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jeudi 14 juillet 2011

Festival OFF d'Avignon : Montaigne de Michel Bruzat, Théâtre de la Passerelle

 Jean-Pierre Descheix interprète Montaigne
Il y en aura peut-être d'autre (je l'espère car le festival est loin d'être terminé) mais le spectacle du Théâtre de la Passerelle de Michel Bruzat sur Montaigne est d'ores et déjà un coup de coeur.

Montaigne? Mon enthousiasme ne doit pas vous étonner puisque mon blog lui est dédié à commencer par son titre Ma Librairie et le bandeau d'accueil qui représente la tour où il avait installé sa bibliothèque autrement dit sa librairie.

Pourquoi j'aime autant Montaigne? Le beau spectacle théâtral mis en scène par Michel Bruzat à partir d'un choix judicieux de textes répond à cette question. Et tout d'abord en montrant l'homme car Montaigne n'est pas un pur esprit et s'il porte en lui la forme entière de l'humaine condition, c'est parce qu'il est proche de nous, un être de chair et de sang, qui aime la bonne chère, les plaisirs du corps, l'amour, l'amitié, un épicurien qui aime la vie et la cultive telle qui a plu à dieu nous l'octroyer. Un homme qui pense que le corps et l'esprit sont liés par "une étroite couture" et qu'ils ne sont donc pas opposables. Un homme qui n'essaie pas de dresser un portrait flatteur de lui-même mais qui  se montre à nous tel qu'il est avec ses faiblesses et ses erreurs : "Je veux qu'on m'y voie en ma façon simple, naturelle et ordinaire, sans  étude et sans artifice". Et puis il y a le Montaigne philosophe, aussi éloigné des valeurs chrétiennes d'abstinence et de toutes formes d'ascétisme prônés par  la religion, "J'ai horreur d'imaginer un corps privé de plaisir", que du fanatisme lié à une quelconque certitude. Car cet humaniste est persuadé de la relativité des coutumes et des croyances. Et c'est parce qu'il ne pense pas détenir la vérité qu'il parle de tolérance, de respect des autres, du plaisir de découvrir d'autres pays, d'autres façons de vivre et de penser. La voix de Montaigne qui s'élève vers nous sur la scène du théâtre des Carmes est belle et toujours actuelle. L'adaptation en français moderne est de plus très réussie et nous rapproche de lui dans le temps. Elle nous dit, des choses toujours vraies, que la guerre est la preuve de la sottise humaine, que les hommes n'ont pas à imposer des règles aux femmes qu'ils sont bien loin de pouvoir respecter eux-mêmes, que la peur de la mort ne doit pas nous empêcher de vivre et que la vie, justement, est la plus belle des aventures humaines : "Mon métier et mon art, c'est de vivre".

 Michel de Montaigne, à qui l'excellent comédien Jean-Pierre Descheix prête son corps (il va même jusqu'à lui ressembler!) et sa voix, nous convie à un repas aux chandelles, nous invite à sa table et le spectateur est même parfois sollicité pour la préparation des plats. Convivialité, amour des saveurs, gourmandise, la glace est brisée, ce n'est pas le philosophe mais l'homme et même l'ami qui bavarde avec nous à bâtons rompus. Les évolutions de l'acteur qui sert à table, goûte avec sensualité un bon vin, trinque avec nous, danse, chante, ses digressions, ses hésitations, son franc parler, tout donne l'impression de ce style "à sauts et à gambades" si cher à Montaigne. Belle idée de Michel Bruzat et qui sert à merveille ces textes! Nous avons l'impression que ceux-ci s'écrivent devant nous, nous sentons le tâtonnement de la pensée, les mots qui se cherchent, qui se pressent, qui se bousculent. Jean-Pierre Descheix nous les donne à savourer. Avec bonhomie, simplicité et naturel, beaucoup d'humour aussi, il nous fait voir l'homme, nous fait rire, nous fait partager ses émotions, ses doutes aussi.  Avec cette mise en scène intelligente et pleine de finesse Michel Bruzat a réussi a concocté un régal théâtral goûteux salué par la qualité de l'écoute et des réactions des spectateurs.


