Pages

Affichage des articles dont le libellé est policier. Afficher tous les articles
Affichage des articles dont le libellé est policier. Afficher tous les articles

mardi 27 février 2018

Asa Larsson : La piste noire


J’ai continué la série d'Asa Larsson qui a pour personnage principal récurrent Rebecka Martinson.  (Tome 1 Horreur Boréale Tome 2  : Le sang versé )

 Le troisième tome de la série s’intitule La piste noire. Je laisse à l’éditeur le soin de raconter l’histoire :

Nord de la Suède. Un pêcheur découvre le cadavre torturé d'une femme au bord d'un lac gelé. La belle Inna Wattrang était la porte-parole de Mauri Kallis, un célèbre industriel dont l'ascension et la réussite fascinent le pays.

 Les indices sont minces : les deux inspecteurs de la police judiciaire de Kiruna font appel à l'ex-avocate Rebecka Martinsson, devenue substitut du procureur, pour tenter d'élucider les relations troubles entre Kallis et son employée.

 Derrière le meurtre d'Inna se profile un univers de mensonges, de haines et de faux-semblants où le mal se tient à l'affût comme un corbeau noir. Avec cette nouvelle enquête de Rebecka Martinsson, Åsa Larsson, Prix du meilleur roman policier suédois pour Le Sang versé, sonne le renouveau du polar Scandinave.


 J’ai trouvé ce roman très inégal. Il présente des longueurs, des passages un peu trop didactiques où sont présentés au lecteur les dessous de l’exploitation minière en Suède et en Ouganda. Cela pourrait être intéressant si c’était habilement introduit dans l’histoire mais j’ai trouvé que cela interrompait le récit. Les personnages des "méchants"  m’ont peu intéressée et Rebecca, en proie à une grave dépression, n’a pas un grand rôle dans le roman. Si ce n’est cette passion soudaine qu’elle développe  pour son ancien patron Mans,  coureur impénitent,  qui paraît assez peu intéressant d’ailleurs,  amour auquel on a peine à croire car  les sentiments de la jeune femme ne sont pas suffisamment  analysés.

Par contre et comme d’habitude, le roman présente des passages vraiment très bien écrits qui me réconcilient  avec le roman. C’est ainsi qu'Ester, cette jeune fille au tempérament d’artiste, à la sensibilité exacerbée, confiée à sa naissance à une famille sami, est vraiment intéressante. Sa mère adoptive est un beau personnage, et l’on découvre, au cours du roman, la mentalité des samis pour lesquels le surnaturel est toujours lié à l’idée de nature. De plus, Asa Larsson dénonce le racisme des suédois toujours vif envers cette nation.
 Parfois les personnages secondaires d’Asa Larsson sont plus consistants et plus riches que ces personnages principaux. Je continue à aimer aussi  la manière dont elle parle des animaux et la façon intime dont elle interprète leurs réactions sans anthropomorphisme. Dès qu’il s’agit de la nature nordique, des lac gelés, de la la neige, des chiens et des chats, la plume d’Asa Larsson est dans son élément.
La fin se termine, comme d'habitude,  par un carnage mais pour une fois Rebecka n’y est pas mêlée. C’est Anna-Maria la lieutenant de police et son adjoint Svenn-Erik qui s’y collent !
Le roman a plus de cinq cent pages mais il gagnerait, il me semble à être élagué.


mercredi 31 janvier 2018

Michel Bussi : On la trouvait plutôt jolie



Leyli Maal est émigré, d’origine béninoise, et vit dans une cité pauvre de Port de Bouc près de Marseille. Elle cherche à obtenir un appartement plus grand pour loger ses trois enfants Bamby, une très belle fille de 21 ans, Alpha, déjà un géant à l’âge de seize ans et le petit Tidiane, dix ans.
Mais Leyli Maal a un secret que  le lecteur ne découvrira qu’à la fin en se disant qu’il s’est fait mener en bateau par l’auteur. Personnellement, en effet, je ne m’étais doutée de rien ! Je me suis un peu perdue dans tout ce qui m’a été révélé sans être vraiment convaincue que c ‘était vraisemblable et que cela apportait quelque chose à l’intrigue.

Deux meurtres ont lieu coup sur coup dans un hôtel de rencontres minable. L’enquête est confiée au commandant Petra Velika et à son adjoint, le jeune Julo Florès. Ils  s’aperçoivent bien vite que les deux victimes sont tous deux des membres de Vogelzug, une association pour l’aide à l’immigration présidée par le très riche et très antipathique Jourdain Blanc-Martin. Très vite les soupçons se portent sur Bamby, la fille de Leyli. Je ne vous révèle rien, on le sait dès le début ! Et je ne raconte pas plus !

Le roman alterne entre l’histoire policière et les récits de Leyli qui retrace la misère et les malheurs qui ont été son lot depuis son enfance et son long, douloureux et périlleux voyage pour gagner la France,  pour obtenir ses papiers puis pour faire venir ses enfants.

Un roman humaniste


Michel Bussi veut, dit-il, écrire un roman « humaniste » donc il ne détaille pas les problèmes économiques, sociaux, religieux et moraux que pose l'installation en France de migrants et il se défend d’avoir écrit un roman politique.
L’auteur parle avec générosité d’une question d’actualité qui lui tient à coeur :  l’accueil réservé aux immigrants en France, les lenteurs et les inepties de l’administration française pour statuer de leur sort, pour leur accorder des logements, le renvoi de ceux qui sont des migrants économiques alors que les migrants politiques peuvent rester . 

"Et ne viens pas me demander pourquoi on a le devoir d’accueillir un gars qui crève de peur chez lui et pas un gars qui crève de faim." 

Il s’attaque en particulier aux passeurs qui s’enrichissent sur le dos des hommes et des femmes qu’ils transportent dans des conditions inhumaines, au péril de leur vie et qu’ils abandonnent parfois à une mort certaine en pleine Méditerranée. Et l’on ne peut que s’indigner, comme l’auteur, contre ceux qui font le commerce d’êtres humains, ces nouveaux négriers qui ne sont pas arrêtés comme ils devraient l’être.

Un roman un peu trop démonstratif

 Humaniste, idéaliste, certes. Malheureusement, le roman présente des aspects trop démonstratifs et maladroits car plein de contradictions. 

"Ceux qui traversent la terre entière ne sont pas des hordes affamés jetées sur les routes, ce sont les ambitieux, les inconscients, les bannis, les fous, les rêveurs, les libres."

