Jacopo
da Pontormo, peintre maniériste florentin est mort le 1er janvier
1557 dans la chapelle de l'église San Lorenzo où il peignait des fresques*, travail
commandé par Cosimo de Médicis, duc de Florence, et dont l'artiste
aurait voulu qu'elles soient à l'égal de celles de la chapelle
Sixtine. Laurent Binet imagine qu'il a été assassiné par une main
inconnue et son roman Perpectives(S) se veut alors une enquête
policière pour déterminer qui est l'assassin.
La déposition de Pontormo église Sante Felicita Florence
Le
roman est intéressant parce qu'il fait revivre une période de
Florence assez délétère où les factions politiques se déchaînent.
La reine de France, Catherine de Médicis et son cousin Pietro Strozzi
dont le père Philippe Strozzi, républicain, a été exécuté par
Cosimo de Médicis, cherchent à mettre la main sur le duché de Florence avec
l'aide de l'armée français pendant que Cosimo, grand-Duc de Florence, allié à l'Espagne
par son mariage avec Eleonore de Tolède, essaie de se concilier les
bonnes grâces du pape Paul IV ( Gian Pietro Carafa) pour être reconnu roi de Florence.
Pour les arts, c'est une période néfaste. Le pape, ancien contrôleur général de l'Inquisition, intolérant, puritain, dans cette période de la contre-réforme, condamne le nu et fait "habiller" ou plutôt "culotter" les peintures de Michel-Ange.
A Florence, Pontormo considéré comme licencieux s'est attiré la haine de la
bigote et fanatique duchesse de Florence, Eleonore de Tolède. Les
idées de Savonarole, pourtant mort en 1498, refont surface et ne
favorisent pas non plus la liberté de l'artiste. Triste période
pour les Arts !
Agnolo Bronzino : Eleonore de Tolède et son fils
C'est
un plaisir de retrouver dans ces pages tous les artistes rencontrés
au cours de mes voyages à Florence : Giorgio Vasari, l'auteur
des Vies des peintres, bras droit de Cosimo dans l'enquête sur l'assassinat, Jacopo da
Pontormo, vieillard irascible, hanté par la mort, son élève
Giambattiste Naldini, Michel-Ange lui-même toujours en exil à Rome,
Le Bronzino et ses portraits de la famille ducale, Sandro Allori, son
élève, sans oublier le mauvais garçon, l'orfèvre, Benvenuto Cellini.
Salière de Benvenuto Cellini
Par
contre, je n'ai pas apprécié le choix du roman épistolaire
que j'ai trouvé faux, artificiel : les lettres de nombreux correspondants, toutes écrites dans le même style, ne
réflètent ni le caractère, ni la
psychologie, ni l'origine sociale, ni la culture des personnages. Ce sont pourtant ces
qualités que l'on attend d'un vrai roman épistolaire et qui en font l'intérêt ! Dans ces conditions, je ne vois pas pourquoi choisir cette forme plutôt que le roman. Je me
suis passablement ennuyée à certains moments, à l'exception de celles de Maria de Médicis*, fille de Cosimo et
Eleonor, dont on sent la vulnérabilité et la naïveté (Laurent
Binet imagine que celle-ci est morte en couches à la suite d'une
fugue avec son amant qui l'abandonne, enceinte). Enfin, j'ai trouvé
deux lettres supérieures à toutes les autres, vraiment passionnantes
celle ou Vasari échappe à la mort grâce, dit-il, à la
perspective, reconnaissant ainsi le talent des illustres
prédécesseurs, Paolo Ucello, Brunelleschi ou Masaccio et la
magnifique réponse de Michel-Ange qui montre la puissance de
l'Art comme témoin de la grandeur humaine.
« Nous
l'avons méprisée . Mais nous ne l'avons jamais oubliée.
Comment
aurions-nous pu ? La perspective nous a donné la profondeur. Et
la profondeur nous a ouvert les portes de l'infini. Spectacle
terrible. Je ne me rappelle jamais sans trembler la première fois
que je vis les fresques de Masaccio à la chapelle Brancacci. Quelle
connaissance merveilleuse des raccourcis ! L'homme d'aplomb,
enfin à sa taille, ayant retrouvé sa place dans l'espace, pesant
son poids, chassé du paradis mais debout sur ses pieds, dans toute
sa vérité mortelle. L'image de l'infini sur la terre (…) L'artiste
est un prophète parce que, plus que les autres, il a l'idée de
Dieu, qui est précisément l'infini, cette chose impensable,
inconcevable. »
Masaccio :Adam et Eve chassés du Paradis
Enfin,
le dénouement qui permet de découvrir l'assassin homme ? ou femme ? (Je n'en dirai pas plus !) du Pontormo, est aussi un moment de surprise pour le lecteur et l'on sent que Laurent Binet s'est bien amusé à nous mystifier !