Avis de Wens  blog En effeuillant le Chrysanthème

Ecrire sur Montaigne en parallèle à Claudialucia est un pari audacieux de ma part, elle qui se nourrit des Essais depuis sa prime jeunesse, qui a choisi de nommer son blog "Ma Librairie" en l'honneur de l'essayiste et philosophe. Mais...
Michel Bruzat par ses choix judicieux d'extraits des Essais montre la puissance de la pensée et la modernité de l'écrivain. Dans un rêve utopique on pourrait envisager que Montaigne inspire la conduite de nos puissants dirigeants, mus par le profit et l'ambition, où le visage des hommes se cache sous le masque de leur fonction, où se parjurer n'est pas un vice, mais une façon de parler où la politique sans conscience et sans âme consiste à faire le renard. Montaigne nous rappelle que la voix de la sagesse réside dans la tolérance, que notre richesse provient de notre diversité, qu'aucun homme sur notre terre ne détient la vérité absolue, que nos croyances sont le fruit de nos coutumes, de notre éducation. En vérité, dès notre naissance nous humons les règles de la coutume avec le lait…Par la suite, ce qui est contraire à la coutume, nous le croyons contraire à la raison.Il faut aller vers l'étranger, le comprendre, éviter tout repli sur soi, sur son propre monde. Le philosophe prône la tolérance religieuse, alors que son siècle est ravagé par les combats fratricides entre catholiques et protestants. Au nom de l'amour de Dieu, des paradis futurs, les croyants, les fanatiques s'étripent. Il dénonce la guerre, toutes les guerres, car elle font le jeu des ambitieux, des haineux, des violents. Aucune guerre n'est justifiable. En avance sur son temps, et sur le nôtre, il aborde le thème de l'égalité des sexes !
Au delà du philosophe, Michel Bruzat, nous fait rencontrer l'homme qui fait de lui même  un portrait pas toujours très flatteur. Nous sommes invités à un banquet par un hôte charmant, brillant, érudit, bavard, inquiet, curieux… qui nous fait rire, sourire, ou retenir notre souffle : Je veux qu'on m'y voie en ma façon simple, naturelle et ordinaire, sans étude et artifice. Les mots, les formules savoureuses surgissent, fleurissent comme celle mise en exergue en sous titre de la pièce: Sur le plus haut trône du monde nous ne sommes assis que sur notre cul. Parce que Montaigne c'est aussi une langue brillante servie par un acteur de talent : Jean Pierre Descheix. Il habite Montaigne, nous fait partager ses réflexions, ses interrogations, ses doutes sur la beauté de la vie qu'il nous faut remplir, sur la force de l'amitié, sur la mort, sur la nature. 
La mise en scène inventive, et la scénographie participent à la beauté du spectacle. On aimerait garder en bouche le goût de ce festin de mots et de sagesse.





Montaigne
au Théâtre des Carmes 
du 8 au 31 juillet à 17H50
Durée : 1H15

Ferdinando Pessoa et son hétéronyme Alberto Caeiro : Etre poète.... (citation)

Portrait de Ferdinando Pessoa par Luis Baldosa

Je pense aller voir bientôt  au festival off d'Avignon le spectacle intitulé Mystère Pessoa, mort d'un hétéronyme du collectif Hic et Nunc.
 Les hétéronymes  sont les multiples personnalités sous lesquelles le poète a écrit.  L'hétéronyme se distingue du simple pseudonyme par le fait que l'écrivain a inventé pour chacun une biographie, un caractère, une oeuvre distinctes de la sienne propre.

Sous l'hétéronyme d'Alberto Caeiro, Ferdinando Pessoa a écrit un recueil de poésies Le gardeur de troupeaux dont voici une citation :


Être poète n'est pas une ambition que j'aie,
c'est ma manière à moi d'être seul
.  



mercredi 13 juillet 2011

Festival OFF d'Avignon : Spectacles pour bébé (2), Ploum, Veillées douces, les 4 Saisons


       Ploum une féerie polaire pour les tout-petits ( de 6 mois  à 5 ans)

Avec l'arrivée de ma petite fille a commencé pour moi le festival pour enfants ou plutôt pour bébés! Je cherchais en effet des pièces qui s'adressent au moins de 2 ans. De plus comme mon spécimen de 15 mois est plutôt du genre Petit-Bout-Qui-Bouge-Tout-Le-Temps-et-Qui-n'est-pas-sage-Comme-Une-Image, il me fallait des spectacles susceptibles de la fasciner et..  surtout très courts! 

Le décor de Ploum est réellement féerique et participe à la magie du spectacle. Les jeunes spectateurs et leurs parents sont invités à pénétrer dans un igloo en toile blanche translucide tout illuminé de l'intérieur, à s'asseoir sur des bancs  semblables à de gros blocs de glace. Au milieu de l'igloo, un oeuf blanc mais qui se colore par moments de vives couleurs!  Et à l'intérieur, derrière la coquille, en transparence, un petit pingouin, Ploum, qui va bientôt sortir de l'oeuf. Oui, mais voilà, quand il naît, il se retrouve seul  sur la banquise.  Impossible de trouver sa maman. Alors, Ploum part à sa recherche et parcourt le cercle polaire. Il rencontre un ours, un marin, un goéland, un phoque...  Mais que les âmes sensibles se rassurent Ploum finira par  retrouver sa maman!

Le récit est conté et chanté par une comédienne qui anime les personnages objets ou marionnettes. Le musicien rythme le récit et les enfants peuvent voir les divers instruments qu'il utilise, ce qui constitue un plaisir supplémentaire.

Quant à ma toute-petite, même si l'histoire lui est un peu passée au-dessus de la tête car il y a beaucoup de paroles pour elle et les chansons ne l'ont pas captivée, elle a été très intéressée par le petit ours, les pingouins marionnettes. Malgré des moments d'inattention, elle a manifesté son plaisir en dansant sur la musique et en frappant des mains. Malheureusement elle aurait bien voulu "aider" le musicien mais en vain car une grande mère tortionnaire l'en a empêchée d'où quelques réactions de dépit..

