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vendredi 23 décembre 2022

Lisbonne : Belem, promenade au bord du Tage la nuit

Coucher de soleil sur le Tage : Padrao dos Descobrimentos et Tour de Belem
 

Visiter Lisbonne l'hiver, au mois de Décembre,  a des avantages : l'afflux de touristes est moindre, les  moments d'attente sont donc écourtés même si le monastère des Hiéronymites attire encore beaucoup de monde, les autres musées, eux, sont presque déserts ! Les inconvénients (non, ce n'est pas le mauvais temps, il faisait très doux et la pluie ne nous a pas gênés) sont autres : Les musées ferment plus tôt, la nuit  arrive vite d'autant plus qu'il y a un décalage d'une heure par rapport à la France. Bref! Tout cela pour dire qu'après le monastère, après la visite du musée contemporain Berardo et le passage obligé à la pâtisserie historique de Belem qui fabrique les meilleurs pasteis de Nata (sublime ! )...

 


... la nuit était tombée ! Et voilà ce que j'ai vu en me promenant sur les rives du Tage.

 

Méditation sur les rives du Tage vers 17H


Padrao dos Descobrimentos et Tour de Belem entre 17H et 18H
 
 


Le monument des Découvertes : Padrao des Descobrimentos vers 18H



Le MAAT est un musée d'art, d'architecture et de technologie et présente des expositions temporaires.  Il est un exemple splendide d'alliance entre le passé et le présent, entre l'ancien, une centrale électrique du début du XX siècle devenue le musée de l'électricité, et le contemporain conçu par l'architecte londonienne Ameda Levete comme une grande vague qui s'élance vers le Tage. Il est revêtu de mosaïques blanches qui rappellent l'engouement des Lisbonnais pour les azulejos, reflètent les lumières et semblent jeter  des étincelles dans la nuit.  Le toit piétonnier permet d'admirer le pont du 25 Avril qui enjambe le fleuve vers la rive opposée du Tage et le quartier de l'Almada. Ce pont, d'abord nommé Pont Salazar du nom du dictateur qui sévissait dans les années 1960 a été baptisé Pont du 25 Avril, jour de la révolution des Oeillets en 1974.


Musée du MAAT, ancienne centrale électrique


Musée du MAAT, ancienne centrale électrique


MAAT : musée d'art et d'architecture et technologie


MAAT :  architecture d'Ameda Lavete


Le MAAT


Belem Le Maat, montée


Maat le toit piétonnier


Quelle beauté ! Il est bien dommage que les rives du fleuve soient coupées du monastère des Hiéronymites par le chemin de fer qui n'est franchissable que par l'intermédiaire de deux passages surélevés éloignés l'un de l'autre et qui, de plus, est doublé de voies routières. Certes, le train est bien utile puisque c'est lui qui nous mène de la gare de Caïs do Sodré  à Belem mais on peut imaginer quelle aurait été la vue s'il avait été construit ailleurs et si tous les monuments qui s'y trouvent à partir du monastère ne formaient qu'un seul ensemble! Mais à cette époque on n'avait rarement ce genre de préoccupation ! A Avignon, au XIX siècle,  nous n'avons pu échapper au désastre que par l'intervention de l'écrivain Prosper Mérimée, inspecteur des monuments historiques, qui s'est élevé contre le construction de la voie ferrée entre les remparts (qui devaient être abattus) et le Rhône.


Padrao dos Decobrimentos  routes et voie ferrée vues du côté du Monastère


lundi 19 décembre 2022

Lisbonne : Le monastère et l'église des Hiéronymites à Bélem : Mosteira dos Jeronimos

 

Monastère de  Hiéronymites cloître : Mosteira dos Jeronimos 

Ce qu'il y a peut-être de plus beau à Lisbonne, à mes yeux, c'est le monastère des Hiéronymites et son église consacrée à Sainte Marie de Bethléem, ou en Portugais Santa Maria de Bélem.