Et c’est bien vrai pour Leyly ! L’on ne peut que la trouver sympathique, courageuse, un petit bout de femme que la vie a malmenée, qui n’a jamais baissé les bras et l’on voudrait que sa vie soit plus facile et qu’elle ait enfin droit au rêve mais.. l’on ne peut s’empêcher de penser que les hommes qui l’accompagnent, qui la violent ou la prostituent (elle et les autres femmes seules) pendant le voyage ne sont pas des gens que l’on a envie de recevoir en France. L’idéalisme a des limites !
D’autre part, je n’ai pas trouvé dans ce livre les personnages des migrants toujours convaincants ni vrais dans leur manière de parler, ni dans leur mentalité, ni dans leur culture qui m’a paru trop française alors que certains n’ont jamais vécu en France. Les dialogues sonnent souvent faux, trop léchés et trop littéraires.   Et puis, un gosse qui a abandonné ses études,  délinquant voire meurtrier, et qui déclame « Le cimetière marin » en braquant un yacht, vous y croyez, vous ?  Une fille de milieu pauvre qui change de vêtements ( avec quel argent ?) et d’identités pour chaque meurtre, capable de se faire passer pour une doctorante etc.. n’est pas très crédible, non plus. Et des grands-parents béninois installés au Maroc qui racontent la mythologie grecque à leur petit-fils sans rapport avec leur propre culture, c’est dommage !

Ceci dit le livre se lit bien car on a envie de comprendre l’histoire et d’apprendre le secret de Leyli mais il est loin d’emporter mon adhésion.




Merci à Dialogues croisés et aux éditions Presses de la cité

lundi 22 janvier 2018

Asa Larsson : Le sang versé




Le  sang versé de Asa Larsson est second livre relatif au cycle de Rebecka Martisson, la jeune avocate de Stockholm, née à Kiruna (comme l’auteure ) en Laponie suédoise.

Après la fin terrible du premier roman Horreur boréale, Rebecka essaie de reprendre son travail d’avocate mais une sévère dépression nerveuse l’empêche d’être performante. Un collègue lui prête sa maison non loin de Kiruna, dans un petit village à 145km du cercle polaire. Elle part là-bas pour se reposer et essayer de retrouver le goût de vivre.
Hélas ! L’assassinat d’une femme pasteur que l’on a retrouvée pendue à l’orgue de l’église provoque un climat délétère. Et la pauvre Rebecka se retrouve à son corps défendant au milieu de l'enquête !

Alors là, je me suis dit : Décidément Asa Larsson a quelque chose contre les pasteurs sinon comment expliquer qu’elle les trucide d’un livre à l’autre et qu’elle brosse de ces religieux une peinture aussi critique et acide ! Je vois dans la postface que je ne suis pas la seule à avoir pensé cela ! Sa famille, son oncle vicaire à la retraite, sa tante laestadienne, la branche la plus conservatrice, la plus austère et rigide du protestantisme, s’en sont émus et lui ont fait promettre de ne plus tuer de pasteurs dans ses livres. Tant mieux parce que c'est un peu fastidieux cette hécatombe de pasteurs !

Mais à mon avis, elle a un compte à régler ! Car le tableau qu’elle dresse du collègue de la victime et de son vicaire est plus que critique. Et oui, même si l’on est pasteur, on peut-être machiste, antiféministe et ne pas supporter qu’une femme vous concurrence ! Malgré tout l'on ne peut s'empêcher de penser que les protestants sont en avance sur les catholiques et moins misogynes car ce n'est pas demain la vieille qu'il y aura de femmes curés  !
 On peut aussi tremper dans des combines louches et détourner l’argent commun à des fins privés. Quant à la femme pasteur, féministe, elle a des aspects bien sympathiques et l’on comprend pourquoi elle se met à dos tous les machos de la ville mais, en même temps, l’importance qu’elle a dans la vie quotidienne des gens m’effraie. Que le poids de la religion puisse être si pesant  dans ce pays-là m’étouffe ! Je n’aurai pas l’impression de liberté si je devais vivre ainsi.
Enfin,  la critique de la chasse et des chasseurs n’est pas mal non plus !

Ce que j'en pense ? A mon avis le livre n'est pas parfait. L’équilibre entre l’histoire policière et la vie de Rebecka, l’analyse des personnages et de la société, n’est pas encore trouvé. L’enquête traîne en longueur mais le personnage de Rebecka s’étoffe, celui de Sivving aussi. On voit apparaître pour la première fois un personnage qui va devenir important par la suite, le policier maître-chien Krister. 
A la fin quand on apprend ce qui arrive à Rebecka on est inquiet pour elle ! Mais nous répond Asa Larsson  : « Rebecka Martinsson va s’en remettre. J’ai foi en cette petite fille avec ses bottes en caoutchouc rouge. Et puis n’oubliez pas : dans mon histoire, c’est moi qui suis Dieu. »
Moralité ? Il me reste à lire le troisième La Piste noire et le quatrième Tant que dure ta colère. A bientôt !



dimanche 21 janvier 2018

Asa Larsson : Horreur boréale


J’ai commencé ma lecture de la série policière d’Asa Larsson par le cinquième volume En sacrifice à Moloch  et me suis intéressée au personnage principal récurrent, l’avocate fiscaliste Rebecka Martinson. Je me suis donc promis de lire les quatre premiers. Voilà qui est presque  fait, du moins pour deux d’entre eux.

Horreur boréale est le premier. On y rencontre Rebecka qui est avocate fiscaliste à Stockholm, carrière brillante mais qui ne semble pas la combler, de même qu’elle n’aime pas trop son patron Mans Wenngren.
Rebecka  reçoit un appel au secours d’une amie d’enfance, Sanna, mère de deux petits filles, dont le frère, pasteur, vient d’être savamment assassinée à Kiruna, une petite ville de la Laponie suédoise. C'est là que Rebecka est née et qu’elle a vécu avec sa grand-mère maintenant disparue dans un chalet, une enfance dont elle se souvient avec nostalgie. Rebecka prend un congé au grand dam de son patron et va rejoindre Sanna. C’est le début d’une dangereuse enquête - qu’elle mène pour sauver son amie accusée à tort- mais qui se terminera tragiquement.

J’ai trouvé que l’intrigue patinait un peu car l’écrivaine semble plus intéressée par ses personnages que par l’enquête policière proprement dite et je me suis un peu ennuyée au début. Mais j'avais envie d'en savoir plus sur Rebecka et sur son pays.
L’histoire  se déroule en sept jours d’hiver, dans la neige et sous un ciel couronné par les aurores boréales. Le temps qu’il a fallu pour créer le monde. Rappel biblique qui nous replace dans cette petite ville protestante dont les pasteurs représentants de différentes églises forment une communauté religieuse. En Laponie suédoise ils sont encore très puissants.
 Asa Larsson a l’art d’analyser les relations complexes entre les êtres, l’amitié-répulsion entre Sanna et Rebecka, l'art aussi de peindre les non-dits, les jalousies, les rapports de domination, les mesquineries et les malhonnêtetés et hypocrisies qui règnent au sein de la communauté religieuse. Un tableau peu reluisant !

 On y découvre des personnages qui vont l’accompagner tout au long de ces volumes, Anna Maria la policière chargée de l’enquête et son adjoint Sven-Erik, le voisin de la grand-mère de Rebecka, le vieux Sivving et ses chiens.
Malgré ses longueurs, j’ai fini par m'intéresser à ce roman mais pas autant que En sacrifice à Moloch.
Le livre a obtenu le prix du premier roman policier suédois en 2003.