Ploum Le Théâtre en Flammes
Collège de La Salle
de 6 mois à 5 ans
Du 8 au 31 juillet 10H et 11H

durée 30 minutes

Veillées douces Sylvain Frydman et Laurent Montel

Veillées douce (jusqu'à 3 ans) est un spectacle de musique et de poésie ambitieux. Les interprètes, musicien et comédien, Sylvain Frydman et Laurent Montel, en sont très conscients qui disent avoir fait le pari que la poésie, le jeu sur les mots et les sons et la musique peuvent, au-delà du sens, parler aux tout-petits, retenir leur attention, les séduire.
Le décor est celui d'une chambre à coucher, lieu idéal pour une douce veillée, si l'on en juge par le nombre de lampes de chevets de toutes tailles ornant la scène. Le choix des textes est de qualité, rien de moins que Desnos, Boby Lapointe avec "Ta Katy t'a quitté" ou "la Fileuse" de Paul Valéry dont j'ai d'ailleurs beaucoup aimé l'interprétation.La clarinette accompagne d'une manière harmonieuse, amusante ou moqueuse les textes et les chansons.

Le pari semble réussi si j'en juge par l'attitude des enfants, en majorité un peu plus âgés que Léonie : pas de vives réactions ou des rires mais une écoute attentive. Léonie, elle, décroche assez vite, se couche par terre sur le coussin. Pourtant de temps à autre, elle lève la tête attirée par des sons et surtout par certains passages à la clarinette. Enfin, elle s'anime tout à fait quand il est l'heure d'aller se coucher (sur scène!) avec une chanson bien de son âge : "Une chanson douce", elle dit " hou! hou!"  avec le loup de la chanson et c'est ce qu'elle racontera à son grand père en rentrant à la maison, ce qu'elle a retenu du spectacle.

Veillée douce Ensemble Fa 7
Maison du théâtre pour enfants
jusqu'à 3 ans
Du 8 au 26 Juillet  9H40 et 15H40
relâche 10, 17, 24 Juillet


la très jolie affiche de Les 4 saisons

Les 4 Saisons présente un joli décor, un grand livre des saisons dont on tourne les pages pour voir défiler le printemps, l'été, l'automne et l'hiver. Les enfants sont invités à participer en rythmant la course du soleil avec des petits instruments mis à leur disposition, ce qui leur plaît beaucoup mais les occupe tant qu'ils en oublient un peu la pièce. Il faut dire que le texte est difficile pour les plus jeunes, le vocabulaire abondant. Peut-être l'âge du public est-il mal ciblé?

Les Quatre saisons  Miette et Cie
Théâtre des vents
Jusqu'à 6 ans
du 8 au 31 Juillet 10H
durée 35 minutes

Festival OFF d'Avignon : spectacles pour bébés (1) Onda Prima de la compagnie ATE

Onda Prima, décor de Kichinevsky

Le spectacle pour enfants que j'ai préféré est aussi, en douteriez-vous,  celui que ma petite-fille a le plus aimé : Onda Prima (tout public dès un an) mis en scène par Catherine Ghobert et mis en sons par Jean-Serge Beltandro de la compagnie Eclat de Souffle.

Avec l'arrivée de ma petite fille, en effet, a commencé pour moi le festival pour enfants ou plutôt pour bébés! Je cherchais en effet des pièces qui s'adressent au moins de 2 ans. De plus comme mon spécimen de 15 mois est plutôt du genre  Petit-Bout-Qui-Bouge-Tout-Le-Temps-et-Qui-n'est-pas-sage-Comme-Une-Image, il me fallait des spectacles susceptibles  de la fasciner et..  surtout très courts! 
Des spectacles courts de  30 minutes, il y en a beaucoup mais je me méfie, souvent à juste titre, de ceux qui ciblent trop large au niveau de l'âge, par exemple de 1 an à 6 ans. Comment une pièce qui intéresse un enfant de 6 ans peut-elle s'adresser à celui qui a un an? C'est possible mais rare. Onda Prima, peut-être? Voilà donc le compte rendu des spectacles vus avec Léonie.

Onda Prima, Onde première, c'est celle ou baigne le bébé dans le ventre de sa maman. Un bébé qui bouge, donne des coups de pieds, étire les bras, les jambes, fait des cabrioles mais aussi entend de drôles de bruits.. très rigolos.  Puis l'enfant naît, découvre le monde et ses couleurs et ses formes. Il gazouille, joue avec les sons et les mots, il s'amuse avec les petites merveilles que sont ses pieds et ses mains. Il  fabrique des bonhommes mais aussi des maisons, puis s'endort tout  doucement dans son berceau.

Sur la scène un entassement des caisses, d'objets hétéroclites, vivement colorés, passoires, seau, couvercles, tuyaux qui prendront toutes les formes au gré de l'imagination de l'enfant et d'où sortent des borborygmes bizarres et capricieux qui font rire. Tous les sens sont sollicités par cette aventure de la vie, cet univers visuel et sonore si proche des tout-petits. La comédienne-danseuse captive les jeunes spectateurs qui suivent tous ses gestes, bouche bée. Le bruitage est absolument génial, réglé avec précision sur les évolutions de la comédienne, créant des effets de surprise, relançant l'intérêt, provoquant le rire. Pas besoin de paroles! Les enfants sont fascinés.

