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samedi 16 mai 2015

Un livre/Un film : Enigme du samedi N°113

Un Livre/un film une énigme où vous devez découvrir le titre d'un livre et le film qu'il a inspiré.

Un  livre/un film

Pour ceux qui ne connaissent pas Un Livre/un film, l'énigme du samedi, je rappelle la règle du jeu.

Wens de En effeuillant le chrysanthème et moi-même, nous vous proposons, le 1er et le 3ème samedi du mois, et le 5ème pour les mois avec cinq samedis, un jeu sous forme d'énigme qui unit nos deux passions : La littérature et le cinéma! Il s'intitule : Un livre, Un film. Chez Wens vous devez trouver le film et le réalisateur, chez moi le livre et l'auteur. Eeguab ne nous relaiera pas cette année mais nous le remercions de tout le travail accompli l'année dernière.

Consignes  

Vous pouvez donner vos réponses par mail, adresse que vous trouverez dans mon profil : Qui suis-je? et  me laisser un mot dans les commentaires sans révéler la réponse pour m'avertir de votre participation. Le résultat de l'énigme et la proclamation des vainqueurs seront donnés le Dimanche.

Prochain rendez-vous

Rendez-vous  le troisième samedi du mois :  Le samedi 30  Mai

Enigme 113

Le livre est un classique de la littérature américaine du XIX siècle. Il a inspiré non  seulement le film dont vous devez trouver le titre et le réalisateur chez Wens mais aussi une bande dessinée française contemporaine. Aujourd’hui je vous demande donc de me dire quel est le titre du roman, son auteur, et ensuite quel auteur de BD il a inspiré. Pour vous mettre sur la voie, sachez que le récit se déroule en mer.

Il  avait l'air d'un homme qu'on aurait retiré du bûcher au moment où les flammes avaient pourléché ses membres, sans les avoir consumés toutefois, ni sans avoir touché à sa compacte robustesse de vieillard. Sa haute et large carrure semblait faite de bronze solide coulé dans un moule impeccable, comme le Persée de Cellini. Un mince sillon d'un blanc livide traçait son chemin parmi ses cheveux gris, traversait tout droit un côté de son visage et, par le cou, disparaissait sous ses vêtements. Cette cicatrice ressemblait à une entaille verticale que l'on voit parfois sur un tronc d'arbre droit et haut après que la foudre l'a parcouru sans arracher la moindre petite branche, mais le pelant et y traçant une balafre qui le laisse vert et vivant, mais qui désormais le marque.

dimanche 3 mai 2015

Étienne Davodeau : Lulu femme nue



Lulu est mère de trois enfants, une fille de seize ans et deux petits garçons. Son mari n’est pas une brute. Entendez, il ne l’a jamais battue mais il est habitué à ce qu’elle le serve et il a l’insulte facile quand il est contrarié. Il est plus occupé à boire ses bières devant la télévision qu’à lui parler ou à s’inquiéter de ses états d’âme. Et quand Lulu cherche à reprendre du travail, au cours de ses entretiens d’embauche, elle s’aperçoit bien vite qu’elle est considérée comme dépassée dans le monde de l’entreprise. Un jour, elle craque et part dans une errance dont elle ne sait pas bien elle-même où cela va la mener et ce qu’elle cherche!

Cette bande dessinée est d’abord un reflet de la condition féminine. La femme, loin d’être libérée et indépendante, est encore trop souvent, celle qui élève les enfants et sacrifie son travail. Peu considérée à l’intérieur de sa maison quand elle a comme Lulu, un mari  fruste et macho, et des enfants habitués à être servis, elle l’est encore moins sur le marché du travail où elle n’a aucune valeur. D’où l’image négative qu’elle a d’elle-même.
Le récit est intéressant aussi car il révèle les personnages à eux-mêmes en entraînant des bouleversements, non seulement, chez Lulu qui désormais n’acceptera plus d’être dévalorisée et traitée en servante mais aussi chez sa fille aînée, Morgane, qui va mûrir et se révéler adulte et responsable! Quant au mari de Lulu, Tanguy, de coups de gueule en coups de gueule, il va évoluer aussi, parfois contraint et forcé par sa fille qui ne le ménage pas!

 Tu m'apporteras une bière, Morgane.
T'as qu'une cheville pétée, t'as qu'à y aller sur l'autre.
Tu obéis à ton père !
T'as raison, gueule moi dessus, ça t'a bien réussi avec ta femme, on va voir ce que ça donne avec ta fille. 
Les autres personnages qui gravitent autour de Lulu ne manquent pas d’intérêt, que ce soit les marginaux, la vieille dame trop solitaire, la servante de café ou les amis de Lulu qui se font du souci pour elle et cherchent à l’aider dont Xavier qui est le narrateur car il s’agit aussi d’une belle histoire d’amitié.

Lulu Femme nue de Etienne Davodeau : BD adaptée au cinéma, film de Solveig Anspach
Lulu Femme nue de Etienne Davodeau
Le dessin de Davodeau montre des personnages modestes, habillés simplement, mais sans misérabilisme. Lulu appartient à une classe sociale moyenne. Ce qui est négatif dans sa vie apparaît  dans son visage, triste et renfrogné, et dans sa manière de marcher, le dos courbé, la tête baissée. Les couleurs dominantes sont l’orange et le marron et des camaïeux de beige un peu éteints mais sans tristesse. Les images de la mer et de la plage donnent selon les moments du récit une impression de vide et de solitude et à d'autres de paix, de beauté,  et l’on voit Lulu  se transformer, sauter, courir, bondir dans les vagues avec son amoureux, s’accordant enfin une récréation qui n'est pour pas durer….
- A quoi tu joues Lulu?
-Une semaine ou deux pour voir.
- Et tes enfants, je leur dis quoi?
- Que je les aime. Que je vais revenir. Que c'est certain. Hé, Xavier, pas de morale. Il ne s'agit que de quelques jours sur toute une vie.

Étienne Davodeau, né le 19 octobre 1965 à Botz-en-Mauges est un dessinateur et scénariste de bandes dessinées.

Wens a commenté cette Bd dans son blog En effueilant les chrysanthèmes ICI
Et vous pouvez aller voir son billet sur le film ICI
 


Enigme n° 112

Le livre : Une Bd d'Etienne Davodeau : Lulu femme nue
Le film  de Solveig Anspach : Lulu femme nue

Merci à tous les participants!  je ne note pas vos noms! Je suis en vacances. A bientôt!

samedi 2 mai 2015

Un livre/ Un film : Enigme du samedi

 

Un  livre/un film

Pour ceux qui ne connaissent pas Un Livre/un film, l'énigme du samedi, je rappelle la règle du jeu.

Wens de En effeuillant le chrysanthème et moi-même, nous vous proposons, le 1er et le 3ème samedi du mois, et le 5ème pour les mois avec cinq samedis, un jeu sous forme d'énigme qui unit nos deux passions : La littérature et le cinéma! Il s'intitule : Un livre, Un film. Chez Wens vous devez trouver le film et le réalisateur, chez moi le livre et l'auteur. Eeguab ne nous relaiera pas cette année mais nous le remercions de tout le travail accompli l'année dernière.

Consignes  

Vous pouvez donner vos réponses par mail, adresse que vous trouverez dans mon profil : Qui suis-je? et  me laisser un mot dans les commentaires sans révéler la réponse pour m'avertir de votre participation. Le résultat de l'énigme et la proclamation des vainqueurs seront donnés le Dimanche.