L'histoire de ce magnifique ensemble architectural

 


En 1496 le roi Dom Manuel 1er obtient l'autorisation du pape pour l'édification d'un grand monastère. Celui abritera l'ordre des Hiéronymites, c'est à dire de Saint-Jérome, dont la vocation est de prier pour le salut des marins partis en mer et dire des prières pour le roi. L’emplacement choisi était celui de la chapelle l’Ermida do Restelo fondé par Henri le Navigateur, où Vasco de Gama et son équipage  se recueillirent avant  d'entamer leur voyage en 1497. 

La construction de ce vaste ensemble qui est inscrit au patrimoine de l'humanité depuis 1983, commença vers 1501. Elle s'étendit sur un siècle, alimentée par le flot des richesses déversé sur le pays après le voyage de Vasco de Gama qui a ouvert la route des Indes et celle des épices (1502), faisant du Portugal une des plus grandes puissances du monde au XVIème siècle. On dit que l'argent des taxes sur le poivre a permis, à lui seul, de financer cette oeuvre grandiose.

 

Monastère et église des Hiéronymites à  Belem orientés d'ouest en est (image prise du musée Berardo)

A l'ouest, sur la partie gauche de la photo, on voit l'entrée du musée de la Marine,  celle du musée d'archéologie et la billetterie se situent au centre du monument, et les entrées vers le cloître et l'église sont à l'est (en arrière-plan). L'entrée pour le monastère est payante, celle pour l'église gratuite et, bon à savoir, il vaut mieux y aller l'après midi vers 15H  car il y a moins de monde, du moins en cette période de l'année, Décembre.

 

L'église des Hiéronymites au premier plan et la queue pour y entrer

Un gothique tardif :  l'art manuélin

 

Tombeau de Vasco de Gama : la caravelle (détail)



Pour l'église comme pour le cloître, un gothique tardif,  influencé par la Renaissance et le style espagnol plateresque, offre une profusion ornementale éblouissante, colonnes et chapiteaux finement ciselés  aux décors végétaux, humains, zoomorphes différents, extrêmement variés,  mais aussi de nombreux détails, caravelles, coquillages, sphères armillaires, rappelant les glorieuses conquêtes maritimes du Portugal.

 

 ornements de colonnes : monastère et église des  Hiéronymites

 Voûtes nervurées qui dessinent un entrelacs de dentelles de pierre :

 

Eglise et monastère des hiéronymites : les voûtes

 

C'est ce que l'on appelle le style manuélin, nom donné au XIX siècle à cet art du  règne de Dom Manuel qui en commanda la construction. Né en 1469, le roi Manuel 1er régna de 1495 à 1521.

 

 Le monastère des Hiéronymites

 

 Monastère des Hiéronymites

Le niveau supérieur du cloître est dû à l'architecte João de Castilho :

 

Monastère des Hiéronymites  niveau supérieur du cloître (détail)

Monastère de Hiéronymus : niveau supérieur du cloître (détail)


Monastère de Hiéronymus : niveau supérieur du cloître (détail)


et le niveau inférieur  est dû à l'architecte Diogo Boitaca qui lui succéda. Il y eut quatre architectes en tout pendant le siècle que dura la construction.

Monastère de Hiéronymus : niveau inférieur du cloître (détail)

 

Monastère de Hiéronymus : niveau inférieur du cloître (détail)

Monastère de Hiéronymus : niveau inférieur du cloître (détail)


Monastère de Hiéronymus : niveau inférieur du cloître (détail)


Monastère Hieronymus : le réfectoire des moines
 
 
Les murs de l'immense réfectoire des moines  sont couverts d'azulejos retraçant des histoires bibliques.

Monastère Hieronymus : le réfectoire des moines, azulejos
 

La salle capitulaire du cloître abrite le tombeau de l'écrivain  romantique Herculano Alexandre, et la galerie couverte, le tombeau de Ferdinand Pessoa.


Salle capitulaire du  monastère des Hiéronymites :  Tombeau de Alexandre Herculano


L'église du monastère des Hiéronymites

 

Le portail latéral sud  de l'église Santa Maria de Belem

Le portail latéral sud de l'église Santa Maria de Belem conçu par  les architectes Diogo Boitaca et João de Castilho, richement orné, présente des niches accueillant 40 statues évoquant la domination du Portugal sur les mers et  des scènes de la Bible : statue de Henri le Navigateur sur le trumeau, au-dessous celle de la Vierge à l'enfant, et tout en haut  Saint Jérome. Le portail est couronné par la croix des chevaliers du Christ. Sa construction dura deux ans et 200 artisans travaillèrent à son élaboration.