Bronzino : Maria de Médicis
*
Maria de Médicis devait épouser Alphonse II d'Este, duc de Ferrare,
à la sinistre réputation. A sa mort (peut-être du paludisme ?? Cf Wikipedia
), c'est sa jeune soeur Lucrèce qui doit la remplacer pour cette
funeste union. Hasard de la parution, le destin de Lucrèce si mal
mariée est le thème du livre de Maggie O' Farrel : Le
portrait de mariage.
18 Octobre 1660 sur la place de Kjöbenhaven : La prestation de serment de Frédéric III par Heinrich Hansen
Un intérêt historique : L'absolutisme
C'est au deuxième étage du château de Frederiksborg que l'on trouve ce tableau passionnant : La prestation de serment de Frédéric IIIexécuté en 1880 par Heinrich Hansen, peintre danois du XIX siècle. Ce tableau peint la journée du
18 Octobre 1660, une journée historique importante dans l'histoire du
Danemark, au cours de laquelle le roi reçoit le serment d'allégeance des
Etats qui reconnaissent la monarchie absolue et héréditaire.
En effet, après la fin du conflit entre la Suède et le Danemark et le traité de
Roskild confirmé par la paix de Copenhague, Frédéric III s'appuie sur la
riche bourgeoisie et le clergé en conflit avec les nobles et en profite
pour introduire la monarchie absolue en Septembre 1660. Puis en Octobre
1660, il la déclare héréditaire. Avant lui, le monarque était élu par un conseil. La
loi renforce le caractère féodal de la société. La noblesse et la riche
bourgeoisie reçoivent des terres avec les paysans qui y sont attachés et n'ont aucun droit. A la fin du XVIII siècle,
80% des terres du pays appartiennent à une centaine de familles qui
sont aussi propriétaires de 770 châteaux ou manoirs. L'absolutisme est
aboli par Frédéric VII et son successeur Christian IX, en 1849, date où
la monarchie devient
constitutionnelle.
Un des aspects intéressants du roman de Per Olov Enquist, Le médecin du roi,
montre l'état féodal de la société sous Christian VII malgré les idées des Lumières, surtout avec la loi de 1733 qui aggrave le statut des paysans. Il explique comment Struensee, le médecin du roi devenu ministre, entreprend à lui seul de réformer la société,
d'abolir le servage, les privilèges, la censure, de rétablir la liberté
de la presse ... On comprend qu'il se soit fait quelques ennemis et
qu'en dehors de son adultère avec la reine, il avait quelques raisons de craindre pour sa vie !
"Quand,
en 1733, le servage avait été établi, il avait constitué pour la
noblesse un moyen de contrôler, ou plus exactement d'empêcher la
mobilité de la main d'oeuvre. Quand on était paysan et né sur un
domaine, on n'avait pas le droit de quitter ce domaine avant l'âge de
quarante ans. Les modalités, le salaire, les conditions de travail et de
logement étaient fixés par le propriétaire du domaine. A quarante ans,
on avait le droit de s'en aller. La réalité étant qu'à cet âge, la
majeure partie des paysans étaient à tel point devenus passifs,
profondément alcooliques, criblés de dettes et physiquement épuisés,
qu'on ne comptait guère de départs.
C'était l'esclavage danois."
Mais cette peinture est aussi intéressant
pour de multiples raisons :
Copenhague
Et
d'abord, ce tableau peint un coin de Copenhague : Le cortège sort de
Borsen ou Bourse de Copenhague construite pour Christian IV par des
architectes flamands entre 1619 et 1640 dans le style de la Renaissance
flamande. On remarque la flèche du grand bâtiment autour de laquelle s'enroulent les
queues de quatre dragons jusqu'à 56 mètre de Hauteur. Elle se voit de
loin quand vous vous promenez à Copenhague. Il faut noter le joli pont
qui enjambe le canal, et dans les voiliers, un homme monté sur un mât
pour mieux voir le cortège royal.
