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samedi 28 janvier 2017

Henning Mankell : Le chinois




Le chinois concocté par Henning Mankell ( un livre policier sans son personnage fétiche Kurt Wallander) se perd dans trop de directions à la fois, une intrigue complexe avec des ramifications, toutes plus ou moins imbriquées les unes dans les autres  : D'abord, l’intrigue policière proprement dite qui commence avec la découverte en janvier 2006 du meurtre des habitants d'un village dans le Nord de la Suède, crimes odieux où le meurtrier a cherché à faire souffrir ses victimes. L’acte d’un fou? C’est ce que pense la policière Vivi Sundberg. Ou au contraire, acte prémédité, réfléchi, longuement mûri? comme le croit la juge Birgitta Roslin qui est impliquée indirectement dans l’enquête. Les parents adoptifs de sa mère sont parmi les victimes.

 L’enquête nous entraîne ensuite fort loin de la Suède, d’abord à Canton puis dans le Névada, loin aussi dans le passé, du XXI siècle, à la fin du XIX siècle. Mankell écrit alors un récit féroce de la traite des chinois aux Etats-Unis. A leur arrivée, ils sont enrôlés sur les chantiers de construction des chemins de fer par des sociétés que l'on peut qualifier d'esclavagistes. Privés de liberté, travaillant dans des conditions inhumaines et dangereuses, ils sont souvent placés sous la surveillance d'Européens, suédois, irlandais, pauvres blancs eux-mêmes immigrés, qui les mènent à la baguette et les considèrent comme des inférieurs.  Racisme, terrible exploitation économique, barbarie.

Enfin la troisième partie de l’enquête nous mène vers le dénouement dans la Chine d’aujourd’hui puis en Afrique dans une résolution plutôt  alambiquée de l'affaire.

J’ai trouvé le roman inégal, la première partie  avec la découverte du crime est correcte mais le récit qui concerne les trois frères lui est supérieur, bien écrit, avec des personnages forts. Nous sommes en empathie avec eux, San, Guo et Wu, dont le destin nous touche et nous révolte. C'est un fragment de l'histoire des Etats-Unis pas très glorieux mais intéressant qui est présenté.
Par contre, le récit sur la Chine contemporaine n’a manifestement pas inspiré Mankell. La description du pays est peu révélatrice, on dirait que Mankell ne le connaît pas et Birgitta Roslin semble plutôt s’ennuyer dans son rôle de touriste ! Quant à son enquête, elle repose sur des hasards, des coïncidences parfois tirées par les cheveux. La partie consacrée à l'Afrique ne m'a pas convaincue non plus.  J’ai donc trouvé cette partie nettement plus faible. Ce n'est donc pas, à mon avis, l'un des meilleurs livres de Mankell même s'il se lit bien.  Et c’est dommage !

Voir  :
Aifelle
 
















mercredi 4 novembre 2015

David Lagercrantz : Millenium 4 ce qui ne me tue pas..


Parmi les reproches des détracteurs de Millenium 4, il y en a un qui revient sans cesse :  celui d’être un produit de marketing, ce qui est incontestable… Ecrire et publier une suite à cette trilogie après la mort de l’auteur peut en effet, inspirer quelques craintes.
J’ai eu envie, pour ma part, de le découvrir malgré toute cette polémique et je me suis dit que le roman ne pouvait être entièrement mauvais sinon Actes Sud ne l’aurait pas publié. Vous voyez ma confiance en cette maison d’édition. Je ne l'ai pas regretté.

Se posent les questions suivantes quand on aborde la lecture de Millenium 4 : 

Le roman est-il inférieur ou égal au roman d’origine?  Retrouvons-nous les personnage tels que nous les avons découverts et appréciés? Mais on pourrait aussi se demander tout simplement : est-ce un bon polar?


Lisbeth Salander interprétée par Noomi Rapace

J’ai beaucoup aimé les trois premiers « Millénium » : le personnage de Lisbeth Salander m’a fascinée comme la plupart des lecteurs, je pense! Cette Fifi Brin d’acier pour adultes était absolument géniale; une superwoman dotée de pouvoirs fabuleux qui prenait sa revanche, pour notre plus grand bonheur, sur les « méchants » qui n’aimaient pas les femmes. Le roman nous plongeait dans une Suède située entre le réalisme le plus sordide et le conte le plus farfelu, ceci grâce à son héroïne et au journaliste Michael Bloomkvist. Tous deux nous permettaient de découvrir la Suède actuelle bien loin de l’image du pays modèle qui nous était habituel. Ils nous plongeaient aussi, au cours de leurs investigations, dans son passé peu reluisant marqué par le nazisme, idéologie haineuse qui infecte la société actuelle.

Mikael Blomkvist interprété par Daniel Graig

Que deviennent les personnages de Stieg Larsson dans le roman de David Lagercrantz? 

Michael Bloomkvitz apparaît ici fatiguée, traversant une mauvaise passe, à un moment difficile de sa carrière, découragé par la menace qui pèse sur son journal. Il me paraît très crédible et vrai dans ce rôle de perdant qui va peu à peu reprendre du poil de la bête. Lisbeth Salander, elle ne m’a pas totalement convaincue. Certes, elle accomplit des exploits mais elle me paraît moins présente, moins au centre de l’action. Mais si Lisbeth me déçoit par rapport à l’original, j’ai, par contre, aimé les personnages qui sont les créations de l’auteur, qui sortent de  son imagination.

