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lundi 9 janvier 2012

Virgil C. Gheorghiu : La maison de Petrodava ou Les noirs chevaux des Carpates





La maison de Pétrodava*  de Virgil Gheorghiu paru en 1961 est un roman envoûtant et il est très difficile de s'en détacher dès lors que vous avez ouvert la première page.
Pétrodova  est situé dans la vallée de Bistritza, sur le versant oriental  des Carpates, en Moldavie, la patrie de Virgil Gheorghiu. C'est là que réside la famille Rocca, une dynastie d'éleveurs de chevaux. Le récit de La maison de Petrodava se déroule autour de deux figures de femmes  exceptionnelles : Roxana  Rocca et sa fille Stella toutes deux éprises de justice avec une intransigeance qui n'admet aucune pitié. Nous sommes au début du XXème siècle et la guerre de 14 va bientôt éclater.
Roxana, l'unique héritière de Petraky Roca, accepte d'épouser l'instituteur du village, Lucian Apostol, et ceci bien qu'il soit un homme de la plaine et par là suspect de bien des faiblesses, à une condition : qu'il lui soit toujours fidèle. On verra ce qu'il en coûte au jeune homme de trahir sa promesse! Stella est le portrait de sa mère. Comme elle, éleveuse d'étalons farouches, comme elle en lutte contre une Nature sauvage avec laquelle elle se mesure victorieusement. Elle défendra son premier mari, le prince russe Illiyuskin, cousin du tsar, en l'arrachant aux mains des Bolchéviks. Veuve, elle épousera en seconde noce, le lieutenant Michel Barasab qui quitte l'armée parce qu'il a peur de la mort et de la guerre. C'est un être trop sensible pour vivre avec une femme Rocca. Il ne pourra pas en sortir indemne.
Les personnages de ce roman sont des personnages de tragédie antique. Le sens de l'honneur -ici de la justice- exclut toute  tendresse, voire toute humanité.  L'écriture est à la fois lyrique et épique.  Nous sommes pris dans ce récit haletant, sans concession, avec des personnages  féminins hors du commun, exacerbées,  grandioses, qui vont jusqu'au bout pour être fidèles à elles-mêmes, jusqu'à la folie, jusqu'à la mort.  Certaines scènes de ce roman sont d'une force incroyable :  la scène de la mort de Lucian Apostol, la  lutte de  Stella contre le torrent déchaîné...
La nature tient un rôle à part entière dans le roman; de même  les chevaux fougueux des Carpates en symbiose avec leurs maîtres, complicité qui exclut tous ceux incapables d'y participer.
Ce  roman qui nous dépeint les coutumes et les mentalités d'un peuple orgueilleux et  dur  façonné par l'âpreté de la vie dans les hautes montagnes des Carpates - que Gheorghiu connaît bien  puisqu'il est le sien - est une oeuvre qui ne peut laisser personne indifférent.

* le roman a été réédité sous le tire : Les noirs chevaux des Carpates

jeudi 1 décembre 2011

Reif Larsen: l'extravagant voyage du jeune et prodigieux TS Spivet



Tecumseh Sansonnet Spivet (ces deux prénoms sont tout une histoire!) vit dans un ranch à Divide, Montana, avec sa famille composée de membres un peu disparates, entre un père cow boy plutôt rustique et une mère, le Dr Clair, entomologiste passionnée. Celle-ci a compris les dons extraordinaires de son fils et les encourage en le confiant au docteur Yorn, un savant qui devient une sorte de père spirituel. Jeune cartographe surdoué de douze ans, passionné de sciences, TS Spivet apprend qu'il a gagné un prix prestigieux décerné par le musée Smithsonian à Washington pour la qualité exceptionnelle de ses illustrations scientifiques. Il décide alors sans avertir ses parents et son mentor de partir à Washington pour recevoir son prix mais là-bas personne ne sait qu'il est un enfant. C'est le début d'une longue traversée des Etats-Unis, caché dans un train de marchandise comme un véritable vagabond  de la Grande Dépression, un hobo.

Disons tout de suite que le personnage principal, TS, jeune garçon surdoué est très attachant. Le contraste entre sa maturité intellectuelle et son comportement parfois enfantin amusent mais est émouvant car il révèle sa fragilité et sa solitude. Son voyage sera une épreuve, il affrontera beaucoup de dangers, il lui faudra patience, intelligence et courage pour réussir.

Le roman est divisé en trois parties qui correspondent à trois moments de la vie de TS et aussi à trois étapes géographiques :  1°L'Ouest  2° la traversée 3 °L'Est.  Au cours de ces trois étapes, Reif Larsen présente à la fois les paysages de l'Amérique mais aussi son passé à travers la saga de sa famille car TS va découvrir, dans un carnet qu'il a volé à sa mère, l'histoire d'Emma, son arrière grand-mère.  Ce récit dans le récit mêle à la fois le passé et le présent et établit des parallèles entre deux destins, celle d'Emma et du Dr Clair, la mère de TS. Scientifiques de haut niveau, elles sont en tant que femmes vouées à l'échec, en butte à la suprématie masculine. Prises au piège de l'amour pour des hommes qui ne leur ressemblent en rien, elles sont retenues au foyer et élèvent leurs enfants. Un parallèle existe aussi entre Emma et son arrière petit-fils. Tous deux ont besoin d'un père spirituel, d'un mentor pour les guider dans le domaine des sciences. Le jeune garçon réussira-t-il là où Emma a échoué? On verra quand il arrivera au Smithsonian que la question se pose. L'enfant, comme la femme, a à affronter des difficultés et déjouer des chausses-trappes inhérents à son fragile statut social. TS rencontre, en effet, la jalousie des scientifiques adultes mais excite aussi leur concupiscence car l'image de l'enfant prodige peut être médiatisée et rapporter gros. Le jeune garçon est transformé en bête de cirque, exposé à la curiosité de tous, exploité. Heureusement pour lui, son père, le vrai, interviendra pour le sortir des griffes de cette "maffia". Vision assez pessimiste de Reif Larsen visant l'une des Instituions les plus prestigieuses du pays!

C'est en ce sens que l'on peut dire que ce voyage est initiatique pour TS. Il va découvrir la vérité des personnes qui l'entourent cachée derrière l'apparence. Pas seulement celle des scientifiques mais aussi celle de ses parents. Il y a un grand sens du tragique dans cette famille dont les membres sont incapables d'exprimer leurs sentiments que ce soit pour dire leur amour ou crier leur désespoir. Entre un père taciturne et un peu primaire, une mère, savante et secrète qui s'enferme dans de vaines recherches pour un insecte qui n'existe vraisemblablement pas, il se sent coupable de la mort tragique de son grand frère Layton dont personne ne parle dans une sorte de déni de la réalité. Sa longue traversée lèvera le voile et lui fera mieux comprendre sa mère et découvrir les sentiments de son père, ce qui tempère la tristesse de l'enfant. Mais l'humour le dispute au tragique avec tout autant de force  car les personnages de cette famille sont si inattendues, si étranges, si extravagants que l'on ne peut s'empêcher d'en rire.... Gracie, la grande soeur, la seule "normale" de la famille fait parfois ce qu'elle appelle un une retraite "anti-abrutis" quand elle ne peut plus les supporter. Elle s'enferme dans sa chambre dont elle ne sort plus même pour prendre ses repas.

Elle y restait des heures, jusqu'à trente-six le jour où je l'avais électrocutée (par accident) avec le polygraphe que j'avais fabriqué moi-même et que, par la suite, j'ai pris la sage décision de démonter. Ce jour-là, je n'avais pas réussi à lui faire abandonner son cocon de pop sucrée qu'en lui offrant presque cent cinquante mètres de chewing-gum en ruban (et toute mon allocation mensuelle de l'Institut de surveillance géoloque y était passée.

 Notons aussi et c'est un des faits remarquables du roman que les connaissances scientifiques de Reif Larsen, son sens du détail, de la précision, lui permet de nous faire découvrir un monde passionnant  dans lequel il nous introduit par l'intermédiaire  de son petit héros à la curiosité insatiable. De plus, l'écrivain mène  une réflexion sur la science avec une telle ferveur qu'il nous la fait aimer. Et quand il demande si celle-ci est bien utile, c'est l'éclat de rire de Mr Englethorpe, le mentor d'Emma, qui répond :
C'est le mot "utile" qui me chiffonne. Toute ma vie ce mot m'a tracassé. Voyager, par exemple, est-ce "utile". Je n'en suis pas certain, mais bon Dieu (..), bon Dieu que c'est passionnant"!

