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mercredi 3 septembre 2014

Lola Lafon : La petite communiste qui ne souriait jamais



Quand j'ai commencé à lire La petite communiste qui ne souriait jamais je savais que j'allais trouver dans ce livre de Lola Lafon une critique en règle du régime communiste et de Caescescu. Il faut dire que le titre semble très orienté, et je m'énervais à l'avance à l'idée que, bien sûr, l'auteur allait donner une grande leçon à ces dictatures de l'Est quant à la pratique du sport et au manque de liberté individuelle au nom de nos démocraties parfaites, bien entendu! Comme si nous étions sans reproche!
Je m'énervais donc mais.. j'avais envie d'en savoir un peu plus sur cette gymnase roumaine éblouissante, Nadia Comaneci, cette petite fille exceptionnellement douée qui était une des grandes sportives de ma jeunesse, une comète fulgurante qui a révolutionné toute la pratique de la gymnastique dans le monde. Je savais aussi que, après avoir été adulée, Nadia avait été traînée dans la boue, moquée et méprisée parce qu'elle était devenue femme et n'avait plus un corps de jeune fille impubère. Et c'est pourquoi j'ai profité du livre voyageur de Franzoaz que je remercie ici pour découvrir cette histoire. J'ai apprécié la richesse des réflexions de Lola Lafon et son esprit critique aiguisé. Un titre complaisant, donc, mais pour un contenu qui ne l'est pas.

Nadia Comaneci aux jeux olympique de Montréal 1976

C'est à l'âge de 14 ans que Nadia Comaneci entre dans la légende aux jeux olympiques de Montréal en 1976 en pulvérisant le record de notes données jusque-là, ce qui détraque les ordinateurs. Depuis l'âge de 7 ans, elle est entraînée avec quelques autres petites filles par Bela et Marta Karolyi dont les méthodes drastiques sont à la limite du supportable. Il n'y a aucun jour de congé pour les jeunes athlètes qui ont des journées d'entraînement très chargées. L'obsession du poids est telle que les fillettes sont mises au régime et sont toujours affamées. Elles doivent prendre des laxatifs avant la pesée, subissent des traitements médicamenteux, doivent concourir malgré leurs blessures. La domination de l'entraîneur sur ces enfants est totale, son emprise psychologue aussi et il peut se montrer brutal. Certaines d'entre elles dont Nadia essaieront de se suicider. Et, bien sûr, celles qui ont des accidents et deviennent handicapées à vie au cours de ces exercices périlleux tombent dans l'oubli. Tout ce travail, cet excès de fatigue, ces privations, ces souffrances pour aboutir … à la perfection, à un sport (un art?) aérien, qui paraît aisé, qui défie les lois de la pesanteur. Toute cette beauté servant la propagande communiste et affermissant la dictature de Ceauscescu. 



Le livre de Lola Lafon n'est pas vraiment une biographie puisque l'auteur s'autorise la fiction pour combler les lacunes mais elle s'appuie sur des recherches fouillées et, ce qui n'est pas banal, elle reste en contact avec Nadia pendant toute la rédaction du livre. Elle fait part dans son livre des remarques de Nadia et de son désaccord éventuel. C'est facile, en effet, de traiter Nadia de "robot communiste" quand on sait que, dès l'enfance, celle-ci a été coulée dans un moule, soumise à la volonté des adultes et que, pendant la même période, la France accueillait le dictateur Ceauscecu les bras ouverts (comme elle l'a fait pour Kadhafi!)! L'histoire s'écrit ainsi devant les yeux de la principale intéressée qui réagit avec beaucoup d'intelligence mais aussi parfois et forcément avec subjectivité.
Au début, Lola Lafon a une idée très précise de ce qu'elle veut dénoncer à travers la vie de Nadia Comaneci dans les pays communistes : la privation de liberté, la pratique sans morale du sport, la maltraitance de l'enfance, l'exploitation des sportifs de haut niveau à des fins de propagande. Après les recherches qu'elle mène sur la vie de Nadia Comaneci et sur Bela Karolyi, son entraîneur, après la consultation des archives, les rencontres qu'elle fait en Roumanie, et ses conversations avec Nadia, elle s'aperçoit de la complexité du problème et de l'attitude ambiguë des pays occidentaux qui n'ont pas fait mieux dans ce domaine…
 Voilà l'incroyable éditorial du  Los Angles Times en 1979 :

Nous pouvons envoyer un homme sur la lune mais nous sommes incapables de faire évoluer une petite fille sur une poutre! Il est temps que ce pays sache produire des gymnastes qui montrent la force inhérente à notre fibre nationale. Etant donné que nous ne bénéficions pas de centres de formations nationaux de haut niveau de subvention par l'Etat, il faut trouver ce que nous pouvons emprunter à la méthode roumaine.
Et c'est pourquoi les Etats-Unis utilisent les services de Béla Karolyi lorsque celui fuit son pays. Il entraînera les sportives américaines avec les mêmes méthodes qu'en Roumanie!

Notons aussi l'attitude scandaleuse de la fédération française de gymnastique en 1979 :

"les responsables s'inquiètent, après la retransmission télévisée des championnats d'Europe à Strasbourg, des nombreuses chutes graves des gymnastes car "celles-ci donnent une mauvais image de notre sport". En accord avec la chaîne, il est convenu "de moins se focaliser sur les incidents" lors de la diffusion des prochaines compétitions."

Voilà enfin la réponse de Nadia quand Lola Lafon  accuse la gymnaste d'avoir servi la propagande communiste :

A travers vous, le pouvoir faisait la promotion d'un système. La réussite totale du régime communiste, l'apothéose de la sélection : l'enfant douée, belle, sage et  performante.

Nadia  (rire agacé)

Ah! Oui! Bien entendu! Les roumains vendaient le communisme. En revanche, les athlètes français ou américains ne représentaient aucun système, aucune marque!!"


La morphologie de Nadia Comaneci a changé; la presse se déchaîne contre elle

Quant aux méthodes employés par Karolyi, que dire si ce n'est qu'il y avait un consensus pour qu'il en soit ainsi : A partir de Nadia Comencini, le monde entier, des pays communistes aux pays occidentaux, ne voulait plus que des petites filles pour gymnastes.  Ce sont donc des enfants que l'on formait pour la gymnastique, des fillettes "trop vieilles pour être jeunes" selon la formule de Lola Lafon.  Les réactions de la presse internationale sont d'ailleurs tout à fait écoeurantes et montrent quels fantasmes malsains suscitait le corps enfantin de Comaneci et quel mépris de la féminité cela impliquait comme en témoigne l'article de l'éditorialiste du Guardian :

" Chère Nadia; Tu étais mmmmm quand tu faisais ce geste de la main à la fin de ton exercice au sol. Mon chaton mécanique. Aujourd'hui  Nadia, elle a dix-huit ans, elle porte un soutien-gorge et doit se raser les aisselles."