Le portail latéral sud  de l'église Santa Maria de Belem (détail)


Eglise de Santa Maria de Belem :  statues du roi Dom Manuel et de sa seconde épouse Mari d'Aragon

Le portail Ouest, œuvre de Nicolas Chanterène, permet de pénétrer dans l'église. Il est orné des  statues de Manuel 1er et de sa seconde épouse Marie d'Aragon. Au-dessus du portail se trouvent les scènes de l'Annonciation, de la Nativité et de l'Adoration des Mages.

L'intérieur de l'église, apogée du style manuélin, est à couper le souffle. La Nef est soutenue par de hautes colonnes d'une grande finesse qui donnent une impression d'élancement. Elles sont décorées par João de Castilho, dans le pure style manuélin et semblent être de grands arbres de forêts exotiques, symboles des voyages du Portugal dans de lointains pays.
 
 
Eglise du monastère Hiéronymus : l'art manuelin

 
L'église est une nécropole qui accueille les tombeaux de la famille royale et des grands personnages de l'Histoire portugaise.
 
 
Tombeau de Luiz Vas de Camoes
 
  
Quand on entre dans l'église, à droite, le tombeau de  l'écrivain, Luis Vaz de Camoes, auteur de l'épopée Les Lusiades à la gloire du Portugal et des grands hommes portugais, avec un hommage particulier à Vasco de Gama et à gauche, le tombeau de Vasco de Gama, le grand navigateur dont une caravelle orne le tombeau.

Tombeau de Vasco de Gama



lundi 5 décembre 2022

Pause voyage

Je suis là !
 

mercredi 23 novembre 2011

Mercredi romantique : Camilo Castelo Branco : Amour de perdition


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Librairie Lello de Porto (intérieur)

C'est dans cette librairie réputée de Porto, classée patrimoine national, que j'ai découvert Amour de Perdition de Camilo Castelo Branco, une des oeuvres romantiques  les plus célèbres du Portugal. Porté plusieurs fois à l'écran, le roman a été adapté entre autres par Manuel  de Oliveira, film, paraît-il, magnifique.

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Camilo Castelo Branco, écrivain portugais, écrit Amour de Perdition en prison. C'est sa passion pour Ana Augusta Placido qui le conduit là. La jeune fille que Camilo Castelo Branco a rencontrée dans un bal à Porto est mariée par son père, et malgré son inclination pour le jeune homme, à un riche commerçant plus âgé qu'elle. Huit après ce  mariage, elle le rejoint à Braga et devient sa maîtresse. Les deux amants poursuivis pour adultère prennent la fuite. La jeune femme, à la demande de son mari, accepte d'entrer au couvent pour échapper à la justice et au scandale mais Camilo l'en délivre. Ana est arrêtée en 1860 et le jeune homme se rend à la police peu après. Ils sont tous les deux incarcérés à la Prison de la Relation à Porto.

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Prison de la Relation à Porto (aujourd'hui, Centre portugais de la photographie)

A propos de Amour de Perdition, Camilo Castelo Branco dira plus tard : " J'ai écrit ce roman en quinze jours, les plus tourmentés de ma vie".
Le récit se situe au début du XIXème siècle, soit un demi-siècle avant la détention du jeune homme à la prison de la Relation, et a beaucoup en commun, on le comprend, avec la propre histoire de l'écrivain.
Il raconte l'amour contrarié de l'oncle de Camilo, Simon Antonio Bothelo,  épris de sa jeune voisine, Thérèse d'Alburquerque. Le père de Thérèse, Tadeu d'Alburquerque, est  ennemi de celui de Simon, le juge  Domingos Bothelo à qui il voue une haine farouche. Il lui reproche, en effet, de lui avoir fait perdre son procès. Abusant de son pouvoir paternel, il veut contraindre sa fille à épouser son cousin Balthazar. La jeune fille refuse de se plier à la décision de son père. Tadeu décide de l'enfermer dans un couvent. Simon pourrait enlever sa bien-aimée mais persuadé que le destin de sa famille est de connaître le malheur à cause de l'amour, il décide d'accepter sa destinée tout en restant le maître. Il  tue Balthazar, choisissant ainsi la prison et la mort. La toute-puissance de son père commuera la peine capitale en exil. Il mourra sur le navire qui l'amène au bagne et qui a jeté l'ancre face au couvent où Thérèse est en train de s'éteindre. En parallèle à cette héroïne noble, femme forte et déterminée, Camilo Castelo Branco  brosse le portrait d'un autre personnage féminin, Mariana. Elle aussi figure majeure du roman, Mariana est issue du peuple. Servante de Simon, éprise de son maître sans rien espérer en retour,  elle l'assiste sans faiblir dans le malheur, acceptant même de le suivre au bagne, et se jette dans la mer pour ne pas lui survivre.