A bientôt pour le deuxième volume "Le sang versé"


mardi 16 janvier 2018

Clare Mackintosh : Te laisser partir


"Un soir de pluie à Bristol, un petit garçon est renversé par un chauffard qui prend la fuite. L’enquête démarre, mais atteint rapidement son point mort. Le capitaine Ray Stevens et son équipe n’ont aucune piste. Rien. Après cette nuit tragique, Jenna a tout quitté et trouvé refuge au pays de Galles, dans un cottage battu par les vents. 
Mais plus d’un an après les faits, Kate, une inspectrice de la criminelle, rouvre le dossier du délit de fuite. Et si l’instant qui a détruit tant de vies n’était pas le fait du hasard ?" résumé de l'éditeur

Le premier livre de Clare Mackintosh a connu un immense succès en Angleterre et obtenu le Prix du meilleur roman international au festival Polar de Cognac 2016.
 

J’ai choisi  le livre Te laisser partir de Clare Mackintosh parce qu’il se passait à Bristol, une ville que je connais bien ! En dehors de cette anecdote, j’ai été rapidement pris par l’ambiance du roman, par le suspense qui reste entier tout au long du récit.
Pas un seul instant la tension ne se relâche et lorsque Jenna part pour le Pays de Galles, on pourrait penser que le spectacle de l’océan, la beauté des falaises, l’amitié et peut-être l’amour qu’elle rencontre pourrait lui apporter un peu d’apaisement. Il n’en est rien. Il règne un mystère autour d’elle, un danger la menace.

Il ne s’agit pas ici d’un roman policier social mais d’un suspense très bien fait qui nous tient en haleine. Un coup de théâtre très réussi que, bien sûr, je ne vous révélerai pas, remet en cause toutes nos certitudes.
Un roman qui se lit facilement et que l’on ne peut quitter tant qu’on n’a pas atteint la dernière page !


mercredi 10 janvier 2018

Ragnar Jonasson : Snjor



Snjor de Ragnar Jonasson. Encore un policier nordique  ! Cette fois, nous sommes transportés en Islande du Nord, dans une ville Siglufjordur, si éloignée, si coupée du reste du monde et si froide que Reykjavik, par contraste, semble être une villégiature tropicale !  Oui, j'exagère un peu mais n'oublions pas que j'ai vécu longtemps à Marseille.

Ceci dit, un des intérêts du roman, entre autres, c'est ce dépaysement total dans une ville plongée dans la nuit hivernale, ensevelie sous des mètres de neige (Snjor, la neige) dont la seule voie de communication par la route est le plus souvent coupée par des avalanches, un lieu sans lien avec le reste du monde quand sévissent blizzards et tempêtes! Une ville où tout le monde se connaît avec ce que cela suppose de positif (l'amitié, la solidarité) mais aussi de négatif (le manque d'intimité, l'obligation des rapports sociaux même avec des gens que l'on n'aime pas, les racontars, les rumeurs malveillantes.).  Une ville où la porte n'est jamais fermée à clef de jour comme de nuit et pourtant ! Lorsque un écrivain célèbre tombe d'un escalier d'une manière suspecte et se tue, lorsqu'une jeune femme est découverte assassinée dans la neige, l'inquiétude et la peur font son apparition à Siglufjordur.

Le personnage principal est le jeune policier Ari Thor, frais émoulu de l'école de police, qui vient d'être affecté dans la ville. Dans l'Islande en proie à la récession économique, il est bien heureux de trouver un travail mais il doit quitter pour cela sa petite amie Kristin qui vit à Reykhavik.  Au-delà de l'intrigue policière, on suit avec intérêt, le délitement de cet amour à cause de l'éloignement et plus subtilement d'une différence sociale responsable d'une fêlure entre les deux. On voit sa difficile acclimatation à ce pays si rude, ses angoisses, son impression d'étouffement. Puis l'on fait connaissance avec les autres protagonistes de l'action dont la belle Ugla qui ne laisse pas Ari Thor indifférent.

Une intrigue que l'on suit avec plaisir, des personnages intéressants, la découverte d'un pays, une atmosphère oppressante, voilà qui ce qui fait la réussite du roman où l'on se sent pris à partie, enfermé dans un huis clos à l'islandaise.  C'est d'ailleurs le sous-titre du roman. Et je compte lire la suite qui s'intitule : Mörk.


Lire aussi : 


samedi 6 janvier 2018

Asa Larsson : En sacrifice à Moloch




En sacrifice à Moloch est un roman de la suédoise Asa Larsson dont l'action se déroule en Laponie suédoise.
Le  roman débute par une impressionnante chasse à l'ours dans le ventre duquel l'on retrouve des restes humains.  Plus tard, Sol Brit Uusitalo, une vieille femme, est assassinée chez elle à coups de fourche. Son petit-fils Marcus, un petit garçon de 7 ans a disparu. C'est le policier Krister et ses chiens dressés qui le retrouvent mais l'enfant traumatisé semble frappé d'amnésie. La procureure Rebekka Martinssso est d'abord chargée de l'enquête avant de se faire évincer par son collègue Von Post arriviste infatué de lui-même et fort antipathique. Mais elle continue à enquêter de loin et remarque que dans la famille Uusitalo, on n'a décidément pas de chance et que l'on y meurt facilement d'une génération à l'autre, et ceci d'une manière suspecte. En reliant le passé aux meurtres du présent, Rebekka va-t-elle parvenir à trouver le coupable?

J'ai beaucoup aimé ce roman policier dont l'intrigue est bien conduite et le suspense bien mené. Il y a un autre récit enchâssé dans le premier et tout aussi intéressant, dont l'intrigue se passe en 1914 et qui suit le cheminement de la jeune Elina Petterson, institutrice, la trisaïeule de Marcus, elle aussi sauvagement assassinée.
D'autre part, le cadre, les paysages enneigés de la Laponie suédoise, ne pouvait que me plaire après mon voyage en Laponie norvégienne. J'ai eu plaisir à me retrouver au pays des Samis, dans le froid d'un pays reculé, sauvage et beau qui contraste fortement avec la vie antérieure de Rebekka à Stockholm. La magistrate était promue à un brillant avenir avant qu'elle ne vienne se réfugier dans le village de son enfance. Finalement, entre une vie dominée par la recherche de l'argent, du confort, au prix d'une concurrence acharnée avec ses collègues, elle préfère la vie plus authentique de sa Laponie natale.
Les personnages qui gravitent autour d'elle sont à la fois très attachants et bien campés, originaux, parfois un peu marginaux et très humains comme en témoignent leurs relations entre eux. Que ce soit Sivving, le vieux voisin sur lequel Rebekka veille filialement, Pohjanen le médecin-légiste dont elle sait  accompagner la solitude, Anna-Maria Mella, la policière, qui a bien du mal à concilier l'élégance et sa ligne avec son métier, Krister Ericsson, défiguré par un incendie, policier, amoureux de Rebecca.  Krister, du fait de son métier de maître-chien, introduit d'autres personnages inattendus dans le roman : les chiens !  Ces derniers jouent un grand rôle dans l'histoire et il faut reconnaître que Asa Larsson parle d'eux d'une manière tendre et pleine d'humour. On sent qu'elle les aime et les connaît bien !

