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mercredi 20 décembre 2017

Victor Hugo : Han d'Islande



Han d'Islande est le premier roman de Victor Hugo. Il l'a écrit alors qu'il avait 18 ans et était très amoureux d'Adèle Foucher. Il transpose dans le roman les difficultés que les deux amoureux rencontrent auprès de leurs parents respectifs hostiles à leur mariage. Mais cette transposition est dramatisée par le prisme romanesque qui grandit et magnifie tout.

Ordener,  Ethel et le prêtre

Le roman est donc avant tout une histoire d'amour contrarié. Ordener, le fils du vice-roi est amoureux d'Ethel dont le père, Schumaker, déchu de ses titres, privé de sa fortune par le roi, est emprisonné dans une forteresse avec sa fille. Ordener n'a pas révélé son identité, son père faisant partie des ennemis de Schumaker mais il promet de sauver ce dernier d'un complot qui vise à le faire condamner à mort. Pour cela, le jeune homme doit  retrouver une cassette dérobée par Han d'Islande. Elle contient des papiers qui prouveront l'innocence de Schumaker. N'écoutant que son courage le jeune homme se lance aux trousses du monstre.

Han d'Islande et son ours

Victor Hugo dit avoir eu pour modèle Walter Scott très apprécié des romantiques pour ses romans historiques et couleur locale. Le jeune auteur, en effet, place l'action dans la Norvège de la fin du XVII siècle sous le règne de Christian VI. Il n'est jamais allé dans ce pays mais par contre il connaît bien la culture scandinave, la mythologie et l'Edda, un des textes anciens fondamentaux.
Mais plus que Scott, ce sont les romans gothiques d'Ann Radcliffe et Lewis qui semblent l'inspirer. Ainsi le monstre Han d'Islande dont l'origine semble être divine, est mi-homme, mi-bête. Doté d'une force surhumaine et d'une intelligence démoniaque, il aime le Mal pour le mal.  Il prête à sourire, du moins pour le lecteur moderne, quand il arrache le crâne de son fils assassiné et s'en sert pour boire le sang de ses victimes. Cela m'a rappelé une histoire vraie, celle-là, racontée par Théophile Gautier dans son Histoire du romantisme.  Avec ses amis appartenant comme lui au petit cénacle, tous admirateurs passionnés de Victor Hugo,  ils buvaient de la bière dans un crâne que Gérard de Nerval avait volé à son père, médecin aux armées! Ils auraient tous aimé que ce fût le crâne d'une belle demoiselle morte de phtisie mais hélas ! c'était plus vraisemblablement les restes d'un soldat moustachu, mort au combat ! 

A cela Victor Hugo ajoute un intrigue politique. Les mineurs opprimés par la tutelle royale se révoltent pour s'en libérer.  Orderner, un peu malgré lui se trouvera mêlé à ces mineurs et à la bataille féroce qui les oppose aux armées royales. Mais les mineurs sont-ils vraiment coupables ?  Apparaît   la sympathie que Hugo manifestera envers les humbles et les misérables.
On y trouve d'ailleurs déjà de nombreux thèmes chers à sa maturité : dans les personnages, Orderner, noble, courageux, solitaire, est une sorte de brouillon d'Hernani et, si ce n'est pas lui qui est proscrit, c'est sa fiancée et son beau-père ! Ethel, vertueuse, courageuse et douce est une Dona Sol avant la lettre !  De même le thème du monstre est déjà présent que l'on retrouvera dans L'homme qui rit ou Notre-Dame de Paris.
Les réticences de Hugo envers la peine de mort sont aussi traitées dans Han d'Islande et développées à travers le personnage du bourreau et les condamnations à mort du dénouement.

Ajoutons qu'il y a quelques belles scènes bien menées lorsque Ordener et son compagnon de voyage se retrouvent dans la maison du bourreau et de sa femme au milieu de l'orage ! Brrrr ! Ou encore de vraies scènes de comédie quand le bourreau discute des bons côtés de son métier avec Han d'Islande ! Ou quand celui-ci marchande le prix de son cadavre au bourreau et le roule dans la farine !
Le roman n'est certainement pas le meilleur de Victor Hugo. On a parfois l'impression qu'il part un peu dans tous les sens tant il est complexe par la multiplicité des intrigues, le grand nombre de personnages, la structure du roman. En effet, Hugo croise les récits racontant l'histoire des personnages dans des espaces différents mais sans respecter l'ordre chronologique. Ce qui n'empêche pas l'auteur de retomber sur ses pieds et nous avec, si bien que j'ai pris du plaisir à lire le livre.




Lecture commune dans le cadre du Challenge Victor Hugo avec Nathalie

et Miriam (en janvier)

mercredi 13 décembre 2017

Elizabeth Strout : Je m'appelle Lucy Barton



Hospitalisée à la suite d’une opération, Lucy Barton reçoit la visite impromptue de sa mère, avec laquelle elle avait perdu tout contact. Tandis que celle-ci se perd en commérages, convoquant les fantômes du passé, Lucy se trouve plongée dans les souvenirs de son enfance dans une petite ville de l’Illinois – la pauvreté extrême, honteuse, la rudesse de son père, et finalement son départ pour New York, qui l’a définitivement isolée des siens. Peu à peu, Lucy est amenée à évoquer son propre mariage, ses deux filles, et ses débuts de romancière dans le New York des années 1980. Une vie entière se déploie à travers le récit lucide et pétri d’humanité de Lucy, tout en éclairant la relation entre une mère et sa fille, faite d’incompréhension, d’incommunicabilité, mais aussi d’une entente profonde.
Salué comme un chef-d’oeuvre par la critique littéraire aux États-Unis, Je m’appelle Lucy Barton est un grand roman contemporain sur la solitude, le désir et l’amour. (quatrième de couverture éditions Fayard)



Après Mischling d’Affiniy K. dont je parle dans  le billet précédent, j’ai enchaîné avec Je m’appelle Lucy Barton d’Elizabeth Strout... Les hasards de l’emprunt en bibliothèque !

J’ai donc eu du mal à entrer dans le livre au début car de Mischling à Lucy Barton, c’est un grand écart qu’il m’a fallu faire. Après avoir erré dans l’enfer d’Auschtwtiz, j’ai eu l’impression de me retrouver dans un livre léger !
Ce qui est parfaitement injuste. L’écriture d’ Elizabeth Strout est simple, claire et va droit au but mais elle n’est pas légère et elle traite de sujets qui  peuvent tous nous concerner et portent la mélancolie de l’enfance et de ses peurs dont on ne guérit jamais vraiment. Une vie d’enfant où les mots et le mépris blessent tout autant que les coups reçus.