A la maison, Léonie racontait à sa manière ce qu'elle avait vu, mimant la danse de la comédienne, gestes stylisés, jambes tendues,  pied flexe, et prenait la main de son grand père pour lui montrer qu'elle voulait  y retourner. Un bel hommage à la pièce!

 Marie Verge

 Onda Prima Cie ATE
Espace Alya 10H30
A partir de 1 an
Du 8 au 31 Juillet 2011

Voir la vidéo du spectacle chez Wens, En effeuillant le chrysanthème.

Gérard Donovan : Julius Winsome




Gérard Donovan dans son roman Julius Winsome réussit le tour de force de nous passionner avec une histoire qui met en scène un personnage replié sur lui-même, détaché de tout et dont le comportement finit par être à la limite de l'Humain. Pourtant Julius Winsome, ce solitaire qui vit dans un châlet en bordure de la forêt, enseveli dans le silence de la neige pendant les six mois d'hiver dans le Maine du Nord, à la frontière du Canada, est curieusement proche de nous, voire attachant.
Je dis curieusement et vous allez voir  pourquoi.
Julius Winsome a vécu toute sa vie dans ce lieu avec son père, un lettré qui lui a transmis l'amour des livres mais aussi des mots, ceux de l'inventeur de la langue anglaise, Shakespeare. Il  lui a légué à sa mort les milliers de volumes qui tapissent les murs. De son grand père, combattant de 1914, poursuivi jusque dans ses rêves par les fantômes des soldats ennemis qu'il a tués, il a compris l'horreur de ces meurtres collectifs que la guerre autorise. De son père, mobilisé pendant la guerre de 1940, il tient la haine de tout ce qui est arme à feu même s'il a appris à se servir du fusil allemand de 1919 que son grand père a ramené. Un jour pourtant, tout bascule pour ce cinquantenaire qui n'a pas su retenir la femme qu'il aimait et qui vit avec son chien pour seule compagnie. Quand ce dernier est tué à bout portant par un chasseur - non un accident mais un geste de cruauté gratuite-  Julius Winsome sort son fusil et tire! Il se transforme en tueur!
Quand j'ai lu le commentaire de L'or des chambres  dans son blog, j'ai d'abord eu une réaction de rejet pour ce personnage qui se venge d'une manière aussi horrible. Et  puis elle m'a convaincue de lire ce roman et je ne le regrette pas.
Il y a d'abord la magnifique écriture de Donovan qui fait voir la beauté de ces paysages, fait entendre le silence troublé seulement par le crissement de la neige, les pas des animaux sauvages à la lisière de la forêt, la beauté pure pourtant perturbée, à intervalles réguliers, par les détonations des fusils. Les chasseurs jouent ici un rôle symbolique, ils introduisent les notions de souffrance et de mort. Ils représentent la force brute face à la fragilité de la nature. Mais au delà de la magnificence de ces forêts touffues, du passage des saisons somptueuses avec leurs couleurs variées, l'écrivain nous fait sentir le  sifflement sinistre du vent, les bruits angoissants de la nuit qui encerclent la maison et se referment sur elle, le froid qui s'empare du corps et de l'âme, le poids du silence, la terreur de la solitude. Nous entrons dans ce désert glacé longtemps réchauffé par les livres qui forment un rempart au mal mais qui cède peu à peu... Nous nous sentons envahis par la détresse du personnage et comprenons pourquoi il sombre ainsi dans un no man'sland psychologique d'où il ne reviendra jamais. Ce récit conte aussi une belle et triste histoire d'amour. Claire aurait pu sauver Julius de lui-même mais il n'a pas su la retenir, incapable de dire son amour, d'exprimer ses sentiments. Claire l'a quitté, s'est mariée mais certaines scènes montrent pourtant la tendresse qu'elle lui conserve et la compréhension intuitive qu'elle a de cet homme muré en lui-même. Julius Winsome est l'histoire d'une vie ratée d'où l'intense nostalgie que l'on éprouve à la lecture.
Est-ce aussi la description d'un glissement progressif vers la folie? Certainement! Mais je préfère l'explication donnée dans le résumé de la quatrième de couverture (excellent cette fois-ci) : "Avatar du Meursault de Camus qui tuait "à cause du soleil", Julius Winsome tue à cause de la neige, symbole de pureté et de deuil."

voir Aifelle

                                                                  Chez Folfaerie

vendredi 8 juillet 2011

festival OFF d'Avignon : Sur le bout de la langue, Institut de la marionnette de Charleville-Mézières



L'Institut International des Arts de la Marionnette de Charleville-Mézières est présent au festival d'Avignon 2011 à la Caserne des Pompiers, lieu théâtral traditionnel de la scène champenoise.