 Le personnage du petit garçon autiste, August, au regard étrange, savant doté de connaissances hors du commun dans le dessin et les mathématiques, enfant fragile et attachant, est un « super héros » et peut rivaliser avec Salander! Ce serait bien qu’il devienne un personnage récurrent s’il doit y avoir une suite à cette histoire comme tout semble l’annoncer. J’ai aimé aussi le père d’August, le savant obnubilé par ses recherches dans le domaine de l’intelligence artificielle, poursuivi par les services secrets américains alliés à la maffia, qui découvre l’amour paternel en retrouvant son fils dont il avait été séparé à cause de sa propre  négligence. C’est un personnage bien campé, qui préfère détruire l’oeuvre de toute une vie plutôt que de la voir mal exploitée. C’est lui qui pose l’éternel problème de « science sans conscience… », de la science et de l’éthique, toujours et de plus en plus tragiquement actuel.

D’autre part, en pointant du doigt les services de contre-espionnage américains, suédois et russes, David Lagercrantz sonde les pouvoirs abyssaux de ces organismes, la violation organisée de notre vie privée, la négation de la démocratie.  Big Brother a cessé d’être une fiction, Big Brother surveille vos faits et gestes.

J’ai lu chez Dominique (voir son billet dans A sauts et à gambades ici) qu’il faut être passionné en informatique pour parvenir à s’intéresser au roman. Il est vrai que les explications sont ardues, et surtout longuettes, bien qu’on nous les présente comme simplifiées, mais cela ne m’a pas outre mesure gênée. J’ai jugé, par contre, les thèmes intéressants et les personnages créés par Lagercrantz convaincants.

La trilogie de Larsson, brillante, m’a certainement plus captivée, plus subjuguée que le Millénium nouveau mais celui-ci est un bon roman. David Lagercrantz gagnerait, certes, à éviter les longueurs, à élaguer les détails techniques et à être moins didactique, mais c’est un écrivain qui sait faire vivre des personnages et conter une histoire.

vendredi 26 juin 2015

Per Olov Enquist : Le médecin personnel du roi


Dans Le médecin  personnel du roi, Per Lov Enquist raconte un moment de l’histoire du Danemark au XVIII siècle. Christian VII,  roi du Danemark et de Norvège, a une intelligence brillante mais un gouverneur trop brutal le fait vivre dans la peur et la violence si bien que l’enfant devient instable souffre de troubles hallucinatoires, de crises de terreurs et de panique, avant de tomber progressivement dans la folie. Dès lors il n’est plus apte à gouverner, ce qui fait bien l’affaire des conseillers du Royaume qui peuvent ainsi gouverner à sa place.

Christian VII du Danemark

Mais lors d’un séjour de Christian VII en Europe, on  le confie  au docteur Struensee qui gagne la confiance et l'amitié du malheureux souverain. Johann Friedrich Struensee va exercer une telle emprise sur lui qu’il devient son premier ministre, le seul autorisé à signer des documents sans avoir besoin de la signature royale. Autant dire que le médecin est l’égal du roi et même plus puisqu’il règne seul, le jeune malade ne pouvant comprendre ce qui se passe. Malgré la vindicte des conseillers, Struensee gagné aux idées philosophiques, de Voltaire à Rousseau en passant par Diderot, en profite pour entreprendre des réformes fondamentales, révolutionnaires, très audacieuses, qui suscitent le mécontentement non seulement des nobles mais du peuple. De plus, l’amour réciproque de Johann Friedrich Struensee et de la reine, Caroline Mathilde de Hanovre, soeur du roi d’Angleterre George III, épouse de Christian VII qui a peur d’elle et la délaisse, va être un des facteurs de sa chute…
Un complot fomenté par tous ceux qui souhaitent sa perte, en 1772, enlève son pouvoir au médecin qui sera exécuté…
je vous laisse découvrir les détails de cette extraordinaire histoire dont Per Olov Enquist tire un récit passionnant, réflexion sur le pouvoir, sur le rôle des Lumières, sur la vie…

Johann Friedrich Struensee  conseiller de Christain VII du Danemark, règne à la place du roi malade mental portrait de Jens Juel
Johann Friedrich Struensee portrait de Jens Juel
 Per Lov Enquist  nous fait partager en particulier, l’intérêt qu’il éprouve pour ce personnage Johann Friedich Struensee, danois d’origine allemande, bourgeois qui à l’origine n’éprouve pas un attrait particulier pour le pouvoir. Il se sent pourtant pris dans un engrenage qui le pousse lui, médecin par vocation, vers un destin vertigineux qu’il ne peut ou ne veut refuser. Il y a quelque chose  d’exceptionnel, dans cette révolution silencieuse, pacifique et douce, due à une seule personne. Johann Friedrich Stuensee a accompli une énorme travail de réforme pendant les deux années où il a « régné » à la place du roi, produisant 632 décrets, travaillant de jour comme de nuit dans son cabinet, s’attaquant aux inégalités, au servage, supprimant les privilèges, accordant la liberté de la presse, abolissant la censure, la torture, la prison pour dettes,  réformant les cadres de l’administration, créant des orphelinats, des écoles! Une révolution qui doit tout aux idées des Lumières mais qui paradoxalement est fondée sur une usurpation, un abus de pouvoir, sur l’oeuvre d’un seul donc sur la tyrannie, tout le contraire de la démocratie. Et pourtant Struensee a amorcé une extraordinaire mutation de son pays par des réformes qui  préfigurent la révolution française, et qui, après un retour en arrière lié à la réaction, finiront pas s’imposer.