Les thèmes de ce roman ? Les rapports d’une fille et de sa mère et plus généralement ceux que nous entretenons avec notre famille quand nous atteignons l’âge adulte. La béance qui peut se créer entre un enfant qui poursuit des études supérieures par rapport à ses parents et au reste de la fratrie qui n’accède pas au même niveau d’instruction. La difficulté de vivre dans une famille pauvre et marginale, sous le regard indifférent ou cruel de la société. Un regard qui vous suit jusqu’à l’âge adulte et vous fait douter de vous-même. Mais aussi comment l’amour de la lecture, les livres et plus tard l’écriture peuvent vous sauver du désespoir.
Et finalement, au bout du chemin, la solitude, cette impossibilité de dire « je t’aime » malgré l’amour qui déborde et qui s’exprime autrement, dans les actes.

C’est un peu de sa vie que nous livre Elizabeth Strout même si Lucy Baron est un personnage fictif. Et elle le fait avec finesse, émotion et pudeur dans de belles pages où elle parle de sa mère qui reste à son chevet de jour comme de nuit parce qu’elle n’a pas d’autre moyen de d'exprimer son amour à sa fille malade;  où elle dit la souffrance qu’elle-même a infligé à ses enfants par son divorce car personne n'est capable d'un amour parfait. Un roman où elle fait part de son travail d’écriture et de ses débuts dans la littérature.

Un livre sensible et intelligent qui parle d’amour quand on n'a pas les mots pour le dire.

Je l’ai déjà dit : je m’intéresse à la façon dont on peut se sentir supérieur à quelqu’un d’autre ou à un autre groupe de gens. ça arrive partout, tout le temps. Quelque soit le nom qu’on donne à ce besoin de trouver quelqu’un à rabaisser,  je le considère comme ce qu’il y a de plus vil en nous.


dimanche 10 décembre 2017

Affinity K. : Mischling


Le hasard a voulu que je trouve à la bibliothèque de ma ville deux livres de la rentrée  littéraire,  dis-po-ni-bles, par je ne sais quel miracle, livres sur lesquels je me suis ruée vous vous en doutez !.
Le premier est La disparition du docteur Mengele que j’ai déjà présenté dans mon blog ICI et le second Mischling de Affinity K. qui amène le lecteur dans l’antre de la Bête autrement dit dans le « zoo » du docteur Mengele à Auschwitz.

Par le passé les blocks du Zoo avaient servi d'écuries mais à présent ces baraques étaient bondées de gens de notre espèce, jumeaux, triplés, quintuplés. Des centaines et des centaines d'entre nous y vivaient  serrées dans des lits qui n'étaient pas des lits mais des boîtes d'allumettes, de petites fentes où glisser nos corps.

Que dire de Mischling ? C'est une oeuvre littéraire, au meilleur sens du terme, qui provoque intérêt, émotion et réflexion, finement analysée et écrite alors que celui d’Olivier Guez est plutôt de style documentaire. C'est un roman bouleversant parce qu’il nous fait vivre l’horreur de l’intérieur, à travers les points de vue alternés des jumelles Pearl et Stasha. Mischling signifie "sang mêlé" par opposition au sang pur de la race aryenne. Et comme cette vision est souvent faite d’incompréhension, les enfants ne sachant pas pourquoi ils sont là, les pratiques du docteur Mengele ne sont plus cette dénonciation froidement et abominablement théorique que nous connaissons mais quelque chose de vécu dans le corps et l’esprit des petites victimes, dans leurs souffrances intolérables et leurs humiliations quotidiennes.
De plus, l'écrivaine maintient un équilibre troublant entre le réalisme le plus précis (le roman est très documenté) et l'image d'irréalité qu'en donnent les fillettes assommées par le bromure mélangé à leur pain. Le lecteur a l'impression de flotter dans un monde flou à la frontière de l'éveil et du cauchemar.

Il y a pourtant quelque chose de très beau (que j’ai déjà vu dans les romans de Jorge Semprun mais cette fois-ci au niveau de l’enfance) c’est la capacité de résistance qui naît de l’amour, de la solidarité, des amitiés qui se forment, tout ce qui, enfin, préserve l’humanité même dans l'enfer des camps. L’écrivaine explore de plus, et c’est très intéressant et émouvant, les particularités de la gemellité, le ressenti de la douleur de l’autre, le manque provoqué par la séparation.

Les personnages du roman sont complexes et le personnage de Mengele en particulier, très ambigu, est paré d’une aura de bon « Oncle » distribuant des bonbons aux enfants, rassurant les parents à l’arrivée à Auschwitz, et exerçant une séduction sur les enfants qui sont fiers de se croire préférés. Un Oncle, oui, mais plutôt comme l’ogre des contes, - on reste toujours dans le domaine de l'enfance-, qui va exercer sur eux les pires atrocités sous prétexte d’expériences scientifiques.
Quant aux adultes prisonniers, victimes et innocents au début, ils ne peuvent sortir indemnes d’une collaboration avec Mengele. C’est le cas de Miri, une femme médecin juive, forcée d’assister le docteur dans ses expériences, ou du "Père des jumeaux" chargé de s’occuper du « zoo » et qui fait pourtant tout pour sauver la vie de ses protégés. Ils ne peuvent échapper aux affres de la culpabilité, sentiment destructeur qui m’a rappelé l’analyse magistrale qu’en avait faite William Styron dans un roman poignant, inoubliable, paru il y a quelques dizaines années : Le choix de Sophie.
Les enfants sont complexes eux aussi car il y a, parmi eux, ceux qui tirent profit de la mort des autres. Quant aux jumelles, Stasha et Pearl si semblables et pourtant si différentes, elles sont particulièrement attachantes.

Le roman débute par le voyage dans les wagons plombés, avec la mère et le grand père des jumelles. Il ne finit pas avec la libération des camps mais plusieurs mois après. On suit certains des enfants rescapés dans leur périple pour regagner leur maison si elle existe encore, leur famille le plus souvent décimée. Parfois des flash-forward au milieu du récit nous laissent entrevoir ce que sera l’avenir.
Le roman s’interroge aussi sur la réponse à l’horreur  des camps entre le pardon ou la vengeance et  se termine par une lueur d’espoir perçant les ténèbres. Un très beau roman..

source Actes sud ici


Affinity K

D'ascendance juive polonaise, Affinity Konar est née en 1978 en Californie. Mischling est son second roman.





voir aussi

Une souris et des livres Ici

Quatre sans quatre Ici

vendredi 8 décembre 2017

Stéphanie Nervesa : Jean-Pierre le poisson pané


Fiche d'Apolline


Logo d'Apolline fiche de lecture  sur Jean Pierre le poisson pané dans le blog Ma librairie claudialucia
Logo d'Apolline


Apolline, (7 ans 1/2) vous présente un drôle de petit livre, Jean-Pierre le poisson pané, qui, on peut le dire, sort un peu de l'ordinaire dans le style livre pour enfants.