Ce geste de la main

Lola Lafon évolue ainsi vers une réflexion sur les pratiques sportives de l'époque qui ne concerne pas seulement la Roumanie, pays communiste, mais implique nos pseudo-démocraties!
Elle nous invite à réfléchir  sur la notion de liberté. Est-ce qu'on a forcé Nadia à faire cela? Elle le nie. Elle réfute le terme que Béla emploie à son sujet : "dressée". Elle revendique sa liberté, sa volonté inflexible d'aller jusqu'au bout, d'atteindre la perfection, la satisfaction du travail bien fait, le bonheur d'être reconnue entre toutes les autres : "c'est un contrat qu'on passe avec soi-même, non une soumission à un entraîneur."
Et puis d'ailleurs qu'est-ce que la liberté? Les gymnases américaines étaient-elles plus libres que les roumaines lorsqu'il leur fallait s'endetter auprès de sponsors pour payer leur entraînement et ainsi travailler jusqu'à l'épuisement, prendre tous les risques pour pouvoir rembourser leurs dettes alors qu'en Roumanie l'entraînement était pris en charge complètement par l'état ?

Qu'est-ce que la liberté, enfin? Les femmes des années 70 l'étaient-elles vraiment? Nadia n'a-t-elle pas ouvert une autre chemin pour les fillettes du monde entier?

"Vous avez décrassé le futur et ravagé le joli chemin rétréci qu'on réserve aux petites filles, je voudrais dire à Nadia C., grâce à vous les petites filles de l'été 1976 rêvent de s'élancer dans le vide, les abdos serrés et la peau nue."

Il y a pourtant cette prise de conscience de Nadia quand elle lit ce qu'a écrit Lola Lafon sur le destin tragique de la gymnase Véra Caslavsak :  On peut être prisonnière en étant apparemment libre?

Et encore ce cri en 1989  : Je rêvais de liberté; j'arrive aux Etats-Unis et je me dis : c'est ça la liberté? Je suis dans un pays libre et je ne suis pas libre? Mais où, alors, pourrais-je être libre?"

Nadai Comaneci émigre aux Etats-Unis en 1989

Ce livre propose donc une réflexion riche et complexe qui sait éviter le manichéisme. Si Lola Lafon montre ce qu'était la Roumanie de Ceauscescu et les horreurs du régime, elle met aussi en relief les hypocrisies et la culpabilité du monde occidental. 

"... c'est elle qui me revient, la rage de Nadia, parfois, sa peine, lorsqu'elle avait l'impression que je n'écoutais pas ce qu'elle me disait, ce qu'elle appelait mon "arrogance occidentale", ma façon de dépeindre le bloc de l'Est d'une façon caricaturalement grise. Ma stupéfaction embarrassée quand, à Bucarest, j'ai été confrontée aux souvenirs contrastés des uns et des autres alors que je venais prendre note de leurs cauchemars. Les soupirs lassés de Nadia devant ma réticence à accepter que ce système tellement décrié de dressage de gymnastes communistes, l'Ouest l'avait formidablement reproduit dès qu'il avait pu mettre la main sur ses secrets de fabrication.

Merci à Franzoaz pour ce livre voyageur

samedi 22 février 2014

Selma Lagerlöf : Le cocher




Selma lagerlöf
Selma Lagerlöf (1858-1940), prix Nobel de littérature en 1909, est sans conteste l’un des plus célèbres écrivains suédois. Son oeuvre est nourrie des légendes et de l’histoire de la région de Värmland, merveilleusement transposées par son imagination lyrique hors du commun.


Au soir de la Saint Sylveste, Soeur Edit, combattante de l'armée du Salut, va mourir de la tuberculose, maladie qu'elle a contractée en venant en aide aux déshérités. Mais elle ne veut pas s'éteindre avant d'avoir revu David Holm, un ivrogne qui brutalise sa femme et ses enfants et dont elle veut sauver l'âme.
Pendant ce temps David Holm, atteint lui aussi de la tuberculose, s'enivre en compagnie de deux compagnons de son espèce dans le cimetière de l'église lorsqu'il entend arriver le sinistre chariot des morts. Une légende dit que celui qui meurt aux douze coups de minuit, la nuit de la Saint-Sylvestre, doit prendre la place du cocher pendant un an pour aller charger les trépassés que la Mort, la grande souveraine, lui désigne. Or, David Holm passe de vie à trépas au moment même où la cloche de l'église sonne minuit.

Le roman est avant tout l'histoire d'une rédemption. Soeur Edit veut sauver l'âme de cet homme qu'elle aime d'un amour autre que spirituel et pour cela elle s'accroche à la vie. David Holm, endurci dans le péché et la haine, refuse d'être sauvé. Il s'agit donc bien d'un combat et jamais le terme de l'armée du Salut dans laquelle soeur Edit s'est enrôlée n'a été aussi vrai. Il y est question aussi de culpabilité. David Holm est coupable de traiter les siens avec autant de dureté et de les faire vivre dans la peur des coups et de la misère mais son épouse l'est aussi de l'avoir abandonné au moment où il aurait pu s'amender. Soeur Edit, elle-même, n'y échappe pas, elle qui a persuadé madame Holm de retourner vers son mari en faisant ainsi son malheur et celui de ses enfants. Soeur Edit est coupable aussi d'aimer un homme marié et dont la vie est une abjection.

Le roman est traité comme un conte et rappelle en cela le livre de Charles Dickens : Un chant de Noël.  David Holm s'apparente à Mr Scrooge et comme lui il lui faudra s'aventurer dans les domaines de la mort pour sauver son âme. Selma Lagerloff comme Charles Dickens parle de rédemption tout en brossant le tableau de la misère du peuple. Mais les préoccupations sociales sont plus fortes, me semble-t-il, chez Dickens que chez Lagerloff où le thème religieux prédomine et qui excelle dans le fantastique. Les descriptions de la charrette de la mort et de son cocher sont extrêmement réussies et l'atmosphère onirique créée est celle d'un grand écrivain..
Personnellement, j'ai moins aimé la démonstration religieuse et la morale qu'elle véhicule. Loin de voir dans le personnage d'Edit une sorte de sainte, je suis fascinée par son orgueil démesuré qui fait qu'elle se croit l'égale de Dieu dans ce combat pour vaincre le mal!   Et je vais plus loin dans l'hérésie: Soeur Edit me paraît être une bigote dangereuse, puritaine, qui manipule les gens parce qu'elle croit détenir la vérité et se considère comme meilleure que les autres! Je sais bien que je fais un contresens en interprétant le personnage ainsi car ce n'est pas ce que Selma Lagerloff a voulu dire mais c'est ce que je ressens!





dimanche 16 février 2014

Russel Banks : De beaux lendemains



Au nord de l'état de New York, la vie d'une petite ville va être bouleversée par l'accident d'un bus scolaire qui dérape dans la neige et la mort de nombreux enfants. Aussitôt une nuée d'avocats s'abat sur les familles endeuillées. Mais qui est responsable de l'accident? Dolorès Driscol qui conduisait le bus ? Les services municipaux qui ont laissé une sablière s'emplir d'eau sans chercher à la reboucher?

 Russel Banks, à travers ce roman, dénonce ces avocats véreux, qui semblables à des vautours cherchent à faire d'une tragédie, une manne financière. L'auteur montre la manipulation des parents désespérés, qui dans leur désarroi, leur colère, deviennent des proies faciles : une société américaine  ou tout est prétexte à profit et où les plus grands chagrins doivent rapporter gros.