Owe Hoegh Guldberg  premier ministre du roi Christian VII :  portrait du peintre Jens Juel
Owe Hoegh Guldberg peint par Jens Juel
L’écrivain oppose à Stuensee, une autre personnage Owe Guldberg, son double, qui représente la réaction et le parti des nobles. De petite naissance, arriviste, sans pitié, Guldberg  prendra le pouvoir après Struensee en tenant le roi sous tutelle. Trois personnages masculins s'affrontent mais dont la force est inégale, Struensee trop bon, refusant la violence, le roi à l'esprit troublé, et Guldberg rusé et sans état d'âme. Face à eux la reine est un personnage féminin entier et de caractère.

Caroline-Mathidle,reine du Danemark, épouse de Christina VII , soeur du roi George III d'Angleterre
Caroline-Mathidle, reine du Danemark,  peinte par Jens Juel
Le roman s’appuie sur des témoignages de l’époque, celui de Robert Murray Keith représentant anglais à Copenhague, sur les écrits de Reverdill, professeur d’allemand et de français du roi qui raconte les premières années du jeune Christian sous la férule perverse du comte Reventlow, son tuteur après la mort de ses parents, sur le courrier échangé entre Voltaire et Christian VII gagné lui aussi aux Lumières avant de sombrer dans la folie.  Le roman de Per Olov Enquist tient donc à la fois du documentaire et de la fiction et il est très réussi.


 Per OLov Enquist (1934) a écrit de nombreux romans (Le Cinquième Hiver du magnétiseur, Hess, L'Extradition des Baltes, Le Départ des musiciens...) des pièces de théâtre ( La Nuit des tribades, Pour Phèdre, L'Heure du lynx, Marie Stuart, Selma ) et des livres pour enfants.  Il est journaliste. Il est à l'heure actuelle l'un des plus grands écrivains scandinaves de la littérature contemporaine. Actes Sud

dimanche 14 juin 2015

Stockholm : Junibacken, le musée pour enfants dédié à Astrid Lindgren

Astrid Lindgren, écrivaine suédoise, auteure de livres pour enfants
C'est toujours sur la belle île verdoyante de Djurgarden que se situe le musée pour enfants le Junibacken consacré à l'oeuvre de Astrid Lindgren (1907_2002) une des plus grandes écrivaines suédoises connue internationalement pour ses livres pour la jeunesse traduits dans des dizaines de langues. Vous connaissez sûrement la  plus célèbre de ses héroïnes Pippi Langstrump (Pippi les grandes chaussettes) appelée en français Fifi Brindacier, une petite fille dotée d'une force extraordinaire (pensez donc! elle est capable de soulever un cheval) et particulièrement douée pour faire de grosses sottises. A Stockholm, vous ne pouvez pas l'ignorer! Elle traîne dans toutes les boutiques sous forme de petite poupée en chiffon avec ses nattes rousses et ses chaussures multicolores et dépareillées; elle grimpe à l'assaut des étagères de livres et de jeux en tout genre!


Astrid Lindgren a accompagné mes trois filles avec Fifi mais aussi avec Ronya fille des brigands et Zozo la Tornade. j'espère qu'elle fera de même avec mes petits-enfants! Vous comprendrez pourquoi je ne voulais pas rater ce musée.

Dès l'entrée du Junibacken, nous sommes accueillis par un "parking" d'un style un peu particulier!



Et il pousse de drôles de fruits dans les arbres!


Si le musée est un hommage à Astrid Lindgren, il est aussi dédié à d'autres auteurs pour la jeunesse comme Tove Jansson, Sven Nordqvist et bien d'autres que je ne connais pas. Dans la première salle sont recréés les maisons, les objets, les engins bizarroïdes qui illustrent l'univers de ces écrivains : toutes sortes de petites maisons où les jeunes visiteurs disparaissent laissant les adultes à la porte!




Puis nous montons dans un train qui nous amène dans les livres d'Astrid Lindgren, voyage fantastique qui n'a qu'un défaut, celui d'être trop rapide.

Zozo la Tornade
Zozo la Tornade s'y connaît en  sottises. Un jour de fête au village, il hisse au sommet du mât de cocagne....

Zozo la Tornade
Une petite fille! Il est puni et disparaît. Tout le monde le cherche partout et on le retrouve...

Zozo La Tornade
dans le garde à manger...


Nous survolons un village de nuit mais je ne peux vous dire lequel, quand ...

Ronya , fille de brigands


nous rencontrons les brigands  de Ronya dans la forêt où ils se cachent après leurs méfaits. Ronya et son ami sont tous deux fille et fils des chefs des brigands mais de deux troupes ennemies. Un Roméo et Juliette au pays des enfants.

Ronya et les brigands

Les frères Coeur-de-Lion
Un terrible dragon aide le tyran qui veut détruire Nanguiyala, le pays où se retrouvent les deux frères Jonathan et Karl après leur mort.
Les frères Coeur-de Lion

A la sortie de ce voyage fantastique, un autre salle accueille les tout-petits et nous découvrons un théâtre où sont représentées, certains jours, des pièces créées à partir d'oeuvres pour la jeunesse.


 Enfin un café très amusant où l'on peut déguster des glaces!