Titre du livre :
Jean-Pierre le poisson pané
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Auteure du livre : Stéphanie Nervesa

Illustration : Amandine Dugon

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Editions d'Orbestier : Rêves bleus

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Résumé de la quatrième de couverture

Mes copains ont trop de la chance, ils ont tous des animaux chez eux. Moi je n'en ai même pas ! Du coup, j'ai demandé à Papa et Maman si on pouvait en avoir un. Moi j'aurais bien aimé avoir un chien, un chat ou un hamster comme tous mes amis, mais papa lui, il voyait ça différemment, et on a eu Jean-Pierre...


J’ai aimé l’illustration à la folie ! Parce qu'elle est très drôle. Les personnages ne sont pas très beaux mais sont bien dessinés. On dirait des sorciers et des sorcières. Ils ont des drôles de tête. Le petit garçon et la maman ont des dents bizarres. Dans la maison, il y a des mouches, un barbecue avec des dents, une lampe cochon, la maman a encore le code barre sous sa chaussure. 
Il y a le bazar partout, on aurait dit ma chambre mais maintenant je l'ai rangée.



J'ai aimé histoire à la folie parce qu'elle est très Rigolote !! Au début, le papa ne veut pas d'un animal alors il fait une réunion et décide d'acheter un poisson : tout le monde est content mais quand le papa dit que ce sera un poisson pané tout le monde est contre. Le poisson moisit et on l'enterre dans les toilettes. Et à la fin, ils achètent un nouvel animal et c'est un chat qui s'appellera Jean-Pierre aussi. Et l'histoire est finie. The end !
Mon passage préféré, c'est quand ils font l'enterrement de Jean-Pierre, le poisson pané et qu'ils le mettent aux toilettes et le Papa pleure.

« Il fallait se rendre à l'évidence, Jean-Pierre n'était plus. Papa dut se résigner. On organisa un enterrement à la hauteur du personnage »

L'avis de la grand-mère  


 Complètement allumée l'illustratrice et pas plus sage l'auteure de cette histoire abracadabrande qui semble sortir d'une farce d'Oulipo : offrir un poisson pané comme animal de compagnie à son fils, non mais ... !  Donc, vous l'avez compris, trop sérieux s'abstenir ! Et justement, ce qu'elle cherche Apolline, petite fille sage dans la vie, ce sont des histoires "rigolotes"  et  fofolles. Et là, elle est servie.

Quant à moi, c'est l'illustration qui m'a fait peur. Ces personnages caricaturaux qui pourraient tous être des membres de la famille Groseille, m'ont fait fuir. J'ai été rattrapée par ma petite fille qui m'a mis les images sous les yeux et qui m'a démontré combien elles étaient géniales. Et effectivement quand on les regarde de près, on y découvre un monde un peu surréaliste, toutes sortes de détails bizzaroïdes, amusants, de petites bestioles-objets ou d'objets-bestioles.
D'accord, Apolline, je te suis !
En somme rien de mieux qu'une petite-fille de 7 ans (et demi, n'oublions pas le demi !) pour vous faire sortir de votre conformisme.

mardi 5 décembre 2017

Olivier Guez : La disparition de Josef Mengele



La disparition de Josef Mengele de Olivier Guez

1949  : Josef Mengele arrive en Argentine.
Caché derrière divers pseudonymes, l’ancien médecin tortionnaire à Auschwitz  croit pouvoir s’inventer une nouvelle vie à Buenos Aires. L’Argentine de Peron est bienveillante, le monde entier veut oublier les crimes nazis. Mais la traque reprend et le médecin SS doit s’enfuir au Paraguay puis au Brésil. Son errance de planque en planque, déguisé et rongé par l’angoisse, ne connaîtra plus de répit… jusqu’à sa mort mystérieuse sur une plage en 1979.
Comment le médecin SS a-t-il pu passer entre les mailles du filet, trente ans durant  ?
La Disparition de Josef Mengele est une plongée inouïe au cœur des ténèbres. Anciens nazis, agents du Mossad, femmes cupides et dictateurs d’opérette évoluent dans un monde corrompu par le fanatisme, la realpolitik, l’argent et l’ambition. Voici l’odyssée dantesque de Josef Mengele en Amérique du Sud. Le roman-vrai de sa cavale après-guerre. (quatrième de couverture )

L’autre jour dans un débat à la télévision à propos de Oskar Gröning, ancien comptable d’Auschwitz, qui est jugé actuellement à l’âge de 96 ans ( !), la conversation a fini par porter sur Mengele et le livre d’Olivier Guez. Après tout, a dit l’un des participants, Mengele a été puni de ses crimes puisqu’il a été traqué, obligé de se dissimuler et a vécu dans l’angoisse et la solitude. 

Le roman d’Olivier Guez nous apprend que ce n’est pas entièrement vrai. Josef Mengele a vécu des années à Buesnos Aires, dans la communauté nazie qui s’était installée en Argentine sous la protection du dictateur Peron. Il a habité avec sa seconde femme dans une luxueuse maison, a fréquenté les cercles nazis,  a assouvi sa passion pour l’opéra, et continuer à faire fructifier en Amérique du Sud l’entreprise de son père et sa fortune. Il a pu aller en Suisse pour voir son fils, rendre visite en Allemagne à son père, ancien nazi lui aussi, qui a usé de son influence et de sa fortune pour qu’il ne soit pas inquiété. Après la fin de la dictature de Peron, il a été accueilli au Paraguay et a même obtenu la nationalité du pays. Et si l’angoisse d’être poursuivi et traqué a été sa punition, la fortune de son père pendant de longues années l’a protégé.