Ce livre m'a donné envie de lire les précédents car il est fait allusion à des évènements antérieurs qui expliquent le personnage de Rebekka même si l'on peut lire ce livre sans connaître les autres. Une lecture très agréable.



dimanche 3 décembre 2017

Philippe Jaenada : La serpe



Qu’est-ce qui peut provoquer une telle addiction dans un livre de Philippe Jaenada ? C’est ce que je me suis demandé en lisant en deux  jours La serpe, un pavé de plus de six cents pages. Les meurtres qui y sont relatés sont anciens, les coupables ont été jugés depuis longtemps  et la plupart des protagonistes ont maintenant disparu !

Un vrai « polar »
Le château de l'Escoire

Dans La Serpe, Philippe Jaenada enquête comme il sait si bien le faire sur un triple assassinat qui a eu lieu dans le château de l'Escoire en Périgord, pendant la guerre de 1940. J’ai eu envie de lire ce roman quand j’ai appris que Henri Girard accusé d’avoir tué son père, sa tante et la bonne, n’était autre que Georges Arnaud, l’auteur de Le salaire de la peur. Ce livre paru dans les années 50,  à l’écriture puissante, a donné lieu à plusieurs adaptations : celle de Clouzot, en particulier, avec Charles Vanel et Yves Montand.

Philippe Jaenada procède, quand il prend en charge une affaire, exactement comme le ferait un enquêteur chargé de trouver le criminel. Il retourne sur les lieux du crime, examine les indices, s’imprègne de l’atmosphère; et, puisqu’il s’agit d’un évènement ancien, consulte les archives, les minutes du procès, la correspondance des principaux personnages. Au lieu de remonter le temps, il le descend, il s’immerge dans l’époque. Pas étonnant qu’il soit alors habité par des fantômes et qu’il puisse éprouver la chair de poule en  mettant  son pas dans les traces de l’assassin. Chemin faisant il nous fait part de ses doutes, s’il en a (et c’est le cas pour cette enquête) puis il apporte sa propre vision de ce qui s’est passé.
Il s’agit donc pour le lecteur d’une véritable enquête policière dans lequel les ressorts romanesques sont les mêmes que ceux d’un bon vieux « polar » ! Empathie pour les victimes, frissons, horreur des crimes commis, curiosité et questionnement sur la véritable identité du coupable, résolution de l’énigme.
Et comme dans tout bon roman policier, nous découvrons ici la société française de l’époque. Ainsi l’antagonisme plus ou moins larvé entre châtelains et villageois, entre maîtres et employés semble jouer une grand rôle. La misère est très répandue dans cette France de la province, les inégalités sociales très marquées. De plus tout est exacerbé par les privations dues à la guerre. L’occupation allemande et le gouvernement de Vichy servent de toile de fond à ce drame et entrent en ligne de compte dans les motivations des personnages. Quant à la justice française, j’espère qu’elle a fait des progrès car la manière de conduire une enquête à cette époque-là est extrêmement inquiétante !

Un  enquêteur  bourré d’humour

Philippe Jaenada (source)
L’inspecteur ? Allons, soyons bons ! Accordons lui le grade de commissaire! Le commissaire Jaenada ne peut s’empêcher de se glisser dans le récit et devient ainsi un personnage à part entière comme dans un roman de Fred Vargas.  Et ceci par le biais des fameuses digressions jaenadiennes.  Et bien oui, vous partagez tout de ses états d’esprit, de ses peurs bleues, de ses vagues-à-l’âme, de ses amours aussi, sa femme et son fils…   Et avec quel humour !
Ainsi,  vous saurez qu’il aime la solitude et la retraite, du moins c’est ce qu’il prétend ! Mais quand il part quinze jours en Périgord, c’est pire que s’il partait six mois en Sibérie au bord du lac Baïkal comme dans le dernier roman que  je viens de lire de Sylvain Tesson. Heureusement,  pour se coucher, il a emporté  son « doudou », euh! je veux dire le foulard de sa femme ! Il est vrai que l’épreuve est grande pour un Parisien comme lui de partir ainsi dans le Périgord, une région sauvage et désolée avec des autochtones peut-être hostiles, on ne sait jamais !
J’adore ce style d’humour ! Je m’arrête sur ce sujet, en précisant que l’humour permet de désamorcer la tension qui naît de l’atrocité et de la sauvagerie de ces assassinats qui nous sont décrits avec précision.

L’analyse psychologique et la structure du livre

Henri Girard  : Georges Arnaud
L’écrivain est excellent dans l’art de l’analyse psychologique à travers les lettres, les écrits, mais aussi les déclarations des uns et des autres car tout est consigné au cours du procès et les nombreux témoignages permettent de brosser un portrait du suspect assez complexe.
 Il y a, et c’est ce qui me passionne,  une mise en abyme de Henri Girard comme s’il était vu dans une succession de miroirs qui  renvoient des images contradictoires.  Par exemple, selon le point de vue, Henri Girard peut apparaître comme un sale gosse de riches, dépensier, caractériel, un individu méprisable, violent, capable de tous les crimes, plein de haine envers son père et sa tante. Mais aussi et en particulier à travers la correspondance qu’il entretenait avec son père, il peut être un enfant traumatisé par la mort de sa mère, mal dans sa peau,  arrogant, certes, mais un fils aimant et respectueux, un homme très intelligent et cultivé,  engagé contre le nazisme, un humaniste qui venait en aide aux plus pauvres.. 
La structure du livre en deux parties va jouer sur les deux facettes du personnage et nous amener à un dénouement inattendu mais spectaculaire !

 Prix Fémina 2017

Voir l'avis de Keisha  Ici  
Papillon Ici 
Yspaddaden Ici

mardi 5 septembre 2017

Arnaldur Indridason : Dans l'ombre



Le roman d’Arnaldur Indridason, Dans l'ombre aux éditions Métailié, explore un des moments de l’histoire Islandaise qui en 1941 fut occupée par les forces armées britanniques et américaines, pour faire obstacle au nazisme.

L’écrivain brosse un tableau passionnant de ce bouleversement historique qui chamboule la vie, les habitudes et même les moeurs des habitants de l’île. C’est l'aspect du roman qui m’a le plus intéressée. L’occupation de l’Islande par des soldats alliés, arrivés en masse, transforment l’économie du pays, créent des emplois, donnent aux femmes, en particulier, des espoirs d’avenir et d’émancipation.  Se faire épouser par un soldat anglais, c’est sortir de la misère et quitter un pays pauvre, économiquement en retard sur ceux des occupants. Les femmes couchent avec les soldats, s’amusent avec eux dans des bars et des dancings qui se développent, trouvent du travail dans les blanchisseries et les cantines. C’est ce que les islandais ont appelé la Situation. La police est obligée de protéger les jeunes adolescentes attirées par le miroir aux alouettes pour éviter qu’elles ne servent de prostituées aux soldats.