A la sortie, le parc est un lieu de rendez-vous pour les sorties scolaires.



jeudi 4 juin 2015

Stig Dagerman : Automne allemand


Stig Dagerman, écrivain et journaliste suédois  est envoyé en 1946 en Allemagne pour faire un reportage sur le peuple allemand vaincu. Cette série d’articles a été réunie dans ce livre intitulé Automne allemand. Je venais de le lire  quand le hasard a voulu que je continue avec le roman de Bernhard Schlinck, Le liseur. Ce qui m’a permis d’effectuer un survol de l’Allemagne de 1946, directement après la défaite, quand l’Allemagne est encore occupée par les armées étrangères jusqu’aux années 1960.
Si Le liseur de Schlinck parle de la jeunesse née après la guerre sur laquelle repose tout le poids de la culpabilité des parents nazis, les témoignages de Stig Dagerman portent sur la génération qui a vécu la guerre et a été complice du nazisme

Le journaliste est là pour sonder les idées politiques du peuple allemand après la défaite, pour savoir s’il se sent coupable de s’être placé derrière Hitler, s’il en éprouve des regrets. Stig Dagerman explore le thème de la culpabilité et de la honte mais en soulignant combien cette question est faussée en cet automne 1946, (c’est le titre du premier article) date à laquelle la population allemande exsangue vit dans les caves inondées des maisons en ruines, uniquement préoccupée par la survie, la recherche de nourriture et peu encline à se poser des questions de morale. Cette lutte de tous les instants contre le froid, la faim, l’humiliation de l’occupation étrangère souvent très dure, laisse peu de place pour les sentiments et le retour sur soi-même.. La misère n’a jamais été un facteur de régénérescence. Si les souffrances des allemands touchent Stig Dagerman, elles ne constituent pas une excuse, encore moins une réhabilitation. Elles ne dédouanent pas les allemands des atrocités qu’ils ont commises ou laissés commettre. Mais souligne le journaliste, les Alliés, en imposant cette punition aux allemands n’en sortent pas grandi eux-mêmes.
« De plus la faim et le froid ne figurent pas dans la gamme des peines prévues par la justice, pour la même raison qui veut que la torture et les mauvais traitements n’y figurent pas. »
De plus, il pose le problème de l’obéissance à l’autorité et de la contrainte exercée par l’état envers ceux qui ne s’y plierait pas.
Le journaliste parle lui aussi de la jeunesse allemande qui dès le plus jeune âge a été embrigadée, modelée, pliée à l’idéologie nazie. Elle se retrouve maintenant sur la sellette devant des tribunaux de dénazification.
Or comme le proclame un jeune homme  :
"-Mais Hitler était reconnu par le monde entier. Des hommes d’Etat sont venus ici signer des traités. Le pape a été le premier à le reconnaître. J’ai moi-même vu un photo sur laquelle le pape lui serre la main."

"L'Allemagne tout entière pleure ou rit devant le spectacle de la dénazification, (...) ces tribunaux dont les procureurs présentent leurs excuses à l'accusé avant que la sentence ne soit rendue, ces énormes moulins à papier qui offrent fréquemment, dans cette Allemagne qui manque de papier, le spectacle d'un accusé qui présente une vingtaine de certificats attestant une conduite irréprochable et qui consacrent un temps considérable à des milliers de cas absurdes et sans importance tandis que les cas véritablement graves semblent disparaître par quelque trappe secrète."
 
En abordant toutes ces questions avec honnêteté et exigence à travers le vécu des allemands aux lendemains de la guerre, Stig Dagerman renvoie à la propre responsabilité de la Suède alliée à l’Allemagne nazie mais aussi à celle de tous. Il révèle combien ces questions sont complexes et ne peuvent recevoir une réponse simple.

Un livre intéressant écrit par un jeune écrivain - il avait  23 ans- à la sensibilité exacerbée qui ira jusqu'au bout de l'angoisse et se suicidera en 1954.


samedi 23 mai 2015

Pär Lagerkvist : Le nain

Paolo Ucello : La défaite du camp siennois illustrée par la mise hors de combat de Bernardino della Ciarda, (~1456)
Paolo Ucello : La bataille de San Romano entre Florence et Sienne

Les deux grandes questions de ce livre Le nain de Pär Lagerkvist  sont les suivantes :
Est-ce grand et merveilleux d’être homme et faut-il s’en réjouir? Est-ce dénué de sens et désespérant et faut-il s’en affliger?

Agnolo Bronzino : Le nain Morgante à la cour des Médicis à Florence
Agnolo Bronzino : Le nain Morgante, cour des Médicis
Le nain, personnage éponyme du livre, vit dans une cour de la Renaissance italienne, Florence (?), auprès d’un Prince qui pourrait être celui de Machiavel et qui est peut-être le mélange d'un Médicis, Lorenzo le Magnifique et d'un Sforza, Ludovico, duc de Milan, tous deux mécènes de Léonard de Vinci, ou de bien d’autres encore. Nous ne le saurons pas! Cela n’est pas dit mais nous reconnaissons pourtant un grand peintre, Maestro Bernardo, savant et philosophe, traité comme un égal par le Prince, qui peint la Cène, réalise le portrait d’une femme, la princesse, au sourire énigmatique, et imagine pour son maître des engins de guerre mystérieux : Vous savez qui? bien sûr! Et ajoutez à cette évocation un grand Condottieri et la guerre entre deux cité italiennes.