La prestation de serment de Frédéric III 18 Octobre 1660 sur la place de Kjöbenhaven : (détail) Heinrich Hansen (1880)
En cherchant des renseignements j'ai trouvé dans wikisource un extrait de Voyage autour de la Terre dans lequel Jules Verne décrit cette flèche en 1880.
Puis je pris un plaisir d´enfant à parcourir la ville ; mon oncle se
laissait promener; d´ailleurs il ne vit rien, ni l´insignifiant palais
du roi, ni le joli pont du XVIIe siècle, qui enjambe le canal
devant le Muséum, ni cet immense cénotaphe de Torwaldsen, orné de
peintures murales horribles et qui contient à l´intérieur les œuvres de
ce statuaire, ni, dans un assez beau parc, le château bonbonnière de
Rosenborg, ni l´admirable édifice renaissance de la Bourse, ni son
clocher fait avec les queues entrelacées de quatre dragons de bronze, ni
les grands moulins des remparts, dont les vastes ailes s´enflaient
comme les voiles d´un vaisseau au vent de la mer.
Flèche aux quatre dragons Bourse de Copenhague (photo de Jugalon)
Mais l'écrivain décrit aussi une autre flèche remarquable, celle en spirale, avec un
escalier en colimaçon extérieur, de l'église de Saint Sauveur. L'oncle
de notre héros l'oblige à monter au sommet et bien que cela nous amène
loin de notre journée du 10 Octobre, je vous en donne un extrait :
Mon
oncle me précédait d’un pas alerte. Je le suivais non sans terreur, car
la tête me tournait avec une déplorable facilité. Je n’avais ni
l’aplomb des aigles ni l’insensibilité de leurs nerfs. Tant que nous
fûmes emprisonnés dans la vis intérieure, tout alla bien ; mais après
cent cinquante marches l’air vint me frapper au visage, nous étions
parvenus à la plate-forme du clocher. Là commençait l’escalier aérien,
gardé par une frêle rampe, et dont les marches, de plus en plus
étroites, semblaient monter vers l’infini. « Je ne pourrai jamais ! m’écriai-je. — Serais-tu poltron, par hasard ? Monte ! » répondit impitoyablement le professeur. Force
fut de le suivre en me cramponnant. Le grand air m’étourdissait ; je
sentais le clocher osciller sous les rafales ; mes jambes se
dérobaient ; je grimpai bientôt sur les genoux, puis sur le ventre ; je
fermais les yeux ; j’éprouvais le mal de l’espace. Enfin, mon oncle me tirant par le collet, j’arrivai près de la boule. « Regarde, me dit-il, et regarde bien ! il faut prendre des leçons d’abîme ! »
La tour de Saint Sauveur
Revenons au 18 Octobre ! Sous un dais, marchent Frédéric III, fils cadet de
Christian IV, la famille royale et les hauts dignitaires. La reine, au
manteau doublé d'hermine, s'avance majestueusement. Il s'agit de Sophie-Amélie de
Brunswick-Lunebourg dont on nous dit très sybillinement qu'elle est
énergique et ambitieuse et que son caractère affectera la vie du roi et
le destin du Danemark ? Je n'ai pas trouvé d'autres précisions.
A-t-elle encouragé le virage à l'absolutisme ? Près d'elle, quelques uns des enfants
royaux sur les huit qu'elle a eus avec Frederik III. Le futur Christian V se tient près de son père et lui ressemble beaucoup ! Il est né en 1646 et a donc 14 ans lors de cette journée. La fille aînée qui tient son petit frère par la main et lui parle est vraisemblablement Anne-Sophie. Née en 1647, elle a treize ans. Le petit garçon est Georges, 7 ans. L'autre jeune fille est Frédérique-Amélie née en 1649, a 11 ans. La petite fille tenue par la main par un noble est peut-être Ulriche Eleonore née en 1656 donc 4 ans. Devant elle mais cachés par les adultes, deux autres enfants dont on peut imaginer qu'il s'agit de Wilhelmine Ernestine (10 ans). Je me suis amusée à chercher leur prénom mais je n'ai aucune certitude !