Il vous faut lire, comme je l’ai fait,  le très beau et terrible  roman de Affinity K., Mischling, sur les crimes du docteur Mengele, pour comprendre que ce n’est pas suffisant. Il aurait fallu un procès et un jugement pour rendre un véritable hommage à ses victimes, pour permettre aux survivants et aux familles de faire leur deuil. Au lieu de cela nombreux sont les gouvernements qui ont fermé les yeux ou pire collaboré pour sauver les criminels de guerre et ceci pour des raisons idéologiques, ou économiques, ou pour asseoir leur puissance dans le monde !
 C’est le mérite de ce livre, mi-roman, mi-biographie, de montrer la culpabilité de ces pays. Olivier Guez cite l’Allemagne, bien sûr, qui a conservé à la tête du pays tous les grands industriels qui ont aidé le nazisme à l’extermination des juifs et des opposants,  l’Amérique du Sud qui est devenu un repaire pour ces monstres, l’Egypte qui a demandé l’aide de savants nazis pour sa course à l’armement. Il aurait pu parler des Etats-Unis qui n’ont pas été les derniers à récupérer les scientifiques nazis pour la conquête de l’espace, et de l’Italie, en particulier du Vatican, qui a organisé une filière pour assurer leur fuite. Mais ne donnons pas de leçons, en France aussi, on s’est bien gardé de juger les criminels s’ils étaient haut placés, bien sûr !

J’ai lu ce livre avec beaucoup d’intérêt et, si ce n’est pas le premier que je lis sur ce sujet, cela ne m’a pas empêché d’éprouver comme toujours le même sentiment de révolte en pensant aux millions de morts dont ces hommes sont responsables et à la culpabilité des états qui ont entravé les recherches et se sont faits les complices de ces criminels. 

« A Auschwitz, les cartels allemands s’en sont mis plein les poches en exploitant la main-d’oeuvre servile à leur disposition jusqu’à épuisement. Auschwitz, une entreprise fructueuse : avant son arrivée au camp, les déportés produisaient déjà le caoutchouc synthétique pour IG Farben*et des armes pour Krupp. L’usine de feutre Alex Zink achetait des cheveux de femmes par sacs entiers à la Kommandatur et en faisait des chaussettes pour les équipages de sous-marins ou des tuyaux pour les chemins de fer. Les laboratoires Schering rémunéraient un de ses confrères pour qu’il procède à des expérimentations in vitro et Bayer testait de nouveaux médicaments contre le typhus sur des détenus du camp. Vingt ans plus tard les dirigeants de ces entreprises ont retourné leur veste. Ils fument le cigare en compagnie de leur famille en sirotant de bons vins dans leur villa de Munich ou de Francfort. »



* Farben producteur du gaz Zyklon B. utilisé dans le camps nazis, coupable de la mort de six millions de juifs . 


Prix Renaudot

dimanche 3 décembre 2017

Philippe Jaenada : La serpe



Qu’est-ce qui peut provoquer une telle addiction dans un livre de Philippe Jaenada ? C’est ce que je me suis demandé en lisant en deux  jours La serpe, un pavé de plus de six cents pages. Les meurtres qui y sont relatés sont anciens, les coupables ont été jugés depuis longtemps  et la plupart des protagonistes ont maintenant disparu !

Un vrai « polar »
Le château de l'Escoire

Dans La Serpe, Philippe Jaenada enquête comme il sait si bien le faire sur un triple assassinat qui a eu lieu dans le château de l'Escoire en Périgord, pendant la guerre de 1940. J’ai eu envie de lire ce roman quand j’ai appris que Henri Girard accusé d’avoir tué son père, sa tante et la bonne, n’était autre que Georges Arnaud, l’auteur de Le salaire de la peur. Ce livre paru dans les années 50,  à l’écriture puissante, a donné lieu à plusieurs adaptations : celle de Clouzot, en particulier, avec Charles Vanel et Yves Montand.

Philippe Jaenada procède, quand il prend en charge une affaire, exactement comme le ferait un enquêteur chargé de trouver le criminel. Il retourne sur les lieux du crime, examine les indices, s’imprègne de l’atmosphère; et, puisqu’il s’agit d’un évènement ancien, consulte les archives, les minutes du procès, la correspondance des principaux personnages. Au lieu de remonter le temps, il le descend, il s’immerge dans l’époque. Pas étonnant qu’il soit alors habité par des fantômes et qu’il puisse éprouver la chair de poule en  mettant  son pas dans les traces de l’assassin. Chemin faisant il nous fait part de ses doutes, s’il en a (et c’est le cas pour cette enquête) puis il apporte sa propre vision de ce qui s’est passé.
Il s’agit donc pour le lecteur d’une véritable enquête policière dans lequel les ressorts romanesques sont les mêmes que ceux d’un bon vieux « polar » ! Empathie pour les victimes, frissons, horreur des crimes commis, curiosité et questionnement sur la véritable identité du coupable, résolution de l’énigme.
Et comme dans tout bon roman policier, nous découvrons ici la société française de l’époque. Ainsi l’antagonisme plus ou moins larvé entre châtelains et villageois, entre maîtres et employés semble jouer une grand rôle. La misère est très répandue dans cette France de la province, les inégalités sociales très marquées. De plus tout est exacerbé par les privations dues à la guerre. L’occupation allemande et le gouvernement de Vichy servent de toile de fond à ce drame et entrent en ligne de compte dans les motivations des personnages. Quant à la justice française, j’espère qu’elle a fait des progrès car la manière de conduire une enquête à cette époque-là est extrêmement inquiétante !

Un  enquêteur  bourré d’humour

Philippe Jaenada (source)
L’inspecteur ? Allons, soyons bons ! Accordons lui le grade de commissaire! Le commissaire Jaenada ne peut s’empêcher de se glisser dans le récit et devient ainsi un personnage à part entière comme dans un roman de Fred Vargas.  Et ceci par le biais des fameuses digressions jaenadiennes.  Et bien oui, vous partagez tout de ses états d’esprit, de ses peurs bleues, de ses vagues-à-l’âme, de ses amours aussi, sa femme et son fils…   Et avec quel humour !
Ainsi,  vous saurez qu’il aime la solitude et la retraite, du moins c’est ce qu’il prétend ! Mais quand il part quinze jours en Périgord, c’est pire que s’il partait six mois en Sibérie au bord du lac Baïkal comme dans le dernier roman que  je viens de lire de Sylvain Tesson. Heureusement,  pour se coucher, il a emporté  son « doudou », euh! je veux dire le foulard de sa femme ! Il est vrai que l’épreuve est grande pour un Parisien comme lui de partir ainsi dans le Périgord, une région sauvage et désolée avec des autochtones peut-être hostiles, on ne sait jamais !
J’adore ce style d’humour ! Je m’arrête sur ce sujet, en précisant que l’humour permet de désamorcer la tension qui naît de l’atrocité et de la sauvagerie de ces assassinats qui nous sont décrits avec précision.