La Cène de léonard de Vinci réalisé de 1494 à 1498 pour le réfectoire du couvent dominicain de Santa Maria delle Grazie à Milan
Ultime Cène de Leonardo da Vinci (1494 à 1498 à Milan)

Le roman de Pär Lagerkvist n’est pourtant pas un roman historique à proprement parler bien qu’il nous fasse voir cette période brillante mais trouble et mouvementée de la Renaissance et qu’il nous promène dans les rues de la ville, hérissée de campaniles encore en construction et en proie à la peste; bien qu’il nous fasse assister à de somptueux banquets, à des fêtes éblouissantes qui se terminent dans un bain de sang, bien qu’il nous dépeigne les préoccupations et les mentalités de ces hommes de la Renaissance qui émergent d’un long Moyen-âge… Et cet aspect du récit n’est pas un des moindres plaisirs du texte. Mais Le nain est aussi un roman philosophique où l’écrivain explore toutes les facettes du Mal et questionne le sens de la vie.

Un roman philosophique

Homme de Vitruve: dessin de Léonard de Vinci (1492) Galleria  dell'Academia de Venise
Homme de Vitruve: dessin de Léonard de Vinci (1492)
Le journal du nain Piccolino, nous fait pénétrer, en effet, dans l’obscurité d’une âme sombre, pétrie de haine pour les hommes. Le nain, c’est le Mal, il se compare lui-même à Satan mais c’est aussi la souffrance lié à la difformité, à la différence, tout ce qui fait de lui un être solitaire. C’est à travers lui que nous découvrons les hommes et les femmes de cette cour où règnent le savoir, l’amour des arts et de la philosophie et les instincts les plus bas, l’ivresse de la guerre, la trahison, le meurtre. Nous sommes à une époque où les hommes craignent Dieu mais se livrent à leurs instincts d’une manière effrénée.
Derrière les somptueux pourpoints en velours des gentilshommes et les robes inscrutées de pierreries des femmes, se cachent des sentiments violents que le nain, dans sa misanthropie exacerbée nous révèle en termes exaltés : « Tous ces êtres qui se donnent le nom d’hommes et vous remplissent de dégoût. Pourquoi existent-ils?  Pourquoi se repaissent-ils de rire et d’amour et règnent-ils si orgueilleusement sur la terre. Oui, pourquoi existent-ils ces êtres lascifs, éhontés, dont les vertus sont pires que les vices. Puissent-ils brûler en enfer! Je me sentais comme Satan lui-même, entouré des esprits infernaux qu’ils invoquaient dans leurs réunions nocturnes et qui maintenant, affluant vers eux le visage ricanant, tiraient de leurs corps leurs âmes encore chaudes et puantes pour les emporter dans le royaume de la mort. »
 Le nain qui se croit héritier d’une très ancienne race n’appartient pas à cette espèce humaine qu’il méprise. Il se complaît à mettre en évidence la part bestiale qui est en eux; ainsi la description du banquet et de la gloutonnerie des Grands qui les ravale au rang de bêtes rappelle ce passage où dans l’Odyssée, les compagnons d’Ulysse sont métamorphosés en porcs par Circé. Il éprouve de la répugnance envers l’amour et la luxure, envers les femmes qu’il juge laides et dont l’odeur l’incommode, envers la mort dans ses manifestations physiques, cadavres, maladies, puanteur, sang, viscères. Mais il n’a aucune pitié et compassion, même envers la jeune princesse Angélica et Giovanni, le fils de Ludovico, qui, par leur jeunesse et leur sincérité échappent à la corruption ambiante : "L’amour est toujours répugnant. Mais l’amour entre des deux-là me parut encore plus déplaisant que ce que j’avais connu auparavant. Je brûlais de colère et d’indignation d’en être le témoin." Ces deux jeunes gens, n’en déplaise au nain, sont pourtant ceux qui représentent l’amour et la spiritualité face à l’abjection humaine.
Ravalés au rang de l’animal, en proie aux instincts les plus vils, quelle est notre espérance d’atteindre un jour la liberté s’interroge Maestro Bernardo : « Notre parcours est déterminé; après un petit essor qui nous remplit d’espérance et de joie, nous sommes tirés en arrière, comme le faucon ramené en arrière par la corde que tient le fauconnier. Quand obtiendrons-nous la liberté? Quand la corde sera-t-elle coupée, laissant le faucon s’élancer dans l’espace. »

A travers la vision de Piccolino, Pär Lagerkvist souligne donc la part animale qui est en chacun d’entre nous et explore toutes les grands questions que l’être humain se pose sur la Mort, sur religion et sur Dieu, le mal et le Bien, sur la liberté humaine mais aussi sur le futur de la race humaine.  Piccolino en écoutant les conversations des maîtres, du Prince et de Maestro Bernardo, révèle leurs contradictions. Une fois, les voilà certains de la grande destinée de l’humanité, prévoyant que l’homme percera les mystères qui l’entourent et dominera le monde; une autre fois, persuadés de la petitesse de l’homme et de l’étroitesse de son savoir, ils doutent : et nous sommes ainsi toujours ramenés aux deux Infinis de Pascal : "Qu’est-ce que l’Homme? Un néant à l'égard de l'infini, un tout à l'égard du néant, un milieu entre rien et tout.."
A l'interrogation de Pascal répond celle Maestro Bernardo :
Pourquoi donc cet infini existe-t-il autour de nous, autour de la vie, si nous sommes comme des prisonniers impuissants et que la vie reste confinée en nous? Pourquoi cet incommensurable?

Une philosophie pessimiste donc (écrite par un protestant qui croit à la prédestination??), un roman pas obligatoirement facile mais passionnant!  Le style est beau, très âpre et évocateur, suggestif. Le genre de  livre sur lequel il faut revenir en arrière pour en mesurer la portée! Il sort de ma lecture tout hérissé de marque-pages et il faudrait que je le cite en entier pour vous en montrer l’intérêt.