Les marges du livre sont agréablement illustrés et présentent les schémas mais aussi des réflexions scientifiques de TS, des anecdotes familiales... Ceci a été parfois un peu déstabilisant pour moi  (pourtant c'est un des charmes du livre!) car j'avais l'impression d'être détournée de ma lecture, arrêtée dans la progression du récit par tous ces détails foisonnants. Quand je m'y suis habituée, je me suis rendue compte que la plupart de ces notes servait  le récit. Je me suis demandée si les difficultés que j'avais éprouvées pour progresser dans ma lecture étaient liées à cette manière d'écrire un peu partout comme s'il s'agissait d'un carnet de notes prises sur le vif ou si certains passages étaient moins réussis d'où une attention moins soutenue? Par exemple, je n'ai pas aimé cette histoire de société secrète du Mégatherium auquel adhère TS. Je ne vois pas trop où menait cette histoire , ce que l'auteur voulait dire? Mais malgré cette restriction, ce roman est riche, passionnant par bien des aspects.

de Sylire et LIsa

dimanche 13 novembre 2011

Un livre, un Jeu : Daphné du Maurier Rebecca


Réponse à l'énigme n° 10
 Les oscarisés sont cette fois-ci  : Keisha, Aifelle,  Eeguab, Maggie,  Miriam  Sabbio,  Lystig,  Cagire,  Dominique, Nanou,  Thérèse.   Et bravo à tous et merci pour votre participation.

Pour le livre : Rebecca de Daphné du Maurier
Le film : Rebecca d'Alfred Hitchcock ; le producteur : David O. Selznick

 
Le roman de Daphné du Maurier, Rebecca, est un conte mais il commence là où le conte finit, par le mariage. Telle Cendrillon, une jeune fille d'un milieu modeste est obligée, à la mort de ses parents, de s'engager comme dame de compagnie auprès d'une riche américaine. Lors d'un séjour dans un palace sur la Riviera avec sa déplaisante patronne (la marâtre des contes) la jeune fille va faire la connaissance de Maxime de Winter, un aristocrate anglais, propriétaire d'un domaine fabuleux nommé Menderley.  La rumeur court qu'il ne peut oublier la mort de sa femme, la séduisante et brillante Rebecca. Pourtant, à la fin du séjour de la jeune fille, contre toute attente, il la demande en mariage. Après un heureux voyage de noces, les époux rentrent à Menderley où notre héroïne est présentée aux domestiques du domaine et entre autres à la gouvernante de la maison, Madame Denvers, qui aime Rebecca d'un amour fanatique et ne se console pas de la disparition de sa maîtresse. La jeune madame de Winter doit faire face à la difficulté de se retrouver transplantée dans un milieu social qui n'est pas le sien et dans lequel elle commet beaucoup de bévues. La  présence de l'inoubliable Rebecca qui hante tous les esprits l'obsède. La mélancolie de son mari qui semble ne pas pouvoir oublier sa première épouse et la haine de madame Denvers qui ne lui pardonne pas de prétendre remplacer Rebecca la mènent au bord du suicide...
Notons et c'est remarquable que le lecteur ne connaîtra jamais le prénom de l'héroïne. Le récit est raconté à la première personne par la jeune fille qui ne révèlera pas son prénom. Ce qui permet au personnage éponyme du roman de prendre toute son ampleur. Et ceci est un tour de force de l'écrivain. Rebecca est morte mais c'est elle qui reste le personnage principal du roman. Sa présence est telle qu'elle annihile la jeune femme qui nous raconte l'histoire. Cette dernière vit dans une maison où tout rappelle Rebecca jusqu'à son papier à lettres dans le bureau qui est maintenant le sien, jusqu'à cette chambre intacte devenue un mausolée entretenue par Madame Denvers, ses vêtements, ses affaires personnelles toujours prêts à servir qui semblent attendre sans cesse un impossible retour. Cette présence est tellement obsédante que la seconde madame de Winter quand on lui téléphone répond : "non madame de Winter n'est pas là" oubliant que c'est à elle que l'on s'adresse. Cette réponse maladroite et gauche, qui est le fruit de la timidité de l'héroïne, montre l'effacement de la jeune fille dont la légitimité, l'existence même sont gommés au profit d'un fantôme.


Le personnage de madame Danvers est lui aussi très fort. Il fait pendant à celui de Rebecca et toutes deux semblent incarner les forces du mal. Face à l'innocente ingénue qui par son caractère effacé, son manque d'assurance et  les complexes liés à son milieu social n'a aucune possibilité de sortir victorieuse, madame Danvers est une présence maléfique toute puissante. Hitchcock a très bien su exploiter ce personnage de sorcière issue d'un conte de fées et le traduire en images. Dans son film, la longue silhouette en robe noire qui se déplace sans bruit dans les murs de ce château néogothique ou qui se détache devant une fenêtre aux longs voiles blancs comme un spectre dans son linceul, est hallucinante. A tel point que Walt Disney a repris la silhouette et les traits de madame Danvers, l'extraordinaire Julie Anderson, pour servir de modèle à la marâtre de Cendrillon dans son dessin animé.

Le thème  de l'amour  est aussi prépondérant. Après la scène du bal, la jeune femme qui a revêtu la  même robe que Rebecca,  copiée d'un tableau,  est sur le point de se tuer,  encouragée par la perverse madame Danvers. Mais lorsque des circonstances tragiques lui font comprendre que c'est elle et non Rebecca que Maxime aime, la jeune femme va puiser dans son amour la force qui lui manquait jusque là. La fragile femme-enfant se métamorphose en femme amoureuse et déterminée qui va lutter pour sauver son amour et devenir la compagne forte sur laquelle Maxime de Winter pourra s'appuyer.

Mon avis  à ne  pas lire  si vous n'avez pas lu le livre et comptez le faire :

Le film de Hitchcock est très fidèlement adapté du roman sauf pour le dénouement. Dans le roman Maxime de Winter poussé à bout par Rebecca  la tue puis met son corps dans le bateau qu'il fait couler. Dans le film Maxime de Winter est innocent (voir Wens). Si j'aime énormément le film dont la force tient dans les images et les effets de lumière proches de l'expressionisme*, je juge le dénouement du roman plus fort. Le personnage de Rebecca y gagne encore en noirceur et en machiavélisme.

*On se souvient, par exemple, de ce long travelling avant par lequel s'ouvre le film qui nous conduit jusqu'à Menderley en ruines avec la voix off mélancolique de la la narratrice qui nous commente son rêve...

Madame Danvers : Julie Anderson

dimanche 9 octobre 2011

Un livre, un film : Réponse à l'énigme 5 R.L. Stevenson, L'île au trésor


 Tout le monde n'a pas eu la chance de recevoir l'Oscar aujourd'hui mais merci à tous d'avoir participé :

Celles qui ont trouvé le titre du livre :  Dominique; Aymeline;  Thérèse ; Maggie; L'Ecossaise  Bravo!
Ceux qui ont donné les titres des film et du livre : Aifelle; Keisha; Lystig; Eeguab; Kathel; Jeneen; Qu'ils sont forts!

Et oui, le titre de ce livre vous fait réviser vos classiques. Ce livre vous a fait frissonner de peur,  du moins certains d'entre vous, dans votre enfance, à la recherche d'un trésor avec son jeune héros Jim, Hawkings, un récit hanté par les silhouettes hautes en couleur et sinistres des pirates Long John Silver, Chien Noir, Pew, Billy Bones... Bien sûr, il s'agit de L'île au trésor de  Robert Louis Stevenson.

  Je vous parle du livre, Wens du film : ICI

A l'auberge de l'Amiral Benbow, Jim Hawkins et sa famille hébergent un marin qui se fait appeler le Capitaine et qui n'est autre que Billy Bones, un pirate. Celui-ci vit dans la terreur de voir arriver ses ennemis, sinistres personnages qui vont bouleverser les habitudes de la paisible auberge de l'Amiral Benbow. Quand le capitaine meurt subitement, désigné par la tache noire, Jim découvre dans sa malle un carte de l'île au trésor. Le chevalier Trelawney décide d'armer un navire et de partir avec le docteur Livesey et le jeune garçon à la recherche du trésor. L'expédition doit rester secrète mais Trelawney, naïf, engage comme cuisinier, un marin à la jambe de bois, Long Jones Silver et toute une équipe de forbans et ceci malgré l'opposition du capitaine Smolett, commandant du navire l'Hispaniola. Quand l'Hispaniola s'éloigne du port, le lecteur sait déjà que le voyage ne sera pas de tout repos!

Robert Louis Stevenson commence à inventer l'histoire de l'île au trésor pour distraire son beau-fils,  Lloyd Osbourne, le fils de sa femme Fanny, une américaine divorcée qu'il avait épousée en 1880.  Il crée un personnage Jim Hawkins qui à l'âge de Lloyd, 14 ans, et invente une île semblable à un navire auquel il emprunte les termes de marine pour créer les lieux imaginaires. Pendant de longues après-midi pluvieuses, dans le château de Balmoral, où il s'est installé en Ecosse, il conte devant son public les aventures de ces personnages. Ce n'est qu'ensuite qu'il passera à l'écriture. Le roman paraît sous forme de feuilleton en 1882 sous le titre de Capitaine John North dans l'hebdomadaire Young Folk. Il sera édité en Novembre 1883.  En 1886 , il publie le livre qui va le rendre définitivement célèbre et remporter un immense succès :  L'étrange cas Docteur Jekill et de M. Hyde dont j'ai découvert  l'origine lors d'un voyage à Edimbourg ( ICI).

