billet mitigé

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