L’analyse psychologique et la structure du livre

Henri Girard  : Georges Arnaud
L’écrivain est excellent dans l’art de l’analyse psychologique à travers les lettres, les écrits, mais aussi les déclarations des uns et des autres car tout est consigné au cours du procès et les nombreux témoignages permettent de brosser un portrait du suspect assez complexe.
 Il y a, et c’est ce qui me passionne,  une mise en abyme de Henri Girard comme s’il était vu dans une succession de miroirs qui  renvoient des images contradictoires.  Par exemple, selon le point de vue, Henri Girard peut apparaître comme un sale gosse de riches, dépensier, caractériel, un individu méprisable, violent, capable de tous les crimes, plein de haine envers son père et sa tante. Mais aussi et en particulier à travers la correspondance qu’il entretenait avec son père, il peut être un enfant traumatisé par la mort de sa mère, mal dans sa peau,  arrogant, certes, mais un fils aimant et respectueux, un homme très intelligent et cultivé,  engagé contre le nazisme, un humaniste qui venait en aide aux plus pauvres.. 
La structure du livre en deux parties va jouer sur les deux facettes du personnage et nous amener à un dénouement inattendu mais spectaculaire !

 Prix Fémina 2017

Voir l'avis de Keisha  Ici  
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vendredi 1 décembre 2017

Sylvain Tesson : Dans les forêts de Sibérie



Dans les forêts de Sibérie -qui a obtenu le prix Fémina 2011 - est le journal tenu par Sylvain Tesson pendant six mois passés dans une cabane au bord du lac Baïkal. De Février au mois de juillet, six mois dont quatre sous la neige, près du lac gelé, au milieu des tempêtes, à 35 kilomètres de son premier voisin et 130 km du second.
On se dit au départ que ces mois vont être passés dans la solitude la plus totale et vont correspondre à une recherche spirituelle, à une quête de la paix et de la beauté. C’est du moins ce qu’il annonce dès le début  :

"Dans ce désert, je me suis inventé une vie sobre et belle, j’ai vécu une existence  resserrée autour de gestes simples. j’ai regardé les jours passer, face au lac et à la forêt. J’ai coupé du bois, pêché mon dîner, beaucoup lu, marché dans les montagnes et but de la vodka."

J’avoue que j’ai eu une crainte en lisant ce préambule, c’est que le livre soit une leçon de morale sur l’iniquité de la civilisation urbaine, l’imbécillité de notre vie non-contemplative, et tout cela assaisonné de compassion pour nous, pauvres mortels, entassés dans nos HLM.
Les tirades sur l’horreur de la vie moderne, elles y sont d’ailleurs, la contemplation de la nature, les gestes simples aussi. Quant à la vodka, ne vous imaginez pas l’auteur sirotant en épicurien un petit verre au coin du feu. Non, la solitude est noyée dans l’alcool, des litres de vodka et bière ingurgités seul ou avec des amis russes de passage, des beuveries renouvelées qui le laissent ivre mort.
D’où ma surprise ! Non que je pose en moraliste, mais parce que sa « vie sobre et belle » me paraît plutôt en contradiction avec cette rage auto-destructrice. Ceci dit, il est tout à fait libre de se suicider de cette manière. Il revendique ce droit, d’ailleurs, puisqu’il ne veut pas « mourir en bonne santé ».
Peu à peu, le portrait de Sylvain Tesson qui se dessine en creux est celui d’un homme plein de contradictions. Ces mois vécus en solitaire avec la nature, le laisse seul avec ses « fantômes». C’est un homme tourmenté qui dans son « cercueil de bois »,  c’est à dire sa cabane, compte sur la vodka et ses cigarillos pour « combattre ses démons » ; un homme qui refuse la civilisation, qui ne veut vivre que de ce qu’il pêche et ne se chauffer que du bois qu'il coupe, mais qui utilise les pires productions de cette civilisation, l’alcool et le tabac.. 
Enfin, en proie au doute, il parvient à une conclusion qui est contraire à tout ce qu’il avait affirmé au début  :  

 « Le courage serait de regarder les choses en face : ma vie, mon époque et les autres. La nostalgie, la mélancolie, la rêverie, donnent aux âmes romantiques l’illusion d’une échappée vertueuse. Elles passent pour d’esthétiques moyens de résistance à la laideur mais ne sont que le cache-sexe de la lâcheté. Que suis-je ? Un pleutre, affolé par le monde, reclus dans une cabane, au fond des bois. Un couard qui s’alcoolise en silence pour ne pas risquer d’assister au spectacle de son temps ni de croiser sa conscience faisant les cent pas sur la grève. »

C’est à partir de ce moment, quand il perd ses certitudes, que je me suis vraiment intéressé à lui. L’auteur a parfois montré le sourd travail de la solitude, du face à face avec lui-même, de l’inhumanité de la nature si belle mais qui n’est pas à échelle humaine. Ainsi, il décrit la cabane secouée par le vent d’une terrible violence, les craquements sinistres du lac dont les glaces s’entrechoquent. Il raconte qu’une main surgit du lac et lui attrape la cheville. Parfois il note au passage l’ennui, la longueur du temps, le manque d’amour. Mais hélas, c’est toujours d’une manière trop allusive puisqu’il veut prouver le contraire,  que la nature est apaisante.
Elle l’est aussi, bien sûr. Il décrit le bonheur d’être là dans cette cabane bien chauffée, les lectures qu’il partage avec nous, les longues heures de patinage sur la glace et les courses en montagne. Et puis, il y a ses mésanges familières qui arrivent dès qu’elles entendent le son de sa flûte; ses petits chiens qui lui font la fête, des moments de bonheur qui provoquent chez lui une réflexion sur le rôle que jouent les animaux et leur amour sans calcul, comme remède à la solitude. La beauté du lac gelé et ses couleurs changeantes, son immensité. Enfin l’arrivé du printemps qui donne lieu à des pages pittoresques.
Il dresse aussi les portraits des gens qui le visitent et qui ressemblent parfois à des personnages de Dostoievsky. C’est surtout chez les autres d’ailleurs qu’il parvient à cerner combien la Sibérie modèle le caractère des gens et les transforme.  On a un peu l’impression qu’il refuse de s’analyser et qu’il est bien plus libre et perspicace quand il s’agit des autres. Puis, après un « cataclysme » personnel et sentimental qui vient bouleverser sa vie, on assiste à une rupture des digues qu’il maintenait autour de lui pour ne pas se livrer.  Il accepte de reconnaître que sa thèse de départ sur la civilisation n'est pas entièrement juste, ce qui n'enlève rien d'ailleurs à son amour de la nature et son respect des êtres qui y vivent.