La prestation de serment de Frédéric IIILa journée du 10 Octobre 1660 (détail) Heinrich Hansen (1880)
Dans la foule des hommes et des femmes de tous les milieux sociaux et tous les métiers. Hommes
d'armes, musicines, noblesse, bourgeois, et le petit peuple, paysans, marins...
La prestation de serment de Frédéric IIILa journée du 10 Octobre 1660 (détail) Heinrich Hansen (1880)
Les
détails des costumes et des coiffures... Quelques scènes de vie intime
: le regard affectueux du grand père tenant sa petite fille par la
main, un chien qui quémande une caresse.
La journée du 10 Octobre 1660 (détail) Heinrich Hansen (1880)
La foule qui compose
ce tableau est vivante, animée, comme prise sur le vif. C'est à la fois
une vision historique intéressante par un artiste qui n'est pas
contemporain de la scène et un témoignage humain touchant.
Hansen s'est inspiré d'un autre tableau de la prestation de serment, peint en 1666 par Wolfgang Heimbach mais qui en élargissant la scène permet de voir toute la place. (château de Rosenborg)
La prestation de serment de Frédéric III : Wolfgang Heimbach château de Rosenborg
Wolfgang Heimbach est un artiste allemand devenu peintre officiel à la cour de Frédéric III (1615-1678)
Au XVIII siècle, à l’époque ou l’Islande est sous la domination danoise, dans le château de Rosenborg, un horloger islandais, Jon Stiversen, est chargé de restaurer une vieille horloge hors d’état de marche, reléguée dans une remise du château au milieu d’autres objets abimés, abandonnés parfois depuis des siècles. Or, cette Horloge qui a été réalisée en 1594 pour ( selon la légende) le roi Christian IV du Danemark (1577-1648) est précieuse. Isaac Habretch (1544-1620), artisan de génie dont le chef d’oeuvre est l’horloge monumentale de Strasbourg, en est l’auteur.
C’est avec bonheur et passion que Jon Stiversen se met au travail et passe ses nuits à chercher à comprendre les mécanismes complexes dont est composée cette oeuvre d’art. Une soir, il reçoit la visite d’un personnage étrange, un peu ridicule, en robe de chambre, qui n’est autre que Christian VII, le roi du Danemark (1749-1808) qu’il n’a vu jusque là qu’en grand apparat dans les rues de Copenhague.
Christian VII ( château de Fredriksborg)
Les deux hommes s’apprivoisent. Christian VII demande à Stiversen de lui raconter l’histoire de sa famille islandaise. Sigidur, le père de l’horloger a été condamné à mort pour usurpation de paternité et pendu selon les austères lois danoises, puritaines, la religion s'immisçant dans la vie privée des gens, appliquées de manière injuste par les représentants du roi en Islande. Il explique aussi au roi comment son frère, au regard de la loi, peut-être considéré comme un bâtard. Tous ces récits perturbent grandement le souverain qui ressent un sentiment de culpabilité vis à vis de l’Islande en même temps qu’il s’identifie à l’horloger privé de père, lui qui a été un fils mal-aimé (son père est Frédéric V 1723-1766), victime d’une éducation austère et dure.
Frédéric V, le père de Christian VII ( château de Fredriksborg)
Peu à peu on s’aperçoit que le roi, malade mental, est écarté du pouvoir par son fils le futur Frédéric VI (1768-1839) et les conseillers de la cour. Les secrets ( bien mal gardés) finissent par voir le jour et la souffrance du roi se déverse en confidences auprès de l’horloger, son amour malheureux pour une prostituée, la trahison et l’exécution de son ami et médecin Stuensee convaincu d’adultère avec la reine Caroline Mathilde, la possible illégitimité de sa fille Louise-Augusta, vraisemblablement fille de Struensee.
La reine Caroline-Mathilde ( château de Fredriksborg)
L’idée géniale du roman réside d’abord dans cette « amitié », bien sûr, improbable, imaginée par Arnaldur Indidason, entre le roi du Danemark et un simple homme du peuple et qui permet de mêler étroitement le passé de son pays, l’Islande, et du Danemark, l’un soumis à l’autre qui lui impose ses lois et une implacable colonisation. Les romans historiques m'intéressent toujours parce qu'ils font vivre les personnages dans leur intimité, leurs pensées, comme si nous les avions réellement rencontrés (et le roman d'Indridason n'échappe pas à la règle), ils nous projettent dans une époque comme si nous en étions familiers. Aussi, lors de mon récent voyage à Copenhague, j'ai cherché partout, dans les musées et les châteaux, les personnages rencontrés dans ce roman. Cela n'a pas été difficile à trouver : toutes les demeures royales sont à la gloire de la monarchie danoise, actuelle ou ancienne, et Christian VII, son père Frédéric V, son fils Frédéric VI mais aussi Struensee, son médecin et Caroline Mathilde, son épouse la reine, sont partout présents.