     Pär Lagerkvist : Prix Nobel de littérature 1951

Pär Lagerkvist  prix Nobel de Littérature 1951
Pär Lagerkvist  prix Nobel de Littérature 1951 (source)
"Pär Lagerkvist est un écrivain suédois, auteur de pièces de théâtre, de poèmes et d'essais... Fils d'un employé des chemins de fer, il a grandi dans une atmosphère très religieuse et en contact avec la vieille paysannerie. La confrontation, au lycée et à l'Université, avec un autre type de pensée comme la théorie de l'évolution, le pousse vers le radicalisme politique et artistique." (Dictionnaire des auteurs, Robert Laffont).
Il publie son premier livre, Hommes, en 1912. L'année suivante, il découvre le cubisme à Paris.
La Première Guerre Mondiale survient : il publie Angoisse (recueil de poèmes 1916), Chaos (1919).
Un pessimisme temporaire, puisque ses oeuvres suivantes traduisent tout de même sa foi dans l'Homme... mais avec un questionnement sur le bien et le mal, le sens de la vie. Dans le Sourire Eternel (1920), une nouvelle assez étonnante, les morts prennent la parole les uns après les autres, encore et encore, puis se lèvent, marchent longuement et vont trouver Dieu pour lui demander quel est le sens de la vie.
Commence un cycle sur le Mal : le Bourreau (1933), Le Nain (1944), Barabas (1950), La Sibylle (1956).
Prix Nobel de littérature en 1951." 
source

vendredi 15 mai 2015

Camilla Läckberg : La sirène



Je commence avec ce mois de Mai, un cycle sur la littérature suédoise car je pars à Stockholm le 8 Juin. J'ai l'intention de lire la littérature suédois classique, les polars, le théâtre, la poésie... tout ce que je trouverai en français à la bibliothèque ou ailleurs. 

L'auteur : Camilla Läckberg, née le 30 août 1974 à Fjällbacka, est une écrivaine suédoise, auteur de romans policiers. Elle est une des plus jeunes auteurs à succès dans son genre. Ses romans sont situés à Fjällbacka un petit port, actuellement station balnéaire, où elle vit.


 La sirène

Le Mot de l'éditeur : Dans ce sixième volet de ses aventures, l’irrésistible enquêtrice au foyer Erica Falck, enceinte de jumeaux, ne peut s’empêcher d’aller fouiner dans le passé d’un écrivain à succès lorsque celui-ci commence à recevoir des lettres de menace anonymes qui semblent liées à la mystérieuse disparition d’un de ses amis… 

 Un ancien petit port de pêche

 Fjällbacka, ancien petit port de pêche devenu station balnéaire Suède

  Fjällbacka, station balnéaire Suède

 L'intrigue de ce roman se déroule à Fjällbacka, un petit port de pêche dont l'activité économique n'a cessé de décroître. Devenue actuellement une station balnéaire, c'est la ville où vivent Camilla Läckberg... et ses personnages!  Sur la côté ouest de la Suède, à 150Km au nord de Goteborg, Fjällbacka se dépeuple hors de la saison touristique. Les maisons secondaires se vident. C'est ce que montre bien le roman.

Mon avis sur les personnage

Comme d’habitude, je n’ai pas commencé  par le premier de la série consacrée à Erica Falck, mariée à Patrik, capitaine de police, et c’est peut-être un tort! Peut-être aurais-je mieux compris cette mère de famille qui a l’air de tromper son ennui (elle travaille pourtant dans une maison d’édition, elle écrit des livres, je crois?) en soutirant des renseignements à son mari et en outrepassant son rôle! Mais comme cela, de but en blanc, j’ai eu beaucoup de mal à adhérer à ce personnage féminin qui s’immisce dans l’enquête de son mari, vole des lettres, prend des initiatives, bref! brûle la vedette aux policiers et se révèle plus futée qu’eux! Dans ce roman précis, en tout cas, j'ai trouvé qu'elle était superficiellement présentée  et avait peu de consistance ainsi que les autres personnages récurrents, son mari, sa soeur. De même le chef de la police qui s'endort dans son bureau apparaît un peu trop caricatural même si son amour des bébés introduit une touche amusante dans son portrait.

 Mon avis sur l'enquête

Je me suis pourtant intéressée à l’enquête même si elle m’a paru parfois traîner en longueur, les dialogues fréquents entre l’équipe pour faire le point étant parfois un tantinet longuets! Et puis l'écrivaine, pour faire durer le suspense, retient les informations découvertes par les policiers pour maintenir son lecteur dans l'ignorance. Mais les mobiles et les ressorts de l’intrigue sont assez forts pour avoir envie de découvrir la vérité, et la présence de - « elle »-, mystérieuse sirène, fait planer une ombre au-dessus de tous ceux qu’elle menace? Pour une fois, j'ai découvert à l'avance qui était coupable!
En bref! un avis mitigé sur ce roman.

Comme d’habitude chez Actes Sud  nous pouvons admirer une très belle première de couverture illustrée par une oeuvre de Nathalie Shau qui fait référence au titre, la sirène … une femme dangereuse et fatale, associée à la mort, autour de laquelle s’épanouissent des fleurs vénéneuses.

mardi 12 mai 2015

Kjel Eriksson : Les cruelles étoiles de la nuit


Je commence avec ce mois de Mai, un cycle sur la littérature suédoise car je pars à Stockholm le 8 Juin. J'ai l'intention de lire la littérature suédois classique, les polars, le théâtre, la poésie... tout ce que je trouverai en français à la bibliothèque ou ailleurs. 