C’est dans ce contexte que se place l’intrigue policière : un représentant de commerce, Eyvindur, est assassiné dans l’appartement d’un de ses collègues, Félix Lunden. Son cadavre est marqué au visage par une croix gammée. Les soupçons se portent vite sur ce Félix qui appartient à une famille d’origine allemande qui semble avoir eu des sympathies pour l’idéologie nazie. Félix exercerait-il des activités d’espion à la solde de l’Allemagne nazie ? De plus,  c’est un ancien camarade de classe d'Eyvindur, ce qui va mettre à jour des zones d’ombre de leur enfance commune.
 Pourtant un colt appartenant à l’armée américaine oriente les enquêteurs vers les soldats qui peuplent la ville. Et ceci d’autant plus que Véra, la femme d'Eyvindur, qui a quitté son mari pour travailler comme blanchisseuse, a une liaison avec un soldat  étranger.

Ce sont deux jeunes enquêteurs peu expérimentés qui mènent l’enquête : Flovent qui travaille depuis quelques années à la Criminelle de Reykjavik où les crimes sont rares. Il a fait un stage à Scotland Yard. Thorson, canadien d’origine islandaise, interprète maîtrisant la langue islandaise, est affecté à la police militaire britannique puis américaine. Il devient l’assistant de Flovent parce qu’il est le seul capable de communiquer avec les habitants tout en garantissant les intérêts de l’armée.
Les deux policiers malgré leur inexpérience vont se révéler entêtés et coriaces. Ils sont sympathiques et l’on s’intéresse à eux, même s’ils ne m’ont pas encore  permis d’oublier le regretté Erlendur. Mais laissons leur le temps ! Dans l’ombre n’est que le premier tome d’une trilogie qui va certainement permettre aux deux personnages de s’imposer. Le deuxième volume La femme de l’ombre paraîtra en octobre  2017. A suivre donc !



dimanche 3 septembre 2017

Ian Mc Ewan : Dans une coque de noix



Bien au chaud et bien à l’abri (du moins c’est ce que l’on pourrait espérer ! ) dans l’utérus de la mère, le foetus assiste, impuissant, à un complot dont les protagonistes sont sa mère, la belle, la sublime Trudy et son amant Claude qui n’est autre que le frère de son père. Et qui est son père ? Le poète John Cairncross, brillant et lettré, très amoureux de sa femme, que le bébé ne peut s’empêcher de comparer à l’infâme, grossier et ignare Claude. Les mystères du sexe et de l’amour le laissent perplexe ! C'est ce qu'imagine Ian Mc Ewan, avec son dernier roman  : Dans une coque de noix

Et quel complot, allez-vous me dire? C’est ce que l’enfant en devenir va s’efforcer de comprendre en espionnant les uns et les autres. Le meurtre du père ! Dès lors, la grande question du futur bébé sera : « naître ou ne pas naître? »

Le titre du roman Dans une coque de noix, outre qu’il fait allusion à la situation du bébé dans le ventre de sa mère, s'explique par les vers de Shakespeare issus de Hamlet  donnés en exergue  : «  O Dieu, je pourrais être enfermé dans un coque de noix et m’y sentir roi d’un espace infini, n’était que j’ai de mauvais rêves. »
En réalisant cette enquête policière in utero, Ian Mc Ewan signe un roman dont l’humour noir, au second degré, procure un vif plaisir ! Nous assistons donc aux interrogations du foetus angoissé, qui tel Hamlet, hait l’amant de la mère, cherche à sauver son père mais comprend bien que sa vie ne tient qu’à un fil si la mère échoue et meurt ! Et le voilà écartelé entre ses deux parents ! Cruel dilemme... si jeune !
Mais ne vous y trompez pas  ! Malgré le point de vue farfelu, l’enquête est conduite jusqu’au bout comme un véritable thriller où l’on craint tour à tour pour la vie du père, celle du foetus et de la mère. La passion, l’adultère, la jalousie, l’amour si proche de la haine, meurtre et fratricide, il s’agit bien de la tragédie shakespearienne traitée avec une savoureuse ironie !
Un brillant exercice de style !

vendredi 18 août 2017

Elizabeth George : Un patience d'ange



En promenant son chien dans la lande près du cercle de pierres de Nine Sisters Henge, au nord de l'Angleterre, une vieille dame découvre le cadavre d'un jeune homme, poignardé. La police, rapidement arrivée sur les lieux, ne tarde pas à trouver, non loin de là, le corps d'une jeune femme, tuée d'un violent coup à la tête. Et très vite les premières questions se posent : les victimes se connaissaient-elles ? Existait-il un lien entre elles ? Y a-t-il une raison pour que le meurtrier les ait tuées de deux façons différentes ? (Résume quatrième de couverture)

Un double meurtre sur une lande dans le Derbyshire. Elizabeth George nous concocte ici une intrigue vraiment complexe avec une foule de personnages qui tous auraient eu une raison - y compris ses propres parents-  pour tuer Nicola Maiden! Nicola, une fille qui n’a pas froid aux yeux et collectionne les amants comme des vieilles chaussettes ! Voilà de quoi  faire quelques mécontents ! Mais ce n’est pas tout ! Ce que l’on va découvrir sur elle au cours de l’enquête complique encore le récit  et l’on peut en dire tout autant, quoique pour d’autres raisons, du jeune homme occis en même temps qu’elle, Terry, artiste autoproclamé. Bien, n’oublions pas le prologue qui a une importance extrême et pourrait nous mettre sur la voie si nous étions plus fûtés.
 C’est tout à l’honneur de Elizabeth George de pouvoir nous tenir en haleine en nous amenant de fausse piste en fausse piste ! De plus elle nous balade dans des milieux interlopes pas piqués des vers qui feront votre éducation ! Et oui, l’on apprend beaucoup dans ce livre sur les milieux sado-masochistes !
J’ai bien aimé aussi, dans un tout autre ordre, me promener dans ce paysage du Derbyshire (même si l’auteure nous dit qu’elle a pris des libertés envers les lieux) au milieu de ces landes trouées de grottes, qui offrent des sites préhistoriques et des vieux châteaux en ruine.

C’est le premier livre que je lis de cette auteure aussi ai-je découvert ses personnages récurrents, les deux policiers : le très aristocrate Thomas Linley chargé de l’enquête, homme à principes, peut-être un peu misogyne, et sa coéquipière Barbara Havers issue du peuple. Celle-ci a du caractère et a l’air assez difficile à gérer mais est généreuse et humaine. Ma sympathie va à la seconde et j’aimerais bien lire le roman précédent qui l’a mise dans une situation difficile et l’a fâchée avec son chef. Quant à la victime Nicola, Elizabeth George a créé un personnage assez étonnant au point de vue psychologique  : une femme tellement exempte de préjugés et tellement libérée de toute morale judéo-chrétienne en ce qui concerne la sexualité déviante ou non, qu'elle paraît être une ovni.