Prochain rendez-vous

Rendez-vous  le troisième samedi du mois :  Le samedi 16  Mai

Enigme 112

Le livre d'où a été tiré le film n'est pas un roman mais une bande dessinée! Je pense qu'il vous sera aisé de trouver le titre car le film est récent et la BD relativement aussi! Le scénario et les dessins sont l'oeuvre d'un auteur français et raconte le ras-le-bol d'une femme d'un milieu modeste, mère de famille, qui n'arrive pas à retrouver du travail.

Nous ne serons pas là pour vous aider, Wens et moi, car nous parton en Lozère ce samedi. La réponse sera publiée dimanche mais sans le nom des brillants candidats qui resteront donc, hélas, dans l'obscurité! Pardonnez-nous!

dimanche 19 avril 2015

Reif Larsen : L'extravagant voyage du jeune et prodigieux TS Spivet




L'extravagant voyage du jeune et prodigieux TS Spivet de Reif Larsen est un livre que j'ai déjà commenté. Je vous renvoie donc à mon billet :

Tecumseh Sansonnet Spivet (ces deux prénoms sont toute une histoire!) vit dans un ranch à Divide, Montana, avec sa famille composée de membres un peu disparates, entre un père cow boy plutôt rustique et une mère, le Dr Clair, entomologiste passionnée. Celle-ci a compris les dons extraordinaires de son fils et les encourage en le confiant au docteur Yorn, un savant qui devient une sorte de père spirituel. Jeune cartographe surdoué de douze ans, passionné de sciences, TS Spivet apprend qu'il a gagné un prix prestigieux décerné par le musée Smithsonian à Washington pour la qualité exceptionnelle de ses illustrations scientifiques. Il décide alors sans avertir ses parents et son mentor de partir à Washington pour recevoir son prix mais là-bas personne ne sait qu'il est un enfant. C'est le début d'une longue traversée des Etats-Unis, caché dans un train de marchandise comme un véritable vagabond  de la Grande Dépression, un hobo.

Disons tout de suite que le personnage principal, TS, jeune garçon surdoué est très attachant. Le contraste entre sa maturité intellectuelle et son comportement parfois enfantin amusent mais est émouvant car il révèle sa fragilité et sa solitude. Son voyage sera une épreuve, il affrontera beaucoup de dangers, il lui faudra patience, intelligence et courage pour réussir.

Le roman est divisé en trois parties qui correspondent à trois moments de la vie de TS et aussi à trois étapes géographiques :  1°L'Ouest  2° la traversée 3 °L'Est.  Au cours de ces trois étapes, Reif Larsen présente à la fois les paysages de l'Amérique mais aussi son passé à travers la saga de sa famille car TS va découvrir, dans un carnet qu'il a volé à sa mère, l'histoire d'Emma, son arrière grand-mère.  Ce récit dans le récit mêle à la fois le passé et le présent et établit des parallèles entre deux destins, celle d'Emma et du Dr Clair, la mère de TS. Scientifiques de haut niveau, elles sont en tant que femmes vouées à l'échec, en butte à la suprématie masculine. Prises au piège de l'amour pour des hommes qui ne leur ressemblent en rien, elles sont retenues au foyer et élèvent leurs enfants. Un parallèle existe aussi entre Emma et son arrière petit-fils. Tous deux ont besoin d'un père spirituel, d'un mentor pour les guider dans le domaine des sciences. Le jeune garçon réussira-t-il là où Emma a échoué? On verra quand il arrivera au Smithsonian que la question se pose. L'enfant, comme la femme, a à affronter des difficultés et déjouer des chausses-trappes inhérents à son fragile statut social. TS rencontre, en effet, la jalousie des scientifiques adultes mais excite aussi leur concupiscence car l'image de l'enfant prodige peut être médiatisée et rapporter gros. Le jeune garçon est transformé en bête de cirque, exposé à la curiosité de tous, exploité. Heureusement pour lui, son père, le vrai, interviendra pour le sortir des griffes de cette "maffia". Vision assez pessimiste de Reif Larsen visant l'une des Institutions les plus prestigieuses du pays! Voir la suite ICI

Quant à l'adaptation cinématographique de Jeunet, allez lire le billet de Wens qui a détesté ce film! Il faut dire que si les images sont belles (des paysages splendides) le ton est mièvre et les personnages sont traités de manière simpliste ou caricaturale!




Enigme n° 111

Le livre : L'extravagant voyage du jeune et prodigieux TS Spivet de Reif Larsen
Le film :L'extravagant voyage du jeune et prodigieux TS Spivet de Jean-Pierre Jeunet


Félicitations à  Aifelle, Asphodèle, Dasola, Somaja
Et merci à tous les participants!

samedi 18 avril 2015

Un livre/Un film : Enigme N° 111

Un  livre/un film

Pour ceux qui ne connaissent pas Un Livre/un film, l'énigme du samedi, je rappelle la règle du jeu.

Wens de En effeuillant le chrysanthème et moi-même, nous vous proposons, le 1er et le 3ème samedi du mois, et le 5ème pour les mois avec cinq samedis, un jeu sous forme d'énigme qui unit nos deux passions : La littérature et le cinéma! Il s'intitule : Un livre, Un film. Chez Wens vous devez trouver le film et le réalisateur, chez moi le livre et l'auteur. Eeguab ne nous relaiera pas cette année mais nous le remercions de tout le travail accompli l'année dernière.

Consignes  

Vous pouvez donner vos réponses par mail, adresse que vous trouverez dans mon profil : Qui suis-je? et  me laisser un mot dans les commentaires sans révéler la réponse pour m'avertir de votre participation. Le résultat de l'énigme et la proclamation des vainqueurs seront donnés le Dimanche.

Prochain rendez-vous

Rendez-vous le troisième samedi du mois :  Le samedi 2 Mai

Enigme 111

Ce livre paru il y a quelques années  est le premier roman d’un auteur américain et a fait grand bruit à l'époque! Il faut reconnaître que le récit et la manière de conter, notamment l'humour, ne manquent pas d’originalité. Le héros du récit est un enfant mais pas un enfant comme les autres!


"Qu'est-ce que c'est que toutes ces question sur le sida, L. ?
-Je ne sais pas, avait répondu L. C'est juste que je veux pas l'attraper. Angela A. a dit que c'était très dangereux et que je l'avais sûrement."
Le Dr C. a regardé L. Elle tenait au creux de sa main ses pièces d'awalé.
" La prochaine fois qu'Angela A. te dit quelque chose comme ça, réponds-lui que ce n'est pas parce que sa condition de petite fille dans une société qui fait peser sur ses semblables une pression démesurée afin qu'elles se conforment à certains critères physiques, émotionnels et idéologiques - pour la plupart injustifiés, malsains et tenaces - lui ôte toute confiance en elle qu'elle doit reporter sa haine injustifiée d'elle-même sur un gentil garçon comme toi. Tu fais peut-être intrinsèquement partie du problème, mais ça ne veut pas dire que tu n'es pas un gentil garçon avec de bonnes manières, et ça ne veut absolument pas dire que tu as le sida.
- Je suis pas sûr de pouvoir tout me rappeler, avait répondu L.
- Alors, tu dis à Angela que sa mère est une grosse plouc alcoolique ...
- OK" avait dit L.

dimanche 12 avril 2015

Georges Darien : Le voleur

Georges Darien source


Georges Hyppolite Adrien prend le pseudo de Darien peut-être, comme l’indique Patrick Besnier dans la préface du roman Le voleur aux éditions Gallimard Folio, comme « l’aveu d’une dépossession »?
Toute sa vie, Darien s’est dérobé à la curiosité du lecteur, pensant que la vie privée d’un littérateur n’a rien à voir avec ses oeuvres. Ce qui lui a valu une légende : n’aurait-il pas comme son personnage vécu de vol pendant toutes ces années où l’on ne sait presque rien de lui? Bref! ne serait-il pas le voleur dont il parle dans son roman?  Notons, en effet, que son héros George Randall porte le même prénom que lui.