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Prison de la Relation Porto

Ainsi ce récit d'amour fou, de violence, met en scène des êtres entiers, passionnés, qui ne veulent pas composer avec leur destin et préfèrent la mort.
On a souvent comparé Amour de perdition à  Roméo et Juliette. Mais le roman est bien ancré dans la société portugaise. Il faut lire la préface de Jacques Parsi -qui est aussi le traducteur de l'ouvrage aux éditions Actes Sud - pour comprendre que tous ces évènements qui nous paraissent appartenir à la tradition un peu conventionnelle du romantisme sont non seulement rejoints mais dépassés par la réalité. Amour contrarié, mariage forcé, enfermement dans un couvent, sombre machination, enlèvement, duel, meurtre, ont été vécus par Camilo et par plusieurs de ses amis. La noirceur du roman est le reflet de la jeunesse de cette moitié du XIXème siècle qui sort perdante d'une guerre civile* où ses idéaux ont été foulés aux pieds.
Au-delà de l'histoire d'amour, j'ai été frappée par  l'âpreté de la peinture sociale. Dans cette société, la  la loi du plus fort est de mise. On n'hésite pas à se débarrasser de celui qui gêne et on peut le faire impunément si l'on appartient à une famille puissante et surtout si la victime est de condition modeste. Ainsi, lorsque Simon tue les sbires de son rival, avec  son complice, le maréchal-ferrant Jean da Cruz, celui-ci lui fait remarquer que s'ils sont pris, Simon s'en sortira blanchi grâce à son père, le juge, tandis que lui ira à la potence. La description du premier couvent où est enfermée Thérèse est d'une férocité incroyable. Les religieuses hypocrites et doucereuses, sont pleines de fiel les unes envers les autres. Elles dénigrent leurs compagnes dès que celles-ci ont le dos tourné, tout en cultivant leur propre vice : alcool, goinfrerie, amants. La Mère Supérieure couche avec le chapelain et s'endort en faisant ses prières. Thérèse en conclut que si elle veut apprendre la vertu elle doit aller partout sauf dans un couvent.
*Révolte populaire de 1846 qui se prolongea par une guerre civile de neuf mois contre le gouvernement des frères Cabral
Camilo Castelo Branco : Amour de perdition  traduit du portugais par Jacques Parsi édit Actes Sud Babel 2000 roman paru en 1861
voir article ici
Biographie : extrait de l'article de wikipédia
La vie agitée de Camilo, comme on l'appelle affectueusement, a été aussi riche en événements et aussi tragique que celle de ses personnages : fils naturel d'un père noble et d'une mère paysanne, il est très tôt resté orphelin. Marié à seize ans avec Joaquina Pereira, il connut d'autres passions tumultueuses, dont l'une le mena en prison : celle pour Ana Plácido qui devait devenir sa compagne. Fait vicomte de Correia-Botelho en 1885, pensionné par le gouvernement, il connut cependant une fin de vie des plus pénibles : perclus de douleurs et devenu aveugle, il finit par se suicider.
À travers son œuvre très féconde (262 volumes), Castelo Branco s'est intéressé à presque tous les genres : poésie, théâtre, roman historique, histoire, biographie, critique littéraire, traduction. On y retrouve le tempérament et la vie de l'auteur : la passion fatale s'y lie au sarcasme, le lyrisme à l'ironie, la morale au fanatisme et au cynisme, la tendresse au blasphème.(...)
Cet écrivain à l'imagination vive, au style communicatif, naturel et coloré, au vocabulaire riche et nuancé, est un maître de la langue portugaise. Amour de perdition, publié en 1862, est, d'après Miguel de Unamuno le plus grand roman d'amour de la Péninsule Ibérique.