Dans le roman de Stevenson, le narrateur est Jim Hawkins, plus âgé. Il écrit à la demande de monsieur Trelawney et du docteur Livesey pour fixer le souvenir de l'île où il reste encore un trésor. Le docteur est le narrateur de trois chapitres au moment où Jim Hawkins est sur l'île et non avec eux sur le navire.
Dans le livre comme dans le film, une complicité naît entre Jim et Long John Silver. Le jeune garçon a perdu son père (celui-ci a déjà disparu quand commence le film alors qu'il va mourir au début du roman.) John Silver est pour Jim le substitut du père et celui-ci le considère un peu comme son fils. C'est un scélérat mais pas entièrement mauvais. Au contact de Jim, il retrouve une innocence première, est capable de sentiments humains (c'est ce qui sauvera la vie de Jim) même s'il reste filou, retors et traître. Pourtant le film de Fleming va plus loin que le roman en ce qui concerne les relation des deux personnages :  Jim, pris de pitié pour John Long Silver le libère et lui permet de fuir; au dernier moment le pirate donne à Jim la bourse qu'il a dérobée au trésor en creusant un trou dans la paroi de sa geôle. Dans le roman de Stevenson, la libération du forban par l'enfant serait contraire au sens de l'honneur de Jim et donc à son caractère. C'est le naufragé, Ben Gum, qui le laisse s'enfuir. Tous en sont bien soulagés et le pirate emporte son larcin.

L'amiral Benbow a existé :  Il s'est illustré, en cherchant à attaquer Brest avec sa flotte de 220 navires, dans la guerre contre les français, pour défendre La Nouvelle-Angleterre, colonie anglaise sur le territoire américain.

Mon avis : Le livre de Robert L. Stevenson et le film de Victor Fleming sont donc très proches l'un de l'autre. Le récit est respecté dans le film malgré quelques transformations qui n'affectent pas l'histoire proprement dite. Le film est servi par une belle interprétation. Lionel Barrymore joue le rôle de  Billy Bones et Wallace Beery endosse le rôle de John Long Silver ; il me fait rire tant la filouterie éclate sur son visage. Sa façon de berner l'enfant est comique et fait ressortir la naïveté de Jim. Mais le John Long Silver de Stevenson, peut-être parce que je l'ai lu quand j'étais enfant, m'avait nettement plus inquiétée. Je l'avais trouvé beaucoup plus subtil dans la traîtrise et la bande de flibustiers encore plus sinistres! Je n'ai donc pas eu le même ressenti dans les deux oeuvres mais pas le même âge non plus pour la découverte. Je garde une préférence pour le roman.


TESTEZ VOS CONNAISSANCES  : Etes-vous de bons lecteurs de Stevenson  ou (et) de bons pirates? ET REGARDEZ LE RÉSULTAT EN BAS DE LA PAGE


1) Stevenson est mort sur une île. Laquelle?

2)De quel port part le bateau l'Hispaniola?

3) Connaissez vous le type de navire l'Hispaniola

4) quel est sa vitesse en mer?

5) que veut dire le verbe marronner

6) Que signifie "pièces de huit!"

7) qu'est-ce que la tache noire?

8) pourquoi les pirates portent-ils une boucle d'oreille?

9)Pourquoi les pirates avaient-ils des perroquets?

10) Quel est l'animal le plus détesté des pirates et dont on ne doit pas prononcer le nom sur le navire

11) Quelle est la femme pirate la plus célèbre. Quel film a-t-elle inspiré?


Welter source

 RÉPONSES

1) Robert Louis Stevenson est mort en 1893 en Polynésie, dans les îles Samoa, à Apia qui est la capitale de l'archipel. Les indigènes l'appellent Tusitala, le conteur d'histoires. Il est enterré sur l'île, au sommet du mont Vaea. Lors de ses obsèques 400 Samoans se relayèrent pour porter son cercueil au sommet. Sur le sarcophage un seul mot inscrit : Tusitala.

2) le bateau part du port de Bristol

Où sommes -nous? demandais-je
- A Bristol, dit Tom, descendez.

 Nous eûmes donc à marcher, à mon grand plaisir, le long des quais où étaient amarrés une multitude de bateaux de toutes tailles, formes et nationalités.

3) et 4) l'Hispaniola est une goélette dont la vitesse peut varier entre 5 et 14 noeuds entre 9 et 26 Km/h

L'Hispanolia était sous grande voile et ses deux foc blancs; les merveilleuses voiles brillaient au soleil comme de l'argent ou de la neige. (..) cependant la goélette se redressa peu à peu..

5) Le flibustier marronné est abandonné sur une île déserte; cet horrible châtiment est appliqué à Ben Gunn que Jim découvre sur l'île.

Marronné , il y a trois ans, j'ai vécu de chèvres,  de fruits ,de coquillages...

6) Pièces de huit! Les pièces d'or avaient un certain poids. On pouvait les découper en morceaux, jusqu'à huit, pour payer son dû selon l'estimation.

Mes plus terribles cauchemars sont ceux où j'entends le ressac tonner sur les côtes, et où j'entends la voix stridente du capitaine Flint qui hurle à mes oreilles :
Pièces de Huit! Pièces de huit!

7)La tache noire : signe d'annonciation de la mort chez les pirates qui étaient très superstitieux, si superstitieux que Billy Bones meurt d'une crise cardiaque en recevant ce signe.

Mais qu'est-ce que la tache noire, capitaine? demandais-je.
- C'est un avertissement camarade. Je te le dirai s'ils en viennent là.

8) L'anneau des pirates :  depuis l'antiquité, chez les marins, porter un anneau d'or à l'oreille préserve des naufrages et des noyades. Le trou dans le lobe de l'oreille percée était censé procurer une bonne vue. La boucle symbolise aussi les fiançailles entre le marin et la mer. Il fallait avoir franchi le cap Horn pour pouvoir le porter. On retirait l'anneau du pirate au moment de sa mort pour payer ses obsèques.

Je vis aussi  nombre de vieux marins avec des anneaux aux oreilles, des favoris bouclés et des catogans poisseux.

9) En dehors du fait qu'il était un bon compagnon de voyage, le  perroquet est utile sur un navire car il peut prédire le temps. S'il lisse ses plumes, c'est qu'il va y avoir un orage, s'il parle sans cesse,  manifeste des signes d'agitation, le temps est incertain. De plus, tuer un perroquet porte malheur.

Le perroquet vert de Sylver, capitaine Flint! C'était lui que j'avais entendu becqueter une écorce, c'était lui qui montait la garde mieux que quiconque et qui annonçait mon arrivée avec son éternelle rengaine!

10) Il ne faut pas prononcer le mot lapin ou  lièvre qui est l'animal détesté car il adore le chanvre  et grignote les cordages et l'étoupe faites en chanvre. On le nomme la bête aux grandes oreilles.


11) La femme pirate la plus célèbre  est Ann Bonny originaire d'Irlande (1697-1720?). Le film qui lui est consacré a pour titre : La Flibustière des Antilles de Jacques Tourneur avec Jean Peters. (1951). Elle a navigué avec Rackam le Rouge.

dimanche 2 octobre 2011

Un livre, un film: Réponse à l'énigme (4) Maupassant, Une partie de campagne


Les réponses à l'énigme n°4 :
La nouvelle :  Guy de Maupassant  Une partie de campagne
Le film : Jean Renoir, Partie de campagne ; actrice Sylvia Bataille épouse de l'écrivain Georges Bataille.
Merci à tous d'avoir participé et félicitations à tous les lecteurs et cinéphiles perspicaces :  Aifelle, Maggie, Keisha,  Eeguab, Miriam, Dominique, Jeneen, Cagire,  Gwenaelle,  Mireille, Nanou.