Le récit

La naissance de Georges Randall dans une famille bourgeoise bien pensante n’est pas due à l’amour mais  aux sentiments du devoir et des convenances :
Comment! des gens à leur aise, dans un situation commerciale superbe, avec une santé florissante, vivre seuls?
Et dès son enfance Georges va souffrir, étouffé par l’éducation conjuguée que lui donnent sa famille, l’école et l’armée.

Libéré ! Ce mot me fait réfléchir longuement, pendant cette nuit où je me suis allongé, pour la dernière fois, dans un lit militaire. Je compte. Collège, caserne. Voilà quatorze ans que je suis enfermé. Quatorze ans ! Oui, la caserne continue le collège… Et les deux, où l’initiative de l’être est brisée sous la barre de fer des règlements, où la vengeance brutale s’exerce et devient juste dès qu’on l’appelle punition — les deux sont la prison. — Quatorze années d’internement, d’affliction, de servitude — pour rien…

Son sentiment de révolte ne fait que s’amplifier quand, devenu orphelin, il est confié à son oncle qui le spolie de sa fortune. Plus tard, le refus de son oncle de lui donner  la main de sa fille Charlotte sous prétexte qu’il ne peut la donner à un pauvre, crée la rupture! Rupture avec sa famille mais aussi avec la société. C’est là que va débuter pour Randal sa carrière de voleur ou plus exactement de gentleman cambrioleur.

Un cri de révolte

Film de Louis Malle , Le voleur : Georges Randal (Jean Paul Belmondo) et Charlotte (Geneviève Bujold)
Georges Randal (Jean Paul Belmondo) et Charlotte (Geneviève Bujold)
On pourrait penser, à priori, que nous sommes dans le genre du roman feuilleton cher au XIX siècle ou dans un roman d'aventures avec des rebondissements trépidants à la façon d'Arsène Lupin.. Il n’en est rien.
 Si Georges Darien n’est pas un voleur, on peut dire que son personnage Georges Randal lui ressemble car il porte toutes ses idées. Le voleur est un cri libertaire, une dénonciation de toutes les hypocrisies de la société en commençant par la famille, l’école, la bourgeoisie, un âpre et terrible réquisitoire contre des lois iniques qui maintiennent le peuple dans la pauvreté et la soumission. Darien se livre, à travers les tribulations de son personnage, à une remise en cause des institutions, gouvernement, église, armée, qui briment la liberté et n’ont qu’un seul dieu, l’argent, celui va de pair avec le pouvoir et les honneurs.
Il n’est pas inintéressant d’ailleurs de noter que l’autre personnage principal du récit, qui exerce le même « métier » que Randal, est un prêtre, l’abbé Lamargelle :

Mon Dieu, dis-je (Randal à Lamargelle), je ne vois point pourquoi je vous croirai pas, après tout. L’Eglise n’a jamais beaucoup pratiqué le mépris qu’elle affecte pour les richesses.

Et c’est d’ailleurs dans la bouche de l’abbé que Darien place ces mots :

Le génie du christianisme ? Une camisole de force. « Jésus, dit saint Augustin, a perfectionné l’esclave. » Oh ! cette religion dont les dogmes pompent la force et l’intelligence de l’homme comme des suçoirs de vampire ! qui ne veut de lui que son cadavre ! qui chante la béatitude des serfs, la joie des torturés, la grandeur des vaincus, la gloire des assommés ! Cette sanctification de l’imbécillité, de l’ignorance et de la peur !

On peut donc parler de l’anarchisme de Darien mais dans ce roman il s’attaque pourtant non seulement au socialisme, au marxisme  mais aussi aux anarchistes.

Ces socialistes, ces anarchistes !… Aucun qui agisse en socialiste ; pas un qui vive en anarchiste… Tout ça finira dans le purin bourgeois. Que Prudhomme montre les dents, et ces sans-patrie feront des saluts au drapeau ; ces sans-respect prendront leur conscience à pleines mains pour jurer leur innocence ; ces sans-Dieu décrocheront et raccrocheront, avec des gestes de revendeurs louches, tous les jésus-christs de Bonnat.
Allons, la Bourgeoisie peut dormir tranquille ; elle aura encore de beaux jours…

Un style pamphlétaire

Georges Randal Belmondo dans le film de Louis Malle Le Voleur d'après le roman de Georges Darien
Georges Randal Belmondo
Ce n’est pas pour rien que l’on peut parler à propos de roman de réquisitoire. Le style est le reflet d’un homme écorché, qui découvre dès l’enfance l’injustice de cette société de nantis, la dureté et le mensonge de la classe bourgeoise dominante, industriels, banquiers, clergé, qui pratiquent impunément le vol à haute échelle mais condamnent un pauvre à la peine de mort pour le vol d’une pièce de quarante sous. Darien y manie une ironie amère, un humour décapant. Le ton est virulent mais l’est encore plus, paraît-il (je ne les connais pas)  dans ses autres livres, en particulier dans Biribi où il dénonce les atteintes aux droits de l’homme dans les bataillons disciplinaires d’Afrique du Nord. Ou encore dans Les Pharisiens où il s’attaque à Edouard Drumont, surnommé l’Ogre, auteur des pamphlets haineux antisémites. Et il ne faut pas oublier que Georges Darien a été lui-même un pamphlétaire redoutable. Le style peut aussi basculer vers une prose oratoire, lyrique, qui cherche à soulever l’émotion, à renverser l’indifférence. Ainsi dans ce passage où notre voleur assiste bien contre son gré à une exécution capitale :

Je suis mêlé à la foule, à présent, — la foule anxieuse qui halète, là, devant la guillotine. — Les gendarmes à cheval mettent sabre au clair et tous les regards se dirigent vers la porte de la prison, là-bas, qui vient de s’ouvrir à deux battants. Un homme paraît sur le seuil, les mains liées derrière le dos, les pieds entravés, les yeux dilatés par l’horreur, la bouche ouverte pour un cri — plus pâle que la chemise au col échancré que le vent plaque sur son thorax. — Il avance, porté, plutôt que soutenu, par les deux aides de l’exécuteur ; les regards invinciblement tendus vers la machine affreuse, par-dessus le crucifix que tient un prêtre. Et, à côté, à petits pas, très blême, marche un homme vêtu de noir, au chapeau haut de forme — le bourreau — le Monsieur triste de la nuit dernière.
Les aides ont couché le patient sur la planche qui bascule ; le bourreau presse un bouton ; le couteau tombe ; un jet de sang… Ha ! l’horrible et dégoûtante abomination…
Et c’est pour exécuter cette sentence qu’on avait envoyé de Paris, hier soir, les bois de justice honteusement cachés sous la grande bâche noire aux étiquettes menteuses — menteuses comme le réquisitoire de l’avocat général. — C’est pour exécuter cette sentence qu’on avait fait prendre le train express au bourreau, à ce misérable monsieur triste qui désire que tous les hommes aient du pain, que les enfants puissent jouer dans des jardins, et qui trouve beaux les arbres et jolies les fleurs… c’est pour exécuter la sentence qui condamne à mort cet affamé à qui l’on avait arraché son gagne-pain, à qui l’on refusait du travail, et qui a volé quarante sous.

 Quel avenir ?