Sur le bout de la langue …et au bout des doigts.... Cinq jeunes artistes fraîchement sortis de l'Ecole Nationale Supérieure des arts de la Marionnette de Charleville-Mézières présentent des formes courtes  inspirées de contes traditionnels, de mythologies anciennes, contemporaines ou personnelles, créées dans le cadre de leur dernière année d'études. (Présentation journal du OFF).
Avis de Claudialucia et Wens
Depuis de nombreuses années nous avons suivi régulièrement le travail de l'Institut qui nous offrait une véritable création collective, innovante et toujours de très grande qualité. Il faut avouer que cette année nous sommes assez déçus du spectacle proposé. Dans toutes les créations présentées, les contraintes imposées par les enseignants et les intervenants apparaissent très clairement, on assiste à un travail, certes réussi,  mais inscrit dans un cadre très ( trop?) strict, ce qui enlève un peu à la poésie. Le spectateur est convié non à une véritable création mais plutôt à un bilan de fin de cycle. Cela n'enlève rien à la qualité des artistes qui montrent l'étendue de leurs possibilités. Parmi les courtes pièces, nous retiendrons surtout Sous la neige qui tombe, conte chinois emprunt de poésie et d'imagination. L'artiste, Simon Moers, est capable de faire surgir un empereur dans un grain de riz et de nous bâtir la muraille de Chine sur une table de salon.

Festival OFF d'Avignon : Si Siang Ki ou l'histoire de la Chambre de l'Ouest



Si Siang Ki ou l'histoire de la chambre de l'Ouest est une grande pièce classique du répertoire théâtral de la Chine. Elle a été écrite par un auteur, Wang Che Fou, dont la vie est peu connue, à la fin du XIII °ou au début du XIV siècle. La présentation pour la première fois de cette pièce au public français en mandarin moderne a été rendue possible par la collaboration du Shangaï Théâtre Academy et du Théâtre du Chêne Noir, compagnie permanente d'Avignon créée en 1967 par Gérard Gélas.
L'histoire de Si Siang Ki est celle d'un jeune lettré Tchang Sen qui se rend à la capitale pour terminer ses études et s'arrête en chemin dans un monastère. Là, il rencontre par hasard une jolie jeune femme de noble lignée, Ying Ying, dont il tombe follement amoureux. Le monastère est encerclé par le général Sun Fei Hoi qui veut arracher la jeune fille à sa famille pour l'épouser. Madame Tching, la mère de Ying Ying promet la main de sa fille à celui qui la sauvera. C'est ce que fait Tchang Sen avec l'aide d'un de ses amis d'enfance qui est général. Le danger écarté, madame Tching refuse de donner sa fille en mariage. Les deux jeunes gens, grâce à la complicité de la servante, se retrouvent et s'aiment. Madame Tching, vaincue, accepte alors le mariage à condition que le jeune lettré réussisse à ses diplômes.

L'avis de claudialucia 

Cette histoire d'amour célèbre en Chine représente si bien la culture chinoise qu'elle fait partie des dix ouvrages composés par les Tsai-Tseu autrement dit les écrivains de génie. La pièce présente un plaidoyer toujours vraie, en faveur de la liberté des jeunes gens à choisir l'époux ou l'épouse de leur choix.

Le premier tableau d'après une idée poétique du metteur en scène Gérard Gélas fait vivre les deux jeunes gens à notre époque. Le jeune homme est tué par des émissaires de la Mort mais un personnage mystérieux le rappelle à la vie dans une époque ancienne, très éloignée de la nôtre. Là, l'histoire d'amour recommence introduisant l'idée de l'éternel retour comme le prouvera le tableau du dénouement.
J'ai beaucoup aimé cette pièce parce qu'elle m'a ouvert les portes d'une oeuvre patrimoniale chinoise que je ne connaissais pas. Certes, de prime abord, elle surprend un peu. Le rythme est lent et semble parfois uniforme. Il n'y a pas de progression dramatique comme dans notre tragédie classique mais une succession de tableaux où la langue semble parfois primer sur l'action. De là pourrait naître une certaine monotonie mais il n'en est rien car le spectateur est bien vite sous l'emprise de ce spectacle qui le fait voyager dans le temps et dans l'espace. Les acteurs d'une grande prestance jouent selon les règles du théâtre chinois, avec un charme fou. La scénographie  est sobre et élégante grâce à l'utilisation minimale de décor solide; tout est dans la lumière qui crée l'illusion. Les costumes, les coiffures, les maquillages qui ressuscitent la Chine médiévale sont très réussis et mettent en valeur la beauté des acteurs.
Le texte est très poétique car, je cite Gérard Gélas : " Il y a dans la littérature chinoise de cette époque un constant va-et-vient entre la Terre et le Ciel via la nature. Le souffle du vent dans les feuillages de l'automne ou du printemps relaie les sentiments des protagonistes au moins autant que les actions qui font progresser l'intrigue." Evidemment, la dimension poétique de la langue échappe au spectateur français. Le spectacle est sur-titré pour notre compréhension mais la clarté de l'action permet d'écouter la musique de la langue surtout  au moment où les deux jeunes gens s'exercent à une joute poétique sous le regard de la lune. Un très beau spectacle!
Gelas nous offre l'opportunité de découvrir un théâtre jamais présenté en France, de nous ouvrir sur un autre monde, sur une autre culture. La structure de la pièce en 27 tableaux ne correspond pas aux critères de la dramaturgie classique occidentale. La narration est très linéaire sans scènes-clés, sans rebondissements, sans climax, et d'une scène à l'autre les acteurs reprennent  souvent des parties de dialogues. Mais il ne se dégage aucun d'ennui car la langue chante, et le texte-surtitré est d'une grande poésie servi par d'excellents acteurs. La sobre mise en scène de Gélas et la scénographie participent à cette réussite : un décor minimaliste, des jeux de lumière, une bande son discrète soulignant les sentiments. Les costumes splendides participent au plaisir visuel. Cette pièce écrite il y a environ 700 ans, montre qu'à travers le monde et le temps les rapports et les sentiments humains ne sont guère différents. Les puissants imposent leurs règles que parfois les domestiques dénoncent, les femmes de chambre chinoises ont la langue aussi bien pendue que celles de  Molière ou de Beaumarchais. Pour Gélas, l'amour contrarié  de Ying Ying et de Tchang Sen résonne comme un écho à Roméo et Juliette, et comme les amants de Vérone  Ying Ying et Tchang ne se retrouvent seulement que dans la mort. Un très beau spectacle.