La nouvelle intitulée Une partie de Campagne de Maupassant est parue dans le recueil La Maison Tellier  en 1881. Avant cette date, Maupassant s'était déjà fait connaître  par  Boule de Suif paru dans un recueil collectif Les Soirées de Médan réunissant les nouvelles de plusieurs jeunes écrivains regroupés autour d'Emile Zola, chef de file du Naturalisme. Ce mouvement littéraire qui est une évolution du Réalisme dont Flaubert, ami et Maître vénéré de Maupassant, est le plus illustre représentant, tend à appliquer à la littérature, à l'étude des moeurs, à l'analyse psychologique, les méthodes des sciences expérimentales et humaines dans un siècle qui exalte les progrès de la science. D'après Zola, en effet, "le romancier est fait d'un d'observateur et d'un expérimentateur".  Ainsi avec les Rougon Macquart, il choisit d'étudier à travers les grandeurs et les vicissitudes d'un famille les effets de l'hérédité, ici  l'alcoolisme, sur les différents membres de la famille. Quant à Maupassant,  il ne va pas aussi loin que Zola dans cette application des lois de la nature au roman. Pour lui, le romancier doit proposer une vision personnelle de la réalité choisie selon son tempérament : «Les grands artistes sont ceux qui imposent à l’humanité leur illusion particulière.» (Préface de Pierre et Jean)

Dans, Une partie de campagne, une modeste famille de commerçants parisiens va passer une journée à la campagne pour la fête de Pétronille Dufour. Outre madame Dufour, les membres de la famille sont Monsieur Dufour et son employé, la grand mère et la jeune fille Henriette. A l'auberge où ils vont déjeuner, ils font la connaissance de deux jeunes gens de bonne famille, canotiers, qui invitent les dames à une promenade sur l'eau, en se débarrassant habilement des deux hommes. Si l'un d'entre eux se dévoue et prend la mère, l'autre, Henri, parvient à ses fins avec Henriette. Mais cet acte de séduction commencé comme un jeu de la part d'Henri les marquera toute leur vie.

 La nature chez  Guy de Maupassant et Jean  Renoir

Auguste Renoir

Chez Jean Renoir le sentiment de la nature poétique, exaltante, sensuelle, vécue comme un renouveau est partout, dans les images de l'eau, les jeux de lumière, les bêtes les plus humbles, le chant du rossignol.  Les images qui rappellent chacune un tableau d'Auguste Renoir magnifient le paysage.  En est-il de même dans le livre?
La nature joue, bien sûr, un grand rôle dans la nouvelle mais très différent de celui du film. Certes la nature s'oppose à la ville comme nous le voyons dans le passage que j'ai choisi pour présenter l'énigme et qui est un point de départ pour comprendre ce qu'est la Nature pour Maupassant.
Cette opposition, on le voit, porte sur tous les sens. Aux odeurs de schiste et de pétrole, aux miasmes, renforcé par les adjectifs putride, puante, répond l'air pur de la campagne qui est un rafraîchissement bienfaisant, à la fumée noire des cheminées d'usine s'oppose la buée pompée par le soleil, l'éclat de la lumière, aux squelettes des bâtiments, correspond le ravissement, à la lèpre, la santé  : respirer enfin un air pur. Bref! A la mort répond la vie!
C'est ainsi que Maupassant voit la nature et lui-même profitait pleinement de ses bienfaits puisqu'il venait canoter chaque semaine, prenait alors une chambre à la campagne pour fuir Paris et son travail de bureau au Ministère. Il était rompu aux exercices physiques, très fier de ses exploits sportifs et sexuels car ses parties de canotage en joyeuse compagnie allaient de pair avec ses conquêtes féminines.  Nul doute qu'il est l'un des deux canotiers de la nouvelle! 
Par contre l'écrivain a horreur du sentiment romantique de la Nature et il  se moque volontiers de cet amour bête de la nature qui les (les bourgeois) hante toute l'année derrière le comptoir de leur boutique.  Dans la nature, les hommes,  Mr Dufour et son apprenti ne pensent qu'à manger et boire; ce sont tous les deux des pochards; quand ils s'essaient aux anneaux, ils sont lourds et flasques et n'arrivent pas à s'enlever.  Ce sont là leurs seules activités physiques. Quant à leurs prouesses sexuelles,  il suffit de leur donner des cannes pour pêcher du goujon, cet idéal de boutiquier, pour qu'ils laissent partir l'un son épouse, l'autre sa promise, sans même se douter qu'ils vont se faire cocufier.
 Pour les femmes, la nature est  un piège car elle les invite à la sensualité et réveille leurs sens : 
Un besoin de vague jouissance, de fermentation du sang parcourait sa chair excitée par les ardeurs du jour.Le rossignol, par exemple, est là pour faire tomber Henriette dans les filets du jeune homme car elle est trop sotte pour se rendre compte que celui-ci profite de l'attendrissement de la jeune fille pour parvenir à ses fins.
Un rossignol, elle n'en avait jamais entendu, et l'idée d'en écouter un fit lever dans son coeur la vision des poétiques tendresses.
 Cette fausse sentimentalité et les idées convenues qu'elle génère, ce romantisme mal digéré lié à l'éducation des jeunes filles,  Maupassant les déplore mais ne peut se défendre d'un certains mépris. Henriette est bien la soeur d'Emma Bovary nourrie de romans à deux sous entre les murs de son couvent. Le rossignol! (...) cet éternel inspirateur de toutes les romances langoureuses qui ouvrent un idéal bleu aux pauvres petits coeurs des fillettes attendries"
Mais les femmes mûres n'en sont pas exemptes :  Monsieur Dufour avait dit : " Voilà la campagne enfin!" et sa femme, à ce signal s'était attendrie sur la nature. 
Maupassant va plus loin encore dans l'ironie puis qu'il utilise le chant du rossignol comme métaphore des ébats amoureux qui se déroulent sous l'arbre.

Un ivresse envahissait l'oiseau et sa voix s'accélérant peu à peu comme un incendie qui  s'allume en une passion qui grandit, semblait accompagner sous l'arbre un crépitement de baisers. Puis le délire de son gosier se déchaînait éperdument. Il avait des pâmoisons prolongés sous un trait, de grands spasmes mélodieux.

Parfois l'on sent que la beauté de la nature est bien là, présente, et que Henri y est sensible, en particulier lorqu'il présente la chambre de verdure où il amène Henriette comme son cabinet personnel. On peut imaginer qu'il vient ici pour méditer séduit par le calme et la beauté du lieu. A moins que ce soit là qu'il ait l'habitude de venir en galante compagnie?

Les personnages du Livre et du film

Auguste Renoir

Guy de Maupassant avait un mépris total du bourgeois, de sa sottise, de ses moeurs étriquées, associées à une hypocrisie sociale, à un respect excessif la bienséance. Il partageait ce sentiment avec bien d'autres écrivains du XIXème et en particulier avec le Flaubert de Bouvard et Pécuchet. Dans la nouvelle La partie de campagne, les personnages n'échappent pas à la férocité et la virulence. Dans le film de Renoir, les bourgeois (et les parisiens, en particulier!) sont ridicules mais ils sont  vus, surtout les femmes,  d'une manière plus douce, plus tendre.
 Les hommes
MR Dufour et son apprenti
Dans le livre comme dans le film Mr Dufour représente le bourgeois ridicule, donneur de leçon, pédant et lourd aussi bien physiquement qu'intellectuellement.
L'apprenti de Mr Dufour n'a pas de nom dans Maupassant : on le désigne par l'homme aux cheveux jaunes", il est immonde dans sa conduite, repoussant, c'est une brute. Dans le film, il n'est pas mieux traité! Il acquiert un prénom Anatole. Il est cinsidéré comme un domestique par la famille, puis, lorsqu'il devient le mari de la fille du patron, il traite son épouse avec dureté. C'est le personnage que Renoir n'aime pas et il ne le ménage pas.

Les deux canotiers
Dans le livre, l'un des canotiers n'a pas de nom et se dévoue pour prendre la mère. Il n'a pas de personnalité. Dans le film, il s'appelle Rodolphe et son personnage est plus élaboré;  c'est le séducteur sans scrupules qui n'a aucun été d'âme. C'est lui qui pousse Henri à la conquête. A l'origine, il veut la jeune fille  mais le couple Henriette et Henri se forment malgré lui. Il est représenté dans la scène de séduction de la mère comme un faune lubrique.
Le deuxième canotier est Henri dans le livre comme dans le film. La similitude des prénoms  de Henri et Henriette semblent les désigner l'un à l'autre. Henri dans le film de Renoir a un rôle plus développé que dans la nouvelle, il a des scrupules à séduire une jeune fille, ne voulant pas lui causer du tort en lui faisant un bébé ou en lui  brisant le coeur.  Dans le film comme dans le livre, ils sont tous deux meurtris par la rencontre et ne peuvent oublier ce bref moment  de bonheur.