Struensee, médecin, premier ministre, amant de la reine( château de Fredriksborg)
La vie et le caractère des personnages, le roi et l’horloger, (le titre rappelle celui d’un conte) se révèlent peu à peu aux lecteurs mais ils apprennent aussi l'un de l'autre même si ce n'est pas toujours facile d'être "l'ami" d'un roi qui peut vous envoyer à la potence à tout instant ! Tous deux découvrent leur parcours douloureux qui se rejoint au-delà de tout ce qui les oppose, au-delà la différence sociale et de la nationalité. C’est aussi une occasion pour Indridason de décrire la vie rude des hommes et des femmes islandaises. D’autres personnages comme le père, Sigidur et Gudrun, la belle-mère de Jon Sitversen, sont des personnages qui ont du relief.
Très intéressante aussi la description des étapes de restauration de l’horloge qui nous fait découvrir toutes les merveilles du mécanisme et la complexité de l’horloge. J'étais impatiente de la découvrir lors de mon voyage. Elle est au rez-de-chaussée du palais de Rosenborg dans un salon couvert de peintures, en particulier, flamandes.
Château de Rosenborg : Horlode d'Habrecht
Si j’ai quelques réserves envers le récit d'Indridason, elles s’adressent surtout à sa construction : au départ Jon Stiversen raconte l’histoire de son père au roi, mais lorsque le roi est absent, il s’adresse directement à nous, lecteurs. Si bien que lorsque Christian VII revient, il est obligé de recommencer le récit et d’en faire, en fait, un résumé. Ce qui crée des longueurs et ralentit l’action.
L’horloge d’Isaac Habretch
Château de Rosenborg : Horlode d'Habrecht
"Au même instant, un cliquetis discret se fit entendre à l'intérieur de l'horloge d'Habretch qui se mit en mouvement comme actionnée par une main invisible. Toute la merveille prit vie sous les yeux : les Âges de l'homme s'animèrent, l'Enfance céda la place à la jeunesse, la Lune avança sur son axe dans le ciel, les Rois mages défilèrent avec dignité en se prosternant devant la Vierge Marie, la Mort s'approcha et sonna l'heure, le coq se dressa, déploya ses ailes et se mit à chanter, comme s'il en allait de sa vie, les clochettes du carillon se mirent à tinter grâce au nouveau mécanisme que Jon avait fabriqué..."
L'horloge est une réplique en miniature de celle de Strasbourg. Elle
donne non seulement l’heure mais les semaines, les mois, les années et
les phases de la lune. Elle a une aiguille pour montrer les heures mais
pas pour les minutes, la technologie n’étant pas assez avancée
pour cela à l’époque. Les quatre âges de l'homme (enfance,
jeunesse, âge adulte et vieillesse) sont représentés pour évoquer le cycle de la vie et
c'est la mort qui sonne les cloches de la carillon. Il y a aussi un
calendrier hebdomadaire, symbolisé par les sept dieux qui ont prêté
leurs noms aux jours de la semaine.
Elle s'étage, de bas en haut, exposant d'abord l'aiguille des heures, puis l'aiguille des quart d'heure avec deux cadrans montrant les jours ( à gauche) et les saisons (à droite), puis la Vierge et les rois mages, au-dessus les âges de l'homme, ensuite la mort qui sonne l'heure, la lune ( je suppose ?) et le coq.
Dans le château de Rosenborg, elle n'était pas en fonctionnement mais elle est toujours en état de marche ! Vous pouvez écouter le carillon sur you tube.