jeudi 7 juillet 2011

Villeneuve-en-Scène : Maboul Distorsion, Parallèles & Bipèdes.


 Le festival de Villeneuvre-Lez-Avignon commençait hier. Parallèle à celui d'Avignon et distinct du grand frère, il se déroule dans des lieux de verdure sous de grands chapiteaux.

Parallèles et Bipèdes de Maboul distorsion est un spectacle de théâtre mais aussi de cirque puisque les cinq personnages qui évoluent sur scène appartiennent à la fois à l'espèce du clown rappelant les personnages burlesques du cinéma muet  américain,  sortes de Marx Brothers complètement loufoques, mais  sont aussi acrobates, jongleurs, magiciens fabriquant l'illusion à l'aide de simples bouts de cartons.. Un nouveau cirque, donc, qui sous l'apparence du rire, donne une vision assez noire de notre société.
Sous le chapiteau de Villeneuve-en-scène, dans le Verger, un décor de boîtes en carton rappelle un déménagement cauchemardesque, un empilement qui se dresse comme un mur et délimite un monde dans lequel nous serions prisonniers. Qu'y a-t-il derrière ce mur? La liberté ou la mort? Et de ces boîtes vont surgir, avec une certaine violence, des personnages catapultés dans ce monde absurde, sans queue ni tête, où les boîtes vomissent des objets hétéroclites, où le carton est capable d'engendrer des monstres, de se transformer, devenir masques, vêtements, objets de toutes sortes, d'engendrer même de nouveaux personnages. La mise en scène est réglée comme un ballet dans lequel les acteurs passent, disparaissent, se croisent et parfois se rencontrent pour mieux essayer de s'imposer, de prendre le dessus. Car ce monde est le nôtre, le fort y domine le faible, le grand écrase le petit, le riche, le pauvre, un monde avec sa hiérarchie sociale, son patron cravaté perché sur sa pyramide de… carton (!). Mais celle-ci finira un jour par s'effondrer pour mieux renaître ensuite. La bande sonore avec ses bruitages, ses rares paroles réduites souvent à des onomatopées, crée un effet comique très réussi. Certains passages de jonglage à quatre mains sont assez poétiques et témoignent de beaucoup d'adresse. Une inventivité toujours renouvelée pour reproduire un monde qui finira par disparaître sous l'avalanche de ses propres déchets que les cartons déversent sur la scène!
J'avoue avoir eu un peu de mal, au départ, à entrer dans ce monde de l'absurde qui ne me faisait pas rire (mais je ne suis pas sûre qu'il soit entièrement là pour ça!)  mais peu à peu je me suis laissé gagner par le spectacle.



Dans un monde de carton, cinq hommes se croisent, s'évitent, apparaissent, disparaissent dans un ballet burlesque. Mais leur destin est lié. Ils jonglent alors ensemble avec des cartons de toutes tailles, de toutes formes, construisent des monuments : ascenseurs, pyramides… Papier d'emballage et ruban adhésif se transforment en masque, en vêtement, en bouteille, en table. La parole est inutile, la précision du geste, du déplacement  la remplace. Et le public fonctionne devant cette mécanique bien huilée. Les plus jeunes rient des démêlés incessants de ces hommes en prise avec des cartons souvent rétifs, les plus âgés sont emportés par la poésie de ce théâtre proche de l'absurde, très critique à l'égard de notre société.
En effet,  au début de la pièce, trois des personnages sont littéralement projetés sans le vouloir dans cet univers de carton où s'agite un magasinier. Un cadre hautain semble ignorer ce petit monde. Mais le cadre  a beau se croire  supérieur, situé tout en haut de la pyramide sociale, ce n'est qu'une illusion et sa chute est brutale. Quand les hommes jouent, jonglent, trinquent ensemble, les enjeux de pouvoir ne disparaissent pas : qui aura le plus grand verre? qui accumulera le plus de cartons?… Pourtant tous ces hommes sont dans la même galère, dans une société absurde qui broie l'individu.
La mise en scène de Raymond Peyramaure est d'une grande précision, inventive et  le spectacle est servi par le talent et l'énergie de cinq comédiens, mimes et jongleurs. 