En résumé un livre qui se lit bien et maintient notre intérêt pendant 650 pages !



mercredi 7 juin 2017

Olivier Truc : Le détroit du loup


Le printemps est synonyme de transhumance pour les éleveurs du Grand Nord. Chaque année moins nombreux, hommes et rennes traversent le détroit du Loup dans l'indifférence des puissants prospecteurs pétroliers. Mais la mort d'un jeune éleveur et celle du maire d'Hammerfest vont attiser la colère des uns et l'appétit des autres. Face à cette flambée de violence, la police des rennes mène l'enquête.
Journaliste, Olivier Truc vit à Stockholm où il est le correspondant du Monde. Dans Le Détroit du Loup, les lecteurs retrouveront Klemet et Nina, de la police des rennes, rencontrés dans Le Dernier Lapon (disponible en Points).  (quatrième de couverture)

…………………………………

Après Le dernier lapon dont l’action se déroule en hiver, Le détroit du loup d’Olivier Truc est vraiment le livre à lire quand on part en Laponie norvégienne, au nord du cercle polaire. Le récit a lieu de fin avril, début de la transhumance des rennes, au 12 Mai à Hammerfest, sur l’île de la Baleine, lieu de pâturage estival des rennes. Ce qui correspond en partie aux dates de mon voyage, avec ces jours qui ne cessent de s’étirer, cette absence d’obscurité qui entraîne chez Nina, la policière, norvégienne du sud-ouest, (et les françaises du sud-est), des insomnies récurrentes. Car c’est bien ce que j’apprécie le plus dans ce roman, la découverte d’un pays tel que je l’ai brièvement approché, de ces paysages démesurément étendus, du vidda enneigé à perte de vue, avec ses bouleaux étiolés, et du peuple sami qui s’accroche à ses coutumes, l’élevage des rennes, le nomadisme et la transhumance sur des terres qui leur appartiennent depuis l’origine. Un peuple peu à peu dépossédé de ces territoires et spolié par les multinationales pétrolières qui exploitent la mer de Barents au mépris de toute humanité et de tout respect de la nature.

Le vidda avec ses bouleaux nains
Laponie norvégienne : chez les samis Kautokeino au printemps : le départ des rennes a eu lieu
Kautokeino au printemps : le départ des rennes a eu lieu

Nous pénétrons dans le monde des éleveurs et j’aime que l’analyse d’Olivier Truc ne soit pas simpliste et manichéiste mais montre la complexité des problèmes engendrés par divers conflits : Entre les éleveurs eux-mêmes, les « aristocrates » fiers d’avoir des milliers de têtes et ceux qui sont forcés d’abandonner l’élevage et ainsi déclassés et méprisés; entre les samis et la population de Hammerfest gênée par les rennes qui circulent en ville; entre les puissances d’argent qui broient tout sur leur passage approuvées par le gouvernement volontiers complice et les sami qui doivent céder des pâturages et voir les lieux sacrés disparaître.
Un autre milieu dont j’ignorais tout est aussi très minutieusement analysé, c’est celui des plongeurs de grandes profondeurs. L’auteur nous apprend que dans les années 70-80 a eu lieu la grande et terrible épopée des plongeurs,  dans la Mer du Nord, qui n’étaient protégés par aucune règle et dont la mort et les maladies n’étaient pas de la responsabilité des compagnies pétrolières. Il montre aussi comment, à l’heure actuelle, ces personnes sont mieux encadrées, avec des règles de sécurité plus strictes, mais abandonnées par les multinationales en cas d’accident invalidant.

Quant à Nina et Klemet, les deux héros du récit, policiers des rennes en sapmi, nous voyons leur situation évoluer et découvrons le secret de Nina qui ne nous avait pas été révélé dans le premier volume.

Le livre est donc très intéressant et les thèmes traités bien analysés. Je lui reprocherai pourtant des lenteurs et des redites en particulier dans les rapports entre les deux policiers, une tendance au délayage qui empêche une adhésion totale. Il me semble que le roman serait plus efficace si l’action était plus resserrée, plus rigoureuse.

Laponie Finnmark Kautokeino : Tente sami (Lavvo) abandonnée au printemps pendant la transhumance
Kautokeino : Tente sami (Lavvo) abandonnée au printemps pendant la transhumance

vendredi 5 mai 2017

Olivier Truc : Le dernier lapon


Avant de partir en Laponie norvégienne, il est logique que je lise les livres de Olivier Truc, journaliste et écrivain français installé à Stockholm, spécialiste des pays nordiques et baltes. Et s’il y a quelqu’un qui connaît bien l’histoire, la culture et le mode de vie des Samis, c’est bien lui !  Je rappelle que le mot lapon étant péjoratif, c’est le terme politiquement et historiquement correct de Sami (ou Same) qui est employé de nos jours en Norvège pour désigner les habitants et de Sapmi pour le territoire qui s’étend sur quatre pays : Norvège, Suède, Finlande et Russie.

La Laponie ou Sapmi

Le pays Sapmi en Hiver

Rennes sur le vidda (source)

C’est par Le dernier lapon que je commence. Le récit se déroule en hiver, au mois de janvier,  entre la Laponie norvégienne, le Finnmark, dans les villes de Kautokeino et Alta et la Laponie suédoise à Kiruna. Nous sommes en pleine nuit polaire mais le lundi 11 Janvier, précisément, le soleil va faire sa réapparition de 11H24 à 11H41 soit 27 minutes d’ensoleillement, vécues comme un miracle par les habitants plongés dans l’obscurité complète depuis 40 jours.

« C’était la journée la plus extraordinaire de l’année, celle qui portait tous les espoirs de l’Humanité; demain, le soleil allait renaître. Depuis quarante jours, les femmes et les hommes du vida survivaient en courbant l’âme, privés de cette source de vie. »

Bien sûr, c’est le moment des aurores boréales, magnifiques, mais aussi d’un froid intense, des  - 40 ° avec un vent venu de Sibérie. C’est un endroit où l’on peut dire que le temps est redevenu « clément » lorsqu’il ne fait plus que -17 !
Nous sommes dans un pays d’éleveurs de rennes. Dans ces hauts plateaux désertiques, le vidda, qui s’étendent entre les fjords et les vallées, les rennes se nourrissent de lichens mais causent bien des problèmes aux éleveurs qui doivent surveiller constamment leurs troupeaux pendant l’hiver avant la grande transhumance vers les côtes au printemps. La création des frontières entre les quatre pays qui divisent désormais la Laponie créent des difficultés supplémentaires !
Les personnages principaux, Klemet Nango, policier sami, et Nina Nansen, nouvelle recrue norvégienne, venue du sud, qui appartiennent à la police des rennes, sont chargés d’arbitrer les litiges entre propriétaires quand les bêtes de troupeaux différents se mélangent, disparaissent ou franchissent les frontières.

L’intrigue policière

Un tambour de Chaman
L’intrigue policière est basée sur la géologie de la région extrêmement riche en minerais et qui excite dont la convoitise des grandes compagnies internationales. Des lois encadrent les éventuelles exploitations de mines qui vont à l’encontre des modes de vie des éleveurs nomades, d’où l’intérêt d’être le premier et d’agir dans l’ombre. Mais c’est aussi l’Histoire des Samis qui sous-tend toute l’histoire et c’est ce qui est passionnant pour qui veut connaître ce peuple.