Le roman est polyphonique : quatre personnages vont raconter tour à tour l'accident selon la manière  dont ils l'ont vécu. Ces quatre récits sont un prétexte à peindre la société américaine dans une ville de montagne sans grande ressource économique, où l'absence d'avenir, les difficultés financières, la maladie, les mésententes conjugales, les enfants battus, la dépression liée au retour du Vietnam, composent une société complexe, à la recherche d'un bonheur qui les fuit.

Dolorès Driscoll, mère de deux grands fils qui ont quitté la maison et ne reviennent pas souvent la voir, soigne son mari handicapé avec amour et courage puisque c'est elle qui doit subvenir aux besoins du couple. Conductrice du bus scolaire, sérieuse, elle aime les enfants et son métier qui la met en contact avec eux. Elle n'a jamais eu d'accident mais ce jour-là, il commence à neiger et elle croit voir un chien sur la route. Quand elle cherche à l'éviter, le car part sur le bas-côté.
Billy Ansel, garagiste,  est un vétéran du Vietnam. Pour les gens du village, il est un héros dont tout le monde admire le courage. Personne ne sait ce qui se cache sous ce calme apparent que donne à voir Billy. Il a perdu sa femme des suites d'une maladie, entretient une liaison secrète avec une femme mariée qui perd, elle aussi, son enfant unique dans l'accident. Les jumeaux de Billy meurent; sa vie s'est "vietnamisée" et Billy sombre dans l'alcool.

Mitchell Stephens est un avocat new-yorkais qui cherche à entraîner les familles dans un procès. Mais l'habileté de l'auteur est de lui faire poursuivre d'autres buts que l'argent. N'a-t-il pas lui aussi perdu sa fille droguée même si c'est d'une autre manière? La colère qu'il éprouve contre cette société qui tue ses enfants en faisant de l'argent un Dieu l'anime dans sa recherche d'une vraie justice. Combien de grandes entreprises, de services d'état, en effet, préfèrent exposer leurs employés à la maladie, aux risques d'accident, plutôt que de faire des dépenses pour assurer leur sécurité. Ils savent que les victimes trop modestes n'obtiendront jamais réparation.  Russel Banks montre ainsi le malaise qui existe même dans les classes sociales aisées.

Enfin vient Nicole Burnell, adolescente de 15 ans, qui restera handicapée toute sa vie à la suite de l'accident. Elle quitte alors pour toujours le monde de l'enfance et pose un regard d'une clairvoyance terrible sur sa famille mais aussi sur les autres. Un beau personnage mais cruelle dans sa soif de justice. Pourtant, elle seule parvient à rétablir un ordre dans le chaos même s'il faut pour cela s'appuyer sur un mensonge. Il semble que la communauté ne peut être sauvée que par le sacrifice de l'un d'entre eux.

Cette galerie de portraits est d'une vérité criante. J'ai été très sensible à la peinture de cette société repliée sur elle-même, sur son deuil, sur ces blessures. Le roman est passionnant par le talent de l'auteur à nous faire partager le point de vue de chacun, à nous faire pénétrer dans les pensées, les sentiments des personnages.



Chez Sylire et Lisa




  Ont  trouvé le titre et le nom  de l'auteur : Aifelle, Asphodèle,  Dasola, Eeguab, Keisha, Pierrot Bâton, Somaja, Syl, Thérèse, Valentyne... Félicitations et merci à tous !
Le roman : Russel Banks :  De beaux lendemains

Le film :  Atom Egoyan  : De beaux lendemains

dimanche 12 janvier 2014

Raphael Jerusalmy : La confrérie des chasseurs de livres



Nous sommes en 1462.  François Villon est condamné à être pendu et va achever sa courte vie.  Oui, mais il est gracié et il disparaît sans laisser de trace.
A partir de ce fait, Raphaël Jerusalmy imagine dans son roman La confrérie des chasseurs de livres que Villon emprisonné est contacté par l'intermédiaire de l'évêque de Paris, Monseigneur Chartier, pour accomplir une mission au nom du roi Louis XI. Ce dernier cherche à affaiblir le pouvoir du pape pour affermir le trône de France. La bataille va se mener sur le plan intellectuel. Avec la découverte de l'imprimerie, les livres interdits par Rome pourront être imprimés et diffusés en Europe. De quoi saper l'autorité papale tout en se gardant le droit d'intervenir au nom du pouvoir royal dans la diffusion des livres! Le roi de France n'est pas le seul à avoir eu cette idée. Les Médicis mènent le même combat. Villon et son ami Colin sont envoyés à Jerusalem pour découvrir des ouvrages inédits.Ils y rencontreront la confrérie des chasseurs de livres, une secte secrète qui veille jalousement sur des manuscrits précieux et menacés, dont le dernier testament du Christ.

Je le dis tout  de suite. J'ai été déçue par ce roman et ceci d'autant plus que j'en attendais beaucoup et que j'en avais une idée préconçue. Je pensais, en effet, que j'allais lire un livre sur François Villon et que je plongerai dans sa vie et dans le moyen-âge des pauvres hères, mendiants, voleurs, bandits des grands chemins comme lui mais avec, bien sûr, une ouverture sur sa poésie et sa culture. J'attendais un livre qui fasse vivre un monde fascinant encore primitif mais déjà renaissant, en pleine bouillonnement culturel : Un livre sur un poète et sa poésie, sur l'amour des livres avec  l'invention de l'imprimerie, un livre sur le moyen-âge et sur les grands changements qui se font en cette dernière partie du XV ème siècle.
Vous me direz qu'il y a bien tout cela dans ce roman! Oui! mais il est traité non comme un roman historique mais comme un thriller ésotérique à la Umberto Ecco. Or j'aime ce genre de romans mais il n'en a pas les qualités. Certes, il présente péripéties, rebondissements. Mais Jerusalmy n'est pas un conteur. Le rythme est lent, les aventures sont noyées dans un flot d'explications qui entravent la progression de l'action. L'intrigue est complexe et confuse et pour tout dire peu attractive. Cet aspect ne m'a pas semblé réussi et n'a pas emporté mon adhésion. 
D'autre part, les personnages me paraissent plutôt des prétextes que des êtres vivants. Certes, il est fait allusion aux poèmes et à la vie de Villon mais je n'ai pas eu un instant l'impression de le rencontrer. Le personnage pourrait être n'importe qui, un inconnu, pourvu qu'il sache écrire et soit savant.
Reste l'érudition. Le roman est sérieux, très documenté. Raphaël Jerusalmy connaît bien son sujet; nous apprenons beaucoup sur cette période et sur ce plan l'écrivain est ambitieux. Mais j'aurais préféré lire un essai plutôt qu'un roman qui manque de vie. Bref! je l'avoue, je me suis ennuyée.
 Mais je n'ai pas dit mon dernier mot avec cet écrivain puisqu'il paraît que son premier roman (celui-ci est le second) : Sauvez Mozart est bon!

*J'aime pourtant beaucoup les romans historiques mais ceux qui font vivre les personnages, qui recréent l'atmosphère, les mentalités, les coutumes. Parmi mes préférés dans mes lectures récentes  :
l'Obèle de Martine Mairal qui fait, en plus, oeuvre de linguiste en recréant la langue du XVIème siècle.  Ce dernier livre commence cette semaine son trajet voyageur chez Eimelle. Il ira ensuite chez  Marylin , Keisha, Anis, Myriam, Gwenaelle  et... Inscrivez-vous si vous le voulez!