Kjell Eriksson, né à Uppsala en 1953, est un écrivain suédois. Ses romans, principalement des romans policiers, sont publiés en français par la maison d'édition Gaïa1. Il est traduit par Philippe Bouquet.
 (Wikipedia)




Une ville : Uppsala
Université d'Uppsala Suède , la plus vieille université de Scandinavie construite en 1477
Université d'Uppsala Suède (wikipédia)

Le récit du roman Les cruelles étoiles de la nuit  se déroule à Uppsala à 70km  au nord de Stockholm, dans la ville natale de Kjel Erikson. La topographie des lieux va a voir une importance dans l'histoire. On y retrouve Ann Lindell, personnage récurrent de la série, qui travaille à la police criminelle  de la ville. Elle enquête sur les meurtres de trois vieillards qui vivent dans des fermes une vie banale et sans histoire mais aussi sur la disparition d’un autre Petrus Blomgren, maître de conférence à l’université d’Uppsala, spécialiste de Pétrarque et amoureux de l’Italie.. Le titre est d’ailleurs emprunté au poète :

Lorsque le soir vient chasser la beauté du jour
et qu'en d'autres pays nos ténèbres ramènent l'aube
je regarde, tout pensif, les cruelles étoiles
qui m'ont formé d'une sensible terre
et je maudia-s le jour où j'ai vu le soleil
qui me donne l'aspect d'un homme de la forêt

Ce que j’ai aimé dans le roman? 

La ville de Uppsala dans l'Uppland
Les recherches pour trouver le meurtrier loin de se polariser sur les détails sordides des meurtres aboutissent, en fait, à une enquête psychologique menée avec compétence par Ann Lindell et qui dévoile les traits caractérisques de chacun. Les victimes apparaissent alors  peu à peu, révélant leurs failles, la bonté de l’un, l’avarice de l’autre ou encore la cruauté. Et ces portraits, ces tranches de vie éveillent dans le lecteur une certaine nostalgie voire tristesse devant la cruauté de la vie, les espoirs amoureux fauchés par la mort,  les ambitions déçues qui entraînent la haine et l’aigrissement,  la lente acceptation de la résignation et de la monotonie. Kjel Eriksson dresse le portrait d’une population rurale vieillissante où la solitude semble régner en maître.
Parallèlement, à travers le personnage de Laure, qui n’a jamais vécu, étouffée par un père omnipotent, Eriksson analyse la progression de la folie et décrit les étapes de ce terrible glissement. Le lecteur sent  la dangerosité du personnage mais la variation du point de vue qui lui permet de vivre par l’intérieur ce que ressent Laure lui permet de rester proche du personnage. L’écrivain ne joue donc pas sur la peur mais sur la dualité entre empathie et répulsion.

Ce que j’ai moins aimé ?

J'ai eu des difficultés à m’habituer aux noms des personnages, parfois désignés par le prénom, parfois par le  patronyme.. et comme ils sont nombreux! Mais ce n’est pas pas particulier à ce roman, c’est vrai de tous les polars nordiques!!
Quant à Ann Lindell, après avoir perdu l’amour de Edvard, comment va évoluer sa relation avec un technicien, fraîchement débarqué dans le service? Nous verrons que cette évolution est un peu inattendue! Mais, personnellement, je n’ai pas pu me passionner pour elle car il me manquait tous les romans précédents et donc de grandes tranches de sa vie. Je n’ai pas pu être en empathie.  Les cruelles étoiles sont, en effet, le cinquième de la série.


mardi 21 avril 2015

Carin Gerhardsten : La dernière carte


Carin Gherardsen

Biographie de l'auteur

Carin Gerhardsen est née en Suède en 1962. Cette mathématicienne de formation, diplômée de l’Université d’Uppsala, a mis sa carrière de consultante en informatique entre parenthèses pour se consacrer à l’écriture. Passionnée depuis l’enfance par les enquêtes policières, c’est tout naturellement qu’elle s’est lancée dans l’écriture de polars. Mariée et mère de deux enfants, elle vit à Stockholm. L’auteur a remporté le Book Bloggers’ Literature Prize 2010 pour La Comptine des coupables. Tous ses romans ont paru au Fleuve Noir.


J'ai eu ma période lecture de polars avant d'aller aux Quais du Polar à Lyon mais ce n'est que maintenant que j'écris les billets.

La dernière carte

Dans La dernière carte de Carin Gerhardsten,  Sven-Gunnat Erlandson se fait tuer dans la forêt en rentrant de chez lui, après un repas bien arrosé avec quatre de ses amis, joueurs de poker comme lui. Dans sa poche quelqu'un a glissé quatre cartes à jouer et un code mystérieux. Qui peut en vouloir à cet homme charismatique, bénévole entraîneur d'une équipe de jeunes footballeuses, très impliqué dans l'aide humanitaire, heureusement marié à Une singapourienne Adrianti et père de deux enfants? Ses amis de poker sont tour à tour suspectés. Cette ténébreuse affaire remet à jour la disparition d'une jeune fille russe que la famille de Stefan Jenner, un ami d'Erlandson, allait adopter mais il y a bien longtemps de cela.
Le commissaire Conny Sjorberg va mener l'enquête avec son équipe dont nous allons connaître chaque membre. La connaissance de chacun est un des intérêts du roman.
Le récit se tient. Les personnages sont de moins en moins lisses et l'on finit par avoir une vision tout autre de la société en apparence tranquille d'une petite ville de Suède... Finalement j'ai été emportée par l'histoire et j'ai voulu connaître le coupable. Comme je n'ai rien de Sherlock Holmes, j'avoue que je n'avais pas deviné qui il était.
Le livre est intéressant sans être passionnant. Il paraît que ce n'est pas le meilleur de Carin Gerharsen mais je ne saurai vous le confirmer puisque c'était le premier que je lisais de cette auteure.

lundi 1 décembre 2014

Maria Ernestam : Les oreilles de Buster






Le moins que l'on puisse dire c'est que l'incipit du roman de l'écrivaine suédoise Maria Ernestam, Les oreilles de Buster  est en forme de coup de poing :

"j'avais sept ans quand j'ai décidé de tuer ma mère. Et dix-sept ans quand j'ai finalement mis mon projet en exécution."