Tout commence avec le vol d’un tambour de chaman dans le musée de Kautokeino, ce  qui cause un grand émoi dans la population same. En fait, les Samis, ont été christianisés depuis le XVII siècle,  peu à peu colonisés puis soumis à une assimilation forcée, par le gouvernement norvégien et par l’église. Les tambours de chaman ont été régulièrement confisqués et brûles par le clergé qui les considérait comme des instruments diaboliques, opposés à la vraie foi. Les persécutions ont été rudes dans le passé mais à l’heure actuelle, les conflits ne sont pas réglés. Certes, la Sapmi a gagné son autonomie, elle a son parlement, son université, sa police, la langue same est reconnue mais le racisme existe toujours incarné un parti d’extrême-droite, le parti du Progrès, qui attise la haine. Un collègue policier de Klemet et Nina, Lars Brattsen, un riche paysan Karl Olsen et le pasteur de la ville, sont les représentants de cette tendance. Le parti des Samis s’oppose à eux.
A ce vol, vient s’ajouter un meurtre, celui d’un pauvre éleveur Mattis que l’on retrouve mutilé.
Klemet et Nina qui jusque là n’avait eu à régler que des problèmes d’élevage, vont devoir résoudre cette double énigme, ce qui les amènera bien loin dans le temps et le passé du peuple same.

Mon avis

Mari Boine chanteuse de Joïk, chant traditionnel sami

Dans ce roman, on s’intéresse, à l’histoire policière qui présente bien des rebondissements. Mais la connaissance approfondie d’un pays et d’un peuple, l’abondance de détails, par exemple sur le symbolisme des tambours, les précisions sur la vie quotidienne, sur la religion, les coutumes, sur l’art - en particulier le chant, les joïks-, sur la géologie de la région, donnent à ce roman une densité particulière.
Les personnages de Klemet et Nina, d’abord un peu flous au début, se précisent peu à peu. j'espère que cela continuera dans le roman suivant. Mais ceux que j’ai préférés, ce sont les portraits saisissants que brosse Olivier Truc de certains éleveurs Samis, qu’ils soient apparemment frustres et pourtant complexes comme Mattis ou primitifs, durs, courageux et altiers comme Aslak. Le personnage du « méchant », le français Racagnal, est aussi réussi.

Un bon roman que je suis ravie d’avoir découvert juste avant mon départ pour le pays Sapmi. Je vais maintenant lire Le détroit du loup du même auteur. Il se passe au printemps et commence avec la migration des rennes vers la côte. On y retrouve les mêmes personnages.

lundi 13 mars 2017

Peter May : L’île des chasseurs d’oiseaux


L’île des chasseurs d’oiseaux  est le premier livre de la trilogie écossaise de Peter May. C’est le seul des trois que j’ai lu pour l’instant.
L'île de Lewis et Harris (source)
L’inspecteur Fin MCleod travaille à Edimbourg mais il est envoyé dans son île natale de Lewis, au nord de l’Ecosse, car un meurtre vient d’y être commis. C’est l’occasion pour Fin de revoir les lieux où il a passé son enfance, de rencontrer des gens qui ont fait partie de sa vie, camarades d’école, premier amour, de se remémorer ses parents aimants, morts trop tôt, et la tante qui l’a élevé. Tous ces souvenirs assaillent l’inspecteur mais le souvenir le plus fort et le plus mystérieux a trait à une coutume de l’île Lewis. Les hommes se rendent chaque année sur l’îlot rocheux de An Sgeir pour tuer des milliers d’oiseaux nouveaux-nés (guga en gaélique) qui nichent sur les falaises.
 Un voyage périlleux et dangereux qui constitue pour les adolescents une sorte de rite de passage initiatique.  Mais  Fin, lui, ne se souvient pas avec exactitude de ce qui s’est passé sur l’îlot quand il y est allé sinon qu’il y a eu mort d’homme, le père de son meilleur ami. Parallèlement à l’enquête policière, c’est une plongée dans la mémoire qui est ainsi menée et qui va révéler un pan tragique de sa vie occulté.
Les chasseurs de gugas (fous de Bassan)(source)
J’ai beaucoup aimé l’ambiance de ce roman dont la force tient dans la description de cette île qui a, certes, peut-être un peu évolué depuis l’enfance de Fin dans les années 70 mais qui est pourtant sensiblement la même. Attachés à ses traditions et à la langue gaélique, marqués par un religion austère, façonnés par le climat et leur travail (la terre ou la mer) les habitants de cette île sont des personnages rudes. Les jeunes gens ne rêvent qu’à une chose : quitter l’île comme l’a fait Fin Mcleod en son temps !

Ilot rocheux de Sgeir (source)
 Peter May révèle une puissance d’écriture certaine quand il entreprend le récit de la chasse aux oiseaux sur l’îlot de An Sgeir. Il y a dans le sacrifice des Fous de Bassan, dans le sang versé, les dangers partagés, la cadence infernale, la longueur de l'épreuve (deux semaines) une sorte de rite primitif ; les hommes se retrouvent soudés par une solidarité viscérale qui n’a plus rien à voir avec la raison. Cette chasse qui, jadis, obéissait à des impératifs économiques (un peuple très pauvre qui trouvait là de quoi se nourrir après un hiver rigoureux) n’est plus une nécessité. Mais elle se poursuit malgré les combats menés par les écologistes. Les hommes risquent donc leur vie gratuitement sur ces falaises suspendues au-dessus de l’océan parce que c'est la tradition et aussi, comme le dit l’un d’entre eux, « parce que personne d’autre ne le fait, nulle part dans le monde; Nous sommes les seuls ».  D'autre part, tous les personnages se révèlent, au fil du roman, liés entre eux par un lourd passé dont ils ne peuvent se délivrer. Ces passages sont des grands moments du roman, assez inoubliables. Quant à l’intrigue policière proprement dite, elle est en relation avec le passé de Fin Mcleod mais je ne vous en dirai pas plus..


samedi 11 mars 2017

Donna Leon : Requiem pour une cité du verre



Tassini, veilleur de nuit dans une verrerie, est obsédé par les déchets toxiques que les entreprises locales rejettent dans les eaux de Venise. Une pollution qui serait responsable, selon lui, du handicap de sa petite fille. Un matin, Tassini est retrouvé mort devant l'un des fours de l'usine maudite. La thèse de l'accident ne satisfait pourtant pas le commissaire Brunetti. 