D'autres avis :

Chez Dominique : Un avis tout à fait favorable
Chez Ys  : Un avis mitigé
Chez Miriam : un avis mitigé
Chez Kathel : Une déception




Merci à Dialogues croisés et aux éditions Actes Sud


lundi 16 septembre 2013

Michel Tremblay : L'homme qui entendait siffler une bouilloire





Drôle de sujet que celui choisi par l'écrivain canadien Michel Tremblay : L'homme qui entendait siffler un bouilloire et peut-être en grande partie inspiré par une expérience personnelle si l'on en juge par la dédicace :  Pour les docteurs Jean-Jacques Dufour et Gérard Mohr qui m'ont sauvé la vie.
 Le personnage de Michel Tremblay, Simon Jodoin, cinéaste reconnu, est en plein tournage lorsqu'il est brutalement assailli par un sifflement aigu et entêtant au fond de l'oreille. La persistance de ce bruit  obsédant, impossible à oublier, va presque le conduire au bord de la folie. L'opération d'une tumeur décelée dans l'oreille interne lui permettra-t-il d'être délivré de ces acouphènes?

 A priori, le sujet peut paraître anecdotique. Non que la souffrance infligée par les acouphènes soit négligeable mais parce qu'il s'agit d'un vécu qui paraît très personnel et d'un cas clinique particulier.  Pourtant, Michel Tremblay  va faire en sorte que nous sentions tous  concernés. En analysant les sentiments de son personnage, ses peurs face à l'opération, ses angoisses devant la maladie, le handicap et la mort, il écrit un roman où chacun peut se retrouver.  Le personnage cesse alors d'être un cas médical pour devenir un homme comme nous tous, avec ses faiblesses, ses regrets, son désespoir car la maladie est une rupture dans la vie qui permet un arrêt sur image : l'occasion de constater ses erreurs, de prendre conscience de son insignifiance car tout ce qui était primordial jusqu'alors cesse d'être important. Une véritable remise en cause au niveau professionnel. Qu'en est-il par exemple de sa réputation artistique?  L'occasion aussi de faire le point sur ses rapports avec son ex-femme, ses deux fils et son ami d'enfance Jean-Marc ainsi qu'avec ses collègues de travail, un travail sur soi-même qui est un véritable bouleversement. La maladie permet à Simon Jodoin de faire aussi l'expérience douloureuse du renoncement et c'est en pleurant qu'il comprend que jamais plus, il ne pourra écouter, comme avant, la musique qui est une part essentielle de sa vie. Mais elle l'oblige aussi, non sans révolte, à la patience, la maîtrise de soi. L'écrivain emprunte d'ailleurs à notre La Fontaine ces vers mis en exergue : "Patience et longueur de temps font plus que force ni que rage".

Grâce au talent de Michel Tremblay qui sait rendre compte de tous les registres des sentiments vécus par son personnage et peut passer de l'émotion à l'humour, nous nous suivons avec passion les implications douloureuses et traumatisantes de cette maladie complexe qui laisse perplexes les médecins eux-mêmes et, au-delà, nous nous sentons en empathie, avec ce personnage qui est bien notre semblable, notre frère!

Du même auteur, j'ai vu au Festival d'Avignon : la pièce de théâtre A toi pour toujours Marie Lou ICI



Roman lu dans le cadre de Québec, le mois de Septembre 2013 chez Karine

dimanche 2 juin 2013

Semaine italienne : Les aventures de Pinocchio de Carlo Collodi


Carlo Collodi

Carlo Collodi naît en 1826 à Florence où il mourra en 1890. Il est journaliste puis participe à la lutte pour l'indépendance de l'Italie en 1859. Dans les année qui suivent, il écrit des romans et des pièces de théâtre qui ont peu de succès. Ce n'est qu'en 1881 qu'il va gagner la notoriété en publiant en feuilleton - pour régler une dette de jeu, dit-on- le premier chapitre des aventures de Pinocchio. Il sera achevé en 1883.
Pinocchio signifie en italien "petit pignon"; c'est le fruit de la pomme de pin et cela signifie aussi "petit crevard" dans l'esprit de Collodi, autrement dit quelqu'un de moindre importance, un petit pauvre destiné à la misère et à mourir de faim.


Un livre qui s'adresse aux enfants

L'histoire de Pinocchio a acquis bien vite une renommée internationale. Tout le monde, en effet, connaît cette petite marionnette, même ma petite fille qui, à l'âge de trois ans, se cache le nez quand elle est effrayée non pas d'avoir menti mais que cela se voit! Pinocchio reste un petit pantin de bois tant qu'il n'a pas manifesté son humanité; il doit par apprendre à  se maîtriser, à acquérir des valeurs (ne pas mentir, être honnête, être travailleur etc…) pour pouvoir vivre en société, il doit savoir lire et écrire, apprendre un métier. Mais surtout il doit savoir prêter attention aux autres, se dépouiller de son égoïsme et s'ouvrir aux autres. Il ne devient un véritable être humain que lorsqu'il a atteint ce stade de son évolution. C'est évidemment la parabole du passage de l'enfance à l'âge adulte. En ce sens, Pinocchio est un roman d'apprentissage pour les tout petits. Il est en quelque sorte l'histoire de ce que les enfants vivent au quotidien à travers l'éducation parentale, scolaire et sociale. Et c'est pourquoi ils peuvent très facilement s'identifier au pantin en bois : il veu têtre libre, il commet des sottises, manque l'école, n'aime pas obéir et ment …. Mais en même temps c'est un personnage très encourageant : d'abord parce qu'il réussit malgré ses mésaventures à devenir "grand", ensuite parce qu'il y est aidé comme dans les contes par des auxiliaires, magiques ou non, comme la Fée bleue, le grillon, et bien sûr le père aimant, Gepetto.. La transposition du monde de l'enfance dans un monde qui pourrait être vrai mais qui est irréel assure une distanciation pour le jeune lecteur qui lui permet d'être rassuré tout en participant aux aventures terrifiantes que vit le pantin. Les personnages qui incarnent le mal, le chat, le renard mais aussi le directeur du cirque qui est l'ogre des contes sont effrayants mais toujours contrebalancés par les images positives citées plus haut.

Un livre pour les adultes


Ayant lu le livre en traduction française, je ne peux juger de l'intérêt du style qui paraît-il emprunte au Toscan et est écrit dans une langue simple, savoureuse qui (voir Wikipedia) a contribué à diffuser une langue commune pour tous les enfants italiens.
Le roman est aussi de tous les temps en ce qu'il rend compte avec humour et véracité d'un éternel enfantin, des sentiments contradictoires, des difficultés de l'obéissance et de la soumission à des règles imposées par les adultes, mais aussi de la tendresse, du besoin d'amour, des rêves, des peurs qui peuplent l'univers de l'enfance.
Si Gepetto et la Fée sont les auxiliaires du tout-petit pour atteindre l'âge de raison, ils représentent aussi le monde des adultes, le père et la mère, qui guident, conseillent, remettent dans le droit chemin, se découragent, souffrent mais savent pardonner. Dans un monde qui n'est pas celui des contes de fées, les marchands d'ânes de la cité des jouets, quant à eux,  figurent le capitaliste sans scrupules qui emploie de la main d'oeuvre enfantine et donc l'exploiteur qui vit sur le dos des enfants pour s'enrichir.