 
Billet paru dans mon ancien blog, rédigé  après un voyage au Portugal.
 
 

vendredi 16 avril 2010

Littérature et Portugal : Sophia de Mello Breyner





Lusitanie
Ceux qui tout droit avancent vers la mer
Et-tel un couteau- aiguisé en elle plongent
la proue très noire de leurs bateaux
Vivent de peu de pain et de clair de lune.


Porto
Dans la ville de Porto il y a beaucoup de granit
Parmi les brumes les ombres les scintillations
La ville paraît ferme inexpugnable
Et solide- mais habitée
Par de soudains éclairs de prophétie
Près du Fleuve dont le vert réfléchit les visions (...)
 
D'Antonio Ferreira Gomes, évêque de Porto (poème inédit)

 
La petite statue
 Présence rituelle et tutélaire
 Compagne de l'ombre dessin du silence.


J'ai vu
J'ai vu des pierres et des fleuves
Où des nuages sombres comme des araignées
Rongent le profil violet des montagnes
Parmi des crépuscules roses et froids.

Mouvante je suis passée à travers les images
Excessives de terres et de ciels
Plongeant dans le corps de ce dieu
Qui s'offre, tel un baiser dans les paysages.

Sophia de Mello Breyner, poète portugaise :  recueil Malgré les ruines et la mort

dimanche 4 avril 2010

José Saramago : Le Dieu manchot




José Saramago est un écrivain portugais. Il a reçu le prix Nobel de littérature en 1998. Le Dieu Manchot raconte l'histoire de Balthazar Sept-Soleils, mercenaire, et de Blimunda Sept-Lunes, une sorcière, dont le don est aussi une malédiction. C'est devant un  bûcher de l'Inquisition, là où la mère de Sept-Lunes va être brûlée, que les deux jeunes gens se rencontrent et vont apprendre à s'aimer. Le roman se déroule à Lisbonne  au XVIII ème siècle à l'époque du roi Jean V du Portugal (1706-1750) et de la reine Maria Ana Josefa.
Le récit est riche, délirant, toutes sortes de personnages étranges, haut en couleur, s'y côtoient; c'est l'époque de l'Inquisition toute puissante, l'époque aussi où l'or du Brésil, les épices et les soieries d'Orient se déversent sur le Portugal. La plus grande richesse coexiste avec la misère la plus totale et l'on assiste à de grands moments de l'Histoire portugaise. Ainsi pour pour fêter la naissance de sa fille, le roi fait construire le palais-couvent-basilique de Mafra au nord de Lisbonne. Le titre portugais du roman  Memorial do Covento fait  d'ailleurs allusion à ce gigantesque édifice élevé à grand renfort d'or du Brésil au milieu d'un peuple qui meurt de faim. C'est aussi l'époque où un homme, Bartolomeu Lourenço de Gusmao, chanoine et mathématicien, que nos deux héros vont seconder, va inventer une machine volante "La Passarola" qui volera au-dessus de Lisbonne en 1709.
Le style de Saramago est luxuriant, baroque comme cet art qui est en train de se développer au Portugal sous le règne de Don Jao V à la gloire de l'église catholique. Saramago, en effet, est le spécialiste de ces phrases qui coulent comme un fleuve que l'on ne peut arrêter, sans  respect de la ponctuation. Il est parfois difficile à lire et cette prose m'a fatiguée, non tant par la longueur des phrases que par l'abondance des situations, des idées, des images, des comparaisons. Il faut s'accrocher. Je ne l'ai pas lu comme je le fais d'habitude sans m'arrêter. J'y suis revenue à plusieurs reprises. Difficile d'analyser un tel foisonnement. Mais voilà quelques passages qui l'illustreront et que je trouve très puissants :
Par exemple, cette réflexion  si douloureuse  et si vraie sur la condition humaine :
Dona  Maria Ana, la reine enceinte : ....à un moment où l'infant dans son ventre était une gélatine, une larve de batracien, un animalcule doté d'une grosse tête, c'est extraordinaire la façon qu'ont les hommes et les femmes de se former, là, dedans leur oeuf, indifférents au monde du dehors, pourtant c'est bien avec le monde du dehors qu'ils devront un jour se colleter, en qualité de roi ou de soldat, de moine ou d'assassin, d'Anglaise à la Bardade ou de chair à bûcher, mais toujours en qualité de quelque chose puisque aussi bien il est impossible d'être tout et encore plus de n'être rien. Car en définitive nous pouvons échapper à tout, sauf à nous -mêmes.
Balthazar, le soldat, a perdu une main à la guerre. Il l'a remplacée par un crochet mais il se sent bien maladroit. Le père Bartolomeu l'encourage :
.. moi qui te parle , je te dis que Dieu est manchot et pourtant il a fait l'univers.
Balthazar recula, effaré,  il se signa promptement, comme pour ne pas donner au diable le temps d'achever ses oeuvres. Que dites-vous là, père Bartholomeu Lourenço, où est-il écrit que Dieu est manchot, Cela n'est écrit nulle part, je suis le seul à dire que Dieu n'a pas de main gauche, puisque c'est à sa droite que s'asseyent les élus,  jamais on ne parle de la main gauche de Dieu, ni les Saintes Ecritures, ni les docteurs de l'Eglise n'en font état, personne ne s'assied à la gauche de Dieu, c'est le vide, le néant, l'absence, d'où il résulte que Dieu est manchot. Le prêtre respira profondément et conclut, De la main Gauche.
Un beau texte qui nous dit que l'Homme doit apprendre à se faire confiance, à se dépasser, qu'il doit oser s'accomplir malgré la faiblesse de sa condition.