« Ce n’est pas l’entassement dans le parc urbain qui rend méchant, ni le stress provoqué par la pression marchande qui transforme l’homme en rat hargneux, ni la rivalité mimétique de la promiscuité qui commande « aux frères de se haïr «  (Coupar dans Tiqqun). Au Baïkal, séparés par des dizaines de kilomètres de côtes, vivant dans la splendeur des bois, les hommes se déchirent comme des voisins de palier d’une vulgaire métropole. Changez le cadre, la nature des « frères » restera la même. L’harmonie des lieux n’y fera rien. L’homme ne se refait pas. »


Il y a donc bien des pensées intéressantes dans ce journal de Sylvain Tesson, et aussi des passages très bien écrits ou le style nous remue mais… ils alternent parfois avec quelques pages banales et sans grand intérêt. Et c’est dommage car l’on sent que ce journal aurait pu être plus riche.

Voir le film-vidéo de Sylvain Tesson ici :

Les avis sont très différents selon les participantes. Je vous invite à aller voir les organisatrices du blogoclub :  Amandine et Florence et toutes les autres lectrices.
 

Lecture commune  du Blogoclub



et Sylire ; Titine ; Gambadou;  Itzamna

Hélène Ici  nous a accompagnées  avec un autre livre de voyage : L'usage du monde de Nicolas Bouvier

mercredi 29 novembre 2017

Sylvain Tesson : L'homme libre possède le temps

Lac Baïkal (source)
Vendredi 1er décembre la lecture commune du blogoclub porte sur le livre de Sylvain Tesson : Dans les forêts de Sibérie. L'auteur a passé six mois dans une cabane au bord du lac Baïkal. Voici un extrait du texte en avant-goût.


L'homme libre possède le temps. L'homme qui maîtrise l'espace est simplement puissant. En ville, les minutes, les heures, les années nous échappent. Elle coule de la plaie du temps blessé. Dans la cabane, le temps se calme. Il se couche à vos pieds en vieux chien gentil et, soudain, on ne sait même plus qu'il est là. Je suis libre parce que mes jours le sont.


mardi 28 novembre 2017

Jean-Louis Fetjaine : Les reines pourpres tome 1 et tome 2




Les reines pourpres de Jean-Louis Fetjaine explore l’histoire de France à l’époque des Mérovingiens. Après la disparition de Clovis (511) le royaume divisé entre ses fils revient à leur mort au seul survivant Clotaire 1er (498-561). Celui-ci a quatre fils de deux femmes différentes, Ingonde et Arnegonde, qui vont à leur tour se partager le royaume. C’est à Chilpéric (539-584), le cadet, né du second mariage, que va revenir la plus petite partie du royaume. Il n’aura de cesse de l’agrandir en attaquant ses frères aînés, en particulier Sigebert (535-575).
Les deux volets de Les Reines pourpres vont s’intéresser simultanément aux épouses de Chilpéric et Sigebert  :  Frédégonde et Brunehilde.




Les voiles de Frédégonde, tome 1, conte l’histoire de cette jeune femme, née esclave, gauloise destinée à être courtisane sacrée selon les rites anciens, qui se fera épouser en troisième noce par le roi franc Chilpéric.
C’est un personnage plein d’ambition et qui ne s’embarrasse pas de scrupules. Elle se fait passer pour franque en prenant le nom de Frédégonde qui signifie à la fois : la paix et la guerre. Elle va aussi, très intelligemment, se convertir à la religion chrétienne. Elle poussera Chilpéric à accroître son royaume au prix de trahisons, de meurtres et de guerres.
Le portrait de Frédégonde est impressionnant. C’est elle qui est la narratrice si bien que le lecteur partage ses pensées intimes et ses secrets, ce qui crée une certaine connivence, du moins au début.  On ne peut pas la trouver entièrement antipathique et pourtant… !
Peu à peu se révèle le portrait d’une terrible meurtrière. Après avoir envoyé la première femme de Chilpéric au couvent, elle fera assassiner la seconde épouse, Galwinsthe, mais aussi Silgebert, le frère de Chilpéric. Plus tard quand Mérovée, le fils  du premier mariage  de son mari, menace la succession de ses propres enfants, elle le fera aussi disparaître.  Elle a raté l’assassinat de son propre fils et de sa fille ! Une reine pourpre !

Le roman est réussi aussi parce qu’il nous fait découvrir le monde des Francs, leur mentalité, leurs moeurs, leur langue à travers les prénoms des hommes et des femmes, sans sacrifier la petite histoire et les personnages. Nous assistons aussi à la lutte entre le temporel et le spirituel. Dans les balbutiements de la christianisation, l’église essaie d’asseoir sa domination sur la royauté et la noblesse franque. On voit comment elle parvient à régner en brandissant la menace de la damnation éternelle dans l’au-delà et, dans la vie temporelle, en jouant sur la peur de l’excommunication.

Jean-Louis Fetjaine, diplômé d’histoire médiévale et de philosophie connaît bien son sujet et réussit un livre qui fait la part belle à l’Histoire, tout en entraînant le lecteur dans un récit romanesque que l’on ne lâche pas.



 Dans le tome II de Les Reines pourpres, Les larmes de Brunehilde, c’est l'épouse de Sigisberg qui conte l’histoire.
Si Brunehilde est un adversaire à la mesure de Frédégonde, le personnage n’a pas la même présence romanesque qu'elle. 
Brunehilde est une femme de sang-froid, consciente de sa valeur, de sa beauté, de sa supériorité. Elle est fille du roi des Wisigoths d’Espagne, est fière de sa race et de son rang. Elle a tout pour être, au même titre que sa rivale, une héroïne de roman !
Mais dans ce second tome, le romanesque s’efface pour laisser la place à l’Histoire, une succession, que dis-je, une avalanche, de guerres et de complots qui finissent par être lassants. L’équilibre très difficile à maintenir dans un roman historique entre la  grande et la petite histoire, est partiellement rompu dans ce second tome. C’est ce qui explique que je l’ai moins  apprécié.