L'aspect moralisateur du roman pourrait ne pas convenir au lecteur contemporain mais le message qui est à la clef, dégagé de tout discours religieux, peut rassembler car il contient des valeurs laïques que tout parent soucieux de sa progéniture cherche à lui inculquer : l'amour de sa famille et d'autrui, le partage, la solidarité, le respect du travail bien fait, l'idée de l'importance de l'instruction à laquelle Collodi tenait beaucoup, seul moyen pensait-il pour les classes pauvres de sortir de la misère et de l'oppression… Comencini avec son adaptation du film a posé le problème de la liberté de l'enfant. Celui-ci est un être libre, qui doit faire ses propres expériences, l'éducation ne doit pas être répressive, elle doit se contenter d'encadrer l'enfant en douceur et de le mener à sa propre autonomie. Chez Comencini, la Fée n'est pas une gentille maman mais tient plutôt de la sorcière. Elle punit cruellement l'enfant. On voit donc que le livre de Pinocchio est au coeur des problèmes éducatifs de notre époque et qu'il ne cesse d'interroger et d'attiser la réflexion.

 La Fée bleue : Gina Lollobridgida dans le film de Comencini

Les aventures de Pinocchio présente aussi la société du XIX siècle en Italie du point de vue des pauvres gens et de la misère qui régnait dans les classes populaires. Sous le conte donc apparaît un roman réaliste très pessimiste où Collodi, âgé, (il a 54 ans quand il écrit), revenu de toutes illusions dénonce la condition lamentable de la classe ouvrière, l'indifférence ou la cruauté des riches, la dureté et l'injustice de ceux qui ont le pouvoir.  Il s'élève contre l'exploitation des enfants qui était semblable à son époque à celle que décrivait Victor Hugo en France ou à celle qui règne de nos jours dans les pays en voie de développement honteusement exploités par le riche Occident capitaliste et mondialiste. Nous ne pouvons donc que nous sentir concernés par ce roman toujours d'actualité.



 
 Résultat de l'énigme n°68

Les vainqueurs du jour  : Aifelle, Asphodèle, Dasola, Eeguab, Keisha, Marie Josée, Pierrot Bâton, Thérèse.. Merci à tous!

Le roman : Les aventures de Pinocchio de Carlo  Collodi
Le film :  Les aventures de Pinocchio de Luigi Comencini







voir livre de Malice: Carlo Collodi Pinocchio

jeudi 4 avril 2013

Laia Fabregas : Atterrir Actes sud






Atterrir est un roman de Laia Fabreagas traduit du néerlandais. L'auteur d'origine catalane est venue au Pays-Bas pour un échange universitaire et y resté. Elle en a adopté la langue. Ce n'est pas étonnant, donc, si son second roman présente des personnages à cheval sur les deux cultures : Lui, retraité, d'origine espagnole. Il est venu travailler au Pays-Bas a épousé une néerlandaise, Willemine, et est retourné s'installer à Barcelone. Elle, jeune néerlandaise, portant un secret. Elle revient de Barcelone, d'un de ses innombrables voyages dans une quête incessante dont nous n'apprendrons la finalité que peu à peu.
Ils se rencontrent dans l'avion de Barcelone à Amsterdam. Le vieil homme qui va revoir un de ses fils resté néerlandais se confie à elle. Il lui montre une boîte en bois qui semble avoir beaucoup d'importance pour lui et qu'il veut remettre  à son fils après le décès de sa femme. Mais à l'atterrissage, le vieil homme meurt. Obéissant à une impulsion la jeune femme se saisit de la boîte et part avant l'arrivée des policiers.

Le roman se poursuit menant en parallèle deux récits, celui relatant le passé du vieil homme, sa jeunesse, l'immigration, le travail, la rencontre de sa femme, la naissance des enfants, l'âge mûr et la mort de sa femme… L'autre, nous montre la vie de la jeune femme, le drame qui a bouleversé son enfance, ses rapports avec ses parents adoptifs, son caractère asocial avec ses collègues de travail et sa quête obsessionnelle.
L'un est à la fin de sa vie et, à la suite de la disparition de  Willemine, son épouse, il cherche une lumière dans le noir, un sens à sa vie; il trouvera l'apaisement  avant de mourir :
J'ai alors vu des millions de rayons lumineux se propager devant moi, émaner de moi, comme si j'étais une étoile, comme si j'étais ma propre lampe à incandescence. Chaque rayon se distinguait des autres, et chacun d'eux avait un avenir possible.

L'autre refuse la vie en poursuivant un rêve. Mais sa recherche n'est-elle pas finalement une tentative pour se trouver elle-même? C'est ce qui lui dit sa tante Anneke qui l'a élevée. Un jour, elle découvrira cette vérité :
 Rien ne m'obligeait à rester morte. (…) Je ne cherche plus, ai-je dit. c'était la première fois que je prononçais distinctement ces mots.

On peut dire que Atterrir est un roman d'initiation pour les deux personnages car,  à tout âge, il nous faut apprendre. La vieillesse doit apprendre à accepter la mort, la jeunesse à ne pas avoir peur de vivre. Willemine qui était peintre cherchait, elle, le sens de l'Art.  Le dénouement nous ménage une chute qui m'a paru forte où est révélé le secret de la petite boîte noire et bien plus encore mais que je ne vous en dis pas davantage, bien sûr.
J'ai eu un peu de mal à entrer dans le roman car si le personnage masculin est intéressant, le personnage féminin est  froid, tellement coupé de ses sentiments que le lecteur a des difficultés à s'intéresser à lui; mais au fur et à mesure que nous découvrons la jeune femme, nous sommes amenés à partager sa souffrance et assistons à  son évolution, nous la voyons s'ouvrir peu à peu comme lorsqu'elle découvre l'amour de sa mère adoptive …
Un beau roman, donc..

Livre voyageur; inscrivez-vous dans les commentaires.

La photographie (que j'aime beaucoup) de la première de couverture  est de  Jennifer Hudson.

vendredi 25 janvier 2013

Alissa Walser : Au commencement la nuit était musique




C'est d'une histoire vraie qui a eu lieu à Vienne en 1777 que s'empare Alissa Walser pour raconter l'histoire du docteur Mesmer et de sa patiente Maria Théresa Paradis, fille d'un fonctionnaire important à la cour de l'impératrice. Cette jeune virtuose qui se produit en concert est atteinte de cécité à la suite d'un choc nerveux.  Tout ceci pourrait paraître bien banal si le docteur Mesmer n'était pas un magnétiseur qui soigne d'après des méthodes apparaissant comme bien étranges en ce temps-là! Magnétiseur, oui, mais pas charlatan ou vendeur d'illusion. C'est un médecin et un homme de sciences intègre qui cherche à faire reconnaître les découvertes qu'il a faites intuitivement puis par expérimentation et qui s'insurge quand on parle de miracle ou de sorcellerie.

La recherche scientifique et médicale

Parmi les centres d'intérêt du roman, il y a, bien sur, ce domaine médical étrange qui concerne le magnétisme, ce fluide mystérieux parce qu'inexpliqué que nous possédons tous, paraît-il, capable de rétablir la santé si l'on parvient à le maîtriser. Le docteur Mesmer a beau partir à Paris pour échapper à l'obscurantisme et la médiocrité de sa ville, Vienne, il rencontrera partout l'incrédulité. A l'époque des grandes découvertes de Freud qui lui aussi fait scandale, Mesmer n'a pas trouvé le siècle né pour le comprendre. D'ailleurs, même de nos jours le magnétisme rencontre encore bien des détracteurs et demeure une science suspecte.