Parallèles & Bipèdes.
Cie Maboul Distorsion.
Festival Villeneuve en scène.
Du 5 au 27 Juillet 2011.
20H30

mercredi 6 juillet 2011

Le festival de danse de Marseille : Gregory Maqoma, Sidi Larbi Cherkaoui, Shanel Winlock

 Le troisième spectacle de danse contemporaine que j'ai vu à Marseille est  Southern Bound Comfort et autant le dire tout de suite, il m'a emballée! Il est composé de deux ballets : le premier Southern Comfort du chorégraphe sud-africain Gregory Maqoma, le second Bound du chorégraphe belgo-marocain Sidi Larbi Cherkaoui. Les deux oeuvres sont interprétées magistralement par Gregory Maqoma et Shane Winlock. Toutes les deux  ont un thème commun. Ils traitent du couple, plus généralement des rapports hommes-femmes et jouent sur l'idée de domination-soumission.

Southern Comfort est une pièce pleine d'humour. Elle met en scène une jeune femme que l'on imagine être chorégraphe  et qui profite de son autorité pour mettre sous sa coupe son danseur et aussi les musiciens qui l'accompagnent. Le texte, la musique, les jeux d'éclairage qui doivent la suivre en mettant dans l'ombre ses faire-valoir créent autant de moments amusants qui déclenchent le rire, entrecoupés par des solos ou des duos enlevés. Jusqu'à la révolte, le retour du bâton!



Dans Bound  le couple perd son bébé. Le ton est grave, le désespoir est là, le désir de  suicide hante le couple qui n'arrive pas à se retrouver après le drame. L'homme et la femme se déchirent jusqu'à la séparation finale. La chorégaphie est extraordinairement belle et inventive. Le seul décor est constitué de cordes qui pendent des cintres ou se déroulent sur la scène, deviennent tour à tour maison, arbres pour se pendre; elles prennent la forme du bébé lové contre le corps maternel mais elles sont aussi la Mort qui vient arracher l'enfant des bras de sa mère. Elles se dressent comme des serpents vibrants, démultipliées par un effet de lumières stoboscopiques, devant la mère éplorée et dansent avec elle la violence du deuil, elles emprisonnent le couple, le retiennent prisonnier jusqu'à la séparation, l'étirement final où la corde est prête à se rompre libérant le couple de ses dernières attaches. Un grand moment de beauté et d'émotion. De la grande danse!


Henning Mankell : L'homme inquiet



J'ai lu L'Homme inquiet de Henning Mankell il y a déjà un mois et je ne me souviens plus de l'histoire policière. Enfin, presque! Oui, c'est une histoire d'espionnage qui a eu lieu réellement dans les années 80, des sous-marins qui sont venus espionner la Suède en pénétrant  dans ses eaux territoriales sans autorisation. Et alors que tout le monde accuse l'ennemi public n°1 de l'époque, L'URSS, notre Wallander va découvrir  qu'elle n'y est pour rien, que la réponse est ailleurs (je ne vous dirai rien) et que des gens qui lui sont liés sont très impliqués dans les meurtres qu'il doit résoudre. Voilà!  je ne me souviens de presque rien, vous dis-je!
Ce qui m'a importé enfin, ce à quoi, je me suis vraiment intéressée, c'est à Wallander, bien sûr!  Il a enfin acheté la maison de ses rêves, il a enfin le chien de ses rêves, sa fille lui a même fabriqué une petite fille pour qu'il ait une raison de vivre! Il est malade et tout aussi déprimé que dans les romans précédents mais Mankell  - qui avoue dans une interview qu'il veut se débarrasser de son  personnage -  n'a pas osé l'assassiner. Alors.. il le fait partir à la retraite! Le traître, je parle de Mankell car Wallander n'y est pour rien! Le traître donc! Vous ne lirez plus les aventures de votre héros préféré. Exist Wallander!

mardi 5 juillet 2011

Festival Danse de Marseille 2011 (2) : Akram Khan


Vertical Road de Akram Khan

Autant le dire tout de suite, je connais mal la danse contemporaine. Mes connaissances s'arrêtent à Elvin Ailey, autrement dit aux années 1970-80. Le festival de Marseille a donc été l'occasion pour moi de découvrir des artistes de premier plan. Akram Khan en fait parti. Chorégraphe anglo-blangadais, il allie les techniques contemporaines à la danse traditionnelle de l'Inde du Nord, le Kathatk. Dans Vertical Road il doit beaucoup au poète et philosophe persan Roumi. Akram Khan y explore le difficile chemin que doit parcourir l'âme pour accéder à la spiritualité.