Le Voleur : Randal et Lamargelle

 

L’écrivain fait preuve ici  d’une lucidité amère; il n’y a pas beaucoup d’espoir pour l’avenir chez Darien qui refuse l’utopie et l’idéalisme. Il est d’une honnêteté implacable envers lui-même et son lecteur. Il sait que nous marchons vers l'avènement d'une société qui est amplement la nôtre aujourd’hui :
 Car il  (l'oncle de Randal) prédit, pour l’avenir, un nouveau système social basé sur l’esclavage volontaire des grandes masses de l’humanité, lesquelles mettront en œuvre le sol et ses produits et se libéreront de tout souci en plaçant la régie de l’Argent, considéré comme unique Providence, entre les mains d’une petite minorité d’hommes d’affaires ennemis des chimères, dont la mission se bornera à appliquer, sans aucun soupçon d’idéologie, les décrets rendus mathématiquement par cette Providence tangible ; par le fait, le culte de l’Or célébré avec franchise par un travail scientifiquement réglé, au lieu des prosternations inutiles et honteuses devant des symboles décrépits qui masquent mal la seule Puissance. — Mais mon oncle est venu trop tard dans un monde encore trop jeune.
Les paroles d’espoir sont portées par l’abbé qui défend « la seule idée, l’idée de la liberté »
 Oui, le jour où l’Individu reparaîtra, reniant les pactes et déchirant les contrats qui lient les masses sur la dalle où sont gravés leurs Droits ; le jour où l’Individu, laissant les rois dire : « Nous voulons », osera dire : « Je veux » ; où, méconnaissant l’honneur d’être potentat en participation, il voudra simplement être lui-même, et entièrement ; le jour où il ne réclamera pas de droits, mais proclamera sa Force …

Le mot de la fin est pourtant laissé à Randal et aboutit à un nihilisme désenchanté :
L’existence est aussi bête, aussi vide et aussi illogique pour ceux qui la volent que pour ceux qui la gagnent.
Dire qu'on est toujours volé par quelqu'un ... Ah! chienne de vie!...

A mes yeux Georges Darien appartient à une famille d’écrivains dans laquelle je placerai, pour le ton et le regard désabusé porté sur la société, Jehan Rictus et Céline.
Un livre qui secoue, arrache, plein d'annonces sur notre société actuelle et qui ne peut donc laisser indifférent; un livre qui a choqué et qui choque encore! Je suis sûre que même de nos jours, les intégristes de tout bord le mettrait à la première place sur les bûchers littéraires!
 L'adaptation de Louis Malle est remarquable et magnifiquement interprétée par une pléïade d'artistes : voir Wens



Enigme n° 110

Le livre : Georges Darien : Le voleur
le film :Louis Malle :  Le voleur



Bravo aux triomphateurs de ce jeu : Aifelle, Asphodèle, Dasola, Dominique, Eeguab, Keisha, Mireille, Somaja, Syl...
Et merci à tous les participants qu'ils aient trouvé ou non!

samedi 11 avril 2015

Un livre/Un film : énigme 110



Voici l'énigme que nous n'avons pas pu présenter la semaine dernière :  Samedi 3 Avril.

Un  livre/un film

Pour ceux qui ne connaissent pas Un Livre/un film, l'énigme du samedi, je rappelle la règle du jeu.

Wens de En effeuillant le chrysanthème et moi-même, nous vous proposons, le 1er et le 3ème samedi du mois, et le 5ème pour les mois avec cinq samedis, un jeu sous forme d'énigme qui unit nos deux passions : La littérature et le cinéma! Il s'intitule : Un livre, Un film. Chez Wens vous devez trouver le film et le réalisateur, chez moi le livre et l'auteur. Eeguab ne nous relaiera pas cette année mais nous le remercions de tout le travail accompli l'année dernière.

Consignes  

Vous pouvez donner vos réponses par mail, adresse que vous trouverez dans mon profil : Qui suis-je? et  me laisser un mot dans les commentaires sans révéler la réponse pour m'avertir de votre participation. Le résultat de l'énigme et la proclamation des vainqueurs seront donnés le Dimanche.

Prochain rendez-vous

Rendez-vous le troisième samedi du mois :  Le samedi 18 Avril

Enigme 110

Je dois le choix de ce livre (et du film) à Sybilline! Merci! Sybilline! Mais elle ne vous dira rien, non, non!
Il s’agit d’un auteur français né à la fin du XIX siècle et mort dans la première partir du XX siècle. Anarchiste, insoumis, antimilitariste, profondément anticlérical, révolté par l’injustice et l’hypocrisie bourgeoise, pourfendeur de l'antisémitisme, cet auteur qui se dresse contre toute société établie, imagine un héros à son image qui défie la loi des classes possédantes et prend le parti du peuple. Son  roman a été magistralement adapté à l’écran sous le même titre.


J’ai trois souvenirs de ma mère.
Un jour, comme j’étais tout petit, elle me tenait sur ses genoux quand on est venu lui annoncer qu’une traite souscrite par un client était demeurée impayée. Elle m’a posé à terre si rudement que je suis tombé et que j’ai eu le poignet foulé.
Une fois, elle m’a récompensé parce que j’avais répondu à un vieux mendiant qui venait demander l’aumône à la grille : « Allez donc travailler, fainéant ; vous ferez mieux. »
— C’est très bien, mon enfant, m’a-t-elle dit. Le travail est le seul remède à la misère et empêche bien des mauvaises actions ; quand on travaille, on ne pense pas à faire du mal à autrui.
Et elle m’a donné une petite carabine avec laquelle on peut aisément tuer des oiseaux.
Une autre fois, elle m’a puni parce que « je demande toujours où mènent les chemins qu’on traverse, quand on va se promener. » Ma mère avait raison, je l’ai vu depuis. C’est tout à fait ridicule, de demander où mènent les chemins. Ils vous conduisent toujours où vous devez aller.

dimanche 22 mars 2015

Jim Thompson : Des cliques et des cloaques


Quatrième de couverture

Frank Dillon, il nous ressemble bien, au fond, à vous comme à moi. Sauf qu'il est un peu plus fou, et que ça le tracasse. Et que là où vous et moi, nous nous contentons d'oublier d'écrire à notre vieille grand-mère pour le Nouvel An, lui, il va plus loin dans le crime : il tue, et plusieurs fois.
Mais au bout du compte, s'estime aussi innocent que vous et moi. Est-ce le dernier des salauds, ou le premier des pauvres types ?

Le récit

Marie Trintignant et Patrick Dewaere dans Série noire d'Alain Corneau adapté du roman de Jim Thompson  : des cliques et des cloaques
Marie Trintignant et Patrick Dewaere dans Série noire d'Alain Corneau
Frank Dillon est un minable représentant de commerce. Lors d'une de ses tournées dans des quartiers sordides, une vieille femme lui propose de coucher avec sa jeune nièce Mona en échange  d'une ménagère. Il cède les couverts sans pour autant abuser de Mona. Frank doit maintenant rembourser la facture à son patron Stapples. Mais où trouver l'argent? La solution a ses problèmes passe par l'élimination de la vieille tante de Mona qui cache une fortune chez elle…

Le titre

Le titre français du roman Des cliques et des cloaques joue sur le jeu de mots mais est très loin du titre anglais : A hell of Woman : Une femme d'enfer, allusion aux femmes qui gravitent autour du personnage principal, Frank Dillon : Mona, qui pourrait être la femme fatale des romans noirs puisque elle le conduit au meurtre se trouve être ici, ironiquement, une pauvre fille complètement paumée, prostituée par sa tante; ce qu'illustre très bien la première de couverture de l'édition Folio policier, des bas résille, oui, mais troués! caricature du roman noir dont l'écrivain épouse les codes mais les détourne!
Une femme d'enfer pourrait être aussi son épouse, Joyce, une pauvre femme dépressive, à la dérive, qui essaie de sauver son couple et représente pour Dillon la cause de ces échecs car, bien sûr, pour lui, c'est toujours de la faute des autres et donc des femmes s'il est un raté. 
A moins que la femme d’enfer ne soit, au sens propre, ce personnage hideux, méprisable, que son absence de morale, sa cruauté et sa ladrerie place au plus bas de l’échelle humaine, la tante de Mona.