L'horloge astronomique d'Habretch au château de Rosenborg
L'horloge astronomique d'Habretch La Vierge et les rois mages
"Par
exemple il avait maintenant saisi comment le déplacement des Rois
mages (autour de la Vierge) et celui, très lent, des figurines qui
représentaient les âges de l'homme et le cadran qui affichait les jours
de l'année fonctionnaient de concert pour constituer l'harmonieuse
symphonie de l'exacte mesure du temps." "
L'horloge d'Habretch Rosenberg, Copenhague : les quatre âges de l'homme
J'ai eu des difficultés a reconnaître les âges des hommes ! Mais oui, pourquoi pas ? A droite, l'enfance ou le page, au centre et de dos, la jeunesse ou l'écuyer, à gauche, la maturité ou le chevalier et j'aurais bien aimé savoir comment était représentée la vieillesse.
Horloge d'Habretch château de Rosenborg Copenhague
L'aiguille des quart d'heure surmontés de deux cadrans gravés : A
gauche, les jours de la semaine symbolisés par les dieux qui leur ont
donné leur nom en commençant en haut par dimanche, le soleil ; lundi, la lune ; mardi, Mars ; mercredi, Mercure ; jeudi, Jupiter ; Vendredi, Vénus ; Samedi, Saturne. A droite figurent les quatre saisons, l'hiver, le printemps, l'été, l'automne
Horloge d'Habretch château de Rosenborg Copenhague
Au niveau historique, contrairement à ce qui est communément admis,
cette horloge qui date de la fin du XVI siècle n'a pas appartenu à
Christian IV. Elle était dans le cabinet de curiosités de Gottorf en
Allemagne et a fini par être transférée à Copenhague sur l’ordre du roi
Frédéric IV (en 1764). Ce dernier avait conquis la ville et fait transférer les oeuvres d'art vers son pays. Elle a été placée d’abord à
Christianborg et puis, après des péripéties, elle a été installée
définitivement à Rosenborg en 1846.
Christian VII, la reine Caroline-Mathilde et Struensee
Johann Friedrich Struensee
Si je m'intéresse à ces personnages cités ci-dessus, c'est bien sûr, parce que je les ai rencontrés aussi dans un autre roman de l'écrivain suédois Per Olov Enquist : le médecin personnel du roi que j'aime beaucoup. Je reprends ici ce que j'en disais :
"Mais lors d’un séjour de Christian VII en Europe, on le confie au
docteur Struensee qui gagne la confiance et l'amitié du malheureux
souverain. Johann Friedrich Struensee va exercer une telle emprise sur
lui qu’il devient son premier ministre, le seul autorisé à signer des
documents sans avoir besoin de la signature royale. Autant dire que le
médecin est l’égal du roi et même plus puisqu’il règne seul, le jeune
malade ne pouvant comprendre ce qui se passe. Malgré la vindicte des
conseillers, Struensee gagné aux idées philosophiques, de Voltaire à
Rousseau en passant par Diderot, en profite pour entreprendre des
réformes fondamentales, révolutionnaires, très audacieuses, qui
suscitent le mécontentement non seulement des nobles mais du peuple. De
plus, l’amour réciproque de Johann Friedrich Struensee et de la reine,
Caroline Mathilde de Hanovre, soeur du roi d’Angleterre George III,
épouse de Christian VII qui a peur d’elle et la délaisse, va être un des
facteurs de sa chute…
Un complot fomenté par tous ceux qui souhaitent sa perte, en 1772, enlève son pouvoir au médecin qui sera exécuté. Je vous laisse découvrir les détails de cette extraordinaire histoire
dont Per Olov Enquist tire un récit passionnant, réflexion sur le
pouvoir, sur le rôle des Lumières, sur la vie…"
Un peintre satirique au musée Hishsprungske
Au musée de Hishspungsket le peintre satirique Christina Zarthmann a représenté ainsi la scène de séduction du médecin et de l'épouse. Pendant que le roi, l'air niais, affalé sur le canapé, inconscient de ce qui se passe, tourne le dos au couple et taquine un perroquet de la pointe de son épée, les deux amants jouent aux échecs, échangeant des regards amoureux sous l'oeil complice de la suivante.
Kristian Zarthmann musée Hirshsprunsket
Le style réaliste et caricatural de Zarthmann est assez surprenant surtout quand il s'agit de peindre la royauté.
Kristina Zarthmann : il était une fois un roi et une reine
Et oui, je suis là à Copenhague pour une semaine !