 Madame Renoir par  Auguste Renoir

Les femmes
Henriette et madame Dufour
Dans le livre comme dans le film, Henriette est une belle jeune fille et son corps inspire le désir. Mais si dans le livre, elle paraît sotte comme nous l'avons vu, il n'en est rien dans le film. La beauté de la nature éveille sa sensualité mais ces émotions sont belles. Elle s'ouvre à l'amour. Le jeune fille, loin d'être sotte, est pleine de sensibilité. Le temps d'une partie de campagne, elle se libère, laisse parler son coeur et son corps. L'acte d'amour qu'elle va vivre avec Henri sera son seul moment de bonheur. Son milieu social, son mariage de convention avec un homme horrible, ne lui permettent pas d'espérer autre chose.  Renoir est plein de tendresse et d'indulgence pour la jeune fille et même pour sa mère, Juliette (et non Pétronille comme dans la nouvelle). Celle-ci n'est pas la grosse femme débordante de graisse, d'un laideur repoussante de Maupassant. C'est une femme ronde, bien en chair mais appétissante comme le dit le tavernier. Certes, elle est ridicule, minaude, se trémousse, pique des crises de nerf, veut paraître grande dame aux yeux des "messieurs" et obéit aux conventions sociales mais son attendrissement devant la beauté la nature, l'émotion qui l'étreint, qui éveille ses sens, la rend sympathique.
 Renoir célèbre la libération amoureuse liée au printemps, à la beauté de la  nature.  Maupassant, au contraire, qui juge que l'acte sexuel est "ordurier et ridicule" et révolte "les âmes délicates" montre les jeunes gens fuyant leur refuge comme Adam et Eve chassés du Paradis après la faute :

Ils étaient bien pâles tous les deux. Ils marchaient rapidement l'un près de l'autre, sans se parler, sans se toucher, car ils semblaient devenus ennemis inconciliables, comme si un dégoût se fût élevé entre leurs corps, une haine entre leurs esprits.

On pourrait donc penser qu'en cédant à Henri, Henriette déchoît. Mais pourtant la conclusion vient démentir cette idée lorsque l'écrivain dépeint la nostalgie de chacun. Le souvenir de ce qu'ils ont vécu ensemble est inoubliable. L'amour aurait pu être possible.

Mon avis :
Avec Une partie de campagne Maupassant maîtrise parfaitement l'art de la nouvelle et l'on peut dire que les deux créateurs, l'écrivain et le réalisateur, sont de la même trempe. Jean Renoir respecte la nouvelle, malgré quelques modifications, mais il crée un oeuvre personnelle qui n'appartient qu'à lui. 
Je préfère de très loin le film. Peut-être parce que Jean Renoir est plus optimiste, plus chaleureux. Même s'il se plaît à montrer le ridicule des gens, on ne sent pas le mépris qui est celui de Maupassant. Il y a une certaine bonhomie dans la critique sociale. Et puis il y a les magnifiques images, les jeux de lumière et de l'eau  et l'influence toute visuelle du père de Jean, Auguste Renoir.

Chez Wens ICI vous pouvez lire un billet sur le film et le visionner entièrement.

dimanche 25 septembre 2011

Un livre, un film : Réponse à l'énigme du samedi (3) : John Steinbeck, Les Raisins de la colère



Vous avez été nombreuses à participer mais vous n'avez pas toutes trouvé les réponses. Les  vainqueurs sont aujourd'hui : Aifelle, Keisha, Cagire, Maggie, Dasola, Kathel, Jeneen, Gwen.(Je n'ai oublié personne?)
 Une mention spéciale à  Aifelle, Gwenaelle, Jeneen et Keisha qui ont donné toutes les bonnes réponses aussi bien sur le livre que sur le film car Wens demandait aussi le véritable nom du réalisateur et le nom de l'actrice féminine oscarisée..
Le titre du Livre : Les raisins de la colère de John Steinbeck
Le film : Les raisins de la colère de John Ford de son vrai nom John Martin Feeney
Le nom de l'actrice qui a obtenu l'oscar du meilleur second rôle était Jane Darwell
La présentation du film chez Wens ICI
 Merci à toutes et bon dimanche!


 Dust Bowl

Les raisins de la colère de John Steinbeck est paru en 1939 Il raconte la migration d'une famille de fermiers, les Joad, chassée de leur terre  par la sècheresse et la misère. Le passage que j'ai choisi de présenter pour cette énigme décrit le désastre écologique, The Dust Bowl, qui s'est abattu sur cette région sinistrée. Les Joad partent sur la route et traversent d' Est en Ouest les Etats-Unis de l'Oklahoma à la Californie. Steinbeck décrit les souffrances de ces pauvres gens avec beaucoup de tendresse. Tout en écrivant une véritable épopée, il peint des portraits très attachants, très forts, nous amenant à aimer ces hommes et ces femmes pleins d'humanité et de dignité malgré leur misère.



Un roman réaliste:
 Les raisins de la colère, roman profondément ancré dans la réalité, s'appuie sur des faits historiques : l'exode des Oakies dans les années 30. Ainsi furent nommés ces paysans migrants chassés de leur terre qu'ils cultivaient depuis si longtemps, partant avec leur famille sur les routes dans de vieux tacots déglingués, décimés par la maladie et la famine, méprisés et sauvagement exploités.

Les causes de l'exode s'expliquent par des raisons climatiques : dans les années 30, un grande sècheresse  associé à des vents violents qui soulèvent des nuages de poussière - la Dust Bowl-   ravagent les grandes plaines du Middle-West américain. Entre 1933 et 1937, il y eut 352 tempêtes. Les ravages sont d'autant plus grands que les agriculteurs pratiquent une monoculture céréalière de champs ouverts nécessitant de profonds labours.
A cela s'ajoutent des raisons économiques dont les origines remontent aux années 20. Après la guerre de 14-18,  il y a une reprise de la production agricole en Europe et dans le même temps une augmentation de la productivité aux USA qui n'arrivent pas à écouler le surplus, ce qui provoque une crise de surproduction. Les prix agricoles montent moins vite que les prix industriels. Les agriculteurs sont en grande difficulté et leurs revenues baissent dramatiquement. Ils sont en état de survie quand survient la crise des années 30.
En Oklahoma, Arkansas, une grande partie des paysans sont des métayers dont les terres sont aux mains de grandes compagnies. L'autre partie est constituée de petits propriétaires qui se sont endettés pour élever leur productivité. La crise accélère le processus. Les trust évincent les métayers pour regrouper les parcelles et mécaniser les exploitations. Les banques expulsent les propriétaires incapables de rembourser leurs dettes.

L'exode : le but des paysans déracinés est de gagner l'Ouest mythique, la Californie considérée comme l'Eden. Pour s'y rendre il faut emprunter la Higway 66 qui va de Chicago à Los Angeles, via Oklahoma, Texas, Nouveau-Mexique, Arizona, Californie.
Cette traversée permet de saisir la réalité fédérale des USA. A chaque passage d'état, une police contrôle les voyageurs et une législation différente intervient.  Par exemple en Arizona, la législation interdit l'importation de semences pour éviter les maladies des plantes. Dans le livre, c'est la fameuse scène où les policiers veulent fouiller le camion pour vérifier s'il n'y a pas de semences. Or, la grand mère vient de mourir. Ma est obligée de cacher ce fait aux policiers à qui elle réclame avec insistance un médecin. Ceux-ci les laissent passer. Ma ne révèlera la vérité à la famille que lorsqu'ils auront "traversé," c'est à dire atteint la Terre Promise.

Un roman engagé :
Steinbeck écrivant l'épopée de ces familles poussées par la faim et le misère dénonce le capitalisme sans humanité, l'exploitation économique des plus humbles. Le roman est un cri de révolte et de colère et pourtant d'espoir. Steinbeck y parle de solidarité, mais aussi de la nécessité de prendre conscience de l'oppression pour la combattre. L'union peut constituer le point de départ d'une force que les hommes misérables, isolés dans leur malheur, ne soupçonnent pas. Il s'agit d'un roman politique écrit par un écrivain engagé dans le combat social.
Trois cent mille malheureux affamés. Si jamais ils prennent conscience de leur force, le pays leur appartiendra et ni les fusils, ni les grenades à gaz ne les arrêteront (chp. XIX ) Et c'est alors que pourront mûrir  les Raisins de la colère annonçant les vendanges prochaines (Chap XXV)  Il y a du Zola dans cette comparaison qui fait penser à Germinal.
De longs chapitres un peu trop démonstratifs développent ces idées politiques mais c'est à travers l'histoire des Joad et surtout des trois beaux personnages principaux, la mère (Ma), Tom et Casy que nous les voyons illustrées.