Quoi qu'il en soit et même si le titre est mal traduit (et il paraît que tout le reste de la traduction est à l'avenant) Des cliques et des cloaques rend bien compte d'une chose : en lisant l'histoire de Frank Dillon, c'est dans un cloaque que vous allez vous enfoncer. Certes tous les personnages sont issus d'une classe sociale misérable et sont à divers niveaux médiocres mais c'est à lui que va la palme, à moins qu'elle ne revienne à la tante de Mona!

La noirceur de l’âme humaine

Marie Trintignant et Patrick Dewaere dans Série noire d'Alain Corneau d'après le roman de Jim Thompson Des cliques et des cloaques
Patrick Dewaere dans Série Noire

 Chez Jim Thompson, le polar est un moyen de montrer la noirceur d'êtres en marge. Tous ses personnages sauf la tante, tellement immonde que sa mort ne nous émeut guère, présentent cependant des aspects positifs qui n'en font pas des salauds intégraux. Frank par exemple refuse d'abuser de la pauvre mais attirante Mona.

Cependant Frank Dillon reste un pauvre type, pathétique, détestable  alors qu'il voudrait être admiré, respecté, aimé. Sa vie professionnelle et sentimentale est un échec total. Il cherche en permanence des boucs émissaires, des êtres plus médiocres que lui, des individus qu'il pourra utiliser, exploiter, et les femmes en particulier. Refusant d'admettre sa médiocrité, il reporte ses échecs sur tous ceux qu'il côtoie. Il se prend pour un homme intelligent capable d'échafauder un crime parfait; pas assez toutefois pour ne pas éviter de se faire arnaquer par moins bête en apparence que lui.
Un grand roman magnifiquement adapté au cinéma par Alain Corneau, sous le titre de Série Noire.

                                                                                        Billet de Wens et claudialucia





 Enigme n° 109

Le livre : Jim Thompson : des cliques et des cloaques
le film : Alain Corneau : Série noire


Les illustrissimes participants  et triomphateurs de ce jeu sont : Aifelle, Asphodèle, Eeguab, Keisha, Miriam, Somaja, Valentyne...

samedi 21 mars 2015

Un livre/Un film : Enigme 109



Un  livre/un film

Pour ceux qui ne connaissent pas Un Livre/un film, l'énigme du samedi, je rappelle la règle du jeu.

Wens de En effeuillant le chrysanthème et moi-même, nous vous proposons, le 1er et le 3ème samedi du mois, et le 5ème pour les mois avec cinq samedis, un jeu sous forme d'énigme qui unit nos deux passions : La littérature et le cinéma! Il s'intitule : Un livre, Un film. Chez Wens vous devez trouver le film et le réalisateur, chez moi le livre et l'auteur. Eeguab ne nous relaiera pas cette année mais nous le remercions de tout le travail accompli l'année dernière.

Consignes  

Vous pouvez donner vos réponses par mail, adresse que vous trouverez dans mon profil : Qui suis-je? et  me laisser un mot dans les commentaires sans révéler la réponse pour m'avertir de votre participation. Le résultat de l'énigme et la proclamation des vainqueurs seront donnés le Dimanche.

Prochain rendez-vous

Donc rendez-vous le premier samedi du mois :  Le samedi 3 Avril

Enigme 109

Ecrit par un des plus grands écrivains américains de romans noirs, ce livre paru en 1954 est adapté au cinéma par un réalisateur français. Le titre français est très éloigné du titre américain comme du titre du film. Avec cette oeuvre, l’auteur nous fait descendre dans ce que l’on peut  appeler les bas-fonds  » de l’âme humaine. Un roman noir archi noir.

Je saute dans ma bagnole, je me mets à galoper en direction de la véranda, et, à ce moment, je la vois. Elle coule un oeil en douce par l’entrebaîllement des rideaux de la porte; l’espace d’un quart de seconde, un éclair illumine la vitre sombre, et ça la fait ressembler à un portrait dans un cadre. Ce n’est d’ailleurs pas joli-joli; question beauté, la fille n’en a pas plus que moi. Et pourtant elle m’attire. le temps de trébucher sur un défaut du ciment et de me rattraper de justesse pour ne pas ramasser un gain, je relève la tête : plus personne; les rideaux ont repris leur position normale.

dimanche 8 mars 2015

Honoré de Balzac : Le chef d'oeuvre inconnu / La belle noiseuse de Jacques Rivette


La Belle Noiseuse vue par Bernard Dufour inspiré par Balzac dans le film de Jacques Rivette

La  nouvelle de Balzac Le chef d’oeuvre inconnu est d’abord parue en feuilleton en 1831 puis a été intégrée aux Etudes philosophiques de La Comédie Humaine (1846).

Le récit

Nicolas Poussin : autoportrait
Un jeune peintre (qui n’est autre que Nicolas Poussin débutant) se rend à l’atelier du peintre Porbus. Il y retrouve le maître Frenhofer qui critique le dernier tableau de Porbus, à qui, affirme-t-il, il manque la vie. Nicolas Poussin est d’abord irrité par la suffisance de Frenhofer mais lorsque celui-ci retouche la toile de Porbus, il est en admiration. 
Frenhofer, lui-même disciple d’un grand maître, le peintre Mabuse, parle alors à Porbus et Nicolas de son tableau de La Belle Noiseuse, portrait de Catherine Lescaut, qu’il n’a jamais pu achever et qu’il n’a jamais voulu dévoiler à personne. Nicolas Poussin lui offre alors sa maîtresse, la belle Gillette, comme modèle, à la condition que Frenhofer leur montre son  oeuvre une fois celle-ci terminée. 
Gillette résiste par pudeur puis finit par se soumettre à son amant, comprenant que celui-ci la sacrifie à sa carrière et à son amour de l’art. Mais le mépris s’insinue en elle pour cet homme qui n’a peut-être pas la valeur qu’elle lui attribue et ceci marque la fin de son amour.
Grâce à la beauté de son modèle, Frenhofer achève le portrait dans une exaltation sacrée mais lorsqu’il dévoile sa toile aux deux hommes… ? Je vous laisse découvrir la suite!

Les personnages

La belle Noiseuse vue par Richard Hamilton(1922-2011)  inspiré par Balzac
Maître Frenhofer est un personnage fictif, disciple de Mabuse. Dans le film de Rivette, il est interprété par Michel Piccoli.

Catherine Lescaut  dite la Belle Noiseuse qui a servi de modèle au peintre est elle aussi un personnage imaginaire. Elle n'est pas présente dans la nouvelle alors que dans le film elle est interprétée par Jane Birkin qui est l'épouse du peintre.

Nicolas Poussin La sainte famille à l'escalier (1648)  Cleveland art museum

Nicolas Poussin : n’est pas encore, dans la nouvelle, le grand peintre classique que nous connaissons. 
Gillette : maîtresse de Nicolas Poussin


Frantz Porbus : le peintre de Henri IV

François Porbus : Frantz Porbus, dit Porbus le Jeune (1570-1622), auteur de célèbres portraits de Henri IV.