Et comme je viens de lire Le roi et l'horloger d'Arnaldur Indridason j'espère bien voir la fameuse horloge d' Isaac Habrecht -qui se trouve au château de Rosenborg- avant de commenter le livre ici
Per Olov Enquist : le médecin personnel du roi qui raconte l'histoire de Christian VII, roi du Danemark et de son médecin Struensee, que l'on retrouve dans le roman de Indridason cité ci-dessus. Voir aussi le film Le médecin du roi de Nikolaj Arcel
La peinture danoise
Vilhem Hammershoi
Les musées sont nombreux à Copenhague et j'ai voulu savoir quels peintres danois j'allais rencontrer.
Je n'en connais qu'un pour l'instant que j'aime beaucoup : Vilhem Hammershoi (1964-1905).
J'adore ces intérieurs en demi-teintes, aux lignes épurées, sans ornements, ces camaieux de noirs, de gris et de bruns, qui présentent une femme ( il s'agit de la femme du peintre), le plus souvent de dos, debout devant une fenêtre lisant une lettre ou assise, absorbé dans ses pensées, se dérobant aux yeux qui les contemplent. Parfois une fenêtre laisse passer un rayon de soleil et une porte ouverte nous laisse entrevoir l'extérieur. Je trouve ces peintures mystérieuses, énigmatiques : Que fait cette femme ? a quoi pense- t-elle? La saisissons- nous dans un moment de repos ou de tristesse ?
Vilhem Hammershoi
Ses amis, Peter Islted et Carl Vilhem Holsøe ont des univers proches de Hammershoi.
Les peintres de Skagen
Peder Severin Kroyer
Il y aussi les tableaux magnifiques des peintres de Skagen dans le Jutland du Nord, une ville et une plage qui ont attiré par leurs lumières et par la fameuse "heure bleue" des peintres comme Peder Severin Krøyer et Michael Ancher , des écrivains, et des visiteurs du monde entier
Peder Severin Krøyer
Michael Ancher
Michael Ancher
Enfin j'ai lu un article sur l'âge d'or de la peinture danoise ICI que je vous résume ci-dessous
L’Âge d’or de la peinture danoise (1801-1864)
Christoffer Eckersberg
Christoffer Eckersberg
Considéré comme précurseur et de père de l’âge d’or danois Christoffer Eckersberg (1783-1853) se forme à l’Académie royale des beaux-Arts de Copenhague avant de faire un long voyage qui le mène à Paris, où il a pour maître Jacques-Louis David durant un an, puis à Rome, comme c’est la coutume chez les artistes du XIXème siècle. Il y côtoie des artistes danois, et surtout s’emploie à perfectionner son approche du paysage. Puis Eckersberg s’éloignera de la peinture idéalisée danoise peindra les paysages en pleine nature. Ses
compositions sont habitées d’une grande rigueur, qui leur donne tout
leur équilibre.
Christoffer Eckersberg
Christen Købke
Christen Købke : Le château de Frederikborg
Christen Købke (1810-1848) a été l’un des élèves de Christoffer Eckersberg, et a suivi son exemple en multipliant les travaux sur le motif. Il a eu une vie très courte qui a interrompu une eouvre qui témoigne d'une grand talent. Il voyage, en Allemagne et en Italie, avant de revenir au Danemark. Là, il pratique un art d’une très grande délicatesse, en s’attachant notamment à peindre les paysages qui l’entourent, des portraits de personnes familières, des sujets ordinaires, intimes.
Martinus Rørbye
Martinus Rørbye Vue depuis la chambre de l’artiste
Martinus Rørbye 1803-1848 suit les cours de Christoffer Eckersberg à l’Académie royale des beaux-Arts de Copenhague, où il entre à dix-sept ans et se trouve également récompensé. Sa célèbre Vue depuis la chambre de l’artiste (1825) dit beaucoup de son talent et de son goût : comme bien des peintres danois de cette époque, il est attentif aux environnements intimes, mais son regard porte vers l’extérieur, vers les bateaux prêts à partir. Martinus Rørbye voyagera en effet beaucoup. En Italie, en Grèce, en Turquie, en Norvège… Partout, il travaille à saisir la lumière et peint des scènes de genre charmantes.
Constantin Hansen
Constantin Hansen
Constantin Hansen (1804-1880) : Né à Rome d’un père portraitiste, il vit ensuite à Vienne puis
à Copenhague. Étudiant de l’Académie royale, il profite
d’une bourse pour voyager en Europe et s’attarder en Italie durant huit
ans. Il excelle dans l’art de la fresque et du portrait, singulier ou de
groupe.