Un roman biblique :
Si les chapitres engagés sont influencés par le marxisme, ceux qui sont consacrés à la famille Joad parlent d'une ascension spirituelle et mystique, un retour à une vrai foi dépouillé de sectarisme et d'intolérance. L'union, c'est avant tout l'entraide et la compréhension des autres.
C'est l'autre aspect de Les raisins de la colère qui apparaît comme un roman profondément marqué par la Bible : Le titre fait allusion à un passage de l'Apocalypse : Et l'ange jeta sa faucille sur la terre. Et il vendangea la vigne de la terre, et jeta la vendange dans la grande cuve de la colère de Dieu.
Le voyage des Joad est une quête spirituelle, a la recherche de la Terre Promise. Et c'est ainsi qu'elle apparaît à leurs yeux quand ils arrivent en Californie et découvrent ces terres riches, plantées d'orangers avant de découvrir qu'il s'agit d'un enfer. Cette quête permet la découverte de l'amour. Tom qui est un "élu" reprendra la lutte du pasteur Casy, non pour prêcher la résignation aux pauvres mais pour leur parler d'union et solidarité.
 Peut-être bien que les hommes n'ont qu'une grande âme et que chacun en a un petit morceau (chap IV). Ce sont les paroles de Casy que Tom répètera à sa manière à sa mère, la religion vécue comme l'amour de l'Humanité. Des fois, je me suis dit, c'est peut-être bien tous les hommes et toutes les femmes que nous aimons, c'est peut-être bien ça le Saint-Esprit

Mon avis : Les raisins de la colère n'est pas le livre de Steinbeck que je préfère. Certains chapitres sont parfois trop théoriques, trop démonstratifs. Mais malgré cette restriction, j'aime énormément le roman car le récit est magnifiquement conté, les personnages sont passionnants et vrais et je suis entièrement convaincue par les idées sociales de Steinbeck. Le film, parce qu'il est forcément plus rapide que le roman, édulcore la durée des souffrances de la famille. Mais les scènes-clefs du livre (l'achat du pain et des bonbons pour les enfants, l'arrivée en Californie, la mort du grand-père et de la grand-mère, l'installation dans un camp misérable...) se retrouvent dans le film et sont traités avec une telle maîtrise que l'émotion nous prend à la gorge. Les deux oeuvres à la fois très semblables et très différentes, parce que l'écrivain et le réalisateur n'ont pas le même tempérament, sont tous deux excellentes.

mercredi 10 août 2011

Ya Ding : Le Sorgho Rouge



Le Sorgho rouge de Ya Ding paru en 1987, écrit en langue française par un jeune écrivain chinois intallé en France en 1986 -il avait 31 ans-, est un récit qui prend ses racines dans l'expérience vécue de l'auteur  mais se refuse d'être une autobiographie ou un témoignage. C'est "un roman", affirma l'écrivain  interviewé par Bernard Pivot à l'époque où  le livre fut présenté au prix Goncourt, un choix qui doit permettre aux lecteurs de s'identifier aux personnages et de partager avec eux le quotidien, les coutumes des paysans.
Le héros du roman Liang est un enfant de neuf ans qui arrive avec ses parents et sa petite soeur dans un village rural de la Chine du Nord. Son père, Li, membre du parti qui vénère Mao et croit à la Révolution nécessaire, selon lui, pour apporter le bonheur au peuple, a été nommé préfet. Il est chargé d'éradiquer les vieilles croyances d'une population reculée, peu gagnée à la nouvelle idéologie. Contrairement à la camarade Song qui veut imposer les idées révolutionnaires par la force, le préfet Li cherche à changer les mentalités en sortant les paysans de la misère.  Or dans cette région désertique, le fléau est la sècheresse. Le préfet Li avec l'aide de tout le village creuse des puits pour l'irrigation, construit un canal pour éviter l'inondation pendant la saison des pluies. La récolte s'annonce belle. Mais la Révolution Culturelle est mise en place. Ceux qui détiennent le pouvoir sont alors acccusés : le préfet Li d'avoir voulu embourgeoiser le peuple en l'enrichissant, la mère de Liang, Wang, d'avoir eu un grand-père Général, traître à l'armée de Mao. Les persécutions commencent, accusations dénonciations, auto-critiques publiques. La peur et la honte s'abattent sur la famille.
Le récit qui est captivant épouse le point de vue de l'enfant, trop jeune encore pour tout comprendre mais qui va peu à peu prendre conscience de ce qui se passe autour de lui et devenir adulte.
On peut dire que pour Liang, il y a, par rapport à la Révolution culturelle, un avant et un après.
Un Avant, avec l'installation dans le village, la naissance de son amitié avec Tiang, la découverte des coutumes des anciens, les légendes et les croyances qui animent la vie du village. C'est le temps de l'innocence.  Le petit garçon est plein de certitudes. Il adore son père, il est très fier de lui, fier aussi d'être le fils du préfet. Il croit en la révolution qui assurera le bonheur et la paix, il aime le président Mao qu'il voit comme une image tutélaire chargée de veiller sur ses enfants. Ses chagrins sont ceux d'un garçon de son âge, il ne voit pas assez son père toujours pris par son travail, le directeur de l'école ne l'aime pas, sa petite soeur est la préférée de ses parents. Pourtant déjà des ombres menacent, la camarade Song et son fanatisme, le marchand de melon et sa perversité...
Un Après : pendant la Révolution culturelle, les enfants sont chargés de faire la chasse à tout ce qui est pratique anti-révolutionnaire : signes de richesses ou de frivolités, vêtements hors norme, cheveux longs pour les filles, jouets, anciennes croyances. Liang est le premier à monter sur le clocher de l'église contruite jadis par des missionnaires pour démanteler le Christ en croix, il  poursuit une jeune fille et  lacère son  pantalon trop étroit, il est transformé en petit tortionnaire fanatique comme l'ont été avant eux et de tous temps, les enfants de Savonarole, les enfants nazis, les enfants soldats. C'est la perte de l'innocence. Et puis il y a l'impensable, son père mis au ban de la société, sa mère humiliée  emprisonnée, et tout bascule pour Liang, plus rien ne sera jamais comme avant.
Le roman présente des scènes et des personnages superbes : l'arrivée de l'électricité dans le village, la cérémonie ancienne des Seigneurs du Ciel que l'on brûle chaque année dans la cheminée à l'arrivée du printemps, l'enterrement du grand-père de Tiang, les champs de Sorghos rouges et les puits qui sécroulent avec le départ du préfet Li...


dimanche 31 juillet 2011

Alain Fournier, Le Grand Meaulnes


Voici la réponse au dernier jeu de l'été : Aifelle et Wens ont trouvé le nom de l'auteur Alain Fournier et le titre Le Grand Meaulnes.

Pour vous présenter ce roman, je vous invite à aller lire le blog de  Cathou

Pseudonyme de Henri Fournier, romancier français né  le 3 octobre 1886 à La Chapelle d'Angillon dans le cher, aux confins du Berry et de la Sologne. Ses parents sont instituteurs à Epineuil le Fleuriel. Au lycée Lakanal près de Paris, il  se lie d'amitié, avec son condisciple Jacques Rivière, avec lequel il entretint, de 1905 à 1914 une "Correspondance" qui apporte un intéressant témoignage sur la sensibilité littéraire au début du siècle.

En 1913, il publia son unique roman, "le Grand Meaulnes", récit très autobiographique qu'il avait conçu dès 1902, mais dont il ne put connaître le succès car il fut tué au front le 22 septembre 1914. Lire la suite

 
et le blog de  Caro
 
  En 189*,  dans le Cher, François Seurel vit une existence paisible. Fils de l'intituteur, ses journées sont rythmées par l'école, le lecture le soir au coin du feu, les promenades dans la campagne brumeuse. Un jour, Augustin Meaulnes, bientôt surnommé "le grand Meaulnes", débarque pour faire ses études aux côtés des autres étudiants. La vie de François va en être totalement chamboulée. Meaulnes prend le jeune garçon sous son aile et en peu de temps devient la coqueluche de l'école communale
   Un jour, Meaulnes ne se présente pas en classe. Il réapparaît trois jours plus tard et semble avoir bien changé. Il confie alors à son ami François avoir participé à une étrange fête dans un vieux château en ruines. Là-bas, il a fait la connaissance d'une jeune femme dont il est tombé éperdument amoureux. Il n'aura alors de cesse, avec François, de retrouver cet étrange et délicieux "Domaine" qui semble avoir été oublié de tous.

Quel étrange et envoûtant roman que Le grand Meaulnes. Un classique jamais lu pour ma part et qui m'a laissée songeuse. Lire la suite ici
 
 

jeudi 28 juillet 2011

Joyce Carol Oates : La fille tatouée



 De qui est-ce? Le jeu de l'été (9)
De qui est-ce? Ce petit jeu de l'été a été initié par  Mango et repris à sa demande dans mon blog.
Ce jeu de qui est-ce? - juste pour le fun- consiste tout simplement à retrouver l'auteur et le titre du roman célèbre dont je présente un extrait. Vous pouvez donner vos réponses par mail (que vous trouverez dans mon profil) et me laisser des indices dans les commentaires sans révéler l'auteur, indices qui me permettront de savoir si vous avez vu juste et d'aider ceux qui ne savent pas.

Nouvelle énigme
 Voilà un texte d'un de mes auteurs favoris (je  sais, je sais, j'en ai beaucoup!) du XIXème siècle. Il est surtout connu pour ses poèmes. Je n'ai donné que la première lettre des prénoms des fillettes car ceux-ci, surtout le S... , seraient trop révélateurs. Cela se passe dans le Valois. Mais si vous avez besoin d'autres indices, vous n'avez qu'un mot à dire!