Jean Gossaert ou Gossart dit de Mabuse: portrait de Fille

Mabuse : Jean Gossaert ou Gossart dit de Mabuse (ou Maubeuge) (1478-1536), grand peintre flamand.

L’explication du titre

La belle Noiseuse vue par Rivette inspiré par Balzac

La nouvelle et le texte ne portent pas le même titre. Le film de Jacques Rivette intitulé La belle noiseuse met l’accent sur la maîtresse du peintre, Marianne, interprétée par Emmanuelle Béart. Un dialogue du film explique clairement le sens (même si contrairement à ce qu’affirme Marianne  « noiseuse » n’existe pas en québécois (wikipédia)) terme que nous retrouvons en français dans l’expression « chercher des noises à quelqu’un ». « Noise » en ancien français signifie bruit, tumulte, tapage, puis par glissement de sens, dispute. La noiseuse est une femme qui cherche querelle, bref! une « emmerdeuse » comme il est dit dans le film, autrement dit une femme qui n’est ni soumise, ni docile!

La nouvelle s’intitule Le chef d’oeuvre inconnu et désigne le portrait de la Belle Noiseuse que Frenhofer à peint avec tant de soin et qu’il n’a jamais voulu montrer à personne. Pour Frenhofer la passion de l’art et de la femme se confondent.

Montrer mon œuvre, s’écria le vieillard tout ému. Non, non, je dois la perfectionner encore. Hier, vers le soir, dit-il, j’ai cru avoir fini. Ses yeux me semblaient humides, sa chair était agitée. Les tresses de ses cheveux remuaient. Elle respirait !
Eh ! bien, l’œuvre que je tiens là-haut sous mes verrous est une exception dans notre art. Ce n’est pas une toile, c’est une femme ! une femme avec laquelle je ris, je pleure, je cause et je pense. Veux-tu que tout à coup je quitte un bonheur de dix années comme on jette un manteau ? Que tout à coup je cesse d’être père, amant et Dieu. Cette femme n’est pas une créature, c’est une création. Vienne ton jeune homme, je lui donnerai mes trésors, je lui donnerai des tableaux du Corrège, de Michel-Ange, du Titien, je baiserai la marque de ses pas dans la poussière ; mais en faire mon rival ? honte à moi ! Ha ! ha ! je suis plus amant encore que je ne suis peintre.

Balzac revisite ici le mythe de  Pygmalion amoureux de Galatée, la statue qu’il a créée et qui prend vie devant lui. Maître Frenhofer éprouve de l’amour pour sa création et souffre des affres de la jalousie comme un amant véritable.
Le récit, à ce moment là, peut s’infléchir vers le fantastique tout comme dans le conte d'Hoffmann L'homme au sable  avec Olympia, la poupée automate conçue par Coppelius ( Coppélia dans le ballet de Léo Delibes). Mais Balzac choisit de rester dans une certaine forme de réalisme  en s'intéressant d'abord au thème l’art et en présentant sa conception de l’artiste. Le personnage de Frenhofer devient un symbole, l'incarnation même de l'Art.

La portée de la nouvelle

La Belle Noiseuse vue par Pablo Picasso inspiré par Balzac

 C’est ce qu’explique l’universitaire Elisheva Rosen qui présente une interprétation du récit que je cite ici.

"Le Chef-d'oeuvre Inconnu est l'une des nouvelles les plus célèbres et les plus commentées de Balzac. Les avatars de son paratexte indiquent bien les différentes orientations de la nouvelle. Conte fantastique à la manière de Hoffman à l'origine, le récit tend, au fil de ses remaniements, à se détacher de la mode qui le portait au départ. Avec la mise en relief de sa dimension « philosophique », il s'impose comme l'un des textes majeurs de Balzac sur l'art, l'artiste et plus généralement la création. La scénographie balzacienne doit son efficacité à sa manière particulière de tresser érotique et esthétique : le drame de Frenhofer, comme le désarroi des artistes qui ont divinisé le Maître, est d'autant plus poignant qu'il se joue sur une double scène quasiment sacrificielle, celle de l'art et celle du désir et de l'amour. La réception du texte est conforme à cette double orientation du récit. Si les lecteurs contemporains se montrent plutôt sensibles au destin de Gillette, les lectures ultérieures y reconnaissent volontiers, selon l'heureuse expression de P. Laubriet, un véritable « catéchisme esthétique ». Ce texte, si cher à Cézanne, illustré par Picasso, a inspiré depuis les années soixante bien des essais d'esthétique : Michel Leiris, Hubert Damisch, Michel Serres, Georges Didi-Huberman, pour ne citer qu'eux, ont alimenté leur réflexion à sa source, amplifiant ainsi les résonances mythiques de ce récit aux charmes duquel le cinéma (Jacques Rivette) se devait de céder à son tour."

Les théories artistiques de Balzac

Le thème du portrait qui s’anime, plus vrai que la vie, est récurrent chez Balzac puisqu’on le retrouve, développé, dans Le portrait de Dorian Grey, récit fantastique qui est le reflet d’une des conceptions essentielles de l’art que Honoré de Balzac présente sous forme de maxime  : La mission de l’art n’est pas de copier la nature, mais de l’exprimer ! Tu n’es pas un vil copiste, mais un poète !
Il n'est pas étonnant que les peintres et les théoriciens de l’art aient été fascinés par cette nouvelle qui est une sorte de manifeste artistique.

La vie

Au moins, avez-vous là couleur, sentiment et dessin, les trois parties essentielles de l’Art explique Frenhofer à Portus et Poussin mais cela ne suffit pas.L’art en doit pas se contenter de l’apparence, il doit aller au-delà, il ne doit pas copier la vie mais être la vie!

C’est cela, et ce n’est pas cela. Qu’y manque-t-il ? un rien, mais ce rien est tout. Vous avez l’apparence de la vie, mais vous n’exprimez pas son trop-plein qui déborde, ce je ne sais quoi qui est l’âme peut-être et qui flotte nuageusement sur l’enveloppe ; enfin cette fleur de vie que Titien et Raphaël ont surprise.

Et ceci concerne toute création, y compris la création littéraire :

Il ne suffit pas pour être un grand poète de savoir à fond la syntaxe et de ne pas faire de faute de langue !
Ta création est incomplète. Tu n’as pu souffler qu’une portion de ton âme à ton œuvre chérie. Le flambeau de Prométhée s’est éteint plus d’une fois dans tes mains, et beaucoup d’endroits de ton tableau n’ont pas été touchés par la flamme céleste.

La lumière

Ce n’est pas la ligne mais la lumière qui donne la forme :

Rigoureusement parlant, le dessin n’existe pas !  La ligne est le moyen par lequel l’homme se rend compte de l’effet de la lumière sur les objets ; mais il n’y a pas de lignes dans la nature où tout est plein : c’est en modelant qu’on dessine, c’est-à-dire qu’on détache les choses du milieu où elles sont, la distribution du jour donne seule l’apparence au corps !`

Le travail de la forme

La Forme est un Protée bien plus insaisissable et plus fertile en replis que le Protée de la fable, ce n’est qu’après de longs combats qu’on peut la contraindre à se montrer sous son véritable aspect ; vous autres ! vous vous contentez de la première apparence qu’elle vous livre, ou tout au plus de la seconde, ou de la troisième ; ce n’est pas ainsi qu’agissent les victorieux lutteurs ! Ces peintres invaincus ne se laissent pas tromper à tous ces faux-fuyants, ils persévèrent jusqu’à ce que la nature en soit réduite à se montrer toute nue et dans son véritable esprit. Ainsi a procédé Raphaël, dit le vieillard en ôtant son bonnet de velours noir pour exprimer le respect que lui inspirait le roi de l’art, sa grande supériorité vient du sens intime qui, chez lui, semble vouloir briser la Forme.