Et voilà tout ce que j'ai à voir à Copenhague ... et plus encore, si j'en juge par la richesse de la ville. Et je vais aller aussi au château d'Hamlet à Elseneur. A bientôt !
Le ciel de la chapelle Sixtine de Leon Morelle raconte les quatre années consacrées à la peinture du plafond de la chapelle Sixtine, travail imposé à Michel Ange par le pape Jules II et que l’artiste vécut comme un cauchemar. Il faut dire que Michel Ange ne se considérait pas comme peintre mais comme sculpteur et n’était heureux que devant un bloc de marbre. En 1508, lorsqu’il commence ce travail titanesque, Michel Ange n’a pas d’expérience au niveau de la fresque. De plus, le plafond de la Sixtine avec ses bosses, ses replats, est une surface particulièrement difficile à maîtriser. Mais le pape s’entête, conseillé par son favori, l’architecte et peintre Bramante, jaloux de Michel Ange qu’il espère voir échouer. Michel Ange n’a pas vraiment le choix, les geôles du Château Saint Ange ou obéir.
La chapelle Sixtine, plafond inauguré en 1512 devant le pape Jules II
Leon Morelle imagine un personnage fictif, Aurélio, jeune homme d’une grande beauté, qui entre dans l’atelier de Michel Ange comme apprenti et surtout comme modèle, inspirant les personnages d’Adam ou de jeunes éphèbes qui peuplent le plafond de la Sixtine. C’est à travers ce personnage, tout à fait crédible, que l’on va suivre les étapes de la fresque, les découragements, les tâtonnements, les échecs, mais aussi les progrès fulgurants de l’artiste pour maîtriser la technique de la fresque, sa maîtrise du dessin et de la couleur, son imagination foisonnante, et ses traits de génie qui susciteront l’émerveillement dans tous les pays de la Renaissance. Nous apparaît aussi, à travers les yeux du jeune homme, la personnalité de Michel Ange, un homme tourmenté, qui rejette le péché de la chair et son homosexualité latente, un chrétien qui est imprégné d’histoire biblique, un artiste qui ne vit que pour son art, la sculpture. Un homme capable de se priver de sommeil, de nourriture, qui vit son art comme une ascèse et qui refuse à ses compagnons d’atelier - qu’il a pourtant fait venir de Florence - d’intervenir dans son travail de création même si ce sont des artistes renommés. Autour d'eux gravitent tout une foule de personnages célèbres dont le moindre n'est pas celui de Rafaël en train de peindre les stanze du palais du Vatican, ou encore Erasme que Michel Ange admire.
J’ai moins aimé, par contre, le personnage fictif de la courtisane Aphrodite qui vit dans le palais pontifical et est la maîtresse de Jules II. La manière dont elle intervient dans la vie de Michel Ange ne m’a pas paru convaincante. Pour montrer la prostitution et la dépravation de l’Eglise, le personnage de Magherita, jeune et belle jeune femme que Aurélio rencontre sur la route de Flaminia, en direction Rome, suffit amplement.
Peu à peu, les différentes scènes de la Bible se créent devant nous et font de ce roman historique très bien documenté un livre très intéressant.
De Zacharie et Jonas : évolution de la technique et des coloris
Le prophète Zacharie
Michel Ange a commencé les fresques du plafond par la partie située au-dessus de la porte d'entrée de la chapelle avecLe prophète Zacharie. Il a terminé par la partie située au-dessus de l'autel, près du mur du Jugement dernier qu'il peindra plus tard, avec le prophète Jonas qui témoigne de l'évolution de la technique du dessin, de la composition et des couleurs, au cours de ces années.
Le prophète Jonas
Des premières scènes aux dernières
L'ivresse de Noë
La première scène est L'ivresse de Noë trop classique, sans inventivité, aux coloris froids; la deuxième est le Déluge pour laquelle le peintre se reprochait d'avoir placé trop de personnages.
Le Déluge
Dans les dernières scènes, la création d'Adam, la création du soleil et des plantes, la séparation de la lumière et des ténèbres, Michel Ange est arrivé à l'apogée de son art et maîtrise la fresque plus qu'aucun artiste ne l'a jamais fait !