Une critique sociale : La liberté, le non-conformisme

En  fait la pianiste comme le médecin, tous deux unis par le même amour de la musique sont des êtres trop en avance sur leur temps. Maria Paradis est une jeune fille qui cherche à obtenir sa liberté, elle ne respecte pas les conventions. Tout se passe alors comme si le monde autour d'elle niait sa guérison, refusant de croire qu'elle a recouvré la vue, car on la préfère aveugle que non-conformiste et amorale. Il en est de même du médecin. Le roman offre une analyse sans concession d'une société corsetée, étroite et rigide et cet aspect du roman m'a intéressée.

Une réflexion philosophique :

C'est dans la nuit de la cécité que Maria Theresa Paradis rencontre la musique qui est son élément, sa raison de vivre. Elle a appris à jouer sans voir les touches de son piano et en apprenant par coeur les oeuvres faute de pouvoir lire les partitions. Paradoxalement, c'est en retrouvant la vue qu'elle perd la musique et sa virtuosité. On pense aux recherches de Diderot  dans Lettres sur un aveugle à l'usage de ceux qui y voient  qui  lie la connaissance au sens niant ainsi l'intervention divine dans l'acquisition des idées. Ce roman  nous donne donc à réfléchir aux problèmes philosophiques liés à notre perception du monde par les sens. Ne sommes-nous pas abusés par eux.? C'est ce que dit le père de Maria dans une conversation avec sa fille. La vue ne permet peut-être pas de voir la réalité et nous donne une idée fausse du monde qui nous entoure :

C'est qu'il fallait parfois saisir les choses pour y croire. La vue à elle seule n'y suffisait pas. Il fallait saisir d'abord. Au moins un petit bout d'un grand tout.
Crois-tu demanda Maria que ce que l'on ne peut pas saisir est faux?
Non, il voulait simplement dire que l'oeil était parfois obtus et stupide et en saisissait rien.

et Mesmer affirme
Les yeux ne sont en rien plus proches de la vérité que les autres sens; Tout n'est que mirage et illusion

Ce livre est original et offre une écriture recherchée. Les thèmes développés m'ont interpellée. Mais il est vrai que je n'ai pu entrer totalement dans le roman. Les personnages sont vus de l'extérieur et le narrateur se contente de décrire ce qu'il voit comme un témoin impartial. Du coup les personnages ne sont jamais vus de l'intérieur, nous ne pénétrons pas dans leur conscience. Ceci est à la fois une force car ce parti-pris conserve un certain mystère aux personnages mais c'est aussi une faiblesse car nous ne pouvons pas totalement adhérer à leur histoire. Le récit reste froid et l'écriture jouant sur les dialogues, passant du  style direct,  indirect à l'indirect libre renforce cette distanciation voulue entre le lecteur et le personnage, ce qui donne l'impression d'assister de loin à la scène, en spectateur..

Voir  le billet d'Ys ICI




mercredi 23 janvier 2013

George Sand : Teverino Lecture commune




Dans le prologue de Teverino George Sand réfute les arguments de ses détracteurs : oui, les caractères qu'elle a peints dans son roman ne sont pas forcément vraisemblables, oui elle a poétisé l'excessive délicatesse de sentiments et la candeur de l'âme aux prises avec la misère, oui Teverino est écrit sans autre but que celui de peindre un caractère original, une destinée bizarre qui peuvent paraître invraisemblables …  Et elle ajoute : Est-il donc nécessaire, avant de parler à l'imagination du lecteur par un ouvrage d'imagination, de lui dire que certain type exceptionnel n'est pas un modèle qu'on lui propose? Ce serait le supposer trop naïf, et il faudrait plutôt conseiller à ce lecteur de ne jamais lire de romans…"
Donc, tenez-le vous pour dit ! Les caractères de ces personnages sont idéalisés, en effet, l'intrigue assez invraisemblable, le roman est une une pure fantaisie, et tant mieux, puisque c'est l'aspect du roman que je préfère!

L'intrigue :
Léonce, un jeune marquis, est amoureux de Sabina qui a fait un mariage de convenance avec un  anglais, lord G., qui l'indiffère et ne sait que boire et s'enivrer en compagnie de ses amis. Sabina, Lady G.,  refuse l'amour de Léonce et ne voit en lui qu'un ami d'enfance, un frère. En attendant, elle s'ennuie dans le luxe de sa prison dorée et soupire après des aventures qui lui permettraient de vivre des sentiments passionnés. Léonce la prend au mot et l'amène en promenade pour une journée en tête à tête dans cette région de montagnes où ils sont en villégiature. Il lui promet qu'il va lui faire oublier son ennui. Et c'est ce qu'il fait, en effet! C'est l'occasion pour Sabina de rencontrer des personnages hors du commun, Madeleine, la fille aux oiseaux et Teverino, un italien, voyageur artiste et bohème, qui donne son nom au roman.

Teverino



Le thème principal est lié au personnage éponyme, ce voyageur insaisissable, inclassable, Teverino, artiste plein de finesse doué pour les arts et en particulier pour la musique, bohémien, séducteur et brillant, issu du peuple et pourtant grand seigneur à ses heures, bref protéiforme. La vision que nous offre ainsi Sand de l'artiste est celle d'un être libre, qui se place hors des conventions sociales, et laisse parler ses sentiments avec spontanéité. Il n'est pas étonnant que Sand ait choisi un italien pour incarner ce personnage, un enfant du peuple né au bord du Tibre. On a vu dans Consuelo qui se déroule à Venise, la place de l'art, en particulier de la musique, en Italie, et comment George associe le caractère italien à la joie, l'expression des sentiments, la sensualité, le tempérament artistique. Teverino s'oppose au caractère français et à la vie mondaine représentés par Sabina et Léonce qui sont froids et maîtres d'eux-mêmes, refoulent leurs sentiments et se préoccupent de la bienséance au point de demander au curé de les accompagner pour leur servir de chaperon. En effet, si Lady G. était vue seule en compagnie de son ami, elle pourrait être déshonorée et perdrait sa place dans la société.

 Madeleine

Madeleine, la fille aux oiseaux, vit hors du monde, en sauvageonne. Son frère est contrebandier, un brigand donc, mais qui veille sur sa soeur affectueusement. Elle exerce son pouvoir sur les oiseaux tout en respectant leur liberté et se révèle le pendant féminin de Teverino. Et il faut bien le dire, ce sont les personnages sympathiques du roman! L'amour pur, simple et naïf que Madeleine témoigne à Teverino est mis en parallèle à l'amour sophistiqué et complexe de Léonce qui n'ose s'exprimer, muré dans son amour-propre; il est en opposition aussi à la coquetterie, la superficialité, l'orgueil et le sentiment de supériorité de la grande dame, Sabina, qui refuse d'aimer et d'être aimée.

Le joug affreux du mariage



Savez-vous Léonce, que c'est un joug affreux que celui-là?
- Oui, il y a des maris qui battent leur femme.
- Ce n'est rien, il y en a d'autres qui les font périr d'ennui.