lundi 4 janvier 2010

Littérature et Portugal : Sophia de Mello Breyner, Malgré les Ruines et la Mort





Ces poèmes sont extraits de l'anthologie Malgré les Ruines et la Mort  de Sophia Mello de Breyner parue aux Editions de la Différence.

 La poésie de Sophia de Mello Breyner est une poésie de part en part élémentaire. Même quand elle se fait méditation sur le temps et l'exil, cette poésie conserve -et peut-être la renforce-t-elle d'une certaine façon- sa relation privilégiée à la mer, à la vague, à la roche, au buccin, au vent, au soleil, à la lumière, au sable, à la terre, aux arbres. Même quand elle s'en éloignera pour tenter de rejoindre les humains dans les maisons qui les protègent au milieu des villes qui les cernent et les menacent, ce monde élémentaire restera présent. Comme un repère. Comme le repère. (Christophe David, Le Matricule des Anges, mars 1997.

Voir ici



Salvador Dali (1918)


Mer

De tous les lieux du monde
J'aime d'un amour plus fort et plus profond
Cette plage-là, extasiée et nue,
Ou j'épousais la mer, le vent, la lune.

Malgré les ruines et la mort...
 Malgré les ruines et la mort
Où s'acheva toujours chaque illusion,
La force de mes rêves est si forte
Que de tout renaît l'exaltation
Et mes mains jamais ne restent vides.

J'ai crié mon nom...
 J'ai crié mon nom quand la mer chantait
J'ai crié mon nom  quand coulaient les sources
J'ai crié mon nom quand les héros mouraient
Et en chaque être je me suis retrouvée.



Sophia de Mello Breyner (1919-2004): Malgré les ruines et la mort choix de poèmes traduits du portugais par Joaquim Vital Edit. De la Différence  ( 615 p.) parution en 2000


Sophia de Mello Breyner est née à Porto d'une famille aristocratique, engagée politiquement à gauche. Auteur de poésies, Méditerranée, Malgré les Ruines et la Mort, Navigations, elle est aussi l'auteur de  nouvelles : Histoires de la terre et de la mer, et contes pour enfants : Le garçon de bronze, la Petite fille de la mer, la fée Oriane, la Forêt...

dimanche 29 novembre 2009

De retour de Porto : Brassée d'images



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De retour de Porto

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La cathédrale : La Sé
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Le cloître de la Sé

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azulejos du cloître  (détail)