Travaillez ! les peintres ne doivent méditer que les brosses à la main. 



Enigme N° 108
Le roman :Le chef d'oeuvre inconnu de Honoré de Balzac
Le film : La belle Noiseuse de Jacques Rivette
Bravo à  : 
Aifelle, Asphodèle, Dasola, Eeguab, Florence, Kathel, Keisha, Maggie, Syl,
Merci à tous les participants! Voir chez Wens pour le film.






samedi 7 mars 2015

Un livre/ Un film : Enigme



Un  livre/un film

Pour ceux qui ne connaissent pas Un Livre/un film, l'énigme du samedi, je rappelle la règle du jeu.

Wens de En effeuillant le chrysanthème et moi-même, nous vous proposons, le 1er et le 3ème samedi du mois, et le 5ème pour les mois avec cinq samedis, un jeu sous forme d'énigme qui unit nos deux passions : La littérature et le cinéma! Il s'intitule : Un livre, Un film. Chez Wens vous devez trouver le film et le réalisateur, chez moi le livre et l'auteur. Eeguab ne nous relaiera pas cette année mais nous le remercions de tout le travail accompli l'année dernière.

Consignes  

Vous pouvez donner vos réponses par mail, adresse que vous trouverez dans mon profil : Qui suis-je? et  me laisser un mot dans les commentaires sans révéler la réponse pour m'avertir de votre participation. Le résultat de l'énigme et la proclamation des vainqueurs seront donnés le Dimanche.

Prochain rendez-vous

Donc rendez-vous  le premier samedi du mois :  Le samedi 21 Mars


Enigme 108


Le film est adaptée de la nouvelle fantastique et philosophique d’un écrivain français du XIX siècle. Le texte écrit ne porte pas le même titre que le film qui se déroule à l’époque actuelle.  Le récit est une réflexion sur la création artistique. « Ce texte, si cher à Cézanne, illustré par Picasso, a inspiré depuis les années soixante bien des essais d'esthétique : Michel Leiris, Hubert Damisch, Michel Serres, Georges Didi-Huberman, pour ne citer qu'eux, ont alimenté leur réflexion à sa source, amplifiant ainsi les résonances mythiques de ce récit … » citation : critique universaitaire E. R. 


Comme une foule d’ignorants qui s’imaginent dessiner correctement parce qu’ils font un trait soigneusement ébarbé, je n’ai pas marqué sèchement les bords extérieurs de ma figure et fait ressortir jusqu’au moindre détail anatomique, car le corps humain ne finit pas par des lignes. En cela les sculpteurs peuvent plus approcher de la vérité que nous autres. La nature comporte une suite de rondeurs qui s’enveloppent les unes dans les autres. Rigoureusement parlant, le dessin n’existe pas !  La ligne est le moyen par lequel l’homme se rend compte de l’effet de la lumière sur les objets ; mais il n’y a pas de lignes dans la nature où tout est plein : c’est en modelant qu’on dessine, c’est-à-dire qu’on détache les choses du milieu où elles sont, la distribution du jour donne seule l’apparence au corps !


dimanche 15 février 2015

Alfred Bertram Guthrie : La captive aux yeux clairs





Alfred Bertram Guthrie est né à Bedford dans l'Indiana. Il passe sa jeunesse à Choteau, petite ville du nord du Montana. Diplômé en 1923 de l'Université du Montana, il part s'installer dans le Kentucky pour y être journaliste. Il revient à Choteau en 1943. Il publie The Big Sky (La captive aux yeux clairs) en 1947 et The Way West (Oregon -Express ou La route de l’ouest) en 1950 pour lequel il reçoit le prix Pulitzer. Ces ouvrages sont parmi les plus connus de la littérature du Montana.
Source










 Je ne peux présenter le livre aujourd’hui ni la liste des participants sortis victorieux de l’énigme. Mais je le ferai un peu plus tard  car le livre est une belle découverte qui plaira à tous les amateurs de Nature Writing (et autres!).

 En attendant, je vous invite à aller lire le billet de Hélène lecturissime ICI

 et le billet de Wens sur le film ICI

Le roman : La captive aux yeux clairs de Alfred Bertram Guthrie (The big Sky)
 Le film :La captive aux yeux clairs de Howard Hawks



samedi 14 février 2015

Un livre/un film Enigme n°107



Un  livre/un film

Pour ceux qui ne connaissent pas Un Livre/un film, l'énigme du samedi, je rappelle la règle du jeu.

Wens de En effeuillant le chrysanthème et moi-même, nous vous proposons, le 1er et le 3ème samedi du mois, et le 5ème pour les mois avec cinq samedis, un jeu sous forme d'énigme qui unit nos deux passions : La littérature et le cinéma! Il s'intitule : Un livre, Un film. Chez Wens vous devez trouver le film et le réalisateur, chez moi le livre et l'auteur. Eeguab ne nous relaiera pas cette année mais nous le remercions de tout le travail accompli l'année dernière.

Consignes  

Vous pouvez donner vos réponses par mail, adresse que vous trouverez dans mon profil : Qui suis-je? et  me laisser un mot dans les commentaires sans révéler la réponse pour m'avertir de votre participation. Le résultat de l'énigme et la proclamation des vainqueurs seront donnés le Dimanche.

Prochain rendez-vous

Donc rendez-vous  le premier samedi du mois :  Le samedi 7 Mars


Enigme N° 107

L'auteur de ce roman fait partie de « l’école » des écrivains du Montana.  Il parle de l’ouest américain, des grands espaces, des montagnes, des rivières sauvages où vivent les castors, des vallées encore peuplées de bisons.. Il décrit les moeurs des indiens et des trappeurs, l’arrivée des colons étrangers, une région en pleine transformation. C’est un ouvrage qui laisse donc une large place à nature. L’écrivain a obtenu le prix Pullitzer pour la suite de ce roman. Les deux ouvrages ont été adaptés au cinéma.


Le Missouri bouillonnait. Il débordait de son lit, gloussait au milieu des saules et des peupliers. Il creusait les falaises et attaquait la rive. De larges portions de terre avaient glissé dans l’eau ou s’étaient écroulées, avec de lents éclaboussements que le courant saisissait, entraînait et perdait dans sa propre précipitation. Des arbres montaient quand les rives cédaient, comme au ralenti tout d’abord, puis plus vite, dans le vacarme de l’air déchiré; ils se couchaient dans l’eau, encore accrochés à la rive dévastée, formant des barrages contre lesquels venaient s’entasser les objets flottants.(…)
Le Missouri est une rivière diabolique, un mur mouvant qui se dressait devant le Mandan, se brisait autour du bateau et se dressait de nouveau; ce n’était pas une rivière, mais une gigantesque masse d’eau libre qui descendait des montagnes en bondissant et traversait furieusement les plaines, impatient d’atteindre la mer.

Ils reprirent le cours sinueux de la rivière, passant devant un ancien fort à Council Bluffs, où trois cents soldats étaient morts du scorbut, …, puis ils traversèrent une portion envahie de souches, dans un paysage plat pendant quelque temps et vallonné de nouveau, dépourvu d’arbres, mais verdoyant, dépassant Wood’s Hill où un million d’hirondelles nichaient dans la roche jaune.
-C’est le pays du bison?
-Bientôt, maintenant. Très bientôt.

dimanche 1 février 2015

Jack Schaefer : L'homme des vallées perdues

L'homme des vallées perdues de Jack Schaefer, éditions Libretto Illustration de couverture Percy Crosby
L'homme des vallées perdues  couverture Percy Crosby


L'homme des vallées perdues de Jack Schaefer, écrivain américain, est paru en 1949 aux Etat-Unis. Il est devenu un classique de la littérature de l'Ouest américain. Le titre d'origine est Shane du nom du personnage principal..