Le roman est écrit en 1845 et explore un thème cher au coeur de Sand, celui du mariage et de la liberté de la femme. Aurore  Dupin a épousé le baron Dudevant en 1822 et a eu de lui deux enfants, Maurice et Solange. En 1832, elle quitte son mari avec qui elle ne s'entend pas et part se réfugier à Paris avec son amant Jules Sandeau. C'est le début de sa vie littéraire. Elle n'aura de cesse alors de lutter contre le mariage de convenance arrangé par les parents. Elle s'insurgera - et ses prises de position feront scandale- contre le statut de la femme dans le mariage qui prive celle-ci de ses droits, de sa fortune et la place sous la tutelle de son mari tout puissant. Elle revendique le divorce et le droit à l'égalité pour les femmes. Dans Teverino, Sabina subit l'affreux joug du mariage sans avoir le courage de le secouer. Léonce l'exhorte d'ailleurs à avoir moins de crainte de l'opinion publique. Il est certain que Sabina n'a rien d'une George Sand! Elle serait pourtant justifiée d'aimer hors mariage puisqu'on l'a mariée sans amour. Sabina est une femme sous dépendance et pleine des préjugés de sa classe. Ce voyage sera pour elle initiatique et elle en reviendra transformée.

L'amour triomphera-t-il de l'orgueil? Un écho de Musset 

 Les caprices de Marianne

L'amour triomphera-t-il de l'orgueil? est l'un des grands thèmes du roman et on retrouve dans cette interrogation un écho des deux comédies de Musset *:  Les caprices de Marianne et On ne badine pas avec l'amour.
En effet, les personnages de Marianne et de Camille dans les pièces de Musset rappellent celui de Sabina. Toutes les deux comme l'héroïne de Sand refusent l'amour par orgueil : Marianne, semblable en cela à Sabina, est mal mariée à un vieillard qui ne lui inspire que du mépris. Elle ne veut pas écouter Octave qui lui parle de l'amour que Célio a pour elle. Elle finit par tomber amoureuse d'Octave et fait le malheur de Célio. Quand, dans le roman, Teverino parle de l'amour de Léonce à Sabina, la jeune femme est fascinée par le bel italien et croit être amoureuse de lui.
 Dans On ne badine pas avec l'amour,  Camille, jeune fille sortie du couventne veut pas s'exposer à être trompée et à souffrir; elle refuse l'amour de Perdican. Ce dernier cherche, en courtisant la servante Rosette, à attiser la jalousie de Camille. Les deux pièces se terminent tragiquement car Célio et Rosette en mourront. Dans le roman de George Sand, Teverino embrasse Sabina, ce qui fait souffrir Madeleine-Rosette et Léonce-Célio mais la ressemblance s'arrête là. Madeleine ne mourra pas et Sabina humiliée mais rendue plus  humaine, plus simple, par cette mésaventure, y verra clair dans ses sentiments pour Léonce. L'orgueil est terrassé.

*voir l'étude de Françoise Genevray à propos des Lettres d'un voyageur de George Sand


La noblesse et le peuple



De par ses origines, George Sand appartient, par son père,  à une noblesse qui remonte au maréchal de France, Maurice de Saxe, par sa mère, ouvrière de mode, elle est fille du peuple. L'écrivain partagée par sa double origine, aristocratique et populaire, thème qui se retrouve souvent dans ses oeuvres, se déclare du côté du peuple. Dans Teverino, Lady G. croit à la supériorité de l'homme du monde et méprise le peuple.
Et puis si vous voulez que je me confesse, je vous dirai que je crois un peu à l'excellence de notre sang patricien. Si tout n'était pas dégénéré et corrompu dans le genre humain, c'est encore là qu'il faudrait espérer de trouver des types élevés et des natures d'élite.
Léonce pense, au contraire que : l'homme du peuple peut valoir et surpasser l'homme du monde  a beaucoup d'égards.
Lady G. a tort. Elle l'apprendra à ses dépens en se laissant presque séduire par un homme du peuple, Teverino, qui se fait passer pour gentilhomme. La leçon est cuisante. Une humiliation qui la rendra plus humble et plus attentive aux sentiments des autres et l'amènera à réfléchir à la véritable valeur des êtres. Quant à l'aristocrate Lord G. que nous voyons à la fin du roman, l'image qu'il nous donne de la noblesse paraît peu reluisante :
 Mylord s'était réveillé la veille au soir et avait pris de l'inquiétude mais il avait bu pour s'étourdir, et lorsque sa femme rentra, il dormait encore.

 Le style , une variété de tons


Dans ce roman, le ton employé par Sand est celui d'une moraliste qui, à travers les dialogues de Léonce et Sabina, développe des idées qui lui importent et que le récit va illustrer. Pourtant ce ton un peu trop didactique cède vite à une langue fraîche, volontiers poétique dans la description des paysages, dans l'évocation de la fillette aux oiseaux. Alors que le dialogue de Léonce et Sabina est empesé et démonstratif, celui du bohémien musicien est plein de vie et de brio. Il devient aussi haletant, véritable roman d'aventures, dans les passages où les voyageurs bravent les dangers de la montagne. Enfin, il emprunte un registre comique et caricatural avec le personnage du curé qui ne pense qu'à manger et apprécie outre mesure la dive bouteille, au demeurant un  très brave homme!