J'étais le seul garçon de cette ronde, où j'avais amené ma compagne toute jeune encore, S... une petite fille du hameau voisin, si vive et si fraîche, avec ses yeux noirs, son profil régulier et sa peau légèrement hâlée!... Je n'aimais qu'elle, je ne voyais qu'elle, - jusque-là!  A peine avais-je remarqué, dans la ronde où nous dansions, une blonde, grande et belle, qu'on appelait A... Tout à coup, suivant les règles de la danse, A... se trouva placée seule avec moi au milieu du cercle. Nos tailles étaient pareilles. On nous dit de nous embrasser, et la danse et le choeur tournaient plus vivement que jamais. En lui donnant ce baiser, je ne pus m'empêcher de lui presser la main. Les longs anneaux roulés de ses cheveux d'or effleuraient mes joues. De ce moment un trouble inconnu s'empara de moi. La belle devait chanter pour avoir le droit de rentrer dans la danse. On s'assit autour d'elle, et aussitôt, d'une voix fraîche et pénétrante, légèrement voilée, comme celle des filles de ce pays brumeux, elle chanta une de ces anciennes romances pleines de mélancolie et d'amour, qui racontent toujours les malheurs d'une princesse enfermée dans la tour par la volonté d'un père qui la punit d'avoir aimé.

Réponse à l'énigme (8)

 La fille tatouée de Joyce Carol Oates


Vous avez été nombreux à trouver le résultat de l'énigme, soit l'auteur ou le titre, ou l'un et l'autre : Aifelle,  Dominique Jeanne,  George, Gwen, Wens...
 La fille tatouée de Joyce Carol Oates est un roman qui vous bouscule, que dis-je? qui vous malmène, vous rudoie, vous bouleverse, vous empoigne enfin. Tout, du récit au style, de l'intrigue générale aux détails, est dérangeant et je comprends pourquoi il a été si controversé à sa sortie! Une chose est sûre : s'il ne fait pas plaisir, si l'on n'en sort pas indemne, c'est parce que c'est un grand roman!

Deux personnages en opposition totale
Alma Bush est décidément une pauvre fille, une paumée.  Elle vient d'un pays, le comté d'Akron en Pensylvannie, qui ressemble  à l'enfer -  au sens propre-  avec ses fumerolles qui s'élèvent du sol, ses vapeurs, ses gaz toxiques, sa puanteur, avec les incendies de ses mines d'anthracite. Elle est issue d'une famille pauvre où le mot amour n'existe pas. Les hommes l'ont toujours traitée en objet sexuel, ils l'utilisent, ils la vendent, l'insultent et la seule chose qu'elle reçoit d'eux, ce sont des coups de pieds dans le ventre, ce dont ils ne se privent pas. Pourquoi accepte-t-elle? parce qu'elle n'a aucune estime pour elle-même, est persuadée que personne ne peut l'aimer, parce qu'elle pense le mériter!
Joshua Seigl est de famille juive. Ecrivain brillant et reconnu, il a écrit un livre, considéré comme un chef d'oeuvre, sur ses grands parents morts dans les camps de concentration. Lui aussi est fragile et prompt à se replier sur lui-même mais il est riche,  érudit, bel homme, habitué à recevoir l'admiration des femmes et les hommages des lettrés et des intellectuels qui l'entourent.  Cependant, quand, atteint d'une grave maladie, il est obligé de prendre un assistant, le voilà qui refuse tous les brillants étudiants qui se présentent chez lui pour prendre Alma Bush à son service! Voir la suite ici



mardi 26 juillet 2011

George Sand, la Petite Fadette


De qui est-ce? Ce petit jeu de l'été a été initié par  Mango et repris à sa demande dans mon blog.
Ce jeu de qui est-ce? - juste pour le fun- consiste tout simplement à retrouver l'auteur et le titre du roman célèbre dont je présente un extrait. Vous pouvez donner vos réponses par mail (que vous trouverez dans mon profil) ou me laisser des indices dans les commentaires sans révéler l'auteur, indices qui me permettront de savoir si vous avez vu juste et d'aider ceux qui ne savent pas.

Nouvelle énigme

Un écrivain contemporain que vous reconnaîtrez peut-être à son style si caractéristique :

L'enfance est longue, longue, longue. Après vient l'âge adulte qui dure une seconde et la seconde suivante la mort éclate, ruisselle.


Les enfants en bas âge prennent toutes les forces de ceux qui s'occupent d'eux et, en un millième de seconde, par la grâce d'un mot ou d'un rire, ils donnent infiniment plus que tout ce qu'ils avaient pris.

"Infiniment plus que tout" : c'est le nom enfantin de l'amour, son petit nom, son nom secret.



Réponse à l'énigme



Aifelle, Gwen, Lystig , Mango, Wens  ont trouvé! Bravo!

Il s'agit de La Petite Fadette de George Sand (j'ai pensé à George et à mon challenge en choisissant le texte).  Le passage choisi montre Landry en train de traverser la rivière dans la nuit. Mais trompé par un feu follet il échappe à la noyade en gardant son sang froid. A l'époque dans les superstitions berrichonnes, le feu follet est considéré comme un esprit malfaisant, lié au diable.

Il fit bien de s'arrêter, car le trou se creusait toujours, et il en avait jusqu'aux épaules. L'eau était froide, et il resta un moment à se demander s'il reviendrait sur ses pas; car la lumière lui paraissait avoir changé de place, et mêmement il la vit remuer, courir, sautiller, repasser d''un rive à l'autre, et finalement se montrer double en se mirant dans l'eau, où elle se tenait comme un oiseau qui se balance sur ses ailes, et en faisant entendre un petit bruit de grésillement comme ferait une pétrole de résine.
Cette (..) il eut peur et faillit perdre la tête, et il avait ouï dire qu'il n'y a rien de plus abusif et de plus méchant que ce feu-là; qu'il se faisait un jeu d'égarer ceux qui le regardent et le les conduire au plus creux des eaux, tout en riant à sa manière et en se moquant de leur angoisse.
(..) Il ferma les yeux pour ne point le voir, et se retournant vivement, à tout risque, il sortit du trou, et se retrouva au rivage. Il se jeta alors sur l'herbe, et regarda le follet qui poursuivait sa danse et son rire. c'était vraiment une vilaine chose à voir.
  

La petite Fadette est une lecture de mon enfance et je peux bien dire que je l'ai lu et relu alors et adoré!

Deux jumeaux, Landry et Sylvinet, des bessons- comme on dit dans le Berry- vivent dans une famille de fermiers aisés, les Barbeau. Ils sont très attachés l'un à l'autre, trop peut-être; surtout de la part de Sylvinet, plus fragile et plus doux que son frère. A leur naissance la sage femme avait prévenu :  Enfin empêchez-les par tous les moyens que vous pourrez imaginer de se confondre l'un à l'autre et de s'accoutumer à ne pas se passer l'un de l'autre.  Ce qui n'a pas été fait. Aussi quand Landry doit aller travailler à la ferme des voisins, Sylvinet ne supporte pas la séparation et s'enfuit. Landry le recherche et le retrouve grâce à la petite Fadette, une jeune paysanne, Françoise Fadet. En récompense et malgré sa mauvaise réputation, La Fadette obtient de Landry qu'il la fasse danser au bal du village. Orpheline pauvre, élevée par sa grand mère qui a le secret des plantes, elle a une tenue négligée voire misérable, des manières de sauvageonne qui font qu'elle est considérée comme une sorcière. Landry n'est pas très heureux de faire danser ce laideron au lieu de la belle Madelon qu'il courtise. Mais il tient sa promesse. Peu à peu il va découvrir La petite Fadette que l'amour transforme en charmante jeune fille paisible et sage. Landry finira par l'épouser après avoir surmonté bien des obstacles. Sylvinet, lui aussi amoureux de la jeune femme, s'engage par désespoir dans l'armée napoléonienne où il obtient le grade de capitaine, réussite sociale pour une famille de paysan, mais il ne guérira jamais de son amour.

Ce roman a beaucoup de charme et celui-ci tient, bien sûr, aux personnages avec qui l'on peut aisément s'identifier et surtout, pour moi, avec la Fadette, le "Grelet". Quand j'étais enfant j'étais de tout coeur avec la petite Fadette rejetée par tout le village, tellement rabrouée qu'elle répondait aux insultes par la méchanceté et la raillerie. Et, bien sûr, j'adorais l'histoire d'amour! Plus tard, j'ai pris conscience que ce n'est pas en jouant sur les ressorts de la compassion ou du misérabilisme que George Sand nous la fait aimer. La petite Fadette a une force de caractère qui lui fait tenir tête à ceux qui l'offensent, une fierté qui empêche qu'on la prenne en pitié et sous sa rude apparence une bonté véritable.. Peut-être faut-il regretter qu'elle devienne plus conventionnelle en rejoignant la "bonne" société? Mais ce sont des questions que j'étais loin de me poser dans mon enfance et je continue à trouver le personnage attachant de même que celui de Landry.