J'ai regretté de ne pouvoir me laisser emporter par ce second tome comme par le premier. Cependant les deux livres nous permettent  de voyager bien loin dans l'histoire de France, dans cette période d'un Haut Moyen-âge souvent peu connue de nous.

dimanche 26 novembre 2017

Avignon : Exposition Fondation Lambert

Adel Abdessemed : Coup de tête exposé à Beaubourg et au Qatar
Même si vous n'êtes pas sportifs, cette statue gigantesque doit évoquer un souvenir pour vous, celui de Zinedine Zidane donnant un coup de tête à Marco Materazzi. C'est elle qui accueille les visiteurs à l'entrée de la dernière exposition 2017 - qui vient de se terminer ce mois-ci- de la fondation Lambert, musée d'art contemporain d'Avignon. Une magnifique exposition riche et variée !

L'exposition présente quatre volets :

1)  Leila Alaoui



La première partie de l'exposition est un hommage à Leila Alaoui,  artiste photographe et vidéaste franco-marocaine née en 1982. Elle est  morte en janvier 2016 lors des attaques terroristes de Ouagadougou.  L'exposition commence par une lettre de Yasmina Alaoui à l'assassin de sa soeur Leila intitulée Je te pardonne.
Sur les murs tendus de noir de grandes photos en couleur de Leila Alaoui prises au Maroc :




Leila Alaoui

Exposition Fondation Lambert Avignon Leila Aloui photographe et vidéaste
Leila Aloui






2 ) On aime l'art ! Oeuvres de la collection Agnès B.

 

Dans la seconde partie de l'exposition, le choix fait par le directeur de la Fondation Lambert, Eric Mezil, d'oeuvres qu'elle a collectionnées permet de dresser un portrait d'Agnès B. styliste, réalisatrice de cinéma, mécène et découvreuse de talents. Plusieurs centaines de tableaux, classés par thématique, composent cette partie de l'exposition. Impossible de tout montrer ni de tout photographier ! Je ne vous montrerai que quelques unes de ces oeuvres choisies parmi celles que je préfère. J'ai fait des recherches sur le Net pour en savoir plus sur ces artistes que, parfois, je ne connais que de nom ou pas du tout. Et cela m'a donné envie de découvrir plus d'oeuvres de tous.

 Chéri Samba (Congo)

Exposition à la Fondation Lambert à Avignon : Chéri Shamba (acrylique et paillettes sur toile)
Chéri Shamba (Congo) détail (acrylique et paillettes sur toile)
La première salle est dédiée à L'Afrique. Le politicien dans ce tableau de Chéri Samba, peintre contemporain de la République du Congo, est assis sur son trône et ses billets de banque. C'est lui qui est responsable de l'exil de son peuple.

Chéri Shamba : Voyage clandestin (détail)
Les voyageurs clandestins se retrouvent devant un porte fermée...

Chéri Samba : Voyage clandestin (détail)
Un gros cadenas symbolise le rejet de l'Europe qui refuse de les accueillir.  La peinture de Chéri Samba s'inspire de la culture populaire et de la BD. Elle est souvent accompagnée de textes qui présentent une satire sociale.

John Goba (Sierra Leone)

Fondation Lambert, musée d'art contemporain d'Avignon John Goba (Sierra Leone) sculpture de bois avec des épines de porc épic collection Agnès B.
John Goba : sculpture de bois avec des épines de porc épic collection Agnès B.


 Cette oeuvre de John Goba ( Sierra Leone) en bois peint et épines de porc épic  auxquelles sont attribuées des vertus protectrices, porte le titre anglais The chief's Temple.  Cette sculpture est un coup de coeur pour moi, même si je ne comprends pas ce qu'elle représente. Le texte suivant sur ce site ICI  me révèle que je ne suis pas la seule!

 "John Goba originaire de Mende en Sierra Leone, est né dans la Bondo Society (société secrète des femmes) dans laquelle sa grand-mère jouait un rôle important. Cette société donne à ses initiés une identité sociale et une plus large compréhension du monde. Le monde au sens large, celui occupé par les vivants, les morts et les dieux. A l'issue de son initiation, il s'installe sur Mountain Cut à Freetown, où vers l'âge de trente ans il eut une révélation (les artistes des peuples de la forêt expliquent ainsi l'origine de leurs activités artistiques). "



"Ses sculptures réalisées en bois, colorées de peintures industrielles, s'inspirent des savoirs traditionnels, des secrets et des contes des différentes ethnies. Mais il prend des libertés à l'égard des traditions et réalise des sculptures qui résultent d'un savant mélange de son imaginaire fantastique et de figures empruntées aux "histoires" traditionnelles. Une multitude d'épines de porc-épic plantées sur les personnages principaux assurent leur protection et "interdisent " l'accès au "coeur" de la sculpture. Chaque oeuvre illustre des "histoires" dont seul Goba détient les clés."

Nebay (France)

Nebay : Les balançoires les plus solides sont accrochées aux étoiles (2015)

J'adore cette peinture-sculpture et son titre car ils forment à tous les deux un poème. La blancheur de la réalisation donne un aspect immatériel à l'ensemble, une pureté liée à l'enfance par l'intermédiaire de la balançoire. Cette oeuvre rappelle l'importance du rêve et de l'idéal dans un monde matérialiste. 
Nebay est un artiste français, taggueur et gaffeur, qui marque l'espace urbain par ses message sociaux. Peintre, il est proche de Pollock et ses toiles  se caractérisent par des couleurs vives et lumineuses. Je ne résiste pas à vous monter celle qui suit même si elle ne fait pas partie de l'exposition.

Nebay

Jivya Soma Mashe (Inde Maharashtra)

Jivya Soma Mashe (Inde Maharashtra) peinture acrylique et bouse  exposition de fondation Lambert à Avignon
Jivya Soma Mashe  (acrylique et bouse sur toile)
Jivja Soma Mashé  né en Inde dans l'état du Maharashtra est représentatif de la peinture de la tribu des Warli.  Jivya Soma Mashé reprend des motifs de peintures traditionnelles rituelles pour en faire une création personnelle, libre et originale. Il connaît parfaitement les mythes sacrés de son pays et les représentent sur ces toiles. Le carré au centre la toile est réservé au sacré. Le cercle et le triangle sont issus de l'observation de la nature. Les hommes sont représentés comme des triangles inversés et le cercle figure leur tête. Ses toiles ont une valeur esthétique mais aussi spirituelle. C'est un artiste est mondialement connu qui a donné à l'art Warli toute sa notoriété.
Il est très difficile de photographier les oeuvres à la fondation Lambert à cause des grandes baies vitrées de ce magnifique hôtel particulier et aussi de son éclairage au néon. Donc, je vous montre d'autres tableaux de lui qui n'étaient pas dans l'exposition.