  Au moins on est tout de suite dans l'ambiance! Voilà qui illustre bien le thème du blogoclub de Silyre et Lisa pour lequel j'ai lu ce livre sur "l'amour maternel"!

Le thème principal 

A l'occasion de son 56ème anniversaire Eva reçoit de la part de sa petite-fille un journal intime et elle commence à écrire ses souvenirs. Sa mère, une femme très belle, ne l'aime pas et ne cesse de l'humilier. C'est donc l'absence d'amour maternel qui est décrit ici et la souffrance puis la haine que Eva va finir par éprouver pour cette mère froide, indifférente, sarcastique. S'ajoute un  grand amour brisé mais que Eva n'a jamais pu oublier, voilà quelle est la matière de ce roman.  

Ce livre a eu la malchance de tomber après ma lecture de l'auteure norvégienne Herbjorg Wassmo Le livre de Dina qui met aussi en scène une meurtrière mais... quelle force dans ce portrait et dans la vie de cette femme! Cela m'a presque fait paraître fade l'histoire d'Eva. 

Des personnages peu convaincants 

C'est que, en dehors de l'incipit, j'ai trouvé le roman peu convaincant.  Même s'il raconte des faits assez horribles, il manque de force. Peut-être parce que je n'ai pas pu complètement croire à cette petite fille de sept ans qui nourrit sa vengeance et s'exerce au crime sur son entourage dès qu'il se montre désagréable, humains ou animaux (de là le titre les oreilles de Buster : il faut savoir que Buster est un chien). Peut-être aussi parce que la mère d'Eva, en dehors de son manque d'amour, est un personnage assez convenu et manque de force. Une femme qui préfère ses amants à sa fille, qui n'aime pas son enfant, est une mauvaise mère, mais est somme toute assez banale ! Et si en plus elle préfère travailler parce qu'elle ne s'épanouit pas dans son foyer, là, je suis de tout coeur avec elle!  En fait, elle ne prend une autre dimension qu'au moment de sa mort, quand on en apprend un peu plus sur elle mais c'est un peu tard! Bref! Je n'ai pu complètement adhérer à cette histoire parce que les personnages manquent d'épaisseur et de vérité psychologiques.  A la limite, c'est Eva qui me paraît plus inquiétante que sa mère et pathologiquement atteinte. Son imagination n'a d'égale que sa perversité quand elle cherche à faire le mal! C'est un personnage glauque et qui aurait pu être très fort mais... Il y a trop d'invraisemblances! Très avertie sur la sexualité, machiavélique et sadique envers Bjorn, on la voit jouer ensuite les pucelles effarouchées et sortir les violons pour romancer sa rencontre avec l'homme qu'elle aime. Comment a-t-elle pu avoir une vie normale après son crime? Comment l'auteur peut-elle la peindre en mère et en grand-mère aimante? Je me demande aussi comment l'on peut éprouver de l'empathie pour un pareil personnage lu! Le problème c'est que Eva - pas plus que sa mère-  ne se hisse jamais au niveau d'un héros tragique, elle n'éveille pas en nous ce sentiment mêlé d'effroi et d'admiration. Eva n'est ni une Electre ni un Oreste! On a plutôt l'impression que c'est une boutiquière qui tient mesquinement le compte des méchancetés de sa mère pour mieux pouvoir se venger et justifier son meurtre! 

Des rebondissements gratuits


Je n'ai pas aimé, non plus, certains artifices utilisés par Maria Ernestam pour créer des coups de théâtre qui me paraissent sans grand intérêt : ainsi lorsque l'auteur joue sur l'identité d'Eric et sa fiancée Lisa (ridicule) ou plus gênant sur l'identité de Sven (irritant). Non seulement ces "rebondissements" n'apportent rien au roman mais ils sont gratuits et peu crédibles. Ils n'ont surtout aucune raison d'être quand ils ne sont pas trop amenés, trop prévisibles, comme l'insistance tout au long des pages sur l'amour d'Eva pour ses rosiers. Si on ne comprend pas pourquoi, c'est que l'on y met de la mauvaise volonté!


Reste que récit est bien menée, que certains passages accrochent, que Maria Ernestam écrit bien...  Je comprends que l'on puisse se laisser prendre par la lecture. Moi, chaque fois que je me laissais emporter, un détail venait tout casser, m'agacer et je ne pouvais plus adhérer à l'intrigue!


Blogoclub de Sylire et Lisa
 Le roman proposé par le blogoclub sur le thème de l'amour maternel était La promesse de l'aube de Romain Gary, une oeuvre que j'aime beaucoup mais que j'ai déjà lue deux fois. J'ai préféré choisir le livre qui avait obtenu un peu moins de voix mais que je ne connaissais pas.