Lecture commune avec Cléanthe, George, Miriam et Nathalie

lundi 13 février 2012

Metin Arditi : Le Turquetto

Le Titien : L'homme au gant musée du Louvre

Il existe, nous dit Metin Arditi, avant de commencer cette brillante biographie, une oeuvre du Titien exposée au Louvre : L'homme au gant. Elle est signé Ticianus mais des analyses récentes semblent prouver que le Titien n'en est pas vraiment l'auteur. Serions-nous en face d'un tableau du Turquetto,  élève du Titien, un des peintres les plus brillants de son siècle?
Le Turquetto de Metin Arditi nous fait voyager dans l'espace, de Constantinople à Venise, et dans le temps pendant la Renaissance au début du XVI ème siècle. Nous suivons les aventures d'un jeune garçon, Elie Soriano d'origine juive qui vit à Constantinople. Son père et Arsinée qui lui tient lieu de mère sont tous deux des vendeurs d'esclaves. Passionné par le dessin, Elie sait que sa religion lui interdit la représentation figurative. Aussi à la mort de son père, il s'enfuit et gagne Venise où il se fait passer pour chrétien. Ses talents exceptionnels lui permettent d'entrer dans l'atelier du Titien et bien vite d'égaler son maître voire de le surpasser. Elie surnommé le Turquetto devient le peintre le plus couru de Venise et réalise de magnifiques tableaux pleins de sensibilité. Hélas! toutes ces oeuvres seraient promises au bûcher et lui-même condamné à mort si l'on découvrait qu'il est juif!
Le Turquetto se lit d'abord comme un livre d'aventures, un roman picaresque, enlevée, vivant, qui nous promène dans le bazar de Constantinople au milieu de personnages hauts en couleurs puis dans la richissime Venise, toute revêtue d'or où  règnent la corruption, l'envie, la cupidité, la misère et l'intolérance. Les courtisans sont vaniteux et cruels, les juifs sont enfermés dans le ghetto et ne peuvent en sortir le jour qu'affublés d'un béret jaune, les bûchers de l'inquisition sont toujours prêts à s'allumer pour traquer l'hérétique ou pour brûler les oeuvres d'art. Nous apprenons beaucoup sur cette période sans que l'érudition de l'auteur ne vienne alourdir le récit ou le freiner. Metin Arditti nous fait partager ses connaissances de l'art de la Renaissance. Il nous en fait découvrir les aspects techniques mais en parle aussi avec sensibilité. Un artiste est d'abord quelqu'un qui sait regarder, don que possède le Turquetto  qui allie , dans sa peinture, la spiritualité  à la sensualité. C'est donc avec un vif plaisir que l'on suit l'histoire de cette existence parfois triste et douloureuse, consacrée à l'art. 
 Comme presque tous les dessins d'Elie, celui-ci serait "pour la pile". Elie s'asseyait en tailleur, fermait les yeux, cachait son visage de ses mains et, tout à l'intérieur de lui-même, s'imaginait en train de dessiner. Une mine de plomb à la main, il traçait un premier trait, par exemple un ovale de visage ou une ligne d'épaule, puis un deuxième, comme s'il dessinait vraiment, et ainsi de suite jusqu'à ce que le dessin soit en place. Il le regardait alors avec intensité, ajoutait ici une ombre, là un dégradé, fronçait un regard, marquait une tension sur un muscle, exactement comme si tout ce qu'il faisait était réel. Après quoi il regardait le dessin en y mettant toutes ses forces, s'en imprégnait jusqu'au plus infime détail, et le déposait sur le haut d'une pile, imaginaire elle aussi, dans un coin précis de la pièce minuscule qu'il partageait avec son père.
Le plus étrange, lorsqu'il dessinait pour la pile, touchait à la violence des émotions qui le traversaient. Dans de tels instants, un sentiment de suprématie le portait tout entier. Rien ne lui semblait impossible. Il travaillait à la plume, au pinceau, ou à la mine d'argent, utilisait mille couleurs, donnait des effets d'ombre ou de clair-obscur, en un mot, il dessinait selon son bon vouloir. Il était, enfin, maître de sa vie.
 Elie est un personnage intéressant qui tire la leçon de ce qu'il a vécu. Il prend conscience qu'il a toujours été guidé par la vanité, qu'il a trahi tous ceux qui l'aimaient pour sa satisfaction personnelle. Ainsi, il s'est servi de sa peinture pour satisfaire ses désirs, son orgueil, au lieu de s'effacer derrière son art. Enfant, Elie méprisait son père, brisé par la misère, courbé par la maladie et les malheurs, sans énergie pour lutter. Ce n'est qu'à la fin du récit qu'il pourra l'accepter et le peindre : Il l'avait représenté en pauvre bougre, tel qu'il était. La vieillesse apporte à Elie la sagesse et la reconnaissance des véritables valeurs. 
Un roman très agréable donc, qui se lit avec beaucoup de plaisir. Pour les curieux j'ajouterai que, malgré les apparences, le personnage est fictif! Ce peintre n'a pas existé!
Le roman est souvent comparé à celui de Mathias Enard : Parle leur de batailles, de rois et d'éléphants  mais je préfère nettement celui-ci;

LIVRE VOYAGEUR :  inscrivez-vous!

Metin Arditi : écrivain suisse d'origine turque.

Voir l'article de Hélène Lecturissimo




jeudi 9 février 2012





Désert américain de  Percival Everett est  livre peu banal! Ce qui en fait  l'originalité, c'est que l'écrivain part d'un fait rocambolesque pour mieux nous présenter la réalité américaine.

Theodore Larue, époux peu fidèle de Gloria, père de deux enfants, Emily et Perry, et professeur d'ancien anglais à l'université de Californie du Sud meurt dans un accident de voiture. Et non seulement, il meurt mais en plus il est décapité. Sa tête est hâtivement recousue à son corps afin qu'il fasse un cadavre convenable dans son cercueil..  Oui, mais voilà que pendant la cérémonie religieuse le cadavre se dresse (provoquant une émeute) et force est de constater qu'il est vivant! Un choc pour sa femme et ses enfants et  pour l'intéressé lui-même.  Les médias s'emparent de l'affaire attirant l'attention sur lui.  Ted  est  alors embarqué dans une histoire complètement farfelue et à rebondissements.

Percival Everett manie l'ironie d'une manière assez féroce. Ted Larue  meurt dans un accident alors qu'il est en route vers son suicide à la suite de ses échecs professionnels et conjugaux. Le récit se teinte d'un humour noir assez savoureux et  plein de détails  scabreux : la tête est recousue par l'embaumeur "à gros points serrés au fil de pêche bleu de quinze", couture grossière qui gêne notre héros quand il redevient vivant (on le comprend!). L'écrivain se délecte à nous raconter la réaction de la foule hystérique dans l'église et les rues avoisinantes, celle du voisin hargneux qui s'évanouit..  Les portraits satiriques des personnages comme celle du directeur du département de Ted à l'université  ou celui du gourou Big Daddy sont très réussis!

Mais on peut se demander pourquoi cette fable. Pourquoi Perceval Everett prend il pour porte-paroles "un mort en vie" pour présenter sa vision de la société? Au-delà du rocambolesque, l'écrivain  nous dit que son personnage qui est revenu de la mort a gagné en lucidité. Sa vision est devenue autre, plus profonde, plus large, plus complète. Faut-il aussi ne plus avoir rien à perdre pour avoir le courage de démasquer les impostures et les crimes? La mort est-elle nécessaire pour  y voir plus clair? Autrement  dit, nous, les vivants, serions-nous aveugles  à ce qui nous entoure? 

Sa mort avait changé sa conception de la vie. Sa résurrection avait enrichi sa personnalité, le faisant accéder à une dimension jamais atteinte de son vivant(...) Son regard était différent, sa façon de pencher la tête quand il observait le monde autour de lui, de se tourner, de montrer du doigt.

Car au-delà de l'humour, Ted devient un prétexte à la dénonciation de la société américaine. Et tout d'abord des journalistes et des médias charognards dont Ted et sa famille deviennent la proie. L'université et son système aléatoire de titularisation sont aussi remises en question. Ted travaille depuis neuf ans, ses évaluations d'enseignements sont parfaites mais il n'a pas publié de livre  et est en passe d'être remplacé par une jeune femme  de manière tout à fait arbitraire.  Par contre, il ne sera pas inquiété pour ses fautes réelles, ses relations sexuelles avec son étudiante. Les services secrets américains, les sectes religieuses et leurs dangereuses dérives, le clonage (et pas n'importe lequel grâce à l'imagination sans limites de Percival Everett! )sont aussi au coeur de cette critique qui montre une société malade où les faibles sont opprimés.

Quand il meurt pour de bon, Percival Everett répond aux journalistes qu'il n'a pas de message à transmettre sur la mort après la vie. Il n'est pas Jésus, ni un ange, ni Satan, comme on a pu le dire. "La mort n'est pas une mauvaise chose", affirme-t-il, et c'est pourquoi il ne faut pas en avoir peur.

Ce roman n'est pas sans me rappeler le Testament de Ben Ziom Avrohom de James Frey, écrivain qui a lui aussi choisi la fable et la provocation pour composer un tableau de la société américaine au cours d'un  récit complètement fou .  

Merci à Keisha pour ce livre qui continue à voyager. Qui le veut?