 Le ballet est d'une virtuosité étonnante, puissante, violente même. Les danseurs semblent dotés d'une énergie décuplée par le rythme musique. Ils tournoient, scandent avec force la musique de leurs pieds, bondissent, se préparant à l'envol mais retombent sur le sol, le corps écartelé par la douleur. Sur la scène se livre un étrange lutte comme si ces âmes en souffrance étaient retenus sur le sol, empêchées. Mais quel est cet étrange personnage qui semble tour à tour les guider et les empêcher de continuer leur route? Peut-être un ange puisque, nous dit-on, Akram Khan s'inspire de la présence des anges dans différentes légendes? Mais est-ce l'Ange du Bien ou du Mal car il semble dominer les âmes, les contraindre à l'obéissance et la silhouette athlétique le rattache à la matérialité de la terre. Parfois la révolte gronde, l'un d'entre eux se lève pour s'opposer à lui, des mains s'agrippent pour le retenir. Mais toujours, il reprend le dessus jusqu'au moment, où les âmes trouvent leur voie et passent de l'autre côté, un au-delà matérialisé sur scène par un immense rideau blanc tendu entre les Mondes. Cette frontière transcendée par des jeux de lumière sublimes laissent apparaître par transparence les silhouettes et, à la fin du ballet, les mains de ceux qui sont passés de l'autre côté comme pour un dernier adieu. Un magnifique tableau.

Comment se fait-il pourtant que malgré l'admiration éprouvée à la fois pour les danseurs virtuoses, la scénographie éblouissante et la puissance de la chorégraphie, je n'ai pas été entièrement prise par ce spectacle?  Je crois que je me suis posée trop de questions. Or, je n'étais pas certaine de bien interpréter ce que je voyais. Ainsi au début du ballet, les danseurs se lèvent secouant de leur vêtements une fine poudre blanche qui forme comme une brume autour d'eux. J'y ai vu les morts du jugement dernier soulevant la poussière de leur tombeau. Mais à chercher des explications, on laisse de côté l'émotion. Et c'est dommage! J'ai parfois eu l'impression de longueurs et de redites. Peut-être aussi ne suis-je pas assez mystique pour apprécier pleinement? Bref! j'ai vraiment eu conscience d'être devant un grand chorégraphe mais d'avoir partiellement raté la rencontre! C'est pourquoi j'aimerais vraiment voir d'autres ballets de Akram Khan.



La connaissance du poète persan Rumi doit ouvrir les portes de la compréhension de ce ballet. Voici un extrait d'un poème trouvé sur le net.

I died from minerality and became vegetable;
And from vegetativeness I died and became animal.
I died from animality and became man.
Then why fear disappearance through death?
Next time I shall die
Bringing forth wings and feathers like angels;
After that, soaring higher than angels -
What you cannot imagine,
I shall be that.

Sophie Loubière : L'enfant aux cailloux


Etrange personnage cette Elsa du roman de Sophie Loubière, L'enfant aux cailloux. Fillette, elle voyait le fantôme de sa mère s'asseoir sur son lit, jeune femme exaltée et emportée, elle chasse Gérard, son mari qui ne s'occupe pas assez d'elle et reste seule avec son fils, Martin. Quand elle devient grand mère, elle ne se conduit pas plus raisonnablement envers son petit fils Bastien. Et cela ne s'améliore pas par la suite. Agée, elle vit dans la vieille maison familiale, continue à voir des fantômes, affiche un sacré caractère, empoisonne la vie de son fils devenu médecin, pourtant bien dévoué à sa folle de mère. Présentement, elle surveille la maison d'à côté où jouent les enfants des voisins, les Desmoulins; la  petite Laurie s'amuse avec son jeune frère, Kévin et plus loin, toujours à l'écart, un enfant joue avec des cailloux; il paraît malade. Elsa, ancienne directrice d'école ne s'y trompe pas, ce petit garçon souffre de maltraitance. Elle alerte les services sociaux, la police. Oui, mais pour les autorités les Desmoulins n'ont que deux enfants. Le troisième mentionné par Elsa n'existe pas. Alors Elsa, prête à tout pour sauver le gamin, part en guerre!

Etrange livre aussi. Mon esprit cartésien a d'abord été malmené dans les premiers chapitres. J'ai commencé par ne rien y comprendre! Je trouvais l'histoire décousue et pour cause! Sophie Loubière nous présente la vie d'Elsa par de grands flashs sur des moments clefs de sa vie. Mais ces épisodes ne sont pas totalement éclairés, certains aspects restent donc inexpliqués et nous nous interrogeons sur ce qu'a voulu montrer l'auteur. Ce survol est en accéléré jusqu'au moment où commence le récit proprement dit, c'est à dire quand la vieille femme rentre chez elle après une longue absence et découvre le petit garçon maltraité. Mais rassurez-vous, peu à peu toutes les pièces se mettent en place et nous aurons la réponse... au dénouement, l'écrivain ménageant le suspense jusqu'au bout! Jusqu'au bout, oui! nous nous interrogerons sur ce petit bout de femme pas commode en nous demandant si elle est folle à lier ou simplement étrange et visionnaire? A vous de le découvrir ! Un bon suspense!

 Merci à la librairie Dialogues croisés et aux éditions du Fleuve noir