Le récit

L'homme des vallées perdues:  film  Georges Stevens

Nous sommes en 1889 dans le Wyoming. Des colons se sont installés sur des terres et vont bouleverser les méthodes d'élevage. Ils se heurtent au grand propriétaire, Fletcher, qui voit d'un mauvais œil les fermiers s'installer sur les terres et poser des clôtures qui coupent ses immenses pâturages. Dans cette vallée perdue où la loi ne pénètre pas, c'est la raison du plus fort qui l'emporte. C'est alors qu'arrive Shane, un mystérieux étranger qui va être accueilli dans la ferme de Marian et de Joe Starrett et de leur fils Bob. Il va se lier d'amitié avec eux et leur venir en aide.

Un roman démystificateur

Paysage du Wyoming source
L'homme des vallées perdues est sans contexte un livre sur le mythe de l'Ouest avec ses personnages attendus, le justicier vagabond, le tueur, le propriétaire cupide, mais c'est en même temps une démystification peut-être parce qu'il s'agit d'un moment charnière dans l'histoire de ce pays, une période qui voit de grands bouleversements..
La conquête de l'Ouest n'est pas présenté comme une succession de grands moments héroïques, comme une aventure palpitante et grandiose. Certes, il faut du courage pour coloniser l'ouest mais l'écrivain insiste sur le labeur de tous les jours, la peur de l'échec, sur le quotidien épuisant. Et lorsqu'il faut lutter, armes à la main, ce n'est pas un choix mais une obligation. Les fermiers ont peur, certains préfèrent fuir plutôt que de perdre la vie mais tout est alors à recommencer. Les adversaires n'ont rien d'héroïque, ce sont des jeunes sans cervelle qui ont oublié de réfléchir comme Chris, soit des tueurs sans état d'âme comme Wilson. La violence et le meurtre marquent définitivement un homme et Shane ne peut espérer retrouver la sérénité après avoir tué. Il est condamné à l'errance. Derrière le mythe, il y a donc des êtres humains qui souffrent et sont marqués par leurs actes d'une manière indélébile. Il y a aussi des hommes qui n'ont rien d'héroïque, les fermiers, sauf si l'on appelle héroïsme, le fait d'user ses forces à des travaux pénibles et ingrats. Il y a aussi un pays qui se transforme, une économie qui change un monde bien accroché à ses traditions.

Un enfant pour narrateur

Joey , Brandon de Wilde, dans l'homme des vallées perdues de Stevens
Joey dans le film de Stevens , Bob dans le livre de Jack Schaefer

Si le récit paraît somme toute assez banal pour tout amateur de western qui connaît bien cette opposition classique entre les grands ranchers et les petits fermiers, le roman est, au contraire, original, surprenant et attachant.
Cela tient au regard plein d'amour et d'admiration que le narrateur, Bob, porte à ses parents, Marian et  Joe Starrett et à la fascination qu'il éprouve envers Shane. On ne peut vraiment croire aux personnages que si l'on garde en mémoire qu'ils sont vus à travers l'idéalisme et d'un petit garçon exalté et admiratif.

 Une idéalisation des personnages

Bob, Marian, Joe et Sahne

 Derrière le personnage du petit Bob, on sent l'homme mûr qui se souvient d'un passé qui a beaucoup compté pour lui. Ce double point de vue de l'enfant naïf, pur, passionné, aimant qu'il était et du vieillard qu'il est devenu lorsqu'il écrit ses souvenirs, crée une nostalgie qui donne une coloration particulière au récit. On y sent le romantisme de l'enfance. L'idéalisation des personnages auréolés par l'amour de l'enfant est telle qu'ils deviennent presque des êtres de légende : le père, fort, courageux, travailleur, prêt à donner sa vie pour sa femme et son enfant, et la mère, la jolie Marian, au caractère affirmé, qui rivalise à sa manière avec le courage de son mari. Et puis Shane, cet homme dont on ne saura rien sinon qu'il a été blessé par la vie et qu'il ne veut jamais porter son colt sur lui alors qu'il sait pourtant s'en servir d'une manière redoutable. Les zones d'ombre qui entourent ce solitaire permet un portrait nuancé qui laissent place à l'imagination. Importance du non-dit aussi dans l'amour éprouvé par Marian pour Shane (et réciproquement) qui se lit en filigrane à travers ce que l'enfant comprend et entend. 

 Un récit d'initiation 

Il y a une grande humanité dans les personnages, leur amour réciproque, leur confiance mutuelle, leur fidélité, leur courage. Lorsqu'ils servent de leurs armes, ils essaient toujours d'inculquer le sens de la justice et de la responsabilité au petit garçon et la gravité d'un tel acte.

-Je l'ai laissé m'insulter, je lui ai donné sa chance, dit Shane au petit garçon. Pour sauvegarder son amour-propre, on n'a pas nécessairement besoin de massacrer le premier qui vient vous manquer de respect.. Tu comprends cela?
Non . Je ne voyais pas.(...)
- Je lui ai laissé le choix; Rien ne l'obligeait à réagir comme il l'a fait la deuxième fois. Il aurait pu laisser tomber sans perdre la face. Mais pour en être capable, il aurait fallu qu'il soit suffisamment mûr.
Leçon que l'enfant ne comprend pas : il se passa beaucoup de temps avant que je saisisse ce qu'il avait voulu dire; j'étais alors devenu un homme et Shane n'était plus là pour que je lui en parle.

On comprend combien cette période a marqué l'enfant et a été pour lui une initiation à la vie.

Entre épopée du quotidien et humour

Un monde qui change : les premières clôtures

Le roman présente des scènes que l'on pourrait qualifier d'épique si elles ne concernaient pas des hommes simples placés dans des situations du quotidien! Et pourtant quel panache quand Shane et Joe à la seule force de leurs bras déracinent la souche gigantesque d'un arbre mort qui dégrade le champ de Joe. Quel courage aussi quand Shane affronte tout seul le tueur que Fletcher a fait venir pour se débarrasser des colons ou quand il est obligé d'assommer Joé qui veut y aller à sa place ! Les exploits des hommes, Marian les réitère à sa manière en gagnant le combat contre une tarte aux pommes récalcitrante qui refuse de cuire! Car l'humour n'est pas exempt du récit et il souvent est assez inattendu ! On y voit Shane, le «poor lonesome» Shane, donner des leçons de mode à Marian et lui indiquer comment, dans les grandes villes, les coquettes attachent leurs chapeaux sous le menton avec un joli nœud  !

L'homme des vallées perdues est donc un beau roman plein d'humanité qui peut plaire à tous ceux qui aiment les récits sur la conquête de l'Ouest américain mais aussi à ceux qui apprécient les beaux personnages positifs et humains!
J'ai trouvé le film bien médiocre par rapport au roman et Alan Ladd bien faible par rapport au Shane de Jack Schaefer ! Voir Wens pour le film.




Enigme n° 106
Les vainqueurs du jour: Eeguab, Dasola, Keisha, Somaja, Thérèse et Aifelle.

Livre : Shane ou l'Homme des vallées perdues de Jack  Schaefer
Film : L'homme des vallées perdues de George Stevens (voir Wens)