L'île de Murano

Née dans le New Jersey, Donna Leon vit depuis plus de vingt ans à Venise. Requiem pour une cité de verre est la quinzième enquête qui met en scène le commissaire Brunetti. (quatrième de couverture)

Murano
Requiem pour une cité du verre est un roman policier assez classique avec une enquête bien menée par le commissaire Brunetti et dont le grand intérêt est comme chaque fois Venise ! Donna Leon s'intéresse plus particulièrement ici à Murano et aux dangers que font courir à Venise les déchets toxiques qui se déversent dans la lagune. Ces préoccupations écologiques concernent  l'industrie du verre extrêmement polluante, désormais réglementée et contrôlée. Mais pas seulement ! Il est question aussi de Marghera, le port commercial et industriel de Venise, qui est une menace permanente non seulement pour l'environnement mais aussi pour Venise et ses habitants du fait de la présence d'hydro-carburants et de produits chimiques. C'est l'activité de Marghera qui contrecarre tous les projets de sauvegarde de la cité. Le livre est donc une dénonciation de cet état de fait et nous montre le côté sombre de Venise.

La cristalleria Murano
J'ai donc beaucoup aimé ce roman et ceci d'autant plus qu'il nous fait pénétrer dans une Fornace et assister à la fabrication de l'objet en verre, au savoir-faire du maestro, aux différentes étapes de la fabrication et du traitement des déchets.
J'aime bien aussi le commissaire Brunetti qui reste toujours très humain, en empathie avec les pauvres gens de notre siècle, pas beaucoup mieux que ceux du XIX si j'en crois Donna Leon, ces ouvriers exploités qui ne semblent pas avoir de protections sociales solides et peuvent être renvoyés par les patrons s'ils ne peuvent plus travailler.

Quelques extraits à commenter

Murano
Le retour du printemps était aussi synonyme du retour des touristes dans la ville et, avec eux, du bazar habituel; c'est ainsi que la migration des gnous attire les chacals et les hyènes. Les Roumains, champions du bonneteau, s'installaient sur les ponts, d'où leurs sentinelles surveillaient l'arrivée de la police.

 Voilà  qui fait plaisir lorsque, comme moi, on revient de Venise ! Etre comparé à un gnou n'a rien de bien glorieux ! Quant aux chacals et aux hyènes, ce sont les Roumains... Mais Donna Leon est-elle autre chose qu'un gnou sédentarisé?

Etant donné que les chinois n'ont pas encore inventé le verre, répondit-elle sur le ton ironique qu'on réservait pour parler de la manie des Chinois de Venise tout acheter - en tout cas, pas le verre vénitien - ....

En effet, les Chinois rachètent tout à Venise, en particulier les magasins. Et s'ils ne s'intéressent pas aux fabriques elles-mêmes, c'est parce qu'ils font fabriquer les verres de "Murano"... en Chine !  Il n'est plus question du savoir faire ancestral du verrier de Murano, ni du verre filé, pièce unique fabriquée à la main. Les boutiques tenues par des Chinois proposent des prix cassés, des "soldes" à longueur d'année, qui mettent en péril l'artisanat de l'île. Cela donne aussi à Venise une autre coloration, moins brillante. Il reste encore quelques belles vitrines mais elles voisinent désormais avec d'autres bon marché. Il est peut-être agréable aux touristes d'acheter une famille de verre filé entre 3 et 5€ mais ce n'est pas du Murano et cela n'en a pas la finesse!
 
 En effet, le procès intenté au complexe pétrochimique de Maghera pour pollution de la terre, de l'air et de l'eau de la lagune traînait depuis des années. Tout le monde le savait, en Vénétie, comme tout le monde savait qu'il allait encore traîner de nombreuses années - jusqu'à ce qu'il y ait prescription  et que son âme soit reléguée dans les limbes ou vont les affaires judiciaires en coma dépassé.

Toujours la même vieille histoire ! Dès qu'il y a conflit entre les intérêts économiques et la santé des habitants, la beauté de l'art et la valeur inestimable du patrimoine, on sait qui va l'emporter !


samedi 11 février 2017

Lars Pettersson : La loi des Sames




Lars Pettersson est suédois. Au cours d’un reportage, en 1990, il découvre le pays des Sames (un peuple de Laponie) à Kautokeino en Norvège, dans le comté du Finnmark.  Il faut savoir que les  Lapons dont les Sames sont installés sur trois pays, la Finlande, la Suède et la Norvège, au-delà du cercle polaire, et que les rennes ne connaissent pas de frontières !

Dans La loi des Sames, Anna est procureur en Suède. D’origine sami, elle s’est éloignée de son peuple parce que sa mère a fui sa famille qui vit à Kautokeino pour s’installer à Stockholm. Elle a épousé un suédois si bien que Anna a été élevée en Suède. Pourtant lorsque sa famille, en raison de ses connaissances juridiques, l’appellent au secours de son cousin Nils, éleveur de rennes, accusé de viol, elle n’hésite pas.  Ce pays, elle ne le connaît que par quelques lointains souvenirs de vacances quand elle était enfant. Aussi l’on peut dire que c’est pour elle une découverte. Elle va être soumise non seulement aux rigueurs de l’hiver mais aussi aux problèmes de mentalité.

La loi des Sames est un roman policier. Anna va mener son enquête avec un policier local et va vite se demander si son cousin est aussi innocent que tous le prétendent. Mais elle comprend aussi que la survie de la famille est en jeu car Nils est le seul  à pouvoir maintenir le troupeau (le grand père est trop âgé). Elle prend conscience que sa mère en quittant Kautokeino a trahi sa famille et que sa culpabilité rejaillit sur elle, sa fille.
Anna va être aussi confrontée à des meurtres dont elle s’apercevra bien vite qu’ils ne sont pas étrangers aux vols de bêtes que les grands propriétaires-éleveurs font subir à ceux qui sont les plus faibles. Entre la loi norvégienne ou suédoise et la loi same, implicite, celle de la tradition, existe un hiatus que rien ne semble vouloir combler. Entre les deux, Anna va connaître bien des tiraillements et des problèmes de conscience. C’est un thème que j’ai trouvé très intéressant de même que la découverte du passé et du caractère de sa mère disparue depuis peu. Quant à l'héroïne, on peut dire qu'elle n'a pas froid aux yeux et qu'elle n'est pas une faible femme !
Mais ce que j’ai préféré, bien sûr, c’est la description de ce pays rude tout autant que son peuple, qui ne fait pas de cadeau et où le moindre accident de voiture ou de scooter des neiges peut se transformer en catastrophe  : routes enneigées,  lacs gelés et  cieux noirs parfois illuminés d’aurores boréales. Et puis, la découverte des coutumes, des traditions, des costumes sames dont les couleurs vives et gaies semblent vouloir lutter contre la maussaderie du climat, de la culture avec le Joik, ce chant sami si caractéristique et bien sûr tout ce qui concerne l’élevage des rennes pour tous les éleveurs qui ne se sont pas sédentarisés.

Pour moi, ce livre est d’autant plus intéressant que je vais partir en Norvège au mois de Mai dans le pays des Sames, à Alta et à Kautokeino, au moment de la transhumance des rennes. D’après les critiques, il paraît que les romans d’Olivier Truc sur le même sujet, sont plus réussis que celui-ci mais je ne peux pas comparer car je ne les ai pas encore lus.  Mais… cela ne va pas tarder !