Après avoir lu Le livre de Dina de Herbjorg Wassmo, j’ai eu envie de découvrir Cent ans.
L’auteur y raconte l’histoire de sa famille, une saga qui s’intéresse aux femmes de quatre générations différentes et, en particulier, à son arrière grand mère Sara Suzanne, sa fille Elida et sa petite fille Hjordis qui est la mère de Herbjord. Cent ans : Sara Suzanne est née en 1842, Herbjord en 1942.
Frederik Nicolaï Jensen : retable de l'église Vagan (1869_1870) |
Le portrait de Sara Suzanne par le pasteur-peintre Frits Jensen orne le retable de l’église Vagan de Kabelvag dans le Norland, dans les îles Lofoten. C’est à partir de l'ange de ce tableau que l’écrivaine laisse aller son imagination, ne s’interdisant pas la fiction puisqu’elle ne peut tout connaître des faits et des sentiments de ses aïeules.
« Celui qui raconte une histoire choisit ce qui lui convient de raconter »
Il s’agit donc bien d’une fiction bâtie sur la réalité, d’ailleurs Sara Suzanne n’est pas vraiment son ancêtre.
Dans ma jeunesse, en lisant une théorie métaphysique prétendant que l'on choisit ses parents, j'avais été saisie d'effroi. Maintenant, c'est juste ce que je fais. C'est à dire que je choisis mon arrière-grand mère maternelle.
Le peintre et pasteur Frits Jensen a réellement existé et devient ici un personnage de roman.
La narratrice est une petite fille dont on comprend tout de suite, sous les non-dits, qu’elle est victime d’un inceste et qui trouve dans l’écriture de ses cahiers un exutoire à son angoisse.
La narration ne respecte pas l’ordre chronologique, un récit déconstruit, passant d’une époque à l’autre, qui peint un pays, le Norland, les îles Lofoten, et la vie rude de ses habitants qui vivent de la pêche et de l'agriculture. A son habitude, Wassmo brosse les portraits de femmes courageuses, au caractère affirmé; des femmes d’un milieu modeste, qui n’ont jamais eu le choix de conduire leur vie, ni pour leurs études, ni pour leur mariage et qui ont dû mettre sous éteignoir leurs aspirations les plus profondes. Le seul avenir de la femme à cette époque et dans cette région, outre mettre au monde une bonne dizaine d’enfants ou/et mourir en couches, est le travail et l’église.
Quant aux hommes, leur vie n'est pas facile non plus : ils sont en mer et tirent leur subsistance de la pêche. On assiste, entre autres, à la pêche aux harengs dont dépend la fortune de Johannes, le mari de Sara-Suzanne, une scène magistralement décrite. Très belles aussi les séance de lecture que Sara Suzanne introduit dans la ferme, chacun, du domestique aux enfants et aux maîtres se recueillant pour l'entendre lire le livre de Bjornstjerne Bjornston La fille de la poissonnière. Chacun se passionnant pour l'héroïne :
Quant aux hommes, leur vie n'est pas facile non plus : ils sont en mer et tirent leur subsistance de la pêche. On assiste, entre autres, à la pêche aux harengs dont dépend la fortune de Johannes, le mari de Sara-Suzanne, une scène magistralement décrite. Très belles aussi les séance de lecture que Sara Suzanne introduit dans la ferme, chacun, du domestique aux enfants et aux maîtres se recueillant pour l'entendre lire le livre de Bjornstjerne Bjornston La fille de la poissonnière. Chacun se passionnant pour l'héroïne :
Dès le premier soir, tout le monde à Havnnes, se mit à parler de Petra, l'héroïne du livre. A croire qu'elle venait de débarquer pour fêter Noël avec eux."
Un bref passage dans la capitale, Kristiana, avec Elida qui y amène son mari malade, nous montre avec quel dédain étaient accueillis ces Norvégiens du Nord considérés comme des"bouseux" et dont l'accent était sujet à moquerie.
Et tout a long du récit, se fait entendre la petit voix sous-jacente, angoissante, de l’enfant qui écrit, qui écrit, qui écrit.. pour échapper à son bourreau sans pouvoir se confier à personne. La force de l’écrivaine est telle qu’elle n’a pas besoin de dire pour exprimer.
Un beau roman, ample, émouvant, que j’ai beaucoup aimé, même si je dois dire que Le livre de Dina reste mon préféré. La raison en est la dimension presque surnaturelle du personnage de Dina, fascinante, passionnée jusqu’à la folie, inquiétante, cruelle et généreuse à l’excès, une femme, enfin, hors du commun et de la raison.