Enfin même si beaucoup de personnes n'apprécient pas les romans dits "champêtres" de George Sand,  personnellement, j'ai toujours été sensible à la description -parfois un peu désuète (mais j'adore)- qui en émane. Le tableau des paysans que Sand aimait tant, des us et coutumes, des croyances et superstitions, dans le Berry du XIX ème siècle est passionnant..

 Challenge de George Sand par George

samedi 2 juillet 2011

Joyce Carol Oates : La fille tatouée


 La fille tatouée de Joyce Carol Oates est un roman qui vous bouscule, que dis-je? qui vous malmène, vous rudoie, vous bouleverse, vous empoigne enfin. Tout, du récit au style, de l'intrigue générale aux détails, est dérangeant et je comprends pourquoi il a été si controversé à sa sortie! Une chose est sûre : s'il ne fait pas plaisir, si l'on n'en sort pas indemne, c'est parce que c'est un grand roman!

Deux personnages en opposition totale
Alma Bush est décidément une pauvre fille, une paumée.  Elle vient d'un pays, le comté d'Akron en Pensylvannie, qui ressemble  à l'enfer -  au sens propre-  avec ses fumerolles qui s'élèvent du sol, ses vapeurs, ses gaz toxiques, sa puanteur, avec les incendies de ses mines d'anthracite. Elle est issue d'une famille pauvre où le mot amour n'existe pas. Les hommes l'ont toujours traitée en objet sexuel, ils l'utilisent, ils la vendent, l'insultent et la seule chose qu'elle reçoit d'eux, ce sont des coups de pieds dans le ventre, ce dont ils ne se privent pas. Pourquoi accepte-t-elle? parce qu'elle n'a aucune estime pour elle-même, est persuadée que personne ne peut l'aimer, parce qu'elle pense le mériter!
Joshua Seigl est de famille juive. Ecrivain brillant et reconnu, il a écrit un livre, considéré comme un chef d'oeuvre, sur ses grands parents morts dans les camps de concentration. Lui aussi est fragile et prompt à se replier sur lui-même mais il est riche,  érudit, bel homme, habitué à recevoir l'admiration des femmes et les hommages des lettrés et des intellectuels qui l'entourent.  Cependant, quand, atteint d'une grave maladie, il est obligé de prendre un assistant, le voilà qui refuse tous les brillants étudiants qui se présentent chez lui pour prendre Alma Bush à son service!

L'intrigue psychologique et sociale
La réunion de Joshua et Alma sous le même toit, c'est la confontation explosive de deux extrêmes, de deux milieux sociaux que tout oppose, de deux Amériques qui d'habitude ne se connaissent pas et n'ont pas de rapport entre elles en dehors de l'exploitation de l'une par l'autre.
Pendant que les familles du comté d'Akron meurent les poumons rongés par l'emphysème et toutes sortes de maux au-dessus des mines incendiées, dans l'indifférence générale de ceux qui détiennent le pouvoir, pendant qu'Alma est ramassée mourante de faim dans le ruisseau, Joshua ne sait que faire de son argent. Il est si riche qu'il n'ouvre même pas les lettres qui contiennent des chèques de rémunération pour ses interventions dans des colloques ou ses publications. Si riche qu'il a le bon goût d'en avoir honte! Et si cultivé que chacun de ses mots blesse l'écorchée vive qu'est Alma!
Ce qui explique le sentiment qu'elle va paradoxalement éprouver pour son patron, la haine! Paradoxalement, car c'est le seul homme qui la respecte, le seul qui ne la touche pas, le seul qui se soucie de son bien être, de son avenir! Pourtant, il suffirait d'un mot, d'un geste, d'une attention pour qu'une étincelle s'allume dans le coeur d'Alma, pour parvenir à percer sa carapace, pour que la haine se transforme en amour.
Voilà pour la situation et comme vous devez savoir que Joyce Carol Oates n'est pas précisément une habituée de Cendrillon,  il est inutile de vous dire que le livre finit mal!

La condition de la femme
J'avoue que j'ai vraiment eu du mal à lire jusqu'au bout cette histoire si noire. Cela tient d'abord à la personnalité d'Alma. On ne peut ressentir de la sympathie, ni même de la pitié pour cette fille même si l'on sait qu'elle est victime. En fait, c'est parce que  l'écrivain nous invite à partager le point de vue des hommes, des brutes, sur elle, en particulier de Dmitri, ce garçon de café qui la prostitue. Et ce regard est tellement dégradant, tellement salace que, malgré la beauté de la jeune fille abimée par ses tatouages, l'on ne voit plus en elle qu'une "femelle" (sic) nécessaire à l'assouvissement de besoins sexuels et bonne à apporter de l'argent, une épave sans dignité, un objet dont on peut disposer à sa guise. On souhaiterait pouvoir s'intéresser au personnage mais le fait qu'elle se soumette, qu'elle paraisse n'avoir aucun orgueil, nous en empêche et  finalement, il est très incorfortable pour le lecteur d'éprouver pour elle indifférence ou mépris, bref! d'épouser le point de vue des salauds.  Et c'est là que réside la force de l'écrivain. Elle nous fait prendre conscience de l'exploitation sexuelle, financière et psychogique de la jeune femme issue d'un milieu modeste en nous amenant à être du côté de l'exploiteur non de de la victime. Et notre prise de conscience sera d'autant plus grande que nous serons amenés peu à peu à la voir sous un autre angle, celui de Josua, celui du narrateur ou encore le sien, de l'intérieur,  quand nous serons éclairés sur ses pensées et ses sentiments..
Ainsi le roman de Joyce Carol Oates est une dénonciation de la condition des femmes qui partent dans la vie avec un handicap social insurmontable et un capital d'amour égal à zéro..  Et cette dénonciation est d'une telle crudité, avec des mots si violents, que cela nous touche jusqu'au malaise.

Le thème de l'holocauste et l'antisémiste d'Alma
Un autre chose m'a gênée, c'est l'antisémiste d'Alma, un antisémiste qui ne lui est pas naturel, que lui appris son amant Dmitri à grand renfort de coups de  pied mais qu'elle fait sienne pour deux raisons : pour plaire à Dmitri  parce quelle veut être aimée par quelqu'un, fut-ce par la pire ordure, et parce qu'il faut bien aussi qu'elle  se raccroche à sa haine envers son employeur. C'est ce qui lui permet d'exister.  Là encore l'antisémistisme s'exprime d'une manière et dans des termes d'une telle violence que l'on a l'impression d'être traîné dans un bain de boue, de partager l'enfer de cette femme.
Quant à Josua, même s'il est très éloigné de la la religion, il reste hanté par l'holocauste  Il y a un moment très beau lorsque Josua  provoque une prise de conscience chez elle en cherchant à lui montrer la réalité de l'holocauste perpétrée non seulement contre les juifs mais contre toutes les autres victimes (merci à JC Oates de le rappeler) et le non fondé de sa haine pour les juifs. C'est comme s'il ouvrait une brèche  vers la conscience de la jeune femme. A partir du moment où Josua s'intéresse à elle comme être pensant, en se souciant de ses idées, il la fait naître en tant que personne. Et pour le lecteur, c'est une brève trouée de ciel bleu dans un univers sans espoir.

Prise de position politique
JC Oates n'hésite pas aussi à dénoncer les responsables de catastrophes écologiques, de pollution comme elle l'a fait à propos de la ville de Niagara dans "Chutes"... C'est un thème qui lui est cher. Même s'il est secondaire, il est  important parce qu'il éclaire la psychologie d'Alma et l'affrontement social entre les deux personnages :
On dit qu'on aurait pu éteindre les incendies dans ces  mines il y a des années mais que le comté d'Akron n'a rien fait. L'Etat de Pensylvannie n'a rien fait. Pourquoi?
C'est les politiciens. C'est les propriétaires-banquiers juifs avec leurs hypothèques sur Wind Ridge, Bobtown, McCraken, Cheet.  Que les mines brûlent, qu'elles déposent leur bilan. Personne n'a en rien 
à fiche des gens qui vivent ici, c'est comme ça que les banquiers juifs gagnent des millions de dollars, et le gouvernement américain approuve de la même façon qu'il soutient Israel.
Je pense  en lisant ces lignes aux accents de John Steinbeck dans Les raisins de la colère ou ceux d'Emile Zola dans Germinal.. car c'est le propre d'un grand écrivain de dénoncer l'inégalité sociale  à travers des personnages qui l'incarnent individuellement.

 Challenge de George