Jivya Soma Mashe  art warli Exposition Fondation Lambert collection Agnès B.
Jivya Soma Mashe : art Warli

Jivya Soma Mashe : art Warli Inde maharashtra
Jivya Soma Mashe : art Warli

Jivya Soma Mashe : Le pêcheur de l'impossible
Le minuscule pêcheur qui lance un immense filet a été peint bien des fois par Jivja Soma Mashe. Regardez la petite silhouette au sommet et le grand filet qui se remplit de poissons.


Chano Devi (Inde, le Mithila )

 

Fondation Lambert exposition 2017 Chano Devi : Inde art du Mithila peint à la bouse de vache sur papier
Chano Devi : Inde art du Mithila peint à la bouse de vache sur papier
En Inde, dans l'ancien royaume de Mithila (état du Bihar), la peinture était réservée aux femmes et représentait un art populaire important dont le style dépendait des trois castes qui divisaient la population : les brahmanes, les Kayasth  et les Dusadh ou Intouchables.
Le système des castes ayant un peu perdu de son importance, les femmes Dusadhs ont commencé à peindre en s'inspirant de leurs propres traditions et techniques. Chano Devi en s’inspirant des tatouages crée un style connu sous le nom de Godhana (Godna signifiant tatouage)

Les deux oeuvres sur papier réalisées en 1999 de Chano Devi à la fondation Lambert sont peintes avec de la bouse de vache. J'ai cherché d'autres images du travail de l'artiste sur le net. Ses réalisations en couleurs sont très belles et originales. Jadis, seuls les Brahmanes pouvaient  peindre avec des couleurs.

Chano Devi : Inde art du Mithila

Ardhanareeswara est le symbole de l'unité du savoir et de la nature



Sol LeWitt




Sol LeWitt est un artiste américain conceptuel et minimaliste. Il y a eu une exposition de ses dessins muraux au centre Pompidou qui témoigne d'une grande diversité dans les formes, les couleurs et les techniques de LeWitt. C'est le seul dessin de cette exposition. Il restructure cette salle d'une manière étonnante. Le jeu des couleurs et des formes donnent un mouvement, une belle luminosité à l'ensemble. 

Mona Hatoum (Liban)


Fondation Lambert Avignon  : Mona Hatoum : Keffieh cheveux humains
Mona Hatoum : Keffieh réalisé avec des cheveux humains

Mona Hatoum est née à Beyrouth au Liban; elle est d'origine palestinienne et vit maintenant en Angleterre. Kieffieh s'inspire du foulard des femmes palestiniennes aux motifs noirs et blancs. Réalisé avec des cheveux humains, enfermé dans une table-vitrine comme dans un cercueil de verre, il constitue une oeuvre d'art un peu étrange.  On se demande ce que c'est et ce  que veut dire cette création. Mona Hatoum y répond en disant  : "Je voudrais que cette stupide tradition cesse pour qu'enfin tout le monde, homme ou femme puisse montrer ses cheveux sans aucune honte."

Mona Hatoum  artiste plaestiennen née au Liban: Keffieh réalisé avec des cheveux humains Fondation Lambert Avignon collection Agnès B.
Mona Hatoum : Keffieh réalisé avec des cheveux humains

Anselm Kieffer (Allemagne)

Les filles du Rhin  (1998) Anselm Kieffer et Pierre de lait (1980) Wolfgang Laib

Les filles du Rhin de l'artiste allemand Anselm Kieffer est réalisé à partir de photographie et du plomb sur toile. La couche de plomb semble  brisée par moments et laisse apercevoir à travers la brèche un paysage d'eau et de forêts, un paysage étrange, qui semble émerger de la brume ou même peut-être d'un Ailleurs, d'un au-delà de la vie.
La pierre de lait de Wolfgang Laib est une plaque en marbre de Carrare sur laquelle est versé du lait chaque jour renouvelé. C'est d'un blanc absolu, brillant, mouillé, onctueux. J'aime ce retour à la mère  nourricière (le lait), j'aime cette pureté, cette absence, qui procurent une impression d'apaisement, un moment de silence et de quiétude dans une monde bruyant et tourmenté, déconnecté de la Nature.

Les filles du Rhin (détail)

3 ) Anselme Kieffer : La vie secrète des plantes


La vie secrète des plantes Anselm Kieffer  tableaux prêtés par Beaubourg pour son 50 ième anniversaire exposition Fondation Lambert Avignon
La vie secrète des plantes Anselm Kieffer

Toutes les oeuvres en plomb ont été réalisées à partir du plomb de la cathédrale de Cologne bombardée par les Alliés. Anselm Kieffet avait deux mois à la fin de la seconde guerre mondiale. Il est né dans une Allemagne ruinée, entièrement dévastée. L'utilsation des matéraux appartenant à la cathédrale montre sa volonté de redonner vie à l'art sur les ruines du passé.

Somptueux, cet ensemble de tableaux immenses qui couvrent tout le mur de la salle et qui présentent des branches d'arbres reliées par des fils aux constellations. La vie secrète des plantes ! Le saviez-vous qu'elles étaient ainsi directement reliées au cosmos ? Vous l'apprenez avec Anselm Kieffer qui nous rappelle ainsi que la nature forme un Tout et que l'homme n'est qu'une infime partie de l'univers.










Avignon fondation Lambert  exposition 2017 La vie secrète des plantes : Anselm Kieffer
La vie secrète des plantes : Anselm Kieffer


Anselme Kieffer a créé toute une série sur les cathédrales de France lors d'une exposition qui a eu lieu à Paris. C'est d'une  telle beauté que je souhaiterais pouvoir voir ces oeuvres réunies !


Anselme Kieffer cathédrale de France

4 ) Keith Haring


Avignon exposition 2017 à la fondation Lambert : Keith Harring
La grande salle du deuxième étage est consacrée à Keith Harring, peintre, sculpteur, dessinateur américain, d'abord taggueur, universellement reconnu de nos jours.  C'est là, entre ces murs blancs et vastes que l'on est sensible à l'esthétique de l'oeuvre de l'artiste alors que j'avais jusqu'à maintenant été sensible surtout au message social et satirique.


Avignon   fondation Lambert : Keith Harring Masque noir et blanc
Avignon exposition 2017 à la fondation Lambert : Keith Harring






Avignon exposition 2017 à la fondation Lambert : Keith Harring
Keith Harring



Avignon exposition 2017 à la fondation Lambert : Keith Harring
Avignon exposition 2017 à la fondation Lambert : Keith Harring



fondation Lambert : Keith Harring
Avignon exposition 2017 à la fondation Lambert : Keith Harring


La fondation Lambert